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A QUOI SERT DONC L'INFORMATIQUE ? REVUE D'ETUDES DE CAS Version 3 Février 1995 1 CEE, Le Descartes 1, 29 promenade M. Simon, 93166 Noisy le Grand Cédex; tel : 45.92.68.97; fax : 49.31.02.44. 2 INRA/SERD, Université Pierre Mendès France, BP 47, 38040 Grenoble Cédex 9; tel 76.82.54.41; fax : 76.82.54.55 3 CEE, Le Descartes 1, 29 promenade M. Simon, 93166 Noisy le Grand Cédex; tel : 45.92.68.97; fax : 49.31.02.44 4 IRIS, Université Paris IX Dauphine, Place du Maréchal de Lattre de Tassigny, 75016 Paris, tel : 43.20.09.36; fax : 42.79.91.62

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A QUOI SERT DONC L'INFORMATIQUE ?

REVUE D'ETUDES DE CAS

Version 3

Février 1995

1 CEE, Le Descartes 1, 29 promenade M. Simon, 93166 Noisy le Grand Cédex; tel : 45.92.68.97; fax : 49.31.02.44. 2 INRA/SERD, Université Pierre Mendès France, BP 47, 38040 Grenoble Cédex 9; tel 76.82.54.41; fax : 76.82.54.55 3 CEE, Le Descartes 1, 29 promenade M. Simon, 93166 Noisy le Grand Cédex; tel : 45.92.68.97; fax : 49.31.02.44 4 IRIS, Université Paris IX Dauphine, Place du Maréchal de Lattre de Tassigny, 75016 Paris, tel : 43.20.09.36; fax : 42.79.91.62

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REVUE D'ETUDES DE CAS

Résumé A partir de l'étude de cas d'informatisation récemment publiés dans des revues de gestion, d'économie et de sociologie, les liens entre informatisation, évolution de l'organisation et performances des entreprises sont analysés. Dans ces études de cas, la question de la performance est rarement abordée en tant que telle. L'informatisation ne se réduit pas à un investissement au coût clairement limité, dont on pourrait précisément cerner et mesurer les effets : seules quelques études font état d'un accroissement mesurable de la productivité. L'informatisation a surtout des effets non mesurés. Elle correspond à une meilleure articulation marché/organisation. D'une part, elle facilite la production et la circulation de l'information à condition que celle-ci soit suffisamment formalisée. Le partage de l'information peut favoriser la coordination horizontale, l'autonomie et la décentralisation de l'organisation tout comme elle peut renforcer la nature bureaucratiques des organisations. D'autre part, l'informatisation permet presque toujours la diffusion dans l'organisation des informations provenant du marché et une meilleure adéquation de l'activité productive à l'état de celui-ci. Ainsi, les délais peuvent-ils être réduits, la variété accrue, la qualité améliorée. L'obtention de ces avantages conduit toutefois à la détérioration d'autres indicateurs. Notons enfin que rares sont les cas où l'informatique est utilisée de manière stratégique. Cependant, dans ces cas, l'informatisation est utilisée pour changer la nature des relations de l'entreprise avec ses clients ou ses fournisseurs.

Des masses d'argent et des moyens humains importants sont absorbés par une informatisation dont les résultats restent dans une large mesure incontrôlés. Plusieurs explications sont avancées pour expliquer cette absence de rationalité apparente : les outils pour la mesure des coûts de l'informatisation sont très incomplets, qu'il s'agisse de la saisie des investissements (achat de matériels, de logiciels, développement d'outils en interne) ou du suivi des coûts de fonctionnement (personnel, utilisation des réseaux, ...). Comme le souligne fort justement N. Mottis, à supposer qu'une amélioration notable des outils de saisie des coûts soit réalisée, "le

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traitement des questions aussi légitimes que "l'informatique est-elle rentable" bute sur d'innombrables difficultés pratiques : Une quasi impossibilité à définir le périmètre d'impact d'un investissement informatique (qu'il soit applicatif ou technique), à raisonner hors sauts technologiques, à chiffrer des gains (par exemple dans le cas d'une activité d'intermédiation, qu'est-ce qui revient à l'outil qu'est-ce qui revient au négociateur ? )", [Mottis, 1991, p. 3]. La lecture de différentes études de cas nous conduit à dresser un bilan similaire à celui de N. Mottis. La question de la performance est rarement évoquée dans les études de cas que nous avons recensées. Ce constat est en lui-même un résultat surprenant. Il nous renvoie à plusieurs interrogations : s'agit-il de l'incurie des chercheurs qui omettent cette dimension pourtant essentielle ou sont-ce les acteurs eux mêmes qui ne mesurent pas la performance de l'informatisation ? Dans ce dernier cas, doit-on imputer cette absence de mesure à une défaillance des outils ou la question de la rentabilité de l'informatisation n'est-elle pas totalement pertinente, tout au moins dans cette formulation? Proposer une revue des études de cas sur un sujet aussi vaste qu'informatique et performances, en rassemblant les apports de plusieurs disciplines, est un objectif trop ambitieux pour être atteint. Les définitions des différents termes de référence (informatique, informatisation, performances) sont loin d'être stabilisées et elles sont fortement polysémiques. Le travail proposé est donc avant tout une activité de repérage. Il s'agit de puiser quelques cas dans la littérature pour affiner les catégories d'analyse habituellement retenues. Sans chercher à être exhaustifs, nous avons tenté de mettre en évidence les liens entre informatisation, évolution de l'organisation, organisation du travail et performances des entreprises. L'analyse des liens entre informatisation et marché nous a conduit à étudier, dans un premier temps, comment les préoccupations nées du marché ont pénétré dans l'organisation. Dans un second temps, les effets sur la performance sont analysés. Nous avons cherché à identifier les études de cas décrivant l'informatisation d'une organisation, que ce soit un service, une division, une entreprise dans son entier ou même une comparaison entre plusieurs entreprises. Notre approche se limite aux études de cas où une description détaillée d'un petit nombre de processus d'informatisations est proposée. Nous avons aussi pris en compte les études d'un échantillon d'entreprises lorsque le processus d'informatisation était décrit avec suffisamment de précision. Devaient figurer des informations sur le type de matériel, les catégories de personnel concerné, l'organisation de l'entreprise, du service ou du groupe d'entreprises, la nature des effets (augmentation des rendements, baisse du nombre de salariés, augmentation de la flexibilité, ....). Nous avons par ailleurs privilégié les études à caractère longitudinal qui mettent en lumière la dynamique des changements induits par l'informatisation. Nous n'avons, en revanche, opéré aucune discrimination par rapport au type de processus décrits.

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Pour constituer notre base de données des cas, nous avons dépouillé une cinquantaine de revues (liste en annexe) francophones et anglophones dans les champs de l'économie, de la sociologie et de la gestion. Nous avons par ailleurs adressé une demande de documents de travail aux membres francophones (France, Belgique et Suisse) de l'association des chercheurs et enseignants européens en informatique et société. Nous avons aussi collecté, par l'intermédiaire de réseaux informels, des thèses portant sur l'informatisation d'organisations diverses. Nous nous sommes enfin servis de certains ouvrages publiés sur le sujet sans prétendre à aucune exhaustivité. Compte tenu de l'ampleur du champ couvert, nous avons limité notre revue de la littérature à la période 1988-1994. Ce choix pratique a pu introduire un biais dans les études analysées. En effet, nous avons été surpris par le faible nombre d'études globales. Les analyses proposées portent dans une très large majorité des cas sur un processus d'informatisation partielle (un type de logiciels particulier, des applications de communication électronique, ...). Pour coordonner notre travail et s'assurer d'une homogénéité minimale, les études de cas ont été analysées suivant une grille prédéterminée5. Après quelques informations sur la méthode (observation participante, étude transversale ou longitudinale, questionnaire, ...), l'unité étudiée est décrite ainsi que le matériel de l'unité (micro ordinateur, réseau, ...), les tâches effectuées grâce au matériel (coordination, échange d'information, traitement de données) et les performances mesurées ou évoquées (variété des produits, flexibilité, ...). Des informations sur la nature des marchés auxquels l'entreprise s'adresse sont collectées, ainsi que divers indicateurs sur l'organisation du travail, de l'entreprise et sur le processus d'informatisation.

1. INFORMATIQUE : L'ENTREE DU MARCHE DANS L'ORGANISATION

La littérature sur l'automatique industrielle (robotique, commande numérique,...) insiste beaucoup d'une part sur l'absence de déterminisme technologique, d'autre part sur la réorganisation du travail comme condition de l'efficacité de ces technologies : ces points font l'objet d'un large consensus. Les travaux reliant l'informatisation avec l'organisation du travail ou l'organisation de l'entreprise n'ont pas fait l'objet d'une semblable synthèse. Néanmoins le thème de l'organisation est très largement présent dans les études de cas que nous avons examinées. Nous avons jugé commode, pour trouver des points communs entre les divers articles étudiés, de partir de quelques hypothèses a priori ou suggérées par les résultats statistiques disponibles.

5 L'application de cette grille a montré la nécessité de la remanier en plusieurs points. La grille ainsi modifiée a été utilisée lors de la conception de la charte sur les monographies.

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Une première hypothèse est que l'efficacité de l'informatique ne se manifeste que dans des organisations faisant appel à une large circulation d'information relativement formalisée. Inversement l'informatisation pourrait induire une telle circulation d'information. Cette hypothèse repose sur le "bon sens". L'informatique traite des informations, et, en général, celles-ci doivent être un tant soit peu formalisées pour relever d'un traitement informatique - au minimum écrites dans le cas extrême du simple traitement de texte. Elle peut être étayée par des résultats statistiques montrant que les travailleurs qui utilisent l'informatique ont davantage de communications, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'entreprise. Une seconde hypothèse est que l'informatisation s'accompagne d'un accroissement de l'autonomie, et plus généralement de la qualification des travailleurs. C'est la transposition de l'évolution qui se révèle efficace (mais n'est pas pour autant générale) pour accompagner l'automatique industrielle. Cette hypothèse paraît également confirmée par les résultats statistiques : les utilisateurs de l'informatique ont plus d'autonomie et d'initiative, leur responsabilisation est plus grande. Enfin une troisième hypothèse est que l'informatique permettrait aux entreprises d'être flexibles, d'intégrer rapidement les fluctuations qualitatives ou quantitatives du marché, tout en conservant une forte organisation interne de type industriel ou bureaucratique, c'est-à-dire faisant usage de formalisation, de normes, de standards en vue de régulariser les opérations productives. Cette hypothèse est fondée sur le fait que l'ajustement au marché nécessite la circulation rapide d'informations sur l'état de celui-ci. Elle est aussi suggérée par les travaux sur les "modèles d'entreprises" qui indiquent que des compromis entre logiques de fonctionnement différents doivent être équipés, par des investissements matériels ou immatériels, pour tenir de façon durable. Elle est également cohérente avec les données statistiques : en particulier le rythme de travail des travailleurs informatisés dépend plus souvent à la fois de critères de régulation internes et de l'état de la demande. Ces hypothèses sont a priori compatibles entre elles. Par exemple une entreprise organisée sur le mode industriel ou bureaucratique traditionnel et qui cherche à mieux s'adapter au marché pourra être amenée à adopter un fonctionnement plus coopératif et décentralisé, se traduisant par une plus large autonomie à la base ou aux niveaux intermédiaires, et par des besoins accrus de circulation d'information, en particulier horizontalement dans l'entreprise, et avec l'extérieur. Bien entendu, à supposer que les hypothèses ci-dessus soient vraies, leur mise en cohérence suggérée ici est elle-même hypothétique.

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1.1. LA CIRCULATION DE L'INFORMATION

L'impact de l'informatique sur la circulation et le traitement de l'information est effectivement mentionné dans la très large majorité des études de cas. Très souvent son rôle est de faciliter la circulation d'une information déjà existante : gain en temps, ou quelquefois en coût. L'informatique peut aussi permettre de produire une information qui n'existerait pas sans elle. En règle générale, les auteurs des études considèrent que dans ce cas, elle est utile à l'entreprise ; mais il y a des exceptions. L'information produite ou véhiculée doit être adéquate aux besoins de l'organisation. Dans son rôle d'outil de circulation de l'information, l'informatique peut avoir pour effet de modifier la quantité ou la nature de l'information parcourant des circuits donnés. Elle peut aussi modifier ces circuits.

1.1.1. De nouveaux flux

Dans les deux entreprises non financières6 étudiées par Pinsonneault et coll., l'informatisation a pour effet de permettre aux cadres intermédiaires d'acquérir davantage d'information. Elle leur permet aussi de traiter cette information d'une façon plus efficace, évitant les risques d'un excès d'information grâce à des possibilités inédites de synthèse. Ceci a un impact sur l'organisation : les cadres concernés insèrent beaucoup mieux leur unité dans l'ensemble de l'entreprise, et connaissent plus complètement la situation des autres unités. Par ailleurs, dans l'une de ces deux entreprises, l'informatisation est suffisamment coordonnée au niveau de l'entreprise pour qu'apparaissent des gains de temps dans la collecte des informations, ce qui n'est pas le cas dans l'autre, où le recours à l'informatique dépend beaucoup plus de l'initiative des utilisateurs. Les salariés interrogés par J.P. Léchevin et al. [1993] signalent également la production de nouvelles informations (en particulier d'informations permettant un contrôle précis de la qualité des produits). Modification plus profonde : dans certains cas au moins, les flux de communication sont modifiés ; des salariés autres que les responsables hiérarchiques se trouvent au centre d'un réseau de communication varié et étendu. Cette évolution doit toutefois être relativisée. D'une part, les nouveaux circuits d'information ne passent pas forcément par des médias télématiques : ils peuvent se mettre en place à la suite de la modernisation technique parce que celle-ci crée le besoin d'une coopération plus étroite ou de nouvelles coopérations, mais emprunter des médias traditionnels (communication orale par exemple). D'autre part, on observe aussi des cas où l'informatisation conduit à une concentration accrue de l'information.

6 L'étude examine également le cas d'une entreprise financière, mais celle-ci représente selon eux un cas particulier, parce que l'information constitue la matière même de son activité et non un moyen de fonctionnement.

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C'est un tel accroissement de la centralisation de l'information qui se produit aux établissements Imbert [Bergouignan, 1988] (Voir encadré : Imbert). Une des conséquences les plus spectaculaires de l'informatisation (partielle) de cet établissement est la redéfinition du poste de chef d'équipe chargée de l'ordonnancement dans un atelier. Grâce à un micro connecté à l'ordinateur central de l'entreprise, la chef d'équipe concentre désormais des informations sur les stocks, les besoins de produits, les commandes, la production et le travail dans son secteur, y compris les rendements individuels des ouvrières, qui serviront de base au calcul de leur rémunération. Il y a, à la fois création de nouveaux flux d'information, et création de nouvelles informations : par exemple celles sur la productivité (quasi-)instantanée des ouvrières. La chef d'équipe est donc pourvue d'une information plus riche sans en être forcément encombrée : non seulement l'information sur le travail des ouvrières devient pour elle facile à acquérir, mais encore elle est drastiquement simplifiée par rapport à celle issue de l'observation directe de ce travail. Nous ne soutenons pas ici que cette simplification est pertinente, mais seulement qu'il n'y a pas d'irrationalité du point de vue du traitement technique de l'information. On observe que l'information produite par l'informatique est formalisée (ratio de productivité individuelle) et vient se substituer à des informations moins formelles.

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Encadré : Imbert Cette étude monographique longitudinale des établissements Imbert appartenant à l'industrie du cuir et de la chaussure est centrée sur l'analyse des mutations technologiques récentes (1973-1985) et leur incidence sur le collectif de travail, notamment les femmes [Bergouignan 1988]. L'analyse s'appuie sur les entretiens menés auprès du chef d'entreprise, de divers responsables issus de la hiérarchie ainsi que sur les interviews directifs des techniciens et des personnels exécutants. En 1985, l'informatisation du secteur commercial et l'installation de la CAO étaient encore à l'état d'ébauche tandis que secrétariat et comptabilité étaient déjà touchés. L'incidence de l'intégration des activités productives et de gestion liée à l'informatisation est lisible à travers l'évolution du poste de travail d'une femme chef d'équipe chargée d'effectuer pour l'ensemble de l'atelier de piqûre les tâches d'ordonnancement : choix des gammes, des matières, des coloris, etc.. Utilisant un micro-ordinateur relié à l'ordinateur central, elle peut enregistrer les ordres de lancement et d'approvisionnement issus du service correspondant, faire le point à tout moment sur la situation de son secteur, notamment mesurer les temps de production et les rendements individuels des ouvrières. Ce poste de travail revalorisé qui est à la charnière de la fonction commerciale, administrative et productive revêt donc une importance stratégique, porteuse de transformations importantes. Il réalise, au moins partiellement, un début d'intégration des fonctions internes de l'entreprise en remettant en cause la division spatio-fonctionnelle taylorienne des secteurs qui la composent, sans que pour autant, la division du travail au sein de l'atelier soit modifiée. Au contraire, on peut y voir les prémisses d'un assujettissement plus fort des exécutantes aux contraintes productives définies par les autres services, via notamment la centralisation des informations.

Dans l'office HLM étudié par F. Eymard-Duvernay et E. Marchal [1994] (voir encadré), l'informatisation est au contraire liée à une forte décentralisation des décisions et à un accroissement des circulations horizontales d'information. Avant sa réorganisation récente, cet office fonctionnait selon un mode bureaucratique rigide et hiérarchisé. Cette organisation est très économe en circulations d'information, qui, de fait s'effectue exclusivement selon les lignes hiérarchiques. Les communications avec l'extérieur sont rares.

Encadré : Office HLM Avant la réorganisation, les clients (c'est-à-dire les locataires) n'avaient de contacts avec l'office que par l'intermédiaire d'agents d'accueil étroitement spécialisés dans cette fonction (auxquels ils s'adressaient à travers un hygiaphone !). Ces derniers avaient pour tâche de transformer toute demande en un formulaire administratif qui circulait ensuite sans qu'il y ait généralement de nouveau contact direct avec le client. De même, les relations avec les fournisseurs, notamment les entreprises chargées de l'entretien, de la maintenance ou des réparations, étaient gérées de façon fortement centralisée. De plus, une disjonction était opérée entre l'aspect technique - commande passée par un technicien - et l'aspect "économique" - le service chargé du paiement s'assurant seulement de ce que la facture correspondait à une dépense réelle.

Comme c'est souvent le cas dans les organisations bureaucratiques, le fonctionnement quotidien d'une machine qui se bloquerait aisément était en partie assuré par le personnel placé le plus bas dans l'organisation : gardiens d'immeuble et personnel de service. Ce sont eux qui, en fait, assuraient l'essentiel des relations avec les locataires. Mais leur action n'était guère reconnue, et l'organisation ne les considérait pas comme des sources d'information valables.

Dans une organisation de ce genre, une informatisation tous azimuts n'est pas forcément efficace. Les centres de décisions sont déjà saturés d'informations; Les agents de base doivent appliquer des règles

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rigides et routinières fondées sur un nombre limité de critère. Même un traitement de texte n'est pas utile lorsque l'essentiel du travail consiste à remplir quelques rubriques de formulaires pré-imprimés. Si l'organisation bureaucratique avait perduré, le rôle le plus approprié pour des ordinateurs y aurait été celui de computers pour des calculs comptables par exemple.

Après la réforme, l'office est devenu un établissement public industriel et commercial. La répartition des responsabilités a été profondément modifiée. En particulier les contacts avec les clients sont assurés par des personnes beaucoup plus qualifiés que les agents d'accueil ou les gardiens : "agents commerciaux", "technico-commerciaux", "agents sociaux". Les agents technico-commerciaux, sont habilités à traiter eux-mêmes toutes les demandes de maintenance ou de réparation. Ils jugent de l'opportunité d'une intervention, de sa nature, et sont eux-mêmes l'interlocuteur du fournisseur prestataire de service : commande, délais, suivi et réception des travaux, facturation. L'agent social, lui, est habilité à traiter les problèmes d'impayés et chargé de trouver des solutions personnalisées : délais, démarche auprès d'organismes d'aide sociale, poursuites, selon le cas.

Dans la nouvelle organisation, décentralisée, les besoins en information sont totalement différents. Les échelons élevés de la hiérarchie ont besoin de moins d'informations, quantitativement, mais cette information doit être non une information brute, mais une information transformée, synthétique : bilans, tableaux de bord, comptabilité analytique. Les échelons inférieurs ont besoin de davantage d'information puisqu'au lieu de traiter de façon routinière des dossiers établis selon des modèles uniformes, ils doivent, au cas par cas, prendre des décisions risquées adaptées à des problèmes singuliers. Par exemple, une décision d'opportunité relative à une intervention de maintenance ou à une demande de délai de paiement s'appuiera sur la chronique des événements passés relatifs au logement ou au locataire. On conçoit donc que l'office fasse un large usage de l'informatique, comme outil de traitement et de circulation de l'information. Cet usage est rendu encore plus nécessaire par le fait que : premièrement, l'office n'est pas entièrement dégagé de certaines règles et formalités administratives; deuxièmement, des préoccupations d'équité héritées du service public incitent à conserver une forte coordination entre les unités décentralisées (pour éviter que des cas analogues ne soient traités de façon trop divergente). Le deuxième point renforce le souci de faire circuler largement l'information. Le premier impose des opérations telles que la mise d'informations en forme de documents administratifs, ou, inversement, l'édition de lettres personnalisées à partir d'un type standard. Bien que les circuits d'information y évoluent de façon opposée, aussi bien les établissements Imbert que l'office HLM présentent des exemples d'informatisation cohérente avec la stratégie de l'entreprise. Cette cohérence porte en particulier sur le type de partage de l'information que l'entreprise entend promouvoir. Elle concerne aussi la nature de l'information produite et véhiculée par l'informatique. Dans le cas des établissements Imbert, cette information devient plus formalisée. Dans le cas de l'office HLM, un circuit unique d'information assez formalisée et

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détaillée se substitue à deux circuits séparés véhiculant l'un une information très formalisée et pauvre, et l'autre une information totalement informelle.

Une telle cohérence n'est pas toujours assurée. Ainsi l'étude de D. Fixari, J.-C. Moisdon et B. Weil [1992] sur le schéma directeur de l'informatisation des services extérieurs du travail et de l'emploi (SETE) montre que ce schéma ne répond pas aux besoins d'information réels. Un trait caractéristique de l'organisation des SETE est que les unités qui les composent sont quasi-indépendantes les unes des autres. Or une des idées-clés du schéma directeur a été de les inciter à communiquer, de les "décloisonner" en créant une vaste banque de données regroupant toutes les informations acquises sur les entreprises. Ce parti a considérablement alourdi la tâche des services qui se sont vu, dans l'obligation de recueillir beaucoup plus de données que le traitement de chaque opération ne l'exige vraiment, simplement pour assumer l'homogénéité de la base. Ce surcroît de travail n'a pas entraîné un surcroît de communication puisque chaque unité peut remplir sa mission indépendamment des autres et qu'il n'y a donc aucune incitation à communiquer. L'étude montre qu'en revanche il existe des besoins de communication avec l'extérieur (par exemple : l'ANPE) auquel le schéma directeur ne fournit aucun support. Les exemples ci-dessus mettent en évidence les effets les plus courants de l'informatisation : 1) accroître la quantité d'information en circulation ; cet accroissement quantitatif peut entraîner des changements qualitatifs dans les circuits d'information. 2) modifier la forme des informations existantes, dans le sens d'une synthèse et d'une formalisation, ce qui peut être assimilé à la production de nouvelles informations et même d'informations d'un type nouveau. Chacun de ces effets est mentionné dans environ un tiers des études de cas examinées. Les circuits d'information concernés peuvent être internes à l'entreprise. Ils peuvent aussi relier l'entreprise avec l'extérieur. Les deux types de circuits peuvent bien entendu être concernés dans le même cas. Il en est ainsi dans l'office HLM, dans l'entreprise Imbert et, semble-t-il dans les cas étudiés par Pinsonneault [1993]. Les salariés interrogés dans le cadre de l'étude "Vivre les nouvelles technologies" mentionnent plutôt les circulations d'information interne. Il en est de même dans l'étude de Martine Blanc [1990] sur l'informatique des utilisateurs. En revanche, l'étude sur l'informatisation du textile habillement [Hardill I., Wynarczyk P., 1991] met l'accent sur la transmission d'information entre entreprises d'un réseau. D'autres études signalent également les possibilités que donnent l'informatique en matière d'information sur les ventes réalisées par les clients-revendeurs, par exemple. Enfin l'informatique peut aussi permettre de proposer des services d'information liés au produit à l'intention de la clientèle.

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Dans certains cas les effets ci-dessus ne se produisent pas, ou pas de façon efficace. Outre le cas des SETE déjà cité, il faut signaler celui du secteur de la construction [Rallet A., Brousseau E., 1994], particulièrement exemplaire. Dans ce cas c'est le caractère insuffisamment formel des informations qui doivent circuler qui fait obstacle à l'informatisation de cette circulation. Le cas de l'Université [Dubois P., Guiessaz A., 1993] est plus proche de celui des SETE : la logique de l'organisation s'y oppose à la production, qui serait possible, d'informations nouvelles à l'aide de l'informatique : nouveaux ratios, informations sur les coûts. En résumé les effets signalés ne se produisent que si l'organisation y est favorable.

1.1.2. Une information plus rapide

Un autre effet de l'informatique est de réduire les délais d'élaboration ou de transmission de l'information. Dans quelques-uns des cas examinés, cette rapidité peut avoir une valeur en soi, indépendamment d'un accroissement du volume d'informations traitées. Pour la carte santé [Nguyen N., Printz Y., 1993] par exemple, cette rapidité permet l'amélioration des traitements dans l'urgence, notamment à l'hôpital. Dans le cas de l'informatique à la ferme [Hémidy L., 1993], il permet un changement profond dans la gestion des exploitations agricoles, que l'auteur qualifie de passage à une économie de la vigilance. Pour le groupe Carrier-Delpeyrat [OECCA, 1988], l'informatique ne donne pas seulement une meilleure information sur les clients et les produits, elle permet aussi de réduire le délai de traitement des commandes et donc de mieux satisfaire les clients.

1.1.3. Une information moins chère

La réduction des coûts d'information n'est citée que par deux études : outre l'une des entreprises étudiées par Pinsonneault et al. [1993], on observe une réduction du temps nécessaire pour effectuer certaines tâches, assimilable à une baisse du coût de traitement lors du remplacement de machines à calculer par des micro-ordinateurs à la RATP [Bouchiki, 1988]. L'introduction de l'informatique permet au personnel concerné de dégager la moitié de son temps pour d'autres tâches. (Voir encadré RATP).

Encadré : RATP; la construction d'un réseau interne d'utilisateurs Comment le micro-ordinateur s'est-il progressivement introduit dans une entreprise publique de transport, la RATP ? Une décennie d'usage montre qu'on est progressivement passé d'une logique de plaisir véhiculée par les premiers utilisateurs à la normalisation de l'usage (Bouchikhi H., 1988 & 1990). Les informaticiens étaient au départ peu intéressés par le micro-ordinateur. Aussi des jeunes aux carrières bouchées et passionnés par la micro-informatique ont-ils développé des applications locales. Puis apparaissent de petits groupes de "micro-informaticiens", des cellules micro-informatiques locales et un début de division du travail s'instaure entre experts et utilisateurs "presse-

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bouton". Les matériels sont homogénéisés au sein de chaque service. Un réseau informel des micro-informaticiens s'amorce dont la réputation franchit les frontières de leur service. Les achats de matériel s'accélèrent et une normalisation centralisée se met en place avec l'apparition d'une division systèmes micro-informatiques qui élabore une politique d'équipement. La division du travail s'accentue et l'écart se creuse entre spécialistes et utilisateurs "lambda". Enfin avec la connexion des micro-ordinateurs au site central, des liens nouveaux se tissent entre le service informatique centralisé qui s'est remodelé et les cellules locales qui sont réactivées. Les technologies ont donc des impacts sur le contexte organisationnel en même temps que les acteurs humains qui s'y trouvent inventent des rapports inattendus autour des technologies.

Si on doit en croire Pinsonneault [1993], la réduction des coûts de traitement de l'information n'apparaît qu'à un stade relativement avancé de développement de l'informatique : elle exige une forte cohérence du système d'information. Cette thèse paraît fragile. Le cas de la RATP porte sur une phase précoce de l'informatisation. Par ailleurs, le cas des entreprises de traitement de l'information comme les banques semble montrer que des économies ont pu être obtenues par l'informatisation de certaines tâches, cette dernière se poursuivant ultérieurement dans une voie plus qualitative (intégration production-commercial). Le cas du schéma directeur des SETE montre aussi qu'une informatique intégrée peut ne créer aucun gain de productivité dans le traitement de l'information. Des études de cas, il ressort que l'informatisation conduit souvent à davantage d'information, une information meilleure, ou du moins différente, et à des circuits d'information également différents ; quelquefois à une rapidité accrue de l'information ; rarement à une information moins coûteuse. En d'autres termes, elle produit souvent un gain au moins potentiel en coordination, interne ou externe en rapprochant les utilisateurs des informations qui leur sont utiles [Cerruti, Reiser, 1993]; quelquefois davantage de flexibilité ; rarement une économie directe dans les coûts de traitement de l'information. Il n'est pas généralement évident de savoir si de tels résultats sont ceux recherchés a priori.

1.1.4. Quelle coopération ?

Les possibilités accrues de coordination se traduisent-elles par davantage de coopération : fonctionnement interne plus collectif ou relations plus étroites avec les fournisseurs, les clients ? Il ne semble pas que ce soit systématiquement le cas. L'intégration plus étroite avec l'amont, l'aval, ou au sein d'un réseau d'entreprises n'est mentionnée que dans un petit nombre de cas, par exemple celui de la filière textile-habillement [Hardill I., Wynarczyk P., 1991]. Il est parfois difficile de distinguer coordination et contrôle. Un exemple caractéristique de coordination forcée entre entreprises est celui de la distribution des assurances [Johansen, 1988]. Les compagnies cherchent en particulier à assouplir les contraintes nées du statut des agents généraux. Les intérêts des agents généraux et des compagnies sont souvent divergents (sélection des risques,

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règlement des litiges). Les compagnies ont cherché dans un premier temps à contrôler leurs agents à travers des procédures administratives, ce qui s'est révélé coûteux pour elles, et gênant pour le travail des agents. Aujourd'hui, elles font un gros effort pour équiper leurs agents en systèmes informatiques reliés aux leurs. Les opérations administratives sont dans une large mesure déportées chez les agents généraux et fusionnées avec les opérations commerciales. La mise en forme opérée par les logiciels informatiques apporte des garanties sur la conformité des opérations des agents généraux. L'accroissement de la coopération interne est un peu plus fréquemment mentionné (le contrôle interne sera évoqué ultérieurement). Les travailleurs interrogés dans le cadre de l'étude "Vivre les nouvelles technologies" [Léchevin et al., 1993] signalent un travail plus collectif. Il arrive d'ailleurs que cette coopération se développe à l'occasion de et non à travers l'informatique ([Blanc M., 1990 ou Durand J.P., 1990]). La carte santé permet un accroissement de la coordination interne dans les hôpitaux. Inversement les utilisateurs interrogés par J. Jouët [1988] (chercheurs scientifiques par exemple) indiquent que leur travail exige moins de coopération avec d'autres, grâce à l'informatique. Il semble que, dans bien des cas, des informations soient partagées et que les actions des divers acteurs soient mieux ajustées les unes aux autres personnes, sans qu'on puisse proprement parler de coopération ou de travail collectif, les contacts directs ou volontaires étant absents. Les études de cas examinées manquant souvent de précision à ce sujet, il s'agit cependant plutôt d'une impression que d'une hypothèse véritablement fondée.

1.2. DECENTRALISATION, AUTONOMIE, CONTROLE : DES RESULTATS CONTRADICTOIRES

Un résultat possible de l'informatisation est le passage à une organisation moins centralisée et à une plus grande autonomie des unités et des personnes : le partage des informations facilite un fonctionnement en réseau, la remontée et la synthèse aisée des informations permettent aux dirigeants un mode de contrôle plus souple. L'informatisation introduit une redistribution de l'information et permet aux utilisateurs un accès plus direct aux données dont ils ont besoin. En réalité, les évolutions observées sont indécises et contradictoires.

1.2.1. Décentralisation et autonomie accrue?

Un cas comme celui de l'office HLM semble correspondre assez bien au "modèle " de la décentralisation et de l'autonomie accrue. Le domaine de responsabilité des technico-commerciaux de l'office est étendu. Le fonctionnement de l'office s'écarte notablement du

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fonctionnement hiérarchique traditionnel. En particulier, les relations entre les technico-commerciaux et les agents d'accueil peuvent être assimilées à des relations en réseau non hiérarchique. Des relations horizontales existent également entre les technico-commerciaux, mais elles sont moins systématiques, et s'appuient moins sur le système d'information. Par ailleurs, l'augmentation de l'autonomie n'implique pas une diminution du contrôle. Une certaine forme de contrôle bureaucratique disparaît, mais l'évaluation des agents est considérablement renforcée, en s'appuyant directement sur les possibilités d'enregistrement et de mobilisation des informations que donne l'informatique. A la RATP, l'implantation de la micro-informatique conduit à une décentralisation. L'informatique s'implante d'ailleurs plus facilement là où l'organisation est moins centralisée. La micro-informatique confère une autonomie plus grande à certains de ces promoteurs, mais ceci entraîne des conflits. Contrairement à l'office HLM où l'informatisation s'intégrait dans une réorganisation, l'organisation a ici tendance à résister. Les cas observés par J. Jouet relèvent tous d'une organisation très décentralisée, dès avant l'arrivée de l'informatique (par exemple dans la recherche scientifique). Celle-ci a pour effet d'augmenter encore l'autonomie et l'initiative des travailleurs concernés. Ce mouvement ne provient pas d'une réorganisation globale, mais de l'action personnelle des utilisateurs, qui profitent des possibilités de leur équipement pour modifier leur manière de travailler, l'organisation étant permissive.

1.2.2. Ou rénovation du contrôle ?

Dans l'entreprise Imbert, la tendance la plus nette est l'augmentation du contrôle sur les travailleurs de base, avec la mesure en temps réel de leur productivité individuelle. L'auteur de l'étude parle également de "réorganisation taylorienne". L'évolution en termes de centralisation ou de décentralisation est moins évidente. La concentration d'informations et de pouvoir au niveau des chefs d'équipe peut passer pour une forme de décentralisation ou pour un renforcement de l'ensemble de la ligne hiérarchique. Enfin dans la majorité des cas, aucune tendance n'apparaît clairement, ni vers la centralisation ni vers la décentralisation, ni vers davantage d'autonomie ni vers davantage de contrôle. Bien entendu, ceci peut venir de ce que les chercheurs ne se sont pas spécialement intéressés à la question. On peut cependant penser que dans bien des cas l'informatisation ne modifie pas profondément le degré de centralisation de l'organisation. Celle-ci est en effet capable de résister, de ne pas utiliser certaines potentialités de l'informatique. Bien plus, l'informatisation peut entraîner, il serait sans doute plus juste de dire accompagner une centralisation ou une diminution de l'autonomie.

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Comme dans le cas des nouvelles technologies industrielles, il n'y a donc pas de déterminisme technologique fixant l'évolution de l'organisation. Les cas de décentralisation et d'accroissement de l'autonomie sont un peu plus nombreux, mais l'évolution opposée semble pouvoir être viable ; les auteurs qui l'observent n'indiquent pas qu'elle est inefficace. Un autre point à relever est la modification des modalités de contrôle. Plutôt que de parler d'accroissement ou de relâchement du contrôle opéré sur les unités ou les individus, ce contrôle peut, après informatisation, porter sur d'autres critères. L'évaluation se fait plus aisément sur des résultats chiffrés. Un tel mouvement ne paraît cependant pas général.

1.3. LA PENETRATION DU MARCHE DANS L'ORGANISATION

Comme nous l'avons déjà mentionné, on peut imaginer que l'informatique permette de concilier un fonctionnement interne régularisé par des normes, des standards, etc. et une orientation vers le marché. Dans la mesure où la plupart des entreprises observées étaient organisées au départ sur un mode peu ou prou industriel, la principale évolution à observer était un fonctionnement plus proche de la demande. C'est ce qu'on observe dans environ la moitié des études de cas. Cette orientation vers la demande peut revêtir des formes variées : (1) une formalisation des liens entre l'offre et la demande, (2) un meilleur ajustement de l'offre à la demande et une réduction des délais de réponse.

1.3.1. Un meilleur ajustement de l'offre à la demande

Dans l'entreprise Imbert, l'informatisation a pour effet de mieux intégrer la production et la vente. Elle permet de passer à des séries plus courtes, améliorant ainsi la variété des produits et, semble-t-il, les délais. Cette évolution s'accompagne d'une rationalisation taylorienne de la production, avec un contrôle strict des rendements. Dans l'office HLM, la réponse aux demandes des locataires est à la fois plus rapide et plus personnalisée. D'une part, l'ajustement des services aux besoins est améliorée. D'autre part, une connexion est faite entre les services fournis et le paiement effectif des loyers. Dans la plupart des cas où l'informatique modifie substantiellement le système d'information de l'entreprise, soit par un accroissement des débits d'information ou une modification des circuits, soit, plus nettement encore, lorsqu'il y a création d'informations nouvelles ou accélération de la production et du transfert des informations, cette modification est concomitante d'une orientation renforcée vers le marché. Inversement dans les entreprises où se produisent des évolutions vers une plus grande flexibilité vis-à-vis de la demande, il y a quasiment toujours une modification substantielle du circuit d'information.

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Dans bon nombre de cas, l'orientation vers le marché s'assimile à la remontée vers la production d'informations sur la demande. C'est le cas dans l'entreprise Imbert ou dans les entreprises en réseau de la filière textile-habillement [Hardill I., Wynarczyk P., 1991] (Encadré : la relation distributeur-détaillant). L'orientation marchande se traduit alors surtout par une flexibilité accrue vis-à-vis des fluctuations quantitatives de la demande, une diminution des délais éventuellement un accroissement de la variété par la possibilité d'améliorer la gestion de séries courtes. Dans d'autres cas, la production d'informations nouvelles grâce à l'informatique est utilisée. C'est plutôt dans ces cas qu'on observe une amélioration de la qualité. Le suivi de la qualité est amélioré. Des informations sur les souhaits de la clientèle pilotent la production, ou encore des services d'information sont associés au produit. Dans l'office HLM une information complexe est nécessaire aux technico-commerciaux pour porter un jugement sur les situations qu'ils ont à gérer dans une logique de service et de marché et non plus bureaucratique. La distinction que nous venons d'introduire à l'instant ne repose toutefois que sur un petit nombre d'exemples. En revanche, et contrairement à nos hypothèses initiales, l'orientation marchande ne semble pas entraîner massivement une décentralisation de l'organisation ou un accroissement de l'autonomie. Au contraire, il semble que la référence au marché permette de légitimer des normes, des cadences, des contraintes de production qui, dans un état antérieur ne reposaient que sur l'autorité de la hiérarchie. On observe plusieurs cas où l'informatique permet le renforcement de l'organisation industrielle ou bureaucratique, de la programmation, des procédures. Nous avons vu, à travers le cas de l'entreprise Imbert, que cette évolution n'est pas incompatible avec l'orientation vers la demande. La flexibilité interne n'apparaît pas "nécessaire" à une orientation vers le marché. Nous nous rallions à cette explication avancée par C. Thuderoz7 si par "nécessaire" on entend toujours, ou généralement observé, dans une optique descriptive. En revanche, dans une optique prescriptive, nous pensons que les raisonnements menés sur l'automatique industrielle peuvent être transposés à l'informatique. Ceci nous conduit à formuler une autre hypothèse : la majeure partie des entreprises n'ont pas encore réalisé l'investissement organisationnel qui permettrait de tirer pleinement parti de l'usage de l'informatique. Il est vrai que des réformes organisationnelles profondes nécessitent, pour devenir efficaces, un temps d'apprentissage peut-être supérieur à celui exigé par la technique informatique [Maugeri, 1992].

Encadré: SOCRATE La mise en place du système de réservation Socrate part la SNCF a soulevé de nombreux débats. Des articles de D. Faïta permettent de mettre en lumière certains aspects de la mise en place de ce système [Faïta 1992]. Ce cas permet de mettre en lumière l'absence traditionnelle de concertation et de formation avec les agents lors de l'introduction de ce type de technologie. Seule une entreprise de

7 Thuderoz C., 1994, "Du lien social dans l'entreprise. Travail et individualisme dans l'entreprise", Communication au colloque franco-québecois sur les perspectives de recherche en relations industrielles, Juin.

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conviction a été menée. Certains agents ont cependant participé à la mise au point mais en fonction des besoins en information de Socrate. Multivision, la nouvelle interface de communication développée bien que présentant certains avantages notamment la visualisation constante des informations n'est pas construite en fonction d'une ergonomie où l'homme peut maîtriser la machine. Socrate introduit une nouvelle manière de vendre avec des principes de rentabilité et de maximisation des revenus de l'entreprise. Cette nouvelle stratégie commerciale de la SNCF a pour conséquence d'affecter profondément la culture de l'entreprise autant que les habitudes du public. Le nouveau contenu du travail va à l'inverse des pratiques actuelles des agents et correspond à la transformation de l'usager d'un service public en un client. L'agent ne propose plus les réductions mais attend que le client les demande. Certains voyageurs refusent de se plier, lorsque les circonstances leur paraissent le justifier, à des contraintes jugées iniques comme la réservation obligatoire dans des rames présentant de nombreuses places vides. Les Agents Commerciaux Train incarnant la SNCF au moment de la réalisation du service de transport et plus connus sous la dénomination de contrôleurs, se retrouvent en situation d'assumer l'ensemble des problèmes auxquels les voyageurs sont confrontés.

Le meilleur ajustement de l'offre à la demande ne passe pas forcément par une pénétration du marché dans l'organisation. L'informatisation permet une prévision plus précise, donnant ainsi à l'organisation les moyens d'anticiper les fluctuations de la demande. L'étude sur la gestion des caissières dans un hypermarché [Bouffartigues P., Pendariès J.R., 1994] montre le rôle de la gestion informatisée et de l'utilisation des formes particulières d'emploi. "Le chef de caisse dispose des courbes journalières de fréquentation de l'année précédente, en fonction desquelles il planifie ses besoins de main d'oeuvre quinze jours à l'avance. Compte tenu du temps de travail global mobilisable, avec l'aide du service informatique, il établit le planning qui fixe les jours et heures de travail de chacune des caissières. Ce qui ne l'empêche pas de consulter la météorologie pour ajuster au dernier moment le nombre de caissières". L'informatique est donc un moyen d'améliorer la productivité des services grâce à un calcul fin planifiant et ajustant les besoins en main d'oeuvre à la fréquentation de la clientèle. Compte tenu de l'importance des coûts salariaux dans les services, cette amélioration de la productivité peut être particulièrement sensible.

1.3.2. Les réseaux informatiques insèrent le marché dans l'entreprise

Lorsque l'informatisation est poussée à son terme, comme c'est le cas dans des réseaux informatiques, un système d'information intégré est mis en place. C'est le cas pour la réservation de place dans le transport aérien ou ferroviaire, dans la filière textile, dans les assurances, ou plus généralement grâce à l'Echange de Données Informatisées dans des secteurs comme l'informatique ou l'automobile. Selon l'activité, le flux d'information peut ou non se combiner avec un système de livraison en juste-à-temps portant sur les flux de produits. (voir encadré relation distributeur-détaillant). En France, les constructeurs automobiles ont joué un rôle pilote

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dans l'adoption de la livraison en juste-à-temps. Cette évolution s'est accompagné d'une réduction importante du nombre de fournisseurs [Gorgeu A., Mathieu R., 1991]. L'intégration de l'information rend possible le développement de stratégies de partenariat et favorise une désintégration verticale des entreprises. Ainsi, dans le secteur textile, la franchise devient une alternative à la possession de succursales. Dans l'automobile, le lien entre constructeurs et fournisseurs permet une nouvelle répartition des activités entre les partenaires. Cette nouvelle forme de relations interentreprises se développe grâce aux synergies permises par la mise en réseau. Ainsi, dans le transport aérien [Guerin-Calvert M., Noll R., 1991] (voir encadré), une synergie et une complémentarité apparaissent entre compagnies et agences de voyages. Mais, une telle synergie n'est pas toujours aisée à mettre en place, comme le montre Johansen [1988] lors de l'informatisation des agents généraux d'assurance. Problèmes organisationnels et doubles emplois persistent. Dans les industries de biens de consommation traditionnels comme le cuir, la chaussure, le textile ou l'habillement qui sont en profonde mutation, l'informatique constitue à la fois une des sources principales d'innovation technologique et une des traces des stratégies de réorganisation. Les évolutions récentes dans ces activités face à une concurrence étrangère montrent la tendance de certaines entreprises à adopter un système de production flexible avec des produits plus ciblés, et une plus forte réactivité face à la demande finale passant par de nouveaux liens avec la distribution [Courault et al., 1990] Ces industries doivent conjuguer les exigences d'une production de masse avec la différenciation du produit et une saisonalité forte de la mode. Trois résumés d'articles permettent de situer quelques effets des réseaux informatiques en passant successivement en revue la situation interne à l'entreprise, sa relation avec la distribution et enfin les effets sur l'ensemble de l'activité. Le premier exemple (Voir encadré : Imbert) montre que l'informatique en réseau permet notamment le suivi des coûts de la main d'oeuvre dans une industrie où ces coûts sont particulièrement importants. L'informatisation débouche aussi sur l'intégration et la coordination des fonctions, ce qui permet de gérer à la fois les contraintes de standardisation et de différenciation du produit. L'entreprise passe d'une logique séquentielle de production créer/fabriquer/vendre à une logique interactive de coproduction où création, approvisionnement, fabrication et ventes peuvent interagir en temps réel (Encadré : Imbert). Un tel résultat est porteur de modifications de l'organisation du travail dont les schémas hérités du taylorisme sont appelés à être recomposés. La performance de l'entreprise n'est plus seulement la somme des optimisations locales car l'intégration et la coordination des fonctions permet une optimisation globale de la production qui se fait en liaison avec la demande. L'effet social majeur qui en résulte et qui donne tout son sens à la réussite de l'informatisation est la recomposition par les acteurs de nouvelles formes

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d'organisation du travail. Ces nouvelles formes sont fondées sur le fait que le traitement séquentiel, fonctionnel ou hiérarchique de l'information est profondément transformé et peut se reconstruire sur de nouvelles bases tenant par exemple plus compte des impératifs du client. La productivité repose alors sur la réussite du processus de changement de l'organisation du travail. Ce lien nouveau avec la distribution apparaît nettement dans l'exemple portant sur la relation entre distributeur et détaillant (Voir encadré : la relation distributeur-détaillant). La relation avec la demande est plus serrée ce qui nécessite un énorme investissement de formalisation préalable pour pouvoir produire en juste à temps des produits différenciés. Le suivi en temps réel des variations de la demande permet une réactivité par rapport au marché. Celui ci est organisé à travers des marques et une saisonalité plus forte des collections, mais les entreprises sont à même de réagir en juste à temps aux choix des différents segments de clientèle. Seules certaines firmes sont à même de mettre en oeuvre une telle stratégie. Elles sont marquées par une centralisation et une formalisation forte et contrôlent les relations inter-organisationnelles via le réseau télématique. Elles correspondent à des formes d'organisation hiérarchiques intégrées ou quasi intégrées qui restent hors de portée des entreprises traditionnelles travaillant sur des produits stables. Au delà des transformations de l'organisation du travail à la base, c'est l'organisation de l'entreprise elle même qui est bouleversée avec l'apparition d'une organisation réactive, pilotée par les informations disponibles sur son environnement, et capable de capter les opportunités émergeant du marché. La conception taylorienne de la productivité qui portait sur des produits relativement stables devient obsolète sur des produits différenciés et changeants. Comme le montre Zarifian [1990], la productivité ne résulte plus alors d'une logique taylorienne visant à la rapidité des opérations humaines ou machiniques mais résulte de la coopération des individus dans l'action au sein du réseau productif8.

Encadré: la relation distributeur-détaillant Un énorme travail de préparation pour suivre les évolutions du marché

Cette recherche empirique menée dans le cadre du paradigme transactionnel [Guilloux, 1992] se focalise sur la relation-distributeur-détaillant et sur les nouvelles méthodes de gestion associées (juste à temps) dans le cadre de l'irruption des systèmes informatisés inter-organisationnels. Elle repose sur des entretiens approfondis auprès de 75 directeurs de marketing du secteur textile/prêt-à-porter et couvre différents canaux de distribution: canaux traditionnels, distribution sélective, affilié coopérative, franchise, succursaliste. Distributeurs et détaillants se positionnent dans un continuum de formes de relations interentreprises comprises entre le "marché" et la "hiérarchie" selon de degré de formalisation de centralisation et de contrôle dans l'échange. Les succursalistes (hiérarchie) se distinguent avec de nouvelles techniques de gestion grâce aux systèmes informatisés inter-organisationnels - management en juste à temps - et les franchises - en quasi-intégration avec une stratégie de marque. L'objectif est de diminuer les coûts de transaction et s'associe avec un fort degré de centralisation de formalisation et de contrôle (dans les relations inter-organisationnelles. La

8Zarifian P., 1990, "La nouvelle productivité", L'Harmattan, Paris.

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réponse rapide à la demande du marché nécessite un énorme travail de préparation pour pouvoir aller plus vite, et tout d'abord des liens très serrés avec les points de vente, renforcés par des liaisons informatique, afin de suivre l'évolution des ventes jour après jour.

Une étude sur la filière textile en Grande Bretagne [Hardill, Wynarczyk, 1991] (Voir encadré : la filière textile) montre que les entreprises ayant connecté en réseau leurs ordinateurs présentent de meilleurs résultats que les autres. L'intégration et la coordination fonctionnelle y apparaît très poussée. La connexion en réseau permet des temps de réponse courts et une production flexible, et intègre donc les inflexions du marché. L'effectif salarié est croissant (+30%) alors qu'il décroît dans les autres entreprises (-17%). L'augmentation des profits relativement au capital circulant est 5,5 fois plus forte que dans les entreprises dépourvues de réseau informatique. Ces conclusions sont cependant fragiles en l'absence d'une étude temporelle et en raison des disproportions de taille.

Encadré : la filière textile Un effet plutôt positif de la mise en réseau

Une recherche portant sur les effets de la connexion en réseau des ordinateurs dans des entreprises appartenant à la filière textile-habillement a été effectuée sur la période 1985-1987 [Hardill & Wynarczyk 1991]. Elle porte sur un échantillon de 590 entreprises interrogées par voie postale dans quatre régions anglaises. Les entreprises ayant connecté en réseau leurs ordinateurs sont comparées à celles qui n'ont pas mis en place de tels réseaux9. Les entreprises connectées en réseau utilisent massivement le traitement de données qui concerne majoritairement les services financiers, les ventes, l'administration, la distribution, l'achat, le marketing et la production. Les effets de la connexion en réseau permettent de diminuer les temps de réponse et d'augmenter la flexibilité de la production dans un contexte où le calendrier des modes saisonnières s'est raccourci en passant de deux à quatre voire même cinq saisons. Une comparaison des performances a été menée sur un groupe d'entreprises pour lequel on pouvait disposer de données comptables. Elle conclue que les entreprises (n=18) disposant d'ordinateurs reliés en réseaux présentent de meilleures performances que celles qui n'ont pas mis en place de tels réseaux (n=31). Ces performances sont mesurées en termes d'effectif salarié et en termes de taux de croissance des résultats relativement au capital circulant [profit (87-85)/turnover 85]. L'étude ne permet cependant pas de conclure directement à l'effet positif de la mise en réseau des ordinateurs dans la mesure où les écarts de performances entre les deux groupes pouvaient être antérieurs à la mise en réseau des ordinateurs.

Conclusion

Les études de cas que nous avons analysées n'infirment pas notre première hypothèse, à savoir que l'informatique n'est efficace que dans les organisation faisant appel à une large circulation de

9 Ces dernières peuvent néanmoins utiliser intensivement l'informatique

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l'information. Certains échecs manifestes sont imputables à une inadéquation entre les informations souhaitées par les utilisateurs et les informations qui sont disponibles sur ordinateur. En revanche, contrairement à notre seconde hypothèse, l'informatisation ne s'accompagne pas systématiquement d'un accroissement ni d'une réduction de l'autonomie. Les monographies présentent des cas contrastés où les différentes situations coexistent. L'informatisation accompagne une centralisation de certaines décisions, une décentralisation d'autres. D'une part, elle permet un renforcement du contrôle en mettant à la disposition de la hiérarchie des indicateurs simples sur la productivité individuelle. D'autre part, elle facilite les communications horizontales, rendant possible l'ajustement mutuel entre opérateurs d'un même niveau hiérarchique. Ainsi, l'ensemble des configurations peut coexister au sein d'une même entreprise. L'informatisation permet aux entreprises de mieux intégrer les fluctuations qualitatives et quantitatives de la demande tout en conservant une organisation interne de type industriel ou bureaucratique. Elle est utilisée pour mieux prévoir les fluctuations ou se substitue à la hiérarchie pour définir un cadre contraignant à la production. Par ailleurs, l'informatique permet de formaliser les liens entre clients et fournisseurs, notamment par l'intermédiaire des réseaux interentreprises.

2. PROCESSUS ET EFFETS

Les types d'informatisation sont divers et les effets sont multiples. L'installation d'un réseau n'induira pas les mêmes coûts ni les mêmes changements organisationnels que l'équipement d'individus isolés en micro-ordinateurs. Il apparaît ainsi essentiel de disposer d'une typologie de l'informatisation avant de mesurer les résultats du processus d'informatisation. Les résultats analysés dans les études de cas sont peu formalisés. Il s'agit le plus souvent d'indications données sur les effets de l'informatisation. Ils restent cependant dans une large mesure plus indicatifs que réellement mesurés dans l'étude de cas. Nous illustrerons enfin la diversité des effets décrits par quelques exemples.

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2.1. INFORMATISATION OU PROCESSUS D'INFORMATISATION

2.1.1. L'importance du processus d'informatisation

La comparaison entre les performances techniques annoncée d'un système informatique et son usage effectif est souvent édifiante. Les différences constatées trouvent souvent une partie de leur explication dans le processus suivi par l'entreprise lors de son informatisation. L'équipement a pu être progressif, des résistances aux changements ont pu apparaître, les connexions entre les différents systèmes se sont heurtées à des problèmes inattendus, il a fallu du temps pour poser les câbles qui relient les ordinateurs entre eux, ... Ainsi, une description statique du système informatique et télématique d'une entreprise occulte bien des dimensions. En effet, l'informatisation est un processus dépendant de l'histoire. Les matériels choisis et installés influencent, au moins partiellement, le type d'organisation du système d'information. L'empilement des générations successives conditionne les possibilités de communication entre les matériels et donc la circulation de l'information. L'article de S. Montagné-Villette [1993] est à cet égard tout à fait démonstratif. Il compare les possibilités théoriques offertes par les nouvelles technologies de l'information et de communication avec les réalisations concrètes. S'il est théoriquement possible d'interconnecter la réception des commandes des clients avec le lancement des approvisionnements et de la production, grâce aux outils informatique et télématique, la réalité des entreprises analysées semble largement différente. On trouve le plus souvent des îlots d'utilisateurs non reliés entre eux. Cette situation est tout d'abord le produit des différentes phases d'informatisation successives. Les années récentes se caractérisent par une tentative pour homogénéiser le système d'information de l'entreprise. Cependant, malgré ces efforts, l'auteur insiste sur l'absence de connexion réelle entre les différents systèmes. Plusieurs raisons expliquent les difficultés actuelles. Les logiques de l'informatisation ont évolué au cours du temps. A cela s'ajoute l'inadéquation de la formation et de l'information, qui permettraient notamment d'avoir une vision globale de l'entreprise. Alors que la flexibilité permise par l'utilisation de nouvelles technologies est souvent mise en avant, les acteurs interrogés par S. Montagné Villette imputent au manque de flexibilité de la gestion assistée par ordinateur la lenteur de son développement et de son interconnexion avec les autres fonctions de l'entreprise. Au manque de souplesse de ces outils, s'ajoutent les problèmes purement techniques de gestion des interfaces et de disponibilité des bases de données. La mise en place de nouveaux systèmes de production, est donc, dans la plupart des cas, difficile à mettre en place et à fiabiliser. Il en résulte de longues périodes d'apprentissage : elles durent souvent des années. Les estimations en terme de coût sont généralement revues à la hausse, les à-

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coup que suscitent les mises au point techniques ajoutent aux difficultés des salariés et aggravent le climat psychosocial (anxiété, inconfort dû au changement, etc.) et organisationnel (difficultés à mettre en place de nouveaux modes de fonctionnement, de nouvelles règles d'affectation, de critères de qualification...) [Maugerie, 1992]. L'appréhension du personnel vis à vis de l’informatique revient régulièrement. On a peut-être sous-estimé, par delà la dimension technique, le poids du facteur humain dans la problématique de son introduction dans l’entreprise. La question de la formation, de l’acculturation à l’ordinateur et à sa logique apparaît, a posteriori, comme une épreuve pesante qui aurait peut-être mérité une meilleure attention. M. Liu [1989] constate que la phase où l’informatisation était l’affaire d’experts et de spécialistes et où les préoccupations techniques prédominaient semble être révolue.

2.1.2. Négocier ou imposer ?

Sous la houlette des directeurs du système d'information ou de la direction informatique, la mise en place de schémas directeurs au sein des entreprises reposait sur des considérations essentiellement techniques. Plus récemment, pour piloter les changements induits par l'informatisation, les entreprises semblent s’orienter vers plus de concertation. En redonnant la parole aux futurs utilisateurs, la concertation permet de diminuer les résistances aux changements. A partir de l'étude longitudinale de la modernisation dans la presse parisienne, l’auteur souligne cette évolution : "L'expérience du conflit du Parisien Libéré a prouvé que le choix politique d'appréhender la modernisation de manière conflictuelle n'entraîne que des préjudices pour les deux partenaires sociaux. Lors de la deuxième phase de modernisation en 1986 dans le secteur de la presse parisienne, qui introduit des systèmes informatiques plus évolués et plus intégrés dans toute la chaîne de fabrication du journal, le patronat s’engage dans la voie de la concertation avec le Syndicat du Livre", [Nikolopoulou, 1993] La participation des utilisateurs futurs permet de bénéficier des connaissances acquises en interne pour la maîtrise du système technique en place. De nombreuses études de cas identifient le processus d'informatisation à une innovation organisationnelle. La performance des nouveaux matériels, des nouveaux modes de communication, des nouveaux moyens de traitement de l'information n'est pas considérée comme une évidence qui déclenche une acceptation immédiate franche et massive. Ainsi, les promoteurs de la nouveauté doivent-ils convaincre les futurs utilisateurs de son utilité. L'introduction des outils informatiques est négociée, les caractéristiques techniques sont adaptées. La mise en place d’un système de gestion informatisée de l’exploitation transport de Bourgueil Logistique fut le fruit du travail d’un groupe de réflexion placé sous l’autorité d’un chef de

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projet. La mise au point dura environ 18 mois. L'architecture du système informatique a été élaborée au cours de réunions auxquelles participaient des représentants de chaque fonction. Cette commission de vingt personnes était chargée de répercuter aux informaticiens "le bon sens des hommes de terrain". C’est à cette concertation que les dirigeants imputent la bonne marche du projet d’informatisation de l’exploitation. L’auteur insiste sur la perturbation organisationnelle qui génère un front de contestation et de résistance. Au moment du lancement du projet, un surplus de travail est venu s’ajouter aux procédures quotidiennes dont les coûts indirects échappent aux calculs prévisionnels : heures supplémentaires, personnel surnuméraire pour accélérer les saisies... Si l'étude du processus d'informatisation est essentielle pour comprendre les raisons de la configuration informatique de l'entreprise, elle est difficile à décrire de manière globale et schématique. La typologie que nous proposons ne prend en compte les aspects dynamiques que marginalement. Ils seront introduits comme éléments explicatifs de la performance de manière ad hoc.

2.2. QUELQUES REPERES POUR DECRIRE LES DIFFERENTES SITUATIONS

Les typologies de l'informatisation sont nombreuses et elles dépendent très largement des buts recherchés. Nous avons retenu, dans cette étude, les descriptions de l'informatisation qui sont liées à l'étude de la performance. Plusieurs dimensions doivent être prises en compte. Certains auteurs s'appuient sur l'axe technique pour dresser une première cartographie de l'informatisation. On distinguera ainsi l'utilisation des réseaux de celui des micro-ordinateurs, les études portant sur un type de logiciels des analyses d'implantation de gros systèmes. Cette dimension technique est intimement liée au niveau d'informatisation. Le processus d'informatisation étudié concerne-t-il tous les acteurs de l'entreprise ou seulement une partie ? L'analyse conduite se focalise-t-elle au niveau de l'individu, d'un groupe de travail, d'une organisation ou des liens inter organisationnels? Les processus d'informatisation se distinguent nettement par leurs objectifs. L'informatisation vise-t-elle une automatisation du traitement de l'information, permettant ainsi une augmentation de la productivité des tâches élémentaires et répétitives ? Ce type d'informatisation peut s'accompagner d'un remplacement des hommes par les machines. En favorisant la circulation de l'information, l'informatisation améliore ou transforme les modes de coordination existants. La création de nouvelles informations permet une centralisation du suivi des productivité comme dans le cas Imbert ou un ajustement mutuel entre les différents intervenants de l'office HLM. Pour l'informatique destinée à la gestion, la variable clé est le degré d'intégration entre les différents systèmes informatiques, au sein de l'entreprise. Enfin,

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l'informatisation globale de l'entreprise, qui recouvre une meilleure maîtrise des échanges internes et externes permet à l'entreprise de mieux connaître son environnement. Dans chaque cas, les besoins de connexion à des réseaux internes (partage de base de données, ...) et externes (télécommunication) seront différents. Si les questions concernant la nature des processus d'informatisation sont nombreuses, la disponibilité des informations dans les études de cas nous a conduit à ne repérer que quelques variables qui semblent influer fortement sur les effets de l'informatique.

2.2.1. L'étendue de l'informatisation

G. Cerruti et V. Reiser [1993] opèrent une distinction nette entre ce qu'ils nomment Computerized Information System (CIS) et Information System (IS). Le CIS fait référence à l'informatisation partielle d'un îlot de l'organisation tandis que le IS décrit un système complètement intégré. A. Rallet évoque à ce propos le terme "intégration". L'informatique est intégrée si elle concerne l'entreprise dans son ensemble. Elle n'est pas intégrée si elle concerne quelques postes de travail. L'absence d'intégration décrit une situation où les applications informatiques ont été mises en place indépendamment les unes des autres et où les bases de données sont autonomes. Certaines fonctions peuvent être interconnectées, comme la comptabilité et la gestion de trésorerie par exemple. Mais, toutes les fonctions ne sont pas reliées. La conception assistée par ordinateur sera par exemple disjointe de la gestion des stocks, etc. A contrario, l'intégration de l'informatique suppose le développement de bases de données globales qui sont partagées entre les différentes fonctions et une intégration des applications, que ce soit suivant la ligne hiérarchique ou latéralement à travers les fonctions. Dans le codage des cas que nous avons lus, nous avons retenu deux modalités pour cette variable, CIS et IS. La majorité des études de cas décrivent des processus d'informatisation partielle (36 cas sur 51). De même, les processus décrits ne concernent le plus souvent qu'une partie du personnel d'une entreprise. Les études de cas présentent donc des phénomènes partiels au sein d'entreprises dont on ne connaît pas le niveau d'informatisation par ailleurs.

2.2.2. L'objet de l'informatisation

L'informatisation peut correspondre à une extension de l'automatisation aux tâches dites de bureau. L'informatisation est dans ce cas dédiée aux activités et aux tâches élémentaires (comme la comptabilité par exemple) et répétitives pour améliorer la productivité. Cette utilisation est différente de l'informatique comme support de gestion où la circulation des informations permet une coordination plus efficace des activités. Enfin, l'informatisation peut concerner l'ensemble du

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système d'information interne et externe qui permet à l'entreprise de mieux maîtriser son environnement et son fonctionnement interne. Cette variable prend donc trois modalités : automatisation, informatisation support de gestion et informatique stratégique. Dans les cas analysés, le but de l'informatisation est rarement l'implantation d'un système d'information stratégique. En revanche, les processus décrits peuvent avoir pour objectif l'automatisation des tâches administratives (utilisation des capacités de traitement de l'information) ou plus fréquemment la circulation de l'information au sein de l'organisation. L'informatisation comme support de gestion permet une meilleure coordination de l'activité grâce à une circulation mieux adaptée de l'information. La cooccurrence des modalités automatisation et support de gestion traduit l'interconnexion de plus en plus importante entre les différents îlots d'informatisation. Les observations sur le type de matériel mis en oeuvre confirment cette analyse puisque les cas où des micro-ordinateurs isolés sont installés sont minoritaires par rapport aux installations qui cherchent à tirer profit des aspects "réseau".

2.2.3. Les types d'informatisation

Une typologie technique est proposée par Nolan tandis que G. Cerruti et V. Reiser [1993] combinent les aspects techniques et organisationnels. Ils définissent un modèle de système d'ordinateurs : centralisation et prescription des actions versus décentralisation et support dans le processus de décision. La position de chaque système est définie par (1) les possibilités d'accès de chaque utilisateur, (2) les possibilités de traitement de données locaux offerts aux utilisateurs, par (3) l'adéquation entre les informations fournies par le système et les informations dont les utilisateurs ont besoin et enfin par (4) l'étendue du pouvoir de décision. Le second axe décrit le mode d'introduction de l'informatique comme un continuum des décisions prises, avec à chaque extrême, la décision technocratique prise par le sommet hiérarchique et la décision participative qui vient de la base. Cette typologie regroupe à la fois des aspects techniques et des aspects organisationnels. Elle rend compte de nombreuses situations mais les cas auxquels nous avons eu accès rentraient difficilement dans les pôles proposés par Cerruti et Reiser. Ainsi, avons nous préféré dissocier les aspects purement techniques des aspects plus organisationnels. Pour disposer d'une partition technique des systèmes informatiques, nous nous sommes fondés sur les travaux de S. Desq [1990 et 1991]. A partir d'une analyse factorielle des correspondances10, il distingue les types d'informatisations suivant deux axes orthogonaux :

10 Il est bien évident que le domaine de validité de l'analyse faite par S. Desq [1991] se limite à la micro-informatique, qu'elle soit indépendante ou en réseau. Il semble cependant que les dimensions qu'elle propose permettent de bien discriminer les différentes applications repérées dans les études de cas. Elles sont, de plus, tout à fait cohérentes avec le tableau proposé par l'équipe bruxelloise [Gregg et al., 1993] qui indique, pour chaque objet (automatisation, gestion, stratégique) les besoins en télécommunication.

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- le degré de connexion au réseau central : la composante "communication" de l'informatique repose sur un partage des données et des logiciels. L'utilisateur se centre dans ce cas sur les fonctions communication de son ordinateur personnel connecté. - Le niveau de développement informatique : L'utilisateur peut chercher à améliorer son travail tout en utilisant des logiciels micro-informatiques, en mettant en forme des résultats... Il exploite de façon individuelle les possibilités de l'outil. Cette dimension s'apparente à l'informatique individuelle. Nous avons caractérisé les cas étudiés suivant ces deux dimensions. Dans la première, les aspects réseaux dominent. Dans la seconde, les aspects micro-informatique individuelle sont prépondérants. Treize cas évoquent une installation de réseaux tandis que dix sept cas décrivent la mise en place de micro-ordinateurs inter-reliés. Les aspects "réseau" sont particulièrement importants sur la fin de la période étudiée11 (allant de 1988 à 1994).

2.2.4. Les acteurs concernés

Un des corollaires à l'étendue de l'informatisation est le type d'acteurs concernés. Tous les acteurs de l'organisation sont-ils concernés ou seulement une partie? Il est bien évident que si toute l'organisation n'est pas informatisée, tous les acteurs ne seront pas concernés. Mais la réciproque est fausse. Même si toutes les fonctions sont informatisées, tous les acteurs ne sont pas forcément concernés par le processus d'informatisation comme l'illustre le cas des banques japonaises développé par N. Mottis [1991].

2.2.5. Centralisation versus décentralisation

La centralisation ou la décentralisation de l'organisation décrivent les tendances concomitantes aux processus d'informatisation. L'informatisation de l'entreprise s'est-elle accompagnée d'une centralisation ou d'une décentralisation de la circulation de l'information et de la prise de décision. L'évolution constatée à ce niveau est globale. Cependant, la réalité est plus complexe, comme le montre le cas Imbert. Au sein d'un même atelier, l'informatisation permet une décentralisation de certaines informations alors qu'elle induit la centralisation de la prise de décision. En revanche, l'effet global est évident dans d'autres cas, comme celui de l'office HLM. Dans les cas étudiés, l'informatisation apparaît totalement indissociable de transformations de l'organisation. Ce processus n'a pas d'effets évidents sur la centralisation ou la décentralisation de la prise de décision. Dans dix neuf cas, l'informatisation s'accompagne d'une centralisation de la

11 Les observations les plus récentes datent vraisemblablement de quatre à cinq ans : recueil des données en 1990-91. Traitement en 1991. Ecriture et soumission de l'article en 92. Publication en 1993 ou 1994.

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prise de décision, notamment grâce à une meilleure remontée de l'information tandis que dans quatorze cas, l'informatisation permet une décentralisation de la prise de décision, grâce à une meilleure circulation de l'information. En fait, bien que les cas où cette situation est décrite explicitement soient peu nombreux, il semble que l'informatisation s'accompagne d'une redistribution de la prise de décision, certaines décisions pouvant être prises à des niveaux hiérarchiques plus bas, d'autres remontant à la direction générale, grâce à une meilleure circulation horizontale et verticale de l'information.

2.2.6. Modalités de mise en oeuvre de l'informatisation

Nous l'avons souligné, l'informatisation est un processus qui dépend du chemin suivi. A. Gueissaz12 a rappelé que les interactions entre informatique et organisation sont complexes. L'informatique peut être conservatrice des structures organisationnelles ou au contraire subversive. Elle peut servir pour imposer de nouvelles normes ou les stabiliser. Elle peut correspondre à un projet d'une certaine partie de l'organisation. Ainsi, l'identité des promoteurs du projet est importante pour savoir quel type d'informatisation sera mise en place. Compte tenu des données disponibles, nous avons retenu deux modalités pour cette variable, la mise en oeuvre par la hiérarchie et les mises en oeuvre par les utilisateurs. L'informatisation apparaît le plus souvent comme une décision de la hiérarchie, les cas où l'initiative vient des utilisateurs étant peu fréquents. Le tableau ci dessous synthétise les caractéristiques des cas observés :

12 Compte rendu de la réunion du 13/12/93

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Tableau : Caractéristiques des études de cas (n=51) Description du processus Les effets

Informatisation de l'ensemble de l'organisation 15 Organisationnels 39 Informatisation d'un îlot de l'organisation 36 Pas d'effet mentionné 12

Objectifs de l'informatisation Automatisation des tâches administratives (A) 15 Centralisation 19 Informatisation comme support de gestion (G) 19 Décentralisation 14 A&G 13 Les deux 2 Gestion et informatisation stratégique 4 Non renseigné (NR) 16

Type de matériel concerné Micro-ordinateurs (M) 21 Qualité 24 Réseau (R) 13 Pas d'effet mentionné 27 M&R 17

Les acteurs concernés Economiques 36 Tous les personnels de l'organisation 14 Pas d'effet mentionné 15 Une partie des personnels 36 Non renseigné (NR) 1 Travail 23

Modalités de l'informatisation Pas d'effet mentionné 28 Bottom up 8 Top down 33 Délai 22 Les 2 2 Pas d'effet mentionné 29 Non renseigné (NR) 8 Variété 13 Pas d'effet mentionné 38

Le repérage systématique de ces variables permet d'identifier certaines configurations types. Dans quels cas, l'informatisation s'accompagne-t-elle d'une centralisation de l'information? Plutôt lors de la mise en place de micro-ordinateurs ou lors de l'introduction des réseau ? Est-elle toujours introduite par la voie hiérarchique ? Concerne-t-elle tout le personnel ? Est-elle essentiellement utilisée stratégiquement ou pour automatiser certaines tâches ? Des effets différents sont-ils visibles ? De la même manière, la connexion aux réseaux existants a-t-elle un objectif stratégique dans la majorité des cas ou est-ce plutôt une amélioration de la gestion qui est visée?

2.3. LES EFFETS DE L'INFORMATISATION

Parler de performances suppose une mesure réelle des investissements et des coûts d'informatisation ainsi que des résultats. Les études de cas où une telle démarche est pratiquée sont très peu nombreuses. Par exemple, l'objet de l'article de Desq "est de montrer, à travers les résultats d'une étude menée en 1988 avec la participation de l'usine IBM-France de Montpellier comment différentes pratiques de l'informatique de l'utilisateur final conduisent à différents types de performances", [Desq S., 1990, p. 89]. On peut aussi mentionner les études comparatives de

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l'impact de la mise en oeuvre ou de la non utilisation d'une technologie. Les cas sur l'utilisation de la gestion de production et sur l'utilisation de la CAO et CFAO au Canada [Lefebvre L. et Lefebvre B., 1988] sont à cet égard représentatifs. Cependant, ces trois études de cas mises à part, rares sont les articles où un calcul coûts/résultats est esquissé. Les coûts ne sont pratiquement jamais mentionnés. L'interprétation d'une telle absence est délicate. Les entreprises négligeraient-elles une variable qu'elles maîtrisent mal ? Les chercheurs n'ont-ils pas accès à ce type d'information ? Comment les entreprises raisonnent-elles à propos des coûts, le mystère reste entier. Nous avons donc été obligé de considérer exclusivement les effets de l'informatisation, l'absence de référence aux coûts rendant difficile toute analyse coût/avantage. Nous avons considéré les effets au sens large pour maintenir la diversité la plus importante dans notre analyse. Les catégories que nous avons forgées constituent une construction de la part des lecteurs d'études de cas que nous avons été. Nous avons opéré, en premier lieu, une subdivision entre résultats mesurables et résultats non mesurables. Notons toutefois que les résultats mesurables de l'informatisation ne sont que rarement mesurés. Il s'agit de résultats qui peuvent être quantifiés à l'aide des outils existants. On retrouvera principalement dans ce cas la mesure des rendements individuels, l'évaluation de la productivité par tête, la réduction des délais de sortie des produits ou encore la variation des effectifs. Les critères non mesurables regroupent des éléments tels que l'augmentation de la variété des produits, l'amélioration de la qualité de la communication interne ou des changements dans la structure des emplois. Un codage rapide des effets de l'informatisation émergents des études de cas fait ressortir six rubriques distinctes : effets sur l'organisation, effets sur la qualité, effets sur le travail et la structure de l'emploi (en termes non exclusivement qualitatifs), effets économiques, effets sur les délais et enfin effets sur la variété des produits offerts. Le codage que nous avons opéré n'est pas exclusif. Un même effet peut être codé effets économiques et effets organisationnels par exemple. Les effets économiques (diminution ou augmentation de la productivité, des coûts, amélioration des parts de marchés, de la position concurrentielle de l'entreprise, etc.) ne sont évoqués que dans trente six cas, restant le plus souvent non mesurés. Les effets sur la qualité des produits ne sont pas majoritairement évoqués, de même que ceux concernant l'évolution des conditions de travail, des délais ou de la variété des produits ou des services offerts.

2.3.1. Effets sur l'organisation

Les effets sur l'organisation sont très largement des effets non mesurables. Dans le cas de l'entreprise Imbert, qui opère dans le secteur de la chaussure, l'informatisation conduit à une centralisation des informations qui permet un couplage des données commerciales et des

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informations nécessaires à la production et à l'approvisionnement. Un autre type d'effets organisationnels se trouvent dans l'article de J. Jouet [1988] sur l'utilisation de la micro-informatique par des cadres des professions intellectuelles. L'enquête montre que la maîtrise de l'outil augmente l'autonomie, l'initiative et la créativité des utilisateurs tout en entraînant une baisse de la coopération. Dans un tout autre contexte, l'introduction de la gestion de production assistée par ordinateur est vécue par les salariés comme une diminution de la hiérarchie qui s'accompagne d'une augmentation simultanée du contrôle sur le travail. Installée au départ pour accroître la flexibilité, les multiples adaptations qui ont eu lieu lors de la mise en place de du système ont conduit à une réduction de la flexibilité. Les effets sur l'organisation sont donc multiples. Ils restent très importants mais rarement mesurables.

2.3.2. Les effets sur la qualité

L'informatisation permet le plus souvent un gain en qualité de l'information. Dans le cas de la mise en place du schéma directeur des Services Extérieurs du Ministère du Travail et de l'Emploi, l'arrivée des micro-ordinateurs et leur connexion à un site central a imposé une homogénéisation des traitements des dossiers au détriment des adaptations locales nécessaires à une prise en compte des problèmes particuliers. Dans l'étude longitudinale sur l'informatisation d'une administration locale en Grande Bretagne entre 1960 et 1985, un des points clairement mis en évidence par P. Quintas [1986] est l'augmentation du contrôle tant sur les finances que sur la qualité des matériaux utilisés dans les constructions. M. Blanc [1990], tout comme V. Mangematin [1989] montrent que l'introduction de systèmes experts dans les administrations améliorent la prise de décision et l'égalité du citoyen devant la loi en même temps que les traitements deviennent moins hétérogènes. De la même manière, plusieurs études concernant l'utilisation de la télématique par le marketing témoignent d'une amélioration de la communication autour des produits. En revanche, P. Dubois et A. Gueissaz [1993] mettent en évidence la nature rudimentaire des ratios de gestion des universités malgré une informatisation des différents services.

2.3.3. Les effets économiques

Les effets économiques sont relativement homogènes dans leur mode d'expression. Il s'agit principalement d'une augmentation de la productivité (rendement par tête, productivité globale), d'une baisse des effectifs à charge de travail inchangée, d'une maximisation de l'utilisation des ressources (dans le cas de l'étude longitudinale d'une administration en Grande Bretagne, Quintas P. 1986), d'une réduction des délais de paiement ou du taux de croissance des résultats rapportés

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au capital circulant [(Résultat N - Résultat N-2)/capital circulant N]. (Voir encadré : la filière textile). L'informatisation des agents de l'office de HLM permet un ajustement meilleur des services rendus aux usagers en fonction des paiements effectués. Les micro-ordinateurs portables reliés au réseau via le Minitel donnent la possibilité aux gestionnaires du parc de logement de connaître l'état du compte de chaque locataire et de moduler la rapidité et la qualité des services rendus (entretien des allées, des appartements, ... ) en fonction de la qualité du locataire. Quelques études, enfin, mentionnent les coûts de développement et d'entretien des applications informatiques.

2.3.4. Les effets sur la nature des emplois

Dans un petit nombre de cas, les effets sur la nature de l'emploi sont évoqués. Lorsque les informations sont en volume, il s'agit principalement du maintien d'un effectif constant malgré un accroissement des tâches voire d'une diminution du nombre de postes de travail. Les cas prenant en compte le contenu du travail mentionnent souvent une augmentation des qualifications, une transformation dans la nature des emplois et une diminution des hiérarchies intermédiaires. L'installation de la CAO et CFAO au Canada [Lefebvre L., Lefebvre B., 1988] est ressentie par les spécialistes comme une détérioration des conditions d'emploi, en terme de sécurité et de bien être. L'introduction de nouvelles technologies [Léchevin, 1993] s'accompagnent d'une intensification du travail. Les utilisateurs ont l'impression de travailler plus, d'être plus mobilisés par leur tâches et d'avoir plus peur de faire des erreurs. A contrario, les études portant sur l'utilisation de l'informatique chez les cadres [Jouet, 1988] traduisent un sentiment de satisfaction, les personnes interrogées soulignant l'augmentation de leur autonomie, de leur initiative et de leur maîtrise du processus de production.

2.3.5. Les effets sur les délais, sur la flexibilité, la variété

Quelques études évoquent la réduction des délais. Il s'agit des délais de paiement, de mise à disposition des fournitures ou de réaction face à un événement imprévu. (Voir encadré : la relation distributeur-détaillant). Il s'agit aussi des possibilités offertes par l'outil informatique pour diminuer les stocks et gérer en juste-à-temps. Enfin, certaines études mentionnent l'augmentation de la variété des produits offerts grâce à l'utilisation de l'informatique. Il s'agit notamment du passage du prêt à porter au sur mesure dans le textile, de la gestion de gamme de production complexe grâce aux systèmes experts ou de la différenciation retardée qui a accompagné l'informatisation de certaines firmes.

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Les différents effets recensés sont, comme nous l'avons déjà souligné, un construit. Ils n'apparaissent pas tout le temps aussi clairement dans les différentes études de cas. Ils incluent des mesures potentielles que nous estimons possibles en fonction des informations sur les cas. Nous nous sommes limités aux effets constatés lors de l'étude de cas. Nous n'avons pas pu prendre en compte les effets différés, ces derniers ne figurant que rarement dans les cas. En effet, rares sont les monographies longitudinales. Les effets décrits ici ne sont pas nécessairement positifs. Certains cas décrivent une baisse de flexibilité, une homogénéité plus grande, une réduction de l'adaptation.

2.4. TROIS CONFIGURATIONS TYPES

Les différents cas peuvent être regroupés par type. Ces catégories ne sont pas complètement homogènes. Elles constituent cependant un premier pas dans la définition de modèles d'informatisations pour lesquels il serait possible de prévoir les effets. Après une brève description de chaque catégorie, son contenu sera mis en scène à l'aide des cas analysés.

2.4.1. L'automatisation des tâches

Ayant pour objectif une automatisation des tâches administratives, l'informatisation se traduit par l'installation de micro-ordinateurs non reliés entre eux. Elle concerne une partie de l'organisation et une catégorie de personnel bien délimitée. Les cas décrivant ce type d'informatisation insistent sur le caractère localisé du processus analysé. L'organisation globale de l'entreprise reste inchangée. Cependant, l'informatisation amène, au niveau local, une décentralisation partielle des décisions. Les effets économiques de l'informatisation sont rarement mentionnés et lorsqu'ils le sont, ils sont souvent non significatifs alors qu'on aurait pu s'attendre à des gains de productivité importants. Les études de cas de ce type ne mentionnent pas de gains de productivité ou d'amélioration de la position concurrentielle de l'entreprise. Les cas sont souvent atypiques. On peut citer notamment celui des usages professionnels de la micro-informatique.

Les usages professionnels de la micro-informatique [Jouet, 1988] L'article de Jouet [1988] montre une série de cas où l'automatisation des tâches est visible :

"J'écris plus vite mais aussi avec plus grand soin. Je n'hésite pas à corriger. Il y a une grande souplesse d'écriture qui pousse à un perfectionnisme non sclérosant. (historien, 35 ans)".

"La gestion de fichiers me permet des recherches bibliographiques et documentaires en faisant des tris. Cela m'a permis de me débarrasser la mémoire de toutes sortes de références. (ethnologue, 28 ans)".

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On pourrait citer d'autres cas où l'outil informatique est utilisé de manière routinière, comme par exemple, le système expert TOTEM [Weil B., Hatchuel A., 1992] qui permet une automatisation de la gestion des gammes de production. Ce système est utilisé pour gérer la variété et la diversité des commandes. Il permet d'effectuer des tâches impossibles à faire auparavant mais il induit aussi des coûts. L'étude de l'informatisation des cantines scolaires, enfin, conduit à un meilleur calcul des proportions, à moins de gaspillage et donc à une baisse des coûts [Rigaud et al., 1992]. Le système a cependant dû être aménagé pour laisser subsister le "rab" auquel parents et enfants étaient attachés.

2.4.2. Une utilisation stratégique de l'informatique

Les cas d'utilisation stratégique de l'informatique vont de pair avec les processus d'informatisation globale qui concernent l'ensemble du personnel de l'entreprise. L'informatisation permet une meilleure circulation de l'information et induit des modifications dans les processus de prises de décision. Ce sont surtout des cas où la centralisation est renforcée qui sont présentés. L'informatisation est dépeinte comme un investissement stratégique qui permet à l'entreprise de conserver des procédures bureaucratiques tout en augmentant sa flexibilité de réponse aux évolutions du marché. L'accent est mis sur la circulation de l'information que permettent les nouvelles technologies de l'information. Les fonctionnalités "réseau" sont mises en avant, les tâches administratives ayant été automatisées auparavant. Le plus souvent, la circulation des informations dépasse les frontières de l'organisation et contribue fortement à structurer des rapports de pouvoir au sein d'une filière. Ce type d'informatisation conduit à une amélioration des performances économiques, prises au sens large. De même, l'automatisation des relations standards dégage du temps pour un traitement au cas par cas des situations complexes ou pour un accroissement de la variété des services ou des produits offerts. Lorsque l'informatisation est globale et concerne à la fois le traitement et la circulation de l'information, les auteurs notent souvent une détérioration de l'organisation pour les salariés (renforcement du contrôle, transformation de la culture d'entreprise, nouvelle organisation du travail, ...). Notons enfin qu'une majorité des monographies se concentre sur des activités de services (banques, assurance, réservations aériennes).

Le système de réservation informatisé dans le transport aérien La mise en place de systèmes de réservation informatisés (SRI) de places d'avion aux USA a fortement réduit les coûts de vente des tickets mais a suscité d'intenses controverses depuis leur introduction dans les agences de voyage [Guerin-Calvert & Noll 1991]. Des études internes aux

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compagnies aériennes ont montré que les prix des réservations ont chuté d'un facteur 15. De même, la productivité des agences de voyage a augmenté de 42%. L'installation des SRI a donc créé des synergies mutuellement profitables entre compagnies et voyagistes. Les SRI actuels permettent de réserver des billets comportant des tronçons sur plusieurs compagnies. Mais ils ne sont pas impartiaux dans le choix de la compagnie. Dans la mesure où plus de la moitié des employés d'agence de voyage réservent tout simplement le vol qui apparaît sur la première ligne de leur écran, le choix est loin d'être optimum pour le passager. La complexité du choix conduit à une information imparfaite du consommateur, d'autant plus que dans la plupart des villes américaines un ou deux SRI dominent le marché des agences de voyage. Les compagnies ayant développé les SRI ont vendu la construction ou l'absence d'asymétries d'information à d'autres compagnies aériennes, les ont utilisés pour dissuader la compétition par les prix ou pour analyser les évolutions du marché. Face aux plaintes, le législateur a du intervenir pour interdire certains types de distorsions d'affichage de l'information. Mais en raison des économies d'échelle engendrées par les réseaux déjà existants et de l'existence de contrats d'abonnement de très long terme avec d'importantes pénalités d'annulation, la situation des oligopoles déjà existants n'a cependant guère été entamé. L'intégration verticale entre l'espace concurrentiel des compagnies aériennes et la forme oligopolistique actuelle des SRI crée des distorsions structurelles de la concurrence.

L'informatisation de la réservation dans les compagnies aériennes montre bien la modification des liens entre les différentes entreprises intervenant sur la production d'un même bien ou service. Elle évoque aussi les problèmes juridiques induits par ces évolutions. L'informatisation des agents généraux d'assurance [Johansen, 1988] permet aux compagnies de mieux contrôler leurs bureaux décentralisés et leurs représentants en les obligeant à s'inscrire dans des cadres prédéterminés. Le système informatique facilite bien entendu la coordination entre les agents généraux et les compagnies en permettant une circulation plus rapide de l'information. Sa fonction est aussi de limiter la liberté d'action des agents généraux et de leur imposer des normes de comportements par l'intermédiaire du réseau. L'étude des performances de l'informatique reste cependant délicate dans les entreprises reliées en réseau. L'analyse de la performance doit concerner tout ou partie du réseau.

2.4.3. Une meilleure circulation de l'information entre les îlots informatisés

Fondé sur une meilleure circulation de l'information entre des îlots informatisés au sein de l'organisation, le processus d'informatisation est ici essentiellement un support à la gestion et à la coordination des activités. L'introduction de l'informatique émane de la direction générale ou du service informatique. Les aspects "réseau" du matériel dominent par rapport aux capacités de traitement. L'informatisation ne concerne qu'une partie du personnel. Les effets sur la prise de décision n'apparaissent pas clairement. L'amélioration des délais et de la flexibilité de réponse aux demandes différenciées ne s'accompagne par forcément d'effets économiques directs. L'implantation d'unités de dessin

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assisté par ordinateur [Löwstedt J., 1988] s'accompagne d'une augmentation sensible de la flexibilité, de la compétence des dessinateurs et de la communication entre eux. Mais elle provoque aussi un net accroissement de la complexité organisationnelle. Les dessinateurs deviennent plus dépendants vis-à-vis du système pour résoudre les problèmes. Ainsi, les retours sur investissement et l'efficacité économique du système ne sont pas démontrés. L'informatisation permet d'atteindre certains objectifs au détriment d'autres indicateurs. La lecture des cas montre que les entreprises effectuent des arbitrages, acceptant une dégradation de certains indicateurs pour améliorer les critères qui leur semblent stratégiques.

Les visiteurs médicaux

Gérant la clientèle d'un secteur, l'équipement des visiteurs médicaux en micro-ordinateurs reliés à une unité de traitement centralisé des informations permet à l'entreprise pharmaceutique un meilleur suivi de son portefeuille client. Les délais de remontées d'information sont réduits. Ainsi, le circuit des visites peut-il être mieux planifié, la clientèle mieux segmentée et les médecins relancés à échéance régulière. Cependant, l'informatisation des visiteurs médicaux permet aussi un meilleur contrôle de leur travail. Si, dans l'ensemble, ils se déclarent satisfait du système, ils évoquent néanmoins une perte d'autonomie dans l'organisation de leur action.

L'étude sur les visiteurs médicaux décrit l'informatisation d'une partie seulement de l'organisation, les liens entre les services centraux d'une zone géographique et les visiteurs médicaux. Le système n'est pas connecté avec les autres fonctions de l'entreprise. Il a pour objet d'assurer une meilleure coordination entre les visiteurs médicaux et l'entreprise. L'utilisation des messageries électroniques dans la presse constitue un autre cas intéressant. L'envoi des articles par la messagerie électronique permet une amélioration de la qualité des articles, les commentaires étant plus nombreux, les changements plus aisés. L'auteur souligne cependant que seuls les échanges portant sur des informations formalisées sont facilités par l'informatisation : lorsqu'ils se faisaient oralement, la discussion portait aussi sur des éléments informels et permettait des demandes de renseignements complémentaires.

2.4.4. Les cas à problèmes

Certaines études de cas insistent sur les difficultés rencontrées lors des processus d'informatisation. Deux situations apparaissent comme les plus fréquentes : d'une part, les informations sont insuffisamment formalisées et répétitives pour que l'informatisation constitue un facteur de performance. D'autre part, le processus d'informatisation entre en contradiction avec les pratiques antérieures. Dans ce dernier cas, le schéma d'informatisation peut ne pas être cohérent avec l'organisation globale de l'entreprise. Ainsi, les systèmes experts de contrôle

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développés par les DRASS (voir encadré) se sont-ils heurtés aux relations entre la tutelle et les organismes sous tutelle [Mangematin, 1989].

Le cas des systèmes experts à la DRASS Développés conjointement par une direction régionale et le service informatique de l'ENA, les systèmes experts avaient pour but d'aider les inspecteurs des affaires sanitaires et sociales dans leur mission de contrôle des organismes dont ils sont la tutelle (caisse primaire d'assurance maladie, hôpitaux, ...). Jusqu'aux systèmes experts, les inspecteurs ne disposaient pas d'outils permettant de réaliser ces contrôles.

Entre 1988 et 1991, plusieurs équipes réunissant un informaticien, des experts des organismes dont la DRASS est la tutelle et des inspecteurs de la Drass se sont réunies pour réaliser un système expert d'aide au contrôle de la liquidation des pensions. Après trois ans de travail, chaque système est opérationnel. Pourtant, deux ans après, ces systèmes experts semblent être restés lettre morte, oubliés sur le disque dur d'un ordinateur.

Parmi les nombreuses explications de l'échec de ces systèmes experts, l'absence de résultats économiques peut être avancée. En effet, les tâches auxquelles sont dédiés les systèmes experts n'étaient pas effectuées auparavant. Mais, la correction des anomalies implique une transformation des rapports entre la tutelle et les organismes liquidateurs. Cette évolution des relations dépasse de beaucoup les enjeux informatiques. Ainsi, les sommes en jeu sont très faibles. De plus, les inspecteurs autres que ceux qui sont impliqués dans les équipes de développement n'ont pas été consultés. La mise au point des formations a été longue.

Enfin, certains échecs relèvent de défauts de conception, tel que Socrate, le logiciel de réservation utilisé par la SNCF [Faïta, 1992]. Non seulement ce système véhicule une nouvelle culture d'entreprise, transformant l'usager en client, culture à laquelle les agents n'adhèrent pas, mais en plus, il a été introduit avant d'être techniquement au point, ce qui a entraîné de vives réactions de rejet tant des agents que des usagers/clients. (voir encadré).

CONCLUSION : DES QUESTIONS PERSISTANTES

Les principaux résultats peuvent être synthétisés dans le tableau suivant. Il ne s'agit que de tendances :

Tableau : Les configurations types Automatisation des tâches connexion d'îlots informatisés informatique stratégique

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- micro-ordinateurs - introduction par les utilisateurs et/ou la

hiérarchie - organisation inchangée - seule une partie des salariés concernés - effets économiques non mentionnés

- micro-ordinateurs reliés à un autre ordinateur - introduction par la hiérarchie - seule une partie des salariés concernés- résultats économiques non tangibles - l'amélioration des délais et de la qualité sont privilégiés - meilleure circulation de l'information

- réseaux informatiques - introduction par la hiérarchie - conséquences diverses sur l'organisation et conditions de travail - la majorité des salariés est concernée - résultats économiques positifs - amélioration de la variété - utilisation stratégique de l'information - formalisation des liens interentreprises

Cas

à

problèmes

Cette typologie est ambivalente. Elle peut décrire aussi bien une évolution de l'utilisation de l'informatique, au sein d'une même trajectoire technologique. Elle marquerait ainsi les différentes étapes de l'informatisation des entreprises. A contrario, rien n'interdit de penser que cette typologie décrit trois trajectoires technologiques possibles que les entreprises suivraient. Des passages entre trajectoires restent possibles mais il existerait une logique propre de développement le long d'une trajectoire. Parler d'informatisation en général reviendrait à agréger des données de trois trajectoires différentes et les effets contradictoires des investissements effectués le long de chaque trajectoire. Certains résultats originaux émergent nettement des études de cas analysées. Il apparaît tout d'abord que l'informatisation s'accompagne d'une pénétration du marché au sein de l'organisation. Les effets de l'informatique et de la télématique conduisent à une recomposition des activités de l'entreprise. Dans certains cas, ils peuvent induire un nouveau maillage géographique où la proximité et la confiance ne suffisent plus à l'établissement de relations durables. On observe aussi assez souvent des effets sur la décentralisation des activités, cependant, ces effets sont contrebalancés dans d'autres cas par une centralisation plus accrue. Les effets de l'informatisation ne sont pas immédiats sur les performances économiques, dans bien des cas une longue période de mise en place et d'apprentissage est nécessaire. Par ailleurs, la typologie proposée à titre exploratoire offre une vision multidimensionnelle de l'informatisation. Les effets du processus apparaissent de manière différenciée sur les cas. Un travail ultérieur de codage de nouveaux cas devrait permettre de tester la validité et la robustesse du modèle proposé.

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Cependant, au delà de ces dimensions, un axe important a été négligé jusqu'à présent. Il s'agit de l'utilisation stratégique de l'information pour modifier directement le fonctionnement des marchés. l'utilisation des systèmes ODETTE ou GALIA entre constructeurs et fournisseurs de l'industrie automobile pourrait constituer un exemple intéressant. L'utilisation du système informatique couplée à des livraisons en juste à temps s'accompagne d'une réduction du nombre de fournisseurs et d'un changement de nature des relations qui passent de sous traitance pure à un partenariat pour les équipementiers de premier rang [Gorgeu A. Mathieu R., 1991]. Les systèmes de réservation informatisés (SRI) sont un autre exemple tout à fait illustratif. Les SRI ont permis d'initier un partenariat mutuellement profitable entre compagnies de transport et agences de voyages ( Voir encadré: transport aérien). Cependant, dans la mesure où les SRI ont été conçus par les plus grandes compagnies aériennes, au départ pour leurs besoins internes, ils ont engendré des distorsions de l'information délivrée aux voyagistes et donc au client. Dans un second temps ces compagnies ont eu des stratégies de manipulation commerciale de ces distorsions. Dans ce cas les SRI permettent la mise en place de relations stratégiques par rapport au marché permettant des distorsions de la concurrence. Face aux plaintes, les pouvoirs publics américains ont réagi par l'interdiction de certaines de ces pratiques. Cet exemple montre que l'avantage gagné par la mise au point des SRI permet à certaines entreprises du transport aérien dominantes de se protéger de la concurrence d'autres firmes pourtant plus performantes sur les coûts. L'importance des SRI dans la relation stratégique par rapport au marché peut également être mis en évidence dans le cas du système Socrate (voir encadré: Socrate). L'introduction de ce système a été l'occasion pour la firme de mettre en place sans concertation un système radicalement différent de relation aux voyageurs. Ceux ci, d'usagers du service public sont transformés en clients. Le changement technique est alors l'occasion d'un bouleversement de la culture des employés et de la relation aux usagers/clients. On passe d'un système où les vendeurs proposent des réductions à des usagers à un système où des clients peuvent éventuellement les demander. Ce bouleversement qui est loin d'être un simple changement technique a causé un certain nombre de dysfonctionnements et d'importantes controverses quant à sa légitimité et à son efficacité.

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ANNEXE 1: LISTE DES REVUES

International Sociology Industrial Relations Industrial and Labor Relations Review Japan Labor Bulletin Journal of Labor Economics Journal of Human Resources New Technology work and Employment Monthly Labor Review Quaterly Journal of Economics Relations industrielles Work, Employement and Society Economics Studies Sociological Forum Revue internationale du travail American Journal of Sociology American Sociological Review American Economic Review European Sociological Review Travail Travail et emploi Labor and Society Problèmes économiques Revue d'Economie Industrielle Revue économique Revue Française de Sociologie Revue Française de Gestion Revue française des affaires sociales Sociétés contemporaines Sociologie du travail Futuribles Gérer & Comprendre Economie et société Adminsitrative Science Quaterly California Management Review Organization Science Management Science Strategic Management Journal Research Policy Réseaux TIS (Technologies de l'information et société) Information economics and Policy Information processing and Management AFCET Interface International Journal of Industrial Organization Journal of Business Research Journal of Information Systems

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