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Barnab, Sophie
Assistante en Psychiatrie infanto-juvnile
Centre de Guidance, 20, rue de Dinant, 4800 Verviers
Malchair, Alain
Pdopsychiatre et Mdecin Directeur
Centre de Sant Mentale Enfants-Parents, 16, rue Lambert Lebgue, 4000
Lige
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A la rencontre des jeunes Mineurs Etrangers Non
Accompagns
Quel rle pour le pdopsychiatre ?
Aussi longtemps soit le sjour dun tronc darbre dans leau, il ne se transforme
jamais en crocodile (proverbe africain)
Meeting young non accompanied foreign minors. Whats the role of the pedo-psychiatrist ?
As long as a tree trunk can stay in water, it will never turn into a crocodile
(African proverb)
Abstract:
There are more and more young non accompanied minors in Belgium. Each of them
has a particular journey. These young people represent a heterogeneous category as
far as symptomatology, clinic and therapeutic means are concerned. In the context of
a use in a mental health Centre, the pedo-psychiatrist is confronted to these young
people and to all the ethic, therapeutic and administrative questions that they arouse.
These questions are tightly linked to the political context.
An integrative vision of the problem and a collaboration with the network seem more
than ever necessary.
Keywords:
Pedo-psychiatrist /Post-traumatic stress disorder/migration
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1) Introduction
La psychiatrie actuelle ne peut ignorer lvolution de la socit. La politique de
limmigration, avec ses adaptations et ses contestations en est une facette.
Larrive des Mineurs Etrangers Non Accompagns en Europe a commenc vers les
annes 80. Etant donn la situation gopolitique internationale, ce phnomne ne
cesse de samplifier, avec, en parallle, ses questions politiques, thiques,
sociologiques, juridiques, administratifs, psychologiques, etc.
Cet article propose une mise en perspective des questions de fond qui se sont poses
dans le cadre dune pratique de pdopsychiatrie en Centre de Sant Mentale. En effet,
le nombre grandissant de jeunes MENA en Belgique est une ralit de terrain, il
semble donc essentiel davoir certaines notions lesprit. Cest dans ce contexte que
nous avons contact diffrents intervenants : psychologues, ducateurs, coordinateurs
de plusieurs centres et associations qui ont lhabitude de travailler avec ces jeunes.
Nous avons galement rencontr dix jeunes, pour un entretien semi-structur centr
sur lhistoire de vie et la symptomatologie la plus frquente. Nous nous sommes
ensuite intresss la littrature et aux diffrentes options thrapeutiques. En fait, il
existe peu dcrits spcifiques sur le sujet, et les lments constitutifs de la question
renvoient aux biais importants que les tudes peuvent comporter. En effet, et nous
lavons expriment dans notre dmarche, il est extrmement difficile davoir une ide
prcise de la population concerne puisque ces jeunes vivent parfois dans des htels,
dans la rue, ou dans des conditions de vie qui ne permettent ni le recensement, ni
laide. Nous nous montrons donc prudents par rapport aux gnralits que nous
pourrions avancer. Ces rserves seront abordes plus loin.
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Vignette clinique
A. a 17 ans et demi. Elle est arrive de Guine Conakry il y a un an. Elle tait la seule de sa famille aller lcole.
Son pre ne voulait plus quelle continue. Il voulait la marier de force. Elle raconte une enfance douloureuse
(maltraitance et brimades) au pays. Ca me hante. Elle a dcid seule de venir ; elle connaissait quelquun qui
pouvait lemmener. Javais pas le choix On ma jete avec quelquun. Il ma amene loffice des trangers. Il
voulait juste maider. Elle se souvient des premiers jours en Belgique. Jtais perdue. Javais peur des autres.
Javais plein de trucs en tte. Je pensais que le mal allait marriver. Elle ne parvenait pas rester calme. Elle est
reste dans un C.O.O. pendant un mois puis a t transfre au centre El Paso de Gembloux.
A. na plus de contacts avec sa famille. Il ne faut pas que mon pre sache que je suis l. Au pays, A. se sentait
souvent triste. Elle a eu des ides noires et des priodes o elle se sentait trs mal. Elle faisait souvent des
cauchemars. En Belgique, elle continue ressentir ces difficults : troubles du sommeil importants, irritabilit,
impulsivit, sentiment dinscurit ( Cest comme si jallais toujours voir mon pre en sortant ) et de tension quasi
permanent, priodes de crises avec dralisation, tristesse et dcouragement. Ici, je me sens libre, mais pas bien.
Je narrive pas sortir de l . Parfois, toute cette haine explose. Cest comme si ce ntait pas moi.
2) Gnralits : dfinition et parcours daccueil
La partie descriptive qui suit est essentielle pour la comprhension de la trame du
problme: en effet, la clinique des MENA est indissociable des ralits du terrain.
Selon la dfinition, un MENA est un mineur tranger non accompagn, cest--dire un
tranger de moins de dix-huit ans, qui est originaire dun pays hors Union europenne
et qui se trouve seul sur le territoire sans tre accompagn par une personne exerant
lautorit parentale ou la tutelle en vertu de la loi nationale du mineur.
Un MENA doit, en outre, se trouver dans lune des situations suivantes: soit avoir
introduit une demande d'asile, soit ne pas satisfaire aux conditions daccs au
territoire et de sjour fixes par la loi du 15 dcembre 1980.
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Les demandes dasile des MENA augmentent danne en anne (autour de 3000 par an
en Belgique). Les pays dorigine de ces jeunes dpendent du contexte gopolitique du
moment. Daprs les chiffres de 2011, ils viennent surtout dAfghanistan, de Guine,
dIrak/Pakistan, de RD Congo et de Somalie. Il y a 84% de garons pour 16% de filles.
Ce sont surtout des grands adolescents (entre 15 et 17 ans)
Le parcours daccueil se prsente comme suit1 (en thorie, vu les possibilits relles et
la situation proccupante de la crise de laccueil).
1re phase : observation et orientation
La plupart des jeunes arrivent par voie arienne. Ils sont reprs par lOffice des
Etrangers (OE), la police ou le Commissariat Gnral aux Rfugis et aux Apatrides
(CGRA) et sont orients vers un Centre dObservation et dOrientation (COO) qui
dpend de Fdasil. Cette phase dure en thorie trente jours au maximum pour que
soit dress le profil social, mdical et psychologique du jeune.
Le service des tutelles est contact et il attribue un tuteur. Sil y a un doute sur lge,
un test osseux est ralis (triple radiographie des dents, de la clavicule et du poignet).
Ces tests sont contests car ils nont que peu de validit scientifique. En effet, le test
du poignet a t conu dans les annes 30, pour une population amricaine en bonne
sant. Les donnes ne peuvent tre transposes telles quelles des jeunes dont les
origines ethniques et gographiques diffrent, ni des jeunes qui, par exemple,
auraient des problmes de malnutrition entravant leur dveloppement physique.
Quant aux tests dentaires et de la clavicule, on estime que leur marge derreur est de
plus ou moins deux ans. Seuls les mineurs reprs la frontire et dont les autorits
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mettent lge en doute peuvent tre maintenus dans un centre ferm six jours au
maximum, pendant que le Service des Tutelles procde la dtermination de lge.
Pendant cette premire phase daccueil, le jeune peut entamer diffrentes procdures
administratives pour rgulariser sa situation en Belgique : la demande dasile ou la
protection subsidiaire ; lautorisation de sjour pour motifs humanitaires ou
mdicaux ; la demande de protection en tant que victime de la traite des tres
humains ; le regroupement familial en Belgique ou ltranger ; le retour volontaire
et/ou la procdure spcifique prvue dans la circulaire du 15 septembre 2005 relative
au sjour des MENA.
2me phase : transition
Le deuxime lieu dhbergement du jeune est dtermin par les autorits
comptentes en matire daccueil et doit tre adapt la situation du mineur qui y
restera un an: soit un centre daccueil Fdral, soit un centre de la Croix-Rouge, soit
une initiative locale daccueil dpendant dun CPAS, soit ventuellement chez un
membre de sa famille. Dans cette nouvelle structure daccueil, le jeune tablit un
projet de vie avec son tuteur. Il va lcole, apprend une des langues nationales et, au
besoin, bnficie des interventions mdicales et/ou psychologiques appropries.
Plusieurs possibilits existent. Si le mineur demande bnficier de lasile, il est alors
transfr vers une structure daccueil de Fdasil ou peut tre hberg chez un membre
de sa famille largie, si celui-ci rside en Belgique.
Sil ne demande pas lasile ou si la demande dasile est juge irrecevable et que tous
les recours ont t rejets, soit le mineur reste dans un centre qui lhberge jusqu
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ses 18 ans, s