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«COLLECTOR» OU LE MEILLEUR OU FNAC EXPOSÉ AU TRI POSTAL DE LILLE Dans l'immense Tri postal, l'exposition d'une partie des collections du Cnap se devait d'être bien aiguillée. Dans quelle direction ? Celle, ainsi que le suggère le titra «Collector», d'une réflexion sur l'acte même de collectionner. Et sur ce que finissent par révéler de nous-mêmes, de la société, du monde, ces objets rares. Une ambition qui s'appuie sur 150 oeuvres réalisées par 86 artistes, contemporains pour la plupart, designers y compris. Articulée en trois «plateaux» (outre des programmations satellites), l'exposition montre comment les artistes empruntent les uns aux autres des références et assurent, de manière critique ou admirative, la persistance des images iconiques. Ainsi Richard Fauguet se souvient-il de Degas et de sa danseuse ou Valentin Carrón de Fernand Léger. Le premier niveau est envahi par les logos, ceux photographiés par William Klein dans les années 1950 ou ceux qui saturent la ville virtuelle conçue par le groupe H5 dans une animation. Entin, la tonalité se fait plus sombre dans la dernière partie titrée «Life Is a Killer» - d'après une pièce de lohn Giorno - qui met en scène la présence de la mort à travers notamment une Vanité aérienne de Saâdane Afif. > Du 5 octobre au 1°' janvier • www.lille3000.fr BERTRAND LAVIER Walt Disney Productions 1995, résine, 162x86x60 cm. Achat à la galerie lousse-Seguin (Paris) en 1995 Depuis l'achat de cette pièce de Bertrand Lavier, le Fnac en a acquis sept autres, disposant ainsi d'un bel ensemble du prolifique artiste français. Entretien avec Sébastien Faucon, conservateur au Fnac «AUJOURD'HUI, ON PEUT CERTES RATER UNE PIÈCE OU UN ARTISTE, MAIS PAS UNE TENDANCE» Comment se définit la politique d'acquisition du Fnac? La vocation première est de porter une attention toute particulière à la jeune création française, mais aussi à la création internationale. Le déclic a eu lieu en 1968, date du premier achat à Christian Boltanski, alors âgé de 26 ans, et du premier achat à Francis Bacon, qui montre une première ouverture vers l'étran- ger. Il est rare aujourd'hui que l'on acquière des oeuvres de plus de vingt ans. Sauf si elles sont signées d'un artiste présent nulle part, ou encore s'il s'agit de sauver un fonds d'atelier. Nous pouvons aussi acheter des oeuvres d'un artiste âgé, mais à condition qu'elles soient récentes. Quelles grandes problématiques guident l'achat des oeuvres? Une réflexion est menée depuis un an et demi afin de définir des axes d'achat. Si cette méthode de travail a été hien mise en place pour la commission photo, elle sera appliquée pour la pnx:haine commission arts plastiques, qui va couvrir 2012-2015. Mais d'ores et déjà, on a privilégié lors de la dernière commis.sion la documentation des dispositifs performatift. Nous étions, certes, dotés d'un fonds sur la performance, constitué de photographies documentaires, d'oeuvres des actionnistes viennois, de Gina Pane ou de Michel Joumiac. Mais nous nous tournons à présent vers l'acquisition de simples protocoles. Et celle de Kiss, l'oeuvre de Tino Sehgal (2004), représente de ce point de vue un tournant. Nous continuons donc dans cette veine, avec par exemple des oeuvres de Roman Ondak. Un autre exemple: la commission design, où les idées fourmillent, suit un axe autour du principe de mobilité et s'est donc penchée en particulier sur les ordinateurs portables, les clés USB, les premiers téléphones portables. Dans quelle mesure un achat est-il motivé par la volonté d'apporter en quelque sorte une aide sociale, un petit coup de pouce à un artiste ou à une galerie qui traverserait une mau- vaise passe? Après la Seconde Guerre mondiale, il y a eu des achats massifs aux artistes dans le but de les soutenir financièrement. Mais aujourd'hui, ce n'est plus vraiment le cas, car les ardstes ont la possibilité par ailleurs de bénéficier d'aides sociales. Les memhres de la commission ne sont pas rétribués. Cela n'augmente-t-il pas les risques d'arrangements entre galeristes et rapporteuils? Si on fait appel à des gens, c'est qu'on les juge parfaitement intègres. Ils travaillent tous dans le seul intérêt de la collection et sont fiers de le faire. En outre, il n'est guère possible de privilégier tel ou tel galeriste : les achats sont équitablement répartis. La collection souffre-t-elle de lacunes à vos yeux? Elle a négligé toutes les avant-gardes du début du XX" siècle, sauf Matisse. Même Picasso a été peu acheté. Il y a eu un rattrapage historique dans les années 1960 et 1970 au moment de la préfiguration du Centre Pompidou. Aujourd'hui, on peut certes rater une pièce ou un artiste, mais pas une tendance. *

66721281collection Fnac

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  • COLLECTOR OU LE MEILLEUR OU FNACEXPOS AU TRI POSTAL DE LILLEDans l'immense Tri postal, l'exposition d'une partiedes collections du Cnap se devait d'tre bien aiguille.Dans quelle direction ? Celle, ainsi que le suggre le titraCollector, d'une rflexion sur l'acte mme de collectionner.Et sur ce que finissent par rvler de nous-mmes, de lasocit, du monde, ces objets rares. Une ambition qui s'appuiesur 150 uvres ralises par 86 artistes, contemporains pourla plupart, designers y compris. Articule en trois plateaux(outre des programmations satellites), l'exposition montrecomment les artistes empruntent les uns aux autres desrfrences et assurent, de manire critique ou admirative,la persistance des images iconiques. Ainsi Richard Fauguetse souvient-il de Degas et de sa danseuse ou Valentin Carrnde Fernand Lger. Le premier niveau est envahi par les logos,ceux photographis par William Klein dans les annes 1950ou ceux qui saturent la ville virtuelle conue par le groupe H5dans une animation. Entin, la tonalit se fait plus sombredans la dernire partie titre Life Is a Killer - d'aprs unepice de lohn Giorno - qui met en scne la prsence de la mort travers notamment une Vanit arienne de Sadane Afif.

    > Du 5 octobre au 1' janvier www.lille3000.fr

    BERTRAND LAVIERWalt DisneyProductions1995, rsine,162x86x60 cm.Achat la galerielousse-Seguin (Paris)en 1995Depuis l'achatde cette picede Bertrand Lavier,le Fnac en a acquissept autres,disposant ainsid'un bel ensembledu prolifiqueartiste franais.

    Entretien avec Sbastien Faucon,conservateur au Fnac

    AUJOURD'HUI, ON PEUT CERTESRATER UNE PICE OU UN ARTISTE,MAIS PAS UNE TENDANCEComment se dfinit la politique d'acquisition du Fnac?La vocation premire est de porter une attention toute particulire la jeunecration franaise, mais aussi la cration internationale. Le dclic a eu lieu en1968, date du premier achat Christian Boltanski, alors g de 26 ans, et dupremier achat Francis Bacon, qui montre une premire ouverture vers l'tran-ger. Il est rare aujourd'hui que l'on acquire des uvres de plus de vingt ans.Sauf si elles sont signes d'un artiste prsent nulle part, ou encore s'il s'agit desauver un fonds d'atelier. Nous pouvons aussi acheter des uvres d'un artisteg, mais condition qu'elles soient rcentes.Quelles grandes problmatiques guident l'achat des uvres?Une rflexion est mene depuis un an et demi afin de dfinir des axes d'achat.Si cette mthode de travail a t hien mise en place pour la commission photo,elle sera applique pour la pnx:haine commission arts plastiques, qui va couvrir2012-2015. Mais d'ores et dj, on a privilgi lors de la dernire commis.sionla documentation des dispositifs performatift. Nous tions, certes, dots d'unfonds sur la performance, constitu de photographies documentaires, d'uvresdes actionnistes viennois, de Gina Pane ou de Michel Joumiac. Mais nous noustournons prsent vers l'acquisition de simples protocoles. Et celle de Kiss,l'uvre de Tino Sehgal (2004), reprsente de ce point de vue un tournant. Nouscontinuons donc dans cette veine, avec par exemple des uvres de RomanOndak. Un autre exemple: la commission design, o les ides fourmillent, suitun axe autour du principe de mobilit et s'est donc penche en particulier surles ordinateurs portables, les cls USB, les premiers tlphones portables.Dans quelle mesure un achat est-il motiv par la volont d'apporter en quelque sorte uneaide sociale, un petit coup de pouce un artiste ou une galerie qui traverserait une mau-vaise passe?Aprs la Seconde Guerre mondiale, il y a eu des achats massifs aux artistes dansle but de les soutenir financirement. Mais aujourd'hui, ce n'est plus vraimentle cas, car les ardstes ont la possibilit par ailleurs de bnficier d'aides sociales.Les memhres de la commission ne sont pas rtribus. Cela n'augmente-t-il pas les risquesd'arrangements entre galeristes et rapporteuils?

    Si on fait appel des gens, c'est qu'on les juge parfaitement intgres. Ilstravaillent tous dans le seul intrt de la collection et sont fiers de le faire.En outre, il n'est gure possible de privilgier tel ou tel galeriste : les achatssont quitablement rpartis.

    La collection souffre-t-elle de lacunes vos yeux?Elle a nglig toutes les avant-gardes du dbut du XX" sicle, sauf Matisse. MmePicasso a t peu achet. Il y a eu un rattrapage historique dans les annes 1960et 1970 au moment de la prfiguration du Centre Pompidou. Aujourd'hui,on peut certes rater une pice ou un artiste, mais pas une tendance. *

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