|1|...son agressivité et faisait jaillir son venin sur quiconque tentait de l'approcher, moi y compris. Il n'a jamais été violent physiquement, non. Mais il m'a détruite intérieurement

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1.

Je me rappelle...

Je me rappelle de cette lueur perçue dans ton regard la première fois que nos yeux se sont croisés,de mon cœur qui s'est mis à battre si fort, comme si un violent orage venait d'éclater en moi... Unorage si puissant et pourtant si apaisant à la fois... Je me rappelle de la douceur de ton visage, de testraits si lumineux et si purs... De cette espèce de perfection que j'ai vue en toi, sans même teconnaître, comme si tu étais tout juste tombé des cieux...

Je me rappelle de l'ondulation de tes cheveux, d'un brun presque noir, qui semblaient ne pas vouloirrester en place, comme impatients d'aller explorer avec toi de nouveaux horizons pour y cueillir toutce que la vie aurait de plus beau à t'offrir...

Je me souviens du premier sourire échangé après une maladroite bousculade, dans une sorte dedouce timidité, tout en ayant le sentiment étrange qu'un plus pourrait arriver... Un beaucoup plus enréalité...

Je me souviens qu'une furtive pensée a traversé mon esprit à ce moment-là me murmurant : « Alorsc'est donc ça qu'on ressent quand on croise enfin le chemin de sa moitié... »

Puis j'ai vu ces délicieuses fossettes se creuser dans tes joues alors que ton sourire s'élargissait unpeu plus encore, comme si tu avais entendu ma pensée...

À vrai dire, et pour la première fois de ma vie, je m'en fichais que tu entendes ma pensée... Jevoulais que tu entendes cette pensée, que tu saches à quel point je me sentais enivrée par cet instantsi court et pourtant si chargé de sens. C'était comme si le temps s'était arrêté, comme si plus riend'autre n'existait.

Il n'y avait plus que toi et moi... Tous ces gens autour de nous avaient disparu... Le monde autour denous s'était effacé, et il n'y avait plus que nous deux, dans ce bref instant d'éternité...

Et puis il y avait ce je-ne-sais-quoi qui me bousculait... Jamais encore je n'avais vu une telleauthenticité dans les yeux d'un homme, ni dans ceux d'une femme d'ailleurs. C'était comme si tuavais accepté de te présenter à moi tel un livre ouvert que tu me laisserais explorer à ma guise.C'était comme si tu avais mis ton âme à nu devant moi en me disant : « Viens... Tu es ici commechez toi... »

J'aurais pu rester ainsi durant des heures à contempler ton doux visage, et tu ne semblais pas pluspressé que moi de sortir de cet échange aussi silencieux que magique.

C'est ainsi que tout a commencé...



***

La réalité est cependant venue nous rattraper lorsqu'une voix féminine qui semblait jaillir de toutesles directions à la fois nous a demandé de bien vouloir reprendre nos places pour la suite de laconférence... J'ai alors senti quelqu'un me tirer par le bras et j'ai vu le visage de mon amie Jennysurgir devant moi, ne laissant plus que tes yeux à la portée des miens... Tes yeux... Mélange subtilde gris et de bleu, comme de merveilleux cristaux qu'on serait allé cueillir tout au fond de l'océan.

Et puis la foule s'est interposée entre nous et tu as disparu... Je ne t'ai d'ailleurs plus revu ce jour-là,comme si tu n'avais été que le fantôme d'un amour passé, celui d'un autre temps ou d'une autre vie,venu ici simplement pour me rappeler à quel point c'était bon de sentir son cœur battre et de savoirqu'on est en vie... venu ici pour me rappeler que le fait d'exister signifiait avoir de multiplespossibilités autres que de se noyer dans une vie qui n'était pas la sienne.

Quelque chose s'est déclenché en moi ce jour-là. Comme une sorte de raz de marée qui submergetout pour nous obliger à reconsidérer totalement ce que sont nos existences et nos priorités, commepour nous montrer ce qui compte vraiment tout en nous rappelant que le temps dont nous disposonsest précieux et qu'il ne faut pas en perdre une seule seconde...



2.

Je n'ai pas dormi cette nuit-là... Je me sentais pourtant parfaitement sereine, parfaitement apaisée,mais je savais que le moment était venu pour moi de faire certains choix... Choix que j'avais déjàfaits par le passé et qui venaient à nouveau s'imposer à moi.

Je n'avais aucune idée de qui tu étais ni si je te reverrais un jour ou non, mais après avoir ressentiune telle intensité à travers un simple échange de regards, je savais que ma vie ne pourrait plusjamais être la même. Il ne m'était plus possible de continuer mon chemin tel que je le vivais depuisplusieurs années, en cherchant à occulter ce qui se présentait pourtant à moi comme une évidence.

Voilà 10 ans que je vivais une relation de couple des plus chaotiques. Nous nous aimions pourtant,ou en tout cas, nous nous étions aimés, mais quelque chose s'était brisé et j'avais depuis le sentimentqu'on ne pourrait plus jamais le réparer. Ce n'était pas le poids des années qui pesait sur nos épaules,mais le poids des blessures. Celles qui nous appartenaient à l'un et à l'autre, et celles que nous nousétions mutuellement infligées.

Nous étions encore si jeunes lorsque nous nous sommes rencontrés. Nous avions tellement d'espoirquant au fait de pouvoir enfin nous poser que nous nous sommes jetés à corps perdu dans cettehistoire, fonçant tête baissée et ignorant tous les signaux d'alerte que la vie plantait pourtantrégulièrement devant nos pieds.

Nous étions un peu comme deux animaux blessés, deux êtres qui avaient déjà beaucoup souffert,qui ne s'étaient jamais vraiment sentis aimés. Nous avions eu pendant longtemps le sentiment de nepas exister vraiment jusqu'à ce que chacun de nous se reconnaisse en l'autre.

Nous portions les mêmes fardeaux, même si nos chemins avaient été différents et que nos blessuresne s'exprimaient pas de la même façon...

Pendant que je me recroquevillais sur moi-même et souffrais silencieusement, lui laissait exploserson agressivité et faisait jaillir son venin sur quiconque tentait de l'approcher, moi y compris. Il n'ajamais été violent physiquement, non. Mais il m'a détruite intérieurement à coup de jugements, deremarques acerbes, d'humiliations et j'en passe, ne dépassant jamais une certaine dose en publicpour continuer à cultiver l'image du brave type qui ne ferait pas de mal à une mouche, et chargeantaussi fort qu'il le pouvait dans l'intimité de notre chez-nous pour ensuite me laisser entendre quec'était moi qui avais un problème. Il n'était pourtant pas comme ça au début. Ou alors c'est moi quim'étais aveuglée totalement tant j'espérais avoir enfin trouvé celui auprès de qui vivre mon rêve deconte de fées.

Avec le recul je me dis que j'ai sans doute participé activement à ce massacre, comme une sorte devictime consentante, parce que finalement, quand il me laissait entendre que je ne valais rien, c'estaussi ce que je pensais de moi-même, et je le laissais alors continuer à me blesser.



C'était le genre d'hommes qui passait son temps à se rincer l'oeil sur tout ce qui bougeait, à faire desremarques très explicites tout en vous donnant le sentiment que vous n'existiez pas, vous qui étiezjuste à ses côtés, vous qu'il avait choisie, vous qu'il prétendait aimer... et qui vous disait ensuited'aller vous faire soigner avec votre jalousie à la con...

C'était le genre d'hommes à vous accuser de tous ses malheurs et de toutes ses difficultés. C'étaittoujours vous, vous et encore vous, et le pire dans tout ça, c'est que vous finissiez par croire qu'ilavait raison.

Et puis quand j'éclatais en sanglots et que j'en arrivais à un tel point de saturation que jecommençais à réagir, il redevenait doux comme un agneau, me couvrant de gentillesse, de tendresseet d'attention. Et à chaque fois, je recommençais à y croire, à croire que ça n'avait été qu'un« accident », une petite crise parce que j'avais sans doute fait quelque chose de travers. Mais àchaque fois ça recommençait. Je me pliais en quatre pour lui faire plaisir et tenter de le rendreheureux, mais plus j'étais douce et bienveillante envers lui, et plus il s'acharnait sur moi. C'était unpeu comme avoir en face de soi le docteur Jekyll qui finissait immanquablement par redevenirMister Hyde...

J'avais l'impression parfois que ma joie de vivre et ma bonne humeur naturelles le dégoûtaient.Finalement, il n'était agréable que lorsque moi j'allais vraiment mal et ces montagnes russes ontcontinué ainsi pendant plusieurs années... C'était totalement incompréhensible pour moi et tellementéloigné de mon mode de fonctionnement que je finissais toujours par lui trouver toutes sortesd'excuses ou par m'accuser moi-même pour ses débordements. J'ai toujours été convaincue pourtantqu'il n'était pas quelqu'un de mauvais et que ses réactions devaient être la conséquence d'une trèsgrande souffrance intérieure et de beaucoup de maladresse aussi. Il m'est arrivé plus d'une fois devoir qui se cachait derrière la façade quand il acceptait enfin de laisser tomber son armure. J'aitoujours espéré que cette facette de lui puisse se libérer complètement, mais à chaque fois que jepensais que cette fois, on allait pouvoir avancer dans la bonne direction, l'étau se resserrait un peuplus.

Quand j'ai commencé à ouvrir les yeux, très douloureusement, quant à l'impasse dans laquelle nousavancions visiblement, il était déjà trop tard. J'avais mis au monde une magnifique petite fille un anplus tôt, un vrai rayon de soleil qui m'a peut-être bien sauvé la vie en débarquant dans la mienne.

Ne voulant pas briser cette famille à peine fondée, je me suis accrochée autant que j'ai pu, passantmon temps à me remettre en question et à me demander ce qui n'allait pas chez moi sans jamaissonger à pointer du doigt mon compagnon... J'ai tenu bon pendant encore 4 ans, et puis, lasouffrance qui avait fini par se transformer en colère puis en rage m'a enfin donné le courage defranchir le pas. Je lui ai alors annoncé que je voulais qu'on se sépare. Moi qui m'étais persuadée à cemoment-là qu'il ne m'avait jamais aimée, je l'ai vu fondre en larmes, comme un petit garçon quiserait sur le point d'être abandonné par la seule personne au monde qu'il lui restait... et ça ne m'arien fait.

J'étais devenue un mur de glace... Moi qui avais toujours vécu mes émotions à fond, je ne ressentaisabsolument plus rien, plus aucune étincelle, plus aucune lumière. Il n'y avait plus que la froideur dela colère et même de la haine en moi. Une haine silencieuse, immobile, comme un prédateur quiguetterait dans l'ombre sa proie pour pouvoir le moment venu se jeter sur elle et la dévorer, sansaucun état d'âme.



La présence de Simon à mes côtés était devenue un véritable poison. Je ne me reconnaissais plusmoi-même, je n'étais plus qu'un fantôme, errant sans but dans une vie qui n'avait plus de sens.

Seule ma fille arrivait encore à me donner le sourire. C'était une vraie petite merveille que je n'ai pucommencer à apprécier à sa juste valeur qu'après la première mort de mon couple, quand celui quej'en étais venue à détester eut enfin quitté la maison, cette maison que j'avais heureusement achetéepeu de temps avant notre rencontre, soutenue par mes parents qui me disaient que tant qu'à payerchaque mois pour avoir mon propre logement, j'avais autant investir l'argent dans un bien qui seraitle mien. Et ce fut une excellente idée, car mes frais mensuels n'avaient quasiment pas changé alorsque la surface de mon lieu de vie était passée du simple au double, jardin et rue paisible à la clé. Etsurtout, je n'avais pas eu besoin de quitter ma maison et de dépayser un peu plus encore notre fille àcause de la séparation. Elle gardait au moins un point de repère fixe au milieu de tout ce chaos.

Je n'en pouvais tellement plus de la présence de Simon, de son agressivité qui avait redoublé depuisqu'il avait compris que je ne reviendrai pas en arrière, que je me suis mise à pleurer de joie et desoulagement quand enfin il est parti. C'était comme une renaissance. Toute ma colère est retombéed'un coup. J'ai recommencé à me sentir exister. J'ai eu le sentiment de pouvoir enfin respirer ànouveau. J'ai recommencé à prendre du plaisir à tout ce que je faisais, et même les tâchesménagères ont commencé à avoir de l'intérêt... C'était si bon d'être libre à nouveau. C'était comme sion m'avait ôté un carcan bien trop serré, comme si je pouvais enfin reprendre mon souffle après êtrerestée en apnée durant des années.

Malgré cela, je dois dire aussi que je ressentais une certaine culpabilité, pas seulement parce quec'est moi qui avais pris la décision de fuir ce couple-poison, mais aussi et surtout parce que c'est moiqui brisai officiellement notre famille. Je voulais tant offrir à ma fille un doux cocon entre deuxparents soudés et unis, et là, j'avais tout simplement choisi la mauvaise personne et elle allait devoirencore bien plus que moi en payer le prix.

La séparation a été très difficile. Ma fille me manquait terriblement quand elle était chez son papa.Ce dernier cela dit, une fois qu'un peu de temps se fut écoulé, redevint un vrai petit ange. Il étaitredevenu celui que j'avais aimé, celui avec qui j'avais voulu m'engager et fonder un foyer.

Après deux années chacun pour soi, deux années pendant lesquelles il n'avait eu de cesse de mefaire les yeux doux pour tenter de me reconquérir, j'ai fini par y retourner, persuadée que cette foisce serait différent... Pauvre folle me direz-vous... Sans doute, mais je crois aussi que c'était uneétape nécessaire pour que nous puissions terminer ce qui n'avait pas été correctement achevé.

J'aimais toujours cet homme et j'avais toujours espéré qu'un jour il finirait par ouvrir les yeux et parchanger. Et quelque part, c'est bien ce qu'il avait fait. Il était devenu plus calme et plus posé. Ils'était rendu compte d'un certain nombre de ses erreurs, comme j'avais de mon côté commencé àpanser mes plaies et à m'affirmer.

Je savais à présent ce que je voulais et ce que je n'accepterai plus jamais, et le regard que je portaissur ma propre personne avait lui aussi changé.

Tel un miroir qui ne ferait que refléter mes propres jugements, Simon était devenu plus doux etpresque bienveillant.

Nous semblions avoir tous les deux grandi, mûri...



Pendant un temps on aurait pu nous prendre pour un couple « normal » et heureux, jusqu'à ce quemon intuition me guide vers un écran d'ordinateur laissé allumé durant un coup de fil, et quequelque chose me pousse à faire défiler l'écran de sa boîte mail jusqu'à tomber sur d'anciensmessages échangés avec une ex de Simon, durant les premières semaines qui avaient suivi la reprisede notre relation, ex avec qui il avait vécu une courte histoire et qu'il avait quittée pour que nousnous donnions une nouvelle chance...

Ce que j'y ai vu pourtant n'avait rien à voir avec de simples nouvelles d'ordre amical, et je me suiscomplètement effondrée en voyant les mots et les photos plus qu'explicites qui avaient étééchangés... C'était comme si une bombe avait explosé en moi. C'était comme si on m'avait enfoncéun poignard en plein cœur et qu'on s'était ensuite amusé à le faire danser dans ma poitrine pourlaminer jusqu'à la dernière parcelle de mon être. J'ai senti mon cœur se briser en mille morceaux cejour-là, parce que je savais depuis le départ que si Simon me trahissait un jour, il n'y aurait plus deretour en arrière possible pour moi. Ça voulait à présent dire perdre notre dernière chance deconstruire une famille heureuse et soudée ensemble, et devoir à nouveau m'éloigner de ma fille quej'aimais plus que tout.

J'ai regardé les dates, encore et encore, espérant à chaque fois que ce soient mes yeux qui me jouentdes tours, mais non... Il n'y avait pas de doutes possibles. Ces échanges avaient bien eu lieu après lareprise de notre relation, et ils signaient inévitablement son arrêt de mort.

Une fois son coup de fil terminé, Simon est revenu vers l'ordinateur, s'arrêtant net en voyant monexpression horrifiée. J'étais en larme, totalement bouleversée, et n'émettant pourtant pas un seul son.C'était comme si mon âme s'était soudainement glissée hors de mon corps pour ne laisser plus quedu vide... Du vide et de la souffrance... Jamais je n'avais eu aussi mal de toute ma vie. Mêmelorsque Simon s'était acharné sur moi par le passé avec ses remarques cinglantes.

Tous mes espoirs quant au fait de pouvoir un jour faire de ce couple et de cette famille quelquechose d'extraordinaire venaient d'être anéantis. Je ne savais plus où j'étais, ni qui j'étais. J'avais justeenvie de fuir, d'aller me cacher dans un coin et de me recroqueviller sur moi-même pour qu'il nepuisse plus jamais rien m'arriver.

Le pire dans l'histoire, c'est que la première réaction de Simon a été de me hurler dessus quand ils'ést rendu compte que j'avais regardé sa boîte mail. Il venait d'être pris la main dans le sac, il avaiten plus laissé sa boîte mail ouverte et l'écran allumé, glissant sous mon nez tout ce qu'il fallait pourme détruire complètement et bousiller notre couple et notre famille par la même occasion, et il s'enprenait à moi ?! C'était le monde à l'envers.

Puis j'ai commencé à lui parler, en essayant de m'exprimer distinctement malgré ma voix et toutmon corps qui tremblaient. Je lui ai demandé de s'expliquer et je l'ai supplié de me dire la vérité.

Il m'a assuré qu'il n'y avait rien eu de physique, qu'il n'avait jamais recouché avec cette fille... Il n'yavait eu que quelques échanges virtuels et un « baiser d'adieu » lorsqu'elle était venu récupérerquelques affaires laissées chez lui un mois après leur rupture. Il lui avait alors expliqué qu'il voulaitêtre avec moi et que leur relation était belle et bien terminée...

Pour moi ça ne changeait absolument rien... Les messages et les photos échangés après la reprise denotre relation avaient été clairement de nature sexuelle... Et il avait revu cette fille en prétextant ce



jour-là avoir une course à faire... Je m'en souvenais parfaitement. Je me souvenais avoir remarquéquelque chose d'étrange dans son comportement ce jour-là, avoir ressenti quelque chose de trèsdésagréable au fond de moi, sans pour autant écouter. J'avais choisi de lui faire confiance... Et voilàce qui était arrivé... Mais même en faisant un autre choix, aurais-je pu empêcher quoi que ce soit ?Je ne le crois pas... Et qui savait à présent quelle était la vérité... N'y avait-il vraiment rien eud''autre qu'un baiser ? Le doute qui m'habitait était totalement insupportable... Autant que la douleurprovoquée par ses actes. J'en étais même venu à me demander s'il était bien présent en esprit avecmoi lorsque nous faisions l'amour ou s'il pensait à cette fille... Ca me rongeait totalement. Je croisque le pire dans l'histoire n'était pas les faits en eux-mêmes, mais surtout ce sentiment d'horreur, cesentiment que tout venait d'être détruit et que rien ne pourrait plus jamais être comme avant...

C'était comme si, en un éclair de temps, tout mon monde et tous mes rêves avaient été brisés etpiétinés.

Je me sentais salie, trahie, humiliée...

J'avais le sentiment d'être l'idiote de service qui s'était fait avoir une nouvelle fois parce qu'ellen'avait pas compris la leçon dès le départ.

Est-ce que j'aurais préféré ne jamais tomber sur ces messages ? Non... La simple idée que j'aurais pupoursuivre cette relation tout en ne sachant pas ce qu'il avait fait dans mon dos me répugnait au plushaut point. Je ne pouvais tout simplement pas supporter l'idée d'être prise pour une idiote et encoremoins que Simon puisse poursuivre sa petite vie en toute quiétude alors qu'il m'avait poignardéedans le dos, se croyant tout permis et faisant comme si de rien n'était...

D'une certaine façon, en quittant Simon la première fois, j'avais gagné. Il m'avait fait énormémentde mal et j'avais eu le courage de dire stop. Ça avait été aussi une façon de lui renvoyer la balle, dele « punir » pour toutes les blessures causées, et ma fierté avait été ainsi sauvée. Et là, après avoircédé à ses avances et avoir espéré naïvement qu'enfin un vrai nouveau départ puisse prendre formepour notre couple et notre famille, j'avais l'impression d'être tombée dans un piège, d'avoir subi unesorte de vengeance terriblement sournoise.

Ce n'était visiblement pas le cas, car Simon a fait des pieds et des mains suite à ça pour tenter de sefaire pardonner. Il m'a expliqué un million de fois au moins qu'il n'avait pas réfléchi, qu'il avait étéfaible et stupide parce qu'il s'était senti perdu. Il m'avait dit avoir énormément souffert de notreséparation - et peut-être bien que c'était vrai au final – et que lorsque nous avions repris notrehistoire il avait eu très peur d'être à nouveau rejeté et avait de ce fait fait n'importe quoi.

Il a même fini par accepter de venir avec moi à des séances de thérapie de couple, chose qu'il avaittoujours refusée fermement avant que je ne le quitte.

J'ai moi aussi voulu y croire, croire qu'un jour ma douleur finirait par s'apaiser, que j'allais pouvoiroublier ou passer au-dessus, mais à chaque fois que je le regardais, à chaque fois qu'il prononçaitcertains mots ou qu'on évoquait quoi que ce soit qui me faisait repenser aux échanges qu'il avait eusavec cette traînée, la douleur revenait de plus belle.

Je me suis accrochée autant que j'ai pu, parce que je voulais être auprès de ma fille chaque jour dema vie... Je ne voulais plus lui imposer une nouvelle séparation et toutes les souffrances qui allaientavec pour elle aussi, elle qui ne comprenait pas pourquoi papa et maman ne pouvaient pas resterunis à ses côtés... Mais quelque chose était mort en moi... Je savais que je ne pourrais plus jamais



refaire vraiment confiance à Simon, et que même si je l'avais vu devenir petit à petit une nouvellepersonne grâce à la thérapie, les images et les mots que j'avais vus sur cet écran d'ordinateurresteraient à jamais gravés dans ma mémoire, du moins tant que je resterais avec lui.

Avec le temps notre lien s'est apaisé et les douleurs se sont faites plus silencieuses, mais malgré laprofonde affection que je portais toujours à Simon parce que je savais qui il était derrière sonmasque, je me suis réveillée un beau jour en me rendant compte que je ne voulais plus avancer à sescôtés. Je ne pouvais tout simplement plus l'envisager...

J'ai voulu prendre le temps de réfléchir, j'ai continué malgré tout à chercher des solutions plutôt qued'accepter d'écouter immédiatement cette petite voix en moi qui me soufflait que c'était terminé, netrouvant pas encore la force de franchir le pas une nouvelle fois et de devoir à nouveau toutrecommencer.

Et puis ce jour-là est arrivé. Ce jour où ton regard a croisé le mien, et là j'ai enfin su...



3.

Je ne savais pas à ce moment-là si j'allais te revoir un jour, si tu étais censé faire partie de ma vie ounon... Quoi qu'il en soit, il était devenu clair pour moi que mon chemin se trouvait dans une autredirection que celle que je suivais depuis tant d'année, et c'est ce qui m'a permis de dire enfin aurevoir à Simon.

Il n'y a eu ni drame ni heurt ce jour-là. Après avoir passé presque toute la nuit éveillée, lorsque lui-même a ouvert les yeux à mes côtés, j'ai caressé doucement son visage pendant un long moment,puis je lui ai souri tristement, et je lui ai simplement dit : « merci d'avoir essayé... »

Une larme a perlé sur sa joue et j'ai alors su qu'il avait compris. Il savait lui aussi depuis un momentje pense que notre histoire touchait à sa fin. Mais après toutes ces épreuves, après toutes cestentatives de recoller les morceaux, je crois que ni l'un ni l'autre n'osions regarder en face la cruellevérité... Nous n'étions pas faits l'un pour l'autre.

Nous avons regardé notre relation mourir à petit feu, peut-être parce que ça faisait tout simplementtrop mal de continuer à la voir vivre.

Est-ce que je regrette ces années passées avec Simon ? Aujourd'hui je peux dire sincèrement quenon, déjà parce que sans lui, Jade n'aurait jamais fait partie de ma vie, et rien que sa présence dansmon existence a toujours été un véritable cadeau du ciel.

Ensuite, je dois dire aussi que sans les douleurs que Simon m'a infligées, je ne serais sans doute pasdevenue la personne que je suis aujourd'hui, tellement plus paisible, tellement plus sereine et plusheureuse.

Je n'irais pas jusqu'à remercier Simon évidemment pour tout le mal qui a été fait, mais je me dis quepeut-être, il a été le compagnon parfait pour moi à ce moment-là, non pas pour construire une vie decouple et de famille heureuse comme je l'espérais, mais pour grandir, pour me permettre dedéployer mes ailes et de découvrir qui j'étais véritablement.

Peut-être que j'avais besoin de son venin pour me rendre compte que je n'étais pas la personnemisérable que j'avais toujours cru être. Peut-être que j'avais besoin de ses critiques pour que jecommence à me révolter et que je puisse me rendre compte que je n'étais pas indigne d'être aimée.Peut-être qu'il fallait que quelqu'un me bouscule suffisamment fort pour qu'enfin j'ouvre les yeux etque je commence à me regarder telle que j'étais... Telle que j'étais vraiment...

Ce chemin aurait-il pu être fait auprès d'une personne douce et bienveillante ? À vrai dire, je n'ensuis pas certaine. Je crois que j'étais tellement enfoncée dans ma torpeur qu'il me fallait un véritableouragan pour qu'enfin je puisse m'envoler, et c'est là que Simon était arrivé...

Et le voilà à présent qui repartait, encore une fois. Contrairement à ce qui s'était passé



précédemment, cette séparation s'est déroulée assez paisiblement. Même si c'était douloureux pourchacun de nous, nous avions conscience du fait que c'était le mieux pour nous... pour nous troisd'ailleurs.

Même si nous tentions de la tenir autant que possible à l'écart de nos disputes, les enfants ont undon pour ressentir les choses, et Jade voyait bien que nous souffrions tous les deux. Je souffraisencore beaucoup de la trahison de Simon et refusais de lâcher le morceau, de passer l'épongecomme si rien ne s'était passé... Et lui souffrait sans doute aussi de voir à quel point ses actesm'avaient dévastée et de subir régulièrement encore le feu de mes reproches.

J'étais constamment tiraillée entre l'amour que je lui portais toujours et ma totale incapacité à lelaisser poursuivre sa vie en toute quiétude alors que j'avais été si profondément meurtrie. Jeressentais une si profonde injustice à ce sujet et je ne savais pas comment faire pour trouver lapaix...

Le désir de lui rendre la pareille m'avait longtemps poursuivie, mais pas tellement dans un esprit devengeance à vrai dire... Je voulais surtout qu'il comprenne enfin ce que j'avais pu ressentir.

J'étais une empathique pure et dure, alors que Simon de son côté semblait totalement déconnecté deses émotions... Il avait eu bien souvent tendance à minimiser l'impact de ses actes et ça me rendaitfolle de rage. J'avais besoin qu'il entende ma souffrance, qu'il comprenne le mal qu'il m'avait fait...

Peut-être aussi que lorsque Simon me laissait entendre qu'il n'y avait pas de quoi faire un si grandplat de ce qui s'était passé, c'était une tentative maladroite de sa part de dédramatiser la situationpour que la culpabilité pèse moins lourd sur ses épaules. Je n'en savais rien... Nous n'avons jamaispu vraiment en parler, ni de ça, ni de quoi que ce soit d'autre d'ailleurs. Le manque decommunication a sans doute aussi largement participé à la mort de notre histoire...

Nous en étions donc à nouveau là... Un nouveau déménagement pour Simon qui était venu seréinstaller à la maison, et une douce mélancolie pour moi, triste de n'avoir pas pu trouver une portede sortie pour notre relation, mais pleine d'espoir néanmoins quant à la suite de mon chemin.

Et puis il y avait cette lueur nouvelle qui illuminait mon cœur à chaque fois que me revenait enmémoire le souvenir de ce regard échangé, aussi bouleversant qu'éphémère.



4.

Les semaines qui ont suivi le départ-bis de Simon ont été l'occasion pour moi de tout transformer.J'ai commencé par remplir un caddie de peintures, de papiers peints et autres éléments de décorationpour faire faire peau neuve à l'intérieur de ma maison. L'extérieur aussi a été entièrement remis surpieds. Alors que j'avais négligé mon jardin pendant des années, cette nouvelle bifurcation dans mavie amoureuse me donna l'envie de tout changer.

Je voulais que tous mes points de repère soient bouleversés. Je voulais que tout ce qui évoquait dedouloureux souvenirs soit effacé, transformé, réinventé.

Alors je m'y suis mise d'arrache-pied. Comme nous avions repris la garde alternée de Jade, jeremplissais le vide laissé par son absence en transformant mon intérieur. À chaque fois qu'ellerevenait de chez son papa, elle avait un peu le sentiment d'arriver dans une nouvelle maison etpoussait des « Ohhh » et des « Ahhh » émerveillés, ou me disait quelque chose comme : « Whouamaman, c'est trop beau ! » avec un immense sourire.

La joie qu'elle manifestait à chaque nouvelle découverte me motivait à continuer et merécompensait en même temps pour mes efforts. Je voulais que cette maison devienne un vasteterritoire de paix et de sérénité. Je voulais y effacer toute trace du champ de ruine qu'elle avaitautrefois été. Et puis ça me faisait un bien fou. À chaque fois que je transformais un mur ou que jedéplaçais un meuble, à chaque fois que je jetais de l'ancien ou de l'inutile pour le remplacer par duneuf ou simplement par un espace vide, je me sentais plus légère et plus lumineuse à l'intérieur.

Je voulais créer une harmonie parfaite entre ces murs, et c'est en même temps en moi que cetteharmonie s'installait.

Je profitais par ailleurs de mon temps libre pour me recentrer vraiment sur mon développementpersonnel en reprenant la lecture de tous les ouvrages que j'avais achetés après la premièreséparation. J'avais commencé à m'intéresser à ce domaine comme on se serait intéressé à une bouéequi flottait en plein milieu d'une mer déchaînée alors que son navire venait de couler...

C'est ce qui m'avait redonné un nouveau souffle... C'est ce qui m'avait permis de refaire surface, decommencer à comprendre ce qui se passait en moi, ce qui se passait pour Simon aussi et le pourquoide son agressivité.

C'est ce qui m'avait permis de commencer à changer, d'amorcer tout doucement le chemin qui mepermettrait de passer de la chenille au papillon. Et c'est en plus ce qui m'avait offert le meilleur jobde ma vie jusque-là...

J'avais passé plusieurs années au service publicitaire d'un petit magazine qui deviendrait un jour ungrand, j'en étais certaine... Je m'occupais de trouver les meilleures accroches pour mes clients, lesmeilleurs slogans pour présenter leurs entreprises et leurs services, et j'avais la plupart du temps



d'excellents retours. J'étais douée pour écrire à ce qu'on disait et j'adorais ça...

Un jour que j'étais plongée dans un ouvrage abordant le pouvoir de la pensée positive, Sofia, larédactrice en chef du magazine qui avait quitté sa Suède natale pour venir s'installer en France dixans plus tôt me dit avec son délicieux accent : « Tiens Ellie, tu t'intéresses à ces sujets-là ? »

Je lui avais répondu un « Oui » totalement enthousiasmé, et j'avais commencé à lui parler de tout ceque contenait le livre. Je trouvais ça extraordinaire, tellement passionnant que j'ai passé le reste dema pause déjeuner à partager avec Sofia mes dernières découvertes.

C'est là qu'elle m'a dit de but en blanc : « Écris-moi un article là-dessus ! Si tu le fais de la mêmefaçon que tu m'en parles, je te publie dans notre rubrique spiritualité et bien-être... » Sur quoi ellem'adressa un grand clin d'oeil alors que je restais bouche bée, ayant le sentiment d'avoir découverten l'espace d'un claquement de doigts ce qu'était le paradis !

Je n'en revenais pas ! J'avais certes d'excellents résultats dans mon rôle de rédactrice publicitaire,mais de là à écrire un article entier pour le magazine... Whouaou ! C'était tout simplement magique.

Je me suis dit que je n'avais absolument rien à perdre à tenter le coup, et que je recommenceraismême mille fois s'il le fallait pour pouvoir apporter à Sofia des lignes qui tiendraient la route etseraient susceptibles d'emballer nos lecteurs.

Eh bien, il n'a même pas été nécessaire d'en arriver là... Sofia a affiché une expression béate en ôtantses lunettes après la fin de sa lecture, et elle s'est contenté de me dire : « Tu aurais envie derecommencer l'expérience... genre tous les jours ? »

Un cri euphorique accompagné de bonds sur place tel un kangourou qui aurait perdu la tête ontrépondu à ma place. Après quoi je lui ai lâché un immense « Ouiiiiiiii ! » suivi d'une avalanche de« merci » accueillis par une joie non dissimulée et de grands éclats de rire de Sofia...

C'est comme ça que j'ai débuté du jour au lendemain le job le plus passionnant qu'il m'avait étédonné d'exercer jusque-là. Il a fallu bien sûr faire le parallèle durant quelque temps entre mon postede rédactrice publicitaire et ma nouvelle casquette le temps de trouver quelqu'un pour me remplacer,mais ces moments ont été extrêmement joyeux et je me sentais capable d'abattre le travail de dixpersonnes à la fois tant j'étais heureuse et enthousiaste.

Quand j'ai annoncé la nouvelle à Simon, sa réaction n'a bien sûr pas été celle que j'espérais voir. Ils'est contenté d'un hochement de tête, d'un sourire qui semblait plus forcé que sincère pour finir parme dire que c'était chouette, sur quoi il est retourné à ses occupations. C'était tellement dur d'avoirl'impression qu'à chaque fois qu'il m'arrivait quelque chose de bien, ça représentait une douleur pourlui. Avec le temps et au fil de mes lectures, j'ai fini par comprendre que c'était sa propre frustrationqui parlait et que mes victoires lui rappelaient l'absence des siennes.

Ça restait néanmoins difficile à comprendre pour moi qui m'étais toujours sentie sincèrementheureuse pour les belles choses que d'autres vivaient autour de moi. Quand on aime quelqu'un, nesouhaite-t-on pas voir cette personne heureuse ? Ou est-ce trop difficile pour certains de voir jaillirle bonheur des autres quand eux-mêmes croient ne pas pouvoir y accéder ou ne pas y avoir droit ?

J'ai fini par arrêter de me poser ce genre de questions, et je me contentais alors de partager ma joieavec qui voulait bien la recevoir. En fait... toutes les autres personnes que je côtoyais sans exception



se réjouissaient pour moi... La seule personne qui semblait indifférente ou envieuse selon lasituation était Simon...



5.

Je me rappelle de ce jour extraordinaire où pour la première fois, je me suis retrouvée derrière unmicro pour parler à un auditoire d'environ 400 personnes de l'un des sujets abordés dans mesderniers articles.

J'avais été invitée par ce merveilleux petit bout de femme qu'était Marie. Elle était ce qu'on pouvaitappeler un coach spirituel, quelqu'un qui guidait les gens pour les aider à trouver leur chemin et àêtre plus heureux au quotidien.

J'avais eu l'occasion de l'interviewer quelques mois plus tôt pour une édition spéciale de notremagazine qui mettait en avant tout ce qui touchait au bien-être et à la joie de vivre, et nous avionspassé un très bon moment. Nous étions ensuite restées en contact et un véritable lien du coeur s'étaitnoué entre nous à partir de là.

Sachant que j'étais passionnée par le sujet, Marie m'invitait régulièrement aux événements qu'elleorganisait. C'était une source de profond bien-être et une occasion de continuer à progresser aussibien pour moi-même, à titre personnel, que pour mes lecteurs. Il m'arrivait souvent en effet detrouver l'inspiration dans ce type de séminaires et d'écrire des articles visiblement inspirants étantdonné le nombre de mails de remerciement que je recevais en retour.

Le succès de ma rubrique est devenu tel que Sofia a fini par embaucher une autre rédactricespécialisée dans ce domaine en plus des deux personnes déjà en place à mes côtés. Elle m'a alorsdemandé de superviser l'ensemble et de réviser les articles de mes collègues pour leur donner « unepetite touche de lumière en plus » comme elle disait.

J'étais comme sur un nuage. Ma vie professionnelle avait pris son envol, mon salaire aussi par lamême occasion, et je me sentais tellement fière de pouvoir faire quelque chose que j'aimaisvraiment et qui pouvait en plus apporter des bénéfices à d'autres.

De fil en aiguille, j'avais gravi de nouvelles marches, et ce jour-là, c'étaient les marches de l'estrademenant à la scène qu'il m'avait été donné de gravir. J'avais un peu le trac, mais j'avais tellementenvie de partager avec les autres qu'à la limite, je me fichais pas mal de ma boule au ventre.

Ma relation avec Simon s'était terminée quelques mois plus tôt. Ma maison était devenue un havrede paix, et mon quotidien s'était transformé en une expérience lumineuse et joyeuse, pleine d'espoiraussi. Et voilà qu'une nouvelle étape s'apprêtait à être abordée à présent.

C'était plutôt excitant de vivre ce moment, un peu comme un rêve qui devenait réalité.

Je me souviens que les gens dans la salle étaient très souriants et enthousiastes en entendant les



autres intervenants exposer leurs opinions et découvertes. L'accueil du public avait été chaleureux etbienveillant pour chacun, et je me suis alors sentie de plus en plus à l'aise à mesure que les minutesdéfilaient.

Quand vint mon tour, je me souviens avoir été parcourue par une onde de bien-être, comme sil'Univers m'avait fait un clin d'oeil en me disant « Vas-y ! Tout ira pour le mieux... »

Je me suis donc dirigée vers le micro que Marie me tendait avec un large sourire, et je me suis miseà parler du sujet pour lequel j'avais été invitée : le destin... ou plutôt l'inexistence de celui-ci.

En effet, plus j'avançais dans mes lectures et mes apprentissages en tout genre, et plus jecommençais à croire que la vie n'était pas déjà écrite, que le chemin n'était pas déjà déterminé etqu'au contraire, c'est nous qui étions aux commandes de nos vies.

J'avais lu de nombreux ouvrages sur le thème de la pensée créatrice, j'avais assisté à un certainnombre de conférences sur le sujet également, et les propos des auteurs et conférenciers meparaissaient tellement clairs et cohérents qu'il était devenu presque évident à mes yeux que nous nepouvions pas être seulement des pions dont tout le parcours aurait déjà été prévu dans ses moindresdétails.

Le libre arbitre était pour moi une réalité, et nous avions réellement la possibilité d'orienter nos viesselon nos souhaits, le seul point à considérer dans l'affaire étant le type de pensées et de croyancesque nous allions décider de cultiver dans notre présent.

Il me paraissait tellement logique de croire qu'une personne qui cultive un état d'esprit très positif sesente bien mieux qu'une personne pessimiste, et que tout naturellement, elle était en mesure de fairedes choix plus éclairés, d'attirer à elle des personnes plus enrichissantes et de meilleuresopportunités.

Une personne qui croit en elle n'accepte pas de se contenter d'une demi-mesure et fera toujours cequ'il faut pour ouvrir de plus jolies portes, quitte à devoir essuyer quelques échecs en cours de route.Cette personne qui croit en elle et en son potentiel ne laisse pas tomber ses projets et ses rêves parceque c'est difficile ou que ça lui demande des efforts. Elle continue à avancer, et elle profite dechaque étape du chemin pour continuer à grandir.

Oui, j'étais convaincue que la vie n'était pas une sorte de ligne déjà dessinée qu'on se contenterait desuivre sans avoir aucune autre possibilité. J'étais convaincue que nous étions tous aux commandesde nos vies, et j'étais convaincue aussi qu'en modifiant notre état d'esprit, nous pouvions vivre etaccomplir des miracles. Et après tout, c'était bien ce qui s'était passé pour moi.

À mesure que mes pensées et croyances avaient changé, mon degré de joie de vivre quotidien avaitévolué lui aussi et les expériences que je vivais avaient alors pris la même tournure.

Ce jour-là, je me rappelle avoir parlé avec une grande fluidité, totalement portée par mon sujet. Jen'ai pas vu le temps passer tellement j'étais enthousiaste. Puis est venu le moment pour le public deposer des questions. Quelques mains se sont levées et c'est une jeune femme qui s'est présentée lapremière au micro pour me demander si, en partant du principe que nous attirions à nous desévénements particuliers selon la nature de nos pensées, ça voulait dire aussi que c'était de notre



faute si nous avions vécu des expériences difficiles.

J'ai été touchée par cette jeune femme qui devait à peine avoir plus de 20 ans et qui semblaitvraiment bouleversée à l'idée qu'elle ait pu être impliquée dans la survenue d'expériencesdouloureuses sur son chemin.

Je lui ai alors expliqué que, pour moi, nous n'étions pas coupables, mais responsables, et qu'il yavait une grande différence entre ces deux mots. Je lui ai expliqué aussi qu'avant de savoir que nospensées avaient un rôle à jouer, il était tout simplement impossible pour nous de comprendre quenous étions en train d'inviter du négatif dans nos vies. Comment aurions-nous pu vivre les chosesdifféremment alors que personne ne nous avait jamais appris comment ça fonctionnait ? Nosancêtres ne le savaient pas non plus et ne pouvaient donc que nous transmettre ce qu'eux-mêmesavaient appris. J'ai insisté sur le fait que le but du jeu n'était absolument pas de nous pointer dudoigt pour les difficultés vécues, car si nous avions su, nous aurions évidemment fait d'autres choix.Ce qui comptait était bel et bien de le savoir maintenant et de pouvoir commencer à utiliserdélibérément notre esprit pour attirer à nous de plus belles expériences.

Beaucoup de gens dans le public semblaient soulagés par ces explications, et j'étais heureuse pourma part que cette question ait été abordée.

On a ensuite proposé à une nouvelle personne de poser une question, et au moment où je regardaisMarie me faire signe pour me dire que nous passerions à l'intervenant suivant après ma réponse,j'entendis une voix douce et virile à la fois me demander : « Et que pensez-vous du mythe des âmessœurs ? »

Mes yeux sont alors revenus vers le public, et c'est là que je t'ai vu, toi, te tenant derrière le micro, lemême sourire aux lèvres que celui que tu m'avais adressé en ce merveilleux jour où pour lapremière fois nos chemins se sont croisés...



6.

Je me rappelle qu'il a été tout simplement impossible pour moi de ne pas te rendre ton sourire. Puisje t'ai salué et je t'ai demandé ton prénom. Je me suis rendu compte au même moment que tout aulong de cette conférence, aucun prénom n'avait été demandé aux autres « poseurs de questions »,mais je m'en fichais... Il fallait que je sache qui tu étais, que j'aie au moins quelques indices pourpouvoir te retrouver au cas où tu disparaîtrais une nouvelle fois...

« C'est Mickaël...

- Bonjour Mickaël... répondis-je, grandement satisfaite de ma récolte d'information... Eh bien...concernant les âmes sœurs, je n'ai jamais vraiment cru qu'il existait une seule et unique possibilitépour nous sur cette Terre de connaître le grand amour, celui qui bouleverse tout et semble êtrel'évidence même... bien que certains événements, au mois d'avril tout particulièrement, aientcommencé à semer le doute en moi à ce sujet... »

Je me souviens qu'une part de moi était totalement estomaquée que j'ai osé t'offrir une telleréponse... Le mois d'avril était en effet celui où nos chemins s'étaient croisés pour la première fois,et je ressentais un profond besoin de te tendre une perche pour que tu comprennes ce qui s'étaitpassé en moi ce jour-là. Moi qui avais toujours été de nature plutôt réservée, mon cœur chantait sifort en ta présence que je ne pouvais faire autrement que de me jeter dans le vide.

En entendant ma réponse, tu as souri un peu plus largement encore, faisant se creuser tes adorablesfossettes, et tu as hoché la tête comme pour me signifier que tu comprenais parfaitement ce que jevoulais dire...

Habituellement, je me serais mise à me poser mille questions, je me serais demandé si je n'étais pasencore une fois en train de me tourner des films, mais là non... C'était comme si mon âme avait étédirectement reliée à la tienne, comme si Dieu avait déposé devant moi mon alter ego en me disant« tiens ma jolie, c'est cadeau ! »

Je ne voyais plus les gens présents dans la salle. Je ne craignais plus non plus de m'embrouiller dansmes explications. Je n'avais plus peur de ce qu'on pourrait penser de moi. J'étais en train de parleravec toi, de cœur à cœur, et c'était tout simplement magique.

Étrangement, je n'éprouvais aucune appréhension non plus en songeant à ce que tu pourrais penserde moi. J'avais passé tant d'années de ma vie à faire des pirouettes pour pouvoir me sentir aimée, etaujourd'hui, alors que je me trouvais face à une personne qui provoquait une telle tempêteémotionnelle en moi, je me sentais pleinement accueillie, de façon inconditionnelle, et je me sentaislibre d'être tout simplement moi. Quel merveilleux cadeau que de pouvoir ressentir un tel état degrâce et de sérénité...



J'ai alors partagé avec toi ma vision des choses, expliquant qu'à mes yeux, nous attirions toujours ànous des personnes qui « vibraient » à la même fréquence que nous. Ceux qui entraient dans nosvies, pas seulement au niveau amoureux, mais aussi à un niveau plus large, cadraient toujours à laperfection avec l'énergie qui se dégageait de nous, soit à travers des schémas semblables, soit àtravers des schémas complémentaires, mais d'une façon ou d'une autre, notre réalité extérieurereflétait toujours à la perfection notre réalité intérieure.

Pour vivre le grand amour, le but du jeu était alors de commencer par créer un lien d'amourauthentique avec notre propre personne. Tant que nous étions incapable de reconnaître sincèrementnotre propre valeur, comment aurions-nous pu croire que qui que ce soit d'autre puisse nous aimervraiment ?

L'amour de soi était à mon sens la clé de tout, et toute relation de couple vraiment harmonieusepassait inévitablement par une relation à soi-même faite de douceur et de bienveillance, et ce, pourchacun des deux partenaires.

J'ai ajouté à cela que ça ne voulait pas forcément dire que tout était toujours rose ou qu'il n'y avaitjamais de disputes ou de blessures, car nous restions des êtres humains et le couple était fait pourgrandir avant tout et n'avait pas pour but de nous rendre heureux. Mais en cultivant un amour de soisuffisant des deux côtés et en acceptant de faire route ensemble pour avancer main dans la main,l'expérience du couple pouvait devenir quelque chose d'extraordinaire et un véritable partenariat ducœur et de l'âme.

« Je crois que parmi les 7 milliards d'êtres humains qu'il y a sur Terre, il y en a tout de même unsacré paquet qui pourraient correspondre à la perfection à notre idéal personnel, seulement, quandenfin on croise la route d'une telle personne, qu'on ressent au plus profond de son cœur qu'on setrouve face à quelqu'un de très spécial qui pourrait avoir un rôle déterminant à jouer dans notre vie,on arrête aussitôt de se préoccuper des autres possibilités qui pourraient exister, souhaitantsimplement tendre la main à l'autre pour débuter un merveilleux chemin ensemble... »

Alors que je terminais mes explications en sentant les larmes me monter aux yeux tant j'avais lesentiment de décrire ce que je m'apprêtais à vivre, j'entendis de premières mains applaudir sur madroite, suivies par de nombreuses autres. Je me rendis compte que certaines personnes dans lepublic tentaient de ravaler leurs propres émotions, et d'autres laissaient couler librement leurslarmes. Finalement, je crois que mon discours avait touché un point sensible chez beaucoup de cesgens qui désiraient sans doute tout autant que moi se sentir aimés, et pouvoir enfin partager avec unautre un lien profond et authentique, qu'ils soient déjà en couple ou non.

Combien de personnes restaient en couple pour de « mauvaises raisons », à cause de la peur del'inconnu, de la crainte de rester seul, pour des raisons matérielles ou encore par peur de briser leursenfants ? Il y avait tant de gens qui croyaient n'avoir pas d'autres choix que de vivre une viemalheureuse, comme si rien d'autre n'était accessible pour eux, et j'avais vraiment envie de leurfaire comprendre à tous qu'ils pouvaient avoir beaucoup mieux que ça, et qu'ils le méritaient surtout.Je ne vivais pas encore le grand amour auquel j'aspirais, mais depuis que j'avais fait le choix dequitter ce qui me détruisait et ne m'apportait plus aucune joie, ma vie était devenue une véritablesource de bonheur et de bien-être au quotidien, et rien que ça, c'était déjà un cadeau en soi.

Une fois la salle redevenue à peu près silencieuse, tu m'as répondu en me regardant le plussérieusement du monde : « Merci beaucoup... C'est aussi ce que je souhaite trouver sur mon chemin



à présent... »

J'ai senti mon cœur faire un gigantesque bond dans ma poitrine. Tu étais donc libre, et en plus tuvoulais la même chose que moi ! Si le Père Noël avait débarqué en personne du pôle Nord pourm'offrir le plus beau des cadeaux de sa hotte, je n'aurais pas pu en trouver de plus merveilleux quecelui-là...

J'ai réussi à me maîtriser et à contenir autant que possible ma joie, même si celle-ci a forcément dûtransparaître sur mon visage, puis j'ai senti la main de Marie sur mon épaule et l'écho lointain de savoix qui me remerciait pour ce précieux partage et m'invitait à laisser la place au prochainintervenant.

J'avoue ne pas avoir entendu un seul mot de tout ce qui a été dit ensuite. Je me suis contentée de mefondre dans le décor, de rire quand j'entendais les autres rire, d'applaudir quand je les voyaisapplaudir, mais mon regard était rivé sur toi, et je ne pouvais plus te quitter des yeux. Je me rappelleavoir remercié le hasard ou peut-être la chance d'avoir eu un siège dans le fond de la scène, ce quime permettait de regarder droit en face de moi, gardant mes yeux rivés aux tiens en toute discrétion- ou presque - durant l'heure qu'a encore duré la conférence.

Je n'ai pas vu le temps passer. J'étais comme sur un nuage, flottant dans une douce rêverie,profondément émue aussi, comme si je savais déjà qu'un merveilleux chemin allait à présentm'ouvrir les bras.

Mon passé n'existait plus. Mes épreuves non plus. Il n'y avait plus que la joie du moment présent etde toutes les possibilités qui s'offraient à moi.

Avec le recul je me dis que, tout de même, le fait de m'accrocher à ma certitude que tu devais fairepartie de mon chemin aurait pu être source d'une immense déception, mais c'était si clair tout aufond de moi... C'était comme être branchée directement à la Source et recevoir les infos en directdepuis le bureau du grand chef de l'univers.

Je n'avais pas de mots pour l'expliquer, aucune explication scientifique non plus à proposer, mais jesavais... Je le ressentais tout au fond de mes tripes, comme si tu avais toujours été à mes côtés et quece moment où nos routes allaient enfin s'entremêler avait été la seule option possible.

Le mythe de l'âme sœur... Ce moment m'a fait remettre en question toutes mes certitudes à ce sujet.Et si ça avait été vrai ? Quelque part, peu importait que nos âmes soient reliées à un niveau plusprofond ou non, du moment que tu faisais partie de ma vie.

On dit que les gens qui s'apprêtent à monter dans le bus de la grande faucheuse voient toute leur viedéfiler en un clin d'oeil devant leurs yeux... Eh bien de mon côté, j'ai ressenti le même genred'expérience, sauf qu'au lieu de voir le passé, j'ai vu l'avenir. J'ai vu toute une vie à tes côtés, touteune vie à être aimée profondément et à t'aimer tout autant.

J'ai vu des regards complices, des moments d'intimité. J'ai vu des projets voir le jour et des miraclesse manifester. Je nous ai vu grandir main dans la main et d'autres ombres marchaient à côté desnôtres sur le sol.

J'ai vu toute notre vie, notre future vie défiler devant mes yeux, et si ma vision avait dû êtreseulement un rêve, alors j'aurais préféré avoir fait ce rêve durant une seule minute de ma vie plutôt



que de ne jamais avoir ressenti à quel point l'amour pouvait être puissant et magique...

C'était toi... Ça ne pouvait être que toi... Et aujourd'hui tu étais là, à nouveau devant moi...




Vous voilà arrivé au bout des 6 premiers chapitres de cet ouvrage.

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|1|...son agressivité et faisait jaillir son venin sur quiconque tentait de l'approcher, moi y compris. Il n'a jamais été violent physiquement, non. Mais il m'a détruite intérieurement