A Quoi Sert Limpot

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A Quoi Sert Limpot

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    N 33

    3e trimestre

    2001

    LA quoi sert vraimentlimpt ?

    HERV LEHRISSEL*

    La fiscalit, en France comme ailleurs et sansdoute plus quailleurs est devenue uninstrument tout faire. Sa finalit originelle,financer la dpense publique, est perdue de vueparce que la dcision budgtaire, en suivant sapropre logique politique, tend saffranchir dela contrainte fiscale. Sa fonction de rgulationde lactivit est illusoire dans les pays fortdficit public. Son rle incitatif est rarementefficace et parfois ambigu, par exemple enmatire de protection de lenvironnement.Linterventionnisme fiscal nest pas condamnableen soi, ni ncessairement vou lchec, maisexige prudence et transparence.

    D O S S I E R

    FISCALIT

    L'impt a-t-il pour finalitunique le financement desdpenses publiques, ou doit-il ga-lement contribuer la ralisationd'autres objectifs ? Ce dbat tradi-tionnel parat s'tre teint. Face auxtenants de la neutralit de l'impt,l'interventionnisme fiscal sestimpos comme une vidence : lafiscalit est l, non seulement pour

    financer les dpenses publiques,maisaussi pour contribuer la rgulationde l'conomie, procder uneredistribution sociale, encouragerles comportements cologiques...

    Cette volution est certainementlie au dprissement des autresoutils de rgulation traditionnelsdes Etats,du fait de la construction

    europenne et de la mondialisa-tion : la fiscalit devient l'outilprivilgi d'intervention.

    Toutes ces finalits sont-elleslgitimes ? Sont-elles de mmeniveau ? Sont-elles compatibles ouconcurrentes ?

    RHABILITER LAFINALIT BUDGTAIRE

    L'impt est avant tout destin financer les dpenses publiques.C'est la seule justification que luidonnent les textes constitutionnels, commencer par la Dclarationdes droits de l'homme et ducitoyen de 1789 :

    Article 13 - Pour l'entretien de laforce publique, et pour les dpensesd'administration, une contributioncommune est indispensable ; elle doittre galement rpartie entre lescitoyens, en raison de leurs facults.

    Article 14 - Les citoyens ont le droitde constater, par eux-mmes ou parleurs reprsentants, la ncessit de lacontribution publique, de la consentirlibrement, d'en suivre l'emploi, et d'endterminer la quotit, l'assiette, lerecouvrement et la dure.

    Aujourdhui, pourtant, cette vi-dence semble bien oublie. En* Avocat, associ de Andersen Legal.

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    A QUOI SERT VRAIMENT LIMPT ?

    premier lieu, la pratique durable,dans diffrents pays et notammenten France, de dficits colossauxdes finances publiques a rduit laporte du rle budgtaire del'impt. Elle a puissammentcontribu affranchir la dcisionbudgtaire de la prise en comptedes contraintes fiscales. En effet,ds lors qu'elle peut tre financepar le dficit, la dpense n'a plusde lien mcanique avec l'impt.Elle peut tre arbitre en fonc-tion du jugement port sur saseule utilit publique suppose, etnon en comparant cette utilitavec la destruction de richesseprive (et donc la dsutilit )que reprsente l'impt.C'est seulement aposteriori, du fait deslimites internes et ex-ternes que rencontrele dficit public, que larelation entre dpenseet impt se trouvertablie, les recettesfiscales devant treajustes la dpense,c'est--dire augmen-tes.

    Ce t te dmarchequelque peu primitiveretarde l'mergence de politiquespubliques de qualit, qui devraientintgrer la contrainte de comp-titivit du pays et utiliser lesprogrs des techniques daide la dcision pour mesurer etcomparer systmatiquementl'utilit de la dpense et ladsutilit de son financement.L'indpendance complte de larecette et de la dpense tait audpart un principe de droit bud-gtaire, conu pour viter lesgaspillages (la ncessit de ladpense publique doit tretablie indpendamment descapacits du pays la financer).Ceprincipe a t retourn par unetrop longue pratique du laxismebudgtaire : il est devenu, en sevulgarisant , une source deconfusion intellectuelle et demoindre efficacit. Il faut donc,

    aujourd'hui, rhabiliter la finalitbudgtaire de l'impt.

    LE DCLIN DE LANEUTRALIT FISCALE

    Ds lors qu'une dpense sup-plmentaire est financer,le choix des modalits du prlve-ment correspondant devrait treopr d'abord en fonction de sonimpact conomique. L'impt senourrissant de l'conomie, un Tr-sor public normalement soucieux,non seulement de ses responsabi-lits,mais simplement de sa richessefuture, devrait veiller rduireautant que possible l'impact

    ngatif invitabledu prlvement surl'activit.

    Or,le poids de cetteconsidration dansla dcision fiscaleest en nette rgres-sion.De trs grandsprogrs avaient taccomplis au milieudu XXe sicle avecnotamment l'intro-duction de la taxesur la valeur ajou-te, qui a mis un

    terme aux distorsions cono-miques considrables rsultantdes impts sur la consommationen cascade pratiqus antrieure-ment. Mais, depuis une vingtained'annes (en France du moins),mi-nimiser les inconvnients cono-miques de l'impt n'apparat pluscomme une priorit.Ainsi ont puse dvelopper des formes de pr-lvement entranant une destruc-tion de richesse sans communemesure avec le produit fiscal ob-tenu.L'exprience de l'impt sur lafortune est cet gard instructive,de mme que la pratique de tauxmarginaux trs levs d'impositiondes revenus.

    Plus rcemment, la restrictionprogressive de l'avoir fiscal audtriment des seules socits aillustr cette drive. Cette mesure

    met un terme la neutralit del'impt au regard des diffrentstypes de structures que peuventadopter les entreprises (surcrotd'imposition pour les chaneslongues de dtention). Corrlati-vement, l'avoir fiscal est maintenuintact pour les particuliers, alorsque les contraintes de neutralitet de logique fiscale sont ici moinslourdes.

    LES FINALITSCONOMIQUES : UNBILAN TRS INGAL

    Il parat certes lgitime que l'Etatmette la fiscalit au service dela rgulation de l'conomie. Maistout interventionnisme doit trejug sur son bilan. Or, dans ce do-maine, la sophistication excessivedes intentions semble avoir pervertile sens pratique.

    Tout dabord, le mythe de largulation conjoncturelle globalepar la fiscalit occupe inutilementle terrain des ides. Pour qu'uncommencement d'exprimentationait lieu, il faudrait qu'un gouverne-ment dcide de baisser les imptsen bas de cycle, ou d'ajuster leuraugmentation en haut de cycle,en fonction des besoins de rgu-lation conjoncturelle. L'exp-rience en cours aux Etats-Unissera intressante cet gard. EnEurope, en revanche, cette rgula-tion conjoncturelle est reste unpur discours notamment enFrance, o le niveau des dpensespubliques rsulte uniquement del'utilit publique suppose de ladpense (quand ce n'est pas, plussimplement, des dernires pro-messes lectorales), et celui desimpts des limites de l'acceptablepar la socit civile. De plus, lencore, la pratique de dficitspublics levs vide largement decontenu la notion de rgulationconjoncturelle par limpt, puis-qu'une telle rgulation pourraittout simplement rsulter dupilotage du dficit.

    En Europe, et

    notamment en France,

    la rgulation

    conjoncturelle par la

    fiscalit est reste un

    pur discours le

    niveau des impts

    rsultant uniquement

    des limites de

    lacceptable par la

    socit civile.

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    Quant aux incitations fiscalesponctuelles, lies tel ou tel com-portement, diverses expriencesmontrent quelles peuvent russirlorsque l'avantage est significatif(dfiscalisation des investisse-ments outre-mer en 1986, rgimedes quirats en 1995).Elles montrentaussi que ces succs font peur,et conduisent gnralement remettre en cause des dispositifsjugs trop avantageux. L'idalimplicite de nos politiques de-meure, en dfinitive, la mesurefiscale incitative cisele pour treinefficace. Les techniques optimales cet gard sont les suivantes : uneincitation objet trslarge, un effet limitet variable dans letemps, et un plafon-nement en valeurabsolue de lavantageaccord. De tellesmesures permettentd'alimenter les dis-cours lectoraux,sans priver le Trsorde ressources.

    Il y a cependant desexceptions. Ainsi, lapolitique fiscale menepar les gouvernements successifs enfaveur du dveloppement ducapital-risque (SCR1 et FCPR2 ) adot notre pays d'un des rgimesles plus incitatifs au monde, mmes'il est parfois excessivementcomplexe. Les pouvoirs publicsont ainsi contribu corriger une faiblesse traditionnelle de laFrance.

    Mais cet exemple montre aussi leslimites de la mesure incitativecible. Elle a permis un frmisse-ment certain du capital-risque enFrance,mais le dispositif, pour treplus efficace, ncessiterait notam-ment une amlioration structurellede l'environnement rglementaireet fiscal franais. La comparaisondes expriences nationales montreque les pays qui ont tir le plus debnfices conomiques de leurspolitiques fiscales sont ceux qui

    ont procd des ajustementsstructurels plutt qu' des mesuresincitatives cibles.

    LA REDISTRIBUTION EST-ELLE UNE FIN EN SOI ?

    La finalit sociale de l'impt apris une importance croissanteau fil des annes : la redistributionapparat aujourd'hui comme l'alphaet l'omga de toute politiquefiscale. Elle tend mme, dans lediscours des politiques et desmdias, a devenir la finalit princi-pale de l'impt. Corrlativement,la simulation destine mesurer

    l'impact de la me-sure projete selonles catgories so-ciales est devenuel'ingrdient princi-pal, voire unique, dela dcision fiscale.Est bonne la me-sure qui favorise les catgories so-ciales modestes. Oncomprend que cettevision engendre uneextrme perplexitlorsqu'on met enchantier des ajuste-

    ments structurels tels que labaisse de taux marginaux jugsexcessifs

    La redistribution sociale est-elleune finalit normale de l'impt ? Ilest permis d'en douter. Toutd'abord, au plan des principes, unetelle conception constitue unesorte d'attentat intellectuel auxdroits fondamentaux du contri-buable.Le principe d'galit devantl'impt peut s'incarner dans desacceptions diverses (galit desprlvements,galit des sacrificesjustifiant la progressivit...), maissuppose que l'objet de l'impt soitde financer des actions utiles lacollectivit, et pas uniquementd'appauvrir les uns pour enrichirles autres. Le fondement mme duconsentement l'impt se trouveintellectuellement dtruit si lafinalit mme de l'impt est de

    corriger la position sociale ducontribuable.

    Certes, ces contradictions nesont plus ressenties aujourd'hui,tant est forte l'adhsion auxconcepts de la redistribution. Ellesn'en contribuent pas moins, demanire souterraine, dtruireles fondements mmes de l'impt.

    Par ailleurs, la redistribution fiscaletelle que nous la pratiquonsobscurcit sa propre finalit. Elletend mesurer la performancesociale d'une politique en fonctiondu volume prlev sur les plusfavoriss , et non en fonction duvolume redistribu aux moinsfavoriss (la France est en hautdu classement pour le prlvement,mais non pour la redistribution auxplus pauvres, qui est plus impor-tante aux Etats Unis) sans parlerde l'effet durable sur les compor-tements, qui n'est ni mesur nitudi. Or une politique socialedevrait se juger sur les bnficesconcrets procurs aux moinsfavoriss , et non sur le volumeredistribu.

    En France, en ralit, la finalitsociale de l'impt en cache uneautre. Si les prlvements sur lesplus riches sont sans cesse accrussans amener d'amlioration vri-table de la situation des pluspauvres, ce ne peut tre par per-ptuel accident. Si la finalit socialeest aussi omniprsente, est-ce cause de ses mrites propres, oupour sa capacit faire reculerles limites de l'acceptabilit desprlvements ?

    Sortir de ce pige intellectuelnimplique pas quon renonce amliorer la situation des plusdmunis, bien au contraire. C'esten remettant leur situation aucur de la dcision, au lieu del'idal de la redistribution ensoi , que la France pourra pro-gresser la fois dans l'efficacitde ses politiques sociales et dansla matrise de ses prlvements.

    FISCALIT

    1 Socits decapital-risque.

    2 Fondscommuns deplacement risque.

    Dans la redistribution

    fiscale telle que nous

    la pratiquons, la

    performance est

    mesure par le volume

    prlev sur les

    plus favoriss ,

    et non par le volume

    redistribu aux

    moins favoriss .

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    LA FISCALITCOLOGIQUE : UNEVOCATION AMBIGU

    La vritable nouveaut, dans ledomaine de linterventionnismefiscal, est lapparition de la finalitcologique, avec notamment lataxe gnrale sur les activitspolluantes (TGAP) et la taxe surl'nergie, pour l'instant avorte enraison de la censure du Conseilconstitutionnel.

    L encore, on ne voit pas d'objec-tion fondamentale mettre l'imptau service de finalits cologiques.C'est mme une vritable cure dejouvence, pour cette trs vieillediscipline qu'est la fiscalit, qued'avoir enfin trouv une assiette condamnable , que l'on peutdonc taxer,non sur le mode du malncessaire, mais sur celui du bienen soi. Sur le plan technique, enrevanche, la finalit cologiqueconduit la fiscalit s'intresser denouveau des assiettes physiques,complexes mesurer et contrler,et qu'elle avait peu peu abandon-nes par souci d'efficacit.

    Mais la principale innovation de cenouveau type de fiscalit est soncaractre en principe biodgra-dable .Dissuasif par nature, l'imptcologique doit, s'il russit, voirson assiette rgresser mesure del'adoption de comportements etde techniques moins polluantes.Lide est, a priori, vertueuse etsduisante. Hlas, ses premiresralisations suscitent de fortsdoutes sur sa cohrence, voiresur sa finalit vritable.

    Tout d'abord, la thorie dite du double dividende , chre auxpromoteurs de l'impt cologique,conduit affecter les ressourcesainsi collectes, non pas desactions en faveur de l'environne-ment, mais au financement par lebudget gnral d'autres actions, enfaveur de l'emploi. Le rsultat estparadoxal : l'cotaxe a d'abordabouti supprimer des crdits

    disponibles pour l'environnement,puisque la TGAP s'est substitueen partie des taxes peruesantrieurement. D'autre part,cette non-affectation est encontradiction flagrante avec lecaractre biodgradable de l'co-taxe : si elle finance des actionsncessaires indpendamment dudegr de pollution,que se passera-t-il lorsque les recettes dclinerontdu fait de l'adoption de meilleurscomportements environnemen-taux ? Faudra-t-il supprimer lesactions finances, mme si ellesdemeurent ncessaires, ou inven-ter des recettes de substitution ?Ainsi, la thorie du double divi-dende porte un coup svre aucaractre novateur, vertueux etsduisant de l'cotaxe.

    D'autre part, comme l'a relev (et sanctionn) le Conseil consti-tutionnel, une tendance apparat,dans la mise en uvre, choisirdes assiettes en ralit sansrapport avec la pollution, ou dumoins qui ne varient pas enfonction du caractre plus oumoins polluant des comporte-ments et techniques. Le projet detaxe sur l'nergie, annul endcembre dernier, ne permettraiten aucune manire aux contri-buables d'allger la charge fiscaleen polluant moins, et ntablitmme aucune distinction entreles sources d'nergie en fonctionde la pollution quelles engendrent.

    Le rapprochement de ces deux maladies infantiles de l'cotaxefait natre un doute. Si l'on affectela recette des dpenses perma-nentes, et non l'environnement,tout en s'efforant de retenir des assiettes indpendantes descomportements polluants, neserait-ce pas parce que le butultime recherch est autre que larduction de la pollution ? Lafinalit cologique serait-elle, elleaussi, une ruse destine reculerles limites d'acceptabilit desprlvements par la socit civile, la faveur de l'adhsion spontane

    des citoyens l'objectif de dfensede l'environnement ?

    IMPT OPTIMAL OU IMPT PUNITIF ?

    Toute rflexion sur la bonne fiscalit doit donc soigneuse-ment distinguer deux questions :quelle est la finalit de limpt entant que telle ? Et quel est le modede taxation optimal du point devue de lintrt collectif ?

    La seule vritable finalit del'impt demeure le financementdes dpenses publiques.

    Seule la ncessit de couvrir cesdpenses peut justifier, sur leplan moral, que la collectivitimpose aux citoyens le sacrificed'une partie de la richesse qu'ilsproduisent ; et, en termes degestion collective, que le paysaccepte les dsutilits cono-miques lourdes que reprsentel'impt.

    Contester ou relativiser la finalitbudgtaire de l'impt c'est,au fond,faire de l'impt une fin en soi, unesorte d'acte sacrificiel. Certes, nulne revendique ouvertement cetteapproche, mais elle est bel et bienprsente, telle une image sublimi-nale, dans de nombreux discourset commentaires. L'impt ne doitpas tre la continuation, par desmoyens plus pacifiques, duneguerre, perdue sur le terrain delaffrontement politique, contrel'ordre social des socits libres.Exprimer des rticences de prin-cipe la limitation du fardeau fiscal,indpendamment de tout besoinbudgtaire prcis,cest rvler uneconception guerrire et fort peudmocratique des relations entresocit civile et socit politique.

    En revanche,dans la mise en uvredu prlvement public, les gouver-nements ne sauraient s'interdirede rechercher un optimum collectif.Ils doivent, d'abord, rechercher laneutralit fiscale, en minimisant les

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    dgts conomiques de l'impt.C'est la fois l'intrt du pays(pour prserver la cration derichesses) et celui de l'Etat (poursauvegarder ses recettes futures).La France, on la vu, a encore desprogrs faire dans ce domaine.

    VERS UNE DONTOLOGIE DEL'INTERVENTIONNISME

    Quant aux interventionsfiscales positives (qu'elles

    soient conomiques, sociales oucologiques), elles ne soulventpas dobjection de principe. Maiselles supposent l'observationd'une certaine dontologie.

    Tout d'abord, une exigence d'hu-milit. La socit et l'conomiesont complexes et mouvantes. Lesdmarches mcanistes, qui mettentla fiscalit au service d'objectifsthoriques simples, mais ignorentle contexte et les comportementsd'adaptation, aboutissent le plus

    souvent des rsultats fortloigns de ceux quils visaient.La recherche dune gestion pu-blique de qualit et d'un interven-tionnisme vertueux devraittre le chantier prioritaire des res-ponsables publics. Elle suppose lacapacit de modliser, puis demesurer le rsultat de laction. Lerituel rapport au Parlement sur lesdpenses fiscales appartient laprhistoire dune volution quireste accomplir.

    FISCALIT

    Les cotisations sociales ont dabord t lescontreparties dune assurance ou duneprestation. Mais leur volution au coursdes dernires dcennies leur donne deplus en plus le caractre dimptssupplmentaires sur les revenus du travail.

    Cotisations sociales et impts constituent deuxcatgories juridiques assez largement distinctes,mme si le cas de la CSG jette le trouble sur lanettet de la frontire. Les impts et taxes sontperus par le fisc et le Trsor public, selon desrgles donnes pour leur tablissement et leurrecouvrement. Les cotisations sociales sontprleves par les Urssaf et les Assedic selondautres rgles.

    Les cotisations sociales et les impts ont cependantun caractre commun, celui dtre obligatoires.Ds lors que quelquun poursuit une activit et enretire un revenu, il nchappe, sauf se mettre enopposition la loi et encourir des sanctions, ni au paiement de cotisations sociales sur ce revenudactivit ni au paiement de limpt sur le revenu.

    Le caractre obligatoire des cotisations socialessuffit-il les ranger, du point de vue conomique,dans la mme catgorie que les impts ? Unecotisation sociale sur les salaires ou les revenus

    dactivits non salaries a-t-elle les mmes effetsconomiques quun impt sur le revenu du travail ?On ne peut rpondre cette question sans prendreen compte les contreparties auxquelles lescotisations donnent droit.

    Si le fait dacquitter une cotisation sociale donnaitaccs une assurance que le travailleur auraitsouscrite de toutes faons,ou des prestations dunevaleur quivalente celle de la cotisation, lensembleconstitu de la cotisation et de sa contrepartienaurait pas deffet conomique : en rponse limposition de la cotisation, assortie de sa contre-partie, le travailleur diminuera simplement saconsommation libre dassurance ou diminuera saconsommation libre du produit objet de laprestation. La cotisation ne devrait ainsi pas treconsidre comme quivalente un impt.

    Lobligation dassurance existe pour protger lasocit de limprvoyance de certains ou de lasituation dala moral dont dautres pourraienttre tents de profiter : par exemple, ne passassurer contre le risque dtre en vie et sansressources au vieil ge, en pensant pouvoircompter la compassion de la socit ou lassis-tance de lEtat.

    En 2001, force est de constater que les cotisationssociales en vigueur en France ne rpondent pas

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    Les cotisations sociales sont-elles des impts ?

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    cette description et ne sont, pour lessentiel, ni plusni moins que des impts sur le revenu du travail.Ceci ressort de lanalyse des quatre grands risques quelles sont censes couvrir : maladie,famille, chmage et retraite.

    Les cotisations l assurance maladie ne donnentpas rellement accs une assurance, puisque celle-ci est dsormais systmatiquement octroye auxrsidents, sans condition de cotisation et desconditions de remboursement souvent plus avanta-geuses pour les non-cotisants (couverture maladieuniverselle). Les cotisations maladie sont par ailleursproportionnelles (et mme progressives compte tenudes ristournes sur les bas salaires), alors que lesprestations nont pas de lien avec le revenu. Cestdonc bien un impt que lon a affaire.

    Les cotisations famille ,proportionnelles au revenudactivit (progressives au bas de lchelle dessalaires), financent des prestations qui naugmententpas avec ce revenu.Au contraire, une partie de plusen plus importante, et aujourdhui prpondrante,des prestations familiales sont attribues sousconditions de ressources. On peut donc ranger lescotisations famille dans la catgorie conomiquedes impts sur le revenu du travail.

    Lanalyse des cotisations chmage et retraite est un peu plus dlicate et son rsultat plus nuanc.Les indemnits verses par le rgime dassurancechmage progressent en effet avec le salaire soumis cotisation. Mais elles comportent aussi une partiefixe substantielle. Surtout, les cotisations ne tiennentpas compte de la probabilit dtre au chmage,laquelle dcrot sensiblement en fonction du niveaude qualification et donc largement de la position danslchelle des revenus. La formule de calcul est donctrs loigne de celle que donnerait le calcul duneprime dassurance. Les cotisations chmage sontdonc largement des impts.

    Les cotisations retraite , quil sagisse de laretraite de la Scurit Sociale ou des rgimes

    complmentaires, sont a priori les plus proches dela prime dassurance, rendue obligatoire simplementpour que les impcunieux ou les gostes ne seretrouvent pas la charge de la collectivit dansleur vieil ge. Les pensions servies dpendent eneffet positivement des cotisations payes pendantla dure de vie active, et de manire plus claireencore pour les rgimes complmentaires fonc-tionnant par points.

    Il existe toutefois une redistribution non ngligeable,en raison de lexistence de pensions minimales,ou derversions sous conditions de ressources, et plusencore du fait que les rgles de liquidation sont loinde respecter les conditions de neutralit actuarielle.Surtout, les droits acquis sont verrouills dans unsystme dont on est sr que le rendement futur seraau mieux mdiocre, compte tenu des perspectivesdmographiques franaises,et qui sera soumis dautrepart un ala important, venant de lincertitude surles modes qui seront retenus dans le futur pourtraiter les dficits des rgimes.La valeur des droits pension acquis en contrepartie des cotisations nestainsi pas connecte de manire troite aux cotisa-tions, qui constituent une forme dhybride entrelassurance obligatoire et limpt pur et simple.

    Au terme de cette brve analyse,on se rend compteque la question de lassimilation des cotisationssociales des impts, sur le plan conomique, napas de rponse thorique et absolue, mais dpenddes situations despce. Il y a quarante ans, enFrance, les cotisations taient calcules sur unsalaire plafonn, leur versement conditionnaitlaccs aux prestations, et celles-ci ntaient pasdistribues sous conditions de ressources. Lanotion de prime dassurance obligatoire avait unecertaine validit, comme celle de salaire indirect.Aujourdhui, les cotisations sont largement desimpts supplmentaires sur le revenu du travail, ettout particulirement sur le travail qualifi.

    Didier MAILLARD

    Deuxime exigence, la transpa-rence des objectifs. C'est unecondition fondamentale d'effica-cit, car l ' incitat ion f iscales'adresse des tres dousd'intelligence et non deschoses. Les comportementsd'adaptation et d'optimisation,dans une socit libre, auronttoujours raison des mesures

    fiscales empreintes d'arrire-penses. La transparence estd'ailleurs, dans le domaine fiscal,une sorte de cl universelle :aprs tout , aucune f ina l i timaginable de l'impt ne peuttre a priori exclue. Les hommessont libres et peuvent dcidercomme i ls l entendent desobjectifs qu'ils lui assignent.

    Encore faut-il que ces objectifssoient rels et sincres, et neservent pas seulement dissimu-ler les efforts d'une sphrepublique anonyme pour ac-crotre son emprise sur lasoc i t e t l e vo lume desrichesses qu'elle prlve sur letravail des citoyens.

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