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  • Jos-Maria Asensio Jean-Pierre Astolfi Michel Develay

    Licence de sciences de lducation

    Apprentissage et didactiqueCours

    8 7002 TG PA 00 05

  • Les cours du Cned sont strictement rservs lusage priv de leurs destinataires et ne sont pas destins une utilisation collective. Les personnes qui sen serviraient pour dautres usages, qui en feraient une reproduction intgrale ou partielle, une traduction sans le consentement du Cned, sexposeraient des poursuites judiciaires et aux sanctions pnales prvues par le Code de la proprit intellectuelle. Les reproductions par reprographie de livres et de priodiques protgs contenues dans cet ouvrage sont effectues par le Cned avec lautorisation du Centre franais dexploitation du droit de copie (20, rue des Grands Augustins, 75006 Paris).

    Licence de sciences de lducation

    Apprentissage et didactique

    Cours

    Rdaction Jos-Maria AsensioJean-Pierre AstolfiMichel Develay

    Coordination pdagogiqueThibaut Poupard

    Directeur de publicationJean-Luc Faure

    Conception graphiqueCnedInstitut de Poitiers Futuroscope

    ImpressionFabrgue (87)

  • Table des matiresTable des matiresT

    Introduction .................................................................... 5

    Plan du cours ..................................................................... 5

    Conseils gnraux ............................................................ 6

    Orientation bibliographique ......................................... 7

    Chapitre 1

    tat des lieux : le fonctionnement standardde la forme scolaire ............................................. 9

    1. La forme scolaire et ses origines ........................... 10

    2. Mtier dlve et coutume didactique ......... 112A. Mtier dlve et vie scolaire ............................ 112B. Mtier dlve et moment des apprentissages 19

    3. Le bas niveau taxonomique des activitsscolaires ........................................................................ 22

    4. Le rapport au savoir et ses processusdiffrenciateurs .......................................................... 24

    4A. Approche psychologique .................................... 254B. Approche sociologique ....................................... 304C. Approche pistmologique ................................ 33

    Chapitre 2 39

    Apprendre, avec toutes ses variables ...............39

    1. Apprendre, entre complexit et paradoxes ....... 401A. Les variables-leviers de lapprentissage(avec leurs contrepoints) ............................................ 401B. Les variables-freins de lapprentissage(avec leurs contrepoints) ............................................ 461C. La motivation : un concept construire .......... 491D. Le paradoxe de lapprentissage ......................... 55

    2.La diffrenciation pdagogique ............................. 572A. La diversit des styles cognitifs .......................... 572B. Lducabilit cognitive ......................................... 61

    Chapitre 3 67

    Le savoir, dans tous ses tats ...............................67

    1. Trois termes contraster : information,connaissance, savoir ................................................. 68

    1A. Linformation ....................................................... 681B. La connaissance ................................................... 681C. Le savoir ............................................................... 69

    2. Concepts et disciplines ............................................. 702A. Des notions aux concepts .................................. 702B. Les disciplines scolaires et leurs composantes . 712C. Les matrices disciplinaires et leur cohrence ... 72

    3. Disciplines et interdisciplinarit ........................... 733A. La pluridisciplinarit ............................................ 733B. Linterdisciplinarit ............................................... 743C. La transdisciplinarit ........................................... 74

    Chapitre 4 77

    Enseigner, par tous ses modles .........................77

    1. Trois modles et leur usage exible .................... 781A. Le modle de la transmission ............................ 781B. Le modle du conditionnement ........................ 801C. Le modle constructiviste ................................. 811D. Vers des modles composites ............................ 83

    2. Les rfrents thoriques de lenseignant ........... 852A. Quelques concepts-cls pour construiredes squences ............................................................. 852B. Piaget, Bachelard, Vygotski ..............................105

    3. Didactique et pdagogie .......................................110

    Corrigs des exercices ........................................... 113

    Chapitre 1 .......................................................................113

    Chapitre 2 .......................................................................117

    Chapitre 3 .......................................................................123

    Chapitre 4 .......................................................................127

  • 8 7002 TG PA 005

    Introduction

    Plan du coursCe cours, intitul Apprentissages et didactiques , a t rdig par Jos Maria Asensio, professeur luniversit autonome de Barcelone, Jean-Pierre Astol , professeur luniversit de Rouen et Michel Develay, professeur luniversit Lumire, Lyon 2.

    tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire

    Nous dbuterons par une prsentation, tonalit critique, du fonctionnement standard de la forme scolaire actuelle. Le but nest en aucun cas de dnigrer tout ce qui se passe dans les coles et tablissements concernant les apprentissages, mais de relever des points problmatiques susceptibles damlioration. La rapidit des volutions sociales et conomiques conduit la socit tre de plus en plus exigeante vis--vis de lcole et, en un sens, il est mme rassurant de pouvoir identi er des gains encore possibles en termes de modalits denseignement.

    Nous rappellerons ici les origines de la forme scolaire actuelle, comme lieu spar des appren-tissages au regard de lexprience quotidienne et de lunivers familial ou professionnel. Seront notamment voques les notions rcentes de mtier dlve et de rapport au savoir , avec les processus diffrenciateurs que nous relverons.

    Puis, nous dtaillerons successivement les trois ples du triangle pdagogique et didactique ,lequel relie au sein dun mme systme lapprenant, le savoir et lenseignant.

    Apprendre, avec toutes ses variables

    Le ple Apprendre dtaille la complexit des processus qui sont charge de lapprenant, auquel nul ne pourra se substituer. Il faut noter comme une curiosit porteuse de sens en franais, da-vantage que dans dautres langues le fait quon puisse dire que le matre apprend des notions llve... alors quil ne peut que les enseigner ! Cest llve (ou le form) qui apprend, et nous en prciserons les mcanismes diversi s, en nous attardant un peu sur le concept de motivation, tant caricatur par ses usages quotidiens.

    Nous insisterons sur le fait qu la complexit sajoute souvent le paradoxe, car toute variable posi-tive (lintrt, la coopration...) peut facilement inverser son effet, quand une variable ngative (le milieu socio-familial ou les alas de lhistoire personnelle) ne sont jamais des dterminismes absolus. Nous ajouterons ces considrations gnrales sur lapprendre des lments prcis concernant la diversit des styles cognitifs individuels et la ncessit pdagogique den tenir compte.

    Et nous conclurons sur limportance de lducabilit cognitive, dans la mesure o cest l une posture essentielle de lenseignant pour favoriser la russite, mme si cela ne suf t jamais la garantir.

    Le savoir, dans tous ses tats

    Mais trop se centrer sur llve, on risquerait den oublier le ple Savoir , qui est pourtant la raison dtre premire de lcole. Bien sr, celle-ci vise aussi dautres objectifs de formation, de so-cialisation, de citoyennet, etc., mais ces derniers ne doivent pas venir en comptition avec le savoir, encore moins en substitution. Lcole est dabord un lieu conu par la socit pour programmer la rencontre avec des savoirs jugs dsirables pour tous, sans les laisser soumis lalatoire des parcours individuels.

  • 8 7002 TG PA 006

    Introduction

    Nous distinguerons trois termes souvent confondus, que nous avons nomms information, connais-sance et savoir, en prcisant leurs caractristiques contrastes. Il ne sagit bien sr pas de d nitions formelles, car peu nous importent les tiquettes, mais de reprer trois statuts thoriques diffrents pour les savoirs scolaires, dont nous tirerons les consquences trs concrtes sur lef cacit des enseignements.

    Nous insisterons alors sur les notions essentielles de disciplines et de concepts , souvent mal compris des lves mais aussi des enseignants, parce que conus comme un simple dcoupage de la connaissance quand ils en sont les ples organisateurs. Sensuivra naturellement une r exion sur les signi cations de l interdisciplinarit .

    Enseigner, par tous ses modles

    Il sera alors temps den venir au ple Enseigner , qui tirera les consquences des dveloppe-ments prcdents, tout en ajoutant des points de vue spci ques. Aprs avoir d ni trois modles pdagogiques de rfrence qui donnent sens aux pratiques, nous prsenterons un ensemble de concepts-cls (notamment ceux issus des recherches en didactique), qui permettent de fonder ce quon nomme aujourdhui des pdagogies constructivistes. En nous appuyant sur une diversit dauteurs, nous voquerons successivement les conceptions alternatives et les obstacles pistmo-logiques, les con its socio-cognitifs, la zone proximale, ltayage et le format de lapprentissageformat de lapprentissageformat , de lapprentissage, de lapprentissageen n la mtacognition, le transfert et la mdiation.

    Nous recentrerons ensuite la r exion sur les apports majeurs mais divergents de Jean Piaget, Gaston Bachelard et Lev Vygotski, en proposant une faon de les mettre en perspective, sans les amalgamer. Mais nous conclurons pourtant, malgr la puissance de telles gures tutlaires, sur le caractre irrductible de la pdagogie par rapport aux sciences voisines, sur lesquelles elle sappuie sans jamais sy confondre. Cest l une condition essentielle pour quelle reste un mtier de lhu-main et puisse se professionnaliser davantage.

    Conseils gnrauxComment travailler ?

    Ce cours a t conu pour permettre votre travail personnel un rythme individualis. Avant den entreprendre la lecture, ainsi quen cours de lecture, r chissez aux modalits favorables lap-prentissage. Travaillez de prfrence par grandes plages horaires, a n davoir le temps dexaminer un chapitre entier. Ne vous limitez pas une lecture linaire et squentielle, car la comprhension dun texte suppose que vous vous en construisiez une vue densemble et que vous en dgagiez les mots-cls. Les exercices proposs au l des pages sont galement destins vous permettre de revenir sur votre lecture, pour mieux assimiler le cours. Pensez prendre des notes, cherchez la signi cation des mots qui ne vous sont pas familiers, et plus gnralement accompagnez votre lecture de diverses formes dcriture personnelle : schmas, listes dlments, ches personnelles, renvois dautres chapitres, dautres cours, dautres lectures. Une comprhension vritable suppose une mise en rseau des informations, ce qui ncessite toutes sortes de mises en correspondance. Un plan, aussi logique et didactique quil soit, nest jamais quune facilit dexposition des choses choisie par les auteurs, laquelle doit tre transgresse par lapprenant pour que lensemble parvienne faire sens pour lui.

  • 8 7002 TG PA 007

    Introduction

    Et lvaluation ?

    Aprs les moments dvaluation formative grce aux exercices intgrs, votre connaissance du cours sera value par une preuve crite dont les devoirs vous donnent une ide de la structure. Il ne vous sera videmment pas demand une restitution mmorise du cours, ce qui serait contraire aux objectifs de r exion viss, mais il est attendu de vous lexpression dune r exion personnelle partir dun ou plusieurs textes proposs, et dune comprhension de leurs enjeux ducatifs. Noubliez jamais quun vocabulaire prcis, un respect des rgles de syntaxe et de ponctuation, aident la co-hrence de votre propos et interviennent dans la notation.

    Orientation bibliographiqueLes ouvrages suivants vous permettront des lectures complmentaires, de faon prolonger la r exion sur tel point qui suscite votre intrt, ou sur tel autre qui vous pose des problmes de comprhension. Sils constituent une aide prcieuse en vous permettant dlargir votre culture didactique et pdagogique, vous pouvez tout autant vous y garer et cest pourquoi la liste ci-des-sous est hirarchise et limite. Il nest pas question que vous deviez tout lire ! Il est simplement recommand dalterner les moments de travail du cours avec la consultation de certains ouvrages, de faon vous familiariser avec leur style et leur mode de construction.

    Ouvrages de base

    ASTOLFI Jean-Pierre (1992). Lcole pour apprendre. Paris : ESF.

    ASTOLFI Jean-Pierre (1997). Lerreur, un outil pour enseigner. Paris : ESF.

    CHARLOT Bernard, BAUTLER lisabeth & ROCHEX Jean-Yves (1992). cole et savoir, dans les ban-lieues... et ailleurs. Paris : Armand Colin.

    CHARLOT Bernard (1997). Du rapport au savoir. Paris : Anthropos.

    DEVELAY Michel (1996). Donner du sens lcole. Paris : ESF.

    MEIRIEU Philippe (1987). Apprendre... oui, mais comment ? Paris : Apprendre... oui, mais comment ? Paris : Apprendre... oui, mais comment ? ESF.

    MEIRIEU Philippe (1995). La pdagogie entre le faire et le dire. Paris : ESF.

    PERRENOUD Philippe (1994). Mtier dlve et sens du travail scolaire. Paris : ESF.

    RAYNAL Franoise & RIEUNIER Alain (1997). Pdagogie : dictionnaire des concepts cls. Paris : ESF.

  • 8 7002 TG PA 008

    Introduction

    Pour approfondir

    sur les modles pdagogiques

    ALTET Marguerite (1997). Les pdagogies de lapprentissage. Paris : PUF.

    AUMONT Bernadette & MESNIER Pierre-Marie (1992). Lacte dapprendre. Paris : PUF.

    NOT Louis (1979). Les pdagogies de la connaissance. Toulouse : Privat.

    FABRE Michel (1994). Penser la formation. Paris : PUF.

    sur les processus dapprentissage

    DOISE Willem & MUGNY Gabriel (1981). Le dveloppement social de lintelligence. Paris : Interditions.

    HUTEAU Michel (1987). Style cognitif et personnalit. Lille : PUL.

    LIEURY Alain & FENOUILLET Fabien (1996). Motivation et russite scolaire. Paris : Dunod.

    MONTEIL Jean-Marc (1993). Soi et le contexte. Paris : Armand Colin.

    RICHARD Jean-Franois (1990, 1995). Les activits mentales. Paris : Armand Colin.

    sur les savoirs et la construction des concepts

    BARBIER Jean-Marie, dir. (1996). Savoirs thoriques, savoirs daction. Paris : PUF

    BARTH Britt-Mari (1987). Lapprentissage de labstraction. Paris : Retz.

    JONNAERT Philippe & VANDER BORGHT Ccile (1999). Crer des conditions dapprentissage. Bruxelles :De Boeck.

    REY Bernard (1996). Les comptences transversales en question. Paris : ESF.

    sur les didactiques des disciplines

    ASTOLFI Jean-Pierre & al. (1997). Mots-cls de la didactique des sciences. Bruxelles : De Boeck.

    DEVELAY Michel (1992). De lapprentissage lenseignement. Paris : ESF.

    DEVELAY Michel, dir. (1995). Savoirs scolaires et didactiques des disciplines. Paris : ESF.

    FABRE Michel (1999). Situations-problmes et savoirs scolaires. Paris : PUF.

    GIORDAN Andr & VECCHI Grard de (1987). Les origines du savoir. Neuchtel, Paris : Delachaux et Niestl .

  • 8 7002 TG PA 009

    tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire

    Chapitre 1

    Il nexiste pas deux classes semblables, deux manires identiques denseigner, deux fa-ons analogues dapprendre. Nous nous proposons nanmoins de pointer les lments invariants dans des contextes diffrents denseignement-apprentissage a n de dresser un tat du fonctionnement standard de ce que, aprs Guy Vincent, nous nommerons la forme scolaire . Dorigine rcente dans lhistoire de lenseignement, celle-ci organise le temps, lespace, la communication, les relations de pouvoir que les lves ont dcou-vrir, auxquels ils ont sadapter auxquels certains rsistent. Le mtier de professeur est formellement de mettre en actes cette forme scolaire en enseignant (nous ajouterons pour duquer). Celui de ses lves est symtriquement dapprendre, a n de comprendre le monde, les autres et eux-mmes. Cest en dcodant le rapport la connaissance en gnral et linstitution scolaire en particulier de ses lves, en dchiffrant leur rapport au savoir particulier quil enseigne que le professeur se constitue aujourdhui comme un professionnel de lenseignement au service de lapprentissage.

    Objectifs Renouveler sa perception de lactivit de llveen lanalysant comme celle dun acteur au sein dun systme

    Examiner le type dexigence intellec-tuelle attenduparfois suprieur, parfois infrieur ce quon en imagine

    Transformer la conception quon se fait du savoiren lexaminant en termes de processus et de rapport, plutt quen termes ri s

    Contenu La forme scolaire Un mode dorganisation rcent de ldu-cation lchelle historique

    Mtier dlve et coutume didactique Le mtier dlve concerne la vie scolaire, avec ses rgles spci ques et le temps des apprentissages (contrat et coutume didac-tiques)

    Le bas niveau taxonomique des acti-vits scolaires

    La diversit des rapports au savoirpsychologique, sociologique et pistmo-logique

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    Chapitre 1 tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire

    1. La forme scolaire et ses originesPourquoi lcole, peut-on sinterroger aujourdhui comme hier, aujourdhui peut-tre davantage encore quhier ? Rponse : pour aider lenfant se former, se dvelopper, slever, certes. Mais tout autant pour faire advenir de lhumanit en lhomme en construi-sant du lien social, cest--dire de la capacit vivre ensemble et senrichir de cette vie collective. Pourquoi lcole ? Pour duquer donc par lacquisition de savoirs. Seulement la famille et la rue ( travers les associations) concourent au mme projet, celui dduquer, que le philosophe Emmanuel Kant d nissait comme la possibilit de dvelopper dans chaque individu toute la perfection dont il est capable .

    Alors si lcole, comme la famille ou les clubs, associations diverses, a bien comme projet dduquer, cette n dcoule dun moyen qui lui est somme toute spci que, travers la forme quelle lui donne : instruire. Lcole est linstitution cre par la socit pour duquer ses enfants travers linstruction quelle leur dispense. Lcole instruit a n de permettre lentre de lenfant dans la culture de son groupe dappartenance socitale, travers lappropriation des savoirs qui lui sont enseigns. Pourquoi enseigne-t-on lhistoire, les mathmatiques, les sciences ou lEPS lcole ? Pourquoi les programmes scolaires et la kyrielle des savoirs qui les constituent ? Pour aider des enfants, travers le mtier dlve quils se construisent, se sentir membre dune communaut qui dpasse leur famille, leur appartenance socioculturelle, ce qui leur donne la possibilit de se comprendre, de comprendre les autres, de comprendre le monde. En dautres termes : lcole, on instruit pour duquer. Les savoirs constituent une n et un moyen. Une n, car leur appropriation permet lenfant de dcouvrir les ralits quils clairent. Ainsi le calcul facilite la compa-raison de deux grandeurs et leur combinatoire dans les oprations et la grammaire permet de comprendre comment est constitu le discours. Mais les savoirs sont simultanment le moyen pour amener les enfants dans le moment o ils se les approprient, dcouvrir la valeur de lchange, du dbat, du groupe. Cette forme scolaire, qui vise la dcouverte par les enfants de leur culture dappartenance, ambitionne, crira Clestin Freinet de d-velopper lautonomie, dveiller au monde, de permettre lpanouissement de lindividu, de faire se dvelopper tous les bourgeons .1 Simultanment, aurait pu lui rpondre Jean 1 Simultanment, aurait pu lui rpondre Jean 1

    Piaget, duquer, cest adapter lindividu au milieu social adulte, cest--dire transformer la constitution psychobiologique de lindividu en fonction des ralits collectives auxquelles la conscience commune attribue quelque valeur . 2

    Au passage, reconnaissons que la forme scolaire , le terme est de Guy Vincent3 , est 3 , est 3

    une construction rcente, en dpit dune cole que certains font remonter Charlema-gne. En effet, lcole soppose au mode de socialisation pratique qui conduit apprendre sur le tas , par imitation, des savoirs non spars des pratiques dans lesquelles ils sont enchsss. linverse, lcole, les lves dcouvrent des savoirs dmonts, dcontextua-liss des situations desquelles ils ont t extraits, une grande importance tant accorde lcrit. Guy Vincent met en rapport cette forme scolaire avec le dveloppement des milieux urbains, insistant sur le lien essentiel qui unit lcole un ramnagement profond

    1 FREINET, C. (1968), FREINET, C. (1968), FREINET Pour lcole du peuple, Paris, Maspero. 2 PIAGET, J. (1965), Psychologie et pdagogie, Paris, Denol-Gonthier.3 VINCENT G. (1980), Lcole primaire en France, Lyon, PUL.

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    tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire Chapitre 1

    du politique et du religieux dont la ville est la scne. Le changement darticulation entre politique et religion semble li au fait que les socits anciennes sont des socits de parole le divin fait signe travers toute chose , et de sens les origines et les ns du monde et de la vie sont donnes davance. linverse, la socit moderne, en instituant le march de biens et de services, cre un espace autonome dsacralis, et dveloppe lcrit comme forme de rgulation.

    Nous avons suggr que lcole aujourdhui revt une forme scolaire particulire. Il nous faut maintenant clairer cette ide pour apprcier en quoi consiste le mtier dlve du-rant en moyenne une dizaine une quinzaine dannes.

    2. Mtier dlve et coutume didactiquePhilippe Perrenoud4 , parle de 4 , parle de 4 mtier dlve car selon lui, llve exerce un genre de travail dtermin reconnu et tolr par la socit, et dont il peut tirer ses moyens dexistence . Le terme, qui est smantiquement exact si lon considre llve comme une phase ncessaire pour accder au statut dadulte travailleur, est de surcrot proli que. Nous le conserverons sans problme. Alors, quest-ce que le mtier dlve prsente de particulier ?

    2A. Mtier dlve et vie scolaire tre lve constitue un tat social qui dure de 6 16 ans, soit au minimum dix ans.5 Plus 5 Plus 5

    frquemment, les enfants entrent vers 3 ans lcole ( cet ge 99% sont scolariss) et en sortent aux alentours dune vingtaine dannes. Ces dix-sept annes dcole constituent entre le quart et le cinquime de lesprance de vie. Plagiant Emmanuel Lvinas qui crit Lhomme nest pas dun seul coup , il serait possible dcrire Llve nest pas dun seul coup . Dans la douleur pour certains, dans lindiffrence pour dautres, avec passion pour quelques-uns, sopre cette volution. lve semble tre pour plus dun enfant une dif cult assumer. Sont dnoncs ple-mle les enseignements, les relations, latmosphre du collge ou du lyce, les enseignants et lquipe de la vie scolaire, le manque douver-ture sur la vie, sur les autres, sur la comprhension du monde. tre lve parat dif cile. Mais pourquoi ? Quest-ce qui se joue de manire explicite et implicite au cours de cette activit ? Comment ds lors attnuer la dif cult du mtier dlve ?

    4 PERRENOUD, P. (1994), Mtier dlve et sens du travail scolaire, Paris, ESF.5 Cette partie sinspire trs largement de DEVELAY, M. (1997), De la dif cult dtre lve , in : LANGOET, G. (dir.), Ltat de lenfance en France, Paris, Hachette.

  • 8 7002 TG PA 0012

    Chapitre 1 tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire

    2A1. Lcole, lieu de dcouvertes

    Ladulte qui, loccasion dun sminaire, dun colloque, dune formation, est ballott dateliers en confrences, assis et mutique pour une plus grande partie dun temps gr par dautres son insu, ladulte qui, assistant des interventions qui se succdent, doit se plier aux diverses problmatiques voques, se met un temps dans la situation de llve. Cest quoi, en effet, tre lve ? Cest couter souvent, parler parfois, agir plus rarement. Cest rpondre des questions fausses puisque celui qui les pose est parfois le seul en classe en connatre la rponse. Cest intgrer des normes du parler correct, du bien crire, du comportement de celui qui sait tre le bon lve. Il serait ainsi possible de multiplier les ashes de lattitude de ce quil convient de faire pour tre scolairement correct .

    Lcole est bien un temps dexplorations et de dcouvertes, faites de manire implicite ou expli-cite, consciente ou non, qui structurent autant la personne que ne le fait la famille ou la rue.

    lcole, on dcouvre les autres Lenfer cest les autres . Ce qui est vrai, lorsquil convient de travailler, voire mme de jouer avec un lve que lon naurait jamais choisi. On va constituer des groupes de cinq pour jouer au basket. Pierre, tu te mettras avec Samuel, Franois, Yann, Mamoud, et Yasmin. Le jeu peut se transformer en punition, tant il est dif cile de faire alliance avec ceux qui par ailleurs vous ont pris pour tte de turc ou qui vous ont ignor, voire mpris jusqualors. lcole, on ne choisit pas ceux avec lesquels il faut travailler. Et lorsquil arrive quon ait un copain, parfois mme on en est spar arbitrairement par le matre qui pr-vient ainsi les risques de lentente. Les autres lves sont ainsi perus, proches ou lointains, amis ou ennemis, aims, has ou indiffrents. Quoi quil en soit, il faut faire avec. On ne choisit jamais sa classe, rarement son quipe, gnralement pas sa place. La socialisation est dabord obligation faire avec les autres, sous le regard permanent de chacun.

    Mais les autres sont aussi les adultes dont il convient de dcouvrir les exigences, les ma-rottes, les travers, les rigueurs, les faiblesses et les forces. Ce que demande tel enseignant, tel autre lexige et tel encore le bannit. Dcouvrir ladulte, cest pour llve se rendre attentif des attentes, rarement explicites. Cette anne-l, linstituteur exige quon emprunte des livres la bibliothque et mme quon fasse une petite che de lecture. Lanne suivante linstituteur ne fera aucune obligation de lecture. Et puis, si une anne donne la rdaction sera rendue avec une marge gauche correspondant celle de la feuille, lanne suivante, la marge sera trace droite, et lanne daprs, on agrandira la marge la moiti de la feuille.

    Dcouvrir les autres, cest faire lapprentissage de limprvu, de linterdit, de lobligation. Cest intrioriser la socialit, les arbitraires partir de laquelle cette socialit se construit, chaque lve tant, selon les circonstances (avec les adultes ou les autres jeunes), partie pre-nante ou exclu des rgles. Lcole est le temps des copains et des rivaux, des identi cations et des rejets, des transferts et des projections fortement modlisatrices pour lavenir.

  • 8 7002 TG PA 0013

    tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire Chapitre 1

    lcole, on sinitie des savoirs La culture, cest ce qui demeure dans lhomme lorsquil a tout oubli , crivait douard Herriot. Certains lves se dpchent alors sans doute de devenir des hommes cultivs, pour-rait-on galjer, en pensant ceux dentre eux qui se dpchent dobir cette maxime.

    la question Pourquoi enseigne-t-on lcole ce quon y enseigne ? , des lves de collge rpondaient rcemment : Pour que ceux qui narriveront pas comprendre naillent pas au bout ! Lexpression pourrait prter sourire, si elle ntait pas dramatique dans labsence de lien entre les disciplines scolaires et la culture laquelle ces dernires renvoient. Et pourtant, comment les lves pourraient-ils ne pas envisager lcole comme une vaste machine slectionner, comme une vaste entreprise qui rsiste aux problmes du moment ? Alors que les questions qui se posent llve sont existentielles (pourquoi les parents sont-ils toujours angoisss par les rsultats scolaires ; comment vais-je faire pour pouvoir aller voir jouer le groupe que jaime ?), charges daffectivit (est-ce que mon pre sintresse moi vraiment ?), concernent des questions dactualit (comment peut-on esprer avoir du travail lorsquon sera grand ? quand les massacres dans le monde cesseront-ils ?), les questions scolaires sont hors du temps et de lactualit.

    La socit vit de plus en plus dans linstant davantage que dans la dure. Les volutions conomiques et sociales en tmoignent, ne pouvant tre prvues gnralement dans le court et le moyen terme. La socit informationnelle en atteste avec le zapping comme gure emblmatique. Les programmes scolaires sont dcoups en disciplines tanches, alors que les questions qui se posent au niveau mondial (conomiques, sociales, colo-giques, de sant, dthique, de religion) sont par nature interdisciplinaires, et nentrent dans aucun des tiroirs disciplinaires.

    Les savoirs correspondent des enseignements davantage qu des initiations culturelles. On enseigne les sciences et non la culture scienti que. On enseigne lEPS et non une culture du corps. Sintresser la culture scienti que, ce nest pas quenseigner des savoirs pour eux seuls, cest en percevoir lorigine et aborder lusage que lhomme en fait. La culture scienti que, cest lenseignement scienti que, plus le souci thique et historique de ce qui est enseign. Et on pourrait poursuivre ce dcalage entre lenseignement littraire, artistique et la culture littraire, artistique

    Les savoirs disciplinaires napparaissent que rarement comme des occasions de dcouvrir le monde, les autres hommes et soi-mme. Il ny a que rarement dcouverte du sens des savoirs. Plus ordinairement on les acquiert davantage quon ne se les approprie. Lcole est davantage le temps des apprentissages de savoirs que celui de la dcouverte de la culture humaine partir de ces savoirs.

    lcole, on dchiffre des codes sociaux, gnralement distincts des codes familiaux

    La famille transmet des valeurs et une certaine vision du monde en formant la personnalit sociale, en faisant acqurir une identit sexuelle, en construisant une certaine conscience po-litique, sociale, religieuse, en anticipant une position sociale. Lenfant devra confronter ce jeu des reprsentations, nes au sein de la famille, avec celles que lcole fera natre et dvelopper.

  • 8 7002 TG PA 0014

    Chapitre 1 tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire

    Ainsi, durant le temps de la scolarisation, llve aura surmonter une dif cult den-vergure : lesprance scolaire ne au niveau familial (lorsquelle existe) nest pas toujours compatible avec celle que llve dcouvre lcole. Une transaction entre ces images est entreprendre, qui conduira llve trs prcocement estimer son devenir lcole, tant les rsultats semblent souvent inluctables, et les possibilits de samender peu nom-breuses. Ainsi semble-t-il dif cile de pouvoir continuer tre aim de ses parents lorsque leurs espoirs sont dus.

    Pour certains lves la distance entre les codes familiaux et les codes scolaires est de taille. Peuvent alors se confronter et saffronter pour certains une image paternelle absente et une image denseignant (ou denseignante) soucieuse de la loi et donc trs prsente. Lcole est ainsi le lieu o le rapport la loi doit se construire par la confrontation des dsirs. Jai envie de, tu as envie de : discutons et arrtons ensemble nos droits et nos devoirs. Cest la maxime qui devrait tre davantage dactualit dans de nombreuses classes et dans tous les tablissements scolaires.

    Dans dautres circonstances, la distance entre codes familiaux et codes scolaires est pa-tente au niveau du rapport au savoir. Il est des familles dans lesquelles on ne cherche savoir quelque chose que pour ce que lon en fera. Le rapport au savoir est un rapport de fonctionnalit. Dans dautres familles, le rapport au savoir est un rapport de distinction.On ne cherche pas savoir pour faire, mais pour paratre. Et si mme on ne sait rien, on a la possibilit den parler, et ainsi de donner lillusion que lon sait. Le rapport au savoir lcole est un rapport de gratuit, plus proche de la seconde partie de lalternative ci-dessus. On ne cherche peut-tre pas savoir pour paratre, mais pour montrer que lon sait loccasion du contrle. Lcole est ainsi un lieu o lon dcouvre davantage que des savoirs, le rapport au savoir. Et ce rapport au savoir na pas tre entach de questionne-ments tels que quoi a sert ? quest-ce quon peut en faire ? .

    Confronter les valeurs, les manires dtre au monde est sans doute la grande dcouverte scolaire, qui ne pose pas beaucoup de problmes aux hritiers , dont les codes familiaux sont proches des codes scolaires en matire de comportements et dattitudes. Par contre, elle en pose aux enfants pour lesquels lcole est une plante dcouvrir, tant les manires dy agir et dy exister sont exognes leur milieu dappartenance.

    lcole, nalement on se dcouvreJacques Lacan voque le stade du miroir entre 6 et 18 mois, comme le moment o le sujet se dcouvre travers limage qui lui est renvoye. Toute sa vie durant, limage de soi se construira en grande partie partir de limage que les autres vous renvoient. Lcole est le lieu o la con ance en soi, limage de soi, se nourrira de ce que chacun vous renvoie, adulte, pair, proche, lointains, en classe et dans la cour. En dcouvrant la culture et les autres, llve se construit dans la proximit ou la distance des valeurs, des codes, des savoirs, des comportements quil construit aussi ailleurs, dans les associations et la famille.

    Homme, je suis tous les hommes , crivait Jean-Paul Sartre. La fonction de lcole est bien dans cette dcouverte permanente que chacun est dabord riche des autres, qu plusieurs on est plus intelligent, plus performant que seul, que les potentialits individuelles gagnent se confronter dautres manires de penser et dagir. Lcole est un lieu de construction des personnalits, par, grce, contre, cause des autres, des savoirs et des codes et des rgles.

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    tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire Chapitre 1

    En ce sens, lcole est le lieu daccs luniversalit par les valeurs qui y sont prnes, les savoirs qui y sont enseigns, les mthodes qui y sont dveloppes. Mais cette universa-lit, qui conduit apprcier la dimension de lhumanitude, aide simultanment mieux comprendre sa propre singularit.

    Lcole est bien un lieu de dif cults pour tout lve, car elle est un lieu de construction de soi, par la confrontation avec les autres, actuels (le matre, les autres lves) et passs (prsents travers les savoirs quils nous ont lgus).

    2A2. Lcole, fabrique de temps, despace et de communication singuliers

    Il est commun de rappeler que les deux grands concepts qui structurent nos personnalits sont ceux de temps et despace. mile Durkheim, dans Les formes lmentaires de la vie religieuse, rappelle que les notions de temps et despace constituent les cadres solides qui enserrent la pense. Nous en apprcierons les particularits en situation scolaire, en leur adjoignant le concept de communication.

    Le temps scolaireIl est possible de distinguer le temps tel que le vivent les lves au quotidien des activits, de celui auquel renvoient les programmes enseigns.

    Le temps des activits : un temps monotone entirement prdtermin

    Cest le temps scolaire qui gre les apprentissages, ce ne sont pas les apprentissages qui grent le temps scolaire. De lcole primaire luniversit, cest le plus souvent la sacro-sainte heure de cours qui ponctue laction. Les emplois du temps con nent ainsi une grande rgularit, source dennui. Lenseignant dEPS souhaiterait avoir, en hiver dans un collge de montagne, trois heures conscutives, quitte ne pas revoir de sitt ses lves pour sadonner la pratique du ski de fond ; et avoir au printemps un emploi du temps dcoup en heures pour des entranements plus intenses. Cela nest pas possible car lem-ploi du temps est annuel dans la quasi totalit des tablissements scolaires. Cet tat de fait pourrait tre illustr par dautres niveaux denseignement, dautres disciplines. Lcole ne sait pas fonctionner autrement quen recherchant une rgularit uniforme et monocorde, excluant limprvu, donc lexceptionnel, source de nouveaut. Le temps mobile rclam en son temps par des auteurs comme Aniko Husti nest toujours pas dactualit. Le sera-t-il un jour ? Il est possible den douter.

    Le temps des apprentissages : un temps linaire plus quun temps en rseau

    La confusion lcole est largement entretenue entre la programmation et la progression. La programmation correspond ce que les lves doivent avoir acquis au terme dun niveau de leur scolarit. Une large part de lactivit enseignante est occupe suivre le programme, cest--dire concevoir ce dernier comme un ensemble dlments se succ-dant dans un ordre quasi immuable, du simple au complexe, du facile au dif cile. Cette manire daborder les savoirs donne aisment penser que les contenus scolaires sont cumulatifs, sans liens forts les uns avec les autres, ce qui conduit de nombreux lves considrer quil est ncessaire doublier ce quon a appris pour pouvoir mieux apprendre ce qui est nouveau.

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    Chapitre 1 tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire

    Limage dun savoir construit en rseaux, dans lequel les contenus sont relis fortement les uns aux autres, la manire des ls de chane et des ls de trame dun tissu, est la plupart du temps absente de la conception des disciplines scolaires. Ainsi, la monotonie du d-coupage du temps scolaire se cumule la linarit du temps des apprentissages, rarement abord comme occasion de retours en arrire sur ce qui a t dj vu, pour le mettre en rapport avec ce que lon voit actuellement. Le temps de lenseignement correspond une fuite en avant, sans que lon puisse regarder en arrire, sasseoir pour relier des acquis. la rgularit des emplois du temps sadjoint la linarit des enseignements, alors que les apprentissages ncessiteraient davantage de souplesse, donc de lirrgularit et des temps de mise en relation et de retours.

    Le temps scolaire : un temps paradoxal o lon est toujours press et o il faut tou-jours attendre

    Philippe Perrenoud, dj cit, crit : On apprend lcole quon na jamais le temps et en mme temps quon a toujours le temps : le temps dattendre que les autres aient ni, que les autres vous donnent la parole, que les autres veuillent bien vous couter, donc un rapport assez paradoxal au temps et la communication, fait dun mlange de prcipi-tation et dimpatience.

    Les rythmes individuels sont largement absents de lorganisation gnrale de lcole. Tous les exercices qui sont donns le sont dans un temps x lavance ( Vous avez cinq mi-nutes pour crire au brouillon quelques ides qui vous paraissent importantes ), qui est un temps mdian, apprci par lenseignant comme la norme sur laquelle chacun doit se rgler. Et lon choue frquemment lcole parce que lon est en retard, mais aussi parce quon est en avance, et quainsi on se distrait en attendant que les autres aient termin lexercice. Lcole est ainsi un lieu de standardisation, duniformisation qui apprend aux lves les rgles de lorganisation sociale leur insu.

    La dif cult dtre lve provient, entre autres, de lorganisation du temps scolaire qui, bien au-del du rglage des activits, construit un rapport standardis et uniformis ces dernires, sans expliciter les choix ainsi faits. Ainsi choue-t-on lcole parce quaux moments cruciaux pour russir, ces moments lors desquels les lves sont livrs eux-m-mes pour agir, sans cadre organisateur (les devoirs faire la maison, les rvisions avant lexamen), ils ne parviennent pas grer leur temps. trop grer le temps des lves, on les dpouille de leur possibilit de le faire lorsquils sont seuls. Certains lves chouent ainsi au baccalaurat parce quils ne savent pas apprcier le temps qui leur sera nces-saire pour rviser, dautres ont les plus grandes dif cults occuper le temps rserv un exercice en classe.

    Le temps est un cadre organisateur de la pense qui agit notre insu sur notre manire de voir le monde. ne pas en rendre les lves comptables, on prend le risque de les dresponsabiliser.

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    tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire Chapitre 1

    Lespace scolaireLespace scolaire est un espace pauvre, impersonnel et restreint.

    Un espace triqu

    Qui entre dans une classe est frapp du territoire exigu dont disposent les lves. Une chaise, un bureau, le tout sur une surface de moins dun mtre carr. Et il est frquent que dans certaines classes, lenseignant ne puisse circuler entre les tables, tant le cocon est plein. Qui inventera un jour des bureaux superposs la manire des lits, peut esprer un march ! Les thologues ont montr sur les rats, quen en disposant un nombre toujours plus grand dans le mme espace, se dveloppent des ractions dagressivit. Les dif cults de la communica-tion proviennent aussi des effectifs scolaires. Quel temps de parole est encore possible dans le cas de lapprentissage dune langue trangre avec une classe de premire de trente cinq lves ? Moins de deux minutes videmment en une heure de cours.

    Un espace pauvre

    Qui parcourt les couloirs dun tablissement secondaire peut se demander sil ne dam-bule pas dans un hpital. Les murs mornes sont ceux qui prtent le plus la concentration de lesprit semble la maxime de nombreuses coles, collges et lyces. Est-il impossible desprer des tablissements scolaires dans lesquels des statues habiteraient les pelouses, le CDI tant un lieu dexpositions au montage desquelles les lves auraient particip, les couloirs, des galeries de peintures, de collages, de dessins, de fresques des lves ? ne faire exister que des tablissements cleans, on attire les tags. nexposer les travaux dlves que dans le cadre des classes, on fait des tablissements des lieux sans saveurs, desquels le contact avec le beau est absent.

    Un espace impersonnel

    Il est droutant de visiter une classe dcole maternelle. On y dcouvre une organisation spatiale riche de signi cations. Les matresses parlent des coins la maternelle. Le coin peinture, le coin livres, le coin plantations, le coin cuisine... Lespace est pens et les murs sont riches des productions dlves. Lorsquon passe lcole primaire, les classes ont perdu de leurs spci cits et, dans le meilleur des cas, on trouve un coin documentation et un coin bricolage. Les murs sont frquemment plus pauvres, mais encore recouverts de productions, les plus acheves, des lves. Lespace se dpersonnalise. Quant aux classes de lyce, elles sont frquemment dune banalit hospitalire : des murs vierges, des tables alignes.

    Je ne connais pas de travaux relatifs limportance de la personnalisation des lieux de travail dans lacquisition des savoirs. Et pourtant on sait, par les travaux des thologues, comment la notion de territoire est forte dans les rapports entre personnes. On sait aussi, plus empiriquement, limportance dun environnement personnalis pour travailler. Quand lcole envisagera-t-elle que la personnalisation de lespace scolaire constitue une des conditions facilitantes du travail scolaire ?

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    Chapitre 1 tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire

    La dif cult dtre lve est lie aux conditions dans lesquelles il convient de travailler, tout autant qu la nature du travail. ne pas r chir avec les lves sur leur espace, la manire de lamnager, de le rendre le plus proche possible dun lieu de vie, on accrot la dif cult dtre lve, car on se rend indiffrent au cadre de travail. tre pens comme un lieu de passage, et non un lieu de sjour, lcole perd de vue les liens dialectiques entre le contenant et le contenu, excluant toute osmose entre les lieux et lactivit des personnes. Ici encore, ne pas rendre les lves amnageurs de leur espace, on ne leur permet pas de se sentir lcole dans un milieu choisi, mais dans un milieu subi parce que contraint.

    La communication scolaireIl ny a pas dapprentissages sans changes. Ceux-ci sont parfois restreints, limits quel-ques questions de lenseignant aux lves, linverse tant moins frquent. Lorsque ce sont les pratiques denseignement qui lemportent sur les pratiques dapprentissage, il arrive que la communication verbale soit restreinte. Elle nest cependant jamais absente au plan non verbal.

    Une fausse communication

    lcole, cest celui qui sait qui pose des questions celui qui ne sait pas, ce qui est le contraire de toute activit vraie de communication. Aussi les lves doivent-ils intgrer la manire dont les enseignants se comportent vis--vis des rponses quils proposent. Tel enseignant accueille celles-ci avec intrt et essaie de les discuter ou, mieux, de les faire discuter par la classe. Tel autre hausse les paules lorsque la rponse est fausse. Tel autre encore pose des questions sans mme sarrter pour donner aux lves le temps de rpondre. En tout tat de cause, les lves comprennent rapidement quil suf t frquem-ment dattendre quelques secondes pour esprer une rponse de lenseignant lui-mme la question quil vient de poser. Ainsi, le bon lve est celui qui dcode les implicites et sait sy adapter, parce quil a intgr les attentes supposes de lenseignant et adapte son comportement en consquence. tre un bon lve, ce nest pas seulement faire ou savoir, cest dabord comprendre ce quil faut faire et ne pas faire, rpondre et ne pas rpondre. Le bon lve est un bon communicateur, attentif et prudent.

    Une communication chausse-trappe

    Le chasseur creuse parfois un trou quil recouvre, et dans lequel tombera sa proie. Il est un constructeur de chausse-trappe. La communication scolaire est de cet ordre. Une question pose lest parfois davantage pour le bon maniement de la langue quelle suppose, que pour la rponse quon en attend. Ainsi, la norme est toujours au cur de la communication. Le mot juste, la bonne formule, la rgle de syntaxe adquate, constituent autant dattentions quil convient de prter ce qui est dit, davantage qu ce qui se dit. La forme lemporte parfois sur le fond. Pas tonnant, dans ces conditions, que certains lves soient peu enclins intervenir ; seuls osent les tmraires ou les imprudents, les plus srs deux aussi.

    Le regard permanent des autres et du matre sur ce que lon fait, sur ce que lon dit, fait que la classe est un lieu o, en permanence, chacun est sous le regard de tous. Cette cons-tante valuation rciproque fait que les chausse-trappes ne sont pas toujours le fait de lenseignant, mais aussi des autres lves, dont les moqueries peuvent fuser et tre aussi dif ciles supporter que celles de lenseignant.

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    tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire Chapitre 1

    Une communication souterraine

    En classe, il convient de distinguer comme le fait Rgine Sirota dans Lcole primaire au quotidien, deux rseaux de communication. Le rseau lgitime, plac sous la tutelle de lenseignant, est vou aux ncessaires relations pour apprendre et enseigner. Le rseau parallle, sous la responsabilit des lves, permet de survivre dans le premier. Cest le domaine des bavardages, des messes basses, des temps dchanges dobjets divers sous le manteau, des lectures, voire des jeux qui se droulent gnralement labri du regard et de la conscience du professeur. Il convient de donner le sentiment de participer lactivit scolaire, tout en faisant autre chose que suivre la leon. Ce rseau parallle, plus ou moins bien matris par lenseignant, est la marque dun ncessaire exutoire au dsintrt des activits proposes. Souterrain, il naccde au grand jour que par la ngligence dun lve, la soudaine attention porte par lenseignant un bruit, un comportement qui lui avait jusqualors chapp. Les coupables sont alors stigmatiss, lordre formel est rtabli, et lon retourne une dimension plus normale de ce quil convient de faire. Ainsi va le mtier dlve : faire, ne pas faire, participer, se mettre lcart, rver, sisoler mentalement, se laisser distraire, distraire.

    La dif cult tre lve tient aux conditions dans lesquelles sexerce cette activit, tout autant quaux activits elles-mmes. Les conditions de temps, despace et de communica-tion, renvoient une dresponsabilisation des lves relativement leur cadre daction. Ladulte dcide pour eux de la gestion du temps, de lorganisation de lespace et des con-ditions de la communication. Les lves sont objets davantage quils ne sont agents ou acteurs de leur mtier dlve. On ne nat pas lve, mais on le devient. Dommage que, le plus souvent, ce soit dans le cadre de contraintes non contractualises, qui ne trouvent que peu de sens tant elles sont arbitraires.

    2B. Mtier dlve et moment des apprentissages

    2B1. Comprendre la demande

    Llve doit en permanence comprendre la demande de lenseignant, a n de rfrer les activits qui lui sont proposes la forme scolaire. Ainsi Jean-Pierre Astol voque le cas dune photo de bord de mer, sur une page dun manuel, montrant au premier plan la plage, en plan mdian locan, et au lointain le ciel sur lhorizon. La question qui laccompagne: Que pouvez-vous observer sur cette photographie ? permettrait dattendre comme rponse de la part des lves, une vue de bord de mer , ou une mer calme en t , ou un paysage ocanique . La bonne rplique nest pas celle-ci, mais celle-l : Sur cette photographie, il est possible dobserver les trois tats de la matire : ltat liquide (la mer), ltat solide (le sable de la plage) et ltat gazeux (latmosphre) . Lorsquon aura prcis que cette photographie est celle dun manuel de physique, on aura mieux compris la rgle quil fallait connatre comme lve : cette photographie tait montre dans le contexte de la physique, et donc cest dans linventaire des savoirs de cette discipline quil convenait de chercher des lments de rponse la question pose.

    Le problme dit de lge du capitaine est maintenant un classique de la didac-tique des mathmatiques pour illustrer, ici encore, la notion de contrat didactique.

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    Chapitre 1 tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire

    Sur un bateau, il y a 26 moutons et 10 chvres. Quel est lge du capitaine ? ce probl-me pos par des chercheurs de lIREM de Grenoble, 171 lves de cours lmentaire, 127 ont rpondu en additionnant ou en soustrayant les nombres donns, et lge du capitaine propos assez rgulirement est 36 ans ! Une question subsidiaire tait pose aux lves : Que penses-tu de ce problme ? . Rponse dlves : Un problme bizarre : pourquoi parle-t-on de moutons, et aprs on demande lge du capitaine ? . Ainsi avaient-ils cons-cience que rpondre la question pose, ctait se comporter comme il convient quun bon lve se comporte : ds lors quon lui donne des nombres et quil est en mathmatiques, il doit fournir une rponse. Ne pas rpondre, cest peut-tre faire preuve de discernement, mais cette situation est trop frquente lcole pour quon sy adonne.

    La notion de contrat didactique explique les deux situations prcdentes. Dans le cas dun problme de mathmatiques lcole primaire, les lves ont intgr quun pro-blme conduit une rponse et une seule, que la responsabilit du problme incombant lenseignant, les donnes traiter ne se discutent pas, que pour parvenir la bonne rponse, il faut utiliser toutes les donnes proposes, quaucune autre indication nest ncessaire, que la solution fait rfrence aux connaissances enseignes (ici, les oprations sur les nombres).

    Ces situations rvlent pour Guy Vincent des caractristiques de la forme scolaire pour laquelle Des savoirs enseigns aux mthodes denseignement, en passant par les moin-dres aspects de lorganisation de lespace et du temps scolaire, rien nest laiss au hasard, tout est objet dcriture, de dcomposition, de xation des mouvements, des squences, permettant ainsi une systmatisation accrue et un enseignement simultan . Lcole peut tre ainsi perue comme une micro-institution, avec ses rgles le plus souvent implicites, qui expliquent le jeu des acteurs.

    2B2. La coutume didactique

    Nicolas Balacheff6 , pour expliquer comment fonctionne la forme scolaire en matire dap-6 , pour expliquer comment fonctionne la forme scolaire en matire dap-6

    prentissage, utilise le terme de coutume didactique. Pour cet auteur, la classe peut tre lue comme une socit de droit coutumier, cest--dire rgie non pas par des rgles de droit crit, mais par un ensemble de pratiques que lusage a tablies, et dont la transgression conduit des sanctions. On peut donc dire que les lves raisonnent frquemment sous in uence .

    Michel Brossard distingue trois types doprations intellectuelles que llve doit utiliser pour suivre le cours des activits en classe. Des oprations de cadrage lui permettent de se situer par rapport telle ou telle partie du cours, telle ou telle notion. Des oprations danticipation lamnent se questionner sur lusage qui pourra tre fait plus tard de ce qui lui est enseign maintenant. Des oprations de slection, par une mise distance des apprentissages successifs, conduisent trouver le sens de ce qui est enseign, en dcantant les situations passes. Cette paisseur dans lapprentissage, que certains lves ne d-couvrent pas, permet aux plus habiles de distinguer lessentiel de laccessoire, aux moins exercs de vivre lcole comme une succession de moments sans dynamique.

    6 BALACHEFF, N (1988), Le contrat et la coutume, deux registres des interactions didactiques , in LABORDE, C., dir. Actes du premier colloque franco-allemand de didactique des mathmatiques et de linformatique, Grenoble, La Pense sauvage.

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    tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire Chapitre 1

    Ainsi en va-t-il des apprentissages scolaires qui pourraient tre analyss travers la lecture de Michel Crozier et de Erhard Friedberg7 dans 7 dans 7 Lacteur et le systme qui, analysant des systmes sociaux, montrent quil existe, quelles que soient les contraintes de lorganisation qui psent sur les acteurs, une libert de ces derniers. La coutume didactique peut tre analyse ainsi en termes de contrainte et de libert. La contrainte qui pse sur les acteurs (lves et enseignant prioritairement, auxquels sajoutent aussi parfois les parents, le chef dtablissement, linspecteur) est que lenseignant doit enseigner et llve, apprendre. La libert des acteurs rside dans la possibilit quils ont de choisir la stratgie qui leur semble la meilleure, dans le cadre des rgles du jeu. Ces rgles sont formelles et explicites pour une part (le rglement crit), mais implicites pour une autre part (elles sont lorigine du mtier dlve). Ainsi, lorsquen dbut danne le professeur annonce quil nacceptera pas les devoirs en retard, les lves savent fort bien que seule lexprience permettra de xer peu peu les rgles de fonctionnement ce sujet. Lorsque le professeur annonce quon peut linterrompre, et qu la premire question son comportement laisse entendre que la question est mal pose, voire na que peu de sens, la classe sans doute sabstiendra par la suite.

    Exercice 1

    Caractriser ce qui distingue les apprentissages scolaires des autres apprentissages, tels quils se droulent au quotidien. En dduire un certain nombre de dif cults spci ques pour les lves

    Exercice 2

    Expliquer la signi cation des expressions forme scolaire et mtier dlve , en mon-trant leur prgnance ds lcole primaire.

    Exercice 3

    Dites en quoi lcole est, pour les lves, beaucoup plus quun lieu dapprentissage intel-lectuel fond sur la seule rationalit. Que signi e lexpression curriculum cach ?

    Exercice 4

    Dcrivez ce qui est susceptible de faire russir ou chouer un lve lcole, indpendam-ment des diffrences de ses possibilits cognitives.

    7 CROZIER, M. & FRIEDBERG, E. (1977), Lacteur et le systme, Paris, Seuil, Coll. Points.

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    Chapitre 1 tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire

    3. Le bas niveau taxonomique des activits scolaires

    Lcole nenseigne pas toujours ce quelle annonce, ce que prcisent les notions de cur-riculum rel et de riculum rel et de riculum rel curriculum cach. Ainsi, vis--vis du mme contenu enseigner, des diffrences notables peuvent tre observes dune classe lautre, laccent tant davan-tage mis sur certaines parties plutt que sur dautres. Sylviane Gasquet8 interroge des 8 interroge des 8

    professeurs de mathmatiques enseignant en classe de seconde, propos de notions du programme quelle leur demande de classer par ordre dimportance pour russir en classe de premire. Elle observe que la mme notion est considre par certains comme la plus fondamentale et, pour dautres, comme la moins importante. ces accents diffrents mis sur les contenus, sajoutent des diffrences dans les mthodes dapprentissage. Il existe donc des variations sur un mme thme que traduisent les diverses versions de traitement dun mme programme, selon les enseignants. Si bien que la fameuse galit devant lcole est un leurre et que le parcours dun lve est soumis bien des alas sur lesquels il na que peu de prise.

    Un double paradoxe peut tre not pour lcole. Entre, dune part, une socit qui r-clame de lcole lgalit daccueil de tous ses enfants et qui, au quotidien, montre une ingalit de traitement. Entre, dautre part, une socit qui af che travers les nalits de lcole une grande ambition (il est fait tat du dveloppement de lesprit critique, de lautonomie, de la crativit, des capacits de synthse), et qui propose frquemment des activits didactiques relles de bas niveau taxonomique.

    Benjamin Bloom9 dans les annes 1950-1960 a hirarchis six niveaux dobjectifs travers 9 dans les annes 1950-1960 a hirarchis six niveaux dobjectifs travers 9

    les activits pdagogiques, depuis des niveaux factuels comme la connaissance de faits particuliers ou dune terminologie, jusqu des niveaux plus labors, renvoyant lapplication, lanalyse, ou la synthse.

    Savoir quune abeille a six pattes, ou que les jours sont plus longs que les nuits entre le 21 mars et le 21 septembre, est la connaissance de faits particuliers. ce premier niveau, on demande llve de retenir des lments de connaissance, des faons de mettre en relation des lments (les classi cations notamment), ou des systmes de relations abstraites (des lois ou des thories).

    Au second niveau taxonomique nomm par Bloom comprhension, lactivit intellectuelle consiste saisir le sens littral de ce qui est communiqu, oralement ou par crit dcoder donc une situation sans forcment saisir les liens logiques entre les lments, lintrt ou la valeur de ce qui est communiqu. Transformer diverses donnes en un graphique, poursuivre le dessin dune frise ou dune sinusode en sont des exemples.

    Le troisime niveau est celui de lapplication. Appliquer une rgle de grammaire, ou la formule de rsolution dune quation un exemple prcis, illustre ce niveau.

    8 GASQUET, S. (1991), Les mathmatiques au lyce, Paris, ESF. 9 BLOOM, B..S. (1969), Taxonomie des objectifs pdagogiques. T.1 : le domaine cognitif, Montral, ducation nouvelle.

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    tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire Chapitre 1

    Le quatrime niveau est celui de lanalyse qui consiste dissocier les lments dun en-semble : par exemple reconnatre les diffrentes parties dun texte, les relations entre diffrents personnages dans un arbre gnalogique.

    Produire une uvre personnelle, laborer un plan daction, crer un systme de pense original illustrent le cinquime niveau : celui de la synthse.

    Le sixime niveau en n, celui de lvaluation, consiste juger dune production de faon critique, donc davoir matris les cinq niveaux prcdents.

    On peut sinterroger sur le pourquoi de ces carts entre des principes af chs pour lcole lgalit des lves et la valorisation dactivits de haut niveau taxonomique et les pratiques relles lalatoire des parcours scolaires en fonction des choix pdagogiques et didactiques, et les bas niveaux taxonomiques constats gnralement au travers des activits scolaires. Pourquoi une telle distance entre lintention et laction ?

    par impossibilit grer le systme ducatif comme il est possible de gouverner un sys-tme de production industrielle ? Tant mieux et heureusement, sinon les enseignants ne seraient pas dans lducatif mais dans le conditionnement. Tout le monde ferait au mme moment la mme chose, ce que croient encore possible certains administrateurs, transformant les professeurs en tcherons et non en professionnels ;

    par manque de formation ? Peut-tre, tant certaines modalits de formation relvent parfois davantage du registre de la connaissance que de lvaluation, parce quenseigner est dabord de lordre du jugement. Mille fois par jour lenseignant doit juger de ce quil doit faire. Et le jugement ne senseigne pas et ne se forme sans doute pas facilement ;

    par conscience que cest en demandant beaucoup (des ambitions taxonomiques de haut niveau) quil est possible dobtenir un peu ;

    parce quexisterait une irrductible rsistance notre action, qui ne serait pas lie lenseignant ou au systme ducatif, mais au fait que lun et lautre ont la conviction quau moment mme o le matre agit, souhaite faire faire, cest llve qui agit et qui dcide de faire (ou de ne pas faire), dcidant de son destin, ce qui est l prcisment la n de toute ducation10 . Aussi faut-il accepter cette coupure radicale entre lintention ducative et linstrumentation pdagogique Pourtant, dans ce cours, conscient de cette bance, il nous faut veiller dvelopper la seconde en tentant de mieux comprendre la manire dont les lves se situent dans leur rapport au savoir.

    Exercice 5

    Comment expliquez-vous les carts entre les ambitions formatives leves de lcole et la ralit de ses pratiques quotidiennes, en termes dactivits demandes aux lves ?

    10 MEIRIEU, P. (1995), La pdagogie entre le dire et le faire, Paris, ESF.

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    Chapitre 1 tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire

    Exercice 6

    Entranez-vous caractriser diffrentes activits scolaires, laide de la taxonomie de Bloom. Vous pouvez vous appuyer sur votre exprience denseignant ou dancien lve, analyser les exercices demands des enfants de votre entourage, ou prendre comme support les manuels scolaires

    4. Le rapport au savoir et ses processus diffrenciateurs

    La classe dialogue, dont il convient de rappeler toute lambivalence, puisque le matre qui sait pose des questions llve qui ne sait pas, constitue une forme crypto-dogma-tique denseignement. Dogmatique, car ce faux dialogue est entirement dtermin par celui qui pose les questions ; crypto-dogmatique, tant les questions peuvent donner lillusion dune participation intellectuelle active de llve. Ce faux change ne modi e pas fondamentalement le rapport de llve au savoir.

    Ce quil convient maintenant dexpliciter, avant de proposer une manire denvisager lapprentis-sage, cest ce que nous savons du rapport de llve au savoir. Pour ce faire, nous emprunterons quatre disciplines : la psychologie, la sociologie, lpistmologie et lanthropologie11 .

    Deux auteurs ce jour ont particulirement contribu clairer toute la porte de la notion de rapport au savoir : Bernard Charlot12 dune part comme sociologue de lduca-12 dune part comme sociologue de lduca-12

    tion, Jacky Beillerot13 dautre part, en empruntant aux concepts de la psychanalyse. Nous 13 dautre part, en empruntant aux concepts de la psychanalyse. Nous 13

    reprendrons ici quelques-uns de leurs propos.

    Parler de rapport au savoir, cest convenir que les lves entretiennent une certaine liaison, un certain commerce avec le savoir, comme lorsquon parle de rapport amoureux entre deux tres. Le rapprochement entre rapport au savoir et rapport amoureux nest du reste pas totalement fortuit. Freud na-t-il pas crit que Apprendre, cest investir du dsir dans un objet de savoir . Il ny a pas dapprentissage scolaire sans dsir dapprendre, sans chercher vivre avec le savoir et ce que reprsente son acquisition : une liaison de plaisir, une certaine rotique.

    Cependant plutt quemployer les ides de liaison, de relation, ou de commerce avec le savoir, nous prfrons lexpression de rapport au savoir . Justi ons lemploi de cette tournure plutt que celles de commerce avec..., de relation ...

    Le mot relation voque le lien entre deux choses qui peut tre un lien de d-pendance (la relation de lesclave son matre), dinterdpendance (les relations entre tats), ou din uence rciproque (la relation entre le langage et la pense).Dans tous les cas, le mot relation voque un lien caractrisable. La relation de Fran-ois au savoir peut tre quali e de bonne ou mauvaise, de souffrance ou de plaisir.

    11 Ce qui suit est emprunt en grande partie DEVELAY, M. (1996), Donner du sens lcole, Paris, ESF.12 CHARLOT, B., BAUTIER, . & ROCHEX, J.-Y. (1992), cole et savoir dans les banlieues et ailleurs, Paris, Armand Colin.13 BEILLEROT, J. (1989), Savoir et rapport au savoir, Paris, d. Universitaires.

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    tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire Chapitre 1

    Parler donc de la relation dun lve au savoir introduit lide dune certaine matrialit de ce lien qui pourrait tre explicit.

    Le mot commerce marquerait davantage encore la matrialit et la consistance du lien entre llve et le savoir. Parler du commerce de Franois au savoir, cest voquer une relation que Franois entretient de manire dlibre, intentionnelle avec le savoir, commerce dont il aurait conscience.

    Le terme rapport est plus nigmatique que les prcdents. Le rapport de Franois au savoir induit que quelque chose de lche, de non prmdit, de ottant, existe entre Franois et le savoir. Lide de rapport renvoie un processus vraisemblablement non conscient, non prmdit, non voulu entre les deux entits que sont une personne et le savoir. A n de diffrencier les termes de relation et de rapport, le premier plus objectivable, le second plus ind ni, Beillerot rappelle quil existe un ministre des Rela-tions extrieures, mais quon ne parle pas de ministre des Rapports extrieurs. Charlot considre quant lui, dune part, que ce qui sexprime dans le rapport au savoir, cest lidentit mme de lindividu constitue par une constellation de repres, de prati-ques, de mobiles et de buts engags dans le temps ; et dautre part, quil est pertinent et lgitime de parler de rapport au savoir dun groupe, car le rapport au savoir dune personne merge du rapport au savoir du (ou des) groupe(s) au(x)quel(s) il appartient (sa famille, son milieu social).

    Nous venons de dire le caractre indcis du terme rapport au savoir, lequel nest pas for-cment conscient, est dif cilement caractrisable, possde des dimensions individuelles et groupales. Nous nous proposons maintenant dvoquer quels clairages un enseignant peut sen donner, travers les outils de la psychologie, de la sociologie et de lpistmologie.

    4A. Approche psychologiqueLa psychologie peut dabord nous aider comprendre le rapport au savoir dun lve. Le savoir doit avoir un sens pour lindividu a n quil se lapproprie (le contraire de ce qui se passe lorsquon dit dun enfant quil napprend pas parce qu il na pas envie de savoir. ). La psychanalyse parle de rapport au savoir comme dune relation dobjet. Le premier ob-jet qui permet au bb de se diffrencier du monde extrieur est sa mre, dont il na, la naissance, quune image morcele, le sein constituant un lment fort. Ces objets, qui vont aider lenfant sautonomiser par la pense de son environnement et lui permettront de crer son moi, sont donc des personnes, mais aussi des choses investies du dsir de connais-sance. Ds la naissance, la connaissance est donc la seule possibilit pour lenfant dexister, car elle lui permet de se diffrencier, en se mettant distance de son environnement.

    Parler de rapport au savoir comme dune relation dobjet, cest convenir que les objets de savoir enseigns lcole doivent tre investis de dsir pour tre appropris. Accepter de savoir, cest accepter de dsirer savoir.

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    Chapitre 1 tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire

    Je ne comprends pas pourquoi tu ncris rien Benot, alors que la phrase que je vous ai donne traduire est simple : la fourrure de mon chat est noire dit le professeur danglais.

    Non, Mdame.

    Est-ce que tu ne te souviens plus de la manire dont on traduit la forme possessive la fourrure de mon chat , en anglais ?

    Non, Mdame.

    Alors, pourquoi tu ncris rien ?

    Cest parce que je nai plus de chat. Le mien dabord il tait gris, et puis il est parti et on ne la jamais revu. Il a d se perdre, ou on me la pris.

    Il est vident que nous ne nous serions vraisemblablement pas pos ces questions si nous avions eu traduire la fourrure de mon chat Nous aurions demble compris et accept que peu importait la couleur de la fourrure de ce chat, et que de plus il ne sagissait pas de notre chat.

    Apprendre, cest investir du dsir dans un objet de savoir , crivait Freud, avons-nous dj rappel. Benot ntait pas dispos investir du dsir dans cette traduction. La tra-duction ntait pas ce jour-l objet de dsir, mais de rejet, car lenfant ne parvenait pas trouver la bonne distance avec ce savoir.

    Le savoir, au dpart de tout apprentissage, constitue une ralit extrieure llve. Ob-servant Benot dans diffrentes situations o il est confront une langue trangre, on pourrait dire quil y a Benot et langlais de son livre danglais, quil y a Benot et langlais de son professeur danglais. Lorsque Benot a compris le cours, il ny a plus Benot dune part et langlais dautre part. Benot a fait siennes certaines notions de cette langue trangre. Il sest appropri de langlais. Ce mcanisme est frquemment dsign par les termes de comprhension ( en langues, il comprend bien, il pige vite ) ou dincomprhension ( il ne comprend rien en langues, en anglais il est nul ). On voque, en effet, davantage des mcanismes cognitifs quaffectifs pour expliquer la russite ou lchec dun lve.

    Certes, on entend dire quun lve est nul en langues parce quil naime pas les langues, ou quil est bon en langues parce quil aime langlais, les mmes remarques tant tenues propos de lducation physique, de la philosophie, de la musique ou de la technologie. Laffectif vient alors se mler au cognitif. Pour apprendre des maths, de la gographie, de lhistoire de lart ou des sciences, il ne faut pas seulement les comprendre, il faut les aimer. On vit donc avec le savoir une relation affective et pas uniquement cognitive. Examinons alors les positions respectives que lon fait jouer laffectif et au cognitif. Certains auteurs estiment quil sagit de deux domaines sans relations entre eux : Pour tre bon en dicte, il suf t dapprendre du vocabulaire et ses rgles de grammaire. Dautres auteurs consi-drent laffectivit comme le moteur de la cognition, comme ce qui la prcde et linduit le cas chant : Si tu te mets aimer crire, alors tu deviendras bon en orthographe.

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    tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire Chapitre 1

    Pour beaucoup, par exemple laffectivit est rduite avoir un rle inhibiteur ou facili-tateur dans les apprentissages. Dans ce cas, faut-il considrer lanxit comme un facteur inhibiteur ou comme un facteur facilitateur ? Jacques Nimier14 cite un auteur amricain, 14 cite un auteur amricain, 14

    Degnan, qui compara les attitudes et le degr danxit de 22 tudiants considrs comme bons en mathmatiques avec ceux de 22 tudiants considrs comme mauvais en math-matiques. Cet auteur montra que les tudiants qui russissaient taient gnralement plus anxieux que ceux qui ne russissaient pas, et que ceux qui russissaient avaient des attitudes plus positives en mathmatiques que les autres. Lanxit, a priori considre a priori considre a prioricomme un facteur inhibiteur se rvle tre un facteur facilitateur. Nous voyons donc bien la ncessit quil y a approfondir ce quon entend par affectivit.

    A n de donner consistance au terme affectivit, dont on parle beaucoup sans toujours tenter de le prciser, nous dirons et chercherons expliquer que le rapport au savoir peut se comprendre par les pulsions qui nous animent et par les fantasmes que ces dernires gnrent. Les pulsions sont ce qui nous pousse agir, qui a pour origine notre psychisme et que nous ne matrisons pas. Quatre attributs expliquent la pulsion : la pousse, le but, la source et lobjet :

    la pousse est laspect dynamique, le moteur de la pulsion. On observe par exemple des lves qui lgard de certaines parties dune discipline scolaire expriment une pousse dintrt, alors que dautres prouvent dans les mmes circonstances une pousse de passivit ;

    le but de la pulsion est ce vers quoi elle tend. Certains lves se donnent pour but but de la pulsion est ce vers quoi elle tend. Certains lves se donnent pour but butde savoir, a n dapparatre comme de bons enfants aux yeux de leurs parents, alors que dautres, avec le mme but cherchent avant tout accder une autre position sociale que celle de leur milieu dorigine, sen diffrencier donc ;

    la source de la pulsion est ce qui la dclenche ;

    son objet est ce en quoi, ou par quoi, elle peut atteindre son but. La note, lap-objet est ce en quoi, ou par quoi, elle peut atteindre son but. La note, lap-objetprciation des enseignants constituent autant dobjets pour lexpression de la pulsion de savoir.

    On observe chez certains lves (trop peu nombreux sans doute) une pulsion pour la lec-ture qui leur fait dvorer tout ce qui leur tombe sous la main. Le but de la pulsion peut tre lvasion du quotidien que permet la lecture ou la possibilit de parvenir se mieux connatre en sidenti ant des personnages, ou la possibilit de briller en montrant ses connaissances. La source peut tre lennui, la peur de soi, lamour de soi, le besoin de briller Lobjet est la lecture, la source le livre. Pas de dterminisme donc. Chacun aime lire, ou dteste lire, ou naime lire que telle catgorie douvrage, pour des raisons chaque fois particulires. Dans le mme ordre dides, on peut aimer la biologie parce quon af-fectionne la nature et quon aime les animaux, parce quon est la recherche du mystre de la vie, voire de sa vie, parce que la biologie, cest la vie, et la vie la sexualit, et quon se pose des questions fortes son propos.

    14 NIMIER, J. (1988), Les modes de relation aux mathmatiques, Paris, Klincksieck.

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    Chapitre 1 tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire

    Ainsi parler, dans sa dimension psychologique, du rapport au savoir de Benot, cest com-prendre ce qui dans le savoir scolaire en gnral, ou dans tel savoir scolaire en particulier, rpond au dsir de cet enfant.

    Cherchant expliquer les raisons pour lesquelles il stait intress la biologie, un en-seignant en vint expliquer comment certains domaines lintressaient particulirement dans cette discipline. Il dit comment toute naissance et toute enfance le bouleversaient ; par association, comment la vision dun enfant malheureux dans un lm le touchait beaucoup, comment il stait toujours demand et continuait se demander aujourdhui encore, alors quil avait pass un diplme dembryologie, quel type de relation le ftus entretenait avec le liquide amniotique, si ce dernier ne rentrait pas dans ses narines, si Par association toujours, il accepta de dire comment la naissance le renvoyait la dimension fantasmatique du retour dans lutrus maternel, auquel il avait le sentiment de songer parfois en rve. Il en vint dire que ce qui lintressait dans lapprentissage ctait lapprenti sage , cest--dire la ncessit dans laquelle il se sentait de considrer lenfant comme un sage, comme un tre qui a une connaissance juste des choses et non pas comme un tre qui na pas encore atteint lge de raison. Par associations encore, il voqua le second domaine qui le passionnait en biologie : la connaissance des relations entre le cerveau et la pense. Il ajouta quil achetait de nombreux livres dans ce domaine, attentif comprendre comment la neurobiologie actuellement expliquait certains aspects des liens cerveau-esprit mais se montrait incapable den expliquer dautres. Lintention, le sens taient de ce registre. Cela lui permit dexpliquer que ce qui lintressait aussi dans lapprentissage, ctait japprends tissage , comme capacit relier des lments de savoirs frquemment dissocis la biologie, la psychologie, lthologie notamment. Ce mcanisme de liens et de tissage, il le mit en relation avec un intrt permanent quil avait faire vivre des groupes damis.

    Cet enseignant de biologie revint son rapport sa discipline, et il comprit comment cette dernire lavait attir, parce quelle lui permettait de rpondre des questions fortes quil se posait.

    Lenseignant nest pas un analyste. La classe nest pas un lieu de thrapie. Le matre na pas la comptence et ne doit pas avoir le projet de jouer lapprenti-psychologue. Et pourtant, la classe peut tre loccasion daider llve prendre de la distance lgard des savoirs enseigns et de se rendre attentif au rapport quil vit lgard des savoirs scolaires.

    Le questionnaire ci-aprs mriterait une adaptation chaque discipline, et chaque niveau denseignement. Il est inspir des travaux de J. Nimier15 et serait susceptible damorcer une 15 et serait susceptible damorcer une 15

    r exion dlves propos de leurs rapports la physique.

    15 NIMIER, J., op. cit.

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    tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire Chapitre 1

    1. Quest-ce que vous prouvez devant un problme de physique ?

    Jai limpression que je narriverai jamais au bout 1, 2, 3, 4, 5

    Jai limpression de construire quelque chose en y arrivant 1, 2, 3, 4, 5

    Jai rapidement envie dabandonner 1, 2, 3, 4, 5

    Si jy arrive, jai limpression de combler un manque 1, 2, 3, 4, 5

    Au dbut, jai limpression dtre devant un trou noir 1, 2, 3, 4, 5

    2. Pour moi, faire de la physique, cest...

    absurde, a ne reprsente rien 1, 2, 3, 4, 5

    faire quelque chose qui ne sert pas grand chose 1, 2, 3, 4, 5

    dcouvrir des choses nouvelles 1, 2, 3, 4, 5

    faire quelque chose de fondamental 1, 2, 3, 4, 5

    une faon de discipliner mon esprit 1, 2, 3, 4, 5

    essayer dtablir des liens entre diffrentes choses 1, 2, 3, 4, 5

    3. Que pensez-vous des phrases suivantes ?

    En physique, il ny a pas de place pour la personnalit : tout ce quon a trouver, dautres lont dj trouv 1, 2, 3, 4, 5

    La physique, cest un moyen davoir une forte personnalit 1, 2, 3, 4, 5

    La physique, risque dapporter des destructions : il ny a qu penser la bombe atomique 1, 2, 3, 4, 5

    La physique, cest intressant parce quil y a des expriences qui permettent de faire des choses 1, 2, 3, 4, 5

    La physique permet de penser et dagir 1, 2, 3, 4, 5

    La physique permet un raisonnement plus fondamental que les maths parce quil faut raisonner et exprimenter 1, 2, 3, 4, 5

    Ceux qui font trop de physique risquent parfois de ne plus avoir les pieds sur terre 1, 2, 3, 4, 5

    4. La physique, cest quoi, pour vous ?

    Comment, de manire plus gnrale, faciliter le rapport de llve aux savoirs disciplinai-res qui lui sont enseigns, et au savoir en gnral ? En facilitant des temps doraux et des temps dcrits qui permettent aux lves de se dlier des savoirs scolaires et du savoir scolaire. Chaque enseignant peut le faire dans le cadre de son propre enseignement, pour sa discipline. Le professeur principal ou le professeur de franais peuvent le raliser dans le cadre de leur enseignement travers des activits dexpression et de communication, pour ce qui concerne le savoir scolaire en gnral. La capacit se dlier des savoirs, chercher comprendre les raisons pour lesquelles ils prsentent de lintrt ou entranent un rejet, permet de sen mettre distance, et ainsi dapprcier le rapport quon vit avec ceux-ci. On ne peut parler que de la singularit du rapport au savoir de chaque lve, tant celui-l noue et dnoue des questions que se pose celui-ci. Le matre peut accompagner un enfant dans cette aventure, condition davoir pour soi-mme prserv son dsir de savoir.16

    16 CIFALI, M. (1994), Le lien ducatif, contre-jour psychanalytique, Paris, PUF.

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    Chapitre 1 tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire

    4B. Approche sociologiqueLa sociologie, en tant que discipline concerne par les phnomnes de groupe, est utile tout autant pour clairer la question du rapport au savoir. Il ne faut jamais oublier que le rapport au savoir de llve lcole tire ses origines du rapport au savoir quil a vcu antrieurement, dans sa famille notamment. Or, toutes les familles ne vivent pas avec le savoir un rapport identique :

    il est des familles qui fuient le savoir, considr par elles comme relevant dune autre culture que la leur, et quil convient dviter a n de conserver son identit ;

    il est des familles qui cherchent accaparer le savoir, dans le but de se particu-lariser et de se distinguer dautres milieux ;

    il est des familles qui ni ne fuient ni ne tentent de monopoliser le savoir, mais cherchent seulement lapprivoiser quand il leur est utile pour agir. Le savoir, oui, mais condition quil soit fonctionnel, quil serve quelque chose.

    Il est donc des familles qui consomment avec boulimie du savoir, alors que dautres sont anorexiques, et dautres encore gourmets. Ainsi le rapport au savoir de Benot lcole est-il nourri du rapport au savoir de Benot la maison, lequel se nourrit aussi du sentiment dappartenance de sa famille une culture propre (que les anthropologues nomment frquemment subculture, et qui correspond au groupe auquel on sidenti e socialement et culturellement).

    Le rapport au savoir vcu dans la famille inclut au moins trois ralits.

    Dune part, la manire dont les familles dveloppent des stratgies dattente vis--vis de lcole. Attend-on quelque chose et quoi de cette institution, met-on en place des stratgies, lesquelles ?

    Dautre part, la manire dont les familles vivent un certain rapport lgard du savoir dispens par dautres instances que lcole, telles le muse, la tlvision, le cinma, la lecture, la discussion en gnral. La nature des missions regardes la tlvision et la manire dont on en discute on non, la visite de muses, tout autant que la pratique du bricolage ou du jardinage, constituent autant doccasions de se positionner en consom-mateur, en producteur, en inventeur de savoirs son niveau de pratiques.

    En n le rapport au savoir dans la famille nest pas sans relations avec le rapport au sa-voir du groupe social auquel sidenti e la famille. Comment par exemple, se transforme le rapport au savoir dans une famille ouvrire dont le pre accde au l du temps au statut de cadre dans une entreprise ? Comment, crit Charlot, se transforme le rapport au savoir de paysans maghrbins devenant ouvriers dans une usine dautomobiles de la rgion parisienne, comment aussi se transforme le rapport au savoir de leurs femmes dportes de la campagne marocaine dans une cit de banlieue ? Mais aussi comment se transforme le rapport au savoir dans une famille dans laquelle une promotion par les cours du soir permet un parent de changer de statut social ?

    Le concept qui permet de lire les rapports de lenfant la famille est celui didenti cationet non pas de dtermination. Lenfant nest pas surdtermin par ce quil vit dans sa famille. Il lui est possible dchapper aux dsirs, idaux, destins que sa famille lui attribue.

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    tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire Chapitre 1

    Ainsi le destin des lves, dont le milieu familial semblait ne pas les prdisposer un in-vestissement et une russite scolaire, sont-ils extrmement intressants comprendre. Gnralement ils montrent que Pour accepter de changer, et donc davoir une histoire, il faut accepter de ne pas se perdre, de pouvoir conjuguer permanence et changement. Pour que lenfant ou ladolescent puisse russir dsirer cette diffrence de soi soi que signi e tout changement, pour quil accepte ce risque, il faut que se prserve une relation de continuit entre ce quil a t et ce quil est. 17

    Le rapport au savoir de lenfant se construit donc de manire identi catoire dans lattente, ou la non-attente que dveloppe la famille par rapport lcole. Ces comportements incluent dabord les vises stratgiques de la famille par rapport linstitution scolaire, ensuite le suivi familial de la scolarit, en n les relations avec les enseignants. Nous repre-nons ci-aprs des donnes issues de r exions dauteurs, sociologues de lducation comme Marie Duru-Bellat et Agns Henriot-van Zanten18 . Les vises stratgiques des familles font intervenir des considrations extrmement diverses :

    Les familles des classes suprieures sont particulirement bien places pour installer des tactiques permettant leurs enfants de russir car elles possdent linformation utile (le bon tablissement, le bon enseignant, la bonne lire), et ont la capacit de faire pression de manire insidieuse sur les enseignants, en apparaissant frquemment dans les conseils de classe, en ne craignant pas de demander des explications, en af chant leur statut.

    Les familles salaries des classes moyennes abordent lcole comme llment dterminant de leurs projets.

    Les familles populaires paraissent se rpartir en deux groupes : les premires, cause de la prcarit conomique, de la distance symbolique lcole trop forte, du peu douverture sur lextrieur, nengagent pas une dmarche positive lgard de lcole. Les secondes, plus stables professionnellement, plus instruites, plus ouvertes des in uences extrieures, intgrent lcole dans un projet de mobilit sociale.

    Les familles dimmigrs qui sont intresses par la russite scolaire des enfants semblent tre celles qui bn cient dune plus grande stabilit professionnelle du pre, du plus haut degr dinstruction des parents, du mariage plus tardif des femmes, du regroupement plus prcoce de la famille.

    Le suivi familial de la scolarit rvle l encore des diffrences signi catives selon les familles. Dominique Glasman19 montre quil existe une cole hors lcole , soit sous 19 montre quil existe une cole hors lcole , soit sous 19

    la forme de cours particuliers qui continuent stendre auprs denfants de milieux favoriss , soit sous la forme dun soutien scolaire dvelopp sous des formes diverses par des travailleurs sociaux, des militants associatifs, des bnvoles auprs denfants de milieux dfavoriss . Cette cole hors lcole est sans doute en train doprer une nou-velle discrimination, selon la nature de laide apporte, soit sous forme de cours privs oprationnels parce que dispenss par des enseignants avertis de ce domaine, soit sous celle dactions de soutien scolaire mises en place par des bnvoles souvent non forms et employs par des associations ou des municipalits.

    17 CHARLOT, B., BAUTIER, . & ROCHEX, J.-Y., op. cit.18 DURU-BELLAT, M. & HENRIOT-VAN ZANTEN, A. (1992), Sociologie de lcole, Paris, Nathan.19 GLASMAN, D. (1992), Lcole hors lcole, Paris, ESF.

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    Chapitre 1 tat des lieux : le fonctionnement standard de la forme scolaire

    Les relations avec les enseignants sont aussi trs diverses et seules les familles porteuses dun projet, davantage dailleurs dans lenseignement primaire que secondaire, engagent une collaboration avec les enseignants vcus comme de vritables allis. Quant aux en-seignants, leur origine sociale semble intervenir dans cette relation. Ceux dentre eux qui sont issus des classes suprieures dveloppent des initiatives individuelles de contact avec les familles que manifestent moins les autres, issus des classes moyennes.

    Le rapport au savoir de llve se construit dans son milieu familial, travers le systme dattentes et le jeu des attitudes que celui-ci entretient avec linstitution scolaire. Mais intervient aussi le rapport au savoir des familles travers les divers mdias crits, sonores, audiovisuels, ou visuels. La place et la nature des livres la maison, les incitations la lec-ture dans le milieu familial et travers la frquentation des bibliothques, les ventuelles visites de muse, les programmes tlvisuels ou radiophoniques vus, entendus et le cas chant discuts, la prsence de journaux, hebdomadaires, revues diverses dterminent un certain rapport au savoir dans le cadre familial. Mais les pratiques domestiques de jardinage, de bricolage, de cuisine, de rparation et le maintien du matriel technique, organisent aussi un rapport au savoir et renvoient des identi cations parentales diver-ses, avons-nous dj af rm. Reprenant Pierre Bourdieu, on pourrait distinguer aux deux e