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509 URGENCES 2007 co-fondateurs APPROCHES ET MODALITÉS PRATIQUES QUE NÉCESSITE LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR. SPÉCIFICITÉS DE CETTE PRISE EN CHARGE PAR LE PERSONNEL INFIRMIER Correspondance : 1. Introduction L’amélioration de la prise en charge de la douleur au sein des services d’accueil des urgences et SMUR passe par une large sensibilisation et de la formation des personnels soignants – au sein de laquelle on sait la place prépondérante de l’infirmier(e). Afin d’optimiser sa participation à la lutte contre la douleur, spécialement dans le cadre de l’urgence, celui (celle)-ci doit acquérir un certain nombre de connaissances fondamentales (neurophysiologiques), maîtriser les outils de son évaluation et les moyens de traitement : non médicamenteux ou médicaments, ainsi que les éléments de leur évaluation. 2. Quelques références juridiques Décret n˚ 2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier, Texte abrogé décret n˚ 2004-802 du 29 juillet 2004 et indexé au Code de la santé publique (CSP – Livre 3, Titre 1, Chapitre 1, Section 1. art R. 4311-1 à 15) Article 2 : « Les soins infirmiers… ont pour objet, dans le respect de la personne, dans le souci de son éducation à la santé et en tenant compte de la personnalité de celle-ci dans ses composantes physiologique, psychologique, économique, sociale et culturelle… (5˚) de participer à la prévention, à l'évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes… ». Chapitre 55 Approches et modalités pratiques que nécessite la prise en charge de la douleur. Spécificités de cette prise en charge par le personnel infirmier E. ROUSSELET

Approches et modalités pratiques que nécessite la prise en charge de la douleur ... · 2015. 4. 10. · 513 URGENCES 2007 co-fondateurs APPROCHES ET MODALITÉS PRATIQUES QUE NÉCESSITE

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APPROCHES ET MODALITÉS PRATIQUES QUE NÉCESSITE LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR. SPÉCIFICITÉS DE CETTE PRISE EN CHARGE PAR LE PERSONNEL INFIRMIER

Correspondance :

1. Introduction

L’amélioration de la prise en charge de la douleur au sein des services d’accueildes urgences et SMUR passe par une large sensibilisation et de la formation despersonnels soignants – au sein de laquelle on sait la place prépondérante del’infirmier(e). Afin d’optimiser sa participation à la lutte contre la douleur,spécialement dans le cadre de l’urgence, celui (celle)-ci doit acquérir un certainnombre de connaissances fondamentales (neurophysiologiques), maîtriser lesoutils de son évaluation et les moyens de traitement : non médicamenteux oumédicaments, ainsi que les éléments de leur évaluation.

2. Quelques références juridiques

Décret n˚ 2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et àl'exercice de la profession d'infirmier, Texte abrogé décret n˚ 2004-802 du29 juillet 2004 et indexé au Code de la santé publique

(CSP – Livre 3, Titre 1,Chapitre 1, Section 1. art R. 4311-1 à 15) Article 2 :

« Les soins infirmiers… ontpour objet, dans le respect de

la personne, dans le souci de son éducation à lasanté et en tenant

compte de la personnalité de celle-ci dans ses composantesphysiologique, psychologique, économique, sociale et culturelle… (5˚) departiciper à la prévention, à l'évaluation et au soulagement de la

douleur et dela détresse physique et psychique des personnes… ».

Chapitre

55

Approches et modalitéspratiques que nécessite

la prise en charge de la douleur.Spécificités de cette prise en charge

par le personnel infirmier

E. R

OUSSELET

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Décret 2004-802 du 29/07/04 Code de la santé publique

• Article 4311-5 : «

Dans le cadre de son rôle propre, l'infirmier ou l'infirmièredoit désormais évaluer la douleur sans prescription médicale ».

• Article R. 4311-8

«

L'infirmier ou l'infirmière est habilité à entreprendre

et àadapter les traitements antalgiques, dans le cadre

des protocoles préétablis,écrits, datés et signés par un médecin.

Le protocole est intégré dans le dossierde soins infirmiers ».

Circulaire DHOS/E2 n˚ 266 du 30 avril 2002

relative à la mise en œuvre du pro-gramme national de lutte contre la douleur 2002-2005 dans les établissementsde santé.

Article L. 1110-5 du Code de la santé publique

(Loi n˚ 2002-303 du 4 mars 2002relative aux droit des malades et à la qualité du système de santé :

«…Toutepersonne a le droit de recevoir des soins visant

à soulager sa douleur. Celle-cidoit être en toute circonstance

prévenue, évaluée, prise en compte et traitée…».

3. Bases fondamentales à acquérir par l’infirmier pour aborder l’évaluation et le traitement de la douleur

L’association Internationale pour l’Étude de la Douleur définit la douleur comme« une expérience désagréable, sensorielle et émotionnelle qui associe à undommage tissulaire réel ou potentiel, ou simplement décrite en termes d’un teldommage ». La douleur constitue une expérience subjective, un phénomèneneuropsychologique, quel que soit son mécanisme initiateur : somatique,neurologique ou psychologue. La douleur n’est pas réductible aux seules causeslésionnelles

3.1. Identification des composantes de la douleur

– Composante sensori-discriminative :• Mécanisme neurophysiologique aboutissant au décodage de la douleur :

– qualité

: torsion, étau, brûlure,

– intensité, durée, évolution

: crise paroxystique ou bruit de fond perma-nent,

– localisation du message nociceptif

.

– Composante affectivo-émotionnelle :• Confère à la douleur sa tonalité désagréable, pénible voire insupportable. • Peut se prolonger vers des états émotionnels plus difficiles : anxiété oudépression.

– Composante cognitive :• Ensemble des processus mentaux capables d'influencer la perception de ladouleur et des comportements qu'elle induit. Expérience de Beecher

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(consommation de morphine différentes entre les blessés civils et les blessésmilitaires).

– Composante comportementale :• Ensemble des manifestations verbales ou non verbales observables chez unpatient douloureux : plainte, gémissements, position antalgique.

Il est d’usage de distinguer différents types de douleurs suivant leur durée d’évo-lution (D. aiguë

vs.

d. chroniques) ou suivant leur mécanisme physiopatholo-gique :– douleur d’origine somatique : par excès de stimulation nociceptive ;– douleur neurogène : soit par compression d’un tronc, d’une racine ou d’unplexus (sciatique, synd. canalaire, tumeur, …), il s’agira d’une douleur neurogèneque l’on peut désigner de nociceptive ; soit elle survient dans un tableau séquel-laire et s’explique par la notion de désafférentation (très schématiquement :hyperexcitabilité des neurones des relais spinaux/supra spinaux, d’un mécanismemal élucidé, après lésion ou section des afférences périphériques ;– douleur d’origine psychogène, résultant plutôt de l’intrication de facteurssomatiques et psychosociaux qui se rencontre dans différents cadres nosogra-phiques : hypochondrie, somatisation d’un désordre émotionnel (tel la dépres-sion) ou encore la somatisation hystérique

(tableau 1)

.

Quand bien même dans le cadre de la médecine d’urgence confronteral’infirmier à tous les autres types de douleurs énumérés plus haut (douleurneurogène, douleur psychogène), cette exercice lui donnera plus spécifiquementà prendre en charge des douleurs de type nociceptives, sur un mode aigu,symptômes révélateurs ou accompagnateurs de lésions ou de pathologies sous-jacentes. Ceci imposera à l’infirmier(e) d’en connaître parfaitement lesmécanismes neurophysiologiques, les conséquences physiologiques qu’ellesentraînent, et d’être en mesure de procéder à leur évaluation.

3.2. Bases neurophysiologiques

3.2.1. De la périphérie vers la moelle

Les messages nociceptifs sont générés par au niveau des terminaisons libres desfibres sensitives C amyéliniques activées par des stimulations mécaniques,thermiques et chimiques, et A delta myélinisées activées par des stimulationsmécaniques et transmettent les messages nociceptifs des tissus profonds. L’influxnociceptif rejoint le système nerveux central par les racines rachidiennespostérieures ou leur équivalent au niveau des nerfs crâniens. Un relais s’établitau niveau de la corne dorsale de la moelle par deux types de neurones :– neurones nociceptifs non spécifiques recevant des informations des fibres Aalpha, A bêta et A delta, répondant à des stimulations mécaniques légères nonnociceptives et à des stimulations nociceptives thermiques et parfois chimiques ;– neurones nociceptifs spécifiques, recevant par les fibres A delta et C desstimulations mécaniques et/ou thermiques intenses.

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3.2.2. De la moelle vers le cerveau

La majorité des neurones de projection croise la ligne médiane et gagne le fais-ceau ascendant par le quadrant ventrolatéral de la moelle. Le faisceau spinotha-lamique est la voie principale de transmission des messages nociceptifs vers lethalamus latéral et médian. Ces neurones thalamiques se projettent ensuite auniveau du cortex somesthésique primaire, en particulier le cortex pariétal.

Il est à noter que le transfert de l’influx nociceptif est modulé par différentssystèmes de contrôle.

La première théorie est celle du « gate control » : la transmission de l’influxnociceptif vers les structures supra spinales ne se fait que lorsqu’il existe undéséquilibre consécutif à un excès de nociception ou à un défaut d’inhibition.

Le second système est supra spinal, situé au niveau de l’aqueduc de Sylvius : ilreçoit un message nociceptif aléatoire et diffus. Ce système semble intriqué avecle système analgésique endogène, libérant des endorphines.

Tableau 1 –

Douleur aiguë « symptôme »

Douleur chronique « d. maladie »

Définition

Contemporaine d’une lésion précise, dont la durée n’excède pas 6 mois.Régresse jusqu’à disparaître avec sa cause.

Évoluant depuis au moins 6 mois, elle est rebelle aux traitements antalgiques usuels.

« Intérêt » biologique

Signal d’alarme.Utile et protectrice.

Inutile et destructrice.Maladie à part entière.

Mécanisme

Unifactoriel. Plurifactoriel.

Répercussions somato-végétatives

– Cardio-vasculaire(pouls et PA).– Respiratoire.– Neuroendocrine (sécrétion de catécholamines augmentée).

Le patient développe des stratégies d’adaptation.

Répercussions psychologiques

Émotionnelle affective : angoisse, anxiété.

Comportementale :refus de la relation, isolement, refus de participation, agitation, panique ou silence.

Émotionnelle affective :Dépression.

Comportementale :irritabilité, fatigabilité, désintérêt, troubles du sommeil, de la concentration, de l’alimentation.

Expression

Verbales ou non :plaintes, cris, pleurs, rictus douloureux, attitudes antalgiques.

Résignation, lassitude, épuisement.

Objectif thérapeutique

Curatif. Réadaptatif.

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3.2.3. Médiateurs de la douleur

Ils ne sont pas parfaitement élucidés à ce jour. Il existe des substances algogènesqui entraînent une activation des nocicepteurs lors de lésions tissulaires ou de phé-nomènes inflammatoires (bradykinine, sérotonine, histamine, prostaglandine) ;d’autres, telles la substance P interviennent dans les processus neurogènes (par leréflexe d’axone), alors que le système sympathique,

via

la libération de noradréna-line, modulerait l’activité des nocicepteurs dans des conditions pathologiques par-ticulières, notamment en cas de lésion de nerfs périphériques.

3.3. Conséquences physiologiques de la douleur

La douleur est génératrice de complications organiques proportionnelles à sonintensité et dépendantes du terrain sur lequel elle s’exerce :– stimulation adrénergique : tachycardie, élévation de la pression artérielle, aug-mentation du débit cardiaque et de la consommation en oxygène du myocarde,sudation, rétention urinaire et iléus intestinal ;– une stimulation nociceptive brutale et intense peut stimuler le système para-sympathique, engendrant un malaise vagal– modifications neurohormonales : augmentation de la sécrétion de catéchola-mine, de cortisone, d’ACTH, d’ADH, d’aldostérone et de glucagon ; diminutionde la sécrétion d’insuline, des hormones thyroïdiennes et de la testostérone ;– hyperventilation, entraînant une hypocapnie ;– augmentation de la consommation d’oxygène par l’organisme ;

La douleur peut ainsi induire un déséquilibre diabétique, provoquer la décom-pensation d’une cardiopathie ischémique, favoriser le saignement d’une lésionhémorragique…

La douleur induit également des modifications comportementales : perturbationde l’attention, prostration, ou,

a contrario

, agitation et logorrhée. L’agitation dupatient douloureux pouvant être fauteuse de l’aggravation de lésions trauma-tiques (déplacement lors de fractures rachidiennes ou de membres).

3.4. Conséquences pharmacologiques d’une agression douloureuse

– La diminution artificielle du volume de distribution par les pertes sanguines, demême que l’augmentation de la réaction d’éveil induisent une diminution initialerelative de l’efficacité des produits neurotropes (morphiniques, mais aussi séda-tifs et hypnotiques) qui pourront être utilisés.

4. Impératifs et contraintes dans la prise en charge de la douleur en urgence

– L’évaluation du patient :• Existence d’une détresse vitale ?

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• Tableau clinique : nécessité de l’évaluation préalable des fonctions cardio-vasculaire, respiratoire, neurologique, hépatique et rénale.• Évaluation de la douleur indispensable.• Identification des antécédents et facteurs de risques : allergie, grossesse,obésité, enfant, personne âgée, pathologie sous jacente…• Situation à « estomac plein ».

– L’évaluation des risques liés aux produits utilisés ou aux techniques employées :utilisation d’agents sédatifs, dépresseurs cardio-circulatoire ou respiratoire ?

– Contraintes contextuelles :• Disponibilité obligatoire du matériel de surveillance et de réanimation.• Espace exigu, accès difficile au patient (incarcération), dans le cadre del’exercice en SMUR.• Durée du transport, délai d’admission hospitalière, toujours dans le cadrede l’exercice en SMUR.

5. L’infirmier(e) et l’évaluation de la douleur

L’interrogatoire du patient (et/ou de son entourage) doit faire préciser lesantécédents du patient et ses éventuels traitements en cours. Il doit permettrede caractériser la douleur aussi fidèlement que possible :

– modalité d’apparition ;

– heure de début ;

– type de douleur (brûlure, décharge électrique, serrement, broiement, piqûre,coup de poignard) ;

– intensité ;

– existence de position antalgique ;

– atténuation voire disparition par l’utilisation d’antalgiques (lesquels ?).

L’infirmier(e) devra tenir compte du vécu du sujet, de son contexte social,culturel ou religieux : ils peuvent faire varier considérablement, d’un individu àl’autre, l’expression de la douleur ou des sentiments. Il devra évaluer lesmanifestations verbales et non verbales : pleurs, cris, gémissements, rictus,grimaces, immobilisation d’un membre ou d’un segment de membre, positionsadoptées antalgiques, façon de marcher ou de se tenir, repli sur soi et silence…

L’évaluation des modifications des signes neurovégétatifs induits par la douleurfait appel à la mesure et à l’appréciation : de la fréquence cardiaque, de lapression artérielle, de la fréquence respiratoire, de la sudation du patient.

La réévaluation régulière de la douleur permettra d’adapter la réponse thérapeu-tique antalgique et de mesurer l’efficacité de celle-ci. Elle doit nécessairementfaire appel à l’utilisation de règles d’évaluation.

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5.1. Utilisation d’échelles d’évaluation

Bien que parfois difficile d’utilisation dans le contexte de l’urgence, l’infirmierdoit impérativement utiliser les échelles d’évaluation de la douleur disponibles.Ces échelles permettent de choisir la stratégie thérapeutique et d’évaluer seseffets :

– Échelle numérique : c’est une échelle quantitative, utilisant 11 points, de 0 à10, où le 0 correspond à « pas de douleur » et le 10 à la « pire douleur imagi-nable. Très utilisée en médecine d’urgence.

– L’Échelle visuelle analogique, méthode de référence, elle fait appel à uneréglette graduée de 0 à 10 (ou de 10 à 100) : une valeur inférieure à 3 (ou 30),la douleur est considérée comme faible ; une valeur comprise entre 3 et 6 (30et 60), la douleur est considérée comme modérée ; au-delà de 6 (ou 60) la dou-leur est dite intense.

– Échelle verbale simple : utilisée en cas d’incapacité d’utilisation de la précé-dente, elle utilise des terme descriptifs : la douleur sera qualifiée de nulle, faiblemodérée, intense, extrêmement intense (termes cotés de 0 à 4).

– Échelles basées sur l’observation du faciès (existe pour les adultes et lesenfants) : échelles d’hétéroévaluation, elles permettent une évaluation de la sen-sation douloureuse chez les patients non communicants.

La totalité de l’observation infirmière, pour être utile, doit bien évidemment fairel’objet de transmissions verbales ET écrites aux médecins et collègues !L’utilisation de schéma annoté localisant précisément le siège de la douleur estpertinente dans le cadre des transmissions écrites.

6. L’infirmier(e) et la mise en œuvre de techniques antalgiques non médicamenteuses

Avant et/ou outre l’administration de thérapeutiques médicamenteuses, uncertain nombre de moyens s’offrent pour soulager la douleur, que l’infirmierdevra mettre en œuvre de lui-même ou pour lesquels il participera à la mise enœuvre ; ces techniques non médicamenteuses sont de deux catégories : lesmoyens psychologiques et les moyens physiques.

6.1. Moyens psychologiques

Au « chevet du patient » l’infirmier doit immédiatement établir un climat deconfiance, se situer dans une relation d’aide avec le patient, être présent et à sonécoute. Le soignant doit aider le patient à exprimer verbalement, lorsque c’estpossible, ses sentiments, son ressenti face à la douleur. Il doit laisser au patientle sentiment que sa douleur est prise en compte par l’équipe soignante.

La communication améliore le confort et la confiance du patient algique ;l’équipe médicale et paramédicale du service des urgences doit donner des

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explications aussi régulièrement que possible sur la pathologie ou la lésion, surles examens qui vont être effectués et sur les traitements qui seront entrepris.

6.2. Moyens physiques

6.2.1. Immobilisation

En cas de fracture de membre, les immobilisations par attelles ou par matelas àdépression, outre qu’elles permettent de juguler le risque de complications liéesà un déplacement secondaire (lésions vasculo-nerveuses), permettent de calmerla douleur : l’infirmier(e) aux urgences se doit d’en connaître les différentsmodèles qu’il sera amené à rencontrer, leurs techniques respectives de mise enplace et la surveillance inhérente (risques de compression cutanée et vasculo-nerveuse).

6.2.2. Stimulation thermique

L’application de froid, selon diverses modalités (vessie de glace, spray réfrigérant,compresses froides, …) permet d’obtenir une hypoalgésie. Ses indications sont :divers traumatismes sans effraction cutanée, les douleurs musculaires, lesdouleurs dentaires, les céphalées, les lombalgies… Certaines précautions doiventêtre prises lors de la mise en œuvre d’une application de froid chez les patientsprésentant des troubles sensitifs importants, des troubles circulatoires. Ce typed’application sera évité chez les cardiaques, les porteurs de lésions cutanées(brûlures), les nouveau-nés (< 3 mois). Par ailleurs, le temps d’application ne doitpas excéder 10 minutes en continu (et 30 minutes en discontinu).

À l’inverse, dans certains cas, une diminution de la sensation douloureuse peuts’obtenir par une stimulation par le chaud (la zone de température requise estd’environ 40˚), qui permet d’obtenir une augmentation de la circulation locale,une augmentation de la température cutanée et une augmentation de ladétente musculaire. Les contre-indications du réchauffement sont les saigne-ments et les œdèmes. Du reste, l’infirmier devra identifier les facteurs favorisantsde risques de brûlures : application au niveau des os superficiels, zones peu vas-cularisées, hypo ou anesthésiques.

6.2.3. « Kinésithérapie»

La composante musculaire peut être contrôlée par des massages décontractu-rants (éventuellement médicamenteux), par l’apprentissage de postures adaptées(« école du dos » pour les lombalgiques).

7. Rôle infirmier dans l’administration et la surveillance de thérapeutiques médicamenteuses

Le but du traitement pharmacologique de la douleur est de calmer la douleurafin d’en éviter les effets délétères à l’organisme. Responsable de leur adminis-

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APPROCHES ET MODALITÉS PRATIQUES QUE NÉCESSITE LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR. SPÉCIFICITÉS DE CETTE PRISE EN CHARGE PAR LE PERSONNEL INFIRMIER

tration et de la surveillance de leurs effet, l’infirmier(e) doit garder à l’esprit qu’ilexiste toujours une balance entre les effets néfastes de la douleur et les effetslatéraux des traitements employés.

Nota : les posologies usuelles présentées ci-dessous – préconisées par certainsauteurs – ne sont données qu’à titre indicatif.

7.1. Antalgiques par voie générale

La classification des antalgiques en trois niveaux, telle que définie par l’OMSs’adapte assez bien à la pratique en médecine d’urgence :

7.2. Antalgiques de niveau 1

D’une puissance limitée, ils sont utilisés dans les douleurs faibles à modérées. Ilspossèdent généralement un long délai d’action. Coprescrits avec les morphini-ques, ils permettent d’en diminuer les doses (effet additif ou synergique).

7.2.1. Le paracétamol

Le paracétamol est un inhibiteur de la synthèse des prostaglandines agissant sur lesystème nerveux central. Outre l’analgésie qu’il procure, il dispose d’un effet anti-pyrétique. Il est dépourvu d’interactions médicamenteuses, mais son utilisationdoit être prudente chez les sujets alcooliques chroniques, dénutris ou porteursd’une insuffisance hépatocellulaire (métabolisme hépatique du paracétamol, pargluco et sulfoconjugaison). Il s’utilise seul dans les douleurs modérées ou dans leshyperthermie supérieures à 38˚, mais peut être associé avec un analgésique pluspuissant dans les douleurs importantes. Le paracétamol existe en de nombreusesprésentations orales (« Doliprane », « Efferalgan », « Dafalgan », …) disponibleen comprimés, gélules ou sachets, à 500 mg pour la les formes adultes (80, 150,250 mg dans les formes pédiatriques). La posologie

per os

est de 3g/jour en 3 à6 prises pour un adulte (la posologie pédiatrique est de 60 mg/kg/j en 4 prises de15 mg/kg). Le paracétamol peut être administré dès l’accueil par l’Infirmier

Classification des antalgiques, selon l’OMS

Niveau 1

Non opioïdes :Paracétamol et dérivésAspirine et anti-inflammatoire non stéroïdiens

Niveau 2

Les antalgiques opioïdes faibles :CodéineDextrpropoxyphène+ antalgiques non opioïdes

Niveau 3

Antalgiques opioïdes forts :MorphineFentanylEn administration titrée !

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Organisateur de l’Accueil, sur protocoles thérapeutiques datés et signés, permet-tant de raccourcir les délais de prise en charge de la douleur.

Le « Perfalgan » est une forme injectable (injection intraveineuse) prêt à l’emploidu paracétamol, existant en flacon à 1g pour 100 ml et 0,5g pour 50 ml (formepédiatrique), très utilisé en urgence hospitalière et préhospitalière. Sous cetteforme, la posologie – en perfusion de 15 min – sera de 1g 3 à 4 fois par jourpour un adulte ou un enfant de plus de 50 kg ; elle sera de 15 mg/kg/injection(maximum 60 mg/kg/j) pour un enfant ou un nourrisson, et de 7,5 mg/kg/injec-tion (maximum 30 mg/kg/j) pour un nouveau-né.

7.2.2. Les salicylés et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)

Les AINS produisent un effet analgésique par blocage de la synthèse des pros-taglandines, en inhibant les cyclo-oxygénases inductibles. Leur action est triple :anti-inflammatoire, antipyrétique et antalgique. Ils favorisent la survenue d’ulcé-rations et d’hémorragies digestives, ils inhibent l’agrégation plaquettaire, dimi-nuent la filtration glomérulaire, favorisent la rétention hydrosodée. Ils peuventpar ailleurs provoquer une bronchoconstriction et des réactions allergiques (par-fois croisées avec l’aspirine). Ces effets « latéraux » sont d’autant plus fréquentsque la dose est importante, l’administration prolongée, que le patient est âgéet/ou qu’il présente une pathologie sous-jacente (une insuffisance rénale, cardia-que, hépatique, une cirrhose, des antécédents d’ulcères gastroduodénaux). Ilsseront donc contre-indiqués chez les insuffisants cardiaques, rénaux, hépatiques,chez les patients hypovolémiques, chez ceux présentant une anomalie del’hémostase, dans les antécédents d’ulcères et/ou d’hémorragies digestives etenfin chez les patients asthmatiques. Les AINS sont principalement indiqués dansles pathologies avec réaction inflammatoire (colique néphrétique, douleursosseuses, articulaires aiguës, dans les douleurs stomatologiques et les patholo-gies oto-rhino-laryngologiques, etc.). Les AINS peuvent être associés à d’autresproduits : on observe un effet additif avec le paracétamol et un effet synergiqueavec les morphiniques. Dans le contexte de l’urgence, la molécule la plus utiliséeest le ketoprofène (« Profénid »). Il s’utilise en intraveineuse lente sur 20 min àla posologie de 100 mg par 8 heures. Son délai d’action se situe aux alentoursde 15-20 min et sa durée d’action de 4 à 6 heures.

Les salicylés (« Aspégic »), présentant des effets latéraux superposables aux autresAINS, formellement contre-indiqués dans les pathologies présentant un risquehémorragique (traumatologie, acte chirurgical prévisible) en raison de leur actionanti-agrégante plaquettaire, et remis en cause chez les patients de moins de 16-18 ans, ne comptent pratiquement plus d’indications dans le cadre de la médecined’urgence, hormis celles représentées par les pathologies coronariennes.

7.2.3. Implication et modalités de surveillance infirmière

– Administration de l’aspirine, du paracétamol à distance des repas ; à l’inverse,pour limiter les risques d’intolérance digestive, les AINS s’administrent au coursdes repas.

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APPROCHES ET MODALITÉS PRATIQUES QUE NÉCESSITE LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR. SPÉCIFICITÉS DE CETTE PRISE EN CHARGE PAR LE PERSONNEL INFIRMIER

– Le rythme d’administration est à adapter au caractère aigu ou chronique dela douleur ; dans le premier cas, on privilégie l’administration « à la demande »,alors que dans le second cas, la réapparition de la douleur sera prévenue.

– Pour éviter le surdosage, il faut respecter les intervalles entre les prises.

– Surveillance de l’efficacité de l’antalgie, périodiquement réévaluée à l’aide del’échelle choisie.

– Pour le paracétamol, la surveillance consiste principalement à dépister lasurvenue d’effets latéraux, fort rares au demeurant : rashs cutanés (témoinsd’une allergie qui fera interrompre le traitement), nausées et sensation demalaise général. Une surveillance biologique régulière sera instaurée en cas detraitement prolongé, ou d’emploi de fortes doses : numération formule, enzymeshépatiques, bilan de coagulation. En cas d’insuffisance rénale sévère (clairancede la créatinine < 10 ml/min), les injections seront espacées de 8 h.

– Pour les AINS, une surveillance rénale clinique s’impose chez tous les patients(diurèse) et une surveillance biologique chez les sujets à risque (insuffisancerénale, hépatique, cardiaque ; traitement diurétique ; sujet âgé). La survenue designes digestifs – ainsi que celle de signes d’insuffisance rénale – impose l’arrêtdu traitement. La surveillance des transaminases est recommandée chez lespatients présentant des perturbations préalables de leur fonction hépatique.Numération formule sanguine, test des fonctions hépatiques et rénales devrontêtre surveillées régulièrement en cas de traitement prolongé (qui seront évitésautant que possible).

– Pour les salicylés, la surveillance clinique consiste à dépister les signes d’into-lérance (réactions allergiques en particulier…) et de surdosage : tendancehémorragique, patente ou latente (anémie hypochrome d’installation progres-sive), bourdonnement d’oreille, acouphènes, baisse auditive. La surveillance bio-logique repose sur le bilan de coagulation (temps de saignement en particulier)et éventuellement sur le dosage de la salicylémie.

– Il convient de mettre en garde le patient contre l’automédication sauvage, etde l’informer sur les associations médicamenteuses déconseillées ou proscrites.

7.3. Antalgiques de niveau 2

Représentés par les morphiniques faibles. Ils sont indiqués dans les douleursfaibles résistantes aux antalgiques de niveau 1 ou modérées. Dans ce groupe onretrouve la codéine et le dextropropoxyphène (« Di-Antalvic »), existant enassociation avec du paracétamol, qui ne sont administrables que par voie orale,et le tramadol (« Topalgic », « Contramal », « Zamudol »), pouvant s’administrerpar voie orale, mais également par voie parentérale.

7.3.1. La codéine

Ses contre-indications : allergie à la codéine ou à la dihydrocodéine, asthme,insuffisance respiratoire, insuffisance hépatique et toxicomanies ; celles desautres substances qui peuvent lui être associées (paracétamol, aspirine).

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S’utilise soit seule : « Dicodin LP » (chez l’adulte, 1 cp x 1 à 2/j, avec un mini-mum de 12 h entre deux prises) et « Codenfan » (pour l’enfant > 1 an :3 mg/kg/j en 4 à 6 prises, avec un maximum de 6 mg/kg/j).

Peut également s’utiliser en association avec du paracétamol (« Efferalgancodéine », « Dafalgan codéine », « Algisedal », « Codoliprane »: 1 à 2 cp

×

1 à3/j chez l’adulte ; chez l’enfant : si poids > 15 kg 3 mg/kg/j en 4 à 6 prise pourl’Efferalgan codéine ; si âge > 3 ans, 3 mg/kg/j en 4 à 6 prises, avec un maximumde 6 mg/kg/j pour le Codoliprane.

7.3.2. Le dextropropoxyphène

Il est tout comme la codéine administrable que par voie orale, et il est un peumoins puissant que celle-ci.

Ses contre-indications : l’hypersensibilité connue au dextropropoxyphène, l’insuf-fisance hépatique ou rénale sévère, les toxicomanies, la grossesse et l’allaite-ment, l’enfant de moins de 15 ans.

Généralement administré sous une forme associée au paracétamol (« Di-Antalvic », « Dialgirex », …), à la posologie de 1 gél. x 1 à 4/j (maximum 6 gel/j).

7.3.3. Le tramadolAnalgésique d’action centrale de mécanisme complexe, dont le pic analgésiques’obtient en 60 min. Sa durée d’action est de l’ordre de 6 h. Un certain nombrede contre-indications limitent son utilisation : insuffisance respiratoire, hépati-que, rénale, épilepsie non contrôlée, toxicomanies en sevrage, association auxinhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO), sensibilité au tramadol et auxopiacés, grossesse et allaitement, enfant de moins de 15 ans. Il induit des effetslatéraux : nausées, vomissements, prurit ; la survenue d’une dépression respira-toire est exceptionnelle.

Dans ses présentations orales, en gélules ou en comprimés (« Topalgic »,« Contramal », « Zamudol »), le tramadol s’administre chez l’adulte en plusieursprises journalières, avec un maximum de 400 mg/j.

Dans leurs présentations injectables, ces mêmes produits s’utilisent chez l’adulteen injection intraveineuse lente (perfusion) à raison de 50 à 100 mg toutes les4 à 6 heures.

7.3.4. Implication et modalités de surveillance infirmière– Pour éviter le surdosage, il faut respecter les intervalles entre les prises.– Surveillance de l’efficacité de l’antalgie, périodiquement réévaluée à l’aide del’échelle choisie.– Surveillance clinique de la fonction respiratoire (fréquence respiratoire etoxymétrie de pouls)– La surveillance porte principalement sur le dépistage des effets latérauxpropres au produit utilisé.– Le tramadol en perfusion ne doit pas être mélangé à d’autres produits.

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7.4. Antalgiques de niveau 3

Ce troisième palier thérapeutique antalgique est constitué par les agents analgé-siques morphinomimétiques. Ils agissent sur la transmission et l’intégration dumessage nociceptif aux niveaux : médullaire, du tronc cérébral et diencéphalique(thalamique et sous-cortical). Les morphiniques empêchent la libération des neu-romédiateurs de la douleur (substance P, sérotonine, bradykinine). Ils se fixent defaçon stéréospécifique, réversible (par les antimorphiniques) et saturable sur troistypes de récepteurs : mu, kappa et sigma (dont les actions sont résumées dansle tableau ci-dessous) se repartissent en deux catégories :

– Les agents agonistes antagonistes : ils exercent une activité antagonistepartielle sur certains récepteurs. Ils se caractérisent par un effet plafond qui limiteleur action analgésique (mais aussi leurs effets indésirables).

– Les agents agonistes purs : ils ont une action uniquement agoniste sur lesrécepteurs qu’ils activent et ne sont pas « plafonnés ».

Effets pharmacodynamiques des morphiniques :

– Sur le système nerveux : effet analgésique puissant, dose dépendant (pasd’effet plafond avec les agonistes purs), reproductible et efficace sur toutesformes de douleurs par excès de nociception.

Les morphiniques entraînent généralement une sédation, une sensation de bien-être et d’indifférence à la douleur. Ils peuvent être fauteur d’une dysphorie,d’une agitation (particulièrement avec les agonistes antagonistes).

– Sur la fonction respiratoire : la dépression respiratoire est indissociable del’effet analgésique. Elle est due à une action sur les récepteurs mu et sigmaprésents dans le tronc cérébral, qui entraîne une baisse de la sensibilité descentres respiratoires bulbaires aux stimuli hypercapniques, ce qui induit unebradypnée, une diminution du volume courant pouvant aller jusqu’à l’apnée.

Effets Récepteurs µµµµ Récepteurs κκκκ Récepteurs σσσσ

Analgésie × ×

Dépression ventilatoire ×

Sédation ×

Myosis × ×

Euphorie ×

Phénomènes psychomoteurs ×

Dépendance × ×

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– Effet émétisant (d’origine centrale, par la stimulation de la « Trigger zone ») :les morphiniques sont souvent responsables de nausées et de vomissements,avec risque d’inhalation.

– Histaminolibération : non spécifique, s’accompagnant de vasoplégie et debronchoconstrictions, elle peut être induite par certains morphiniques : marquéeavec la morphine, elle est en revanche absente avec le fentanyl.

– Hypertonie musculaire (due à l’action sur les noyaux gris centraux) : elle induithabituellement une diminution de la compliance thoracique, et peut être, àfortes doses, fauteuse de mouvement anormaux pseudo-convulsifs.

– Effets cardiovasculaires : les morphiniques peuvent entraîner une bradycardie(par stimulation parasympathique centrale). La levée du stimulus sympathiquedouloureux peut favoriser la décompensation d’une hypovolémie chez le patientchoqué.

– Autres effets : ils sont antitussifs, responsables de myosis, d’une hypertoniedes fibres musculaires lisses et d’une atonie des fibres longitudinales du tubedigestif (ralentissement du transit et stase biliaire). Les morphiniques passent labarrière fœtoplacentaire. Administré de façon prolongée, ils entraînent uneaccoutumance.

7.5. Les agonistes antagonistes

7.5.1. Nalbuphine (« Nubain »)

Comme tous les agonistes-antagonistes, son effet plafond (à partir d’une dosede 0, 3 à 0,5 mg/kg) limite son efficacité sur les douleurs modérées à intenses.Son effet sédatif est supérieur à celui des agonistes purs. Il présente à doseéquianalgésique le même risque de dépression respiratoire que la morphine,mais il n’est pas fauteur d’histaminolibération. Ses contre-indications sont : sen-sibilité au produit, l’insuffisance respiratoire sévère, l’insuffisance hépatocellulairegrave, l’intoxication éthylique, l’allaitement, l’enfant de moins de 18 mois, lesujet âgé, les traitement par IMAO et l’absence de matériel de réanimation cir-culatoire et ventilatoire. Toujours très utilisé en médecine d’urgence, la nalbu-phine n’offre pas de meilleure garantie de sécurité par rapport à la morphinetitrée.

Ses indications : analgésie vigile isolée et diazanalgésie (en association avec unebenzodiazépine [midazolam]).

Posologie ; 0,2 à 0,3 mg/kg en IVL (15-20 mg pour un adulte de 70 kg).

7.5.2. Buprénorphine (« Temgésic »)

Agoniste partiel des récepteurs mu, induisant de nombreux effets latéraux : nau-sées, vomissements, dysphorie, vertiges, ralentissement de la vidange gastriquequi en limitent l’utilisation dans le cadre de l’urgence. De plus, ce produit pos-sédant une forte affinité pour les récepteurs morphiniques, si l’utilisation des

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agonistes purs s’avère secondairement indispensable, il imposera une augmen-tation de leurs posologies.

7.6. Les agonistes purs

7.6.1. Chlorhydrate de morphine

Agoniste pur produisant une analgésie puissante dose-dépendante et sans effetplafond. La morphine demeure l’analgésique de référence pour les douleursintenses en situation d’urgence. Son utilisation en toute sécurité n’est plus àétablir : par la titration de la dose, la morphine permet d’atteindre un niveaud’analgésie suffisant, tout en limitant la survenue des effets secondaires. Ceux-ci sont représentés par : la dépression respiratoire, des nausées-vomissements,une rétention urinaire, un prurit et un ralentissement du transit intestinal. Sescontre-indications sont : hypersensibilité au produit, l’allergique et l’asthmatique,l’absence de matériel de réanimation ventilatoire et circulatoire ; la morphine estdéconseillée chez le traumatisé crânien grave en ventilation spontanée(hypercapnie). Ses utilisations analgésie vigile ou diazanalgésie, en associationavec une benzodiazépine (midazolam).

Posologie : voie IV uniquement, en titration (1 mg/ml), par injections répétées de2 mg par 2 mg.

7.6.2. Fentanyl

Agoniste pur, 50-100 fois plus puissant que la morphine. D’utilisation anesthési-que, le fentanyl présente un délai d’action très bref (30 sec-1min ; effet maximalen 3 min) et une durée d’action très courte (20 à 30 min) par voie intraveineuse. Ilnécessite une connaissance de l’anesthésie et de la pharmacodynamie car d’effica-cité très rapide : il peut induire une rigidité musculaire, une dépression respiratoirerapide non proportionnelle à la dose injectée. Il s’observe avec ce produit de fortesaccumulations (musculaire notamment) fauteuses de relargages plasmatiquessecondaires (effet deuxième pic plasmatique). Effets latéraux : cardiovasculaires :bradycardie, vasodilatation périphérique et hypotension ; respiratoires : dépres-sion respiratoire, rigidité musculaire thoracique, bronchoconstriction, dépressionde la toux et apnée (attention à l’effet deuxième pic plasmatique) ; neurologique :état ébrieux, sédation, ralentissement intellectuel, hypertension intracrânienne ;digestif : nausées et vomissements , ralentissement du transit intestinal ; autres :histaminolibération réduite, prurit, rétention aiguë urinaire, myosis, diminution dela pression intra-oculaire en normocapnie, diminution des contractions et dutonus utérin ; dépendance physique et psychique. Les caractéristiques de ce pro-duit font qu’il doit être réservé, dans le cadre de l’urgence, à l’intubation enséquence rapide et à la sédation du patient sous ventilation contrôlée.

Posologie :Induction : adulte : 5 mcg/kg en IVD ; enfant : 2-3 mcg/kg en IVD.Entretien : adulte : 1-3 mcg/kg/30min en IVD ; enfant : 1-2 mcg/kg/30 min.Sédation : 50-200 mcg/heure à la seringue électrique.

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Réduction des doses chez l’insuffisant rénal ou hépatique, insuffisance respira-toire, le sujet âgé, l’obèse et le nourrisson.

7.6.3. Implication et modalités de surveillance infirmière

– Matériel de surveillance et de réanimation accessible (et vérifié…), qui compren-dra : un électrocardioscope-défibrilateur, un appareil de mesure automatique dela pression artérielle, un oxymètre de pouls, idéalement un capnomètre, unesource d’oxygène, un respirateur mécanique, un ballon autoremplisseur, unesource d’aspiration fiable (avec des sondes !), un plateau d’intubation vérifié, dro-gues de réanimation, présence de naloxone (antidote des morphiniques).– Vérification de l’absence de contre-indications, de sensibilité propre à chaqueproduit.– Doses à adapter à certains terrains : âges extrêmes, obésité, l’insuffisant hépa-tique ou rénal (produit à métabolisme hépatique et à élimination principalementrénale).– Surveillance rapprochée du degré d’analgésie et de sédation.– Pour tous les produits morphiniques : surveillance clinique de la dépressionrespiratoire : fréquence (bradypnée ?), oxymétrie de pouls (désaturation ?).– Surveillance rapprochée des paramètres hémodynamiques (pouls, pressionartérielle).– Avant administration d’un agoniste antagoniste, s’assurer de l’absence d’inter-vention chirurgicale dans les heures suivantes (diminution voire abolition del’effet des agents agonistes purs qui seraient administrés au bloc lors de l’anes-thésie).

7.7. Mélange équimoléculaire d’oxygène et de protoxyde d’azote MEOPA

Le protoxyde d’azote est un gaz anesthésique à température et pression ambian-tes possédant des propriétés analgésiques et sédatives. Il s’absorbe par voie res-piratoire, et, après passage de la barrière alvéolocapillaire, diffuse rapidementdans le secteur plasmatique jusque dans les tissus : cerveau, muscle, graisses etpeau ; il passe la barrière fœto-placentaire. Sa diffusion est très rapide égalementdans les cavités naturelles ou artificielles, tendant à augmenter le volume desanses intestinales, des pneumopéritoines et pneumothorax, à augmenter lespressions dans l’oreille interne, les sinus, les ventricules cérébraux et les ballon-nets de sonde d’intubation ; il peut aggraver une embolie pulmonaire. Ses effetsont : sur le système nerveux : un effet anesthésique médiocre administré seul,un effet analgésique à faible concentration, augmentant avec la concentrationjusqu’à la perte de connaissance, un effet psychodysleptique et un effetamnésiant, une potentialisation des autres agents analgésiques et anesthésiquescentraux ; il augmente la pression intracrânienne. Sur le système cardio-vasculaire : il entraîne une dépression myocardique concentration dépendante(diminution de la contractilité), une augmentation de la fréquence cardiaque etune diminution du débit cardiaque ; la pression artérielle est inchangée ou dimi-nuée. Au niveau respiratoire : ne déprime pas les centres respiratoires, augmente

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discrètement le volume courant et la fréquence respiratoire en début d’adminis-tration ; le protoxyde d’azote est non irritant pour les voies aériennes.

Effet Finck : après administration, le protoxyde d’azote qui saturait le sangs’élimine rapidement par voie pulmonaire : une grande quantité du gaz diffusevers l’air alvéolaire et dilue celui-ci, ce qui a pour effet d’entraîner une hypoxie.

7.7.1. Implication et modalités de surveillance infirmière

Ne pas utiliser le mélange si les bouteilles ont été exposées à des températuresinférieures à 0 ˚C.

Veiller à la bonne mise en place du dispositif : le masque facial doit êtrefermement appliqué sur le visage du patient, de façon à ce qu’il n’y ait pas defuite ; inviter le patient à respirer normalement (de manière à ce qu’il prenne debons volumes de gaz)

La surveillance des paramètres vitaux (respiratoires et circulatoires) se doit d’êtreaussi rapprochée que possible

Surveillance d’une éventuelle hyperventilation pouvant être fauteuse d’unehypocapnie.

Après une administration de protoxyde d’azote, il faut pratiquer une inhalationd’oxygène pur durant 5 à 10 min afin de prévenir l’hypoxie de diffusion (effetFinck).

7.8. Anesthésie locale et locorégionale

7.8.1. L’anesthésie locale

L’anesthésie locale (ou par infiltration) est effectuée par le médecin pour la réa-lisation d’actes diagnostiques ou thérapeutiques douloureux. Les anesthésiqueslocaux peuvent s’utiliser en injection (dans les berges d’une plaie), en spray encrème (« EMLA », d’un intérêt pédiatrique avéré) ou en gel, et s’applique direc-tement sur la zone où s’exerce la douleur (ou risque de s’y exercer). La zone àanesthésier doit être exempte d’infection.

7.8.2. Les anesthésies locorégionales

En traumatologie, un certain nombre de techniques offrent une analgésied’excellente qualité. Les anesthésiques locaux bloquent la conduction au niveaudes fibres nerveuses périphériques de façon temporaire et réversible au voisinageou au contact desquels ils sont administrés. De faibles concentrations de produitsuffisent à suspendre l’excitabilité et la conductibilité des fibres sensitives ; le blo-cage des fibres motrices n’intervient que pour des concentrations plus élevées.Plusieurs types de blocs sont utilisés dans le cadre de l’urgence :

– Le bloc fémoral : efficace sur les fractures diaphysaires fémorales et sur leslésions du genou.

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– Le bloc axillaire : utile en cas d’incarcération du membre supérieur, il requiertun entraînement spécifique et nécessite l’emploi d’un stimulateur nerveux pourlocaliser précisément le trajet du nerf.

– Les blocs tronculaires périphériques (bloc du nerf médian, radial, cubital, de lagaine des fléchisseurs) peuvent s’avérer utiles pour l’exploration et la suture deplaie dans un ou deux territoires de la main.

– Le bloc intercostal : il procure une analgésie précoce en cas de traumatismethoracique et un effet bénéfique sur les paramètres ventilatoires (permettant desurseoir dans certain cas la ventilation assistée).

– Les blocs de la face (supra-orbitaire, supratrochléaire, intra-orbitaire et men-tonnier) peuvent se réaliser pour les sutures de la face.

Ces techniques simples et sûres seront réalisées par le médecin après un examenminutieux destiné à écarter d’éventuelles lésions nerveuses. Les contre-indications sont les infections locales au niveau du point de ponction et lestroubles de la coagulation.

Les complications liées à la technique : il peut s’agir d’une infection, d’une lésionnerveuse, ou d’une lésion vasculaire qui peut engendrer soit un hématome (liéà la ponction d’une artère) ou le passage systémique de l’agent anesthésiquelocal.

Les complications peuvent être liées au produit utilisé : pour la lidocaïne (agentde choix de l’anesthésie locale et locorégionale en urgence) : on peut observerdes manifestations neurologiques : sensation d’engourdissement, picotement dela langue puis goût métallique dans la bouche. Apparaissent secondairement destroubles sensoriels, un nystagmus et des logorrhées ; les fasciculations muscu-laires précèdent les convulsions et le coma. À dose élevée, la lidocaïne peutengendrer une dépression cardiovasculaire liée à son effet inotrope négatif etvasodilatateur ; elle peut entraîner des troubles du rythme et de la conduction(liés à son effet stabilisant de membrane) pouvant conduire à un arrêt cardiaque.Ce risque cardiaque doit conduire à la surveillance électrocardioscopique dupatient en cas d’utilisation de fortes doses. Certains sujets par ailleurs peuventêtre allergiques au produit.

7.8.3. Implication et modalités de surveillance infirmière

– Vérification de l’absence d’infection au niveau de la zone de ponction.

– Vérification de l’absence d’antécédents d’allergie au produit utilisé.

– Mise en place d’une surveillance tensionnelle et oxymétrique pulsée ; mise enplace d’une surveillance électrocardiographique.

– Vérification de l’installation du patient, surveillance de la position et de la colo-ration du membre anesthésié (risque de traumatisme associé et de compression).

– Pour toute anesthésie locale ou locorégionale, il est indispensable de prévoirun relais antalgique (sachant qu’il est difficile de prévoir le délai entre l’arrêt dece type d’analgésie et la réapparition de la douleur).

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7.9. Médicaments autres ou adjuvants de l’analgésie

Un certain nombre de spécialités différentes n’entrant pas dans les famillesprésentées ci-dessus peuvent également participer à la sédation de la douleur.

7.9.1. Antispasmodiques

Les antispasmodiques (tiémonium, phloroglucinol) sont souvent utilisés en méde-cine d’urgence, dans les douleurs ayant une origine digestive ou urinaire. Si cene sont pas à proprement parler des antalgiques, leur action antispasmodiquesur les fibres musculaires lisses explique leurs propriétés analgésiques.

7.9.2. Benzodiazépines

Des sédatifs anxiolytiques injectables d’action rapide tels que le midazolam(« Hypnovel ») sont parfois associés au traitement analgésique, lorsque lacomposante anxieuse aggrave les conséquences psychologiques de la douleur,ou en cas de nociception intense. Les benzodiazépines possèdent toutes, à diversdegrés, des propriétés anxiolytique, hypnotique, anticonvulsivante, myorelaxanteet amnésiante. Dénuées de tout effet antalgique, elles ne s’utilisent donc passeules.

Elles réduisent, de façon dose dépendante, le débit sanguin cérébral et la consom-mation en oxygène cérébral (elles peuvent donc être utilisées chez les patientsprésentant une augmentation de la pression intracrânienne). Ses effets sur le sys-tème cardiovasculaire sont essentiellement liés à une vasoplégie (compensée chezle sujet sain par une activation sympathique réflexe) ; on note cependant : uneaugmentation de la fréquence cardiaque, une stabilité du débit cardiaque, ainsique des pression de remplissage, une diminution modérée des pressions artériellessystolique et diastolique, ainsi qu’une diminution des résistances artérielles systé-miques. Les effets respiratoires sont dose et vitesse d’injection dépendants : dimi-nution modérée du volume courant, stabilité de la fréquence respiratoire ; ellessont également responsables d’un syndrome obstructif par diminution du tonusdes muscles dilatateurs des voies aériennes supérieures. Les benzodiazépinespotentialisent la dépression respiratoire induite par les substances associées (enparticulier, celle due aux morphiniques). La chute de la ventilation alvéolaireentraîne une augmentation de la PaCO2 et de la PETCO2. La dépression ventilatoirepeut conduire à l’apnée, qu’un certain nombre de facteurs pourra favoriser : ladose, la vitesse d’injection, l’âge, l’existence d’une pathologie respiratoire sous-jacente et l’association à des morphiniques. L’emploi de benzodiazépine pouvantrapidement se transformer en anesthésie générale, leur emploi impose un envi-ronnement d’anesthésie réanimation (appareillage de suppléance ventilatoire, dis-positif d’aspiration, moyens de monitorages adaptés, …)

7.9.3. Kétamine

La kétamine (« Kétalar ») est un produit de l’anesthésie narcoanalgésique indui-sant une anesthésie dissociative et procurant une analgésie de surface (par sti-mulation des récepteurs morphiniques). Propriétés pharmacologiques :

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anesthésique générale non barbiturique d’action rapide (délai d’action de 15 à60 s par voie IV), de courte durée d’action (de 5 à 10 min par voie IV), procureune amnésie antérograde ; elle possède des propriétés anticonvulsivantes etneuroprotectrices ; elle augmente le tonus sympathique : augmentation de lafréquence cardiaque et des pressions artérielles systémiques et pulmonaires, elleaugmente le débit cardiaque, le débit sanguin coronaire et la consommation enoxygène du myocarde ; elle présente un effet antiarythmique quinidine-like ; lakétamine a un effet broncho-dilatateur et préserve les réflexes pharyngé etlaryngé ; la kétamine augmente la pression intra-oculaire. Enfin, son passagetransplacentaire est rapide mais limité. Ses contre-indications sont : l’absence dematériel de réanimation ventilatoire et circulatoire, l’hypertension artérielle etl’insuffisance coronaire, l’hypertension intracrânienne, le traumatisme oculaireouvert et la thyréotoxicose. Précautions d’emploi : induction dans une atmos-phère calme ; les risques de psychodysleptie au réveil seront prévenus par l’injec-tion préalable de benzodiazépines.

Pour un certain nombre de ses propriétés pharmacologiques, cet agent faitl’objet d’un regain d’intérêt, au sein de certaines équipes, dans le cadre del’urgence préhospitalière : anesthésie du brûlé, intérêt pédiatrique (inductionpossible par voie IM), chez l’asthmatique (effet broncho-dilatateur), intérêt dansles états de choc (effet sympathomimétique direct), chez le sujet âgé ou débilité.

7.9.4. Implication et modalités de surveillance infirmière

– L’infirmier(e) doit identifier les propriétés pharmacologiques des différentesspécialités adjuvantes de l’analgésie, leurs contre-indications, leur efficacité et leseffets latéraux qu’ils induisent ou qu’ils potentialisent.

– L’emploi d’agents induisant (ou potentialisant) une narcose, une dépressionrespiratoire et/ou circulatoire impose un environnement de surveillance et deréanimation adapté qui doit comprendre au minimum :

• Un électrocardioscope défibrillateur.• Un appareil automatique de mesure de la pression artérielle.• Un oxymètre de pouls.• Idéalement un capnomètre.• Un respirateur automatique avec source d’oxygène.• Un ballon autoremplisseur (type « Ambu ») + masque facial adapté.• Un plateau d’intubation trachéale vérifié.• Les drogues d’urgence.• Les antidotes des agents utilisés, prêts à être utilisés.

8. Conclusion

Pour prendre en charge efficacement la douleur, l’infirmier(e) doit maîtriser unesomme de connaissances neurophysiologiques, physiopathologiques, psycholo-giques, pharmacologiques et juridiques, que nous venons d’effleurer et auxquel-

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APPROCHES ET MODALITÉS PRATIQUES QUE NÉCESSITE LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR. SPÉCIFICITÉS DE CETTE PRISE EN CHARGE PAR LE PERSONNEL INFIRMIER

les sa formation initiale l’aura sans doute sensibilisé. En l’absence de formationspécifique obligatoire en ce domaine, devant l’inégalité de la prise en charge deformations continues proposées par les établissements de santé, l’infirmier(e) acependant une obligation de compétence concernant la prise en charge de ladouleur. Une innombrable quantité de références de souvent très grande qualité(littérature et Internet) doit lui permettre de parfaire ses connaissances dans cedomaine.

Références bibliographiques

1. Télion C, Carli P. Analgésie en urgence. In : Urgences médico-chirurgicales del’adulte, Éditions Arnette, page 1389 et suivantes, septembre 2004.

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4. Hertgen P, Fuilla C. Analgésie, sédation et anesthésie préhospitalière. Principes etprotocoles. Éditions Arnette, 2e édition, juillet 2006.

5. Gueugniaud P-Y et De la Coussaye J-E (coordinateurs). Modalités de la sédationet/ou de l’analgésie en situation extrahospitalière. Conférences d’experts. Collectionde la SFAR, Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, septembre 2000.

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7. Ducassé J-L, Aubry M-C, Alacoque X, Annequin D. Douleurs aiguës en situationsd'urgence : des techniques à la démarche qualité. Éditions Arnette, avril 2004.

8. Dalens B. Médicaments en anesthésie. Éditions Arnette, 2e édition, septembre 2002.9. Staikowsky F. Guide poche des médicaments de l’urgence. Éditions Maloine,

décembre 2004.10. Charles F, Plaisance P. SAMU urgences. Guide pratique des médicaments. ESTEM,

mai 2006.11. Talbert M, Willoquet G. Guide pharmaco. Éditions Lamarre, février 2004.12. Dr Annequin, Dr Tourniaire, Dr Gatbois, Lombart B (CI), Martret P (IADE), Unité Fonc-

tionnelle d’Analgésie Pédiatrique (UFAP), Hôpital d’enfants Armand Trousseau,« L’essentiel de l’évaluation de la douleur et de la prescription antalgique enpédiatrie », avril 2006 (document téléchargeable depuis le site Internet « Pédiadol »).

13. Boccard E, Deymier V (coordinateurs), Institut UPSA de la douleur. Pratique dutraitement de la douleur, édition 2006 (document téléchargeable sur le site Internetde l’Institut UPSA de la douleur).

14. Deymier V, Wrobel J (coordinateurs), Institut UPSA de la douleur. L’infirmière et ladouleur, édition 2001 (document téléchargeable sur le site Internet de l’InstitutUPSA de la douleur).

15. Laboratoires Grunenthal. Encyclopédie de la douleur (cdrom de formation sur ladouleur).

16. Eisenberg C, Mayeur P. Soins infirmiers en urgence, réanimation et transfusion.Brûlure. Douleur. Éditions Ellipses, janvier 2001.

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530 ■ URGENCES ET DOULEUR

Sur Internet (sélection évidemment non exhaustive de sites particulièrement intéressants et riches) :17. Le site du « Centre National de Ressources de Lutte contre la Douleur » (site du

Ministère de la santé) : http://www.cnrd.fr/rubrique.php3?id_rubrique=118. Le site de la « Société Française d’étude et de Traitement de la Douleur » :

http://www.sfetd-douleur.org/19. Le (remarquable) site « Pediadol », dédié à l’évaluation et au traitement de la dou-

leur chez l’enfant : http://www.pediadol.org/rubrique.php3?id_rubrique=11020. Le site de l’Association Daniel Goutaine (réalisé et entretenu par le médecin gériatre

Bernard Pradines) dédié à l’évaluation et au traitement de la douleur chez la per-sonne âgée (à voir !) : http://users.aol.com/Dgeriatrie/

21. « Doloplus », l’échelle d’évaluation comportementale de la douleur chez la per-sonne âgée présentant des troubles de la communication verbale : http://www.dol-oplus.com/

22. Le site de l’Institut UPSA de la Douleur : http://www.institut-upsa-douleur.org/23. Programme Antalgie InterNational – « PAINonline », le site des laboratoires Gru-

nenthal dédié à la recherche sur la douleur : http://www.douleur-online.fr/pi/fr_FR/html/pp_start.jhtml