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Anticoagulation du sujet âgé : nouveautés thérapeutiques Carmelo Lafuente-Lafuente 1 , Éric Pautas 1,2 , Joël Belmin 1,2 1. Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière-Charles-Foix (APHP), site Charles-Foix, pôle de gériatrie Paris Val de Marne, 94205 Ivry-sur-Seine, France 2. Université Paris 6, faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie, 75634 Paris, France Correspondance : Carmelo Lafuente-Lafuente, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière-Charles-Foix, service hospitalo-universitaire de gérontologie La Triade, 7, avenue de la République, 94205 Ivry-sur-Seine, France. [email protected], [email protected] Disponible sur internet le : 9 janvier 2013 Presse Med. 2013; 42: 187196 ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com Me ´dicaments et personnes a ˆge ´es Dossier thématique 187 Mise au point Key points Anticoagulation of older patients: What is new? Vitamin-K antagonists (VKA) are the current standard for oral anticoagulation. However, they carry several problems in older patients: frequent bleeding complications, complex management, risk of interactions with multiple drugs. Two new classes of oral anticoagulants (NOA) are now available: direct thrombin inhibitors (dabigatran); and direct factor Xa inhibitors (rivaroxaban, apixaban) and others. Their management is easier: quickly effective after administration, they are given at fixed doses and do not need regular labora- tory monitoring. Several randomized trials have shown that NOA are non- inferior to heparins and VKA for treating venous thromboem- bolic disease (prophylactic or curative treatment) and atrial fibrillation (prevention of associated embolisms). NOA are also being studied for long-term treatment after acute cor- onary syndromes. Data regarding older people is still sparse. No trial has specifically studied older patients. In the context of atrial fibrillation, subgroup analysis show similar results between patients above and below 75 years old, except for dabigatran which seems to carry more bleeding complications in people older than 75 years, specially with the highest dose employed. Points essentiels Les traitements par antivitamine K (AVK) sont actuellement les anticoagulants oraux de référence. Cependant, ils ont plusieurs inconvénients chez le patient âgé : une iatrogénie fréquente par complications hémorragiques, la complexité de leur maniement, le risque d’interactions médicamenteuses chez des patients souvent nécessitant une polymédication. Des nouveaux anticoagulants oraux (NAO) sont disponibles : antithrombine (dabigatran); inhibiteurs du facteur X activé (rivaroxaban, apixaban), et d’autres sont en développement. Leur utilisation est plus simple : l’effet est rapide, ils sont administrés à des doses fixes, une surveillance biologique n’est pas nécessaire. Plusieurs essais randomisés ont montré globalement une non- infériorité des NAO avec les héparines et les AVK dans la maladie thromboembolique veineuse et dans la fibrillation atriale. Les NAO sont en cours d’étude dans le syndrome coronaire aigu. Les données chez la personne âgée sont encore limitées. Aucune étude n’a été réalisée spécifiquement chez le patient âgé. Dans le cadre de la fibrillation atriale, des analyses en sous-groupes montrent des résultats similaires entre les plus et les moins de 75 ans, sauf avec le dabigatran pour lequel un excès de complications hémorragiques apparaît chez les plus de 75 ans avec la dose la plus élevée. tome 42 > n82 > février 2013 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.05.031

Anticoagulation du sujet âgé : nouveautés thérapeutiques

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Presse Med. 2013; 42: 187–196� 2012 Elsevier Masson SAS.Tous droits réservés.

en ligne sur / on line onwww.em-consulte.com/revue/lpmwww.sciencedirect.com Medicaments et personnes agees

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Key points

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Vitamin-K antagonists (VKA) aoral anticoagulation. However,in older patients: frequent bleemanagement, risk of interactionTwo new classes of oral antavailable: direct thrombin inhibfactor Xa inhibitors (rivaroxabanmanagement is easier: quickly ethey are given at fixed doses antory monitoring.Several randomized trials haveinferior to heparins and VKA for

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specifically studied older patiefibrillation, subgroup analysis spatients above and below 75 yewhich seems to carry more bleeolder than 75 years, specially wit

tome 42 > n82 > février 2013http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.05.031

Anticoagulation du sujet âgé : nouveautésthérapeutiques

Carmelo Lafuente-Lafuente1, Éric Pautas1,2, Joël Belmin1,2

1. Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière-Charles-Foix (AP–HP), site Charles-Foix, pôlede gériatrie Paris Val de Marne, 94205 Ivry-sur-Seine, France

2. Université Paris 6, faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie, 75634 Paris, France

Correspondance :Carmelo Lafuente-Lafuente, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière-Charles-Foix,service hospitalo-universitaire de gérontologie La Triade, 7, avenue de laRépublique, 94205 Ivry-sur-Seine, [email protected], [email protected]

Disponible sur internet le :9 janvier 2013

nts: What is new?

re the current standard for they carry several problemsding complications, complexs with multiple drugs.icoagulants (NOA) are nowitors (dabigatran); and direct, apixaban) and others. Theirffective after administration,

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shown that NOA are non-treating venous thromboem-urative treatment) and atrialciated embolisms). NOA are

treatment after acute cor-

is still sparse. No trial hasnts. In the context of atrial

how similar results betweenars old, except for dabigatranding complications in peopleh the highest dose employed.

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Points essentiels

Les traitements par antivitamine K (AVK) sont actuellementles anticoagulants oraux de référence. Cependant, ils ontplusieurs inconvénients chez le patient âgé : une iatrogéniefréquente par complications hémorragiques, la complexité deleur maniement, le risque d’interactions médicamenteuseschez des patients souvent nécessitant une polymédication.Des nouveaux anticoagulants oraux (NAO) sont disponibles :antithrombine (dabigatran); inhibiteurs du facteur X activé(rivaroxaban, apixaban), et d’autres sont en développement.Leur utilisation est plus simple : l’effet est rapide, ils sontadministrés à des doses fixes, une surveillance biologiquen’est pas nécessaire.Plusieurs essais randomisés ont montré globalement une non-infériorité des NAO avec les héparines et les AVK dans lamaladie thromboembolique veineuse et dans la fibrillationatriale. Les NAO sont en cours d’étude dans le syndromecoronaire aigu.Les données chez la personne âgée sont encore limitées.Aucune étude n’a été réalisée spécifiquement chez le patientâgé. Dans le cadre de la fibrillation atriale, des analyses ensous-groupes montrent des résultats similaires entre les plus etles moins de 75 ans, sauf avec le dabigatran pour lequel unexcès de complications hémorragiques apparaît chez les plus de75 ans avec la dose la plus élevée.

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All NOA are eliminated at least partly by kidneys. Their dosemust be reduced in moderate renal failure (filtration glome-rular rate (FGR) 30 to 50 ml/min) and they are contra-indicated in severe renal failure (FGR < 30 ml/min). Dosesof dabigatran and apixaban should be reduced in olderpeople too.NOA also have other unresolved problems: drug interactionsare still possible, specific coagulation test to assess them mustbe developed, and no specific antidote is currently available incase of hemorrhagic complication.

Les NAO sont éliminés en partie par voie rénale. Il faut réduireleur dose en cas d’insuffisance rénale modérée (débit defiltration glomérulaire [DFG] de 30 à 50 ml/min) et ils sontcontre-indiqués en cas d’insuffisance rénale sévère(DFG < 30 mL/min). Des réductions de doses sont aussinécessaires chez la personne âgée (dabigatran et apixaban).Les NAO posent d’autres problèmes : certaines interactionsmédicamenteuses doivent être connues, des tests de coagula-tion spécifiques restent à valider pour permettre d’évaluer leureffet dans certaines situations particulières, il n’existe pasd’antidote en cas d’accident hémorragique ou de surdosage.

C Lafuente-Lafuente, É Pautas, J Belmin

L’incidence des maladies thromboemboliques augmenteclairement avec l’âge, ce qui explique l’importance de laproblématique de l’anticoagulation dans la population géria-trique. La maladie thromboembolique veineuse et la fibrillationauriculaire sont les deux indications principales des anticoagu-lants chez les sujets âgés. Les traitements par antivitamine K(AVK) sont, depuis des dizaines d’années, les seuls anticoagu-lants utilisables par voie orale, permettant le traitement au longcours de ces maladies thromboemboliques. Leur maniementreste complexe, notamment chez les patients les plus âgés.Depuis longtemps, chercheurs et industrie pharmaceutiqueétudient donc très activement des alternatives aux AVK,n’ayant pas leurs inconvénients. Finalement, des nouveauxanticoagulants oraux (NAO) ont été développés et récemmentcommercialisés, avec des indications qui s’étendent rapide-ment. Nous discutons dans cet article les inconvénients et lesavantages relatifs des AVK et des NAO chez les personnesâgées.

Certaines problématiques des traitementspar antivitamine K chez le sujet âgé sont-elles communes avec les nouveauxanticoagulants ?

Balance bénéfice–risque du traitementanticoagulantLes traitements par AVK sont grevés d’une iatrogéniefréquente évidemment dominée par leurs accidents hémor-ragiques, responsables d’environ 4000 décès par an en Franceet première cause d’hospitalisation pour accident iatrogène,notamment chez les patients âgés [1]. L’âge est un facteur derisque de saignement sous AVK, avec un poids significatif dansla majorité des scores construits pour estimer le risque hémor-ragique d’un patient, principalement évalué dans le cadre destraitements au long cours de la fibrillation atriale (FA) [2–5].Mais un âge chronologique élevé ne suffit pas à individualiser

une population de sujets fragiles et ne doit pas mener à unesous-prescription des AVK, pourtant observée dans toutes lesenquêtes menées sur des cohortes de patients en FA [6,7]. Unpatient ne peut être privé du bénéfice démontré d’une théra-peutique au seul motif de l’âge, d’autant que le bénéfice desAVK, en termes de réduction du risque thromboembolique, esttel dans la population âgée qu’il permet d’accepter leur risquehémorragique, la balance bénéfice-risque penchant en faveurde leur indication [8,9].Ainsi, dans des analyses en sous-groupes, des essais menésdans la FA, comme dans des études de cohortes, les patientsâgés sont ceux qui ont la réduction du risque embolique laplus importante avec les AVK [10,11]. Par exemple, dans despopulations de patients en FA non sélectionnés, d’âge moyen80 ans, le bénéfice du traitement est majeur puisqu’il suffit detraiter 11 patients pour éviter 1 AVC, ce qui semble dépasser lerisque hémorragique [12,13]. Les dernières recommandationsde la Société europeénne de cardiologie sur la prise en chargede la FA confirment que l’âge est un facteur de risque embo-lique majeur et que le traitement anticoagulant oral doit êtresystématiquement proposé à tous les patients âgés de 75 ansou plus [14]. Pour les nouveaux anticoagulants oraux (NAO),cette évaluation de la balance bénéfice–risque devra être faitedans des populations de patients gériatriques, par exemple àl’aide de registres au décours de leur utilisation en pratiquequotidienne, hors essais thérapeutiques.

Risque hémorragique et maladies gériatriques

Nous allons volontairement limiter notre propos aux troublescognitifs et aux chutes, deux situations souvent évoquéescomme facteurs explicatifs d’une sous-prescription des AVKdans la population gériatrique, alors que leur rôle dans lamajoration du risque hémorragique est discutable.Il n’a ainsi jamais été démontré que la démence majorait lerisque hémorragique, même s’il est primordial d’évaluerl’environnement d’un patient dément et de repérer un pos-sible déficit cognitif pour ne pas laisser au patient la responsa-bilité d’un traitement par AVK qu’il ne peut gérer

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correctement [15]. La formation de l’entourage du patient à lagestion du traitement anticoagulant est alors centrée surl’importance de l’observance en termes de prises médica-menteuses, de surveillance biologique, et de détection descomplications hémorragiques. En dehors de la surveillancebiologique, nous verrons que les problématiques d’obser-vance restent importantes pour les NAO, ce qui laisse toutson intérêt à l’éducation thérapeutique des patients et/ou deleur entourage.Pour ce qui concerne les chutes, la crainte est surtout celled’un hématome intracrânien. Or, même si un traitement parAVK majore le risque de survenue d’un hématome intracrâ-nien chez des patients âgés chuteurs, les chutes ne doiventpas être une contre-indication aux AVK car leur bénéficepréventif d’un AVC embolique reste globalement plus élevéque leur risque d’hématome intracérébral [16,17]. Chez des« chuteurs » hospitalisés, 5 à 10 % des chutes entraînent unecomplication hémorragique majeure mais les patients sousAVK n’ont pas un risque majoré, et il a été calculé qu’il fautqu’un patient sous AVK chute 295 fois par an pour que lerisque d’hématome intracérébral devienne supérieur aubénéfice préventif d’AVC embolique [17]. Une chute ne doitdonc pas conduire systématiquement à l’arrêt ou à la non-prescription d’un AVK, mais doit conduire à une évaluationétiologique précise car une prise en charge multifactorielledes chutes limite le risque de récidive [18]. Cette probléma-tique des chutes ne devrait pas être très différente avecl’utilisation des NAO, mais c’est un point qui pourra êtrespécifiquement évalué chez les patients les plus âgés.

Polymédication et risque hémorragique

Corollaire d’une polypathologie fréquente en pratique géria-trique, la polymédication est un facteur de risque hémorragiquereconnu comme l’ont démontré des études de cohortes notantune relation entre risque hémorragique et nombre de médica-ments co-prescrits avec l’AVK.Le premier type de co-prescription dangereuse consiste dansl’association de l’AVK à un autre médicament à risque hémor-ragique, les antiagrégants plaquettaires et les anti-inflamma-toires non stéroïdiens étant les plus fréquemment incriminés[19]. Il est donc nécessaire de toujours évaluer l’absoluenécessité de telles associations, d’autant que des recomman-dations récentes ont précisé la place restreinte de la co-pre-scription des antiagrégants plaquettaires avec les AVK,principalement dans le cas d’une FA associée à une maladieathéromateuse [14]. Comme nous allons le voir, ce type deco-prescription reste à risque avec les NAO.Le deuxième type de co-prescription à risque avec les AVKconcerne les médicaments ayant une interaction pharmacolo-gique avec les AVK, entraînant un surdosage. Pour ne citer queles interactions les plus fréquentes chez les patients âgés, sontpar exemple concernés les antibiotiques, les antifongiques

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azolés, l’amiodarone, les hypolipémiants statines et fibrates[19]. Comme détaillé plus loin, le risque global d’interactionspharmacologiques paraît moins fréquent avec les NAO.

Difficultés pratiques du maniement des traitementspar antivitamine K

Les problèmes posés par les AVK débutent dès la phased’initiation du traitement. En effet, la variabilité interindivi-duelle de leur effet anticoagulant fait que la posologie initialeest probatoire. Il existe donc obligatoirement une phased’équilibration du traitement avec un risque d’instabilitédes INR et de variations posologiques, et il a bien été montréque la phase initiale du traitement AVK était la période la plus àrisque de complications hémorragiques [3]. L’utilisation d’unschéma d’initiation peut néanmoins améliorer l’obtention dela posologie d’équilibre, mais de tels schémas, dont un spéci-fique au sujet âgé, n’ont été validés que pour la warfarine(CoumadineW) [20,21] (tableau I). Cette phase d’initiationdevrait être simplifiée de façon notable avec les NAO car ilsseront prescrits à dose fixe et car leur délai d’action bien pluscourt que celui des AVK permettra, dans la grande majorité desindications, de les utiliser d’emblée sans nécessité d’unehéparinothérapie initiale.La rigueur de la surveillance biologique des AVK par l’INR estd’autant plus importante que le patient est âgé, car la varia-bilité des INR et la fréquence des surdosages semblent plusimportantes dans la population gériatrique [22,23]. Il estcependant possible de limiter cette variabilité en améliorantle suivi des patients grâce à une éducation thérapeutique bienmenée (et ciblée pour les patients âgés et/ou leur entourage)ou grâce à une prise en charge par des cliniques des anti-coagulants (mais ces structures sont peu développées enFrance) [15,24].Malgré tout, l’absence de surveillance biologique est un avan-tage théorique important des NAO. Néanmoins, cette surveil-lance biologique participe clairement à l’évaluation du risquedu traitement par AVK chez des patients âgés fragiles et peut seposer la question de cette évaluation pour les NAO sans avoirrecours à cet élément. Des interrogations peuvent aussi êtresoulevées sur la qualité de l’observance, qui sera très difficile àévaluer en l’absence de suivi biologique et qui ne reposera quesur l’interrogatoire du patient. Pour l’instant, il n’y a pas dedonnée sur ces points inhérents à l’absence de suivi biologique,encore moins pour les sujets âgés. La plupart des essais cliniquespubliés qui ont montré l’efficacité des NAO n’ont notammentpas spécifiquement évalué l’observance de ces traitements.

Nouveaux anticoagulants oraux

Vision d’ensemble : caractéristiques principalesDeux nouvelles classes d’anticoagulants oraux ont été déve-loppées jusqu’à présent :

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Tableau I

Schéma d’initiation de la warfarine (CoumadineW) chez le patient âgé de plus de 70 ans (dont le TP avant traitement est supérieur à70 % et l’INR cible entre 2 et 3) [20,21]

Jour INR matin Posologie quotidienne (soir) de warfarine en mg (dose en cp. à 2 mg)

1re prise = j0 ND 4 mg (2 cp.)

2e prise = j1 ND 4 mg (2 cp.)

3e prise = j2 ND 4 mg (2 cp.)

j3 (= lendemain de la 3e prise) < 1,3 Augmenter à 5 mg (2 cp. et ½)

1,3 � INR < 1,5 Maintenir à 4 mg (2 cp.)

1,5 � INR < 1,7 Diminuer à 3 mg (1 cp. et ½)

1,7 � INR < 1,9 Diminuer à 2 mg (1 cp.)

1,9 � INR < 2,5 Diminuer à 1 mg (un ½ cp.)

INR � 2,5 Arrêter jusqu’à l’obtention d’un INR < 2,5 (INR tous les jours)puis reprendre à 1 mg (un ½ cp)

j6 W 1 � 1,6 Augmenter de 1 mg (un ½ cp.)

1,6 < INR � 2,5 Maintenir même dose

2,5 < INR � 3,5 Si dose warfarine � 2 mg diminuer la dose de 1 mg (un ½ cp.)

Si dose warfarine = 1 mg maintenir la dose à 1 mg (un ½ cp.)

INR > 3,5 Cf gestion d’un surdosage en AVK

cp : comprimé ; INR : « international normalized ratio » ; ND : non déterminé.

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� les inhibiteurs directs de la thrombine (IDT), dénominationscommunes terminées par « -gatran » ;

� les inhibiteurs directs du facteur X activé (IDXa), dénomina-tions communes terminées par « -xaban ».

Nous parlerons surtout des trois molécules les plus étudiéesjusqu’à présent : dabigatran, rivaroxaban et apixaban. Letableau II résume leurs caractéristiques pharmacologiquesessentielles.Après une absorption orale rapide (pic plasmatique en 1 à3 heures), ces médicaments agissent directement sur leurcible : ils inhibent de façon réversible l’activité de la thrombineet du facteur Xa plasmatiques, respectivement, même quandces derniers sont liés au caillot [25]. L’effet anticoagulant n’estpas retardé, il apparaît dès la première dose et suit de près lesconcentrations plasmatiques. Nul besoin donc d’initiation pro-gressive du traitement pendant plusieurs jours, comme c’est lecas des AVK.Une autre grande différence avec les AVK est que la pharma-cocinétique et la pharmacodynamie des IDT et des IDXaentraînent beaucoup moins de variabilité intra- et interindi-viduelle que les AVK [26]. De ce fait, les IDT et les IDXapeuvent être administrés à des doses fixes, à ajuster enfonction de l’âge et de la fonction rénale du patient et, desfois, du poids (apixaban) (tableau III). Quelques questions surle choix de la dose chez la personne âgée restent cependant

ouvertes, comme nous le verrons plus loin. Finalement, puis-que la dose est assez prédictible et que la marge thérapeu-tique est bien plus large, un suivi systématique des tests decoagulation n’est pas nécessaire avec les NAO. D’ailleurs,l’utilisation des tests de laboratoire les plus adaptés à leursurveillance, quand elle s’avère nécessaire, est encore encours de validation.Ces NAO ont des demi-vies moyennes assez similaires, entre8 et 14 h. L’élimination est presque exclusivement rénale(80 %) pour le dabigatran et mixte, rénale et hépatobiliaire,pour le rivaroxaban et l’apixaban (tableau II). Ainsi, la présenced’une insuffisance rénale ou, plus rarement d’une insuffisancehépatique, obliger à modifier les doses, voire à interdire leurusage si l’insuffisance est sévère. Si la fonction rénale estnormale, l’effet anticoagulant des NAO diminue rapidementaprès leur arrêt, avec une baisse importante des concentrationsplasmatiques et de l’effet anticoagulant après 12 heures [27].Les quelques études pharmacologiques réalisées chez les sujetsâgés montrent que, à dose égale, l’exposition au médicament(l’aire sous la courbe des concentrations plasmatiques) estaugmentée par rapport aux sujets plus jeunes (tableau II)

[28–30]. Les données sont limitées et il n’est pas bien établisi ces différences observées sont uniquement dues à la diminu-tion de la fonction rénale souvent observée chez le patient âgéou si d’autres mécanismes interviennent. Dans le cas du

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Tableau II

Nouveaux anticoagulants oraux : Caractéristiques pharmacologiques

Caractéristiques Anti-IIa Anti-Xa

Dabigatran Rivaroxaban Apixaban

Biodisponibilité 6 % 80–90 % 34–88 %

T max (h) 1,25–3 2–4 1–3

T ½ (h) 12–14 9–13 9–14

Excrétion rénale 80 % 66 % 24 %

Modifications chezle sujet âgé

"" AUC � 1,7–2 fois," C max de 25 %

T max et T ½ égales [28]

" AUC � 1,5 fois,# CL de 10-20 %

T max égal [29,30]

" C max et " AUC de 30 %T max et T ½ similaires [31]

Interactions médicamenteusesprincipales1

Inhibiteurs (ex. amiodarone, vérapamil,quinidine) ou inducteurs (ex. millepertuis,

rifampicine) de la p-GP

Inhibiteurs ou inducteursde la p-GP.

Inhibiteurs ou inducteursdu CYP3A4

Inhibiteurs (ex. kétoconazole,érythromycine, clarithromycine,

ritonavir) ou inducteurs(ex. rifampicine, phénytoïne,

carbamazépine, phénobarbital)du CYP3A4

Adapté de Garcia et al. [25].AUC = aire sous la courbe ; CL = clairance du médicament ; C max = concentration plasmatique maximale (pic) ; p-GP = p-glycoprotéine ; T max = temps pour atteindre le picplasmatique ; T ½ = demi-vie moyenne.1 Liste non exhaustive, consulter le résumé des caractéristiques de chaque produit.

Anticoagulation du sujet âgé : nouveautés thérapeutiquesMedicaments et personnes agees

dabigatran [28] et de l’apixaban [31], ces études montrent uneaugmentation des concentrations plasmatiques au pic avec peude variation de la demi-vie, ce qui pourrait correspondre à uneaugmentation de la biodisponibilité chez les personnes âgées.

Tableau III

Nouveaux anticoagulants oraux : doses pour un traitement curatif

Cas de figure Anti-IIa

Dabigatran1 (PradaxaW

)

Dose de maintien 150 mg � 2/j

Traitement en phase aiguë de lamaladie thromboembolique veineuse

Même dose, après 5 jours dHBPM à dose curative

Patients > 75–80 ans 110 mg � 2/j

Insuffisance rénale modérée(DFG entre 30 et 50 mL/m)

150 mg � 1/j

Insuffisance rénale sévère(DFG < 30 mL/m)

Contre-indiqués !

DFG : débit de filtration glomérulaire ; � 1/j : une fois par jour ; � 2/j : deux fois par jour (recommandations pouvant évoluer, le lecteur devra les vérifier dans le résumé des cara1 Indications en France selon l’AMM : prévention thromboembolique veineuse en cas de

systémique chez les patients avec fibrillation atriale non valvulaire et facteur de risque (p2 Indications en France selon l’AMM : Prévention d’évènement thromboembolique veineux

l’AVC et de l’embolie systémique chez les patients avec fibrillation atriale non valvulaire et facrécidives sous forme de TVP et d’embolie pulmonaire (EP) suite à une TVP aiguë chez l’ad

3 Indications en France selon l’AMM : prévention d’évènement thromboembolique veineuxdétails voir RCP).

4 Dans les essais cliniques publiés, l’apixaban était réduit à 2,5 mg � 2/j si le patient av

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Dans le cas du rivaroxaban, on observe plutôt chez le sujet âgéune réduction de la clairance totale du médicament [29,30],mais sans savoir si elle suit à une réduction de l’excrétion rénaleou bien du métabolisme hépatique.

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(maladie thromboembolique veineuse et fibrillation atriale)

Anti-Xa

Rivaroxaban2 (XareltoW

) Apixaban3 (EliquisW

)

20 mg � 1/j 5 mg � 2/j

’une 15 mg � 2/j pendant 3 semaines,sans HBPM initiale

Etudes non publiées

20 mg � 1/j 2,5 mg � 2/j4

15 mg � 1/j 2,5 mg � 2/j4

matin et soir). Note : recommandations de dosage au jour de l’écriture de cet article. Cesctéristiques de chaque produit avant de le prescrire.

chirurgie pour prothèse de hanche ou de genou ; prévention de l’AVC et de l’embolieour détails voir RCP).

lors d’intervention chirurgicale de prothèse hanche ou prothèse du genou ; prévention deteur de risque ; Traitement des thromboses veineuses profondes (TVP) et prévention desulte (pour détails voir RCP).

lors d’intervention chirurgicale de prothèse de prothèse de la hanche ou du genou (pour

ait 2 des 3 facteurs suivants : âge > 80 ans, DFG < 50 mL/min, poids < 60 kg.

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C Lafuente-Lafuente, É Pautas, J Belmin

Comme attendu, le principal problème de tolérance des NAO,tout comme pour les AVK, est leur risque hémorragique. Lestaux de saignement, toutes sévérités confondues, observésdans les essais cliniques, sont de 15 à 20 % au décours d’untraitement prolongé, taux égaux ou légèrement inférieurs àceux retrouvés sous AVK. Concernant les hémorragies majeuresnotées dans les essais cliniques, il semble exister une diminu-tion relative des hémorragies intracérébrales par rapport auxAVK. Autre que le risque d’hémorragie, les NAO sont en généralbien tolérés. Le dabigatran a une mauvaise tolérance digestivechez 12 % des patients (dyspepsie, nausées, douleurs abdo-minales, diarrhée). Enfin, d’autres effets secondaires sontdécrits avec les NAO dans les études cliniques, avec unefréquence égale aux AVK : rash, douleurs musculaires ouarticulaires, élévation des transaminases, etc.

Efficacité des nouveaux anticoagulants oraux

Plusieurs grandes études randomisées contrôlées ont étécomplétées et leurs résultats publiés au cours des dernièresannées. Dans l’ensemble, il s’agit d’essais cliniques de bonnequalité méthodologique et incluant un grand nombre depatients. Ils ont testé les NAO dans la maladie thromboembo-lique veineuse (prévention ou traitement curatif), la FA(prévention des embolies cérébrales et systémiques) et lamaladie coronaire (prévention de nouveaux épisodes cardio-vasculaires après un syndrome coronaire aigu [SCA]).Les NAO ont montré leur non-infériorité aux héparines de baspoids moléculaire (HBPM) dans la prévention de la maladiethromboembolique veineuse après une chirurgie orthopédique[25]. Pour cette indication, le dabigatran (dabigatran étexilate[PradaxaW]) et le rivaroxaban (XareltoW) sont actuellementcommercialisés en France, ainsi que l’apixaban (EliquisW).Concernant le traitement curatif de la maladie thromboembo-lique veineuse, des essais randomisés de bonne taille étudiantle dabigatran et le rivaroxaban ont été publiés. L’âge moyendes patients inclus était de 55 à 61 ans et il n’était pas prévud’adaptation de dose avec le dabigatran et le rivaroxaban.L’étude avec le dabigatran incluait 2564 patients avec throm-bose veineuse profonde et/ou embolie pulmonaire et compa-rait le dabigatran aux AVK, après un traitement initial par HBPMdans tous les cas [32]. L’étude avec le rivaroxaban, incluant3449 patients avec thrombose veineuse profonde, sans embo-lie pulmonaire, le comparait aussi au schéma de référenceHBPM puis AVK, mais le rivaroxaban était, dans son bras, letraitement curatif d’emblée, sans traitement initial par desHBPM [33]. Dans ces deux études, l’efficacité des NAO étaitnon inférieure à celle du traitement de référence, avec un tauxégal d’hémorragies.Le dabigatran, le rivaroxaban et l’apixaban ont montréégalement, tous les trois, leur efficacité dans la préventiondes embolies et accidents vasculaires cérébraux (AVC) asso-ciés à la FA, dans des essais randomisés de grande taille :

18 113 patients inclus pour le dabigatran [34], 14 264 pour lerivaroxaban [35], et 18 201 pour l’apixaban [36]. Globale-ment, les résultats de ces essais ont montré une non-in-fériorité des NAO par rapport aux AVK dans cette indicationsur le critère d’évaluation principal, qui était dans les 3 cas lenombre total d’AVC (ischémiques et hémorragiques), avec untaux similaire d’hémorragies. Quelques avantages pourraientmême exister dans les cas du dabigatran et de l’apixaban.Ainsi, l’étude comparant apixaban et warfarine montrait unléger avantage de l’apixaban, tant sur le taux d’hémorragiessévères (�1 % par an, p = 0,001) que sur la réduction desAVC et embolies systémiques (�0,3 % par an, p = 0,01) [36].Concernant le dabigatran, la plus haute des deux dosesutilisées (150 mg � 2/jour) était légèrement meilleureque la warfarine pour diminuer le nombre d’embolies systé-miques et AVC, alors que la plus petite dose (110 mg � 2/jour) s’accompagnait d’un peu moins d’hémorragiessévères ; cependant, ces différences étaient faibles :�0,6 % d’évènements par an dans les deux cas [34].Le dabigatran est déjà disponible en France avec une AMM pourla prévention des embolies/AVC chez des patients adultesayant une FA non valvulaire ainsi que le rivaroxaban ; l’apix-aban a une procédure d’AMM européenne en cours pour cetteindication.Enfin, le rivaroxaban et l’apixaban ont été étudiés dans laprévention secondaire d’évènements cardiovasculaires aprèsun SCA, avec des résultats divergents. Un grand essai rando-misé contrôlé, incluant 15 526 patients et publié récemment, amontré que le traitement chronique par rivaroxaban à dosesréduites (2,5 à 5 mg � 2/jour) après un SCA, en plus dutraitement antiplaquettaire (92 % des patients recevaient deuxantiagrégants plaquettaires), diminue l’incidence d’évène-ments cardiovasculaires graves (rivaroxaban : 8,9 % évène-ments par an, placebo : 10,7 %, p = 0,008), au coût d’uneaugmentation des hémorragies (rivaroxaban : 2,1 % hémorra-gies graves par an, placebo : 0,6 %, p < 0,0001) [37]. Enrevanche, un essai similaire avec l’apixaban a été arrêté defaçon prématurée en raison d’un taux d’hémorragies sévèressignificativement plus important, sans évidence d’une effica-cité supérieure [38].

Nouveaux anticoagulants oraux : problèmesnon résolus

Patient insuffisant rénalCes nouveaux anticoagulants ont tous une élimination rénaleplus ou moins importante (tableau II) et la fonction rénale esttoujours à vérifier avant leur utilisation. Jusqu’à présent, lespatients ayant une insuffisance rénale sévère (débit de filtra-tion glomérulaire (DFG) < 30 mL/min) ont été exclus systéma-tiquement des essais cliniques. En conséquence, ce degréd’insuffisance rénale doit être considéré une contre-indication

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formelle à leur utilisation. De plus, en cas d’insuffisance rénalemodérée (DFG entre 30 et 50 mL/min), des réductions dedoses sont recommandées (tableau III).Actuellement, il n’est pas bien établi quelle est la meilleureformule pour estimer le DFG chez la personne âgée, siCockcroft-Gault ou MDRD. Dans les résumés des caractéristiquesdes produits les recommandations de dosage sont données enfonction de la clearance de créatinine, si elle est inférieure à50 ou à 30 mL/min. La formule de Cockcroft-Gault semble fairedes estimations plus rapprochées de la clearance de la créa-tinine que MDRD chez la personne âgée [39], mais la clearancede la créatinine peut être une mesure imparfaite du DFG. Étantdonnée que cette controverse n’est pas résolue, nous avonspréféré de parler tout au long de cet article de « débit defiltration glomérulaire (DFG) » plutôt que de l’une ou l’autre desformules possibles pour son estimation.Il faut aussi se rappeler de réduire la dose ou d’arrêter cesanticoagulants en cas de survenue d’une insuffisance rénaleaiguë, jusqu’à ce que la fonction rénale s’améliore. En théorie, ilserait possible de développer et valider des schémas de dosageen cas d’insuffisance rénale sévère, mais ce travail reste à faire.

Utilisation chez le patient âgé

Aucune étude sur les NAO n’a été spécifiquement réalisée chezles patients âgés, pour le moment. Les essais conduits avec desNAO pour le traitement de la maladie thromboembolique vei-neuse et le SCA ont même surtout inclus des patients jeunes(moyenne d’âge autour de 50–60 ans). En revanche, les étudesréalisées chez les patients en FA ont inclus de nombreux patientsâgés (âge moyen de 70 à 73 ans). Les analyses par sous-groupesd’âge effectuées à partir des études avec les IDXa, rivaroxaban etapixaban, ne montrent pas de différence statistiquement sig-nificative entre les patients de plus et de moins de 75 ans, ni surl’efficacité ni sur le risque hémorragique [35,36]. Il est importantde noter que, dans toutes les études avec l’apixaban, uneréduction de dose de moitié a été faite pour les patients de plusde 80 ans qui avaient soit un poids inférieur à 60 kg, soit uneinsuffisance rénale modérée (tableau III).Dans le cas du dabigatran, l’analyse par sous-groupes d’âgemontre que son efficacité pour la prévention d’événementsemboliques, comparée à la warfarine, est similaire chez lespatients de plus de 75 ans (non-infériorité de la dose de110 mg � 2/j, légère supériorité de la dose de 150 mg � 2/j)[40]. En revanche, cette analyse montre aussi une augmentationsignificative des hémorragies sévères chez les patients de plus de75 ans comparés aux sujets plus jeunes, augmentation plusprononcée avec la dose de 150 mg � 2/jour [40]. De ce fait,la dose de dabigatran recommandée pour les personnes âgées,même sans insuffisance rénale, est de 110 mg � 2/jour(tableau III).Il est intéressant de remarquer que les hémorragies intra-crâniennes ont été significativement moins fréquentes avec

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les nouveaux anticoagulants oraux – y compris le dabigatran –

que avec les AVK dans la plupart des essais cliniques publiés[34–36]. Ceci est très intéressant du point de vue clinique,surtout chez le sujet âgé, car l’hémorragie intracrânienne est lacomplication hémorragique la plus grave, celle qui a le plus derisque de mortalité ou de séquelles définitives.En résumé, les données des essais cliniques chez les patientsâgés ne sont disponibles que dans la FA, et encore de façonincomplète. Des réductions de doses de dabigatran et d’api-xaban doivent être appliquées chez les personnes âgées, encohérence avec les études pharmacologiques réalisées. Parcontre, les données des études pharmacologiques chez le sujetâgé étant limitées, il n’est pas bien établi si, dans le cas trèsfréquent du patient et âgé et insuffisant rénal modéré, uneréduction plus importante de la dose pourrait être nécessaire.

Interactions médicamenteuses

Les NAO ont des interactions médicamenteuses potentiellesmais leur nombre est nettement moins important que cellesdes AVK. Sont susceptibles d’interagir avec les NAO [26] :� les médicaments inducteurs (rifampicine) ou inhibiteurs

(amiodarone, quinidine, vérapamil, kétoconazole) de laP-glycoprotéine, protéine de transport qui limite l’absorptiondu dabigatran et du rivaroxaban ;

� les médicaments inducteurs (rifampicine, phénytoïne, carba-mazépine, phénobarbital) et inhibiteurs (kétoconazole,ritonavir, érythromycine, clarithromycine) du cytochromeP450 3A4, qui métabolise le rivaroxaban et l’apixaban.Malheureusement, l’attitude à suivre en cas d’administrationconcomitante des NAO et de ces médicaments n’est, pour laplupart, pas encore bien précisée ; le résumé des caractéris-tiques du produit ne mentionne souvent qu’un appel à la« prudence dans l’utilisation » de ces associations, difficile àinterpréter.

Bien entendu, comme pour les AVK, l’association avec d’autresantithrombotiques (anticoagulants ou antiagrégants plaquet-taires) augmente le risque d’hémorragie, comme nous avonsvu précédemment au sujet des essais cliniques faits dans lesyndrome coronaire aigu.

Traitement des surdosages et des accidentshémorragiques

Comme pour tout anticoagulant, et même si leur marge théra-peutique paraît large, l’utilisation des NAO va nécessairements’accompagner de cas de surdosages, qui seront parfoiscompliqués d’hémorragies. Compte tenu des données pharma-cologiques et cliniques parcellaires que nous avons détaillées,les patients âgés semblent particulièrement à risque, surtout encas de mésusage comme les premiers cas publiés tendent à lemontrer [41]. Contrairement aux AVKs, il n’existe pour lemoment aucun antidote pour ces NAO en cas d’hémorragie.Des administrations de facteur VII activé recombinant, de

193

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194

Encadre 1

Précautions à suivre avant de prescrire un inhibiteur direct de lathrombine ou du facteur Xa

� Vérifier l’indication d’un traitement anticoagulant.

� Vérifier qu’il n’existe pas un risque hémorragique excessif : des

scores de risque hémorragique ont été validés pour les AVK,

dont les scores OBRI [42] et HAS-BLED [43]. Il n’est pas connu si

ces scores sont applicables également, en tout ou en partie,

aux nouveaux anticoagulants.

� Éviter autant que possible l’association avec les

antiplaquettaires, surtout avec 2 antiplaquettaires

(augmentation significative d’hémorragies majeures).

� Vérifier la fonction rénale (tableau III) : contre-indiqués si

DFG < 30 mL/min, réduire la dose si DFG entre 30 et 50 mL/min.

� Réduction de la dose chez le patient âgé : voir tableau III.

� Vérifier qu’il n’existe pas un risque d’interactions

médicamenteuses : amiodarone, clarithromycine,

érythromycine, kétoconazole, quinidine, rifampicine, ritonavir,

vérapamil. Éviter autant que possible, réduire la dose sinon

(voire le RCP).

� Éduquer le patient : bien respecter la dose et la fréquence des

prises, ne pas prendre d’autres médicaments sans consulter,

prévenir toujours de la prise de ces traitements, arrêter et

consulter si saignement, poser la question de l’arrêt

temporaire lors de procédures dentaires et autres procédures

invasives.

AVKs : anticoagulants antivitamine K ; DFG : débit de filtrationglomérulaire ; RCP : résumé des caractéristiques du produit.

C Lafuente-Lafuente, É Pautas, J Belmin

concentrés de facteurs de la coagulation ou de plasma frais, ontété proposées voire tentées sans succès avéré. Plusieurs pistespour le développement d’antidotes spécifiques sont en coursde recherche, tel pour exemple un facteur Xa modifié, inactif,mais gardant une forte affinité aux IDXa et ainsi capable de lespiéger [27].

Suivi biologique de la coagulation

Les NAO perturbent presque tous les tests biologiquesd’hémostase. Le temps de prothrombine (et donc l’INR) et letemps de céphaline activée sont allongés, mais ils ont unemauvaise corrélation avec l’activité anticoagulante de cesmédicaments et ne peuvent pas servir à l’évaluer. Des testsd’hémostase plus spécifiques, mieux corrélés à l’activité anti-coagulante in vivo de ces médicaments, sont en cours dedéveloppement ou de validation. Les tests qui ont le plus deprobabilité d’être utilisés sont le temps d’écarine ou le tempsde thrombine diluée pour le dabigatran, et un test d’activitéanti-Xa spécifique pour les IDXa, [25]. Le but n’est pas de faireun suivi systématique, qui n’est pas indiqué, mais de disposerde tests permettant d’évaluer l’anticoagulation dans certainscas : accident thrombotique ou hémorragique, nécessité d’ungeste urgent à risque hémorragique, notamment chirurgical, etprobablement, certaines populations à risque théorique desous- ou de surdosage : ex. patients âgés qui sont aussiinsuffisants rénaux ou ont des poids extrêmes. Cependant, lepréambule est une standardisation de ces tests et une valida-tion de leurs intervalles de référence.

ConclusionsDepuis longtemps les AVK sont les anticoagulants par voie oralede référence. Leur efficacité a été bien établie pour le traite-ment au long cours des maladies thromboemboliquesartérielles et veineuses, et leur utilisation chez le patientâgé est bien connue, quoique plus complexe. Depuis longtempségalement, leurs inconvénients sont bien connus : une phased’initiation difficile, une marge thérapeutique étroite avec desposologies variables, des interactions médicamenteuses nom-breuses, et le besoin d’une surveillance biologique régulière.De nouveaux anticoagulants par voie orale, inhibiteurs directsde la thrombine ou du facteur Xa, sont actuellement dispo-nibles. Ils sont beaucoup plus faciles à utiliser que les AVK : leurinitiation est beaucoup plus pratique (efficacité immédiate, pasde titrage de dose), l’estimation de la dose est simple, et ils nenécessitent pas de surveillance biologique systématique. Celase traduit aussi par un confort plus grand pour le patient.L’efficacité des NAO a été prouvée dans la maladie throm-boembolique veineuse et la fibrillation atriale, dans des essaiscliniques de bonne qualité les comparant avec les traitementsde référence, avec parfois quelques petits avantages. Les essaiseffectués dans le traitement de la fibrillation atriale ont inclusde nombreux patients âgés de plus de 75 ans et montrent que

leur utilisation est possible dans cette population, sans grandesvariations d’efficacité ou de risque hémorragique, sauf pour ledabigatran à la dose la plus élevée.L’expérience clinique chez les patients les plus âgés restecependant encore limitée, et certaines problématiques liéesà l’utilisation des NAO restent à préciser. La contre-indication deces médicaments en cas d’insuffisance rénale sévère est parti-culièrement à prendre en compte en gériatrie. Il faut aussi bienconnaître les éléments nécessaires à une prescription correcte(encadre 1), notamment des réductions de doses à faire en casd’insuffisance rénale modérée ainsi que chez le sujet âgé, etsavoir que des interactions médicamenteuses peuvent exister.Comme pour les AVK, le patient doit être éduqué à leur usage :les précautions à prendre sont très similaires, à l’exception dusuivi biologique devenu inutile (encadre 1).Enfin, plusieurs questions concernant les NAO nécessiteront desétudes supplémentaires : évaluation clinique « dans la vraie

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Anticoagulation du sujet âgé : nouveautés thérapeutiquesMedicaments et personnes agees

vie » chez les sujets très âgés, études pharmacocliniquesévaluant le possible besoin d’une réduction supplémentairede dose chez le patient âgé à risque de surdosage du faitde comorbidités (insuffisance rénale, bas poids, dénutrition,fragilité), développement de tests biologiques spécifiquesqui pourront être utiles dans certaines situations cliniques

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