23014773 No198 Aphasie de l Adulte

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Revue dite par la Fdration Nationale des Orthophonistes e-mail : [email protected] Rdaction - Administration : 2, rue des Deux-Gares, 75010 PARIS Tl. : 01 40 34 62 65 F a x : 01 40 37 41 42 Abonnement normal : 525 F (80.04 euros) Abonnement rduit : 380 F (57.93 euros)rserv aux adhrents de la F.N.O., de lA .R. P.L.O.E .V. o u dune a ssociati on euro penne m em bre du C.P. L.O. L.

Revue cre par lA.R.P.L.O.E.V. ParisDirecteur de la publication : le Prsident de la F.N.O. :

Jacques ROUSTIT

Membres fondateurs du comit de lecture : Pr A LLIERES A. APPAIX S. BOREL-MAISONNY G. DECROIX R. DIATKINE H. DUCHNE

M. DUGAS J. FAVEZ-BOUTO NNIER J. GERAUD R. GRIMAUD L. HUSSON Cl. KOHLER Cl. LAUNAY F. LHERMITTE L. MICHAUX P. PETIT

Abonnement tudiant : 210 F (32.01 euros)rserv aux tudia nts e n orthophoni e

Abonnement tranger : 600 F

G . PORTMANN M. PORTMANN B. V A L L A N C I E N .

Comit scientifique Aline dALBOY Dr Guy CORNUT Ghislaine COUTURE Dominique CRUNELLE Pierre FERRAND Lya GACHES Olivier HERAL Frdric MARTIN Pr Marie-Christine MOUREN-SIMEONI Bernard ROUBEAU Liliane SPRENGER-CHAROLLES Monique TOUZIN Rdacteur en chef Jacques ROUSTIT Secrtariat de rdaction Marie-Dominique LASSERRE Abonnements Emilia BENHAMZACommission paritaire : 61699Impression : TORI 11, rue Dubrunfaut, 75012 Paris Tlphone : 01 43 46 92 92

Sommaire

Juin 1999

N 198

Rducation Orthophonique, 2, rue des deux gares, 75010 ParisCe numro a t dirig par Olivier Hral, orthophoniste

LES APHASIES DE LADULTE

Aphasies et orthophonie en neurologie de ladulte Olivier Hral, orthophoniste, Castres

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Linnarrable aventure de P. Ren Degiovani, orthophoniste, Toulon

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1. Aphasie et imagerie crbrale fonctionnelle Bernard Lechevalier, neurologue, C.H.U., Caen 2. Les formes cliniques des aphasies corticales Roger Gil, neurologue, C.H.U. La Miltrie, Poitiers 3. Les aphasies sous-corticales : donnes actuelles Michle Puel, neurologue, Jean-Franois Dmonet, Dominique Cardebat, CHU Purpan et INSERM U455, Toulouse et Dominique Castan, neurologue, CHIC, Castres-Mazamet 4. Stratgies de compensation adoptes par des patients crbrolss : dfinitions conceptuelles et principes de mise en uvre Abdelatif Kioua, neuropsycholinguiste, Dpartement des Sciences du Langage, Toulouse 5. De la ncessit de lvaluation des troubles de la comprhension dans laphasie Marie-Nolle Metz-Lutz, neurologue, Clinique Neurologique, Hpitaux Universitaires et INSERM U 398, Strasbourg

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1. Une nouvelle batterie de tests de comprhension orale en temps rel pour patients aphasiques 79 Franois Grosjean, Isabelle Racine, Laboratoire de traitement du langage et de la parole, Neuchtel et J. Buttet-Sovilla, logopdiste, Division autonome de neuropsychologie, C.H.U.V., Lausanne 2. Rducation des troubles de la comprhension de la phrase 93 Marie-Anne van der Kaa-Delvenne et A. Schwab, logopdes, Unit de revalidation Neuropsychologique, C.H.U. Sart-Tilman, Lige 3. Les techniques de communication alternatives ou suppltives 111 Marie-Pierre de Partz, logopde, Centre de revalidation Neuropsychologique de lAdulte, Cliniques Universitaires Saint-Luc, Bruxelles 4. Les thrapies de groupe en aphasiologie 123 Jocelyne Buttet-Sovilla, logopdiste, Division autonome de neuropsychologie, C.H.U.V., Lausanne 5. Evaluer la communication de la personne aphasique dans la vie quotidienne : proposition dune Echelle de Communication Verbale 137 Bndicte Darrigrand, orthophoniste et Jean-Michel Mazaux, mdecine physique et radaptation, Service de Rducation Fonctionnelle, C.H.U., Bordeaux

1. La neuropsycholinguistique la veille de lan 2000. Rflexions et perspectives partir dun exemple : lagrammatisme 145 Jean-Luc Nespoulous, Laboratoire de neuropsycholinguistique Jacques-Lordat (E.A. 1941) et INSERM U.455, Toulouse 2. Les perspectives rducatives en aphasiologie 153 Jean-Michel Mazaux, P.A. Joseph, M. Campan, P. Moly et A. Pointreau, C.H.U., Bordeaux

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Aphasies et orthophonie en neurologie de ladulteOlivier Hral

Olivier Hral * ** Orthophoniste * 18 bd Lon-Bourgeois 81100 Castres. ** Service de Neurologie Service de Mdecine Physique et Radaptation Consultation Langage Mmoire Centre Hospitalier Intercommunal Castres-Mazamet BP 417 81108 Castres Cedex

Rducation Orthophonique, premire revue scientifique franaise consacre lorthophonie, depuis maintenant 37 annes conscutives, a dcid de ddier un de ses numros de lanne 99 au thme de lAphasie, plus prcisment celui des Aphasies chez ladulte. En effet, les publications rcentes mettent, sans doute avec raison, lemphase sur les tiologies dgnratives, mais au dtriment des origines vasculaires, traumatiques, noplasiques - souvent curables. Cest pour cela que nous avons dcid de faire le point, laube de lan 2000, des connaissances acquises et des perspectives dans les domaines des nouvelles techniques dimagerie mdicale, des donnes smiologiques, des modles thoriques de rfrence au plan descriptif ou thrapeutique, des techniques dvaluation et dintervention utilises. Ce dernier point est important car une fois ltiologie connue, la forme clinique dcrite, les personnes aphasiques doivent tre prises en charge. Lorthophoniste a alors un rle important jouer au niveau du patient et de ses accompagnants. Ce dernier temps mrite donc toute notre attention dautant que des techniques maintenant largement prouves ou de nouvelles tentatives reconstructrices ou palliatives ont vu le jour. De mme, de nouveaux modles, par exemple concernant la comprhension, ont permis de repenser les techniques classiques dvaluation et de rducation.

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Cest donc un projet volontairement pluridisciplinaire que nous avons pens. Les auteurs ont t sollicits en France, Belgique et Suisse afin de promouvoir aussi la recherche et linformation francophone. Selon une tradition tablie depuis plusieurs livraisons, ce numro est introduit par Ren Degiovani (Toulon) qui, sous la rubrique Rencontre rapporte linnarrable aventure de P.. Ce nest, malgr son titre, ni lun des chapitres dun des Voyages extraordinaires de Jules Verne, ni une nouvelle indite dEdgar. A. Poe, mais la chronologie dune confrontation puis dune reconstruction : confrontation du patient son trouble, confrontation de lorthophoniste au sujet aphasique, reconstruction dune communication avec ncessit de sadapter, de pallier, de compenser pour que laventure puisse quand mme bien se terminer. Linnarrable aventure est donc bien une rencontre clinique. Le dtour par les Donnes actuelles est ensuite inaugur avec talent par Bernard Lechevalier (Caen) qui dmontre limportance et lintrt des nouvelles techniques dimagerie crbrale fonctionnelle dans ltude des aphasies et au-del dans la comprhension des liens existant entre structure crbrale et fonctions cognitives, celle vise particulirement dans son propos tant le langage. Leur utilisation pour guider plus efficacement une rducation orthophonique dinspiration cognitive est maintenant envisageable. Un rappel et une actualisation des donnes tiologiques nous a sembl un pralable important : Roger Gil (Poitiers) lillustre en nous dcrivant les formes cliniques des Aphasies corticales : si la dichotomie entre aphasies langage rduit et aphasies fluentes reste dactualit, la connaissance de nombreuses formes dissocies est importante. Linterrogation initiale de Pierre Marie, en 1906, que faut-il penser des aphasies sous-corticales ? tait promise un bel avenir : cest ce que dmontrent dans larticle suivant Michle Puel, Jean-Franois Dmonet, Dominique Cardebat (Toulouse) et Dominique Castan (Castres-Mazamet) en abordant leurs aspects cliniques, smiologiques et physiopathologiques, limagerie fonctionnelle apportant de nouveaux lments ltude des relations cerveau-langage . Abdelatif Kioua (Toulouse) propose une rflexion thorique sur les stratgies de compensation adoptes par les patients crbro-lss, secteur dont il est un des spcialistes francophones actuels : la comprhension de ltat postlsionnel du cerveau est fondamentale si lon veut proposer des stratgies de compensation. Enfin, les troubles de la comprhension font lobjet dun souci actuel de recherche. Limportance de leur prise en compte est souligne par Marie-Nolle Metz-Lutz (Strasbourg) qui dmontre que leur analyse cognitive peut servir de support aux interventions thrapeutiques.

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Ces dernires (valuation et prise en charge des patients) sont bien entendu une priorit pour laquelle les orthophonistes sont au premier plan. Les Aphasies ont ds leur description initiale suscit une dmarche orthophonique et inaugur lhistoire de la neuropsychologie. Comme le rappelle B l a n ch e Ducarne de Ribaucourt (1997), ds (les) premiers temps (...), on prend conscience du fait que les principes et modes, (...) rgissant la rducation des patients crbro-lss, seront inluctablement rivs et singulirement dpendants de la discipline mise en uvre pour analyser et interprter les perturbations fonctionnelles devant tre traites . Les textes rassembls dans la partie Examens et Interventions montrent quel point cette rflexion est encore dactualit 156 ans aprs Jacques Lordat et 138 aprs Paul Broca. Dans une premire contribution, Franois Grosjean, Isabelle Racine (Neuchtel) et Jocelyne Buttet Sovilla (Lausanne) prsentent une nouvelle batterie de tests de comprhension orale en temps rel pour patients aphasiques. Dans la mme perspective, Marie-Anne van der Kaa-Delvenne et A. Schwab (Lige) dtaillent les diffrentes rducations des troubles de la comprhension et rapportent leurs propres rsultats. Si les thrapies cognitivo-linguistiques et individualises sont largement pratiques, Marie-Pierre de Partz (Bruxelles) est l pour nous rappeler que des stratgies palliatives (langages gestuels, visuels, tlthses, etc.) peuvent dans certains cas tre ncessaires : leur prsentation et leur analyse sont documentes. Jocelyne Buttet-Sovilla (Lausanne) insiste, quant elle, sur limportance du groupe dans larsenal rhabilitatif envisageable : diffrents types de thrapie de groupe existent en aphasiologie, elles ont donn lieu une thorisation et des exemples pratiques sont rapports. Enfin, Bndicte Darrigrand et Jean-Michel Mazaux (Bordeaux) vont audel de lvaluation en sance formelle pour proposer une chelle dvaluation permettant dapprcier lefficacit de la communication et dapprocher les stratgies de compensation employes par le malade pour pallier les dficiences de son expression orale : ce type de dmarche cologique devrait se dvelopper lavenir. Et lavenir, ce sont les Perspectives , dernier volet dun triptyque maintenant bien rd. Elles concernent autant la recherche que lintervention. En toute logique, Jean-Luc Nespoulous (Toulouse) le dmontre dans le domaine trs important pour tout orthophoniste de la Neuropsycholinguistique, avec une emphase marque concernant les nouvelles pistes dtude de lagrammatisme. Son article dpasse le cadre europen francophone initial puisquil a trouv son prtexte dans la foule dun symposium organis Cartagena de Indias (Colombie). Ensuite Jean-Michel Mazaux et al. (Bordeaux) brossent de

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faon magistrale, sur quatre axes, le panorama des perspectives rducatives en aphasiologie : valuations, volution de la rducation, valuation des rsultats, apports des neurosciences. Enfin, nous serons gr Ren Degiovani, internaute et documentaliste de talent pour les Ressources et rfrences bien utiles qui clturent ce numro. Ce travail collectif ne serait pas complet si nous ne remerciions les divers auteurs pour leur rponse enthousiaste et la qualit de leur contribution ainsi que les diffrentes personnes qui nous ont permis de mener bien ce projet : Jacques Roustit, Rdacteur en Chef de la revue Rducation Orthophonique pour la confiance quil nous a tmoigne en nous en confiant sa mise en uvre ; Abdelatif Kioua (Laboratoire Jacques Lordat - Toulouse) pour sa collaboration active et Liliana Rico Duarte (Laboratoire de Psychologie Cognitive et Exprimentale - Montpellier) pour ses changes constructifs. Plusieurs publications rcentes nous ont guids quant au choix des auteurs et lorganisation globale de ce numro. Elles sont rpertories dans les rfrences fournies ci-aprs.

REFERENCESBARON, J.Cl. (1997) Mcanismes de la rcupration neurologique aprs accident vasculaire crbral (AVC) : apports de limagerie fonctionnelle crbrale, Rducation Orthophonique, 35, 190, 137-151. de PARTZ, M.P. (1996) Les carnets de communication, Orthophonie et Neuropsychologie, Lyon : Textes des communications. DUCARNE de RIBAUCOURT, B. (1997) La naissance et le dveloppement de la rducation neuropsychologique, in F. Eustache, J. Lambert, F. Viader, (Eds), Rducations neuropsychologiques, Historique, dveloppements actuels et valuation, Sminaire Jean-Louis Signoret, Bruxelles, De Boeck. EUSTACHE, F., LECHEVALIER, J.L. (1989) Langage et aphasie, Sminaire Jean-Louis Signoret, Bruxelles, De Boeck. EUSTACHE, F., LAMBERT, J., VIADER, F., (Eds), (1997) Rducations neuropsychologiques, Historique, dveloppements actuels et valuation, Sminaire Jean-Louis Signoret, Bruxelles, De Boeck. GROSJEAN, J. (1997) Elaboration dune batterie de tests de comprhension orale en temps rel pour sujets aphasiques : les deux premires preuves, Revue de Neuropsychologie, 7, 3, 313-335. KIOUA, A. (1998) Contribution ltude des stratgies de compensation dun dficit anomique au moyen de gestes mimtiques, Thse pour le Doctorat (N.R.), Universit de Toulouse-le-Mirail. LAMBERT, J., NESPOULOUS, J.L. (Eds) (1997) Perception auditive et comprhension du langage : tat initial, tat stable et pathologie, Marseille, Solal. POSNER, M.L., RAICHLE, M.E. (1998) Lesprit en image, Paris, Bruxelles, De Boeck.

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Linnarrable aventure de P.Ren DegiovaniRen DEGIOVANI Orthophoniste 6, rue Castel 83000 Toulon Tl. : 04 94 03 16 39 Email : [email protected]

Patchuk ? Patchuk ! Mais qu'est ce qu'elle dit ? O je suis ? C'est qui ?..C'est b i e n e u h . . ? ?.Mais c'est ma femme. Et il ferma les yeux comme pour chapper tout cela.

Pierre, Pierre. Michle lui caressait sa main et cherchait dans ses yeux un petit signe. Mais rien. Depuis son malaise, Pierre ne ragissait plus, comme s'il tait enferm dans un carcan.

Mais qu'est-ce que j'ai eu ? Je me souviens, le dner chez les R., mais aprs ? ? Pourtant je n'avais pas fait d'excs. Et le repas n'tait pas lourd. Pas trs bon non plus. Tout l'heure il y avait plein de monde dans la chambre. Suis-je devenu si important ? A moins que je ne sois un cas ? Mais de quoi ? Je suis l'hpital ! c'est peut-tre encore ma vsicule. Pourtant je n'ai pas mal. Infirmire ! mifinde , fim , eh oh quoi ?

Le patron et son staff : Un cas superbe. Pas d'antcdents connus, un homme jeune ( peine mon ge, pensa-t-il en lui mme) et en pleine forme et voil ce qu'il en reste : hmiplgie, aphasie totale. a fait froid dans le dos, n'est ce pas ! Et ce n'est pas le premier de ce genre que je vois.

Bonjour Monsieur. Calmez-vous. Ne vous nervez pas. Le docteur passera tout l'heure. Il vous expliquera.

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Quoi ? ? demanda P. en voulant se montrer. Mais son bras ne bougea pas et l'infirmire ne comprit pas. L'orthophoniste du service : Bonjour, vous tes bien Pierre B. Je m'appelle Sophie et je suis orthophoniste. Je vais vous poser quelques questions pour vous aider. Extraits du premier bilan : Mr B. prsente une aphasie globale avec des troubles majeurs de la comprhension, une expression orale marque par de trs nombreuses paraphasies souvent verbales et une rduction de la fluence. L'examen systmatique d'une ventuelle apraxie n'a pu se faire au vu des difficults de comprhension. De mme le langage crit n'a pas t explor.

A h , qu el q u ' un q u i se m bl e m e connatre. En tout cas, elle connat mon nom. En plus, elle est jeune et jolie. Mais je ne la reconnais pas vraiment. Dommage. Et je ne comprends pas grand chose tout ce qu'elle me dit. J'ai d avoir un choc aux oreilles ou bien un accident. Elle m'a demand plein de choses, mais je n'ai pas trop compris. Elle ne semblait pas trop comprendre ce que je disais d'ailleurs. Quel drle de monde Elle a eu l'air perplexe et soucieuse quand je lui ai parl des images qu'elle me montrait : le cactus, cela me rappelait bien les vacances de Nol en Tunisie le tasle casle cata P. et son pouse :

Quelques jours aprs : Le docteur et l'pouse : limche , milche , non, c'est Votre mari a eu un accident vascupas a. Mais tant pis. Son regard laire trs grave. Son cerveau a t a l ' a ir t r i s te . q u o i ? m o i dfinitivement endommag et il va quoi ? . probablement garder des squelles Son regard devient encore plus triste importantes. Son hmiplgie semble et elle m'a expliqu plein de choses diminuer rapidement mais son aphaque je n'ai pas bien compris, sauf que sie cela n'allait pas trs bien pour ma Aphasie ? ? ? parole. Oui, c'est vrai que ce n'est pas trs pourquoi ? connu.

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La premire sance Celle-l je ne la connais pas. Je prfre l'autre. Enfin tant pis. C'est peuttre une institutrice. En tout cas, elle parle pareil. Ils n'ont mme pas de photos ici. Ah le budget des hpitaux !

La premire sance Bonjour, voici des images. Vous allez me montrer celle que je vais dire.

Voil le bouton. Le bouton Bien. Voil la carte. Je n'ai pas oubli, la tarte j'adore jouer. Zut, j'ai d me tromper. Essayez encore la tarte le gros , i est gros Elle est pas rigolote. Je sais pas moi, il y a toujours le gros sur les quatre images. Une nuit de P. Montrez moi, rptez, attendez, lisez, essayez encore, non, attention, bien, allez-y, crivez, qu'est ce que c'est, essayez encore .. Je n'y arrive pas. Je crois que je vais tout laisser tomber. Tant pis. Et Michle. Elle ne me rega r d e mme plus. Je ne l'intresse plus. montrez moi l'image o coutez bien et ne dites rien

Une nuit de Michle On m'a dit qu'il allait mieux et qu'il allait bientt rentrer. Non, pas encore. Comment je vais faire ? Il ne sait plus parler. Je ne vais pas vivre avec un gamin. Quand je pense tout ce que l'on a vcu. Fini tout cela. Mme plus un je t'aime. Juste des syllabes sans sens. Non, pourquoi ! Le bilan : L'tat gnral de Mr B. s'tant amlior, il a t dcid de lui faire passer un bilan orthophonique complet. Bonjour Mr B. Comment allezvous ? Votre bras et votre jambe vont bien maintenant. C'est bien. Vous allez venir plusieurs fois ici et je vais vous faire passer LE Bilan. Aprs on dcidera de la suite donner .

Le bilan : Tiens, voici encore la dame charmante. Aujourd'hui, elle m'a parl plus lentement et j'ai mieux compris. Elle va faire LE bilan. Elle m'a dit qu'elle allait me poser plein de questions et qu'aprs on pourrait m'aider. C'est vrai que j'ai l'impression que a ne va pas trs bien quand je parle : je

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n'ai pas l'impression de dire les bons mots. Et d'ailleurs il suffit de regarder les gens pour s'en rendre compte Peut-tre que j'ai attrap une maladie exotique et que je parle comme ceux qu'on avait rencontr l-bas Tiens voil encore le cactus. Elle Regardez bien cette image et dites veut me donner des regrets des der- moi ce que c'est. nires vacances. D'accord, je vous dis C'est bien ce que c'est : un cacu , non , un catu . C'est a ? Facile dire. Et je cligne des yeux en Vous allez gonfler la joue droite mme temps ? bon je n'y arrive pas. seulement Allez essayez encore une fois a non plus je n'y arrive pas. C'est Mettez votre langue vers la droite , plus embtant. puis vers la gauche Mais elle, c'est une spcialiste, elle Encore un petit essai doit beaucoup s'entraner. La runion de synthse : La runion de synthse : Ouh la la. Il y a beaucoup de monde. Bon, Mr B. va beaucoup mieux. Son Un vrai jugement. Bon - jour . a tat gnral est excellent. Son hmiy est je l'ai bien dit C'est que je plgie a quasiment disparu. Reste son m ' exerce tout le temps dans ma aphasie. Que dit le bilan ? chambre. a la , non a sa , Mr B. prsente le tableau apha non . Tant pis. sique suivant : une expression orale peu fluente, marque par des paraQuel tableau ? aphasie ? phasies encore nombreuses et dans Luent ? pluent ? luent ? un contexte d'apraxie bucco-faciale Parapharmacie ? paraphasie ? Bof ! svre. La comprhension orale s'amliore dans la dsignation mais Bucco quoi ? pas au niveau des phrases. Les troubles de l'crit sont proportionnels Ecrit. J'ai beaucoup de mal crire. ceux de l'oral. Peut-tre ma main ? Il s'agit donc d'un tableau aphasique Svre ? qui moi ? svre tempr par un dsir imporCommunication. a j'ai bien com- tant de communication.

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pris. C'tait mon mtier. Alors bien sr j'ai envie de communiquer. Ils m'ont expliqu que j'allais rentrer mais que je reviendrai tous les jours ici. Quelle drle d'ide. Nous allons donc mettre en place un programme rducatif en hospitalisation de jour raison de cinq sances hebdomadaires. La premire sance (bis) Bonjour, dans le dossier, j'ai lu que nos conjoints avaient le mme prnom et le mme ge. C'est drle. Vous aimez la musique. Parce que l'on va utiliser le rythme pour vous aider reparler. Un peu comme cela.

La premire sance (bis) Ah une femme. Encore. Enfin tant pis. Ah non. Pas de la musique. Je n'y comprends rien. Je n'aime pas. Vraiment pas. C'est rigolo, ce qu'il fait. Et il veut que je fasse pareil. Ouh la la .

Tour les Bon / \ pomant / Trois mois plus tard. Viens cher Tu / \ te cou /

vous.

Jour mment vous ? Bon / \ co / \ allez / Trois mois plus tard. Viens cher Tu / \ te cou / (demande exprime par le patient pour son pouse) Un an plus tard. Rsum du compte-rendu de bilan La rducation entreprise a permis de rduire les effets de l'apraxie et d'obtenir en sanc e des phrases et quelques changes. Toutefois le transfert reste trs rare. On doit aussi noter la persistance de quelques troubles de comprhension, l'oral comme l'crit.

Un an plus tard. Je drais au \ vou / \aller / \soleil quoi pas nir ? Pour/ \ne veux-tu/ \ve/

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Deux ans plus tard Demain, je serai acteur. Avec C. nous avons beaucoup rpt mon rle. Celui d'un aphasique. Je ne sais plus rien faire d'autre. Mais dans le film, on est tous pareils, on n'a pas honte, on n'a pas peur, on existe. Mais j'ai peur pour demain. Jour suis Bon/ \ je/ \ le laveur.

Deux ans plus tard To ur na g e d u fil m L e s Mo t s perdus , conu et ralis par Pierre Simard, conu et jou par les aphasiques de quatre pays francophones. Le premier film de fiction sur l'aphasie. Grce aux associations d'aphasiques, ce film a t vu par des milliers de personnes, leur ouvrant la porte d'un premier regard sur l'aphasie. Trois ans plus tard. Montral - Qubec - 1re diffusion du film devant plusieurs centaines de spectateurs et en prsence des acteurs aphasiques.

Trois ans plus tard. Nous applaudir parce qu'on parle pas, c'est drle. Mais c'est beau tout cela et les orthophonistes ont l'air mus et tous les gens aussi. Bon - jour ... j'appelle...non...je m'appelle P. c'est beau, le film ... triste Quatre ans plus tard P. et M. ont dcid de se sparer. J'ai tout perdu, le travail, la femme, la parole. Je vais partir. P. quitte sa ville pour (re) trouver le soleil de son enfance et de ses vacances.. Un autre orthophoniste Bonjour...je m'appelle P. ... parti du Nord

Quatre ans plus tard P. et M. ont dcid de se sparer. Comment vivre avec l'ombre d'un homme ? c'tait sa voix, ses mots qui me faisaient l'aimer. Je n'ai plus l'envie, ni le courage.

Un autre orthophoniste Bonjour Mr B. Bienvenue en Provence. Vous verrez, c'est un pays agrable. Vous savez, ici on parle avec les mains, avec les yeux, avec le corps . On utilise tous les moyens pour

Le cahier . regarde le cahier . c'est le travail Tous les jours, travail avec cahier

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Regarde

s ' ex p l i q u e r, pour communiquer, mme sans parler . On pourrait essayer de faire un peu pareil Qu'en pensez-vous ?

Pourquoi pas ? Je n'ai pas grand chose perdre. Je n'ai plus grand chose moi. La premire sance (ter) J'en ai un peu marre des sances d'orthophonie. Rpter, dire, se tromper, rpter, recommencer, Moi je voudrais parler. C'est tout. Et je voudrais qu'on m'coute. Je suis sr qu'en m'coutant un peu, on me comprendrait mieux. Je voudrais recommencer, la maison, la voiture, le sport, la femme. Mais seul c'est trop dur. Je parle pas. J'cris mal. Je lis pas. Il faut m'aider, m'accompagner La premire sance (ter) J'ai bien essay de relire mes cours, de trouver des articles, de consulter le gros livre jaune. Mais il n'y a rien sur ce que l'on peut faire quand on a tout fait depuis cinq annes. Pourtant il y croit encore, il a un dynamisme contagieux. Je ne vais quand mme pas lui refaire inlassablement le coup des images ou des fins de phrase ou de la conversation de salon jusqu' ce que mort s'ensuive ou que CPAM se fche. Non il a besoin de vie. Mais c'est pas marqu dans les livres, mme dans ceux d'outre Atlantique. Il va bien falloir se jeter l'eau pour adapter mon travail. Mais en juin, c'est une bonne saison pour cela. En fait, il faut que je l'accompagne pour retrouver la vie. C'est un bel objectif de rducation. La visite du permis A l'hpital, on avait sagement suspendu le permis de conduire de Pierre. Il apprend qu'une bonne voiture d'occasion est disponible chez un parent. Il a l'argent...Mais le permis ?

La visite du permis A l'hpital, on avait sagement suspendu le permis de conduire de Pierre. la voiture, a y est ... le permis... tlphone prfecture tu viens avec moi ?....oblig...tout seul peux pas

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Dans la salle d'attente, anciens accidents, anciens(?) alcooliques, anciens(?) chauffards et Pierre l'aphasique. Dans le bureau du mdecin, avec une pas parler mais comprendre, c'est infirmire, vrification des yeux, des rflexes et de l'audition. Le mdecin bien dit des mots Pierre qui doit les pas sourd aphasique a-phar p t e r....mal bien sr.... Il est si-que encore sourd dcrte le praticien. Heureusement que je suis venu, un petit cours de formation continue sur l'aphasie et le prcieux permis est tu bois le champagne? rendu. L'association Mr de Bie m'a convaincu. Il y croit tellement. Avec O., V. et C., on va accompagner n o s aphasiques pour former une association. Pas facile mais il faut...pour eux. Pierre sera le premier prsident de l'association. Il prendra la parole devant 150 spectateurs lors de la projection du film. Le cahier Pierre m'apporte un cahier tout neuf . Dans quel but ? Il crit avec difficult et avec pas mal de paragraphies. Perplexit Il veut crire ses mmoires ? Il veut que j'crive ses mmoires ? Il veut une sorte de carnet de communication. Il a de bonnes ides, mais il crit mal et il lit mal.

Bon - jour Personne ne rpond. Pas poli, eux me dit-il.

L'association Le film avec l'association . pas d'association, pas de film faire encore association ici . parler ensemble, cinma, restau, danser, association c'est bien Merci, tous le film beau, triste le film c'est aphasie, comme moi... comme nous Le cahier Le cahier ... travail ... toi et moi

Pour crire vie . crire maison, voiture, maman, impts, toi, association, tout

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Vendredi 17 eendre, dcembre 1530. ORTHO maison, combien ilo, imilier, immobilier immobilier

Pendant plusieurs mois, Pierre a transpos sa vie dans ce cahier, essayant d'c rire ce qu'il vo u lait, recopiant ce qu'il lui fa l l a i t , notant (bien...) les nombres, apprenant retrouver ce qu'il avait crit (ce que l'on se doit d'appeler la lecture...) La voiture, la maison, le tennis, l'association, le caf P. conduit vite mais bien.

La voiture, la maison, le tennis, l'association, le caf. la voiture, c'est bien , vo i r maman , aller au cinma aller congrs avant rouler toujours en voiture aller chez l'immo... je sais pas acheter maison pas cher clair...grand pas cher tu viens voir casser la cuisine, trop vieille

Il ne loupe pas une runion de la coproprit.

demain, apprendre tennis . c'est Il fait du tennis, t comme hiver, presque tous les matins. bien le tennis mais fait chaud tape pas bien avec la raquette demain encore leon mardi c'est casino. Manger et parler, c'est bien 15 mai - Congrs - Aphasie Jo s e t t e, Nancy, Paul et Je a n i n e, P i e r re voiture ensemble. 3 jours 1500. c'est bien aphasiques. bonjour , a va ? , caf chaud merci Grce P., tout le monde connat l'aphasie dans mon quartier....et tout Il est TOUJOURS prsent et prend TOUJOURS la parole.

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combien ? au - re-voir La rencontre P. b o n j o u r moi c'est Pierre aphasique, toi depuis longtemps aphasique moi c'est 7 ans habite o ? seule

le monde le salue quand il se promne. La rencontre L. bonjour oui

moi, c'est 2 ans

oui et toi ? La musique du bal du Congrs commence. tu danses

Le lendemain l'amour c'est bien . Pas pouvoir p a r l e r mais pouvoir aimer c'est bien .

P. et L. se sont maris le 17 Juin dernier et le oui a bien t prononc par les deux conjoints.

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Aphasie et imagerie crbrale fonctionnelleBernard Lechevalier

Rsum Les mthodes dimagerie morphologique permettent de visualiser du vivant du patient aphasique la morphologie, la structure, les limites et la localisation exacte de la lsion crbrale en cause. Les mthodes dimagerie crbrale fonctionnelle enseignent sur leur retentissement distance, la balance inter-hmisphrique, le jeu des supplances des diffrentes zones du cerveau. Pour linstant rserv essentiellement la recherche, le recours limagerie fonctionnelle crbrale aux diffrents stades de lvolution de laphasie nest pas encore pass dans les habitudes. Elle permettrait dans certains cas de guider plus facilement une rducation dinspiration cognitive. Son intrt pour la recherche est considrable. M o t s - cls : i m agerie morphologique, imagerie fonctionnelle crbrale, profil mtabolique des aphasies, tude de la supplance fonctionnelle

Aphasia and functional cerebral imageryAbstract Techniques of morphological imagery have made it possible to visualize, while the aphasic patient is alive, the morphology, structure, boundaries and exact localization of the cerebral lesion responsible for the disorder. These techniques help us understand the distal impact of these lesions, the phenomenon of inter-hemispheric balance, and processes of compensation by different areas of the brain. For the time being, these techniques find their main application in research. Functional cerebral imagery is not systematically used to follow the course of aphasia, yet it would facilitate the monitoring of cognitively-oriented remediation in some cases. Research does greatly benefit from these techniques. Key Words: morphological imagery, functional cerebral imagery, metabolic profile of aphasia, functional compensation.

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Bernard LECHEVALIER CHU de Caen Services de Neurologie et INSERM U320 Avenue de la Cte de Nacre 14000 Caen

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a proccupation majeure des aphasiologues a toujours t la rcupration de lintgrit du langage aprs la survenue dune aphasie, rcupration qui ne peut se faire quau prix dune analyse smiologique fine et dune rducation orthophonique bien conduite. Cette attitude dveloppe par Thophile Alajouanine et Blanche Ducarne de Ribeaucourt la Salptrire a port ses fruits. Depuis une quinzaine dannes, lessor des neurosciences a largi considrablement le champ dinvestigation de laphasie. De nouvelles formes ont t dcrites comme laphasie progressive dgnrative mais surtout limagerie crbrale a permis de visualiser du vivant du malade la morphologie, la structure, les limites, la localisation exacte de la lsion crbrale en cause. Il y a plus : limagerie fonctionnelle et surtout la camra metteur de positons et lIRM fonctionnelle permettent dobserver in vivo les modifications dynamiques du cerveau pendant certaines tches imposes au patient ou des sujets sains. Limagerie fonctionnelle a fait progresser la comprhension des mcanismes de la rcupration de laphasie. La question que lon est en droit de se poser est de savoir si elle a apport autant lamlioration des patients aphasiques ? Dans les annes 1980, il tait quasiment impossible dtablir des corrlations entre les signes cliniques de laphasie et la lsion causale : lEEG pouvait rvler un foyer de souffrance crbrale et le localiser grossirement, lartriographie mettait en vidence des occlusions ou des stnoses artrielles, des malformations vasculaires ou des dplacements des vaisseaux par une tumeur mais ne renseignait quindirectement sur la lsion crbrale qui leur tait lie. Depuis les dcouvertes de Broca (1861) et de Wernicke (1874), seul lexamen postmortem du cerveau permettait dtablir des corrlations anatomo-cliniques rigoureuses. Cette mthode est notoirement insuffisante, tout dabord pour lheureuse raison que les autopsies sont devenues beaucoup plus rares du fait de

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lamlioration du pronostic des accidents vasculaires crbraux mais surtout du fait du laps de temps souvent trs long qui a pu scouler entre la date de la mort et celle de la constitution de laphasie, des remaniements et des lsions supplmentaires ont pu se produire dont il est difficile de faire la part ; il devient alors illusoire de faire des dductions prcises. Il faut ajouter que lexamen morphologique de lencphale ne permet pas de mettre en vidence le retentissement fonctionnel (li au diaschisis) de la lsion sur dautres parties du cerveau. Aujourdhui, le scanner crbral et surtout lIRM, davantage encore si lon a recours aux reconstitutions en trois dimensions, permettent de connatre du vivant du malade le sige, la taille, les limites exactes des lsions crbrales avec une prcision gale celle dune autopsie. De plus, ces examens peuvent tre rpts pour suivre lvolution lsionnelle. Et cependant, aussi sophistiques soient elles, ces mthodes dimagerie morphologiques ne renseignent pas sur le retentissement distance de la lsion, la balance inter-hmisphrique, le jeu des supplances des diffrentes zones du cerveau, ce que seule permet dornavant limagerie fonctionnelle crbrale.

x Les mthodes de limagerie fonctionnelleParmi les mthodes de limagerie crbrale fonctionnelle, nous centrerons notre tude sur la camra metteurs de positons (PET-Scan) et lIRM fonctionnelle, laissant de ct lEEG quantifi, les PEA, la magntoencphalographie, les stimulations magntiques transcrniennes dont les applications sont beaucoup plus faibles dans le domaine de laphasie. Les traceurs les plus utiliss sont le fluoro-doxyglucose (FDG) qui permet de mesurer la consommation de glucose (CMRglu) et leau marque loxygne 15 (H2O15) marqueur du dbit sanguin crbral. Dans le tissu crbral, ces traceurs qui ont une courte dure de vie, mettent un positon qui aprs un bref parcours dans le tissu crbral rencontre un lectron, rencontre qui provoque lmission de deux photons dans deux directions opposes. La camra va traiter de tels vnements pour en donner une traduction numrique. La mthode au doxyglucose tudie le mtabolisme du glucose au niveau des synapses. Cest la mthode de choix utilise dans les atrophies crbrales, le vieillissement, lapprciation de ltat fonctionnel du cerveau au repos, tat que lon peut comparer des scores neuropsychologiques, permettant des corrlations clinico-mtaboliques dans une rgion donne. A ces mthodes fonctionnelles statiques sont venues sajouter rcemment les mthodes des activations crbrales, mthodes dynamiques destines mettre en vidence dans une ou plusieurs zones crbrales des lvations du dbit

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sanguin crbral local au cours de tches cognitives bien cibles, soit chez des sujets sains soit sur des encphales pathologiques. Jadis valu par le procd du Xnon radioactif, le dbit sanguin crbral rgional est maintenant mesur par leau marque. Alors que la camra positon ncessite la prsence dun cyclotron proximit, lIRM fonctionnelle a lavantage de se passer de lusage de produits radioactifs. Elle utilise le principe de la diffrence de proprits lectromagntiques de loxyhmoglobine et de la dsoxyhmoglobine des hmaties traduisant lutilisation de loxygne pendant lactivation dun certain volume de tissu crbral et le rejet de gaz carbonique des globules rouges. Quil sagisse de la camra positon ou de lIRM fonctionnelle, ces deux mthodes dactivations ncessitent au minimum deux mesures correspondant deux tats fonctionnels diffrents dune zone crbrale donne : 1) un tat de rfrence : soit tat de repos, ou mieux tat comprenant dj une consigne simple qui sera commune toutes les autres consignes, par exemple : couter un texte, voir des figures ; 2) un tat dactivation qui traduira la modification de la zone crbrale pendant une tche cognitive donne. La comparaison des deux chiffres mettra en vidence une activation ou une dactivation de la zone tudie pendant la tche. La procdure peut comporter trois ou quatre tches qui seront compares les unes avec les autres.

x RsultatsLaphasiologie est une discipline avant tout thrapeutique. Mme si un traitement peut tre dirig contre sa cause comme la chirurgie vasculaire crbrale ou lexrse dune tumeur, le traitement de laphasie en soi reste ncessaire. Il sagit de la rducation orthophonique. Son efficacit contraste avec son empirisme puisquon ignore peu prs tout du mcanisme de la rcupration dun langage chez ces malades. Limagerie fonctionnelle du cerveau ls est beaucoup plus complexe que celle du cerveau sain. Il faut tenir compte 1) des modifications mtaboliques ou du dbit sanguin rgional provoques par la lsion elle-mme, 2) de lexistence de zones pri-lsionnelles, zones dites de pnombre, dans la pathologie vasculaire, zones doedmes ventuellement dans la pathologie tumorale ; 3) il faut tenir compte galement du diaschisis (Freney et Baron, 1986), cest--dire du retentissement distance de la lsion sous forme dun hypomtabolisme crbral ou dun hypodbit sanguin rgional ; 4) de plus, les constatations en un temps donn devront tre compltes par dautres explorations ultrieures comparables afin davoir une tude longitudinale de la maladie.

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Avant mme lavnement de limagerie fonctionnelle crbrale, certains auteurs avaient fait connatre des observations cliniques montrant quaprs un infarctus hmisphrique gauche ayant entran une aphasie, lhmisphre droit exerait un rle dans la rcupration du langage. Cambier et al. (1983) ont rapport lobservation dune patiente de 62 ans dont laphasie samliora notablement. Aprs deux ans de rducation, la survenue dun infarctus hmisphrique droit fit disparatre toute expression orale et toute comprhension. Basso et al. (1989) ont relat deux observations comparables. Linjection de barbiturique dans la carotide interne droite chez des patients aphasiques par lsion vasculaire de lhmisphre gauche a provoqu une suppression totale transitoire du langage (Kinsbourne, 1971). A partir de 1980, les travaux cherchrent mesurer les variations de la consommation de Fluoro-doxyglucose (FDG) dans laphasie. Depuis cette date, Metter et al. (1983, 1984, 1988, 1989) et Metter (1987) montrent que les symptmes des aphasies ne sont pas dus seulement aux classiques lsions crbrales focales mais quils sont le rsultat de perturbations mtaboliques crbrales plus globales les dbordant et pouvant siger distance : si la rgion hypomtabolique est superposable la lsion focale constate morphologiquement, celle-ci peut tre asymptomatique. Il nen va pas de mme sil existe un hypomtabolisme soit temporo-parital soit fronto-parital en plus de celui du site lsionnel. Dans une 3e catgorie, lhypomtabolisme est la fois temporoparital et fronto-parital, ce qui peut sobserver dans dimportants infarctus sylviens superficiels et profonds mais aussi au cours de petites lsions sous corticales. Un tel hypomtabolisme peut sexercer distance de la lsion, par exemple un infarctus du bras antrieur de la capsule interne peut tre suivi dune diminution de la consommation de glucose dans la rgion frontale infrieure du mme ct, une petite lsion thalamique peut entraner un hypomtabolisme du cortex frontal ou temporal. Ces exemples dmontrent quen matire daphasie, on ne peut raisonner uniquement en fonction de la lsion morphologique mais quil faut prendre en considration, pour faire des corrlations, son retentissement fonctionnel sur tout le cerveau. Il ne faut pas oublier non plus que lhypomtabolisme va samliorer au cours de lvolution. En ce qui concerne les aphasies par lsions sous corticales (Metter et al., 1988) ltude de la consommation du FDG peut montrer si leffet de la lsion sur les symptmes de laphasique est la fois direct et indirect, cest--dire par lintermdiaire du cortex. On est en mesure actuellement de dcrire le profil mtabolique des trois grands types daphasie. Dans laphasie de Broca : daprs Metter et al. (1989), il existe une asymtrie mtabolique du FDG aux dpens de tout lhmisphre gauche except les aires visuelles primaires, dpassant par consquent

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largement les limites de la lsion. Dans laphasie de Wernicke, lasymtrie fut trouve dans les rgions temporo-paritale et postro-infro-frontale (rgion de Broca), pr-frontale, du noyau caud et du thalamus. Dans laphasie de conduction, lasymtrie mtabolique tait prsente dans les rgions temporo-paritales : tandis que 50% des sujets avaient une asymtrie dans laire de Broca et 20% dans le lobe frontal. Lauteur souligne limportance de lhypomtabolisme frontal dans laphasie de Broca expliquant sans doute le trouble de linitiation du langage. On est frapp en outre par lhypomtabolisme temporal gauche constat dans les trois types daphasies, explication possible des troubles de la comprhension de laphasie de Broca qui confirmerait la thorie uniciste de laphasie chre Pierre Marie. Dun autre ct la prsence dun lger hypomtabolisme postro-infro-frontal observ dans laphasie de conduction (sans asymtrie pr-frontale) offre une explication nouvelle diffrente de la lsion du faisceau arqu la difficult de la rptition. A propos de 26 patients aphasiques par infarctus du territoire de lartre crbrale moyenne gauche, Karbe et al. (1990) montrrent eux aussi que le territoire de lhypomtabolisme du FDG tait plus tendu que la taille de linfarctus. Les anomalies mtaboliques furent trouves dans le cortex temporo-parital chez virtuellement tous les patients quils souffrent daphasie de Broca, de Wernicke ou de conduction comme sil nexistait quun seul type daphasie. Metter et al. (1989) ont tudi des rgions dintrt situes toutes dans lhmisphre gauche dont le dficit mtabolique a t mesur par rapport lhmisphre droit suppos normal. Il est nanmoins incontestable que ces travaux insistent sur limportance de ces zones dhypomtabolisme extra-lsionnel dans la gravit de laphasie. Les travaux ultrieurs vont le confirmer et donner une explication de ce fait. Si lon envisage tout dabord la priode aigu de laphasie , Cappa et al. (1997) chez huit patients atteints dun infarctus hmisphrique gauche avec aphasie, ont mis en vidence une dpression du mtabolisme du glucose marque dans les rgions crbrales non lses tant dans lhmisphre dominant que dans lhmisphre mineur. Cette dpression est due au diaschisis. Ltendue de ce trouble fonctionnel explique la suspension totale du langage constate au stade initial de laphasie. Au fur et mesure que cette dactivation mtabolique diminue (au bout de trois quatre semaines), lamlioration du patient se dessine et progresse. Cappa et al. concluent que cest de la rgression du diaschisis que dpend la rcupration de la fonction comme le montre la pratique dun deuxime PET-Scan fait six mois aprs le premier. Pour Heiss et al. (1993), la valeur du mtabolisme du glucose en-dehors de la zone infarci, au stade aigu de la lsion hmisphrique gauche est le meilleur lment prdictif de rcupration de la comprhension auditive mesure au score du Token Test aprs quatre mois.

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Une seconde question est lextrme variabilit du dficit fonctionnel par rapport la lsion causale. Buckner et al. (1996) ont montr que la gravit de laphasie non fluente qui rsultait dun infarctus du cortex frontal gauche tait fort variable. Grce la camra positons, ils ont montr quil existait chez ces malades une activation prfrontale infrieur droite durant une preuve de compltion verbale. Avec les mmes preuves, on nobserve pas cette activation chez les sujets normaux. Les auteurs pensent que le cortex prfrontal droit intervient en inhibant dans le choix des mots voqus par un cortex prfrontal infrieur gauche ls les mots inadquats (phnomne de purge ). Une troisime question est dexpliquer la cause et les consquences des activations constates au cours de la rcupration. Knopman et al. (1982) avaient montr par des mesures du dbit sanguin crbral au moyen du Xnon 131, que lors dune coute de mots, il existait une activation du cortex frontal infrieur droit chez un patient aphasique dont la rcupration tait incomplte tandis que lactivation se situait dans les rgions temporo-paritales infrieures gauches chez les patients avec une bonne rcupration. Chollet et al. (1991) ont montr que des aires corticales non concernes par une fonction pourraient tre actives lors de la priode de rcupration de cette fonction. Weiller et al. (1995) ont mis en vidence chez son patient ayant rcupr parfaitement dune aphasie de Wernicke, dans une preuve de rptition de pseudo-mots et de gnration de verbes, une activation hmisphrique droite nette dans le cortex temporal suprieur, le cortex prmoteur dans sa partie infrieure, latral prfrontal dans les rgions homonymes de celles du langage. Cette constatation faite six mois de laccident vasculaire causal limine une explication en terme de rcupration du diaschisis. Il sagit l dune mise en activit de territoires non habituellement concerns par le langage. Ohyama et al. (1996) ont tudi chez 16 patients aphasiques, 10 fluents et 6 non fluents au moyen des activations en TEP, le rle de lhmisphre droit et des aires gauches non lses dans une preuve de rptition de mots compare un tat de repos. Ils ont constat une augmentation du dbit sanguin crbral rgional pendant cette preuve dans le cortex postero-infrieur frontal gauche et posterosuprieur temporal gauche symtrique des aires du langage. Lamplitude de lactivation du cortex postero-infrieur frontal droit est plus grande chez les aphasiques non fluents que chez les fluents. Les auteurs ont dcrit une corrlation chez les aphasiques en particulier les non fluents entre laugmentation du dbit dans la rgion postero-infrieure frontale gauche et le score de langage spontan. Le travail de Belin et al. (1996) est particulirement intressant pour une double raison : il expose les principes et rsultats dune mthode de rducation

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utilisant le rythme et la mlodiethrapie (mthode MRT). Il explicite les modes daction de cette mthode prne par Van Eeckhout et al. (1997) sur le fonctionnement crbral. Il sagit de sept patients droitiers atteints daphasie non fluente due un infarctus sylvien gauche. Deux taient des aphasies de Broca et cinq des aphasies globales. La mthode MRT fut applique des patients qui pendant un laps de temps de 6 33 mois navaient tir aucun bnfice de la rducation classique. Aprs sept semaines de la mthode MRT, la rcupration fut totale chez les sept patients aussi bien pour les capacits orales que pour les capacits crites. Neuf rgions dintrt furent tudies. Le paradigme comprenait quatre squences successives : 1) repos ; 2) coute des mots dits de faon naturelle versus lpreuve de repos ; 3) rptition simple de faon naturelle versus lpreuve prcdente ; 4) rptition de mots dits selon la technique MRT versus lpreuve prcdente. La comparaison des consignes entre elles fait apparatre des rgions dactivations communes qui sannulent par soustraction pour ne laisser apparatre que lactivation ou la dactivation spcifique de la consigne tudie. Au repos, il existait chez tous les patients tudis une zone dhypodbit qui dpasse largement ltendue anatomique de la lsion. Le rsultat le plus intressant de cette tude est le contraste entre lcoute normale et lcoute MRT. Dans la premire circonstance, on observait une activation de lhmisphre droit symtrique de celle constate chez des sujets normaux et une dactivation de laire de Broca. La mthode MRT provoque une ractivation de laire de Broca et du cortex prfrontal gauche et une relative activation du cortex homologue de laire de Wernicke droite. Van Eeckhout et al. (1997) pensent que tout se passe comme si les dispositifs anatomocliniques de la mlodiethrapie et de la rythmique servaient de prothse au langage rcupr sigeant dans lhmisphre gauche . Belin et al. (1999) en revanche concluent que les patterns anormaux constats sont dus la persvrance de laphasie plus qu son amlioration, lexplication sappuyant davantage sur la lsion elle-mme et ses consquences que sur sa rcupration. On ne peut sempcher de souligner toutefois que la perception des rythmes active laire de Broca de mme que la dtection des hauteurs comme lont montr Platel et al. (1997) en TEP. On comprend ds lors que la prsentation au patient de stimuli acoustiques riches en lments rythmiques et en variations de hauteur active le cortex de la rgion de Broca ou ce quil en reste : affrence ou effrence. Au terme de cette revue de la littrature rcente et en tenant compte de lexprience dun service de neurologie universitaire dot dun centre daphasiologie, que peut on conclure ? La premire constatation est quil faut distinguer la pratique aphasiologique quotidienne de la recherche. Dans ltat actuel des choses, si limagerie structurale crbrale est indispensable dans le bilan dun aphasique au mme titre quun examen neurolo-

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gique, le recours limagerie fonctionnelle crbrale aux diffrents stades de lvolution de la maladie, nest pas encore dans les habitudes. Il est vident que la prise en charge du malade par lquipe dorthophonistes reste la seule thrapie de laphasie. Nanmoins, dans les cas o une thrapeutique orthophonique bien conduite napporterait pas lamlioration escompte ou encore si des symptmes ne peuvent sexpliquer clairement par linventaire des lsions crbrales visibles en IRM, il nous semble utile de proposer une imagerie fonctionnelle afin dapprcier si le diaschisis a rgress, si des supplances (sous formes dactivation) ou au contraire des zones de dactivation en cerveau sain peuvent expliquer ce qui est peu explicable par les simples corrlations psycho-morphologiques, de ce fait on pourrait guider plus facilement une rducation dinspiration cognitive. Il en va tout autrement du domaine de la recherche. Lintrt de limagerie fonctionnelle est considrable : 1) au stade initial on observe un hypomtabolisme qui stend distance de la lsion et concerne des zones crbrales morphologiquement saines. Le diaschisis est responsable de cette dactivation. Son importance, son uni ou bilatralit sont en corrlation inverse avec le pronostic favorable. Les effets de ce diaschisis vont durer quatre semaines un mois puis il va rgresser. On peut donc en faire un facteur de pronostic. 2) par la suite, la camra positon rvle une rorganisation du cerveau avec des zones actives et des zones dactives. Il sera sans doute possible bientt de tracer une cartographie de ces activations et de ces dactivations comme la tent Metter (cf. supra) pour chaque type daphasie. Un mystre demeure : quel est le mcanisme intime de cette rcupration ? On peut voquer la plasticit crbrale. Mais qui la gouverne ? Les thories connexionistes modernes (Mesulam, 1998) insistent sur limportance des aires associatives corticales et sur la participation des noyaux gris centraux, notamment le striatum, dans la rgulation du langage verbal et sur lexistence de vastes rseaux corticaux interconnects. Belin (1999) a insist sur la notion de vicariance dans la rcupration du langage chez laphasique. Pour notre part, nous faisons lhypothse quil existe peut tre un rapport entre le lieu du cerveau o se manifeste le diaschisis aprs une lsion ayant entran laphasie et le lieu do part la supplance fonctionnelle. Il serait intressant de comparer chez le mme patient la topographie des zones concernes ; en effet il se peut que la zone de rgression du diaschisis en quelques sorte stimule par ce processus soit prcisment celle do part une supplance fonctionnelle.

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Les formes cliniques des aphasies corticalesRoger Gil

Rsum Les formes cliniques des aphasies corticales s'organisent toujours autour des deux varits historiques d'aphasies que sont l'aphasie de Broca et l'aphasie de Wernicke. La premire reste le type-mme des aphasies langage rduit, la seconde reste la plus vidente des aphasies langage fluide. Mais il existe aussi de nombreuses formes dissocies qui apportent leur contribution une meilleure comprhension de l'architecture crbrale du langage. Mots-cls : Aphasies corticales-Broca-Wernicke.

Clinical forms of cortical aphasiasAbstract Clinical forms of cortical aphasias continue to be organized around two well known types of aphasia, Broca's aphasia and Wernike's aphasia. The first one remains the best example of those forms of aphasia which involve reduced language, while the latter is the best illustration of aphasia with fluid language. But many other related forms also contribute to a better understanding of the cerebral architecture of language. Key Words: cortical aphasia-Broca-Wernicke.

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Professeur Roger GIL Neurologue Service de neurologie CHU de Poitiers Cit hospitalire de la Miltrie 350, avenue Jacques Cur BP 577 86021 Poitiers

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uand il prsente la Socit d'Anthropologie, le 18 octobre 1961, le cerveau de Leborgne qu'il avait autopsi la veille, Paul Broca, chirurgien et anthropologue, dcrivant la vaste lsion fronto-insulaire, n'hsita pas localiser dans le cortex frontal de la zone lsionnelle puis plus prcisment quelques mois plus tard au niveau de la partie postrieure de la troisime circonvolution frontale, le sige de l'aphmie et donc du langage articul. Il s'agissait l de la premire description anatomo-clinique d'une aphasie corticale que nous dnommons aujourd'hui aphasie de Broca (figure 1).

Figure 1 Hmisphre gauche du cerveau de Leborgne. Premire autopsie de Broca. Dessin fait sur la photographie de la pice actuellement conserve au Muse Dupuytren. Tir de Revue Neurologique, 1980, 136, 10, page 567.

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Treize ans plus tard, Wernicke isola une autre aphasie caractrise par la fluidit de l'expression verbale, l'incapacit de comprendre le langage parl, la conservation du langage articul et il dsigna la lsion responsable au niveau de la premire circonvolution temporale gauche. Ainsi la fin du XIXe sicle, les deux grandes varits d'aphasie corticale taient dj dcrites. Toutefois, en 1906, Pierre Marie critiqua vivement l'analyse anatomo-clinique de Broca et la conception binaire des aphasies. Il soutint d'abord qu'il n'y avait qu'une seule aphasie, l'aphasie de Wernicke et que l'aphasie de Broca n'tait que l'addition artificielle d'une aphasie de Wernicke et d'une dysarthrie. Il dclara donc, en analysant nouveau le cerveau de Leborgne, que la zone de Wernicke tait elle-aussi lse. Il insista par ailleurs sur l'extension des lsions en profondeur et notamment au noyau lenticulaire et il tablit ainsi les limites d'un quadrilatre responsable de l'anarthrie, limit en avant par un plan verticofrontal allant de F3 au noyau caud, en arrire par un plan vertico-frontal allant de la partie postrieure de l'insula la partie postrieure du noyau lenticulaire (figure 2). Il put alors dclarer que : la troisime circonvolution frontale gauche ne joue aucun rle spcial dans la fonction du langage .

Figure 2 Le quadrilatre de Pierre Marie. Tir de Abrg de Neuropsychologie, R. Gil, Masson, 1997.

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Pierre Marie eut en partie tort et en partie raison : le cerveau de Leborgne qui n'avait jamais t coup, fut examin en tomodensitomtrie en 1980 (Castaigne et al., 1980) et il put tre tabli que la zone de Wernicke tait intacte et que les zones lsionnelles s'tendaient en profondeur vers les noyaux gris centraux, ce que Broca avait considr comme secondaire et Pierre Marie comme fondamental. La description des aphasies corticales ne doit donc pas indiquer qu'il n'y ait pas de lsion sous corticale associe. En outre, des lsions sous corticales pures peuvent aussi raliser le mme tableau clinique que certaines aphasies corticales. Il reste commode d'organiser la description des aphasies corticales en conservant la dichotomie aphasie langage rduit et aphasie langage fluide et en classant dans ce cadre les diffrentes formes d'aphasies.

x Les aphasies langage rduit L'aphasie de Broca L'aphasie de Broca a t nomme aphasie d'expression ou aphasie motrice corticale par Djrine, aphasie motrice effrente ou aphasie motrice cintique par Luria, aphasie de ralisation phonmatique par Hecaen. Les lsions responsables de l'aphasie de Broca (figure 3) intressent le cap (pars triangularis) et le pied (pars opercularis) de la troisime circonvolution frontale gauche, mais aussi les rgions corticales alentour, et en profondeur la capsule interne, les lsions s'tendant en rgle vers les noyaux gris centraux. Les lsions de l'aphasie de Broca perturbent la programmation phontique, les programmes articulatoires ncessaires la mise en forme de l'expression verbale ne pouvant plus tre transmis l'aire motrice primaire au niveau de la partie basse de la frontale ascendante. Dans la conception neurolinguistique dfendue par Jacobson et par Sabouraud (figure 4), l'aphasie de Broca se caractrise sur le plan phonologique par un dficit de la combinaison des phonmes et sur un plan smiologique par un dficit de la combinaison des mots d'o les difficults articulatoires, la rduction globale du volume verbal et l'agrammatisme. C'est donc bien la rduction du langage qui constitue le fait majeur de l'aphasie de Broca. Le langage peut se rduire des strotypies (le tan du malade prin ceps de Broca ou le crnom de Beaudelaire). Ces strotypies faites d'une

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Figure 3 Les aires du langage. Tir de R. Gil, Abrg de Neuropsychologie, Masson, Paris, 1997.

syllabe, d'un mot isol, voire d'une courte phrase sont des missions verbales involontaires qui surviennent ds que le malade tente de parler et qui, la manire d'un orgue de Barbarie (Alajouanine) constituent comme un moule rigide et oblig engainant ce qu'il reste de la capacit locutoire. Aussi, la strotypie peut-elle tre nonce avec une tonalit motionnelle variable en fonc-

Figure 4 La double articulation du langage et les deux modes d'arrangement des units linguistiques. Tir de R. Gil, Abrg de Neuropsychologie, Masson, Paris, 1997.

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tion de la coloration affective du message que le malade tente, parfois avec succs, parfois en vain, de faire partager. Les bribes de discours spontan ou la rptition permettent de mettre en vidence une dsintgration phontique : l'locution est lente, laborieuse, hache. Certains phonmes sont supprims, tout particulirement au niveau des groupes diconsonantiques, les consonnes sourdes sont prfres aux consonnes sonores (tin pour train, peu ... ta ... le pour spectacle). Il s'agit d'une simplification articulatoire qui rappelle le langage enfantin. La dsintgration phontique est lectivement mise en vidence par la rptition de certains mots comme spectacle, espigle ou de groupes de mots comme ce gros verrou rouill le dverrouillerai-je... 333 crapauds gras ... j'habite 33 rue LedruRollin . La dsintgration phontique a pu tre considre comme l'assemblage en proportion variable de trois types de troubles : un trouble paralytique avec une insuffisance du souffle trachal, un trouble dystonique avec des mouvements articulatoires inadapts, dmesurs, riches en syncinsies, un trouble apraxique dsorganisant les mouvements bucco-linguo-faciaux qui normalement construisent l'architecture des mouvements musculaires permettant l'locution. D'ailleurs, la dsintgration phontique s'associe un trouble plus gnral de la gesticulation bucco-faciale dnomm apraxie bucco-faciale et qui se manifeste par l'incapacit du sujet mettre en place de manire adapte et harmonieuse, la gestualit buccale et faciale. On la recherche en demandant par exemple au sujet de souffler, de siffler, de mettre la bouche en cul de poule, de se pourlcher les lvres, de montrer les dents, de claquer la langue. La rduction du langage et la dsintgration phontique s'intgrent dans une dissociation automatico-volontaire expliquant que de temps autre une formule de politesse ou un segment de phrase spontane puisse jaillir, lgitimant ainsi l'opposition entre deux types de langage, le langage automatique d'une part, le langage construit ou prpositionnel d'autre part. Si l'aphasie de Broca pargne la prosodie motionnelle gre par l'hmisphre droit, elle coexiste avec une dysprosodie linguistique modifiant les lments de ce qu'il est convenu d'appeler l'intonation de la voix et donnant au malade un accent soit de type germanique avec suppression des groupes diconsonantiques, utilisation prfrentielle des consonnes sourdes, soit de type britannique avec nasalisation et diphtongaison des voyelles. L'expression orale peut tre favorise par son inscription dans une ligne mlodique.

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L'aphasie de Broca s'accompagne d'un manque du mot qui n'est pas seulement li aux perturbations articulatoires et au dlai des productions verbales ; l'bauche orale est habituellement facilitante. La comprhension orale n'est que peu ou pas perturbe mme si la comprhension des mots grammaticaux est imparfaite. La production verbale peut tre entache d'un agrammatisme (agrammatisme expressif) caractris par la rduction de l'utilisation des mots grammaticaux. Cet agrammatisme apparat au cours de l'volution de l'aphasie de Broca. Elle peut dans certains cas dominer le tableau clinique pour raliser une aphasie agrammatique. L'criture est difficile apprcier en raison de l'hmiplgie droite. Il faut donc avoir recours l'criture de la main gauche ou des cubes alphabtiques pour mettre en vidence des transformations paragraphiques de type dysorthograhique et un agrammatisme. La comprhension du langage crit est habituellement altre. Les alexies accompagnant l'aphasie de Broca ont une prsentation variable. Il peut s'agir d'une alexie dite antrieure ou troisime alexie avec une mauvaise identification des lettres, une pellation dficitaire, une importante altration de la comprhension d'une phrase. Il peut s'agir d'une alexie phonologique c'est dire d'une incapacit dcoder les phonmes ; l'activit de lecture ne peut donc passer que par l'activation du lexique. Ainsi les mots sont lus correctement, surtout les mots les plus frquents et les mots concrets alors que les mots grammaticaux offrent des difficults majeures et que les logatomes ne peuvent pas tre dchiffrs. La dyslexie profonde ajoute l'alexie phonologique des paralexies dont la gense est composite. Certaines sont des paralexies smantiques (les casernes pour les militaires) ; d'autres sont drivationnelles transformant la catgorie grammaticale des mots comme cuir pour cuisine. D'autres, enfin, sont des erreurs visuelles, le malade produisant un mot morphologiquement proche du mot cible. L'aphasie de Broca s'accompagne donc habituellement d'une hmiplgie droite totale ou prvalence brachio faciale, parfois d'une hmianopsie latrale homonyme. Les sujets sont conscients de leur trouble ce qui explique la frquence des ractions de catastrophe. L'aphasie de Broca peut s'accompagner d'un tat dpressif que l'on peut considrer soit comme ractionnel la prise de conscience du dficit linguistique, soit comme favoris par la topographie lsionnelle frontale.

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L'aphasie totale de Djrine : grande aphasie de Broca Elle se caractrise par une suspension totale ou sub-totale du langage, une comprhension nulle et l'incapacit de lire ou d'crire. Elle s'accompagne d'une hmiplgie sensitivo-motrice massive et elle est alors lie de vastes lsions hmisphriques gauches pr et rtro-sylviennes. Toutefois, dans certains cas, une aphasie totale de Djrine sans dficit moteur peut tre lie des lsions non contigus (et pargnant le faisceau pyramidal) des aires de Broca et de Wernicke. L'anarthrie pure de Pierre Marie L'anarthrie pure de Pierre Marie ralise typiquement un trouble articulatoire pur voire une suspension totale du langage contrastant avec une comprhension strictement normale tant l'oral qu' l'crit et une criture normale permettant une communication tout fait aise. L'apraxie bucco faciale y est associe. L'anarthrie pure peut exister d'emble et il s'agit alors de lsions limites l'opercule frontal ou la substance blanche du bras antrieur de la capsule interne donc au niveau du quadrilatre de Pierre Marie. Elles peuvent reprsenter le mode volutif d'une aphasie de Broca. L'aphasie transcorticale motrice Elle a t dsigne par Kleist et Pick sous le nom d'adynamie de la parole et par Luria sous le nom d'aphasie dynamique. L'lment central est reprsent par une aspontanit de l'expression verbale qui est considrablement rduite, pouvant aller jusqu'au mutisme, alors que l'aspontant est leve par l'preuve de rptition qui peut mme revtir un caractre cholalique. La comprhension du langage parl et crit est normale et il existe un manque du mot facilit par l'bauche orale. Cette aphasie est donc due un dficit de l'initiation locutoire qui repose sur un systme fonctionnel comportant le gyrus insulaire en connexion avec les autres structures limbiques responsables de la motivation parler et en connexion avec l'aire motrice supplmentaire, elle mme lie l'aire de Broca. L'aphasie transcorticale motrice est donc une aphasie frontale qui peut tre due des lsions de l'aire motrice supplmentaire (aphasie corticale) mais qui peut aussi tre lie une atteinte profonde de la substance blanche sous corticale reliant l'aire motrice supplmentaire l'aire de Broca.

x Les aphasies langage fluide L'aphasie de Wernicke L'aphasie de Wernicke est aussi dnomme aphasie sensorielle depuis son isolement par Wernicke pour signifier que le trouble central intresse non pas

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l'expression verbale comme dans l'aphasie de Broca mais la rception et la comprhension du langage parl. Elle est lie une lsion de l'aire de Wernicke qui est une aire associative auditive situe la partie postrieure de la face externe de la circonvolution temporale suprieure (T1) au niveau de l'aire 22, en dessous des aires auditives primaires et secondaires (les circonvolutions de Heschl, aires 41 et 42). Mais les lsions impliquent aussi souvent la partie adjacente du lobe parital constitue du gyrus supra marginalis (aire 40) et du gyrus angulaire (aire 39) qui interviennent dans l'encodage-dcodage du langage crit mais aussi dans la comprhension du langage parl. Dans la conception neurolinguistique dfendue par Jakobson et par Sabouraud, l'aphasie de Wernicke se caractrise sur le plan phonologique par un dficit du choix des phonmes et sur un plan smiologique par un dficit du choix des mots d'o les paraphasies et le jargon. C'est bien en effet la fluidit verbale, volontiers logorrhique qui constitue l'lment immdiatement accessible lors du premier contact avec le malade. La logorrhe impose parfois de tenter de canaliser le malade pour l'interroger, ce qui est difficile en raison de la perte de la comprhension verbale et de l'anosognosie du trouble. Les preuves de dnomination permettent de mettre en vidence des productions verbales errones en rponse une demande de dnomination : il s'agit des paraphasies. Ces dernires peuvent atteindre la deuxime articulation du langage, c'est dire le choix des phonmes. Il s'agit alors de paraphasies phonmiques ou littrales bouleversant la structure phonmique des mots par omission, adjonction, inversion, dplacement de phonmes (chapeau = chalo ; crayon = crelon). Il peut s'agir aussi de paraphasies verbales morphologiques : le mot mis est alors phontiquement proche du mot cible : (chapeau = capo) au cours desquelles le bouleversement phonologique des mots aboutit par hasard une projection d'un autre mot prsentant une parent morphologique avec le mot cible. L'atteinte de la premire articulation du langage rendrait compte de la production de paraphasies verbales smantiques ainsi appeles parce qu'elles contractent un lien conceptuel avec le mot cible le plus souvent de type catgoriel (papillon = abeille ou papillon = insecte) mais parfois aussi prpositionnel (papillon = butine ou papillon = jaune). Nanmoins, certaines paraphasies verbales chappent tout lien smantique vident avec le mot cible (stylo = charpe) de mme que le bouleversement phonologique est parfois tel que nul lien ne peut plus tre trouv entre le mot cible et le mot prononc : il s'agit alors de nologismes.

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La production de paraphasies peut, par son intensit, dsorganiser la dimension informative du langage en ralisant un jargon. Il peut s'agir d'un jargon indiffrenci fait d'une suite de phonmes, d'un jargon asmantique fait de nologismes, d'un jargon paraphasique fait de paraphasies verbales. Des transformations paraphasiques des monmes grammaticaux rendent compte de la dyssyntaxie qui se caractrise par une inadquation du choix des mots grammaticaux ce qui peut tre interprt comme des paraphasies smantiques ( le bonbon dont je mange ). La rptition extriorise les mmes dsordres paraphasiques. L'atteinte de la comprhension du langage parl est massive et peut atteindre les ordres simples (montrez moi votre nez, montrez moi la fentre). L'atteinte du langage crit ralise une alexie avec incomprhension de l'criture et production de paralexies qui sont l'quivalent de paragraphies ; de mme l'criture extriorise des transformations paragraphiques. L'aphasie de Wernicke ne s'accompagne pas d'hmiplgie. Elle s'associe habituellement une hmianopsie latrale homonyme. Le syndrome alexie-agraphie de Djrine Elle est aussi dnomme aphasie de Wernicke de type III (dans la classification de Roch-Lecours et Lhermitte). A l'oppos de l'aphasie de Wernicke, le langage parl est normal ou subnormal tant en ce qui concerne le langage spontan que la dnomination (qui peut parfois rvler un manque du mot) et que la comprhension. Par contre, le langage crit est trs atteint la fois dans son versant expressif (jargonagraphie) et dans son versant rceptif (alexie). Cette aphasie ralisant une atteinte du dcodage - encodage du langage crit est lie une lsion du gyrus angulaire ou du cortex visuel associatif situ son voisinage. L'aphasie amnsique de Pitres Elle se caractrise par un manque du mot auquel le malade tente parfois de substituer une dfinition par l'usage ou des circonlocutions. Toutefois, le malade ne produit pas de paraphasies et sa comprhension est normale. Les aphasies amnsiques les plus pures sont observes dans les lsions de la circonvolution temporale infrieure mais de nombreuses varits d'aphasies peuvent s'accompagner d'un manque du mot (aphasie transcorticale motrice, aphasie avec amnsie accompagne d'un dficit smantique altrant la comprhension du sens du mot lors des lsions du gyrus angulaire gauche).

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L'aphasie de conduction Dnomme aphasie centrale par Goldstein ou aphasie motrice affrente, elle est singulire par l'intgrit de la comprhension, l'existence d'une riche production paraphasique tant en langage spontan qu'en rptition tmoignant d'une atteinte exclusive de la structure phonologique des mots (deuxime articulation). Le malade produit donc des paraphasies phonmiques et des paraphasies verbales morphologiques. L'intgrit de la comprhension explique par ailleurs les tentatives rptes d'auto correction qui sont loin d'tre toujours suivies d'un succs. Cette aphasie est donc lie une atteinte exclusive de la deuxime articulation du langage (slection des phonmes). Elle est habituellement lie une lsion du faisceau arqu unissant l'aire de Wernicke l'aire de Broca. Les lsions sigent donc le plus souvent dans la substance blanche paritale (il ne s'agit pas alors d'une aphasie corticale) mais il s'agit parfois d'une atteinte associe du cortex du gyrus supra-marginalis et du faisceau arqu, le plus souvent dans sa partie la plus postrieure proche du cortex parital. La surdit verbale Elle se caractrise, quand elle est pure, par une incapacit de la comprhension du langage parl alors que le sujet parle normalement, lit et crit normalement. La rptition n'est pas possible. La surdit verbale pure est lie des lsions cortico sous corticales bitemporales ou temporales gauches. Elle peut tre interprte comme une disconnexion entre l'aire de Wernicke et les informations auditives arrivant au niveau du cortex auditif (gyrus de Heschl). L'aphasie transcorticale sensorielle Elle est aussi dnomme aphasie de Wernicke de type Il dans la classification de Roch-Lecours et Lhermitte ou syndrome d'isolement des aires du langage. Elle est caractrise par une altration massive de la comprhension du langage parl comme du langage crit qui contraste avec le caractre normal de la rptition. Les aires de Broca et de Wernicke sont indemnes de mme que les faisceaux arqus et les lsions sont postrieures l'aire de Wernicke dans une zone qualifie de bordante (Benson) incluant l'aire 37 et l'aire 39 (gyrus angulaire), les lsions pouvant diffuser au cortex visuel associatif. L'aphasie transcorticale sensorielle peut dans quelques cas s'accompagner d'une intgrit de la dnomination.

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x Les aphasies croisesLes lsions corticales de l'hmisphre mineur peuvent aussi raliser exceptionnellement des aphasies dites croises dont le diagnostic ne peut tre pos qu'en l'absence de toute notion de gaucherie personnelle ou familiale. Le tableau clinique peut tre celui d'une aphasie de Broca, de Wernicke, d'une aphasie de conduction, de surdit verbale, d'une aphasie globale ou d'une aphasie mixte avec rduction du volume verbal, strotypies, paraphasies et agrammatisme alors que l'atteinte de la comprhension n'est que modeste.

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Les aphasies sous corticalesM. Puel, J.F. Dmonet, D. Cardebat, D. Castan

Rsum De nombreuses donnes issues des techniques dimagerie morphologique sont venues documenter lexistence de troubles du langage daspect smiologique particulier associs des lsions hmisphriques gauches respectant morphologiquement le cortex crbral et concernant les structures profondes, substance blanche et noyaux gris centraux. Les aphasies sous-corticales ont ainsi permis de dgager un systme fonctionnel dynamique reposant sur la mise en jeux de vastes rseaux neuronaux, largissant les zones impliques dans le langage. Leur tude et celle de leur rcupration par imagerie fonctionnelle illustre la problmatique des effets distance de la lsion et leur implication dans le tableau clinique initial et lors de lvolution. Mots-cls : aphasies sous corticales, lsions thalamiques, lsions des capsules et/ou du complexe lenticulo-caud, aphasie dissidente , boucles cortico-striato-thalamo-corticales.

Sub-cortical aphasia: current findingsAbstract Data gathered from morphological imagery have demonstrated the existence of semiologically specific language disorders in association with left hemisphere lesions which affect deep cerebral structures, white matter and central gray nuclei, leaving intact the morphology of cortex. Sub-cortical aphasia has thus contributed to delineating a dynamic functional system involving broad neuronal networks, a finding which expands the cerebral areas thought to be involved in language until now. The use of functional imagery to study these language disorders and their rehabilitation illustrates the problems of distal effects of brain damage, as well as their influence on the initial clinical picture and its course over time. Key Words: sub-cortical aphasia, thalamic lesions, lesions of the capsules and/or the lenticulo-caudate complex, atypical aphasia, cortico-striate-thalamo-cortical bundles.

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M. PUEL, J.F. DMONET, D. CARDEBAT*, D. CASTAN** * Fdration des Services de Neurologie CHU Purpan Toulouse INSERM U 455 CHU Purpan Toulouse ** Service de neurologie Consultation Langage et mmoire CHI Castres-Mazamet 81108 Castres Cedex

L

tude des troubles du langage en relation avec des lsions sous-corticales conduit invariablement un dbat pistmologique concernant les frontires de laphasie, dbat qui consiste opposer les aphasies vraies aux troubles du langage non-aphasiques (Lhermitte, 1984). Quoi quil en soit, le rle des structures sous corticales a t voqu trs tt dans lhistoire de laphasiologie par larticle de Pierre Marie Que faut-il penser des aphasies sous-corticales ? publi en 1906. Depuis 1980, de nombreuses donnes issues des techniques dimagerie morphologique sont venues documenter lexistence de troubles du langage daspect smiologique particulier associs des lsions hmisphriques gauches respectant morphologiquement le cortex crbral et concernant les structures profondes, substance blanche et noyaux gris centraux. Diffrant de la description des aphasies classiques relatives des lsions intressant le cortex prisylvien, ces troubles ont permis dindividualiser le concept daphasie sous-corticale (Alexander et al. 1987, Cappa et al. 1983, Damasio et al. 1982, Puel et al. 1984, 1986, Wallesch et al. 1983). La description dun syndrome aphasique supplmentaire, spcifique des lsions sous-corticales, ne prend tout son intrt que par la rflexion quelle sous-tend sur la comprhension de la physiopathologie des diffrents symptmes qui le composent. Ainsi, le dogme tabli concernant les zones impliques dans le langage sest largi la notion dun systme fonctionnel dynamique reposant sur la mise en jeu de vastes rseaux neuronaux (Crosson 1985, Damasio 1989, Mesulam 1990). Cette rflexion fonctionnaliste a t renforce depuis le dveloppement rcent des techniques dimagerie fonctionnelle dont lun des objectifs premiers est dapprocher la dynamique adaptative du cerveau la suite dune lsion crbrale, dans des situations dites de repos ou dactivation. Ltude des aphasies sous-corticales et de leur rcupration par les mthodes dimagerie fonctionnelle, SPECT et PET, illustre bien la pro-

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blmatique des effets distance de la lsion et leur implication dans le tableau clinique initial et lors de lvolution.

x Aspects cliniques et smiologiques : le syndrome daphasie sous-corticaleLes aphasies sous corticales sont frquentes, observes pour environ 50 % des lsions chez des patients droitiers. Si diffrents syndromes aphasiques ont t dcrits en rapport avec ce type de lsions, beaucoup dauteurs saccordent sur le fait que ces aphasies sont atypiques par rapport la taxonomie classique, moins svres et de meilleur pronostic que les aphasies corticales. Une revue antrieure (Dmonet, 1987) de 251 cas dcrits dans la littrature de troubles du langage associs des lsions vasculaires sous-corticales gauches rpartis en 108 cas de lsions thalamiques et 143 cas de lsions sous-corticales non thalamiques (correspondant des lsions des capsules et/ou du complexe lenticulo-caud) - dmontre la raret des aphasies classiques dans ce cadre : 6 % de cas classiques lors des lsions thalamiques et 36 % lors des lsions non thalamiques. Dans les observations dtailles, des paraphasies phonmiques et/ou des troubles de la rptition qui sont pour certains auteurs (Lhermitte, 1984) pathognomoniques des aphasies vraies ne sont dcrits que dans 10 % des cas thalamiques et 49 % des cas non thalamiques. Parmi les 50 cas publis mentionnant des donnes longitudinales, une volution favorable tait dcrite dans 65 % des cas, soit environ 2 cas sur 3. Dans notre srie personnelle comprenant plus de 50 cas (Puel et al., 1984, 1986, 1992 ; Dmonet et al., 1991a) nous avons dcrit dans la moiti des cas un syndrome atypique, qualifi daphasie dissidente . Ce syndrome daphasie sous-corticale comprend en premier lieu ce que lon pourrait qualifier sous le terme de troubles dysexcutifs du langage sexprimant sous la forme dune rduction et dune aspontanit de lexpression orale la phase aigu ; des difficults dans llaboration de rcits, lexplicitation de proverbes, la construction des phrases constituent souvent les squelles ultimes de ce syndrome aphasique. Lanomie manifeste par des pauses dans le langage spontan se rvle plus marque lors du rcit quen preuve de dnomination ; cette dissociation sapparente celle dcrite dans ltude de cas de Costello et Warrington (1989) dune aphasie frontale adynamique. Les persvrations lexicales sont manifestes dans la tche de dnomination avec ritration de litem prcdent lors de litem suivant, parfois plusieurs reprises, ou aussi production retardement de litem cible, tmoignant de la persistance de la recherche de litem attendu lorsque celui-ci na pas t produit.

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Le deuxime point caractristique est reprsent par lexistence de troubles lexico-smantiques en production pouvant parfois prendre laspect dune incohrence verbale. Ces paraphasies peuvent prendre plusieurs formes parfois cumules chez un mme patient ; il peut sagir de paraphasies verbales banales, telles quon les observe classiquement dans les aphasies corticales, ayant une relation de sens proche avec celle du mot attendu. Souvent ces paraphasies revtent une certaine tranget : ve l u r e pour doublure, mauresque pour moustaches suggrant des mcanismes de drivations morphologiques subtils, gnrateurs de productions nologistiques complexes issues du lexique, proches des productions dviantes dcrites dans la schizophasie (Pinard et Lecours, 1979) et dans les observations de Nadeau et Crosson (1997) ; un pinceau a t successivement dnomm par un des patients de Barat, Mazaux et al. (1981) comme une ponge, une imponze, une espce de passecouleur suggrant la libration dun systme morphologique et lexical. Parfois encore, on parlera de paraphasies syntagmiques pour dsigner la production dun ensemble de mots tonnamment labore comme graine dif de pays chaud pour dnommer limage dun cactus - avec dans ce cas une relation smantique clairement perceptible ; dans dautres cas, la production syntagmique attire lattention par sa bizarrerie, voire son caractre totalement inadquat par rapport la cible ; ainsi limage fourchette a t dnomme : un objet de gratitude quil offre ses enfants . La frquence des paraphasies dans le discours est source dune incohrence qui reste malgr tout une incohrence de surface que lon peut aisment corriger en changeant les lments lexicaux inappropris (cf.le rcit dun de nos patients relatant son voyage en Normandie lors des crmonies anniversaires du dbarquement, Puel et al., 1986). Cette incohrence de surface nous semble un lment caractristique des aphasies thalamiques et distinctif des incohrences dorigine frontale dcrites par Lhermitte et al. (1972) et Guard et al. (1983). Le troisime lment caractristique concerne lexistence de troubles moteurs du langage, reprsents sous la forme dun flou articulatoire et dune hypophonie constante, perue par le malade et son entourage familier, incorrigible la phase aigu. Contrastant avec ces anomalies, la rptition de mots est normale ainsi que la comprhension des mots et phrases courtes. Un tel syndrome peut tre identifi dans environ la moiti des cas dcrits dans la littrature ; il est le plus souvent associ des lsions thalamiques (Cambier et al. 1982) ; il peut galement tre observ en cas de lsion striato-capsulaire, ce dernier type de lsion induisant plus frquemment des aphasies clas-

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siques. Par contre il na jamais t observ, dans notre exprience, une aphasie dissidente associe une lsion corticale. Sur le plan volutif, le pronostic de ces troubles du langage est meilleur que celui des troubles aphasiques par lsion du cortex ; cependant la phase