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MAI 2017 • LA JAUNE ET LA ROUGE 98 ARTS, LETTRES & SCIENCES manquer de respect à Simon Rattle que de dire que le son exceptionnel du Berlin de Karajan n’est plus le même aujourd’hui. L’orchestre de Berlin est toujours phé- noménal, magnifique, mais il n’est plus exceptionnel, aisément reconnaissable à l’aveugle, comme l’avait « créé » Karajan, et comme on l’entend encore là, dix ans après la mort de Karajan. Les interprétations sont toutes recommandables. Les Danses hongroises de Brahms réclament cette fantaisie, ce côté enlevé, « déhanché », que crée Abbado (comme dans son disque enregistré à Vienne, une dizaine d’années plus tôt). Vengerov, qui joue Tzigane les yeux fermés (vraiment fermés), joue une de ces Danses hongroises en soliste en guise de bis. Dans le Rachmaninov (1934), inspiré du Vingt- quatrième caprice de Paganini (1824) et du thème médiéval du Dies Irae cher entre autres à Berlioz, Pletnev, Abbado et l’orchestre font preuve de virtuosité mais aussi d’une grande sensibilité. Alagna, avec sa barbichette de l’époque, est formidable. Terfel en Escamillo, mémorable, on l’a dit. Anne Sofie von Otter, éclectique mezzo- soprano (excellente dans Offenbach, dans le baroque, etc.), est une Carmen de braise (sa prise de rôle existe en DVD). Mirella Freni, la Mimi du siècle depuis 1963 (le CD du chef-d’œuvre de Puccini avec Pavarotti et Karajan est un des dix disques de référence de la discothèque de l’honnête homme), est aussi une Tatiana mémorable (elle a enregistré brillamment le rôle complet, à la même période). Sa célèbre scène de la lettre, malheureuse- ment sans sous-titre, est poignante, et on ne peut qu’être révolté comme elle de l’attitude d’Onéguine, le seul personnage méprisable de l’opéra qui porte son nom, et du livre de Pouchkine qui en est la source. Quels beaux concerts ! Des DVD que l’on peut regarder par morceaux, pour le plaisir des morceaux, du son, des artistes ainsi immortalisés. Q Marc Darmon (83) Maxim Vengerov électrique au violon, la coqueluche de l’époque. En 1997, sur le thème de « Carmen et l’Espagne », des extraits de Carmen (avec Roberto Alagna, Anne Sofie von Otter et un Bryn Terfel hallucinant, au sens propre, dans Escamillo), la Fantaisie sur Carmen de Sarasate (pot-pourri brillantissime de huit ans postérieur à l’opéra, avec un brillant Gil Shaham), la Rhapsodie espagnole de Ravel, et, monument de la soirée, la Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov avec un virtuose Pletnev. Et en 1998, des extraits choisis d’opéra par les stars d’hier (Mirella Freni), du moment (Simon Keenlyside) et de ce qui serait demain (Christina Schäffer, Marcelo Alvarez) : Don Giovanni, La Flûte enchantée, Rigoletto, Eugène Onéguine, La Traviata, qui dit mieux ? Et en interludes orchestraux, l’ouverture de La Pie voleuse de Rossini, et le Carnaval romain tiré du Benvenuto Cellini de Berlioz, deux œuvres où Abbado excelle toujours. L’image de ces DVD est très bonne, même s’il ne s’agit naturellement pas de haute définition. Mais le son est incroyablement présent et bien enregistré. Ce n’est pas Orchestre philharmonique de Berlin, Maxim Vengerov, Gil Shaham, Mikhaïl Pletnev, Mirella Freni. Direction Claudio Abbado Trois DVD ou Blu-ray Euroarts 2012604, 2012904 et 2013104 C’est une tradition aussi importante que le concert du Nouvel An à Vienne, et télédiffusé en direct et suivi par des mil- lions de spectateurs également : chaque 31 décembre, le Philharmonique de Berlin joue le concert le plus festif de l’année sous la direction de son directeur musical. On a vanté dans ces colonnes le concert du 31 décembre 2014, où, sous la direction de Sir Simon Rattle, Menahem Pressler interprétait le plus beau des 23 e concertos de Mozart (Blu-ray et DVD Euroarts). On pourrait dire le plus grand bien du dernier concert en 2015, où Rattle accompagnait Anne-Sophie Mutter dans un programme Ravel/Saint- Saëns mémorable (disponible en Blu-ray et DVD également chez Euroarts). Mais les concerts de fin 1996, 1997 et 1998 sont un véritable choc pour plusieurs raisons. Tout d’abord, on y retrouve le regretté Claudio Abbado à la direction. Claudio Abbado, il y a vingt ans, était tout sim- plement le plus grand chef vivant. Avant sa maladie, dans la force de son art, à la tête de ce qui était encore le plus bel orchestre du monde, travaillant à la fois le son et le phrasé de chaque mesure, avec la perfection de la virtuosité et de l’habileté de l’orchestre forgé par Karajan pendant trente ans. Et cela se perçoit constam- ment, même dans un tel programme d’œuvres très accessibles. Les programmes choisis par Abbado sont magnifiques, et les spectateurs qui ont retardé leur dîner de réveillon n’ont pas dû le regretter. Et avec un florilège de stars ! En 1996, sur le thème « Tzigane », Danses hongroises et Chants tziganes de Brahms et naturellement Tzigane et La Valse de Maurice Ravel, avec un MUSIQUE EN IMAGES TROIS CONCERTS DE LA SAINT-SYLVESTRE 1996, 1997 ET 1998

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MAI 2017 • LA JAUNE ET LA ROUGE

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ARTS, LETTRES& SCIENCES

manquer de respect à Simon Rattle que de dire que le son exceptionnel du Berlin de Karajan n’est plus le même aujourd’hui. L’orchestre de Berlin est toujours phé-noménal, magnifique, mais il n’est plus exceptionnel, aisément reconnaissable à l’aveugle, comme l’avait « créé » Karajan, et comme on l’entend encore là, dix ans après la mort de Karajan.Les interpré ta t ions sont toutes recommandables. Les Danses hongroises de Brahms réclament cette fantaisie, ce côté enlevé, « déhanché », que crée Abbado (comme dans son disque enregistré à Vienne, une dizaine d’années plus tôt). Vengerov, qui joue Tzigane les yeux fermés (vraiment fermés), joue une de ces Danses

hongroises en soliste en guise de bis. Dans le Rachmaninov (1934), inspiré du Vingt-

quatrième caprice de Paganini (1824) et du thème médiéval du Dies Irae cher entre autres à Berlioz, Pletnev, Abbado et l’orchestre font preuve de virtuosité mais aussi d’une grande sensibilité. Alagna, avec sa barbichette de l’époque, est formidable. Terfel en Escamillo, mémorable, on l’a dit. Anne Sofie von Otter, éclectique mezzo- soprano (excellente dans Offenbach, dans le baroque, etc.), est une Carmen de braise (sa prise de rôle existe en DVD). Mirella Freni, la Mimi du siècle depuis 1963 (le CD du chef-d’œuvre de Puccini avec Pavarotti et Karajan est un des dix disques de référence de la discothèque de l’honnête homme), est aussi une Tatiana mémorable (elle a enregistré brillamment le rôle complet, à la même période). Sa célèbre scène de la lettre, malheureuse-ment sans sous-titre, est poignante, et on ne peut qu’être révolté comme elle de l’attitude d’Onéguine, le seul personnage méprisable de l’opéra qui porte son nom, et du livre de Pouchkine qui en est la source.Quels beaux concerts ! Des DVD que l’on peut regarder par morceaux, pour le plaisir des morceaux, du son, des artistes ainsi immortalisés. Q

Marc Darmon (83)

Maxim Vengerov électrique au violon, la coqueluche de l’époque. En 1997, sur le thème de « Carmen et l’Espagne », des extraits de Carmen (avec Roberto Alagna, Anne Sofie von Otter et un Bryn Terfel hallucinant, au sens propre, dans Escamillo), la Fantaisie sur Carmen de Sarasate (pot-pourri brillantissime de huit ans postérieur à l’opéra, avec un brillant Gil Shaham), la Rhapsodie espagnole de

Ravel, et, monument de la soirée, la Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov avec un virtuose Pletnev. Et en 1998, des extraits choisis d’opéra par les stars d’hier (Mirella Freni), du moment (Simon Keenlyside) et de ce qui serait demain (Christina Schäffer, Marcelo Alvarez) : Don Giovanni, La Flûte

enchantée, Rigoletto, Eugène Onéguine, La

Traviata, qui dit mieux ? Et en interludes orchestraux, l’ouverture de La Pie voleuse de Rossini, et le Carnaval romain tiré du Benvenuto Cellini de Berlioz, deux œuvres où Abbado excelle toujours.L’image de ces DVD est très bonne, même s’il ne s’agit naturellement pas de haute définition. Mais le son est incroyablement présent et bien enregistré. Ce n’est pas

Orchestre philharmonique de Berlin,Maxim Vengerov, Gil Shaham, Mikhaïl Pletnev, Mirella Freni.Direction Claudio Abbado

Trois DVD ou Blu-ray Euroarts 2012604, 2012904 et 2013104

C’est une tradition aussi importante que le concert du Nouvel An à Vienne, et télédiffusé en direct et suivi par des mil-lions de spectateurs également : chaque 31 décembre, le Philharmonique de Berlin joue le concert le plus festif de l’année sous la direction de son directeur musical. On a vanté dans ces colonnes le concert du 31 décembre 2014, où, sous la direction de Sir Simon Rattle, Menahem Pressler interprétait le plus beau des 23e concertos de Mozart (Blu-ray et DVD Euroarts). On pourrait dire le plus grand bien du dernier concert en 2015, où Rattle accompagnait Anne-Sophie Mutter dans un programme Ravel/Saint-Saëns mémorable (disponible en Blu-ray et DVD également chez Euroarts). Mais les concerts de fin 1996, 1997 et 1998 sont un véritable choc pour plusieurs raisons.Tout d’abord, on y retrouve le regretté Claudio Abbado à la direction. Claudio Abbado, il y a vingt ans, était tout sim-plement le plus grand chef vivant. Avant sa maladie, dans la force de son art, à la tête de ce qui était encore le plus bel orchestre du monde, travaillant à la fois le son et le phrasé de chaque mesure, avec la perfection de la virtuosité et de l’habileté de l’orchestre forgé par Karajan pendant trente ans. Et cela se perçoit constam-ment, même dans un tel programme d’œuvres très accessibles.Les programmes choisis par Abbado sont magnifiques, et les spectateurs qui ont retardé leur dîner de réveillon n’ont pas dû le regretter. Et avec un florilège de stars ! En 1996, sur le thème « Tzigane », Danses hongroises et Chants tziganes de Brahms et naturellement Tzigane et La Valse de Maurice Ravel, avec un

MUSIQUE EN IMAGES

TROIS CONCERTS DE LA SAINT-SYLVESTRE 1996, 1997 ET 1998

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ARTS, LETTRES& SCIENCES

DISCOGRAPHIE

1. 2 CD ERATO2. 1 CD MIRARE3. 1 CD WW1 MUSIC4. 1 CD WW1 MUSIC5. 1 CD ERATO

sereine et quelque peu académique ; celle de Ravel, qui met en scène un enfant insup-portable qui casse tout, qui va être puni par les créatures qu’il a malmenées et qui est sauvé in extremis par sa maman, est une musique complexe, très travail-lée, merveilleusement orchestrée et rien moins que paisible : la guerre, peut-on penser, est pas-sée par là, Freud aussi.

Avant-guerre, années folles : Anne Queffélec a eu l’excellente idée de rassembler en un disque sous le titre « Entrez dans la danse » 24 pièces pour piano composées entre 1900 et 1930 de Ropartz, Schmitt, Pierné, Chausson, Saint-Saëns, et aussi de Fauré, Ravel, Debussy, Satie, Chabrier, Hahn,

Poulenc… et Mompou 2 (dont certaines à 4 mains avec Gaspard Dehaene). Aux côtés de quelques pièces bien connues, Le pas

espagnol de Fauré ou Feuillet d’album de Chabrier figurent des raretés comme Danse

de l’Amour et de l’Ennui de Reynaldo Hahn, le Bal fantôme de Poulenc, la Pavane de Chausson. Mais toutes sont marquées de ce « je ne sais quoi » cher à Jankélévitch, une incertitude, la prescience du drame qui va venir ou la volonté d’oublier la catastrophe qui a eu lieu, la mélancolie du « rien ne sera jamais plus comme avant ». Anne Queffélec joue avec élégance et finesse ces musiques très françaises. Un très beau disque.

LA GUERRESous le titre « Les Musiciens et la Grande Guerre », WW1 Music a entrepris une ambi-tieuse collection de 30 disques (dont les pre-

miers ont été cités naguère dans ces colonnes). Il s’agit d’œuvres composées pendant le conflit, dans les années qui l’ont précédé ou après l’Armistice. Deux nou-veaux volumes viennent d’être publiés : Maudite Guerre 3, et Dans

les Services de Santé 4, le piano

mobilisé. Le premier rassemble des lieder de compositeurs appartenant à des pays

« La guerre, on ne la fait pas :

c’est elle qui nous fait. »

Jean-Paul Sartre, Les séquestrés d’Altona

Les guerres devraient avoir sur la littéra-ture, la musique, la peinture, le cinéma, un impact d’autant plus fort qu’elles sont plus dévastatrices. Or, la guerre de 14-18 – la « Grande Guerre » – semble avoir eu sur l’art européen un impact plus structurant que la Deuxième Guerre mondiale, pourtant nette-ment plus meurtrière. Peut-être est-ce que la boucherie de 14-18 succédait dans une bonne partie de l’Europe à plus de quarante ans de paix et de prospérité, tan-dis qu’une période de vingt-deux ans seulement séparait les deux guerres, période rien moins que paisible, troublée d’agitations, de crise économique, de guerres civiles. Tout se passe comme si l’apocalypse de 39-45 avait été anticipée, intériorisée. Il n’y aura pas eu d’« années folles » après la Deuxième Guerre mondiale.

AVANT-GUERRE, APRÈS-GUERREEn 1884, Debussy compose la cantate L’Enfant prodigue pour le Prix de Rome, qu’il obtient. C’est dans les années 1920 que Ravel (qui n’eut jamais le Prix de

Rome) écrit L’Enfant et les

sortilèges, opéra en un acte sur un livret de Colette, après en avoir esquissé en 1916 la composition, interrompue pour partir au front. Les deux œuvres viennent d’être enregis-trées par le Chœur, la

Maîtrise et l’Orchestre philhar-monique de Radio France, avec une pléiade de solistes parmi lesquels Nathalie Stutzmann, Roberto Alagna, Jean-François Lapointe 1. C’est là le couplage astucieux de deux œuvres exquises et profondément diffé-rentes dans leur esprit et leur facture. Celle de Debussy, sur une parabole biblique, est

GUERRE ET MUSIQUE

belligérants dont Ives, Webern, Puccini, Lehar, Leoncavallo, Korngold, Hindemith,

Weingartner, Eisler, Richard Strauss, par Fionnuala McCarthy et Klaus Häger, accompagnés par Karola Theill. Le second est consacré à des pièces pour piano composées pendant le conflit par Jacques Ibert, Roger Ducasse, Albert Roussel, Charles

Koechlin, Déodat de Séverac, Ravel, Jacques de La Presle. Parmi ces pièces, toutes à découvrir, on notera Variations sur un choral de Ducasse, le très dense Prélude de Ravel, la superbe Deuxième Sonate de Jean Huré.

BRAHMS – SEXTUORSLe Festival de Pâques d’Aix-en-Provence 2017 sera terminé lorsque seront publiées ces lignes. Simultanément sort un disque enregistré « live » au festival de 2016, les deux Sextuors de Brahms, par Renaud et Gautier Capuçon , Chr i s t oph Koncz, Marie Chilemme, Gérard Caussé et Clemens Hagen 5. Ceux qui ont eu la chance d’as-sister au concert d’avril 2017 ont eu la joie de découvrir que la magie de la rencontre avait donné naissance, le temps d’un soir, à un ensemble qui renouvelait de manière inespérée celui constitué dans les années 1950 par Casals au Festival de Prades et dont le disque avait conservé le souvenir. Pas question de guerre, ici – même si l’un des Sextuors garde la blessure pour Brahms d’une rupture amoureuse – mais de cette paix de l’âme que savent si bien instiller Renaud Capuçon et son Festival où l’on communie chaque année dans le bonheur de la musique et la joie collective. Q

Jean Salmona (56)

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ARTS, LETTRES& SCIENCES

LIVRES

GUIDE DE SURVIE DU CHEF DE PROJET

Jérôme de Dinechin (84)

Collection Management/Leadership, Dunod - 2017

Le livre de Jérôme de Dinechin aborde la question des projets d'une façon vrai-

ment inhabituelle, presque déstabilisante. Il étend les paramètres bien au-delà du paysage habituel. Pour l'auteur, un projet répond à l'éternel désir de chan-ger le monde. C'est un peu comme dans les films dont le héros, confronté à une épreuve qui dépasse les précédentes, apprend à vaincre ses peurs, ses appréhensions, à tirer parti de ses faiblesses ou d'une situation périlleuse.C'est ainsi que l'auteur, fort de son expérience

de chef de projet, de consultant et de coach, nous entraîne, tel un héros, au travers d'une dizaine de grandes épreuves qui frappent les chefs de projets. On apprend par exemple à « accepter ce que l’on n’a pas négocié », ou à vivre « l’épreuve de la confiance ». Vous appren-drez finalement à sortir grandis des épreuves d'un projet, à trouver les racines profondes de votre moti-vation, ce qui permet de se dépasser d'une manière équilibrée et durable.Le Guide de survie du chef de projet décrypte les fonc-tionnements systémiques d’un projet afin de mieux prévenir les accidents, notamment par l'attention aux signaux faibles, comme un léger malaise ou un mal de dos.

LES HARMONIQUES

Gérald Tenenbaum (72)

Éditions de l’Aube - 2017

Notre camarade Gérald Tenenbaum (72) est mathématicien, professeur à l’Institut Élie Cartan de Lorraine à Nancy, reconnu pour ses travaux dans les domaines de la théorie analytique et pro-babiliste des nombres.Mais, et c’est remarquable, Gérald Tenenbaum mène en parallèle, depuis 1999, une carrière littéraire. Il publie cette année son huitième roman : Les Harmoniques.Prenez des faits historiques : la disparition des enfants de « terroristes » sous la dicta-ture de Videla en Argentine, l’attentat contre l’associa-tion AMIA de Buenos Aires en 1994, la découverte du plus ancien fossile de mar-guerite. Ajoutez 5 villes : Paris, Buenos Aires, Bariloche, Tel-Aviv, Venise. Répartissez l’intrigue sur 18 journées de 1993 à 2015. Faites se croiser 2 femmes et 2 hommes (dont un mathématicien, bien sûr). Touillez le tout, pimentez d’incertitudes, de ren-dez-vous manqués et vous avez, prêt à lire, un roman palpitant dont la cohérence – l’harmonie (?) – apparaît le dernier jour à Venise.D’autant plus que pour maintenir le lecteur en alerte, les journées (les chapitres) ne sont pas dans l’ordre chronologique. Pour aider le lecteur, l’éditeur a pris soin de rappeler à chaque page la date du chapitre.

Charles-Henri Pin (56)

Éditions de l’Aube, rue Amédée Giniès, 84240 La Tour-d’Aigues. Tél. : 04 90 07 46 60. www.editionsdelaube.fr

Pour gagner en estime de soi et en performance, une aide mystérieuse peut vous révéler à vous-mêmes… Et pourquoi ne pas faire appel à un coach ?Un livre éclairant, pré-facé par Olivier Devillard, qui s’adresse à tous les chefs de projets et leurs employeurs.

Xavier Merlin (98)

Éditions Dunod, 11, rue Paul Bert, 92240 Malakoff. www.dunod.com

BRIDGE

Gaston Méjane (62)

Ce mois-ci, une donne d’une finale de ligue Mixte/2 excellence. Vous jouez 7 SA en Sud après des enchères optimistes.

Ouest entame le 8♣, vous avez 11 levées donc vous jouez D♦, le R, l'A. Est défausse.Terminez !

E S O N

3 ♣

––––

–4 SA

5 ♦

7 SA

––––

4 ♥

5 ♣

7 ♥

Solutions page 102

SUD

♠ A D 7

♥ 5 3

♦ D V 6 4♣ A D 5 2

NORD

♠ 10 9 3

♥ A R D V 9 6 3

♦ A 7 5♣ –

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2033, APRÈS LE CHAOS, UNE LUEUR D’ESPOIR

Alain Nicolaïdis (62)

De la politique fiction ?Je viens de lire avec beau-coup plaisir le livre de Nicolaïdis.En sept tableaux, il y brosse l’avenir du monde en par-tant de ce que nous vivons et, en forçant le trait certes, plonge dans sa boule de cristal ! Une plongée dans ce demain, qu’il décrit à

larges traits, à travers les sept pôles qui structurent notre planète.Un texte vivant, une phrase légère, agréable à lire, de l’humour et une réflexion nourrie d’une réelle culture politique. On saute allègrement d’une zone géographique à une autre. Un « happy end » et c’est toujours bon à prendre en nos jours pas toujours ensoleillés !Le livre a 123 pages ! Si je croyais en la numérologie, j’y verrais un signe…Et quand on referme, avec regret, le livre, la grande

question qui se pose : fiction ou réalité ? Chacun jugera.Quant à moi, j’ai apprécié ce sympathique saut dans le temps !

Christian Maldidier (54)

CreateSpace Independent Publishing Platform, 27 décembre 2016.

CLIENTÉLISME OU SOLIDARITÉ ? QUE VOULONS-NOUS ?

POUR UNE VOLONTÉ POLITIQUE RENOUVELÉE

François Perret (60)

L’Harmattan - 2016

François Perret n’est ni un homme poli-tique, ni un universitaire familier des publications académiques, ni l’un de ceux qui prennent souvent la parole au nom de la société civile. Son ouvrage exprime la réflexion d’un ancien haut fonction-naire, d’un économiste rigoureux, dans la lignée des ingénieurs économistes qui ont marqué l’État de leur empreinte et d’un humaniste sincère, attaché à tout ce qui fait le lien social et la solidarité dans nos sociétés.C’est cette confrontation d’approches, sans concession intellectuelle, toujours à la recherche de propositions concrètes (l’ou-vrage en dénombre 34), qui constitue l’ori-ginalité et l’intérêt de son livre. À l’opposé des prises de position à la seule recherche de séduire un électorat quelque peu perdu, le propos de son ouvrage est de passer en revue, avec la rigueur de sa culture économique et le pragmatisme né de son expérience professionnelle, la plupart des grands thèmes qui cristallisent nos choix de société : lutte contre le chômage, aides sociales, systèmes de retraites, biens et ser-vices collectifs, logement, environnement,

RÉCRÉATIONS SCIENTIFIQUES

Jean Moreau de Saint-Martin (56)[email protected]

1. DÉPOUSSIÉRAGE

Un satellite (sphère homogène de rayon R, de masse m) gravite autour d’un astre

massif (sphère homogène de rayon R’, de masse M), suivant une orbite circulaire

de rayon D, en tournant toujours la même face vers l’astre. Montrer que si

l’orbite est assez basse, une partie du satellite sera débarrassée de sa poussière,

et préciser laquelle (R peut être considéré comme petit devant D).

2. MARIEZ-LES

Ce jeu se joue avec n familles de 2 cartes, à q joueurs.

Si l’on distribue m cartes à un joueur, quelle est la probabilité qu’il ait déjà

une ou plusieurs familles ? Quelle est l’espérance du nombre de ces familles,

par exemple si n = 15, q = 3, m = 10 ?

3. BITANGENCE

Soit une conique à centre (C), intersection d’un cône de révolution (S)

et d’un plan (P).

Les cercles focaux de première espèce de (C) (cercles centrés sur l’axe focal et

bitangents à la conique) apparaissent « naturellement », dans les démonstra-

tions des théorèmes de Dandelin sur les sections coniques, comme intersections

avec (P) des sphères centrées sur l’axe du cône (S) et tangentes à celui-ci.

Saurez-vous faire apparaître d’une façon analogue les cercles focaux de

deuxième espèce de (C) (cercles centrés sur l’axe non focal et bitangents

à la conique) et leur propriété (la même que celle des cercles focaux de première

espèce : la conique (C) est le lieu des points dont le rapport de la puissance

par rapport à un cercle focal, au carré de la distance à la droite des contacts

de ce cercle focal avec (C), est constant) ?

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ARTS, LETTRES& SCIENCES

SOLUTIONS DES RÉCRÉATIONS SCIENTIFIQUES

1. DÉPOUSSIÉRAGE

C’est le différentiel d’attraction 2GMR / D3 de l’astre aux distances D ± R qui peut contrebalancer l’attraction propre du satellite Gm / R2 à sa surface. Ainsi, si D < R

3√2M / m, soit (avec des densités d et d’ du satellite et de l’astre) D < R’ 3√2d’ / d,

la poussière s’envole du satellite, aussi bien du côté de l’astre que du côté opposé, pour se satelliser indépendamment.

2. MARIEZ-LES

Pour former exactement c couples dans une "main" de m cartes, il faut choisir ces c couples (parmi n), les m – 2c couples (parmi n – c) n'ayant qu'un représentant dans cette main, puis ces m – 2c représentants (2 possibilités pour chaque couple) ; soit N(n,m,c) = C

nc C

nm

–– c2c 2m – 2c possibilités parmi C2

mn mains possibles.

On peut tirer de cette expression l'espérance du nombre de couples, mais il est plus simple d'observer que chaque paire de cartes apporte une espérance égale à la probabilité 1 / (2n – 1) d'être un couple, et les m cartes de la main fournissent C

m2 paires. D'où l'espérance C

m2 / (2n – 1), qui vaut 45 / 29 dans l'exemple de l'énoncé.

3. BITANGENCE, PROPOSÉ PAR BERNARD LEGRAND (61)Soit (C) la conique du plan xOy, de centre O et d’axe focal Oy, A et A' les sommets de l’axe focal.Pour répondre à la question posée, il suffit de construire un cône de révolution dont l’axe soit dans le plan xOz, et qui contienne la conique (C).Soient T et T' les intersections sur Oz des isotropes du plan yOz issues de A et A'. Le cône (T) de sommet T, et de base (C) dans le plan xOy est un cône du second degré, coupé par tout plan parallèle au plan yOz selon des coniques qui sont évidemment des cercles (leurs points à l’infini sont ceux des isotropes TA et TA'). Le lieu des centres de ces cercles est une droite Tt, perpendiculaire au plan yOz (pour des raisons de symétrie) et donc parallèle à Ox. Le cône (T) est donc de révolution et son axe est Tt.Les parallèles menées par T aux asymptotes de la conique (C) constituent l’intersection du cône (T) avec le plan parallèle au plan xOy contenant l’axe Tt de (T) : le demi-angle au sommet de (T) est donc l’angle qu’une asymptote de (C) fait avec la droite Ox.Il suffit ensuite de reprendre la démonstration connue relative aux cercles focaux de première espèce.Une sphère (Σ), centrée sur la droite Tt et tangente au cône (T), touche celui-ci selon un cercle situé dans un plan (Π) parallèle au plan yOz. (Σ) coupe le plan xOy selon un cercle (Γ), centré sur la droite Ox et bitangent à la conique (C) : (Γ) est un cercle focal de deuxième espèce de (C) ; la droite des contacts de (C) et (Γ) est la trace Δ de (Π) dans le plan xOy.Si M est un point de la conique (C) et μ le point où la génératrice TM du cône (T) coupe (Γ), la puissance de M par rapport à (Γ) vaut Mμ2, et son rapport au carré de la distance de M à Δ est constant et égal à l’inverse du carré du cosinus du demi-angle au sommet du cône (T), C.Q.F.D.

Vous gagnez sur un double squeeze, ♦ ♠ sur Ouest, ♣ ♠ sur Est à 3 cartes :

Le 3♥ oblige Est et Ouest à jeter un ♠.

7 SA = 100 %.Un peu de chance.

SOLUTIONS DU BRIDGE

SUD

♠ A D♥ –♦ –♣ 5

NORD

♠ 10 ♥ 3♦ 5♣

santé, éducation, culture, jusqu’à interroger les fon-dements de la finance, du statut de l’entreprise, du rôle de l’actionnaire et de la dialectique libéralisme- solidarité.Un livre, écrit sur le ton d’une conversation entre personnes en recherche, éloigné de toute démago-gie, dont les propositions, notamment sur la création de tiers acteurs, intermé-diaires dans les relations employeurs-employés ou propriétaires-locataires à faibles reve-

nus, méritent réflexion et débat. Un ouvrage à lire d’urgence par les états-majors politiques en quête de solutions à nos diverses crises, écono-mique, sociale, politique et culturelle.

Jean-Pierre Tardieu (60)

L’Harmattan, 5-7, rue de l’École- Polytechnique, 75005 Paris. www.harmattan.fr

LIVRES

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