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Chrysalide Marie-Joëlle Dambroise et Danielle Fleury

Chrysalide - Fnac

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Chrysalide

Chrysalide

Marie-Joëlle Dambroise et Danielle Fleury

14.32 615185

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 176 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 14.32 ----------------------------------------------------------------------------

Chrysalide

Marie-Joëlle Dambroise et Danielle Fleury

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Personnages :

Le Comte : professeur de philosophie. Lucas : son élève, jeune homme préparant son bac. Gonzague : ami du professeur de philosophie. Jane, Konrad et Saw : trois invités de Gonzague. Jeanne d’Arc Socrate Confucius

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Acte I

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Scène première

Une pièce meublée avec goût, avec un bureau, un pupitre, un tableau, quelques sièges et une horloge. Lucas, boucle à l’oreille, mèche de couleur, en jeans, entre, démarche blasée, lance son bloc-notes et son livre sur le pupitre, s’affale sur la chaise, sort un hamburger, mord dedans et le repose, mâche en regardant autour de lui, boit une gorgée de coca, éructe, le regard lointain, pensif, tandis qu’un vieil homme en robe blanche, cheveux argentés et légèrement bouclés, s’avance, le regarde, puis s’approche de Lucas qui, surpris, ne dit rien.

Socrate, se tournant vers les spectateurs :

Non, ne dites rien ! Je vais deviner !… Vêtements sans aucun style… La Révolution est passée par là… et même l’Empire… et sûrement Mai 68… Cela ne peut pas être avant. (En le regardant.) Plus de réflexes de civilité… Plus de réflexes du tout, d’ailleurs… J’y

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suis ! Fin 20ème ! Début 21ème ! (S’adressant à Lucas.) Alors, c’est pour un cours de philosophie ?

Lucas :

Ouais, c’est ma mère qui veut…

Socrate :

Et ton père ?

Lucas :

Lequel ?

Socrate semble découragé, s’assoit au pupitre, en soupirant.

Y a du pain sur la planche !

Lucas, le doigt pointé sur son hamburger :

Ouais, ça c’est mon big mac !

Socrate :

Et moi, je suis le big Socrate !

Lucas, sans réaction, puis semble réfléchir :

(En feuilletant son livre.) Je parierais que j’vous ai déjà vu quelque part.

Socrate :

Il te faudrait un solide cours de philosophie et d’éthique, parce que ton éducation en aurait bien

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besoin… Elle a été faite à l’emporte-pièce…

Lucas : A l’emporte-pièce ?… Ouais, à l’emporter !…

J’avais pas le temps de manger sur place. (Il se remet à manger.) J’ai demandé à l’emporter…

Socrate soupire. En aparté :

Et dire que nous parlons la même langue ! (Il se penche vers lui et le regarde dans les yeux.) Dis-moi, quel but poursuis-tu dans la vie ?

Lucas émet des sons inintelligibles, car il mange :

Ils disent fast-food, mais c’est super long à bouffer… Mon but, c’est d’obéir à ma mère.

Socrate : Je te félicite, jeune homme, l’obéissance est une

vertu honorable…

Lucas : Vous vous gourez… Tropa ! J’obéis à ma mère

pour qu’elle me foute la paix ! Que je réussisse mon bac… enfin son bac !

Socrate : Pour atteindre l’autre rive…

Lucas :

L’autre rive ? Ah ouais, moi, c’est la Côte !

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Socrate : C’est bien, la côte à gravir, l’effort soutenu en vue

de la victoire…

Lucas : Pas besoin d’efforts ! En cinq plombes, on y est !

Socrate : La volonté d’arriver au sommet et de se

surpasser…

Lucas : Surpasser ! Ah oui, ça, on se surpasse, on descend

à deux ou trois bagnoles et on se surpasse tout le long ! Le pied !

Socrate : Le big foot, jeune homme ! (Bruit de la porte

d’entrée.) Je prends congé.

Lucas : Vous partez en vacances ?

Socrate disparaît, tandis qu’entre le professeur. Digne, sévère, rigide, il s’installe au pupitre, face à Lucas.

Le Comte : Veuillez excuser mon léger retard dû aux

encombrements perpétuels de la chaussée publique…

Lucas :

Elle n’est pas toujours publique la chaussée ?

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Le Comte :

Bonne réflexion, jeune homme. En effet, quelle est son utilité publique, si on ne peut plus rouler ? Le temps ne vous a pas paru trop long ?

Lucas :

J’étais pas tout seul… Y avait votre père !…

Le Comte, avec un haut-le-corps :

Mon père !… Sachez qu’il est tombé au champ d’honneur à Verdun…

Lucas :

Ah ouais ! Verdun… Verdun… Ma mère m’emmenait manger des anguilles, au bord du Doubs. Votre père s’est noyé ? C’est con, alors !

Le Comte :

Pourriez-vous me décrire la physionomie de la personne en question ?

Lucas :

Très fun avec sa grande robe… Tenez ! (Il ouvre son livre de philo et lui montre.) Un peu dans ce genre… Mais oui, c’est lui !

Le Comte, ironique :

Sachez, jeune homme, que cet homme vivait, il y a plus de 2000 ans…

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Lucas : Ça m’étonne pas… Vachement sympa !

Le Comte : Ecoutez, jeune homme, votre mère m’a chargé de

vous inculquer les bases de la philosophie et dans votre cas, le plus urgent, c’est que nous commencions par le chapitre de la perception de la réalité…

Lucas : Comme vous voulez… N’empêche qu’il était

cool !

Le Comte, irrité, se passe la main dans les cheveux, ton magistral :

Dans la perception du réel se posent trois problèmes ; premièrement, un problème psychologique, deuxièmement, un problème épistémologique, troisièmement, un problème métaphysique, donc trois problèmes que nous examinerons plus en détail…

Lucas, avachi : Y en a que trois ?

Le Comte : La perception du réel est un sujet complexe…

Lucas : Justement ! Je m’attendais à plus ! Trois problèmes,

c’est vite liquidé ! Moi, si j’en avais qu’trois !…

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Le Comte s’assoit en soupirant :

Alors, combien de problèmes avez-vous ?

Lucas, en imitant son intonation :

Premièrement, ma mère et c’est un sujet complexe… Deuxièmement, mes études… enfin, ses études ! Troisièmement, ma vie. (Puis, imitant l’intonation de Socrate et se penchant vers Le Comte.) Dis-moi quel but poursuis-tu dans la vie ?

Le Comte : Je ne vous permets pas de me tutoyer, jeune

homme !

Lucas éclate de rire : Je vous parle pas à vous ! Je répète ce que me

disait le Vieux à la robe !

Le Comte : Encore ! (Il se lève.) Ecoutez, jeune homme, je

vous fais grâce de l’introduction du cours. Abordons, de toute urgence, le chapitre qui vous sera, peut-être, d’un grand secours, à savoir les troubles de la perception du réel…

Lucas, se parlant à lui-même, tandis que Le Comte se fige,

vexé d’être interrompu : C’est vrai qu’j’m’étais jamais posé la question…

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(Il répète sur un ton appliqué.) Poursuis-tu un but dans la vie ?… A part décrocher mon bac pour faire plaisir à ma mère… C’est d’jà sympa de faire plaisir… ou c’est pour qu’elle me foute la paix ?…

Le Comte, profitant de ce silence, reprend imperturbable : Premièrement, les hallucinations hypnagogiques,

deuxièmement, les hallucinations kinésiques, troisièmement, les hallucinations…

Lucas, ton triomphant : Éthiques !

Le Comte se rassoit : Non, jeune homme, ce n’est pas le terme

approprié…

Lucas : C’est pourtant c’que disait le Vieux !

Le Comte : Votre Vieux est parfaitement inculte !…

(Haussant les épaules.) Hallucinations éthiques ! Quel non-sens philosophique ! Jeune homme, vous m’avez fait une hallucination visuelle et maintenant, je diagnostique une hallucination auditive…

La porte s’est ouverte et Socrate est sur le seuil.

Lucas :

C’est vous qui hallucinez.

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Le Comte :

Soyez plus respectueux, jeune homme !

Lucas, en désignant du doigt, Socrate :

Ah, j’avais pas raison ?

Le Comte se tourne vers la porte :

Qui êtes-vous ?

Socrate :

Je suis le Vieux !

Le Comte :

Cas typique d’hallucination collective !

Socrate :

Je suis le Vieux parfaitement inculte !

Le Comte s’éponge le front :

Je suis désolé…

Lucas :

Super, vous êtes revenu ! C’est cool, surtout qu’on me prenait pour un halluciné…

Socrate :

Tu n’es point sot, mais tu as répété mes paroles comme un perroquet ; ton maître a raison, hallucination éthique est une absurdité…

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Le Comte, ton triomphant :

Ah !

Socrate :

Hallucination, tu n’en es absolument pas victime…

Lucas, même ton triomphant :

Ah !

Socrate :

… Mais éthique, c’est la morale…

Lucas :

C’est quoi la morale ?

Le Comte, d’un ton supérieur :

De mon temps, on l’apprenait.

Socrate, imitant Le Comte :

De mon temps, on la pratiquait.

Lucas :

Il y a 2000 ans ?

Le Comte :

Cessez vos élucubrations !

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Lucas :

Tropa, c’est vous qui l’avez dit, qu’il vivait y’a plus de 2000 ans !

Le Comte, ironique :

Et il serait parmi nous aujourd’hui ?

Lucas :

Ouais ! Comme dans « Retour vers le futur » !

Le Comte :

Ne mélangeons pas réalité et fiction !

Socrate :

Là, la réalité dépasse la fiction.

Lucas :

Super ! Ça déchire grave ! Dire que je discute avec un type du temps des Romains !

Le Comte :

Pourquoi cette mise en scène ? Vous ne voyez pas que vous le perturbez dans sa perception du réel ? (Lucas et Socrate rient.) Si c’est un complot, je vous prie de prendre la porte !

Lucas :

Cool ! Keep cool !… Y en a une qui va pas être d’accord ! C’est ma mère ! Je dois rester pour le cours, sinon ça va chier ! En plus, ma mère dit que c’est pas donné.

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Socrate :

Ô sophiste, tu te fais rémunérer pour ton enseignement de philosophie ? Honte à toi !

Le Comte s’assoit, abattu, tandis que la porte s’ouvre, une jeune

fille, en pantalon, cheveux en coupe carrée, entre et s’avance :

(A Socrate.) Qui êtes-vous pour me traiter de la sorte ?

Socrate : Je suis la Sagesse.

Jeanne : Et moi, je suis l’Innocence.

Le Comte regarde sa montre, s’éponge :

Bonjour Mademoiselle… Veuillez excuser cette agitation ! Elle n’est que momentanée… Ces deux messieurs allaient prendre congé…

Lucas : Un break ? Eh non, pour moi les vacances, c’est

après le bac ! Et vous ? (En s’approchant de la jeune fille qui ne répond rien.)

Socrate : Moi, les vacances, je n’en ai jamais eu, d’ailleurs,

l’oisiveté est mère de tous les vices !