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Adipocytokines : des acteurs de l’inflammation dans les rhumatismes inflammatoires chroniques et les maladies auto-immunes ? Éric Toussirot 1,2,3 1. CHU hôpital Saint-Jacques, pôle recherche, centre investigation clinique - biothérapie 506, 25000 Besançon, France 2. CHU hôpital Minjoz, pôle PACTE (pathologies aiguës et chroniques, transplantation, éducation), service de rhumatologie, 25000 Besançon, France 3. IFR 133, université de Franche-Comté, département universitaire de thérapeutique et équipe d’accueil 4266 « agents pathogènes et inflammation », 25000 Besançon, France Correspondance : Éric Toussirot, CHU hôpital Saint-Jacques, centre investigation clinique - biothérapie 506, bâtiment Saint-Joseph, 2, place Saint-Jacques, 25000 Besançon, France. [email protected] Disponible sur internet le : 21 avril 2012 Presse Med. 2013; 42: 1318 ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com Rhumatologie/Immunologie 13 Mise au point Key points Adipokines: Some players of inflammation in inflammatory rheumatic diseases and systemic autoimmune diseases? Adipocytokines or adipokines are a group of molecules (such as leptin, adiponectin, visfatine and resistine) mainly produced by adipose tissue. The adipokines are involved in different physiological pro- cesses but their participation to inflammatory and immune responses have been recently described. Their contribution to inflammatory diseases such as chronic inflammatory joint diseases and autoimmune diseases, and osteoarthritis as well, is currently growing, suggesting new pathophysiological schema and treatments. Leptin, visfatin and resistin have pro-inflammatory properties while adiponectin is anti-inflammatory, especially for the vas- cular wall. Adiponectin is considered to be protective for cardi- ovascular risk. Points essentiels Les adipocytokines ou adipokines (ADK) forment un ensemble de molécules (comme la leptine, l’adiponectine, la visfatine et la résistine) produites majoritairement par le tissu adipeux. Les adipokines sont impliquées dans divers processus phy- siologiques, mais leur participation à la réaction inflammatoire et aux réponses immunes a été établi relativement récem- ment. Leur contribution dans les maladies inflammatoires comme les rhumatismes inflammatoires chroniques et les maladies auto- immunes et également l’arthrose, est donc en pleine explora- tion actuellement, suscitant des réflexions physiopathologi- ques et thérapeutiques nouvelles. La leptine, la visfatine et la résistine ont des propriétés pro- inflammatoires alors que l’adiponectine exerce des actions anti-inflammatoires, notamment sur le plan vasculaire. L’adi- ponectine est d’ailleurs considérée comme protectrice sur le plan cardiovasculaire. tome 42 > n81 > janvier 2013 doi: 10.1016/j.lpm.2012.02.041

Adipocytokines : des acteurs de l’inflammation dans les rhumatismes inflammatoires chroniques et les maladies auto-immunes ?

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Presse Med. 2013; 42: 13–18� 2012 Elsevier Masson SAS.Tous droits réservés.

en ligne sur / on line onwww.em-consulte.com/revue/lpmwww.sciencedirect.com

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Key points

Adipokines: Some players of inrheumatic diseases and system

Adipocytokines or adipokines aas leptin, adiponectin, visfatine aby adipose tissue.The adipokines are involved incesses but their participation toresponses have been recently dTheir contribution to inflammainflammatory joint diseases andosteoarthritis as well, is currenpathophysiological schema and

Leptin, visfatin and resistin havwhile adiponectin is anti-inflammcular wall. Adiponectin is consideovascular risk.

tome 42 > n81 > janvier 2013doi: 10.1016/j.lpm.2012.02.041

Adipocytokines : des acteurs del’inflammation dans les rhumatismesinflammatoires chroniques et les maladiesauto-immunes ?

Éric Toussirot1,2,3

1. CHU hôpital Saint-Jacques, pôle recherche, centre investigation clinique -biothérapie 506, 25000 Besançon, France

2. CHU hôpital Minjoz, pôle PACTE (pathologies aiguës et chroniques, transplantation,éducation), service de rhumatologie, 25000 Besançon, France

3. IFR 133, université de Franche-Comté, département universitaire de thérapeutiqueet équipe d’accueil 4266 « agents pathogènes et inflammation », 25000Besançon, France

Correspondance :Éric Toussirot, CHU hôpital Saint-Jacques, centre investigation clinique - biothérapie506, bâtiment Saint-Joseph, 2, place Saint-Jacques, 25000 Besançon, [email protected]

Disponible sur internet le :21 avril 2012

flammation in inflammatoryic autoimmune diseases?

re a group of molecules (suchnd resistine) mainly produced

different physiological pro- inflammatory and immune

escribed.tory diseases such as chronic

autoimmune diseases, andtly growing, suggesting newtreatments.e pro-inflammatory properties

atory, especially for the vas-red to be protective for cardi-

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Points essentiels

Les adipocytokines ou adipokines (ADK) forment un ensemblede molécules (comme la leptine, l’adiponectine, la visfatine etla résistine) produites majoritairement par le tissu adipeux.Les adipokines sont impliquées dans divers processus phy-siologiques, mais leur participation à la réaction inflammatoireet aux réponses immunes a été établi relativement récem-ment.Leur contribution dans les maladies inflammatoires comme lesrhumatismes inflammatoires chroniques et les maladies auto-immunes et également l’arthrose, est donc en pleine explora-tion actuellement, suscitant des réflexions physiopathologi-ques et thérapeutiques nouvelles.La leptine, la visfatine et la résistine ont des propriétés pro-inflammatoires alors que l’adiponectine exerce des actionsanti-inflammatoires, notamment sur le plan vasculaire. L’adi-ponectine est d’ailleurs considérée comme protectrice sur leplan cardiovasculaire.

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The influence of the treatments given in inflammatoryrheumatic diseases and autoimmune diseases (traditionaldrugs and biologics) on adipokines requires to be studied.

L’influence des traitements donnés dans les rhumatismesinflammatoires chroniques et maladies auto-immunes (traite-ments traditionnels et agents biologiques) sur les adipokinesmérite d’être étudiée.

É Toussirot

Les adipokines (ADK) sont des protéines produites majo-ritairement par le tissu adipeux blanc qui correspond à lagraisse sous-cutanée [1–3]. Ces molécules sont égalementproduites dans d’autres sites et par des cellules différentes,comme les cellules du système immunitaire [2]. Ainsi, le tissuadipeux n’est pas un organe inerte mais un tissu actif, àl’origine de la production de médiateurs intervenant dansdivers processus physiologiques comme la balance énergé-tique, l’appétit, la coagulation, la reproduction, le métabolismeosseux ainsi que la réaction immunitaire [1,3]. Le tissu adipeuxest constitué en majorité d’adipocytes, mais comporte égale-ment des cellules d’autres lignées comme des macrophages.Ces derniers peuvent produire des cytokines comme du TNFa etde l’IL-6. Le tissu adipeux est d’ailleurs une source importanted’IL-6, soit environ 30 % de l’IL-6 circulante [2]. Cette produc-tion de cytokines pro-inflammatoires explique d’ailleurs l’étatinflammatoire a minima observé chez les sujets obèses : ilexiste en effet une élévation de la C-reactive protein (CRP) ultrasensible chez les sujets en excès de masse adipeuse [4].Plus de 50 ADK sont décrites actuellement [3]. Leurs fonctionsne sont pas encore connues pour certaines molécules, maiselles sont impliquées dans la réaction inflammatoire. Lesprincipales ADK ayant été explorées dans le domaine desrhumatismes inflammatoires chroniques et maladies auto-immunes, mais aussi l’arthrose, sont la leptine, l’adiponectine,la visfatine et la résistine [1–3].

Principales adipokines et relations avec lesystème immunitaireLa leptine est une protéine de 16 kD codée par le gène ob chezl’animal et LEP chez l’homme. Il s’agit de la première ADK

GlossaireADK adipokineBASDAI Bath Ankylosing Spondylitis Disease

Activity IndexCRP C-reactive proteinDAS28 Disease activity score 28MCP-1 monocyte chemoattractant protein-1PR polyarthrite rhumatoïde

décrite dont la fonction principale est le contrôle de l’appétit.Les animaux déficients en leptine ou en son récepteur devien-nent obèses. Les taux de leptine sont directement dépendantsde la masse grasse et il existe une forte corrélation positiveentre quantité de tissu adipeux et taux de leptine. Les taux deleptine sont par ailleurs plus élevés chez les femmes que chezles hommes. Ses relations avec le système immunitaire sontsuggérées par l’atrophie thymique ou les défauts de réponseimmunitaire observés en cas de déficit en leptine chez l’animal.Inversement, ces animaux déficients en leptine sont résistantsau développement d’une maladie auto-immune. La leptine estconsidérée comme étant une hormone cytokine-like, ayant desinterrelations étroites avec les cellules de l’immunité innée etadaptative. Elle est principalement pro-inflammatoire : elleactive les monocytes/macrophages, stimule la production decytokines pro-inflammatoires comme l’IL-1b et le TNFa par cescellules, induit l’activation des cellules NK, des cellules dendri-tiques, stimule l’activation des lymphocytes T, favorise ladifférenciation des lymphocytes T vers un phénotype Th1. Elleest associée à une anergie des cellules T régulatrices (tableau I).L’effet global de la leptine est donc pro-inflammatoire [3]. Cespropriétés de la leptine sur l’inflammation ont été constatéeschez l’animal et également chez l’homme.L’adiponectine est l’ADK circulant au taux le plus élevé dansl’organisme [2]. Contrairement à la leptine, ses taux dans lesérum sont inversement reliés à la quantité de graisse. L’adi-ponectine est basse chez le sujet obèse, chez les patientsdiabétiques de type 2, les sujets avec un syndrome métabo-lique ou avec des complications cardiovasculaires. Sa principalefonction est de sensibiliser l’action de l’insuline. L’adiponectineest une ADK à activité anti-inflammatoire et ces propriétéss’appliquent, notamment sur les cellules de la paroi vasculairecomme les cellules endothéliales : l’adiponectine réduit l’ex-pression des molécules d’adhésion comme VCAM-1, E-sélectineet ICAM-1 au niveau des cellules endothéliales, elle diminuel’attachement des monocytes sur ces cellules de la paroivasculaire tout comme leur activation. L’adiponectine inhibela transformation des macrophages en cellules spumeuses etréduit l’accumulation de lipides dans ces cellules [5]. L’adipo-nectine est donc considérée comme protectrice vis-à-vis durisque cardiovasculaire et de développement de l’athérosclé-rose. Elle est inversement associée aux facteurs de risquecardiovasculaires traditionnels. Ses taux circulants sont inver-sement corrélés aux évènements coronaires, bien quecette dernière relation soit considérée comme étant defaible intensité [5]. L’adiponectine exerce des actions

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Tableau I

Effets de la leptine et de l’adiponectine sur les cellules de l’immunité acquise et adaptative

Immunité innée Immunité adaptative

Leptine Monocytes/macrophages : augmentation prolifération, fonction phagocytose,production IL-1, IL-6, TNFa

Activation Th1

Monocytes : augmentation CD25, augmentation CD71, IL1-RA Switch Ig2a

Macrophages : augmentation NOS, LTB4, COX2 Augmentation TNFa, IFNg

Neutrophiles : augmentation chimiotactisme, production peroxyde (-) Th2

Cellules dendritiques : augmentation maturation, augmentation Th1,IL-1, IL-12, IL-6, TNFa

Augmentation anergie T reg

Cellules NK : augmentation survie, cytotoxicité Maturation thymocytes

Stimulation lymphopoièse

Adiponectine Diminution phagocytose Diminution réponse lymphocytaire T

Diminution expression molécule adhésion endothélium augmentationIL-10, augmentation IL-1RA, diminution IFNg, diminution TNFa,

diminution NFkB, diminution IL-6 augmentation IL-8

Diminution lymphopoièse B

Adipocytokines : des acteurs de l’inflammation dans les rhumatismes inflammatoires chroniques et lesmaladies auto-immunes ? Rhumatologie/Immunologie

anti-inflammatoires sur les cellules immunitaires en freinantl’activation des monocytes/macrophages, des lymphocytes T,en favorisant la production de cytokines anti-inflammatoirescomme l’IL-10 ou l’IL1-RA(tableau I). Cependant, ces fonctionssont dépendantes de la forme moléculaire. En effet, après sasynthèse, l’adiponectine forme des oligomères et polymères.Cette polymérisation se fait par l’intermédiaire d’interactionsdans le domaine collagène de la molécule. Lorsque l’adipo-nectine est évaluée dans le sérum, il s’agit de sa forme totale ;des kits de dosage sont maintenant disponibles pour dosercertains isomères spécifiques comme les formes polymérisées.Le poids moléculaire de l’adiponectine diffère selon lapolymérisation : les polymères d’adiponectine correspondentaux isoformes de haut poids moléculaire et les trimères d’adi-ponectine aux isoformes de faible poids moléculaire. Il existeégalement une forme globulaire de l’adiponectine, dépourvuedu domaine collagène. Selon l’isoforme considéré et à partir dedonnées expérimentales chez l’homme, les propriétés biolo-giques sur la réaction inflammatoire ne sont pas les mêmes :ainsi, la forme de haut poids moléculaire de l’adiponectine estpro-inflammatoire alors que la forme de bas poids moléculaireest anti-inflammatoire [2].La visfatine est également une ADK insulino-mimétique. Lavisfatine a des actions pro-inflammatoires en induisant laproduction d’IL-1b, d’IL-6, de TNFa [3].La résistine est associée à l’insulino-résistance chez l’animal,mais cette fonction biologique n’est pas confirmée chezl’homme. Elle est produite par les adipocytes mais également

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par les monocytes et elle induit la production de cytokines pro-inflammatoires [3].

Adipokines, rhumatismes inflammatoireschroniques et maladies auto-immunesCompte tenu de ces différentes actions biologiques et desrelations avec le système immunitaire, les ADK ont fait l’objetd’explorations dans différentes maladies inflammatoires systé-miques et dans l’arthrose. Leurs taux ont été évalués dans lesérum, le liquide synovial de patients atteints de polyarthriterhumatoïde (PR) et d’autres formes d’arthrites, tout commeleur expression synoviale. Certains modèles animaux ouexpérimentaux permettent également d’appréhender leurseffets sur les cellules synoviales et/ou les chondrocytes.

Polyarthrite rhumatoïde

Les taux circulants de leptine chez les patients atteints de PRont été trouvés élevés comparativement à des sujets témoinsdans la plupart des études [6–8]. Certains auteurs ont noté unerelation entre le taux de leptine circulante et les marqueursd’activité de la maladie comme la CRP ou l’indice Disease

activity score 28 (DAS28) [8]. La leptine est exprimée dansle liquide synovial de patients atteints de PR avec des valeursplus élevées comparativement à des sujets témoins (liquidesynovial traumatique) [7]. Une étude a analysé les relationsentre les taux de leptine circulante et les lésions radiologiquesévaluées par le score de Larsen [9]. Dans cette analyse multi-variée prenant en compte certains facteurs comme l’âge, le

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É Toussirot

sexe, la race, l’inflammation (IL-6, TNFa et CRP), il était cur-ieusement observé une relation inverse entre la leptine circu-lante et le score de dommages structuraux (OR : 0,32 ; IC 95 % :0,17–0,61).Les études évaluant les taux circulants d’adiponectine dans laPR sont concordantes, elles montrent une élévation de l’adi-ponectinémie comparativement aux sujets témoins [8]. L’adi-ponectine est également trouvée au niveau du liquide synovialà des taux plus élevés comparativement à des liquides prove-nant de sujets arthrosiques. L’adiponectine est associée auxdégâts structuraux de la maladie [10] : dans une analysemultivariée portant sur 197 cas de PR, l’adiponectine étaitcorrélée au score radiologique de Sharp après ajustement pourles facteurs confondants comme la durée d’évolution, l’âge, laprésence de facteurs rhumatoïdes ou l’expression de l’épitopepartagé, la CRP ou la prise d’agents biologiques (p = 0,017). Surune série de 253 sujets atteints de PR débutantes, seulel’adiponectine était corrélée à la progression radiographiqueà 4 ans, après correction pour la positivité des anti-CCP [11].Enfin, après un suivi moyen de 3 ans, la progression structuraledans une série de 157 sujets atteints de PR était associée autaux moyen d’adiponectine (et non le taux d’adiponectine àl’inclusion) sur cette période de suivi [12]. Enfin, le tissuadipeux en intra-articulaire peut produire de l’adiponectine,tout comme de la leptine et des cytokines pro-inflammatoires,mais en quantité moindre comparativement au tissu synovial[13]. L’adiponectine est exprimée au niveau de la membranesynoviale, notamment par les synoviocytes fibroblastiques[14]. L’ajout d’adiponectine à une culture de synoviocytesfibroblastiques induit la production de monocyte chemoattrac-

tant protein-1 (MCP-1) et d’IL-6. Inversement et de façoncontradictoire, l’adiponectine est susceptible d’améliorer lescore d’arthrite lorsqu’elle injectée en intra-articulaire à dessouris ayant une arthrite au collagène et l’addition d’adipo-nectine à une culture de synoviocytes fibroblastiques diminuela synthèse d’IL-1b, de TNFa et de MMP3 [15].Les taux circulants de visfatine et résistine sont plus élevés dansla PR comparativement à des témoins [8].

Spondylarthrite ankylosante

Les études portant sur les ADK sont plus limitées dans laspondylarthrite ankylosante. Une étude a observé des tauxélevés de leptine comparativement aux sujets témoins, avecune relation entre la leptine et les marqueurs d’activité commela CRP ou l’indice Bath Ankylosing Spondylitis Disease Activity

Index (BASDAI) [16]. Inversement, 2 autres études ont trouvédes taux abaissés de leptine chez les patients et aucune relationavec les marqueurs d’activité [17].

Lupus érythémateux disséminé et syndrome deSjögren

Dans le lupus, la leptine circulante est augmentée tout commel’adiponectine [18]. Dans le syndrome de Sjögren primitif,

l’adiponectine est augmentée alors que les taux de leptinene différent pas de ceux des témoins [19].

Arthrite juvénile idiopathique

Pour les patients ayant des arthrites juvéniles idiopathiques, laleptine circulante est abaissée comparativement aux témoins,mais cette baisse est reliée aux troubles de la croissance et à ladiminution de l’indice de masse corporelle des patients [20].

Adipokines et cartilage

La leptine ainsi que l’adiponectine sont exprimés au niveau ducartilage avec une relation entre l’expression de la leptine et lasévérité de la dégradation cartilagineuse [21]. Chez l’animal, laleptine en intra-articulaire est susceptible d’induire la produc-tion de facteurs de croissance (IGF-I et TGFb), ainsi que lasynthèse de protéoglycanes [21]. Inversement, la leptine lors-qu’elle ajoutée à des chondrocytes en culture et en associationavec de l’IL-1b, induit l’expression de NOS2 et la production deNO, facteur délétère sur le plan du cartilage [22]. Ces donnéespermettent d’envisager un rôle physiopathologique de cesmédiateurs dans la dégradation cartilagineuse de l’arthrosemais également dans l’atteinte structurale de certains rhuma-tismes inflammatoires comme la PR.

DiscussionLes actions pro/anti-inflammatoires des différentes ADK sontdonc variables selon le contexte et le modèle expérimental. Laleptine a des propriétés principalement pro-inflammatoires etles explorations portant sur cette ADK dans la PR sont relative-ment concordantes. Toutefois, la relation négative entre lestaux de leptine dans le sérum et le score radiologique de Larsenest mal expliquée [9]. L’action anabolique (controversée égale-ment) de la leptine sur le cartilage pourrait expliquer cesrésultats [21]. L’adiponectine est principalement anti-inflam-matoire, notamment au niveau vasculaire et donc protectricevis-à-vis du risque cardiovasculaire [5]. Les taux élevés d’adi-ponectine dans la PR et les maladies auto-immunes comme lelupus et le Sjögren primitif pourraient refléter un mécanisme decontrôle des phénomènes inflammatoires. Cependant, la rela-tion adiponectinémie et score radiologique dans la PR estdifficilement expliquée. En fait, comme mentionné précédem-ment, la fonction pro ou anti-inflammatoire de l’adiponectineest dépendante de l’isoforme ou du poids moléculaire. Lesétudes cliniques ou expérimentales ont toutes évalué ou utiliséla forme globale de l’adiponectine ; il est donc difficile deconclure sur le rôle de cette ADK sans précision sur l’isoformeévalué (tableau II). Un niveau de complexité supplémentairevient s’ ajouter avec la description récente de la stimulation dedérivés de l’oxygène par la forme globulaire de l’adiponectine(qui est dosée avec les monomères et trimères de l’adiponec-tine, soit avec les formes de bas poids moléculaires) parles phagocytes mononucléés issus de liquide synovial de PR.

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Tableau II

Propriétés pro/anti-inflammatoires des adipokines (la leptine peut dans certaines circonstances comme les infections, limiter laréaction inflammatoire d’où un effet anti-inflammatoire ; l’activité pro/anti-inflammatoire de l’adiponectine dépend du poidsmoléculaire et de l’isoforme considéré)

Leptine Adiponectine Résistine Visfatine

Effets pro-inflammatoires ++ + ++ ++

Effets anti-inflammatoires + ++

(Sepsis) (Paroi vasculaire) – –

Administration intra-articulaire ND Induction ou améliorationarthrite ?

ND ND

Atteinte structurale/effets sur cartilage Protecteur ? Délétère Délétèreou protecteur ?

Délétère :chondrolyse

Chondrolyse ouchondro - protecteur ?

Chondrolyse ouchondro-protection ?

Bénéfices extra-articulaires – Diminution du risque cardiovasculaireet métabolique

ND ND

ND : non déterminé.

Adipocytokines : des acteurs de l’inflammation dans les rhumatismes inflammatoires chroniques et lesmaladies auto-immunes ? Rhumatologie/Immunologie

Inversement dans ce travail, les formes de haut poids molécu-laire inhibaient une telle production [23]. Le rôle des différentesADK dans la physiopathologie des atteintes viscérales desmaladies auto-immunes reste par ailleurs à préciser, commedans le lupus systémique ou les maladies systémiques.Par ailleurs, il existe des relations entre ces ADK et le syndromemétabolique. Le syndrome métabolique est en effet observédans les maladies inflammatoires comme la PR, le lupus et lerhumatisme psoriasique. L’adiponectine est protectrice vis-à-vis de ce syndrome par ses actions favorables sur la sensibilité àl’insuline. La leptine à certaines propriétés pro-athérogènestandis que la résistine joue un rôle certain dans l’insulino-résistance. La visfatine a des actions plus discutées sur l’insulinosécrétion chez l’homme [24].Il a été montré que certaines ADK variaient sous traitement defond traditionnel de la PR (exemple de l’augmentation del’adiponectine sous méthotrexate) [25]. Les traitements anti-TNFa s’accompagnent d’une fluctuation des ADK, avec desrésultats variables selon l’ADK considérée [26] : en fait, selonles publications, les ADK étudiées (leptine et adiponectine)augmentent, restent stables ou s’élèvent. Ces résultats diver-gents sont certainement à relier à un schéma de suivi différentselon les études. De façon intéressante, l’adiponectine s’élèvesous anti-TNFa, pouvant ainsi contribuer à l’amélioration durisque cardiovasculaire sous ce traitement [26].Du fait de ces actions pro/anti-inflammatoires, les ADK pour-raient elles constituer une cible thérapeutique ? Pour certains

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auteurs, des ciblages de la leptine peuvent se concevoir aumoyen d’anticorps bloquant ou de construction biologiqueéquivalente à un récepteur soluble [3]. Des ARNm interférantssont susceptibles de bloquer la synthèse de leptine et s’accom-pagnent d’une régulation de la production de MMP-13 dans unmodèle de culture de chondrocytes [27].

ConclusionIl existe donc un ensemble de molécules produites spécifique-ment mais non exclusivement par le tissu adipeux et corre-spondant à l’« adipokinome ». Les propriétés pro ou anti-inflammatoires de chaque molécule méritent d’être précisées.Les données expérimentales, les taux sanguins circulants(élevés dans la plupart des études) de ces médiateurs et leurexpression au niveau tissulaire (synoviale) donnent suffisam-ment d’arguments pour considérer ces molécules comme étantdes acteurs à part entière de l’inflammation synoviale. Cesmédiateurs interviennent dans la réaction inflammatoire pourl’amplifier /(l’atténuer) selon la molécule, contribuant ainsi auxlésions induites localement comme la dégradation structuraledans la PR ou dans les atteintes cartilagineuses de l’arthrose.Leur contribution relative par rapport à d’autres systèmesmoléculaires (chémokines, cytokines, NO. . .) est difficile àapprécier à l’heure actuelle mais leur implication est indéniableet il faut considérer ces molécules comme des intervenantsdans les réactions inflammatoires. Leur ciblage thérapeutiqueest très préliminaire pour l’instant et il faut se méfier dans cette

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É Toussirot

approche à ne pas interférer avec certaines fonctions physio-logiques (exemple de la leptine et du contrôle de l’appétit).Toutefois, des modèles expérimentaux ciblant ces médiateurspermettraient d’appréhender leur réelle contribution dans leschéma physiopathologique des maladies inflammatoires et/ou auto-immunes chroniques. L’adiponectine, du fait des sespropriétés anti-athérogènes, a un intérêt tout particulier pourles rhumatismes inflammatoires chroniques et le lupus érythé-

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Elevated adiponectin

mateux disséminé qui sont associés à une augmentation durisque cardiovasculaire. Nous avons certainement beaucoup àapprendre d’autres molécules adipocytaires nouvellementdécrites comme la chémérine, la lipocaline 2, l’omentine etla vaspine.

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Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

hritis. Arthritis Care

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tome 42 > n81 > janvier 2013