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Les Études du CERI N° 136 - juillet 2007 A la recherche d’une meilleure gouvernance d’entreprise : Petróleos Mexicanos (Pemex) Isabelle Rousseau Centre d'études et de recherches internationales Sciences Po

A la recherche d'une meilleure gouvernance d'entreprise ...€¦ · Les équipes qui ont dirigé Pemex depuis le début des années 1990 se sont efforcées de répondre aux questions

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LesÉtudesduCERI

N°136-juillet2007

A la recherche d’une meilleure gouvernance d’entreprise :

Petróleos Mexicanos (Pemex)

Isabelle Rousseau

Centred'étudesetderecherchesinternationales

SciencesPo

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Les Etudes du CERI - n° 136 - juillet 2007

IsabelleRousseau

A la recherche d’une meilleure gouvernance d’entreprise : Petróleos Mexicanos (Pemex)

RésuméDansunenvironnement complexe,où semultiplient les incertitudes et les risques sur lesplans économique,géopolitiqueetclimatique,lescompagniespétrolières–nationalesetinternationales–ontcherchéàrationaliserleursstructuresorganisationnellespourmieuxrésisteràlacompétition.C’estleproblèmequ’affrontePemex,lasociéténationalepétrolièremexicainequioccupeletroisièmerangmondialentermesdeproductiondepétrole.Le processus de réformes n’est pas aisé car il implique des changements à laConstitution alors que, avec leprocessusdedémocratisationdupays,aucuneforcenedominel’échiquierpolitique.LeséquipesquiontdirigéPemexdepuisledébutdesannées1990sesontefforcéesderépondreauxquestionssuivantes:quellessontlesmodalitésorganisationnellesqui,dansuntelcontexte,pourraientpermettreàPemexdeconserver son statutd’entreprised’Etat tout en fonctionnantd’après lesmodalités et les critères envigueurdans le secteur privé? Plus concrètement, comment simuler un environnement de marché au sein d’unmonopoled’Etatsansmodifier le texteconstitutionnel,comment forgerunenouvellecultured’entreprisealorsqueletoutpuissantsyndicatpétrolierfonctionneselonunevieillelogiquecorporatisteetcommentintroduiredescritèresderesponsabilitésocialelorsquelestraditionsdiscrétionnairesontétédemise?Faceauxréponsesquecesresponsablesontapportées,quelbilanpeut-onfaireaujourd’huidesréformesentreprises?

IsabelleRousseau

Improving the Governance of a Petroleum Company: Petróleos Mexicanos (Pemex)

AbstractFacing a very complex environmentwithmany economical, geopolitical and climate uncertainties and risks,NationalandInternationalOilCompanieshavebeenlookingforamorerationaleorganizationalstructuretoholdoutagainstcompetition.ThisistheproblemPemex–theMexicanNationalOilCompany-whichisthird-rankedinworldoilproduction,hasbeenfacingwith.The reformprocess isnot easy: it implies changes to theConstitution.With the recentdemocratizationof thepolitical regime,noneof themajorpoliticalpartiesalone isdominant in theCongressandhas thecapacity topushthroughsuchchanges.Sincethebeginningofthenineties,theteamswhogovernedPemextriedtoreplythefollowingquestions:WhichkindoforganizationalmechanismswouldallowPemextoconserveitsconditionasaNationalCompanyand,inthesametime, tobemanagedwith theprivatesectorprinciplesandcriteria?Moreconcretely, is itpossible tostimulateamarketcontext insideastatemonopolywithoutmodifying the textof theConstitution?HowcananewlaborculturebecreatedwhentheveryinfluentialOilTradeUnionhasbeenmaintainingacorporatistlogicoftheancien régime?Howtointroducecriteriaforcorporatesocialresponsibilitywhensecrecyhasbeenpartofthetraditionsinthemanagementofthecompany?Whatkindofevaluationisitpossibletomakenowadaysaboutthereformsthosemanagersoffered?

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A la recherche d’une meilleure gouvernance d’entreprise : Petróleos Mexicanos (Pemex)

Isabelle Rousseau Centro de Estudios Internacionales, El Colegio de México

A la fin des années 1990, moyennant une série de fusions et d’acquisitions, lescompagnies pétrolières internationales (lesCPI) ont cherché à rationaliser leurs structuresorganisationnelles.Ellesontd’abordréduitleurpersonnel,avantdeseregrouperselonunelogique de complémentarité dans leurs spécialisations1. Cela leur a permis de mieuxaffronterunenvironnementoùprédominentdenouvelles formesdecompétitivité (liées àl’avènementdenouvellestechnologies)etoùsemultiplientlesincertitudesetlesrisquessurlesplanséconomique,géopolitiqueetclimatique.Faceàcemouvement, les sociétésnationalespétrolièresontvoulu réagirdemanièreàresterdanslacourse,àsatisfairelademandeinterneencombustiblesetàmieuxencadrerledéveloppementéconomiqueetindustrieldeleurpays.En Amérique latine, ce changement s’est déroulé dans un contexte où l’insolvabilitéfinancière de la région avait conduit la plupart des pays latino-américains à adopter desprogrammesde stabilisationetd’ajustementsstructurels.C’était laconditionposéepar lesorganismes financiers internationaux (FMI et Banque mondiale principalement) pourreconduire des prêts en leur faveur. Conformément au Consensus de Washington, despolitiquesd’inspirationnéolibéralesont réduit le rôlede l’Etatdans l’activitééconomique.Lesecteurénergétiquen’apasétéépargnéd’autantqu’ilétaitconsidérécommel’unedesprincipales sources de l’endettement. En effet, d’après l’Organisation latino-américaine del’énergie(Olade),l’endettementexternedûàl’énergiereprésentait20%dutotaldeladetteextérieure: dans les pays producteurs, la modernisation de l’infrastructure pétrolière (enexploration,productionetindustriedetransformation)s’estfaiteaudétrimentdelasanté

1ExxonetMobil(1999);BritishpetroleumetAmoco(1998);TexacoetChevron(2001);RoyalDutchShelletTexaco(1999);TotaletPetroFina(1999)puisTotalFinaetElf(2000).

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financièrenationaleetanettementparticipéàlaspiraledel’endettement.Néanmoins,alorsqu’au niveau régional le processus d’ouverture et de privatisation a été largement parl’ensemble des secteurs industriels, concernant l’énergie –et en particulier leshydrocarbures–, le virage a été nettement plus timoré. L’importance traditionnelle dusecteurminier–uneressource-clépourleséconomiesnationalesdecetterégion–expliqueenpartiecetteréticence.Parailleurs,lacréationd’entreprisespubliques,dotéesengénéraldumonopole,avaitréponduàunelogiqueàlafoisindustrielleetpolitique.Vulafaiblessehistoriquedusecteurprivédanscetterégion,seull’Etatdisposaitdesressourcespourassurerles investissements nécessaires à la création d’industries au capitalintensif. C’était desurcroît un moyen de promouvoir le développement de l’industrie nationale. Enfin, cesentreprises ont eu pour mission d’intégrer l’espace national. Elles l’ont fait de deuxmanières: d’une part en construisant une vaste infrastructure dans les régions deproduction,d’autrepartenétablissantunréseaudedistributionetdecommercialisationdesproduitsfinisdansl’ensembledupays.D’ailleurs,jusquedanslesannées1980,cessociétésnationales ont plutôt rempli avec succès les différents rôles qui leur avaient été dévolus:fiscal, social, industriel et aussi d’intégration nationale. Leur situation de monopole, quicouvraitgénéralementl’ensembledelafilière,lesaconduitesprogressivementàdevenirlesentrepriseslesplusimportantesdelarégion.Cependant, sous la double pression de la réforme néolibérale et desmutations qui ontaffectél’ensembledusecteurauniveaumondial,l’adaptationdessociétésnationaleslatino-américaines est devenue un impératif. Néanmoins, les choix organisationnels etinstitutionnelsquelesdifférentspaysontadoptéspourréformerleurindustriepétrolièreontété extrêmement variés, allant de la privatisation totale (Argentine et Bolivie) à laconservationdumonopoled’Etat(Mexique)enpassantpardifférentsmodèlesintermédiaires(Brésil,Venezuela,EquateuretColombie).Desétudesontdémontréqueplusieursfacteursétaientà l’originedecettehétérogénéité;ellesontsoulignéenparticulierlerôlejouéparl’histoiredel’industriepétrolièreetdel’évolutiondesformesinstitutionnellesdusecteur2.A cet égard, l’industrie pétrolière au Mexique et la société nationale –PetróleosMexicanos(Pemex)–sontexemplaires.Ici,plusqu’ailleursenAmériquelatine,l’histoireetla configuration du système politique et économique mexicains ont assigné des traitsparticuliersauxstratégiesetauxmesuresadoptéespourréorganiserlasociétéetl’industriepétrolièresnationales.Eneffet,laConstitutionassigneunrôleparticulieràlanation,seuleautorisée à prendre en charge les différentes phases des processus minier, industrieletmêmecommercial.Enoutre,l’expropriationpétrolière(18mars1938)aétérécupéréesurleplan symbolique et a été érigée en mythe: la possession du pétrole, depuis lors, resteassociéeàladéfensedelasouveraineténationale.Parailleurs,depuislesannées1990,leprocessus de démocratisation du pays, qui se caractérise par un «gouvernement divisé»(sansmajoritécapabledeforgerdesconsensus),acompliquélamiseenœuvrederéformesprofondes. En effet, celles qui requièrent une modification de la Constitutionexigentl’approbation des deux tiers des députés et sénateurs au niveau fédéral et la majoritéabsoluedesreprésentantsdescongrès locaux.A l’heureactuelle, le rapportdes forcessurl’échiquierpolitiquenepermetpasd’entreprendredetellesréformesconstitutionnelles.

2Palacios(2002).

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Enfin,Pemex–quiestlaseptièmecompagniepétrolièredanslemondeetfaitduMexiquelesixièmeproducteurdepétrolebrut(avec3,4millionsdebarilsparjour)etlequatorzièmeentermesderéservesprouvées3–estrestéeunmonopoled’Etat,l'undesseulsquisubsistedansl’industriepétrolièreauniveaumondial.Orcettesociéténationale,quicontribuepourplus de 35% aux recettes fiscales de l’Etat, connaît depuis déjà plusieurs années unepériodedifficilequipousseàdestransformationsd’envergure.Demanièreà réalisersansà-coups lepassagedustatutd’établissementpublicprotégéàcelui de compagnie pétrolière capable d’accumuler lesmeilleurs revenus possibles et derésisteràlaconcurrenceinternationale,lesresponsablessuccessifsdePemexontestiméquelaréorganisationadministrativeseraitlameilleuresolution.Cela les a amenés à reprendre le thème de la governance structure de Williamson: quellessontlesnouvellesmodalitésorganisationnellesquipourraientpermettreàPemexdeconserver son statut d’entreprise d’Etat tout en fonctionnant d’après les modalités et lescritèresenvigueurdanslesecteurprivé4?Demanièreplusconcrète,celarevientàseposerplusieurs questions: comment simuler un environnement de marché au sein d’unmonopoled’Etat?Quellesmesuresadopter?Commentinternationaliseruneentreprisequi,jusque-là, avait été repliée sur elle-même et s’était consacrée à répondre à la demandelocale? Comment forger une nouvelle culture d’entreprise alors que le tout puissantsyndicat pétrolier fonctionne selon une vieille logique corporatiste? Comment introduiredes critères de responsabilité sociale (avec les composantes de transparence et deresponsabilitéfinancière requises)dansunesociétéoùlestraditionsdiscrétionnairesontétéde mise? Et enfin, quelles mesures adopter pour que la société nationale participe plusactivementaudéveloppementrégionaletremplisseainsisa«fonctionsociale»?Nous nous proposons de passer ici en revue les différentes stratégies organisationnellesquiontétéconçuesetmisesaupointdanscebutdepuislafindesannées1980,d’analyserlesprincipesetlesvisionsquiontsous-tendulesdécisionsadoptéesetd’évaluerréussitesetéchecsdechacuned’ellesfaceauxdéfisposés.Unbrefrappeldel’histoiredel’industriepétrolièremexicainepermetd'éclairerlepoidsdesinertiesetobstaclespolitiques,institutionnelsetsymboliquesquipèsentsurlesecteur.LA CONSTRUCTION ET L’ÉVOLUTION DU SYSTÈME INSTITUTIONNEL PÉTROLIER MEXICAIN Pour comprendre les spécificités de Pemex et de l’industrie pétrolière mexicaineaujourd’hui,ilestnécessairedesoulignerque leprocessusd’édificationdecetteindustrieaétéunacteéminemmentpolitique.CommelerappelleAngelde laVega, s’il est vraiquel’article27delaConstitutionde1917revendiquepourlanationlapropriétédesressources

3Petroleum Intelligence Weekly (2004).

4WilliamsonetWinter(1991).

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dusous-sol,cettecharten’excluaitpas,danssaversionoriginale,laparticipationdusecteurprivé,quecesoitsousformedeconcessionsoud’autresformulesjuridiques.Surlabasedesprincipescontenusdans l’article27, la loipétrolièrede1925et sonrèglementavaienteneffet instauré un système de concessions. Ce sont les conditions dans lesquelles s’estproduitelanationalisationdupétroleauMexiqueetlanaturedel’Etatmexicainémergeantde la Révolution qui conduiront à donner une interprétation particulière à cet articleconstitutionnelet à forger une équivalence entre les termes suivants : «nation = Etat =Pemex»5.De la nationalisation de l’industrie pétrolière au monopole d’EtatLa plupart des historiens s’accordent aujourd’hui à penser que les conceptions desgouvernements émanant de la Révolution (1910-1917) ne se différenciaient pasfondamentalement –eu égard aux capitaux étrangers– de celles des Porfiristes du siècleprécédent: la reconstruction du pays et la réactivation des entreprises rendaientindispensablelerecoursausecteurprivé,qu’ilsoitnationalouétranger.Laseuleobligationpour les investisseurs étrangers consistait à accepter le nouveau rôle exercé par l’Etatmexicaindanslaconduitedesprocessuséconomiques6.Orlescompagniesétrangèresquiexploitaient les hydrocarbures au Mexique n’avaient pas voulu reconnaître les loismexicaines7.Confrontéesauxdemandesdessyndicatsquiréclamaientuneaugmentationdesalaire et une participation majeure dans la prise de décisions concernant la gestion del’industrie, elles refusèrent de reconnaître la décision de la Cour suprême de justice quidonnaitraisonauxsyndicats.Cettenégationfutinterprétéecommeuneatteinteinacceptableenvers la souveraineté de l’Etat. Ce conflitmettait à l’épreuve le système corporatiste quiappuyaitouvertementlesorganisationsdetravailleursainsiquelanouvellejurisprudence8.C’étaituncomportementjugéinadmissibleparunrégimequicherchaitencoreàs’affirmer,et ce, dans un pays qui n’avait pas encore pansé les blessures morales que les invasionsétrangères de la seconde moitié du XIXe siècle lui avaient infligées. Cela conduisit lePrésidentLázaroCárdenas,le18mars1938,ànationaliserlepétroleetàcréerpardécret,le7juin1938,unesociétépublique:PetróleosMexicanos(Pemex).Cependant, l’expropriation des compagnies étrangères et l’acte de nationalisation del’industriepétrolièrene suffisentpasàexpliquer le statutdemonopolepublicqu’aacquisPemex.Seulelaconstructiondusystèmepolitiquemexicainpostrévolutionnaireetles

5 Angel de la VegaNavarro l’a nommé le «modèlemexicain de l’organisation pétrolière (MMOP)», dansVegaNavarro(1999).

6Knight(1986).

7Parmi lescompagniesétrangères, les intérêtsanglo-hollandaisprédominaient. En1938,sous l’égidede laRoyalDutch-Shell(groupeElAguila),ilspossédaient70%del’industriepétrolièreauMexique.

8VegaNavarro(1999).

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assiseslégalesqu’ils’estdonnéespermettentd’expliquercommentonestpassédustatutde«nationdétenantlapropriétédeshydrocarbures»àceluide«sociéténationale,monopoled’Etatdanslagestiondel’activitépétrolière»9.En effet, pour parer à toute source majeure d’instabilité –la réapparition sur la scènepolitiquerégionaledescaciquesetdesnombreuxcaudillos –leprésidentLázaroCárdenasacherchéàconvertirennormesjuridiquesetmoraleslespostulatsdelaRévolutionpourquele régime se transforme en un «gouvernement d’institutions». Le pouvoir octroyé auprésidentdelaRépubliqueaétélacartemaîtressedecetteinstitutionnalisation.Ilétaitlui-mêmearmédedeuxbras:leParti(hégémonique)etl’administration.CárdenasatransforméenunvéritablepartidemasseslePartidelarévolutionmexicaine(PRM)enyintégrantlesprincipalesorganisationspopulaires10.Danscetteorganisationcorporatistedelasociété,lesecteurouvrierduparticonfirmaitl’alliancedescentralesouvrièresaveclesgouvernementsde la Révolution. Un accord au sommet de surreprésentation politique favorisait lesdirigeantsouvriersquisontdevenusdesintermédiairesfonctionnelsdugouvernement.Unesurprotection légale dépassait de loin les attentes de la classe ouvrière. Ce déploiementinstitutionnel,bienqu’il soitprotecteur,n’enapasmoinsconstituéunpuissantmoyendecontrôle des travailleurs. Mais, pour fonctionner, ce système requérait une croissanceéconomique continue: c’était un moyen de redistribution indispensable pour assurer laloyautédesdifférentsacteurs.Danslecadred’unétatprotectionnisteetinterventionniste,lasubstitutiondesimportationsetledéveloppementstabilisateurontétédeuxformulesquiontassuré ce qu’on appellera plus tard le «miracle mexicain», c'est-à-dire vingt années decroissance(1945-1965)àdestauxinespérés(10%duPIBparan).Danscecadre,l’énergieàbonmarchéaétél’undesinstrumentsdudéveloppementindustrieldupays.Lanécessitédecontrôlercesecteurs’estalorsimposée.Bienqueleprincipedumonopoled’Etatn’aitpasprésidéàlanaissancedePemex,ilserainstauréquelquesannéesaprès.C’estaveclaréformede l’Article27delaConstitution,le9novembre1940,quel’industriepétrolièredevientuneindustried’Etat.Paruntransfertdedroits,l’Etatest lereprésentant juridiqueetpolitiquedelanationetPemex,un instrumentqui lui permet –et au gouvernement fédéral qui le représente– d’organiser l’industriepétrolièreetgazièreetdepromouvoirsondéveloppement.Parletruchementdelasociéténationale, l’Etat va prendre en charge toutes les opérations de l’industrie pétrolière.Parallèlement, il sedoted’uncadre légalquicouvrira toutes lesactivitésdusecteur–tantminièresquede transformation industrielle. LaConstitutionachèvedeconsolider lestatutdemonopoledePemexenattribuantuncaractèrestratégiqueàl’industriepétrolière.Danscecontexte,Pemexsevoitconfierdesobjectifsetdestâchesquiexcèdentdeloincellesquiincombentnormalementauxcompagniespétrolières.Dansunpremier temps,de1938à1977, lepétrole fut lepilierde l’industrialisationdupays.Sousladevise«AuservicedelaPatrie»,l’entrepriseseconsacraàfournirdel’énergieàbonmarchédefaçonàpromouvoirledéveloppementindustriellocaletnational;elle

9Lavin(1954):191-196;GarzaGarza(1990);MeyeretMorales(1990).

10 Le Parti de la révolution mexicaine changera de nom en 1946 et deviendra le Parti révolutionnaireinstitutionnel(PRI).

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devait en outre alimenter les finances publiques moyennant redevances et impôts.L’exploitationdupétroleétaitentièrementtournéeverslemarchéintérieur.D’ailleurs,selonDonAntonioJ.BermúdezquidirigeaPemexde1946à1958,l’exportationétaitcontraireàlapolitiquenationaleetpouvaitmêmedevenirlasourcedesmauxéconomiquesdupays11.D’emblée les fonctions économique, sociale et fiscale de la société nationale ont dûprimer sur sa fonction industrielle et commerciale (explorer de nouveaux champs etgisements,produireàbasprix,augmenterlescapacitésderaffinageainsiquesaqualitéetdistribuerlesproduitsraffinéssurlemarchéinterne).Parallèlement,Pemexacontribuéà l’élaborationetaumaintiendupactesocialdupartiau pouvoir. Pour consolider le régime issu de la Révolution, le général Cárdenas avaitcherchéàétablirunpacteavectouteslescatégoriessocio-économiques.Lerôlejouéparlestravailleurspétroliers aumomentde l’expropriationpuis lorsde lamise enmarchede lasociéténationaleavaitpermisdetisserdesliensfortsentrelegouvernement,ladirectiondePemexet leSyndicatdes travailleursdupétrolede laRépubliquemexicaine (STPRM).Cedernier s’étaitmanifestépar sonhostilité à l'égarddescompagnies étrangèresen1938etavaitprofitédesapositionavantageusepourrenforcersesdemandesetsonpouvoir.A lasuitedudépartdescompagniesétrangères,misaudéfideconstruireuneindustriepétrolièrenationale, les travailleurs du pétrole ont fait payer cher leur compétence technique à ungouvernementquinepossédaitaucuneexpertiseenlamatière.Moyennantnégociationsetpressions diverses, le syndicat a ainsi obtenu la possibilité de participer de manièresignificativeà l’administrationet aux revenusde l’entreprise12.Il a,parexemple, exigédecontrôlerlapolitiqued’embaucheetdessalairesetd’être largementreprésentéauseinduconseild’administrationdePemex(cinqmembressuronze).Maisside tellesmesuresontpermisauSTPRM–etaugouvernementparricochet–d’acquérirlaloyautédespétroliers,lesurnombredetravailleursaviteaffectélaproductivitédel’entreprise(calculéeennombredebarilsjournaliersproduitsparemployé).Parailleurs,lesyndicataréussiàcontrôlerunepartie (50% environ) des contrats de service que Pemex établissait avec des compagniesprivées,cequiluiaoctroyéunpouvoiréconomiquedetaille.Enfin,pourrécompensersonsoutien au régime, les gouvernements successifs ont fermé les yeux sur les excès:intimidationet répressionde l’opposition interneausyndicat (quid’ailleurs reproduisaientdespratiquesencoursdans le régimepolitiqueduPRI). Les leaderssyndicauxse sontvuattribuer des postes de députés, de sénateurs et de gouverneurs: doté d’un pouvoiréconomique et politique considérable, le syndicat est rapidement devenu un acteurincontournabledanslefonctionnementdel’industriepétrolièremexicaine.Dans ce contexte, afin de maintenir le pacte social et la stabilité du régime,l’administration de Pemex et le gouvernement lui-même ont non seulement toléré, maisparfois même encouragé la corruption et autres pratiques du même ordre. Cescomportementsontentachél’imagedelasociéténationaleetréduitd’autantsesmargesdebénéfice.Parallèlement,pourmieuxassurer lecontrôleet ladisciplinenécessairesaubonfonctionnementpolitique,économiqueetsocialdecet«appareild’Etat»,onarenforcé lecaractèreverticaldel’administrationdePemex. 11Bermúdez(1963).

12Palacios(2002).

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Troistraitscaractérisentcettepériode:laconfusiondesrôlesentrelepropriétaire(lanation)et l’opérateur (Pemex), la survalorisation de la mission fiscale et sociale de Pemex audétrimentdesafonctionpétrolièreet,enfin,lerôlepolitiquedePemex,soutiendurégimepriiste.Chacunpèserasurledéveloppementdel’industrieetdelasociéténationale.La mission nationale de PemexSi, pendant de nombreuses années, Pemex a réussi à répondre aux buts assignés, cettepolitique a cependant fini par présenter des effets pervers. Pemex est devenue uneentreprise déficitaire dont le fonctionnement dépendait des subventions de l’Etat et d’unendettementextrêmementélevé(en1969,41%desinvestissementsdePemexprovenaientduBudgetmexicain)13.Eneffet,dansunmarchénationalferméetprotégé,leprixdupétrolerésultait d’une décision politique, et non économique; la capacité d’autofinancement del’entreprise a diminué de façon progressive. Pemex a cessé de pouvoir satisfaire unedemandequinecessaitdecroîtreaurythmedecequel’onaappeléle«miraclemexicain».Enfin, d’autres facteurs tels que la carence en moyens financiers pour investir dansl’exploration14etuneplanificationinadéquate–descontratsdeservicetropcoûteuxetuninvestissement dans des activités périphériques (pétrochimie)– expliquent l’essoufflementdePemex.Alafindesannées1960,miseendifficulté,lasociéténationalen’apluspufairefaceà lademande interneencombustibleset leMexiqueadûcommencerà importerdupétroleaumomentmêmeoùlesprixs’élevaient,suiteaupremierchocpétrolier!Lestatutde pays importateur lors du premier choc pétrolier et l’accroissement des difficultés querévélaient ses indicateurs externes ont conduit en 1976 à une crise de la balance despaiements et une dévaluation de plus de 100% de la valeur du peso, après vingt-deuxannéesdestabilitémonétaire.Du mirage de l’or noir à la criseVers1977,ladécouvertedegisementsénormesdanslesud-estdupays(EtatsduChiapas,duTabascoet, surtout,duCampeche)et lesniveaux recordsduprixdubarildebrutontfavorisé la «pétrolisation» de l’économie: contrairement aux recommandations de DonBermúdezaudébutdesannées1940,lapolitiquepétrolières’estorientéeversl’exportationmassivedebrut: en1980, lepétrole représenteraenviron60%du totaldesexportationsmexicaines. Mais pour élever les niveaux de production de manière notable, de 1977 à1982,l’industriepétrolièreadûsetransformergrâceàunprogrammed’actualisation

13Phillip(1997).

14Lesultimescontratsàrisque–autorisésaprèslanationalisation–avaientprisfinen1969.

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technologique trèscoûteux.NonseulementPemexapuélever levolumedeses réservesprouvées (de 7milliards de barils en 1976 à plus de 70milliards en 1982) mais aussirenouer avec les exportations de brut et encore augmenter de façon significative laproductiondegaznaturel.Lasociéténationales’estconvertieànouveauencatalyseurdudynamisme économique national et le pétrole est devenu un instrument de financementainsiqu’unesolidegarantievis-à-visdesprêtsinternationaux.Parailleurs,elleacontinuéàjouerlerôled’agentfinancierdugouvernementfédéral.En1982,alorsquesesrevenusnetsdépassaient 632milliards de pesos, la société nationale n’en a conservé, après impôts etredevances, que 900millionspour assurer les frais nécessaires à son programme demodernisation. La politique de subvention des prix internes –du pétrole et des produitsdérivés (essence et autres)–a accentué le problème: on continuait à considérer que ceprogrammedebasprix servaitde stratégie industriellenationale15.Pemexadû s’endettertrèslourdementpourêtreàlahauteurdesnouveauxdéfislancés.Dans cette économie extrêmement fragile, la crise est survenue quand, en 1982,simultanément, le prix du pétrole s’est effondré et les taux d’intérêt bancaire se sontbrusquement élevés. Le pays est alors entré en récession : le PIB a décru de 0,2%,l’inflationestpasséeà100%tandisque lechômagedoublait.Alorsqueladettepubliqueexterneatteignait centmilliardsdedollars, leMexiqueétait sur lepointde sedéclarerenbanqueroute.LegouvernementdeMigueldelaMadrid(1982-1988)émitundiagnostictrèssévère:lacrise était le produit d’une politique économique erronée qui avait provoqué uneaugmentation considérable de l’endettement (interne et externe). Considérant que leprotectionnisme de l’appareil productif et la prédominance du secteur public étaient desoptions anachroniques, peu viables et, en outre, inefficaces, cette équipe a proposé deschangements radicauxpourvaincre lacrise, récupérer lacapacitédecroissanceetobtenirundéveloppementsoutenuetsansinflation.Fort de ces principes, le gouvernement a décidé de promouvoir les exportations non-pétrolières. Il s’est efforcé parallèlement, de construire un «Nouveau Pemex», qu’il asoumis à un ajustement économique rigoureux et, dans une moindre mesure, à deschangements administratifs. Les financesde l’entrepriseontétéassainies16,unprogrammedesubstitutiondesimportationsaétémisenœuvrepourépargnerunmontantsubstantielde devises17, et la dette, dont la plus grande partie était engagée à court terme, a étérestructurée:de1982à1985,sonmontants’estréduitde19,2à15,7milliardsdedollars.Cependant, la réduction budgétaire a considérablement réduit le montant desinvestissements affectés au secteur pétrolier: en termes réels, en 1989, celui-ci nereprésentait plus qu’un quart du niveau atteint en 1981. La branche de la productionprimaireaétélapremièretouchée(réductionde19%euégardauniveauatteinten1981).Celaaaffectéenparticulierl’infrastructure,lesforagesdepuitsetlesétudesexploratoires

15VegaNavarro(1999).

16Lesprixontétérévisésàlahausseetlessubventionsontétéréduitesafindediminuerlademandeinternedeproduitsprovenantdusecteurdel’énergieetréduireladistanceaveclesprixinternationaux.

17Laproportiondebiensdeproductionimportésestpasséede60%en1982à15%en1985.

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mais aussidenombreuxprojets concernant certaineschaînesproductivesquiont été soitmisendifficulté,soittoutsimplementannulés.Pemexaeudumalàseprépareràrépondreauxbesoinsfutursenpétroleetproduitsdérivés.Par ailleurs, la baisse du volume des exportations et la chute dramatique des prixinternationaux ont considérablement affecté le montant des devises obtenues. En outre,alorsquelarentabilitéopérativedePemexseréduisait,unechargefiscalecroissante,quiarapidementreprésentépresque80%desesventes,acommencéàasphyxierl’entreprise.Ala findusexennatdeMiguelde laMadrid, lepétroleen tantquebiend’exportationavaitcessé d’être un pilier de la croissance économique, mais les revenus provenant deshydrocarburescontinuaientd’êtreunedesprincipalessourcesdefinancementduservicedeladetteexterneetdesdépensespubliques.Malgrécesmutations,l’organisationdel’entrepriseestrestée,jusqu’àlamoitiédesannées1980,à l’imaged’unmodèlededéveloppement industriel replié sur lui-même.Pemexnes’intéressaitnullement aux règlesde fonctionnementdumarchépétrolier international. Lacompétitionaveclesentreprisesétrangèresn’entraitpasdanssespréoccupations.Depuissacréation, Pemex s’était consacrée à alimenter le marché national: toute à sa fonctionnationale, elle avaitnégligépresquecomplètement son rôlecommercial. Elle fonctionnaitsur des notions antiéconomiques concernant les prix et les coûts. Plus tard, Pedro Haas,directeurgénéraldePemexComercio Internacional,SAdeCV(PMI) entre1989et1994,relatera: «Jusquetrèsrécemment,PemexfournissaitàlazonepacifiquedufioulproduitdanslarégionduGolfe

deMexique et transporté à travers le Canal de Panama. Lorsqu’on a pris conscience qu’on pouvaitréaliserunbénéficeéconomique,Pemexacommencéàexporterdu fioulduGolfeetàen importerdepuislePacifique»18.

L’ensembledes institutions,descomportementsetdespratiquescaractérisant l’industriepétrolière mexicaine était en symbiose avec les buts assignés à Pemex. Monopole d’Etat,Pemex répondait au modèle classique d’organisation centralisée avec une intégrationverticale. Ce modèle avait été fonctionnel pour coordonner efficacement les activités del’entrepriseetsatisfaire lesbesoins internes.Lesobjectifspoursuivisétaientpluspolitiquesqu’économiquesetl’organisationcentraliséereprésentaitunmoyenefficacedecontrôle.Cependant, cet ensemble institutionneletorganisationnelmontrait ses insuffisances. Lesrevenusde la rentepétrolièreavaientpermisdedifférer les changements,mais lorsque lacrise économique et financière éclata, il fallut affronter le problème. Face à l’urgence,l’administration de Miguel de la Madrid s’était attaqué à la question financière et avaitreléguéàplustardlaréformeorganisationnelle.Levirage radical effectuépar leprojet économiquedupays et l’ouverturecommercialesubséquente devaient se répercuter sur l’organisation d’une entreprise stratégique pour lepays. Animés par des intentions plus ou moins cachées, dont la privatisation n’était pasabsente, et avec une volonté affichée d’internationalisation, les décideurs s’efforcèrent detransformerPemexenuneentrepriseorientéedésormaisverslaproductivitéetlarentabilitéc'est-à-dirededynamiserlaproductionenadoptantdesmesurespermettantdediminuerles 18Haas(1991)etSomuano(1994).

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coûts et de supprimer les pertes19. Ce bouleversement signifiait que l’entreprise devaitabandonner son originalité historique, sociale et symbolique. Cela impliquait en d’autrestermes de refonder les bases politiques, économiques et sociales sur lesquelles lacompagnieavaitétéédifiée.A l’imagedecequi sedéroulaitdans le restedesentreprisespétrolièrespubliquesdanslemonde,laréorganisationadministrativedePemexdevintl’undes principaux sujets de préoccupation. Le défi était, et reste, d’envergure.Jusqu’à quelpointa-t-ilétérelevé?UN MONOPOLE D’ETAT AUX PRISES AVEC LA LOGIQUE DE MARCHÉSilapolitiquepétrolièreadû,commetoutautreprogrammesectoriel,s’harmoniseraveclesgrandschangementsde lapolitiqueéconomique, cemouvement s’est accéléré,dès ledébutdusexennatdeSalinas (1988-1994),sous l’effetd’undoubleprocessus: l’entréedupays,en1986,auGATT(General Agreement in Trade and Traffics)et,surtout,ladécision,prise très vite durant la gestion saliniste, de signer l’Alena (Accord de libre-échange pourl’AmériqueduNord).QuoiqueleMexiquen’aitjamaiscédéauxpressionsdesAméricains–pourqui le thèmede l’énergie relèvedudomainede la sécuriténationale–et ait refuséd’intégrerlapolitiquedeshydrocarburesdansl’Accordentréenvigueurle1erjanvier1994,il n’en reste pas moins que cette question sera inscrite en filigrane dans les réformesorganisationnellesetinstitutionnellesentreprisesdurantlerestedeladécennie.La réorganisation de Pemex : les économistes au pouvoir 1988-2000DeuxfacteursontétépropicesàlaréorganisationdePemexaudébutdesannées1990:labonne santé financière de la société nationale –résultat des efforts du gouvernementprécédent–etl’amplemajoritédontlegouvernementadisposéauseinduCongrès(Sénatet Parlement) à partir des élections législatives de 1991. Toutes deux ont élargi lamarged’actiondontdisposaitl’équipedeCarlosSalinaspourmoderniserl’industriepétrolière.• Les préalables...Avantd’entreprendresaréforme,CarlosSalinasdeGortariapréparéleterrain:d’uncôté,il a cherché à désarticuler le modèle syndical «patrimonialiste» et, de l’autre, à installerdanslespostescléuneéquipefavorableàsonprojet.Peuaprèssonentréeenfonction,Salinasafrappédefaçonspectaculairelefiefétablipar 19LeosChávez(1993).

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ladirectiondusyndicatpétrolier,chapeautéparLaQuina (JoaquinGalicia).Le10 janvier1989,ilafaitemprisonnerleleadersyndicaletl’aremplacéparunhommeplusprochedeses vues: Sebastián Guzmán. C’était une prémisse indispensable à l’établissement denouvellesrelationsentrePemex,legouvernementetlestravailleurspétroliers.Celaapermisde modifier la convention collective, en cherchant à favoriser des processus oùprédominaient la flexibilité de lamain d’œuvre, l’efficacité et le professionnalisme. Entre1989et 1993, le nombre de travailleurs pétroliers a diminué de 40,5% (de178766employés à 106393), ce qui devait permettre d’augmenter la productivité paremployés.Parallèlement,onapromule«personneldeconfiance»:10000travailleursontétéobligésd’abandonnerleurstatutsyndical(personnelsmédicauxsurtout)20.On a cherché à réduire, par ailleurs, certains des nombreux privilèges politiques etéconomiques dont jouissaient les dirigeants syndicaux (la faculté de distribuer deslogements,desprêts,d’avoirdesmagasinsd’alimentation,etc.)etàimposerdorénavantquelaréalisationdesouvragesetconstructionsdansl’industriepétrolièrerespectelestermesdelaloidesTravauxpublics21.La sélection d’un personnel d’encadrement qui partage son projet est la deuxièmestratégie choisie par Salinas pour opérer la réorganisation de Pemex. La nouvelle équipedirigeanteprésentaitunprofil semblableàceluiquicaractérisait leshommesduprésidentdelaRépublique:àl’imageduchefdel’Etat,lesdirecteursdesdifférentesentitésdePemexet leur bras-droit étaient de jeunes et brillants économistes formés dans les meilleuresuniversitésaméricaines,quiavaientfaitleurspremierspasdansl’administrationmexicaineauministèredesFinanceset,pourquelques-uns, auministèrede laProgrammationetduBudget(SPP),auxcôtésdeCarlosSalinaslui-même.Legraphique122montrel’évolutiondelaprésencedeséconomistesaudétrimentdes ingénieursdans lesdifférentspostes (cadresmoyensetpostesdedirection)dePemex.Defaçonhabile,onavaitconservépourlesairestechniques–lesdomainesdel’explorationetdelaproduction(Ing.ManuelOrtízdeMaría)etdu raffinage (Ing. FernandoManzanillaSevilla)–des ingénieurspétroliers,plusâgésetexpérimentés. Tandis que les jeunes économistes se trouvaient affectés dans les aires quiallaientêtrelescentresvitauxduchangement,les«vieuxingénieurs»garantissaientsavoir-faireetexpériencedanslesdomainesclédel’industrie.• Les réformesPendantcetemps,de1989à1991,l’avenirdePemexaété l’objetdenombreuxdébatschezlesspécialistesde l’énergie;différentesvisionsdelarestructurationdel’organisme–allant du statu quo (conserver le monopole d’Etat) à la privatisation totale– se sontaffrontées.L’optionintermédiaires’estfinalementimposée:elleproposaitdeconserverla

20AuMexique,le«personneldeconfiance»estleseulànepasêtresyndiqué.

21Pemexpeutdésormaisréalisertouslestravauxd’explorationetdeforage.LeSTPRM,poursapart,nepeutplusobligerlescompagniesengagéesparPemexàcequelamoitiédeleurpersonnelappartienneausyndicat.

22Lestableauxetgraphiquessontprésentésenannexe,àlafindel’Etude.

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société nationale en la plongeant dans un environnement qui simulerait autant que

possible une logique demarché. Il s’agissait d’introduire des critères d’organisation et degestionsemblablesàceuxdesentreprisesprivées,sansremettreencause lapropriétédesactifs.Deux idées principales ont présidé à cette réorganisation administrative: d’un côté,préciser le concept d’Etat pour l’entreprise (que signifie pour Pemex le fait d’être uneentreprise d’Etat?) et, de l’autre, faire prévaloir les critères économiques sur les critèrespolitiquesdanslefonctionnementdelasociéténationale.Sur le premier point, les réformateurs ont voulu différencier deux fonctions jusque-làconfondues: l’autorité et la règlementation d’une part, la gestion de l’autre. Les deuxpremières incombent à l’Etat tandis que la deuxième relève de la compétence de lacompagnie pétrolière. Le but de cette distinction était de rendre explicite la politisationindueàlaquelleétaitsoumiselasociéténationale,dansl’idéed’ymettrefin23.Encequiconcernelesecondaspect,lesréponsesconcrètesontétélaréorganisationdelasociéténationaleetlaconstructiond’unmaillageinstitutionnelrépondantàunelogiquedemarché.Ces transformationsdevaientpromouvoir et favoriser la créationet l’optimisationde la valeur économique selon les multiples objectifs de la compagnie tellel’industrialisation, le développement régional, la création d’emplois, l’autosuffisanceénergétique,l’autonomietechnologique,etc.La réforme de 1992 a divisé Pemex en une holding et quatre filiales (Exploration etproduction,Raffinage,Gazetpétrochimiedebase,Pétrochimie)eta introduitunegestionfondéesurlesdomainesd’activité(voirlegraphique2).Ladivisiondelasociéténationaleacherché à décentraliser le pouvoir, assignant à chaque filiale ses propres responsabilités(financières,patrimoniales,légales,etc.)24.Ils’agissaitaussid’identifierlesactivitésetentitésdéficitaires, ce que ne permettait pas l’organisation verticale. Cette restructuration a ététranscrite dans la loi organique de Pemex et des filiales de juillet 1992. Cette réformelégislativerendaittoutretourenarrière,sinonimpossible,dumoinstrèsdifficile.Fondée sur un critère économique (la recherche de la rente pétrolièremaximale), cetteréorganisations’estefforcéedeconcentrerPemexsursesactivitésdebase(lecore business,c'est-à-direl’explorationetlaproductiond’hydrocarbures)audétrimentd’activitéstellesquelatransformationdeshydrocarburesoudecertainsservicesliésaugaznaturel. Il s’agissaitdemaintenirlemonopoledePemexdansl’upstream(l’amont)etd’ouvrirprogressivementaux investissementsprivés,nationalouétranger, ledownstream (l’aval).Celaa conduit lacompagnieàsedéfaired’activitésquin’appartenaientpasàproprementparleràl’industriepétrolière(l’entreprisedeconstruction,l’Institutd’ingénierieetd’autresactivitésdeserviceset de logistique) et à les sous-traiter à des compagnies privées. S’il s’agit bien d’uneprivatisationpartielledesactivitéspériphériques,c’estunemesuredontlavaleurstratégiqueetpolitiqueesttrèsdifférentedecellequiauraitconsistéàvendrepartiellementoudansleurtotalitélesactifsprincipaux.

23AdriánLajous,Séminaire,Centrodeestudiosinternacionales,ElColegiodeMéxico,15janvier2002.

24 Chacune possède son propre conseil d’administration ; un département corporatif stratégique assure lacoordinationetsuperviselesactivitésdesfiliales.

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Pour les théoriciens de l’économie de l’entreprise –Chandler puis Williamson– lesavantages d’une organisation décentralisée en unités autonomes s’expliquentessentiellement en termes de traitement de l’information25. Cependant, dans ce cas, ladivisionen filialesaaussiétépenséepour introduireune logiquedemarchéauseind’unmonopoled’Etat.Un systèmedeprixaétéconstruiten fonctiondescoûtsd’opportunité:les prix ont été fixés selon ceux des mêmes produits à l’exportation de façon à éliminertoute subvention de la part de l’Etat. Désormais les transactions internes de Pemexs’effectuententredes filialesdistinctesetsontétabliesen fonctiondesprix internationaux.En outre, cette division devait instaurer une gestion qui fasse apparaître les pertes ou lesgainsdanschaque filiale,cequipermettaità la foisuneplusgrande transparencedans lacomptabilitédelasociéténationaleetuneplusgranderesponsabilitédechaquefilialevis-à-visde ses résultats26.Néanmoins, le systèmecomptablemisenplaceallait favoriser l’unedes filiales, Pemex Exploración y producción, au détriment des autres, puisque cettedernièrevendraitlepétrolebrutauxautresfilialessurlabaseduprixinternationaletnonsurceluidel’extraction.Celaallait impliquer,parconséquent,que lesairesde transformation(raffinageetpétrochimie) enregistreraientdespertesdansleurbilanfinancier.Simultanément,unsystèmederéglementationaintroduituneconcurrenceinternesurlabasederèglesclairesettransparentes.Eneffet,onestimaitquelecadrerégulateurnedevaitpasseulementsecantonneràsurveilleretsanctionner lespratiquesanti-compétitivesmaisdevait aussi éliminer les autres sourcesd’inefficacitééconomique–comme,parexemple,lescomportementsdecertainssalariésquiaffectentlesdécisionséconomiques.Deuxtypesderèglementsontétémisenœuvre:lesgénérauxquis’appliquentdefaçonidentiquequelquesoitlesecteur,etlesspécifiquesquicorrespondentausecteurindustrielconcerné.Lespremiers,fondéssurunprincipedeméfiance,ontvoulumettresoustutellelecomportementadministratif (dans ledomainedes travauxpublicsetdesachatsmaisaussipour surveiller le comportement des travailleurs). Les seconds ont cherché à encadrer lefonctionnement du marché: la Loi fédérale de compétition économique (LFCE), laCommission fédéraledecompétition(CFC),lesdiversrèglementsetloisdugaznaturelet,surtout,laCommissionrégulatricedel’énergie(CRE),quiétablitdesnormespourlesquatresegmentsquitombentsouslacoupedusecteurprivédansl’industriedugaznaturel27.Unedes missions de la CRE a été de faire en sorte que les industries du gaz naturel et del’électricité répondent aux impératifs du marché pour les rendre compétitives, offrir demeilleurs services, promouvoir l’usage de combustibles propres et, surtout, protéger lesinvestisseursprivésdespossiblesactionsarbitrairesdePemexoudugouvernement.Danscebut, les prix du gaz naturel ont été fixés en fonction des conditions d’un marchéinternational compétitif (lemarché de référence a été celui du sud du Texas, leHoustonShipChannel)28. 25Chandler(1972);WilliamsonetWinter(eds.)(1991).

26VegaNavarro(1999):217.

27LaCFC,crééeen1992,dépendduministèredel’Economie.Elledoitprévenir,rechercheretéliminerlesmonopolesoubienlespratiquesmonopolistiques.

28 Les prix du marché américain –l’un des marchés de gaz les plus compétitifs au monde– seront lebenchmarketpourajusterleprixauMexique.

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Danslecadredel’ouverturedudownstream,cetteréorganisationadministrativeacherchéàconstruire un environnement de réduction de l’incertitude pour l’investissement privé.Parallèlement, les nouveaux dirigeants de Pemex ont manifesté un vif intérêt pour lesquestionsrelativesaumarchépétrolier international.Acetégard,uneentreprisepubliquedotée d’une personnalité juridique propre–PemexComercio Internacional, S.A. deC.V.(PMI)–aétécrééepourcommercialiser lesproduitspétroliersà l’extérieuretaffronter lesdéfisliésàlavolatilitédumarchépétrolierinternational29.Ilétaitnécessairederompreavecles pratiques antérieures qui, sans se préoccuper des coûts économiques ou desopportunités de négoce, cherchaient uniquement à se défaire des excédents de laproduction locale.Aucontraire, envalorisant le conceptd’utilité,PMI sedonnait commemissiond’optimiser lesbénéficesdans les transactionscommerciales à tous lesniveaux–production,raffinageetdistribution.D’unautrecôté,PMIaétéconçuecommeuncentrepilote qui inaugurait un nouveau style de gestion en vue de développer une véritableculture d’entreprise. L’entreprise a été organisée sous la forme de profit centers –petitsgroupes de commerciaux– qui étaient extrêmement fluides et flexibles. Au sein de cesgroupes,lesrelationshorizontalesentrelesdifférentescatégoriesdepersonnelremplacèrentla structure hiérarchique afin de responsabiliser et de motiver employés et cadres. Ladécentralisationrelativedes fonctionsetde laprisededécisiondevaitpermettredemieuxévaluerlesrésultatsdechaquecentre.SoutenuparleprogrammeADR(Attirer,Développeret Retenir le personnel d’excellence), la professionnalisation des cadres (et même dessecrétaires) a été une grande réussite. Il faut noter que cette entreprise n’a jamais abritéd’organisation syndicale30. Bien entendu, les profit centers étaient inconcevables au seind’uneentreprisede la tailledePemex;néanmoins, la réformeadministrativeacherchéàsusciteruneplusgrande flexibilisationdans lastructureorganisationnellepouraccroître lamarged’actiondescadresmoyensetsupérieurs,leurresponsabilisationetleurengagementpersonnel. Elle a également suscité un esprit d’émulation. On croyait que, sans aller àl’encontredelaConstitution,cesmesuresadministrativespourraientaccroîtrel’efficacitéetlaproductivitédel’entreprise.Cetteréformeaétéimaginéeetréaliséeselondescritèreséconomiquesetparungrouped’économistes.Bienquel’assainissementfinancieretcomptablen’aitpasremisenquestionle rôle fiscal et social de Pemex, la réorganisation en holding cherchait à promouvoir latransparencedessubventions,enévitantdeprotégerdesentitésinefficaces.Elleaétéguidéepar la notion de compétition: les différents acteurs ont été placés en situation deconcurrence(tantlesfilialesqueleurpersonnel)oùchaqueopérationdenégocecherchaitàoptimiser ses bénéfices. Par ailleurs, on a voulu établir un environnement demarché eninstaurantdescoûtsd’opportunité.

29 Constituée comme société anonyme, son capital est réparti entre Pemex (85% des parts), la Banco decomercioexterior(Bancomext,7,5%)etNacionalfinanciera(Nafin,7,5%).

30Somuano(1994).

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• Zedillo ou la continuitéLa gestion d’Ernesto Zedillo Ponce de León (1994-2000) a poursuivi dans cette voie.L’équipededirectiondePemexaconservé lemêmeprofil général: lenouveaudirecteurgénéral,Lic.AdriánLajous(1995-1999)avaitétél’undesprincipauxartisansdelaréformeetleséconomistesbrillantssontrestéstrèsprésentsdanslesairesstratégiquesdePemex.Parailleurs,lagravecrisefinancièrededécembre1994aobligélegouvernementdeZedilloàpromouvoirl’ouverturedecertainssecteurs(amontdugaznatureletdelapétrochimie)auxinvestissementsprivés.Eneffet,demanièreàtrouverunballond’oxygène,legouvernementmexicainasignéunaccord-cadre,leNorthAmericanFrameworkAgreement (NAFA), aveclegouvernementaméricain.Cedernier a acceptéde libérer la sommede20milliardsdedollars.AuseinduNAFA,leOilProceedsFacilityAgreement(OPFA)agagéceprêtsurlepétroleetl’administrationzédillistes’estengagéeàprivatiserlaproductiond’électricitéetàouvrirlestélécommunications.Lamodificationdelaloiréglementairedugaznaturel(1996)apermisd’ouvrirladistributionetletransportdeceproduitaucapitalprivé.Parcontre,laventedelapétrochimie–l’undesgrandsparisdugouvernementdeZedillo–atotalementéchoué,malgrélesdifférentestentatives.Ilestcertainquecetéchecrésulted’unnouveaurapportdeforcesauseinduCongrès:àpartir de septembre 1997, pour la première fois depuis l’avènement du PRI au pouvoir,celui-cin’aplusdisposéde lamajoritédesvoixauParlement(àpartirdel’automne2000,aucundes troisgrandspartis–PRI,Parti révolutionnaire institutionnel,PAN,Partid’actionnationaleetPRD,Partide la révolutiondémocratique–n’aura lamajorité).Touteréformedeviendraparlàmêmeunprocessusextrêmementcompliqué.Quoiqu’ilensoit,cetteréformeadministrativedegrandeenverguren’asérieusementétéremiseenquestionqu’àpartirdelaprésidencedeVicenteFox(2000-2006).La réforme revisitée : 2000-2006• Les entrepreneurs au pouvoirA partir de décembre 2000, la nouvelle équipe de direction de Pemex a cherché àdévelopperuneconceptiontotalement«entrepreneuriale»opposée,àcertainségards,àlaconceptionpluséconomistedeséquipesantérieures.Depuisledébut, lessignauxdecetteorientationontététrèsclairs.LeprésidentVicenteFox–premierprésidentduMexiquenonissuduPRI–adésignéunmanageurréputéàlatêtedePemex,RaúlMuñozLeos,ancienprésident de Dupont Mexico, et a cherché sans succès à nommer au sein du conseild’administrationquatreentrepreneursparmilesplusimportantsdusecteurprivé.Cetéchecn’a pas empêché le nouveau directeur de Pemex d’appliquer «l’orthodoxieentrepreneuriale»àunesociéténationale:selonlui,sesrecettesdevaientassureràPemexd’excellents résultats qui lui permettraient enfin d’être à la hauteur des plus grandescompagniesinternationales,sanscesserpourautantd’êtreuneentreprised’Etat.D’emblée,RaúlMuñoz Leos a constitué une équipe de direction au profil nouveau: comme lui, laplupartprovenaientdusecteurprivéoùilsavaientoccupédehautesfonctionset,comme

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lui, ils avaientétéconfrontés, chacundans leurposte, à la tâchede «baisser les coûtsetaugmenterlaproductivitédelacompagnie»31.D’emblée, Muñoz Leos a résumé les faiblesses de Pemex de la façon suivante: unmanqueconsidérableentermesderessourceshumainesetfinancièresetlasoumissiondelasociété nationale à des critères politiques sexennaux, sans que prédomine une visiond’ensembledel’industrie32.Entantquemanager,laquestiondesressourceshumainesaretenuunegrandepartiedesonattention.Ilavouluàlafoispromouvoirmaisaussiresponsabiliserledépartementdesressourceshumaines,enl’impliquantdanslesrésultatsdelasociéténationale.Ilacherchéégalementà rétablirunemeilleurecommunicationentre lesservicesdans lebutde forgerune équipe soudée qui connaisse, partage et lutte pour les mêmes objectifs. Cependant,fidèle aux principes qui ont guidé le gouvernement de Vicente Fox, il semble que lanouvelleéquipedePemexait avant tout souscrit aux recettes à lamodeprescritespar la«nouvelle gestion publique». Comme toute instance administrative, Pemex et ses filialesontdûappliquerlenouveauprogramme«Modèlestratégiquepourl’innovationetlaqualitégouvernementale»concoctéparleBureaud’innovationgouvernementalequidépendaitdela présidence de la République. A ce titre, de nombreux cours de formation ont étédispensés; ils étaient tous fondés surdes indicateursderendementetdesmécanismesdecontrôleorientésversl’évaluationdesrésultats33.CefutaussilesensdutravaileffectuéparleCorporatifdecompétitivitédirigéparOthónCanalesjusqu’enjuillet2004,maisdontlatâcheestrestéeinachevée34.Sachant que la modernisation de Pemex ne pouvait se faire sans l’appui du syndicatpétrolier (STPRM),Muñoz Leos et son équipe ont tenté de le rallier à eux, alors que lescirconstancespolitiquesétaientdéfavorables.D’uncôté,traditionnellementaffiliésauPRIetcommuniant dans l’idéal révolutionnaire mexicain, les responsables syndicaux voyaientavecméfiancecesnouveauxdirigeantsissusduPAN,unparticatholique,proche–selonlarumeur–desEtats-Unisetdeshommesd’affaires.Maissurtout,del’autre,pesaitsureuxlamenace du Pemexgate. Accusé d’avoir financé illégalement la campagne électorale ducandidatpriisteLic.FranciscoLabastidaOchoa,lesyndicatétaitpubliquementdiscréditéetquelques-unsdesesleadersassignésenjustice.Lespourparlers,danscesconditions,étaientdes plus difficiles. Les modalités erronées qu’a employées le gouvernement de Fox pourtraitercetteaffairen’ont faitqu’accentuer laméfiancedesresponsables syndicauxvis-à-visdeladirectiondePemex.Ceux-ci,ducoup,ontjouédeleurinfluencepourentravertouteréformedel’entrepriseetontmêmeprovoquéladémissiondeRaúlMuñozLeos,fin2004.Cequiestuncomble lorsque l’onsaitque,parailleurs,lesvéritablesacteursdecesactesillicitesn’ontjamaisétépénalisés.

31Entrevuele2octobre2006àMexico.

32MuñozLeos(2006).

33 L’usage de techniques sophistiquées, recommandées par les organismes internationaux, lance un signepositifauxinvestisseurs,mêmesilesrésultatssontpauvres.

34Entrevuesles24févrieret26juin2004àMexico.

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• Des projets avortésParailleurs,d’après lanouvelleéquipedePemex, la réorganisationadministrativede lasociéténationaleenholdingaaccentuéles fracturesinternesde lasociéténationale–tantauniveaudupersonnelquedesrésultatsentermesdeproduction.LadivisiondePemexenfilialesauraitnonseulementconduitàsous-estimerl’importancedelavaleurajoutéedelachaîne industrielle (quivade l’exploration jusqu’à lavented’essenceou la fabricationdeplastiques),maiselleauraitdeplusfractionnédefaçonartificielleleprocessusaubénéficedufournisseurinitial.Celaauraitprovoquédesantagonismesentrelesdifférentesfilialesetde très importantsproblèmesdecoordination,puisquechaque filialeadesbesoinsetdesintérêtsspécifiquesetchercheàmaximisersesavantagescomparatifs et sesbénéfices.Deson côté, la holding n’aurait pas les moyens nécessaires pour freiner ces tendancescentrifuges ni pour coordonner et harmoniser les grands objectifs de l’entreprise. Elledevient,d’unecertainefaçon,inopérante.Dès le début de sa gestion, l’équipe de Raúl Muñoz Leos a cherché à réintégreradministrativement les quatre filiales sous une forte direction corporative pour définir lesbuts communs et favoriser coordination et coopération. Dans ce nouveau schéma, laholdingdevait intégrer lesnégoces. Ledirecteurgénéral a crééàcette fin troisnouvellesdirections: la Direction d’innovation entrepreneuriale et de coordination d’opérations, laDirection de planification stratégique, la Direction d’ingéniérie et de développement desprojets35.Enréalité,lanouvelleéquipeavusamargedemanœuvrevitelimitée:lefaitquela loi organique de 1992 régisse la restructuration a rendu très difficile tout remodelaged’envergure,lenouveaupartiaupouvoir(PAN)n’ayantpaslamajoritéauCongrès.Enfin et surtout, pour la nouvelle équipe, l’obstacle financier est de taille. Pemex estl’instrumentd’unajustementmacroéconomiqueetfiscalquiopèresurlecourtterme,cequiaffectesacapacitédegénérerde lavaleuràmoyenterme.LachargeexcessivedurégimefiscaldePemexestlefruitdel’incapacitédel’Etatmexicainàcollecterdesimpôts(ceux-cireprésentent seulement10%duPIB). Le «système fiscaldePemex»estunensemblederedevances et d’impôts sur la vente d’hydrocarbures, sans compter les revenusexcédentairescalculésàpartird’unprix fictifdupétrolepour l’annéebudgétaire suivante,résultat d’une négociation entre le ministère des Finances, Pemex et les parlementaires.Jusqu’en2005,ilaétéétablidetellefaçonque,danslapratique,Pemexreverselatotalitéde ses revenus aux fisc (voir le tableau 1), et en outre doive emprunter pour payer sesimpôtsetbiensûrpourcompléterlebudgetinsuffisantqueleCongrèsluiassignepoursesprojets de développement. Aucune équipe chargée des réformes au sein de Pemex n’ajamaisvouluni réussi à remédier à ce graveproblème.Pour financer ses investissementsdanscertainsgrandsprojets(upstream etreconfigurationderaffineries),lasociéténationaledoitemprunteràdesconditionstrèsonéreuses,lespidiregas36.Legraphique3montre

35Cettedirectionavaitétééliminéedixansauparavant,provoquantdegravesconséquences(pourCantarelloupourlamodernisationdesraffineriesdeCadereytaetdeCiudadMadero).

36 Les pidiregas, créés durant l’administration zédilliste, sont des «projets d’infrastructure différés dans leregistre des dépenses». Dans ce schéma, les particuliers obtiennent un financement pour mener à bien unouvragepourPemex,quicommenceà lepayeràpartirdumomentoùelleenprendpossession.Quoique lesdirigeantsdePemexs’endéfendent,onabeaucoupcritiquécemodèlepourêtreplusonéreux.

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comment cette figure a pris de l’ampleur au cours des années (au détriment desinvestissementsbudgétaires).Mêmedepuis2004,alorsque lahausseduprixdupétroleaétéconsidérable,Pemexs’est toujours trouvédéficitaireaprèsavoir remplisesobligationsfiscales.Certes, lanouvelledirection s’est efforcée dedoubler lebudget assignéàPemexmaiselle aprivilégié la filialePemexExplorationetProduction (PEP)qui a reçu80%dubudget. Au total, entre 2001 et 2004, Pemex a investi dans divers projets la somme de30milliardsdedollars:24milliardsontétédestinésàPEP (lesegmentde laproductionautilisé80%decemontant).Elleaaussicherchéàtrouveruneformulequiallègelachargefiscaledel’entreprise,enluipermettantdegarantirsonexpansionetsamodernisationsanspourautantcesserderemettreaufiscunepartiesubstantielledelarentepétrolièredérivéede l’extraction.Lescontratsdeservicemultiples (CSM)et la réformefiscaledePemexontétédeuxréponsesàcesquestions,quoiqu’ellesaienteuunimpact limité.D’unepart, lesCSM ouvrent les portes à l’investissement privé dans l’exploitation du gaz naturel (nonassocié) du bassin deBurgos pour combler le déficit croissant en cettematière et limiterdanslefuturlesimportationssansquelanationrenonceàlapropriétédesréservesniàlaproduction du gaz naturel. Néanmoins, aucune des grandes compagnies privées n’a étéattiréeparunschémaqui leur interdisaitdecomptabiliserdans leurs livres les réservesdegaz naturel de Burgos. D’autre part, on a dit que le nouveau régime fiscal de Pemexreprésentait une victoire politique, car c’était la première réforme ayant fait l’objet d’unconsensusentre les troisgrandspartispolitiques.Enréalité,c’est l’annonceofficiellede lafaillite techniquede lasociéténationalequiaeffrayé leshommespolitiques.Soucieuxdedégagerleursresponsabilitéspersonnelles,ilssesontmisd’accordpourmodifierlerégimefiscaldePemex.Celadit,cetteréformen’estqu’unremèded’appointquinerésoutquetrèspartiellement le déficit de Pemex. En effet, le changement fiscal approuvé par les deuxchambres(SénatetParlement)fin2005apermisquePemexpuisserécupéreren2006surles impôts et redevances versés à l’Etat environ 2,3milliards de dollars. Cette somme estparfaitement insuffisante sachant que les besoins annuels de Pemex –en termesd’investissements–s’élèventaubasmotà10milliardsdedollars.Etlesdeuxschémasquiluipermettraientde retrouverdes finances saines–uneentréepartielle enBourseoudesalliances stratégiques avec des compagnies privées– tombent sous le coup de l’interditconstitutionnel.Concernantcesdeuxpoints,demultiplesdébatsetpropositionsontjalonnélesexennatsansquelasituationnesedébloque.Enfin signalons brièvement que cette équipe a tenté de relier davantage les ressourcespétrolières au développement de l’industrie nationale, en augmentant les investissementsdansleraffinage:en2002,RaúlMuñozLeosetledirecteurgénéraldePemexPétrochimie,RafaelBeverido,ontannoncélaconstructiondedeuxnouveauxcomplexespétrochimiquesdegrandetaille,àCoatzacoalcos(Veracruz)etàAltamira(Tamaulipas),connuscomme«leProjetFénix»,aumoyend’unco-investissemententre lesecteurprivéetPemex.Leprojetétaitambitieuxetprometteur;cependant,ElFénixestrestétoutaulongdusexennatàl’étatd'ébauche. Par ailleurs, elle a cherché à restaurer un lien privilégié entre Pemex et lescompagniesprivéesnationales,enparticulierdanslesecteurdelaconstruction37.

37Durantlagestiond’ErnestoZedillo,denombreuxprojetsontétéconfiésàdescompagniesétrangères.

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• Les effets perversBienquecettenouvelledirectionaitétéaniméeparl’intentiondemodifierenprofondeurlegouvernementde l’entreprise,sonactionaétéextrêmementrestreinte.Engrandepartiepourdesraisonspolitiques38, lamajeurepartiedesgrandesréformesque l’équipedeRaúlMuñoz a voulu entreprendre est restée à l’état latent. La réforme fiscale de Pemex estd’ailleurs à porter au crédit de son nouveau directeur, Luis Ramírez Corso (2004-2006),quoiqu’enréalitélesfondementsaientétébâtisdurantlagestiondeMuñozLeos.Néanmoins, l’effet d’annonce (des réformes) est, en soi, porteur d’attentes(du côté desinvestisseursetdesindustriels)etl’absencederésultatsestcoûteuseentermesdecrédibilitéindustrielle. Par ailleurs, en menaçant les formes d’organisation existantes, cet effetd’annonceaaffaiblilesrelationséconomiquesetasouligné,plusqu’iln’étaitnécessaire,lepoidsdelapolitiquedanslagestiondel’entreprise.Ilseraitexagérédeparlerderuptureentrelesdeuxvisions–celledeséconomistesetcelledesentrepreneurs–ausujetdelagouvernancedePemex.Cesdeuxvisionss’inscriventausein des principes d’un marché et d’une industrie mondialisés. La nouvelle équipe n’ajamaisremisenquestion,parexemple,lamiseenplaced’institutionsetderèglessimulantun environnement de marché. Toutes deux ont considéré que les questionsorganisationnellesreprésentaientuneréponseadéquate,comptetenudeslimitesimposéesparlaConstitution.Cependantlesdifférencessontnotables.Le modèle qui a vu le jour au début des années 1990 a stimulé la compétition sansaffecter la structure des droits et du régime de propriété. C’est en soi une positionintéressantequiafaitdel’architectureinstitutionnelle–etnondurégimedepropriété–laclédevoûtedelamodernisationdel’entrepriseetdel’industriepétrolière.Cependantcetaspect est resté relativement inaperçu dans l’opinion publique (les partis politiques n’ontcessé d’accuser le gouvernement de vouloir vendre la totalité de l’entreprise). Selon lavision qui prévaut depuis l’an 2000, la structure de droits de propriété privée crée desstimuli positifspour l’efficacitééconomique.Pourcesadeptesde lapropriétéprivée,uneentreprisepubliqueresteratoujourssoumiseàunecertainedérivebureaucratiqueetdoncàune relative inefficacité. La question des droits de propriété devient fondamentale. Laplupartdesactionsentreprisesoudesprojetsavortésdecetteadministrationentémoignent.Ladifférenceentrelesdeuxmodèlesreposedoncsurunevisiondifférentedesentreprisespubliques. Pour le premier, l’Etat continue d’être une référence de taille: le fait quel’entreprise ait des obligations fiscales et sociales importantes n’est jamais remis enquestion39.LadivisiondePemexaétéétabliesurceprincipe:conserverlarentepourl’Etat.Seulelaconfusionentrel’Etatetlegouvernementestsoumiseàlacritiqueetestsujetteàlareconsidération. A l’opposé, la deuxième vision assimile les critères de fonctionnementd’une société nationale à ceux d’une compagnie privée: la nécessité de réintégrerl’entrepriseetdefairedisparaîtretoutesourcedeconflitpotentielouencorel’ajustementdelarentepétrolièreauxroyalties quepaientlescompagniesprivéesensontunepreuve.

38Uneinstabilitéchroniqueduhautpersonnel(quatreministresdel’énergieetdeuxdirecteursgénérauxpourPemex,ensixans!)s’estrépercutéesurunmanquedecontinuitédanslapolitiqueénergétiqueetl’absencedebonsopérateurspolitiques.

39AdriánLajous,op. cit.

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Le concept d’efficacité est aussi interprété différemment. Dans le premier cas, lesréformateursétaientguidéspardescritèresdenatureéconomiqueetfiscale.Lesajustementsorganisationnelsrépondaientàcesparamètres:lacréationd’uneholdingavecdesfiliales,lesprixdetransfertentrelesfilialesoulacréationdenormesderéglementation.Etsi,dansles secteurs modernes de l’entreprise (PMI, par exemple), des techniques de gestionnouvellesontétéemployéespourobteniruneefficacitémajeure,lescontraintesrépondantà «la logique nationale» (le rôle fiscal et social de Pemex) ont été préservées, bien quereconsidérées. A partir de l’an 2000, en contrepartie, la logique nationale a été perçuecomme un obstacle. L’environnement politique défavorable (le gouvernement divisé)pousse à changer de stratégie: soit appliquer des critères managériaux de l’entrepriseprivée,soitmodifierenprofondeurlerégimefiscaldePemexpourquelasociétéfinancesesprogrammesdedéveloppementsansavoir recoursàunendettementdevenuextrêmementcoûteux(lesPidiregas).Aujourd’hui,lescritèreséconomiquesontétéreléguésetsoumisauxcritèresde typemanagérial, cequiexplique l’intérêtpour les techniquesde la «nouvellegestionpublique»danstouslesdomainesdel’entreprise.Cependant,aumomentd’élaborerunbilan finaldesréussitesdecesdeuxréformes, lesrésultatssont,sommetoute,relativementpeusatisfaisants.UNE RÉFORME « EN POINTILLÉ »Depuisledébutdesannées1990,lesréflexionsconcernantlesréformesinstitutionnellesdusecteurpétroliersontbaséessurcertainsgrandsprincipes:sansjamaistoucherauxdroitsdepropriétéetàmi-cheminentreunerationalitédemonopoleetunelogiquedemarché,ellessesontconsacréesàmodifierlephénomèneorganisationnelenconsidérantquecelarestaitunesolutionpolitiquementviableauseindeslimitesquemarquelaConstitutionduMexique.La réorganisation administrative de Pemex devait hiérarchiser les objectifs de la sociéténationale,dépolitiserlespostesdedirection,renforcerlescontrôlesinterneset,engénéral,chercher un meilleur équilibre entre l’autonomie de gestion et la responsabilité. Maisjusqu’àquelpointcesobjectifsont-ilsétéaccomplis?Si,enoutre,lessociétésnationalesontégalementenchargeunemissionsociale,enquoicesréformesont-ellesaidéPemexàmieuxs’acquitterdecequ’onal’habitudedenommerla«responsabilitésocialedel’entreprise»?

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Une évaluation en termes de logique pétrolièreCertes, iln’existepasunmodèleunique,un idéalde«bonnegouvernance»dusecteurpétrolier. Enmatièredebonnegouvernance, sur leplan international,quelques instancesont formulé des préceptes. Le Fonds monétaire international (FMI) s’est concentré sur lesprocessus fiscauxdu secteur gouvernemental et a publiéThe Code of Good Practices on Fiscal Transparency.Ilfautciteraussi The Extractive Industries Transparency Initiative (EITI)quis’estpenchésurlaquestiondesrevenus. AuRoyaume-Uni,ungroupedechercheursdeChatham House (Londres) et du Centre for Energy, Petroleum and Mineral Law Policy(CEPMLP à Dundee University), a élaboré un document, The Good Governance of the National Petroleum Report, dans le but de faire des recommandations aux sociétésnationales pétrolières pourmieux gérer leur entreprise et accroître ainsi la richesse de lanation, ledéveloppement soutenableet la stabilité sociale. Laparticularitédecette étudeconsisteencequ’elleestleproduitd’undialoguequiaréunipendantdeuxans(2005-2007)les décideurs de vingt-trois pays producteurs de pétrole et de gaz naturel (membres desgouvernements,descompagniespétrolièresnationaleset internationales,desONGetdesinstitutionsfinancières)pourmettreàprofitleurexpérienceetleursaspirations40.Lesrésultatsdecesobservationsontmontrél’importancedecertainsprincipes:laclartédanslesobjectifspoursuivisainsiqueladéfinitionprécisedesrôlesetdesresponsabilitésdechacundesacteurs(collectifsetindividuels).Demême,cerapportsoulignelanécessitéqueles acteurs disposent demoyens suffisants pourmener à bienà la fois leurs buts et leurstâches. Enfin, la transparence de l’information délivrée et un système crédible d’audit dusystèmepétrolier sontvuscommedeuxpiliers essentielsde labonnegouvernanced’unesociétépétrolière.Danslecontextedel’équationdeJohannesburgetduProtocoledeKyoto,ledéveloppementdurablepourlesgénérationsfutures–quialliedesconsidérationsd’ordreéconomique,socialetenvironnemental–marquel’orientationgénéraledestransformationsàeffectuer41.Comment le secteur pétrolier mexicain, après ces quinze années de tentatives demodernisationdel’entreprised’Etat,répond-ilàcesprincipes?• Un maillage organisationnel et institutionnel déficient Depuis toujours, les théories des organisations ont souligné l’importance de définirclairement lesobjectifs, les rôles et les responsabilités à tous leséchelonsde l’entreprise. Ceux qui prennent des décisions doivent savoir qui sera chargé de définir la politiquepétrolière,quidevraétablirlesprincipesetlesrèglementsetquelleseral’entité chargéedesopérations.Cettedistinctionestvitalepourlescompagniesd’Etat:comme,dansleurcas,la«nation»–parletruchementdugouvernementquilareprésente–estàlafoispropriétairedesressources,maisaussirégulateuretopérateurdel’industrie,cessociétésnationalessont

40Marcel(2007).

41RapportBrundland(1988).

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plusfacilementsujettesà laconfusiondesobjectifsetdesrôlesqu’unecompagnieprivée.Laduplicationdestâches,leconflitdanslesagendasdesdifférentesentitésenchargedecesfonctionsetl’absencededynamismeaboutissentàdeseffetspervers.Dansquellemesurelaréorganisationadministrativede1992,lacréationd’unorganismede régulation (CRE) et d’un cadre légal approprié ont-ils permis d’aider à préciser lesfonctionsdechacun?Aujourd’hui, un examen rapide de la situation oblige à constater que le gouvernementfédéral continue à mélanger ses divers rôles et attributions: propriétaire, régulateur etadministrateur.Parletruchementduministèredel’Energie,laSener(SecretariadeEnergía),legouvernement–aunomde la«nation»–estlepropriétairedesressourcespétrolières;par le truchement de sa société nationale, il est l’administrateur unique du secteur deshydrocarbures. En outre, à travers le ministère des Finances, Hacienda, il est autoritéfiscale(il recouvre la rente pétrolière et autorise et contrôle les investissements effectuésdans ce secteur de même que les niveaux d’endettement de la société nationale).Finalement, dans les domaines de l’exploration et de la production, le gouvernementaccumuleplusieursrôles:ilestl’investisseurexclusif,ilrèglementelesactivitésdusecteuretilgèrelesopérationsdesautresprojets.Cechevauchementasouventconduitàuneduplicationopérationnelle,sourceàsontour,denombreuxconflitsd’intérêts.En tantquemembreduconseild’administrationdePemex, leministèrede l’Energieestpris entre deux feux. Dans l’idéal, il devrait distinguer son rôle de «propriétaire» et sesfonctions comme «actionnaire» (shareholder). Tandis que la première tâche le conduit àassumerunrôlefiscaletsocialenvuedubiendelanation,ladeuxième l’obligeàcréeretàoptimiser la valeur ajoutée de la société (décisions de type commercial)42. En réalité, leministrede l’Energieprivilégie,de fait, sonrôledepropriétairesurceluid’actionnaire.Eneffet, lorsqu’un ministère technique est propriétaire d’une entreprise publique, la volontépolitiquetendàs’imposersurlarationalitépétrolière.Enoutre,sonpersonnelsecomposegénéralement de fonctionnaires dont l’expérience professionnelle ne les prépare ni àadministrerniàdirigerdes industries,encoremoinsàsecomportercommedesmanagersou à inculquer à leurs subordonnés une attitude favorable aux affaires. Par ailleurs, leministèredel’Energiecumuledeuxautresfonctions:êtrepropriétaire etrégulateur.Entantquemembreduconseild’administrationdePemex,quandilyadesconflitsd’intérêts, leministretendàfavoriserlasociéténationaleaudétrimentdesdécisionsdelaCommissionderégulationdel’énergie:lapolitiqueénergétiques’imposeaudétrimentdelarégulation.Par ailleurs, l’opérateur Pemex usurpe des fonctions –la planification centrale etl’administrationstratégiquedeshydrocarbures–quidevraientreveniraupropriétairelequelest aussi le régulateur par le biais du ministère de l’Energie. Cette division du travailinappropriéeestlaconséquencedelasuprématiequeconservedanslesfaitsPemexsurleministère: en l’absence d’une réglementation de l’information, les données que remet lasociéténationalesontsouventincomplètes.Elledécideainsidesbuts,desmoyenspourlesatteindre et des informations à diffuser sur le montant des réserves, les plans dedéveloppement des ressources, les extractions, les pertes opératives et les coûts et lesrevenus. Le ministère, en contrepartie, n’a pas les connaissances ni l’expertise suffisantespourévaluer,contrôleretsanctionnerlesactivitésd’explorationetdeproduction(E&P):son 42ValdésLópezetRosenweigMendialdua(de)(2005).

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personnelenoutrechange trèssouvent(quatreministresdurantlesexennatdeFox).Cettesituationmetenévidencel’inexistenced’uneinstitutionquisoitindépendantedelaSeneretdePemex,àl’imageduDirectoratnorvégiendupétroleoudel’Agencenationaledupétrole(ANP)auBrésil43.Cesorganismesautonomesquantifientlesréserves,conçoiventlesplansde développement de l’industrie pétrolière nationale, déterminent les politiquesd’exploration et de production, la politique de commercialisation et accompagnent lesprogrammes de recherche (techniques et technologie mieux adaptées et plus rentables).QuantàPemex,malgréleseffortsentreprisdepuislesannées1990,lasociétépoursuitsonfonctionnementschizophrénique:larationalitéfiscaleetsocialecoexiste–ets’oppose–àla rationalité économique et commerciale. Cette double logique est à la source dessempiternellesbataillesquidivisentlesorganismes(lesFinancesavecPemex)demêmequelespouvoirs(l’exécutifaveclelégislatif,lespartispolitiques,etc.).Cettelutteintestineoffreune imagequi affecte l’entreprise. Enoutre elle lui interditde seconcentrer sur soncore business.Somme toute, le secteur pétrolier est immergé dans un cercle vicieux de dépendancesréciproquesentreleministèredel’Energie,lasociéténationale(Pemex),lesFinances,sansoublier,bienentendu,leCongrès.Laréglementationestaussisourcedeconfusions.Dufaitdelaloi,deuxentitésémettentdes règlements: leministèrede l’Energieet laCommissionde régulationde l’énergie. Lapremière s’occupedesactivités concernant l’explorationet laproductiondepétroleetdegaznaturel–l’amont–tandisquelaCommissionestchargéedesmarchésgaziers(GN),encequi concerne l’aval.D’ailleurs, les fonctionsde laCREn’ont jamais étébiendéfinies:ellessesontélargiesen2001.Dotéeaudébutd’unrôletechniqueetéconomique,onluiaattribué de nouvelles fonctions qui requièrent un haut niveau d’expertise et deressourcesqu’elle n’avait pas (la normalisation, les sanctions en cas d’infraction et lavérificationencasd’accidents).Demême,d’autresorganismesderégulation(Cofemerouleministère de l’Administration publique, SFP) superposent des activités diverses, allant del’améliorationdelarégulationàlafiscalisationetàl’auditpublic.Ledocumentdegood governanceinsistesurlefaitquelesdécideursdoiventassumerleurresponsabilité.Lesréformes,auMexique,n’ontpasmodifiélesvicesdeformeenlamatière.AlorsqueleministèredesFinances–ainsiqueleCongrèsetlechefdupouvoirexécutif–définissentlesprogrammesdePemex(endéfinissantlemontantdesonprélèvement fiscaloude sonbudget), aucund’entreeuxn’engage sa responsabilité sur labonnemarchedel’entreprise:Pemexest seul responsabledes effets dedécisionsquiontétéprises ailleurs(pardesinstances«irresponsables»).La duplication des buts et des tâches est liée à la question de la capacité qu’a unorganismepourmeneràbiensamission. 43 Entrevueavec JuanAntonioBargès le16novembre2004. Voir aussi:CongresoAMEE/Colmex le28-29novembre2005,EstradaEstrada,Javier(2000).

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• Une capacité d’action affaiblie Engrandepartie, les ressources financières, l’informationet leknow how (en termesdeconnaissance, formation et expérience des employés) délimitent les possibilitésorganisationnellesdontestdotéeuneinstitution.AuMexique,lesdifférentesréformesn’ontpasérodélesobstaclesàlabonnemarchedusystème pétrolier. A bien des égards, le modèle bureaucratique continue à prédominer.C’estlaconséquencedelafortedépendancedel’entreprisevis-à-visdecertainsministères.Le manque d’autonomie budgétaire de Pemex reste le paradigme. De même,l’indépendanceadministrativeetl’autonomiedegestionsontencorelatentes. L´autonomiebudgétaire donnerait à Pemex le pouvoir de négocier directement son budget avec leCongrèsetdeneplusdépendreaussiétroitementduministèredesFinances.Toutenlibérantlasociéténationaledelapressiondesdifférentslobbiespolitiques,celaluipermettraitdeprendredesdécisionsplustechniquesetdepouvoirplanifieràlongterme.Parallèlement,l’autonomiedegestionobligeraitàcréeruncorpus delois,dedécretsetderèglespropresausecteur(commeparexemplelaLoidestravauxpublics,cf. infra).D’uncôté, lemanquede libertébudgétaireasphyxiePemex.Lemontantannueldesonbudgetresteconditionnéparlecalculdesdépensesfédérales;iln’estjamaisliédirectementàsesbesoinsentermesd’investissements.Lebureaucratismerègne:lesmontantsaccordésdoiventêtreautorisésavantd’êtreutilisés,cequiretardelamarchedesopérations.LepoidsduministèredesFinancesesténorme:ildécideseul(sansl’aideduconseild’administrationdePemexniduministèredel’Energie)desfluxd’investissements,desprêtsetdel’émissionde bons sur les marchés de capitaux internationaux de la société nationale. D’autresorganismes financiers –Banco de comercio exterior (Bancomext) et Banco de Mexico(Banxico)– régulent d’autres questions: par exemple, la police d’assurance contre lavolatilitédesprixdubrut.De l’autre, les lois et les règles qui encadrent l’industrie sont appliquées de manièrehomogèneàtoutel’administration.UneloifondamentalecommelaLoidestravauxpublicsrégituniformémenttouteconstructionréaliséeparl’administration,quelquesoitledomaine(construction d’écoles, d’hôpitaux ou de plateformes pétrolières). Elle est donc forcémentrigideetinadaptéeauxcaractéristiquesdusecteurdel’énergie.Parexemple,elleprivilégiedans lesappelsd’offre lemeilleurcoût;cecritèreest inopérantdansune industrieoù leschangements technologiques sont tels qu’ils peuvent obliger à reconsidérer despropositions.Tellequelle,cetteloirestreintledynamismequerequiertcetteindustrie.S’il est vrai que la création de certains organes régulateurs –telle la Commission derégulationdel’énergie–aconstituéunpasenavantsignificatif,néanmoinscesderniersnepossèdentpasl’autonomierequisepourunfonctionnementadéquat(ilsrestentprisonniersdecertains groupesd’intérêts). LaCREestunepetite institution,prise en tenailleentre leministère de l’Energie et Pemex. Beaucoup d’anciens et d’actuels commissionnaires l’ontqualifiéed’«îlot»faceàungéantetn’ontcessédecritiquerlepoidsénormequeconservePemex. Le rôle de monopole exercé par l’entreprise dans les segments de l’industrie quipourraientêtreouvertsàlaconcurrence(le downstreamdansl’industriedugaznaturel,parexemple)aétéunobstaclepermanentauxbutsrecherchés.Lesquestionsdutransportetducommerce du gaz naturel illustrent cette situation. Bien que, face aux investisseurspotentiels,Pemexaitundiscoursd’ouverture,danslapratiquel’entrepriseatoujoursutilisédesstratégiesdiversespourentraverlaparticipationeffectivedesfirmesprivées.Par

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exemple,concernant le transport, lescompagniesprivées intéressées,conscientesde leurslimites et des inégalités dont elles pâtissaient, ont exprimé leur inquiétude au cours desdifférentes consultations publiques réalisées par la CRE. En effet, alors que Pemex n’aremportéquedeuxdescontratsmisenappelsd’offre,elleconserveparailleurslemonopoledu Système national de gazoducs (SNG), et contrôle ainsi 83% du total du réseau. Ducoup,seulesdeuxgrandescompagniesdetransporteursquiavaientparticipéauprocessusdeconsultationpubliqueontsollicitéunpermisàlaCRE.Lethèmedelacommercialisationest encoreplus significatif. Lapossibilitéd’avoir conjointement lemonopole légaldans laproductionetlaventedegaznaturel,etlemonopolenatureldansleSNG,octroieàPemexun pouvoir de marché énorme et une position privilégiée dans la commercialisation.CommelesignaleGildaBalvanera: «Justeaprès la réforme,quelquesentreprisesdecommercialisationonteu l’intentiondeparticiperau

marché. Elles voulaient fournir à leurs clients différents services –physiques et financiers– pouraméliorer les conditions d’achat de gaz naturel. Très vite, ces entreprises se sont retirées face àl’impossibilitéderentrerencompétitionavecPemex»44.

Cette situation demonopole provoque des distorsions majeures.Vu l’étroitesse de leurmarge de manœuvre, une partie des transporteurs privés ont appliqué une stratégiecoopérative avec Pemex: ils ont décidé de s’allier avec l’entreprise sur des projetsspécifiques de co-investissements (gazoducs de Chihuahua, par exemple). Pemex a puconserverainsisaconditiondemonopoledansletransporttandisquesespartenaires–desrivaux potentiels dans la commercialisation– réalisent une grande partie desinvestissements.Biensûr,cettestratégieapermisauxinvestisseursdeparticiperausegmentdutransportet–danslecasdescompagniesétrangères–d’éliminerdepossiblesrestrictionsen matière d’actionnariat. Tous ont pu aussi profiter en partie de la spécialisationfonctionnelledePemexdansl’industrie.Cependant,pourlaCRE,celaconstituedessignauxtrompeurs laissant croire aux investisseurs qu’ils ne pourront participer avec succès ausegmentdutransportqu’àlaconditiondes’associeravecPemex.Enoutre,enéliminantlaconcurrence, les stratégies de Pemex affectent non seulement ses rivaux potentiels maisaussilesusagersfinaux.L’absence d’autonomie budgétaire de la CRE –alors que la Sener définit son budget–réduit sa marge d’action, tandis que la pratique veut que les commissions de régulationfassent payer les concessionnaires. Durant le sexennat de Fox, le budget de la CRE aconsidérablementdiminué(ainsiquesonpersonnel),alorsqueparailleurs,ondoublaitsestâches45.Enfin,ledegrédeprofessionnalismedupersonnelestundispositifessentiel.Eneffetilviseàcontrecarrerlespoil system c’est-à-dire laprévalencedecritèresclientélistesoupolitiquessurlapolitiqued’embauche,maisaussiàpréserverlamémoireinstitutionnelleetàgarantiruneplusgrandecontinuitédans les travauxet lesprogrammes.LaCREn’apas toutà faitéchappéauxlogiquesclientélistes.

44Balvanera(2006).

45PérezJácome(2005).

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• Transparence et système d’auditsAlabasedelaconfiance,delalégitimitéetdel'autoritéd'uneentreprise,lesauditssontd'autantplusimportantsauseind'unesociétépétrolièrenationalequ'ilsserventàfreinerlesdérivesbureaucratiques.C’estsurcesdeuxregistresque la restructurationadministrativedePemexet lacréationd’une logique de marché (CRE et autres dispositifs) ont eu les meilleurs résultats. Lacrédibilitéde laCREreposesurlatransparencedesinformationsqu’elledélivre(ontrouveses dispositions, sa méthodologie, les résultats de ses appels d’offre, ses consultationspubliques sur son site Web et ses règlements sont publiés dans le Journal Officiel). Parailleurs,elleestsoumiseàunehautesurveillance:unorganeinterneàlaCommission,unedépendanceduministèredelaFonctionpublique,l’auditsupérieurdelaFédérationetdescabinets d’audits externes se relaient pour superviser ses actes, sans compter qu’il esttoujourspossibledefaireappeldesesdécisions.Pemex a progressé également. Malgré sa vie trop brève, la Direction corporatived’innovation et de compétition devait donner de la transparence aux appels d’offre. Parailleurs,l’introductionde«prixdetransferts»entrelesfilialesquiaaccompagnélacréationdelaholding(1992)aeupourrésultatd’éliminerlesnégociationsdetypepolitiquelorsdelafixationdesprix(prédomineraleprixdubrutsurlemarchéinternational).Celaapermisd’annulertouteslessubventionsdel’Etat.Néanmoins,souslapousséedespuissantslobbiesindustriels du Nord (Monterrey), le gouvernement de Vicente Fox a reculé ensubventionnantleprixdugaznaturel.Enfin,en2002,lanouvelleLoidelatransparenceetdel’accèsàl’informationet lacréationdel’Institut fédéralde l’accèsàl’information (IFAI)ontobligé lesorganismesde l’Etatàpublier leursdonnées–cellesdumoinsquin’étaientpasconsidéréescommestratégiques.Curieusement, c’est une instance étrangère–la Securities and ExchangeComission auxEtats-Unis (SEC)– qui a joué un rôle majeur en ce domaine. En imposant à toutes lessociétés qui émettent leur dette sur les marchés des capitaux américains à respecter descritèresprécis tantsur la façondeprésenter lesétats financiersquesur leclassementet laquantification des réserves pétrolières, la SEC a obligé Pemex à clarifier ses informations.Celan’apasétésanspeine:lasociéténationaleadûadmettrequeleschiffresdesestauxde réserves de brut étaient peu réalistes. En 1983, Pemex avait annoncé un montant deréserves(troisP)46de72500millionsdebarils,chiffrequelasociéténationaleareconsidéréà la baisse (34179millions de barils) en 1999, après un audit que le directeur général,AdriánLajous,avaitfaitfaireàNetherlandSewell&Associates.En2002,souslapressiondelaSECet ensuivantdesparamètresbeaucoupplusrigoureux,Pemexadûreconnaîtreunmontantde17645millionsdebarils.Néanmoins,denombreuxprogrèsrestentà faire. LesmembresduCongrèsseplaignentdumanqued’informationsprécisessurlaproductionréelledebrutparpuits.Orcesontdesdonnéesessentiellespourdéterminerletauxdefiscalisationdelacompagnie.Leurcarencealimente une négociation obscure entre la société nationale, les Finances et même lesmembres du Congrès. Par ailleurs, les livres blancs élaborés en fin de sexennat restentsecrets: cela permet d’occulter bien des sujets obscurs de l’administration antérieure.Prévautaussiladésinformationquantauxaccidentset,auniveaurégional,lesdonset 46Ils’agitdesréservespossibles,probablesetprouvées(troisP).

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apports d’argent que remet directement Pemex aux gouvernements locaux. La corruptionquelesdirigeantsdePemexreconnaissenteux-mêmesdefaçonofficiellesenichedanscesnombreuxrecoinsquelapolitiquedetransparencen’apaséliminés.D'autrepart,pourdes raisons tout à fait compréhensiblesd'accountability, les autoritésgouvernementalesontprocédéàdescontrôlesexcessifssurlesfonctionnaires.Leministèrede la Fonction publique a soumis Pemex à une réglementation excessive. Ce ministèreréviseetévaluelerendementdelaholdingetdechacunedesfiliales:demandesfréquentesd’audit,réclamationd’informationsetsanctionssévèresdesfonctionnairessontsesactivitésquotidiennes.Pemex–commen’importequelautreorganismepublic–vitasphyxiéeparune abondante réglementation trop souvent sujette à interprétation. Cela a fini parprovoquerunegrandecrainteparmisessalariésqui,sentantquebiensouventlessanctionsprises à leurencontreétaient injustifiées,préfèrent nepasprendred’initiatives.Beaucoupd’appelsd’offresontannulésfauted'intérêtdéclaré,cequise traduitpard’énormespertesd’argent47. L’excès de contrôle a conduit à la paralysie en bien des cas. En outre, lesrèglements sont trop souvent inappropriés: ce sont les normes qui s’appliquentuniformément à toute l’administration. En ce sens, il faudrait édifier un arrangementinstitutionnelparticulieravecdesrèglementsetdes loispropresquidifférencientPemexetlaCommissionfédéraled’électricité(CFE)durestedesorganismesgouvernementaux48.• La culture d’entrepriseMalgré les efforts entrepris –voir le nombre élevé de programmes de formation– unchangementdeculturecorporative, réelet tangiblene s’estpasenraciné.Théoriquement,les transformations institutionnellesdevraientpromouvoir aussideschangementsmentauxet culturels. Selon Robert Mabro, la modification de la culture d’entreprise consiste à«passerd’uncomportement semi-administratif àuncomportementéconomiquemoderne,d’unementalitédelatifundistaàcelled’entrepreneur»49.Al’imagedesautrescompagniespétrolières internationales, Pemex a besoin d’une flexibilité dynamique qui la conduise àabandonner son attitude de repli et de passivité fondée sur les avantages obtenus, pourmanifester une volonté d’insertion active dans la compétition internationale. En d’autrestermes, elle doit se créer de nouveaux avantages comparatifs. Certains organismes ont,certes, cherché explicitement à promouvoir de nouvelles conceptions organisationnelles,commePemexComercioInternacional(PMI).Demême,laDirectiondelacompétitivitéetdel’innovation,crééeaudébutdel’administrationdeRaúlMuñozLeos,avaitpourmissiondedévelopperlechangementculturel,leleadershipetl’innovation.Parallèlement,elle

47Shields(2003).

48 Il faudrait également reconfigurer le conseil d’administrationde l’entreprise dont lesmembres sont desreprésentants tant du syndicat pétrolier que du gouvernement. Il faudrait que certains d’entre eux soient desmembresindépendants.

49Chevalier(1994).

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s’efforçaitdestimulerl’intégrité,latransparenceetlacompétitivitédePemex50.Cependant,PMIestuneentreprisedifférentedePemex:trèsefficace,sonpersonnelestpeunombreux.Lemodèledecultured’entreprisequePMIa instaurén’estpas facilement transposable.Sil’austérité budgétaire a été invoquée pour supprimer, à la mi-2004, trois directions, enréalité,cesontdesraisonsd’ordrepolitiquequiontétéàl’originedecettedécision.Cequisouligne l’état léthargique des réformes. Les ressources humaines constituent souvent ungoulotd’étranglementmajeurpour remplaceret trouver lesexpertisesnécessaireset aussipour mettre en œuvre rapidement le changement culturel dont l’entreprise a besoin. Larésistanceorganisationnelleetinstitutionnelleauxchangementsperpétuelestatu quo.Depuis1989, les transformations,mêmesiellesontcontribuéà l’installationd’uncadreinstitutionnelfavorableaumarché,n’ontpasvéritablementréussiàdépasserlesproblèmesliésàladoublelogiquequiacaractériséPemex.Enfin,silesyndicatareçuuncoupdurenjanvier1989,lechangementdeleaders–plusfavorables au nouveau projet modernisateur– n’a pas modifié en profondeur la relationqu’il conserve avec l’entreprise et avec la politique. Carlos Romero Deschamps, actuelsecrétairegénéralduSTPRM,estsénateurdelaRépubliqueaumêmetitrequebiend’autresdesescollègues.MêmesiauseindePemexonestconscientdelanécessitédemodifierlaconvention collective pour stimuler la flexibilité dans le travail, le syndicat a usé, avecsuccès,demultiplesstratégiespourrésister.Parailleurs,lapolitisationdusyndicatn’arienperdudesaréalité:lePemexgateenestunexemple.Puisque les réformesdesannées1990n’ontpaséliminé lesobstaclesquientravaient labonnemarchedelarationalitépétrolièreàPemex,peut-êtreont-ellesétépropicesàl’autremissiondelasociéténationale:saresponsabilitésociale?Une évaluation en termes de responsabilité sociale Aladifférencedescompagniespétrolièresinternationalesquisepréoccupentuniquementdelarentabilitédeleurentreprise,raisonpourlaquelleellesonteutendanceànégligerles«impacts extérieurs» négatifs reliés à l’exploitation pétrolière (même si elles sontaujourd’huipionnièresentermesdesocial corporate responsibility),lessociétésnationalesont aussi une mission sociale de réduction des inégalités et de développement régional.CommentuneentreprisetellequePemexrépond-elleàcesimpératifs?Ses dirigeants estiment que la société assume son rôle social en remettant une partieconsidérabledesesrevenusaufisc.Cetargentcontribuepourunelargepartàfinancerlesouvragesd’infrastructuredanslesEtatsetlesmunicipalités.Curieusement,cetapport fiscalconsidérable–quidécapitalise lasociéténationale–n’apastoujourseudesrésultatspositifs.

50EntretienavecOthónCanales.op cit.

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• Les conséquences régressives au plan régionalMalgré sa forte participation au développement économique du pays, et malgré lesimportantesdonationsetaidesauxEtatsetauxmunicipalitésdanslesrégionsproductricesdepétroleetdegaznaturel,l’imagequ’offrePemexdanslesrégionsestplutôtnégative.Sanuisance au plan local est notable en termes socio-économiques mais aussi en ce quiconcerneledéveloppementruraletécologique.– Conséquences socio-économiques malheureuses Denombreusesétudesontdémontréque l’importancedes investissementspublicsdansl´industriepétrolièrerégionaleneparvientpasàstimulerlaproductionrégionaleetqu’elleneréussitpasnonplusàfairedécollersignificativementl’emploi.Parexemple,unegrandepartiedesinvestissementspétroliersestdestinéeàl’acquisitiond’équipementssophistiquésfabriqués ailleurs, en particulier à l’étranger. En outre, une fraction importante du capitalpétroliervaauxcoûtsd’administration,d’opérationetdemaintenancedel’industrie.Orcescoûtsn’ontquepeud’effetsmultiplicateurssurlarégion.Parallèlement,Pemexn’embauchequepeudetravailleurslocaux(enmoyenne33%)dontlaplupartontdescontratsàduréedéterminée(CDD),sanscompterqu’ilsassumentlestâcheslesplusdangereuses51.D’autrepart, les travailleurspétroliers formentuneenclavesocio-économiqueauniveaurégional.Enconstituantunpetitnoyaude travailleursqui jouitdeprivilègeséconomiquesconsidérables(outreunsalairetrèsélevé,ilsontleursécoles,leurshôpitaux,leursmagasinsd’alimentation, leurs zones d’habitat), ils forment une véritable aristocratie ouvrière. Etantdonné que le syndicat détient le monopole de l’embauche, cette enclave tend à sereproduire:normalement,onestpétrolierdepèreenfils!Lesinégalitéssereproduisententrelesmétropolesetlacampagne.LavilledeMexico,quipourtant n’est pas une zone productrice, a reçu davantage de bénéfices que les régionsd’exploration et de production, alors que ces dernières pâtissent des conséquencesnégativesqu’apportent lesprocessusminiers, la transformationet la commercialisationdupétroleetdesesdérivés.– Des impacts négatifs sur l’environnementLesmêmesétudesontaussisignalélesproblèmesenvironnementauxliésàlaprésencedePemex: la contamination élevée –due surtout aux systèmes de transport (gazoducs etoléoducs) plus qu’aux installations d’extraction– provoque la salinité des rivières et deslacs,lespluiesacides,lesinondations,l’altérationdespaysagesetdesécosystèmes.Celasetraduit par une diminution notable de la faune et de la flore dans sa diversité et sareproduction.Lapresses’emparedesgrandsaccidentsspectaculaires52maisnégligesouventle faitque,plusieurs foisparmois,parmanquedemaintenance,desconduits gaziersoupétrolierséclatent,affectantlesterrescultivablesoulesrivières.Parailleurs,bienquedepuisquelquesannéess’exerceuncertaincontrôlesurlebrûlagedugaznaturelenzonemarine,ladiminutionn’estpasconformeauxnormesinternationales

51AllubetMichel(ed.)(1982);Rousseau(1980):120;Tudela(1989);Vanneph,Alain(1997).

52L’Ixtocen1979oulafuitesouterrained’essenceàGuadalajarale22avril1992quiprovoqualamortdeplusde200personnes.

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malgrélesnouvellesinstallationsdecompressiondegaz.Lestonnesdebioxydedecarboneetdebioxydedesoufrelibéréesdansl’aircontinuentàêtreconsidérables.Durantlesvingtannées de production du gisement de Cantarell, 270millions de tonnes de bioxyde decarbonesesontévaporéesimpunément.• L’absence de transparence dans la redistribution de la rente pétrolièrePemexfaitdesdonsauxgouvernementslocauxdesrégionspétrolièrespourpromouvoirleur développement. Ces dons (70% se font en nature: combustibles, goudron pour lesroutes, etc.) complètent les apportsquelesEtats reçoivent à travers la redistributionde larente pétrolière.Cependant, alors qu’un effort a été fait pour clarifier la destination de larente pétrolière aux Etats (en créant le «fonds 39» en 2000), il manque une informationfiable concernant la nature, la quantité, le destin final des donations et le bénéfice réelprocuréauxpopulationslocales.Faceàde telles conséquencesnégatives,quelles ontété les stratégies employéespar lasociéténationalepourfairefaceauxdemandessocialesetprévenirlesconflitspossibles?Commetouteautrecompagniepétrolière,Pemexacherchéàatténuerlesdifficultésaveclespopulationslocalesdefaçonàpouvoiropérerdemanièreoptimum.Durantl’époqueduprésidentialisme fort et du parti unique (le PRI), le ministère de l’Intérieur contrôlaitdirectement,parle truchementdesgouverneurs,lesconflitspossiblesetlesdemandesdespopulationslocales.CequifacilitaitamplementlatâchedePemex.La transformation de la vie politique et les débuts de la transition démocratique ontcompliquélasituationpourlasociéténationale.Sansdoute,despressionsémanantsoitdespartenaires de l’Alena soit encore de la communauté financière internationale sur laquestionenvoguede la responsabilité socialede l’entreprisenesontpasà ignorer; il estcependant difficile de connaître le poids réel de ses facteurs. Dans ce nouveau contextepolitique, en 1984, Pemex a créé une «gérance du développement social». A partir del’an2000,avecl’avènementduPANàlaprésidencedelaRépublique,cetorganismeavusamarge demanœuvre croître.Dans un nouveaupaysage politique où le gouvernementfédéral et les gouvernements locaux (Etats et municipalités) peuvent provenir de partisdifférents, il fallait une entité qui soit capable de négocier avec les différents acteurs etd’offrir des solutions acceptables aux demandes régionales. Le gouvernement de VicenteFoxavaitmisàlatêtedecettegéranceunancienguérillero,attachéauxcausessocialesetfinconnaisseurdelapolitiquemexicaine,SaúlLópezdelaTorre,sanscependantluidonnerlespouvoirspourmeneràbiensa tâche53.Dans l’organigrammedePemex,cettegéranceestuneentitéhiérarchiquementinférieureàunedirection,àladifférencedustatutquelesproblèmesliésaudéveloppementsocialontdansd’autrescompagniespétrolièresnationales(Ecopetrol,parexemple).Curieusement, alors que Pemex a toujours privilégié samission nationale et sociale audétrimentdesafonctionpétrolière–lecoûtaétéélevé–lesrésultatssurleplansocialnesontpasàlahauteurdesattenteslégitimes. 53Entrevuele26janvier2006.

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Les transformations organisationnelles et institutionnelles qui se sont effectuées depuis ledébutdesannées1990n’ontpasréussià remédierauxdiversproblèmes liésà ladoublemissionquiacaractérisélasociéténationale. Ilresteàsavoirpourquoicesréformesn’onteuquepeudesuccès.PEMEX : ENTRE LA SOUVERAINETÉ NATIONALE ET LES IMPÉRATIFS DE L’INDUSTRIE PÉTROLIÈRE INTERNATIONALEAutermedecetteétude,l’observateurextérieurnepeutmanquerd’avoirnotéàlafoislesréussitespartielleset les échecsde fonddePemex,que l’histoireet le contextepolitiquemexicainexpliquentlargement.Pire, l’analyste financier étranger, surtout s’il est issu des valeurs et pratiques anglo-saxonnesauraconstaté–à la seule lecturedu tableau1–combienPemex est freiné tantdans son développement que dans son rôle «social», mais aussi dans sa conquête desmarchés internationaux. L’Etat mexicain l’asphyxie continûment, et structurellement, parl’ampleur de ses divers prélèvements, proprement confiscatoires. Aucune compagniepétrolière«normale»n’yrésisterait!En l’état,onnepeutdoncqu’être sceptique,nonpas sur lapertinencede telleou telleréforme,maissurlahauteurdeleurseffets,ouleurpérennité,comptetenudesvariationsetaléasd’événementspurementpolitiques…Onnepeutégalementqu'êtreinterrogatifquantàlacapacitédePemex–vucesentraves–àprendreunenvolsignificatif,parcomparaisonavecseshomologues,lescompagniespétrolières internationales,maisaussiquelques-unesdessociétésnationales,tellesqueStatoilouPetrobras.Néanmoins,ilfautrevenirausystèmepolitique,pour,sinonadmettre,dumoinsexpliquerles limites et/ou les échecs partiels des réformes dans le secteur pétrolier. C’est la raisonpour laquelle nous avons insisté, dans la première partie, sur les liens qui se sont forgésentre l’industriepétrolièreet le régimepolitiquemexicain.Onnesauraitoubliernonplusl’aspect symbolique,encorevécucomme tel aujourd’hui,de l’expropriationpétrolièredu18mars1938,actemajeurdelasouveraineténationale,parmilescinqmythesconstitutifsdel’histoiremexicaine,selonlegrandécrivain,CarlosFuentes.En soi, toute réformequi tendàmodifier enprofondeur le tissuorganisationnelmetendanger le système politique, et de manière plus générale, le modèle et les valeurs de lasociété.Cen’estpasunhasard siCarlosSalinas–pourtantperçucommeun réformateuraudacieux,etmalgré lapression très forteque lesEtats-Unisont tentéd’exercersur luiaumoment de la signature de l’Alena– n’a pas voulu remettre en cause les fondements dusystèmepétroliermexicain,etdonctoucheràlaConstitutionmexicaineenundesesarticlesessentiels(article27).Depuis, l’évolution démocratique du pays n’a vu aucun des partis principaux dominersuffisamment le jeupour imposersavolonté.Or touterestructurationprofondedusecteurpétrolierimpliqueunemodificationdelaConstitution,cequisupposeraitunlarge

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consensus des trois grands partis: depuis 1997, et encore plus depuis 2000, lareprésentationparlementaire s’est fractionnée,et se trouve très loindesmajorités requisespour ces changements constitutionnels. En outre, les forces qui se sont opposées auxréformesstructurellesdanslesecteurénergétiqueontprédominé(lePRDetunelargepartiedu PRI). La rhétorique nationaliste a été une émulation puissante pour les priistes et lessympathisants du parti. En effet, beaucoup d’entre eux avaient assimilé les défaitesélectorales récentes avec le détachement du PRI vis-à-vis des valeurs de la Révolutionmexicaine.Cetteprégnancedunationalismerévolutionnaireaconduitàbeaucoupd’inertie,voireaublocagetotaldesréformes.L’analysedeschangementsaccomplismontrebienque,de1989à1997,lessupportsdusystème présidentialiste mexicain ont garanti une réforme organisationnelle de la sociéténationaled’assezbonneenvergure. L’évolutionpolitiqueàpartirde1997acompliqué lasituation.C’estd’ailleurspourquoi (maisa posteriori!)beaucoupreprochentaujourd’huiàl’ex-président Salinas de n’avoir pas mis à profit plus amplement cette forcepour allerjusqu’au bout de ses actions: par exemple, en ce qui concerne le syndicat, à qui il afinalementlaisséunecertainemargedemanœuvreetdesprérogativesencoreimportantes.Enoutre,durantcettephasede transitiondémocratique, lepouvoir législatifn’estpas leseul qui ait bénéficié d’une marge d’action plus large: le pouvoir judiciaire lui aussi estdevenuleterrainoùlesforcesantagonistesexposentleursdifférends,lorsquelesdécisionsprisespar les législateursne leurontpasété favorables.D’ailleurs, ence sens, avocatsetjugesne jouentpasseulementunrôled’arbitremaisacquièrentchaque foisdavantageunrôlecréatifetnormatif.D’uncôté,ilscréentledroitlàoùsubsistentdeslacunessurleplanjuridique,etde l’autre, ilsélaborent lescritiquesdecequiest–ounon–admissible; lesexemples de la vente de la pétrochimie et des CSM sont très significatifs. Du coup, lesdécideursdoivent s’entourerde juristesspécialisésquinourrissentdoncparfaitement leursdossiers.Onlevoit,unefoisencore,mêmedansunsecteurextrêmementtechniquecommecelui des hydrocarbures, les considérations formelles (légales ou politiques) l’emportentsouventsurlesargumentsdefond(techniques,financiersoucommerciaux).Les réformesentreprisesontétéhoméopathiques. Ilnes’agissaitpasde fairetabula rasadu passé, c’est-à-dire de privatiser la société nationale, mais d’ouvrir aux compagniesprivées,etcedefaçongraduelle,certainssegmentspourlesrecapitaliser,etintroduireunelogique de compétition dans un monopole d’Etat. Il est certain que cette stratégie a descoûts élevés, même si elle paraît la plus raisonnable. En effet, les changements de laConstitution que requiert une ouverture contrôlée, représentent une véritable révolutioncoperniciennedelafonctiondel’Etatdanslesecteurpétrolier.Lejeuestunsautpérilleuxdanslevide.IlobligeàdéplacerdefaçoninexorablelesvieillesstructuresdumanagementetlesvieuxcadresdePemexaunomd’unmodèleplusrationneldegestion,sansposséderdecadresmodernesenquantitésuffisante.CelaobligelesdirigeantsdePemexàjouersurundoubleregistreetsouventàpermettredespratiquesréprouvéesparlenouveauprojet.Depuisplusieursannéesdéjà,lethèmedelaréformedusecteurpétrolierestàl’ordredujour, que ce soit parmi les responsables de Pemex, les membres du gouvernement, lesmembresdel’oppositionoulesgroupesindustriels.Néanmoins,jusqu’àprésent,lesdébatsontpâtid’une«suridéologisation»etd’unedésinformationconstantede laproblématiqueréellequ’affrontePemex.LapolitiquepétrolièreétabliedurantlesgouvernementsdeSalinaset de Zedillo (1989-2000) présentait une grande continuité: la même équipe était aupouvoiretavaitunprojetglobalrelativementbienétabli.Aucontraire,àpartirdel’an2000,

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ladéfinitionde lapolitiquedeshydrocarburesavarié augréde lavalsedesministresdel’Energieenposte.Orladéfinitiond’unepolitiquedel’énergieàmoyenoulongtermeestuneconditionsine qua non.Elledoitd’ailleursêtreaccompagnéed’unerévisiondelapolitiqueindustrielledupays.Ellesnepeuventquesurgird’unconsensuspolitiqueminimalportantaumoinssurlesgrands principes: quel doit être le rôle de l’Etat dans le fonctionnement de Pemex?Comment remédier au problème de la gouvernance et de la division des responsabilitésdans la société nationale? Doit-on privilégier la construction d’institutions de régulationautonomesetfortesavantd’ouvrircertainssegmentsdel’industrie?Quelssontlessegmentsqu’ilseraitnécessaired’ouvrirenpriorité?Faceàlacrisedemédiation,legouvernementdeFoxn’apascherchéà forger le lobbyingnécessairepour fairepasser les réformes lesplusurgentes, dont une réforme fiscale générale d’envergure. Il s’est limité à annoncer deschangements spectaculaires, alors que ceux-ci n’avaient pas encore reçu l’appui de lamajoritéparlementaire.Al’exceptiondelaréformedurégimefiscaldePemex,lerestedespropositions du gouvernement est resté lettre morte. Le nouveau chef de l’Etat, FelipeCalderónéluen2006pour6ans,quisemblemieuxsoutenuparsonparti,lePAN,quesonprédécesseur,etquiadéjàdémontrésonsavoir-faireenfaisantvoteruneréformedurégimede retraite des employés du secteur public (ISSSTE), saura-t-il convoquer les différentessensibilités politiques de façon à débloquer la situation?Onpourrait le croire au vu desnombreux débats actuels sur l’industrie pétrolière et les changements souhaitables. Il fautnéanmoinsserappelerque toutdébutdesexennatestpropiceàcegenredediscussions:c’estundesmoyensprivilégiésqu’utilisentdenombreuxacteurspourmieuxsepositionnerdanslejeupolitiqueetélargirleursmargesdemanœuvre.Devantcette inertiegénéralisée,ilsembleraitquelagravecrisequelasociéténationalecommence à vivre soit la seule porte de secours. Déclarée officiellement en faillitetechnique il yadeuxans–vu lemontantde sespassifs–Pemexaffronteaujourd’huiungraveproblème:sonmégagisement,Cantarell,acommencésondéclinen200554.Ortoutaulongdesonhistoire,Cantarellajouéunrôledominantdansladéterminationduprofiletde la structure de la production pétrolière. Son déclin va marquer la trajectoire de laproductiontotaledebrut.LesgisementsdeKu-Maloob-Zaap55,dulittoralduTabascoetduPaleocanal deChicontepec ne pourront compenser totalement les pertes enregistrées parCantarell. Le programme d’opération annuel de Pemex prévoit pour 2007 une baisse deproduction du pétrole brut de 50000barils par jour. Cela oblige la société nationale àréajuster sa stratégie commerciale à l’extérieur. D’autre part, les gisements alternatifsdestinésàcompenserlesdiminutionsdeCantarellsontcoûteux:ledéveloppementdeleurproductionrequiertdesinvestissementsannuelscroissants.Enfin,bienquel’onsoupçonneleGolfeduMexiqued’abriterdesgisementsimportants,Pemexnedisposeenl’étatnidelatechnologieniduknow howquel’explorationeneauprofonderequiert.OrlaConstitutionmexicainenepermetpaslafigured’alliancesstratégiquesavecdescompagniesétrangères.

54En2005,Cantarellavaitproduitplusdesdeuxtiersdesesréservesprouvéesd’origine.Pemexprévoitqu’en2007laproductiondeCantarelldiminuerade220000barilsparjour.

55PemexestimequelaproductiondeKMZatteindraunmaximumde800000barilsparjouren2010-2011.

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Comme l’a signalé récemment l’ancien directeur de Pemex, Adrián Lajous: «l’ère dupétrole facile est terminée». Dans l’immédiat, les prix élevés du pétrole atténuent lesconséquences que la baisse des revenus dérivés de l’exportation pourrait avoir sur lesrecettesfiscalesmexicaines.Maisilestàcraindreque,tôtoutard,lesMexicainssortentdeleur torpeur.Laconsciencede lagravitédecettesituationcommenceàpoindreparmi leshommespolitiques,mais aussidans l’opinionpublique.Cette craintequigrandit a été, ilfaut le rappeler, à l’origine de la réforme du régime fiscal de Pemex en 2005. Sera-t-elleassezfortepourquehommespolitiquesetopinionpubliqueréuniscomprennentque,pourpréserver la souveraineté nationale, des réformes d’envergure sont nécessaires? Desréformesquipermettraientàlasociéténationalederecouvrersasanté,etauxMexicainsdecontinueràbénéficierdesapportsdel’ornoir…

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A n n e x e s

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Graphique 1

La composition du haut personnel de Pemex à partir de la réforme de 1992 ProportiondeséconomistesencomparaisonaveclesingénieursàPEMEpourles

postesdedirection(plusieursannées)

Source:BasededonnéesprosopographiquessurPemex(Access).Elaborationdel'auteur

Graphique 2 Les structures organisationnelles de Pemex

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Graphique 3

Endettement croissant de Pemex moyennant les Pidiregas

Source :Pemex.http://www.pemex.com/index.cfm/action/content/sectionID/11/catID/66/subcatIID/143/index.cfm

Tableau 1 Participation fiscale de Pemex : 2000-2005