Architecture Islamique Et Ses Specificites Dans l Enseignement

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Prface Le patrimoine culturel et civilisationnel islamique constitue le rpertoire et la mmoire vivante incarnant le gnie crateur de la Oumma et vhiculant ses valeurs prennes et les fondements de son identit propre qui la distingue de toutes les autres civilisations et cultures. La tradition architecturale reprsente cet gard lune des contributions les plus riches et les plus magnifiques que la civilisation islamique apporte au patrimoine universel. L'architecture islamique, avec ce quelle recle comme valeurs esthtiques et artistiques, tmoigne de faon clatante de la splendeur de notre civilisation, du talent et de lesprit inventif dont nos architectes, nos matres maons et nos savants ont toujours fait preuve. Ce gnie crateur hors du commun a donn naissance, au fil des sicles, des monuments et autres merveilles d'architecture qui dfient le temps et que lon peut admirer un peu partout dans le monde, quil sagisse des tablissements religieux et culturels comme les mosques, les ribats (les forteresses) et les citadelles, ou des institutions scientifiques et denseignement telles les mdersas et les mosquesuniversits. LOrganisation islamique pour lducation, les Sciences et la Culture -ISESCO- et lAssociation mondiale de lAppel islamique -AMAI-, conscientes du rle jou par ces monuments architecturaux, et dsireuses de faire dcouvrir toute la richesse de ce formidable patrimoine, ainsi que de mettre en vidence sa contribution larchitecture mondiale et den prserver la spcificit et la valeur artistique, ont uvr, travers leurs programmes de coopration successifs, pour la sauvegarde de ces monuments architecturaux en contribuant leur restauration et en sensibilisant au rle que ces difices ont jou au fil des temps dans le rayonnement de la culture islamique. Ainsi, outre leur soutien aux travaux de restauration, les deux organisations avaient labor des tudes visant dvelopper larchitecture islamique et les arts qui sy rattachent ainsi que les mthodes denseignement de ces disciplines. Elles entendent de ce fait conserver la spcificit de lart architectural islamique et faire prendre conscience aux musulmans, et plus particulirement aux jeunes gnrations, de la singularit et de la beaut

exceptionnelle de cet art, tout en oeuvrant sa modernisation afin de ladapter aux volutions de l'architecture mondiale. Cest dans cette perspective que lISESCO, en collaboration avec lAMAI, publie la prsente tude, ralise par Dr Afif Bahnassi, grand expert et minent chercheur. Ce travail propose une vision mthodologique pour dvelopper lenseignement de larchitecture islamique en se fondant la fois sur des sources traditionnelles, en loccurrence la rfrence civilisationnelle islamique, et sur des donnes modernes mettant contribution les innovations dans ce domaine. Lapproche adopte allie la rigueur scientifique et la richesse documentaire la simplicit et llgance du style. Nous esprons que ce travail, par la grce de Dieu, apportera une contribution des plus utiles aux tudiants, aux intellectuels et au public dsireux de dcouvrir cet aspect merveilleux et original de la civilisation islamique que constitue larchitecture.

Dr Abdulaziz Othman Altwaijri Directeur Gnral de lOrganisation islamique pour lducation, les Sciences et la Culture ISESCO Dr Mohammad Ahmad Charif Secrtaire gnral de lAssociation mondiale de lAppel islamique -AMAI-

Introduction L'architecture islamique n'est pas enseigne en tant que matire proprement parler dans les universits internationales, et encore moins dans les universits des pays islamiques. Ceci tient au fait que les thmes de l'architecture islamique ne sont pas clairement dfinis dans le cursus universitaire de l'architecture. L'intrt du prsent ouvrage est justement de remdier cette

carence. Dans un premier temps, l'ouvrage expose les traits de l'approche islamique en matire d'architecture, en faisant la distinction entre l'architecture en tant que discipline thorique, d'une part, et l'art architectural en tant que pratique esthtique et cratrice laquelle se livrent aussi bien l'ouvrier ordinaire que le spcialiste universitaire de l'architecture. Le second volet a t consacr, lui, aux caractristiques de l'art architectural qui est influenc par les prceptes de l'islam et la pense islamique. Les marques de cette influence sont nettement perceptibles dans les btiments publics comme la mosque, l'cole, le bain et l'hpital. Cette troite corrlation est le premier trait caractristique de l'art architectural islamique. Vient ensuite la dimension humaine en tant que seconde marque distinctive de larchitecture islamique. Ce concept rfre lensemble des conditions de confort et de scurit que doit satisfaire le btiment pour tre conforme aux critres de l'habitat salubre. Cette fonction pratique est double de la fonction esthtique qui fait du btiment public ou priv un havre de paix et une uvre d'art dont les formes matrielles et les choix esthtiques inspirent un sentiment de quitude et de srnit. Enseigner les arts de l'architecture islamique n'a pas pour objet d'exhumer les faits architecturaux du pass ou d'voquer ses ralisations. Il s'agit plutt de rflchir la manire dont il faut approcher cette discipline avec un esprit tourn vers le futur et soucieux d'y incorporer les lments de la modernit, et de l'adapter aux progrs fulgurants qui marquent le monde d'aujourd'hui. C'est ce niveau que seront abordes les questions de l'authenticit et de la modernit qui ont t au cur de polmiques rcentes. La question de l'appartenance au patrimoine ou au domaine de la cration artistique sera galement aborde pour dgager la formule adquate qui permette de concilier ces deux ples dans un contexte marqu par la prpondrance du courant moderniste. Pour illustrer cette tentative de conciliation, citons les uvres d'minents architectes arabes comme Hassan Fathi et celles de certains autres qui on a dcern des prix internationaux venus rcompenser leur attachement marier authenticit et crativit. Ces exemples nous aident mieux apprhender les conditions objectives qui se prtent l'application d'une telle formule de conciliation, que ce soit au niveau de l'enseignement universitaire ou de la dfinition de critres de slection pour primer les projets d'architecture. Nous devons nous soucier en premier de savoir comment nos programmes d'enseignement universitaire doivent tenir compte de ces lments afin d'arriver instaurer un enseignement de l'architecture islamique capable d'incorporer les paradigmes de la modernit. Signalons que ces paradigmes sont dtermins par des principes bien dfinis. D'abord, il faut que l'architecture soit considre comme la synthse d'un art et d'une science et non seulement comme l'expression de l'un ou lautre. C'est une activit artistique qui repose sur la crativit. C'est en mme temps une science qui se fonde sur des rgles mathmatiques. Le deuxime principe rside dans le fait que l'art architectural islamique se distingue nettement de toutes les autres formes de l'art architectural mondial. Et pour cause, il a ceci de particulier qu'il est l'incarnation d'une vision esthtique ne d'une pense islamique exempte de toute sujtion. Cette pense se retrouve travers les thmes de notre patrimoine qui n'ont pas t dvoiles ce jour. Citons cet gard la conception esthtique de Abou Hayyan Attawhidi laquelle nous avons consacr tout un ouvrage.

Les programmes d'enseignement doivent d'abord s'atteler dfinir l'appareillage thorique de l'architecture islamique, ainsi que les rgles mathmatiques qui la sous-tendent. Pour ce faire, il importe de prendre en considration les liens smiotiques qui existent entre la croyance islamique et l'art architectural en ce sens o ce sont ces liens qui composent la thorie constante recherche. Ces principes thoriques prsident l'acte de cration architecturale islamique et permettent d'clairer les fondements de luvre architecturale qui prend des formes matrielles apparentes. De fait, l'enseignement doit allier thorie et pratique. Si les principes immuables de l'architecture islamique sont puiser dans la religion, quelles sont alors les caractristiques de cette thorie ? La principale marque civilisationnelle de l'islam est le dogme monothiste. Par monothisme, on entend la conscration de l'unicit du Crateur qu'il s'agit de dcouvrir travers les manifestations de la beaut de l'acte de cration des univers et des cratures. La civilisation musulmane a t fonde sur les bases de l'art, de la science et de l'architecture qui dcoulent de la foi monothiste. L'art de la reprsentation a pous des formes globales et absolues qui se moulent dans les motifs de l'ornementation arabe. L'architecture, idalise, tend vers l'absolu. Les mosques ont t toutes orientes dans la direction de la sainte Kaaba qui symbolise la philosophie monothiste dote d'une identit unique, quels que soit le temps et l'espace. A cet gard, l'ouvrage parle une fois de plus du rle de la cration. De fait, l'islam consacre la libert de pense et d'action en la circonscrivant dans les limites de la foi. Ce principe de libert a toujours t l'origine de la diversit qui a enrichi l'architecture islamique duvres originales, contrairement au classicisme occidental. En fait, la cration est conditionne par le principe de la "mdialit", si bien que l'activit architecturale devient conforme au verset coranique : "Nous avons (sur terre) fait clore toutes choses en proportion" (Al Hijr, 19). Sur la base de cette thorie constante, nous pouvons avancer vers la conception d'une esthtique islamique qui rponde aux critres de l'esthtique moderne. Nous pouvons aussi clairer le rle des arts islamiques dans l'expression des valeurs des musulmans, de leur histoire et de leur civilisation. Ceci est d'autant plus vrai que nous prouvons un besoin pressant, l'heure du dialogue civilisationnel, d'arrter des moyens bien dfinis qui permettent de faire connatre les valeurs et la civilisation des musulmans, surtout lorsque ces moyens sont d'essence artistique, et donc mondialement reconnus. Des moyens qui ont aussi l'avantage de contourner les obstacles idologiques gnrateurs de conflits entre les hommes. Quel n'est donc notre besoin, en ces temps de mondialisation, d'avoir une vision architecturale ou artistique qui reflte la grandeur du Dieu unique et qui suscite l'engouement de toutes les tendances humaines, abstraction faite de leurs dissemblances et de leurs dissensions. Ainsi, nous pouvons dire que notre ouvrage a pour objet didactique de proposer un discours civilisationnel qui repose sur les fondements scientifiques de l'architecture. Un discours qui contribue faire aboutir le dialogue engag sous toutes les latitudes et partant, mrir les dcisions judicieuses qui promettent l'Homme un monde meilleur. Cet ouvrage est, avant tout, une rponse fidle l'invitation qui m'a t faite par l'Organisation islamique pour l'Education, les Sciences et la Culture pour son laboration en concordance avec son judicieux plan daction visant

mettre sur pied les nouveaux fondements de la civilisation islamique de demain. Puisse Allah guider nos pas vers le succs. Dr Afif Bahnasi

Chapitre I Spcificits de lart architectural islamique A- Apparition de lart architectural A/1- La pratique de lart est ne avec lapparition de lhomme sur terre. En tmoignent les chefsduvre rupestres qui ornent, depuis des millnaires, les grottes habites jadis par les hommes prhistoriques comme celles de Lascaux et dAltamira. Ces peintures ornementales, reprsentations colories despces animales teintes, dmontrent lhabilet et le ralisme de lhomme dantan et attestent de lantriorit de ce vecteur de communication quest lart par rapport la langue et la littrature. A/2- Avec lvolution de la civilisation humaine, lhabitat est devenu lespace par excellence o saffirment le gnie et le talent des artistes. On en veut pour preuve les motifs ornementaux qui garnissent les maisons dcouvertes Wadi An-Nutuf (Palestine) et Mourybet (Syrie) et qui datent du septime millnaire avant Jsus- Christ. A/3- Larchitecture, avec ses manifestations externes et ses reprsentations matrielles ne tarda pas intgrer la sphre de "lart" pour devenir lobjet dune activit artistique proprement parler, o le sens de lagencement et de la cration est un lment fondamental. Elle continua, nanmoins, englober dautres disciplines appartenant aux Beaux-Arts comme la sculpture et la reprsentation picturale. Cette synthse, nous en retrouvons un des modles les plus reprsentatifs dans larchitecture islamique. Pour sen convaincre, il suffit de contempler les palais des Omeyyades qui offrent le spectacle de sculptures colores et non colores, doubles de dessins en mosaque colore. Ces lments darchitecture restent nettement visibles dans des palais comme ceux dAl-Hir, de Mshatta, dAl-Mafjar et de Qusyr Amra. A/4- Si lart pictural se dmarque de larchitecture en choisissant comme matriaux de travail les objets meubles tels les manuscrits, les ustensiles, les accessoires darchitecture et le mobilier, ses techniques nen restent pas moins similaires celles de larchitecture. Tantt reprsentatives et

ralistes, tantt ornementales et abstraites, ses reprsentations refltent la diversit et lvolution des canons esthtiques qui se prolongent nos jours. Ayant choisi un langage autre que celui des lettres et des couleurs, larchitecture fait de la combinaison du volume et du vide son principal mode d'expression. Elle saffirme ainsi comme une discipline part entire dont les caractristiques propres la diffrencient nettement des autres styles architecturaux contemporains de larchitecture islamique. A/5- Lart plastique, reprsent par la peinture et la sculpture, simprgne aisment de lessence des autres genres artistiques auxquels il se mlange. Ce fut le cas pour la miniature qui a t dtourne de sa vocation premire en subissant linfluence de lart europen. En revanche, la moindre dviation de larchitecture compromet son authenticit et lui fait courir le risque de se fondre compltement dans le moule des styles architecturaux de lOccident, supposs tre faciles dexcution, plus pratiques, plus proches de lidal de modernit et desthtique, mais en rupture avec la matrice civilisationnelle qui les a engendrs. A lpoque o la rgion arabe a d subir la domination politique et sociale trangre, loblitration du cachet architectural qui lui tait propre a t lun des aspects les plus visibles de la dliquescence de son identit civlisationnelle. En tant quuvre dart, larchitecture ne peut se dvelopper quau sein dune socit empreinte de "libert". Pour les pays arabo-islamiques coloniss, la cration artistique ntait plus possible alors que toute la latitude a t donne aux influences occidentales de sinfiltrer au cur de lart local. Cest ainsi que le style architectural colonial tait venu safficher sur les immeubles des villes arabes, tels que le Caire, Alexandrie, Alger, Rabat, Casablanca, Alep et Beyrouth. A/6- Larchitecture moderne a pris naissance en Allemagne sous le vocable "Jugenstil". Le monde allait dcouvrir lors de lexposition universelle de Barcelone de 1929, le pavillon allemand fait en verre et en mtal, uvre de larchitecte Mies Van Der Rohe. Cet vnement allait marquer la fin de larchitecture classique et le dbut dune nouvelle re caractrise par la cration dbride et abstraite. La nouvelle tendance allait tre consacre par lcole Bauhaus apparue Weimar. Ctait l le prlude lavnement de larchitecture moderniste qui rompt avec lensemble des traditions architecturales et prconise le retour aux formes et volumes abstraits. Dsormais, le travail architectural ntait ni plus ni moins quun assemblage arbitraire de formes

cubiques et pyramidales, isoles ou imbriques dans des compositions fantaisistes. Par sa configuration extrieure, louvrage ainsi conu doit produire un effet dmerveillement par le jeu confus et dissonant des volumes, des masses et des vides. Les espaces intrieurs sont gnreusement exploits de manire remplir des fonctions spcifiques. Ceci ne se fait pas sans grande peine puisque lenvironnement interne pose des difficults lies linstallation des quipements lectriques et lectroniques assurant le dplacement, lascension, le chauffage, laration et la scurit. Aujourdhui, on est en droit de sinterroger sur les parents et les dissemblances qui existent entre larchitecture moderne et les traditions architecturales antrieures. Pour y rpondre, Xanakis affirme que les techniques de construction ne conservent plus que les reprsentations symboliques. Et pour cause, lexpression architecturale, pousse son extrme, sest coupe de lhistoire et de lhomme". Il appelle de ses voeux larchitecture post- moderniste. Aux Indes, au Mexique, en Italie, comme dans les pays arabes et ailleurs, larchitecture classique assiste non sans regret lvanouissement de son essence sous le coup de labstraction chaotique de larchitecture moderne. Mais, les partisans de lart authentique commencent sinsurger, au sein de facults darchitecture, contre les nouvelles thories, exprimant par l leur indignation face cette modernit qui, selon eux, a raval larchitecture son plus bas niveau(1).

B- Construction et architecture B/1- Quand il est question dtudier lart architectural islamique, il importe de convenir des notions de base de cet art. Bien que construction et architecture soient deux concepts qui prtent confusion, il existe des spcialits universitaires qui font la nette distinction entre lart architectural et la technique de construction. Partant de l, nous dfinissons la construction comme le mode de conception de btiments destins remplir une fonction sociale donne, comme le logement, le culte, les tudes, les soins mdicaux et la commmoration. La pratique de la construction ncessite une connaissance avre des spcificits de lenvironnement, du matriau de construction et de sa capacit remplir sa fonction dans des conditions de confort et de scurit. Il importe aussi de connatre les plans urbanistiques qui structurent lespace de la cit, de manire y intgrer harmonieusement les btiments construire.

Quant larchitecture, elle se dfinit comme tant un art qui se proccupe de la mise en place et de lornementation du btiment de manire mettre en relief les lments constitutifs de son identit et de sa fonction. Cet art sexprime sous deux formes. La premire, externe, est lie au panorama de la ville o le btiment sinsre harmonieusement dans la structure gnrale. Elle a trait lidentit de la cit. Ainsi, le style architectural confre-t-il son cachet spcifique la cit, confirmant, ce faisant, son caractre authentique, imitateur ou innovateur. Ceci fait que les concepteurs de cit sappliquent imaginer un systme architectural qui dtermine la configuration gnrale de la cit, synthtise le mode de vie social tabli et assure lunit architecturale, gnratrice de liens sociaux empreints de lunit densemble. B/2- La facette interne de larchitecture reflte les besoins des individus et des familles en ce sens quelle doit rpondre aux attentes des habitants qui souhaitent disposer dun intrieur de btiment confortable et serein. Larchitecture islamique a ceci de particulier quelle privilgie lintrieur la faade extrieure. Cest ainsi que lespace intrieur se trouve tre richement dcor de motifs ornementaux qui garnissent les murs, les colonnes, les corniches, les piliers, les fentres, les portes, les fontaines, les jardins et les bassins desquels sexhalent les senteurs odorifrantes des fleurs et du jasmin. Les orangers, les cdratiers et les ceps de vigne y sont plants en abondance si bien que la demeure offre lapparence dun vritable site paradisiaque. Le Hadith latteste en affirmant: "Le paradis de chacun de vous, cest bien sa demeure". B/3- Larchitecte se soucie au premier chef de la conception de la forme et des lments structurants du btiment, en loccurrence les colonnes, les coupoles, les dmes et les voutes. Larchitecture a accompagn lvolution de la socit et les systmes des villes modernes. Lapparition de nouveaux matriaux comme le ciment, le mtal et le verre a eu un impact dcisif sur le dveloppement de larchitecture moderne qui na pas manqu de se dpeindre sur notre architecture. Il tait donc devenu indispensable dutiliser ces nouveaux ingrdients sans pour autant scarter des principes de larchitecture traditionnelle et du cachet architectural authentique.

C- Le langage et le vocabulaire de larchitecture islamique C/1- La culture architecturale islamique est sortie des mains du maon traditionnel qui donna libre cours son imagination et mobilisa son savoir-faire et son appartenance sociale et religieuse pour exercer son mtier. Sans aucune instruction thorique, ce maon srige par son gnie en cole et en rfrence pour les gnrations futures. Lart de construire a ainsi donn lieu un jargon professionnel propre au corps des maons et des architectes. Richement fourni en termes techniques, cette langue technique tait le reflet de la diversit qui caractrisait les approches des matres architectes, de leurs environnements respectifs et de leurs idiomes. Cest l lexplication de la coexistence de plusieurs terminologies qui se sont imposes ensemble en labsence dun effort de normalisation. Cependant, cette profusion nte rien de leur spontanit ces diffrentes terminologies qui saffirment avec la plus grande fluidit. C/2- Avec lessor culturel et la prpondrance de la langue arabe, langue du Saint Coran, sur les variantes linguistiques locales, le besoin stait fait sentir de procder une normalisation de ces diffrents jargons. Cest dans ce sens que les acadmies de langue ont fait le ncessaire. Les instituts darchitecture devaient ensuite adopter cette terminologie unifie qui a la vocation dexposer les rudiments de lart architectural et de lui appliquer une seule grille de lecture, veillant ainsi lunit de lidentit architecturale islamique.

D- Caractristiques de lart architectural islamique D/1- Quand bien mme construction et architecture rfrent deux concepts distincts, lart architectural islamique prsente des caractristiques gnriques et sarticule autour de deux catgories de principes, le principe architectural scientifique et le principe artistique et crateur. En Egypte et en Msopotamie, comme en Inde et en Occident, la thorie de larchitecture a puis tous ses thmes. Les livres ddis lhistoire de larchitecture ont t enrichis de traits sur les thories de larchitecture. Objets dtude pour les spcialistes du monde entier, ces rfrences nous sont parvenues sous forme de textes traduits o il nest fait aucune mention des spcificits de larchitecture islamique. Il tait donc impratif de combler ce manque travers un certain nombre de donnes. D/2- Il importe de prciser que lart architectural islamique est bien antrieur toute dmarche

intellectuelle visant la dtermination pralable de ses caractristiques propres. Autrement dit, celles-ci sont directement puises des monuments reprsentatifs de cette architecture. Il est cependant une seule caractristique qui a faonn les contours de lart architectural islamique et lui a mme confr son cachet islamique. Il sagit de la dimension religieuse qui a imprgn lesthtique, les arts et larchitecture islamiques. D/3- Larchitecture et la religion islamique ont ceci de commun quelles procdent du dogme monothiste, des enseignements et des traditions de lislam. Le monothisme est la reconnaissance de lexistence dun dieu unique qui na point dgal, Et nul nest gal Lui (Al-Ikhlass, verset 4). Cest le Dieu des deux mondes, des cieux et de la terre. Lacception monothiste de la divinit diffre de celle des autres religions et croyances ayant une vision anthropomorphiste et relative de Dieu. Selon le credo monothiste, labsolu est lobjet dune qute perptuelle et la foi une somme de pratiques civilisationnelles qui visent llucidation du mystre de labsolu et de ses pouvoirs incommensurables qui se manifestent travers les cratures et la nature. D/4- Premier difice rig sur le principe de la pit, la mosque a t un espace de ralliement de tous les croyants appels se recueillir devant la majest de labsolu et mditer, publiquement ou en secret, le mystre de ce principe ternel. Larchitecture de la mosque tait ainsi dicte par les rgles de la prire. A son tour, la foi en un dieu sauveur et salutaire a dtermin la configuration architecturale des autres difices comme lcole, le mausole, le palais et la maison. D/5- Zarkachi(2) a expliqu dans le dtail les principes qui devaient prsider au mode de construction des mosques. Les croyants devaient prier dans un climat empreint de srnit et suivre sans difficult le sermon du prdicateur. Parmi ces principes, on peut citer : 1- La cohsion des ranges des croyants ; 2- Labsence, dans lenceinte de la mosque, de colonnes susceptibles de rompre lalignement des ranges des croyants en position de prire. 3- La ncessit de satisfaire limpratif de la succession des ranges en liminant tout ce qui est de nature rompre un tel ordre.

4- La prsence dune ouverture dans le mur sparant lenceinte du sanctuaire. 5- Laccs lenceinte de la mosque ne doit pas tre direct. D/6- Dans son ouvrage "Hadaiq Attamam Fi-al-Kalam Ani-al-Hammam", qui est un trait sur les bains publics, Al-Kawkabani a numr les critres de propret, dintimit et dhygine auxquels ces difices doivent rpondre, affirmant que cest l le moyen le plus sr de prter aux bains publics la vocation de propret et de traitement de certaines maladies. Il y a aussi la prestation de services par la mise en place dun dispositif administratif, lamnagement de vestiaires, dune cave et darmoires. Le trait voque aussi les rgles darchitecture qui prsident la construction du bain public sur un niveau lev, lamnagement des canalisations deau et la multiplication des jours pratiqus dans les dmes pour assurer un meilleur clairage du bain. Par ailleurs, le bain doit tre divis en trois compartiments qui vont du froid au chaud sec en passant par le tide. Cette disposition sert prmunir les usagers du bain des brusques changements de temprature. D/7- Les tablissements de cure rpondent des critres fixs par le prpos la gestion des habous et du march et se conforment un plan de construction bien dtermin. D/8- Outre les critres relatifs larchitecture des btiments, il existe dautres conditions auxquelles doit satisfaire le plan durbanisation. Le calife Omar Ibn Al-Khattab a t le premier imposer pareils critres, dont les plus importants ont t voqus par Ibn Rami dans lun de ses ouvrages(3). Celui-ci a arrt les usages des terrains immobiliers, les droits de servitude et ceux de lutilisation des voies. Par ailleurs, on retrouve dans les traits de gographie et les rcits de voyage, la mention de critres relatifs la planification urbaine. On peut en citer notamment louvrage intitul : "Histoire de la Mecque", de son auteur Al-Azerki, "Histoire de Damas", crit par Ibn Assakir, "Histoire de Bagdad" dAl-Khatib Al-Baghdadi, "Kitab Al Mawaith wa Al-Itibar", dAl-Maqrizi qui a dcrit le plan urbain complet de la ville du Caire. Dans son ouvrage, Al-Maqrizi a fait une description des "mosques, des jardins, des zaouias (confrries), des hpitaux, des bains et des cafs, en indiquant leur emplacement dans le plan du Caire". Voil pourquoi louvrage dAl-Maqrizi est considr comme la meilleure rfrence en matire de science de la planification urbaine et, tout particulirement, de la description du Caire(4).

E- La dimension humaine E/1- Ibn Qotaiba compare la demeure lhabit. Comme lhabit est taill la mesure de celui qui va le porter, il en est de mme pour la demeure qui est btie la mesure de celui qui va lhabiter. De ce fait, Ibn Qotaiba aura t le premier voquer la notion de dimension humaine dans larchitecture islamique(5). E/2- La dimension humaine sest affirme par rapport la logique mathmatique qui a rgi lart architectural occidental, depuis les Romains et les Grecs jusqu lpoque contemporaine. La grandeur mathmatique signifie la mainmise de lOrdre cr laide des combinaisons gomtriques et mathmatiques et des outils comme la rgle et le compas. A loppos, larchitecture islamique repose sur le principe de linteraction organique entre lhomme et son environnement climatique et social, de ses croyances et de sa symbolique. Dans son travail, le maon se sert de ses bras, de ses mains, de ses doigts et du fil qui sert mesurer les longueurs et les diamtres de cercle lors de la construction des arcs, des dmes et des caves. Cest ce mme fil qui sert vrifier la verticalit du btiment. Outre son intelligence, le maon se fiait son intuition pour la conception, lornementation, la construction et le renforcement du btiment. Il sest aussi proccup du confort de lhabitant, de ses besoins familiaux et sociaux, de son profil psychologique et de sa capacit entrer en harmonie avec son environnement. A ce propos, le Saint Coran a voqu la position centrale que lhomme doit occuper au sein de son environnement : "C'est pour vous qu'il dploya la nuit, le jour, le soleil, la lune, les toiles. Ce sont autant de preuves tangibles pour ceux qui coutent la voix de la raison" (Annahl, verset 12). E/3- En architecture islamique, la notion de dimension humaine est perue en accord avec les conditions climatiques, les coutumes et lessence de la civilisation islamique. Il nest pas ais dimporter les lments de cette dimension pour les acclimater dans un contexte diffrent de leur milieu dorigine. Tout comme il nest nullement possible dappliquer la grandeur gomtrique et mathmatique dans lanalyse et ltude de lart architectural islamique. De fait, toute habitation est rige en harmonie avec le milieu o volue son occupant, avec son histoire, ses croyances, sa civilisation et sa culture islamique.

E/4- Le fait dtre investie de cette dimension humaine na pas empch larchitecture islamique de simprgner de la logique scientifique et mathmatique. De fait, les musulmans ont contribu la conception des principes mathmatiques de base qui devaient prsider la construction des btiments. Al-Khawarizmi a t parmi les premiers savants dvelopper le calcul numrique et dterminer les positions des chiffres. Cest lui qui inventa le zro et fonda la science de lalgorithme qui porte son nom. Dans son trait Al-Jabr wa Al-muqabalat, (simplification des quations), il prsenta les quations fondamentales de lalgbre. Par ailleurs, Abou Kamel Chojae Ibn Aslam, savant gyptien mort en 240 de lHgire (correspondant 951 du calendrier grgorien), a rsolu les quations cinq inconnues. En tant que mathmaticien, Thabet Ibn Qorah a fait ses recherches sur les volumes cubiques et les formes carres. Quant aux fils de Moussa Ibn Chaker, ils ont compos un ouvrage intitul kitb marifat mishat al-achkl (mensuration des surfaces des figures gomtriques), traduit en latin sous le titre liber trium fratrum de geometrica, dans lequel ils ont rsolu le problme de la trisection dun angle. A son tour, Ibn Al-Haytham sest intress des problmes de gomtrie encore plus pineux, parmi lesquels on peut citer lexemple suivant : "si une droite coupe deux autres droites et que la somme des angles situs du mme ct est infrieure celle de deux angles droits, les deux droites, prolonges linfini, se croiseront dans le sens oppos aux angles dont la mesure est infrieure celle des deux angles droits". E/5- En architecture islamique, le principe fondamental de la dimension humaine se manifeste travers la protection de lindividu contre les intempries, la pollution, les nuisances sonores et les mauvaises odeurs. Cest ainsi que larchitecture musulmane a pu adapter les btiments en fonction de ces besoins. Dans le btiment islamique, lenceinte intrieure est lendroit le plus important. Dans les mosques, il est appel cour. Cest la partie du btiment qui se trouve expose directement au ciel. Les portes et les fentres situes aux deux tages suprieurs la surplombent. Impermable tout courant dair en provenance de lextrieur, cette cour est relie la porte principale par un vestibule sinueux, qui empche lair, le vent, la fume et la poussire de pntrer lintrieur. Lexprience a montr que lair pntrant den haut effectue un mouvement hlicodal au-dessus

de la cour sans pouvoir y pntrer, sauf lorsque le vestibule et la porte principale donnant sur la rue sont ouverts. En dautres termes, quil soit chaud ou froid, propre ou pollu, lair manant den haut naltre pas la temprature ambiante de la cour, ni la puret de lair qui y circule. E/6- A linstar de lenceinte de la mosque, les chambres ont t conues de manire ce que le sol soit situ un niveau suprieur celui de la cour ou le patio. La raison tient au fait que lair froid, plus lourd que lair chaud, est maintenu au fond de la cour et ne peut, de ce fait, sinfiltrer dans les chambres, celles-ci taient protges par des seuils levs disposs en bas des portes. Ce systme est beaucoup plus apparent dans les chambres o le sol slve sous forme dune ou de deux estrades qui fonctionnent comme un second obstacle linfiltration de lair froid. E/7- Le maon a pris le soin dutiliser la pierre, la brique et le bois comme matriaux de travail. Le volume de chaque matriau tait tudi de manire protger les occupants du btiment du froid et de la chaleur extrieurs. E/8- Dans lensemble des constructions, leau des fontaines coulait sous les formes les plus diverses et contribuait lhygine de lhabitation mais aussi au rafrachissement de lair. De plus, lemplacement du btiment tait tudi de manire satisfaire aux besoins en chaleur et en lumire du soleil, tout en prenant la prcaution de prvenir la propagation des odeurs de cuisson et des cabinets daisance. E/9- Larchitecture islamique a un trait singulier quil conviendrait dappeler "intriorit". Quil sagisse dune mosque, dune cole ou dune habitation quelconque, tout btiment islamique recle cette spcificit qui prte une attention beaucoup plus importante lintrieur qu larchitecture extrieure. Cette prfrence prononce pour larchitecture intrieure est bien apparente dans les premires mosques comme la mosque Omeyyade Damas, la mosque dOkba Kairouan et la mosque de Cordoue. Elle [Larchitecture islamique] se manifeste aussi dans les habitations et les palais. Cet intrt vident pour lespace intrieur traduit le souci de prter au btiment une autonomie par rapport son environnement extrieur. Voil pourquoi cet intrieur est richement dcor et orn des plus beaux motifs architecturaux. Par contre, les faades sont dlaisses pour diverses raisons dont la plus importante reste le dsintrt manifeste pour toute vellit dostentation et daffectation. De ce fait, la notion dintriorit rejoint le principe de la dimension humaine.

E/10- Lexpansion de lautomobile comme vhicule de transport et de locomotion a t lorigine du changement du systme architectural de la cit islamique. Laspect originel des btiments allait en tre modifi, cdant la place des blocs de construction qui longent les bordures des chausses devenues le nerf des agglomrations et le rgulateur des rapports sociaux et conomiques. Lorganisation urbaine moderne sarticule autour de la rpartition des centres urbains autonomes en des blocs dimmeubles disposs tout le long des avenues ou des jardins environnants. De ce fait, lintrt a chang dobjet en privilgiant larchitecture de la faade lamnagement de lespace intrieur. Dsormais, larchitecture donne sa prfrence aux devantures et aux jardins et voit samoindrir son intrt pour les amnagements intrieurs. Au lieu de souvrir comme ctait le cas auparavant sur lair pur et tempr du patio, les diffrents compartiments de lhabitation sont devenus directement exposs lair pollu provenant de lextrieur, tout autant quaux influences climatiques extrieures et aux nuisances sonores. La maison tant dsormais livre la curiosit indiscrte des voisins, lintimit inviolable dantan a cess dtre. Le nouveau systme impos par lexpansion du vhicule automobile a altr la configuration gnrale de la cit. Alors que le cachet architectural donnait lancienne cit son ordre et son harmonie, la nouvelle tendance a invers les rles en subordonnant lordre architectural aux impratifs de lurbanisme. En outre, ce revirement de tendance a renvers lordre social en supprimant linfluence des coutumes de famille sur laspect architectural densemble. Cette influence estompe, ce sont les nouveaux usages lis lavnement de lre de lautomobile qui structurent dsormais le panorama urbain, architectural et social.

F- Les principes islamiques durbanisation et darchitecture F/1- De par ses prceptes et ses traditions, lislam a octroy larchitecture son cachet spcifique. Un dpouillement exhaustif de ces lments permettrait de reconstituer le soubassement thorique de larchitecture islamique. Le second calife Omar Ibn Al-Khattab a t le premier donner des consignes propres larchitecture islamique. Il a ainsi ordonn au gouverneur dAl-Basra et dAl-Koufa de respecter

strictement les dimensions quil a lui mme fixes pour lamnagement des routes et des rues, lagencement des habitations, leur hauteur et leur disposition circulaire autour de la mosque et de la rsidence du gouverneur. Par ailleurs, des philosophes et des penseurs comme Ibn Sina, Ibn Khaldoun et Ibn Qotayba ont dict des principes darchitecture similaires et tout aussi importants. Il en est de mme pour les docteurs de loi, comme Ibn Arrami (mort en 376 H) qui a expos dans son ouvrage "Al-Ilan Fi Ahkam Al-Bonyane"(5bis), des rgles dorganisation et dhygine fort importantes. Il a par ailleurs fait la part large aux vices de construction dont il a indiqu les effets ngatifs. On peut en citer le dfaut qui consiste ne pas prmunir le btiment contre linfiltration de la fume, des odeurs, du bruit et du rayonnement solaire. Il a fait obligation aux habitants de ne pas violer lintimit de leurs voisins par la vision drobe tout comme il a recommand de mettre lhabitation labri du regard des passants. F/2- Lart et la technique architecturaux ont t imprgns de lessence de la charia islamique qui leur a confr leur identit propre au fil des sicles. Toutefois, la diversit des coutumes, des langues et des civilisations qui ont embrass la religion islamique, de la Chine lest lAtlantique louest, a donn lieu une grande varit de styles architecturaux qui se rejoignent autour de limpratif de fonctionnalit. A la diffrence de lart grec qui prtait un style architectural unique toutes sortes de btiments, larchitecture islamique veillait crer un accord harmonieux entre le cachet architectural du btiment et sa fonction. De ce fait, la mosque, lcole, le cimetire, lhpital ou la maison avait, chacun, sa propre structure architecturale. Le simple fait de regarder laspect extrieur de nimporte quel btiment suffit nous renseigner sur sa fonction. Mieux encore, la valeur dun btiment sapprcie en fonction de son adaptation la fonction qui lui est assigne. De ce fait, est dclar commode tout btiment qui satisfait aux critres de srnit et de scurit. Ibn Qotayba a parl des critres auxquels doit satisfaire nimporte quel btiment, quil sagisse dune tente ou dune structure construite. Il a aussi parl des constructions faites de pltre, des difices aux formes dpouilles et surmonts de dmes, des habitations prsentant un mur de soutnement qui soulve le toit. Il a dsign chaque chambre par une appellation spcifique correspondant sa fonction comme le patio, lenceinte, les chambres, ltable rserve aux chameaux et les cabinets. Il a par ailleurs soulign limportance des

matriaux de construction en tant que gages de la scurit et de la robustesse du btiment. F/4- Le rapport entre larchitecture et lurbanisme est lun des principes fondamentaux de la thorie architecturale islamique. Il est trs rare que les gographes, les voyageurs ou les potes dcrivent les lments darchitecture sans spcifier les lments de lenvironnement urbain gnral qui abrite ces btiments. A ce propos, le pote Asaad Tubba a dit : Notre demeure est la meilleure de toutes. Ne prtant jamais le flanc au dnigrement des ennemis. Renfermant vignes, palmiers, cultures et tous bels arbres. Nos empreintes tmoignent de nous; considrez aprs nous les empreintes. Parlant des critres qui dterminent lemplacement des habitations en milieu rural, Al-Masoudi a affirm que : "Lemplacement est choisi en fonction des vertus et des avantages quon pourrait lui trouver"(6). A son tour, Al Hamadhani(7) a dfini les paramtres respecter en milieu urbain, comme pour la ville de Sanaa. Il a ainsi exig que les btiments soient adapts lenvironnement urbain, en les disposant dans la direction o souffle le vent. Il a en outre parl de la ncessit damnager des potagers de lgumes pour lapprovisionnement des habitants, de veiller au rafrachissement de lair, dalimenter les btiments en eau potable, et de mettre en place un systme dirrigation. Il a aussi voqu les matriaux et techniques de construction, la mesure des dimensions et des surfaces et les caractristiques structurelles du btiment. G/ Le systme daration naturelle G/1- Dans nombre de villes islamiques comme Ispahan, Dubai et Alep, il y avait un systme daration et de climatisation qui faisait partie du plan de construction initial connu sous le nom de "Badghir". Ce systme se composait dune tour qui slevait au-dessus du btiment, munie de fentres perces den haut et divise par une cloison dispose en forme diamtrale. Cette tour servait acheminer lair extrieur vers les chambres aprs avoir travers un bassin deau qui limprgne de sa fracheur(8). G/2- Un systme daration, plus simple, consiste riger des barrires disposes en haut des tours, o sont pratiques des ouvertures horizontales servant capturer lair extrieur destin rafrachir les personnes veilles ou endormies occupant la terrasse du btiment.

G/3- Dans certains difices archologiques, un systme daration a t dcouvert, dont le principe consiste utiliser des tuyaux disposs horizontalement et servant distribuer lair achemin de lextrieur entre les chambres du btiment. Les fentres grillages ont t couramment utilises pour capturer lair extrieur. G/4- Le "Malqaf" reste le systme daration et de climatisation le plus performant pour les btiments islamiques qui sont souvent rigs dans un milieu sec et chaud. Il sagit dun systme peu coteux et propre quil faut rhabiliter au sein de nos demeures modernes, moins en tant quobjet de dcoration esthtique comme cest le cas au Mont Ali, Duba, que comme lment de btiment ayant une fonction hyginique et conomique.

H- Architecture et ornementation Lornementation est lune des caractristiques les plus marquantes de lart architectural islamique. Il est vrai que la mosque du prophte, premier difice dans lhistoire de lislam, avait t difie dans un style dpouill et sobre, compose simplement dun toit amnag avec des feuilles de palmier et mont sur des troncs de palmier. Dpourvue lorigine de tout motif de dcoration, cette mosque a fait plus tard lobjet dune restauration ordonne par Al-Walid Ibn Abdul Malik au gouverneur de Mdine, Omar Ibn Abdulaziz. Cette uvre a t entreprise sur de nouvelles bases darchitecture qui dploient une profusion de motifs ornementaux et de mosaques, limage de ce qui sest fait dans la mosque de Damas. Dans louvrage quil a consacr cette mosque(9), le savant franais Sauvagier en a donn une description minutieuse et dessin les motifs ornementaux qui la dcorent. H/2- Lart islamique de construction sinspire des plans conus dans la pure tradition de larchitecture islamique et conformment aux impratifs de fonctionnalit. Il repose aussi sur la cration de motifs ornementaux qui sont la fois dinspiration florale, gomtrique ou calligraphique. Les techniques dornementation se sont dveloppes tel point quelles ont fini par occulter le plan lui-mme. La prdominance de lornementation est manifeste dans la mosque de Cordoue, notamment dans la section rige par Abdurrahmane Addakhil limage de la mosque Al-Aqsa et de la mosque Omeyyade de Damas. Laspect extrieur de cette mosque a ensuite subi des modifications enrichissantes. Cest ainsi quen 848, Abderrahmane II a entrepris

une extension en profondeur de la mosque de lordre de vingt six mtres. En 965, Abderrahmane Annasser a ordonn son tour une extension sur le ct sud de la mosque, en parachvement de la premire et tout au long de la mosque de Abderrahmane Addakhil. Cette succession dextensions tmoigne de la prpondrance croissante de lornementation qui a fini par pntrer jusquau mihrab. De ce fait, le mihrab de la mosque situ dans la section dAl-Hakam, est lun des plus beaux exemples de la dcoration islamique. A ce chef duvre splendide sajoutent les coupoles de la mme section considres leur tour comme de vritables joyaux de lart ornemental islamique. Sur ordre dAl-Hajeb Al-Mansour, une troisime extension a t entame en 992 tout le long de la mosque, du ct est. Lvolution des motifs ornementaux qui embellissent les couronnes, les arcs et les dmes des diffrentes sections de la mosque de Cordoue illustre parfaitement linfluence de plus en plus forte de lornementation sur larchitecture islamique. H/3 - Les motifs ornementaux, appels arabesques, sont les plus reprsentatifs de la splendeur de lart architectural islamique. Toutefois, du fait de la prpondrance de ces arabesques sur les autres lments architecturaux, notamment dans le palais dAl-Hambra, Grenade, larchitecture sest vue rduite au seul aspect ornemental. H/4- La cration architecturale compte, parmi ses lments les plus remarquables, les inscriptions calligraphiques qui ornent les toits et les btiments islamiques. Outre la porte esthtique quelles prsentent, ces critures sont de vritables tmoins historiques de lvolution de larchitecture islamique. Le plus ancien de ces chantillons continue orner ce jour les pourtours de la coupole du dme du Rocher. Doubles de versets coraniques transcrits en caractres Koufis et sertis de morceaux de mosaque ornant le dme, ces inscriptions permettent de reconstituer le contexte historique qui a marqu ldification du dme. Il nexiste presque aucun difice islamique qui ne prsente des inscriptions graves sur la pierre, le bois ou excutes avec des morceaux de mosaque et de terre. Les versets coraniques constituent le thme majeur de ces critures. Les difices les plus rcents renferment des transcriptions de ce genre qui relatent les qualits du btisseur et ses apports luvre ddification. Par ailleurs, ces critures sont autant de dtails historiques qui permettent de suivre lvolution de la calligraphie arabe depuis son closion jusqu lapparition du style koufi

et du style tal appel Tulut. Dautres joyaux de la calligraphie arabe traditionnelle picturale ou celle ressemblant des checs, se retrouvent dans les mosques persanes, mameloukes et ottomanes.

I- Unit et diversit dans larchitecture islamique I/1- Trait saillant de lart architectural islamique, lunit se manifeste dans les difices de culte, les habitations urbaines et dans toutes sortes de btiments publics ou privs, transcendant de la sorte les contingences spatio-temporelles. De fait, lunit reste la pice-matresse de lidentit propre de larchitecture islamique. Bien que les difices islamiques de Chine aient drog cette unit, la diversit des styles architecturaux qui se dploient de lIndonsie au Maroc tmoignent de cette unit. Mieux encore, en Europe, Paris, Londres ou Munich, les difices de culte islamique ont conserv les particularits de leur identit. En dautres termes, et partout o lislam existe ou que la population musulmane est majoritaire, lidentit islamique a toujours trouv dans larchitecture une de ses reprsentations les plus frappantes. I/2- La varit des styles darchitecture fournit la preuve de lapport enrichissant de la crativit la conception architecturale. Elle exprime aussi la symbiose qui existe entre larchitecture et lenvironnement urbain, social et culturel qui la baigne. La diversit dans lunit est lun des traits marquants de larchitecture islamique qui contribue au dveloppement dune architecture moderne mariant authenticit et ouverture au changement et la crativit. I/3- Lart islamique, en gnral, et larchitecture, en particulier, se caractrisent par la diversit des styles et des formes qui sexplique par les mesures encourageantes du pouvoir en place et la force dinteraction avec les autres cultures et environnements. Il reste nanmoins que lextrme abondance des styles est le produit de la libert crative dont jouissaient lartiste et larchitecte. Lislam a toujours prn laction responsable tout comme il a recommand de cultiver le got du beau, en conjuguant esthtique et perfection. Les principes de base ont t dicts dans le Saint Coran : "Nul naura rpondre des fautes dautrui (Al-Anm, verset 164) et "uvrez, Dieu

verra votre uvre" (At-Tawbah, verset 105). Par ailleurs, Dieu a investi lHomme de la responsabilit de peupler la terre en lui prescrivant : "Nous avons propos aux terres et aux cieux daccepter le dpt. Mais ils refusrent, craignant la lourdeur de cette responsabilit et lHomme a accept de sen charger. LHomme est injuste (envers lui-mme) et ignorant" (Al-Ahzab, 72). Ce verset coranique montre tout le poids de cette responsabilit quil incombe lHomme dacquitter, mais illustre le degr de libert dont il a t investi. Deux atouts qui dpassent de loin la force attribue aux cieux, la terre et aux montagnes. Ce pouvoir extraordinaire que dtient lhomme doit forcment le prdisposer entrer en communion avec les autres formes du vivant, en sadonnant des uvres de cration. Jouissant de cette libert nulle autre pareille, lindividu croyant, porteur du dpt islamique, a pu faonner la plus extraordinaire des civilisations humaines. Sa force, il la toujours puise dans la confiance et la foi profonde en Dieu, qui le font tendre vers une finalit suprme. Ignorant lnergie quil lui faudra dpenser pour atteindre cette fin ultime, lHomme sest ainsi montr injuste envers luimme et totalement inconscient de la tche qui est sienne. Cette responsabilit sexprime travers la ncessaire dification de la civilisation qui intresse tous les secteurs de la vie : science, jurisprudence, architecture et art. Tout individu inventif se doit donc de faire du Saint Coran sa principale source dinspiration. Il doit dabord se conformer aux commandements coraniques qui lont dot dune libert certes large mais non moins responsable. Cest alors quil pourra tre attentif aux besoins changeants de sa communaut, tels le statut social, le got et les genres artistiques. Si le pouvoir a toujours cherch promouvoir larchitecture et lart pour le grand bien de la communaut, la comptition entre rois et gouvernants, occups relever le niveau de leurs cits, na jamais manqu de virulence. Mais pour les individus soucieux avant tout de stabilit et de bonheur, chacun nourrissait des gots particuliers quil voulait traduire en ralit concrte. Cette multiplicit de gots a fertilis lesprit de lartiste qui pouvait ainsi dployer son habilet dans les limites dune libert suffisamment large, inscrite au cur de lesthtique islamique. Ainsi, la diversit rimait toujours avec lunit des principes desthtique qui encadrent lactivit cratrice des artistes musulmans. I/4- Il convient de considrer quelques chantillons dart et darchitecture provenant des autres

civilisations, afin dillustrer la diffrence significative qui distingue le gnie crateur de lart musulman des autres traditions architecturales. Larchitecture classique, grecque et romaine, a toujours suivi trois schmas figs auxquels sastreignaient les architectes, en loccurrence lordre ionique, corinthien et dorique. Malgr ces diffrentes appellations, ces trois ordres sarticulent autour dune mme structure architecturale de base, en loccurrence des colonnes qui ne se distinguent gure que par la forme de leurs chapiteaux et des entablements qui reposent sur eux (ses derniers sont composs de larchitrave, la frise et la corniche). Si nous prenons un autre exemple, savoir lart architectural chrtien, quil soit romain, gothique ou byzantin, nous constatons que ces diffrents styles obissent presque tous au plan de la basilique romaine, avec le dploiement dune profusion de statues pour larchitecture gothique, et des dessins de vitraux et des peintures murales pour larchitecture byzantine. I/5- Dans larchitecture islamique, le systme de conception est loin dtre limitatif. A preuve, la diversit des styles architecturaux islamiques et des arts comme larabesque, lornementation et la calligraphie, tmoigne du gnie crateur de lartiste musulman qui a le don dimaginer un nombre illimit de formes. On en veut pour preuve ces difices imposants qui se dressent Ispahan, Bagdad, Damas, au Caire, Kairouan et Cordoue. Ces constructions grandioses sont le fruit de quinze sicles de civilisation islamique. Pourtant, cette diversit, loin dtre le produit de la multiplicit de gouvernants et dEtats, reflte plutt la crativit de lartiste qui est lauteur exclusif de ces uvres magnifiques. Le roi mcne ou le propritaire de ces chefs duvre nont fait office que de bailleurs de fonds. Voil pourquoi la cration architecturale et artistique reste luvre unique du crateur lui-mme qui investit son talent et son doigt pour sortir du nant des uvres dart. Aussi, la veine personnelle, principe fondateur de lart moderne, a-t-elle dj t, au fil du temps, au cur mme de la civilisation islamique. Chapitre II Modernisation de larchitecture islamique au profit des architectes du monde islamique ou dailleurs A- Authenticit et modernit A/1- Le patrimoine architectural islamique est une richesse civilisationnelle quil importe de protger et dtudier. Il est aussi indispensable den clairer les caractristiques et les avantages et de veiller complter son volution vers une meilleure adaptation aux contingences actuelles et aux mutations civilisationnelles.

Vhicule des valeurs civilisationnelles et reflet de lidentit culturelle et du niveau de crativit et desthtisme, larchitecture nous interpelle sur la ncessit de sauvegarder son authenticit et de la mettre labri de lintrusion dautres styles trangers qui viennent altrer le cachet originel de la cit islamique, en lui prtant une dimension cosmopolite qui la coupe de ses racines, de son environnement et de sa population. A/2- Larchitecture islamique est passe du mode traditionnel des grandes tentes de la campagne aux huttes des villages, puis aux btiments des villes. Tout au long de cette volution, larchitecture islamique ne sest jamais dpartie de ses marques dauthenticit, qui saccommodent sans heurt des besoins de lhomme et des usages de son environnement. Il est bien regrettable dassister une interruption de cette volution qui sexplique par linstauration dune architecture simpliste, produit de la vie urbaine occidentale qui a envahi lensemble des pays islamiques. A/3- Lacceptation de larchitecture occidentale trouve sa justification dans lessor des techniques de construction. Des matriaux comme le ciment, le fer et le verre font dsormais partie des ouvrages de construction, de revtement et dornementation. A son tour, llectricit a jou un rle crucial dans lvolution de larchitecture qui dpend entirement des vertus de cette nouvelle nergie lors de lamnagement des fils dclairage, la mise en place des ascenseurs et linstallation des canalisations de chauffage et de ventilation. Ces lments accessoires ont pris le dessus sur la cration architecturale proprement dite. Dans un difice moderne comme le centre Pompidou Paris, ces lments additifs sont trs apparents et constituent lossature mme du plan architectural densemble. A/4- La mainmise de la technique compromet lart architectural. De fait, elle exerce une influence perverse sur lindividu qui commence prendre ses distances par rapport la nature. Le cot exorbitant de ses gadgets techniques constitue lvidence une lourde charge pour lconomie de la cit et un vrai fardeau dont il nest plus possible de se dfaire, tellement labsence de ces techniques est devenue un vritable frein au bon fonctionnement des btiments modernes. A/5- Les options conomiques et linvestissement puisent nos ressources en ce sens quelles rigent la consommation des produits techniques en ncessit absolue de notre vie. Dornavant, toute tentative de rationalisation des dpenses de consommation sannule du fait de la prsence

dinstallations gigantesques comme les aroports, les htels, les universits surquipes, qui absorbent dnormes quantits dnergie. Celles-ci auraient pu servir alimenter dautres projets productifs. En admettant la ncessit de mettre profit ces techniques modernes, nous restons critiques face tout usage excessif et abusif qui subordonnerait larchitecture ces techniques. A/6- La modernisation de larchitecture est en troite corrlation avec le paradigme de lauthenticit. De fait, larchitecture tant la marque saillante de lidentit, sa modernisation ne signifie nullement quil faille bafouer les spcificits culturelles. Ceci est dautant plus vrai que lidentit propre sexprime travers un systme de valeurs religieuses nobles et un patrimoine profondment ancr et plurisculaire. La conciliation de lidentit la modernit nest pas une entreprise dlicate, ceci dautant plus que la modernit occidentale aspire prsentement retrouver ses racines.

B- Le devenir de la modernit B/1- En fait darchitecture occidentale, la modernit a consomm sa rupture avec les traditions, la nature et lhomme. Si bien que la cit moderne a t ramene des blocs de structures architecturales abstraites. De plus, la faade des btiments a perdu son aspect traditionnel qui a fleuri en Europe depuis lre classique jusquau rgne victorien, en passant par la Renaissance, le baroque et le noclassicisme. Mais il est n un nouveau courant qui prne le retour lidentit qui sentend par la qute dun cadre dharmonie entre les formes architecturales, dune part, et lenvironnement et lhomme, dautre part. Ce courant appelle la rhabilitation de la mmoire historique et nationale qui dtermine les contours formels et le cachet esthtique de larchitecture. Mieux encore, les architectes affirment dsormais que le logement est partie dun tout social, et non un simple difice qui srige au milieu dun vide. Il ralise de ce fait trois finalits : La synergie avec les autres difices, lharmonie densemble et lindividualit. Cest la vie qui prte leurs caractres intrinsques aux constructions, indpendamment des contingences spatiotemporelles. Le langage de larchitecture sidentifie ainsi celui de la mmoire. A ce propos, le philosophe

Schultz affirme : "Notre poque ne fait pas appel un nouveau langage architectural qui serait choisir parmi les langages traditionnels existants. Nous interprterons librement ce langage en nous inspirant de nos diffrents souvenirs". Lacte dinterprter implique moins linvention, dlibre dun nouveau langage, que la mise au jour de liens sous-jacents. Larchitecte allemand, Mies Van Der Rohe, dclare son tour : "Larchitecture doit suivre le rythme de la vie et se placer son service. Elle ne doit rien imposer aux individus et la socit". Pour tayer son propos, il invoque la modernit qui tablit un rapport de cause effet entre le btiment et sa fonction et prconise la diversit architecturale quappelle la diversit des fonctions. Voil ce qui explique pourquoi larchitecture a nglig dentretenir son authenticit pour plonger dans lunivers de linnovation et de labstraction. B/2- Larchitecture moderniste a rompu dfinitivement avec le langage traditionnel de larchitecture qui, par sa valeur historique, a t lexpression de la manire dtre de lhomme, finalit de toute uvre architecturale. Cest ainsi que larchitecture na plus aucun langage, aucune identit, le premier tant le reflet de la seconde. Les critiques ont constat que larchitecture moderne, prive de toute identit, naide pas lindividu vivre en accord avec son environnement historique et social. Investie lorigine dune vocation nationale, larchitecture est devenue dsormais ni plus ni moins quun acte arbitraire sans personnalit, comme le dit si bien Heidgger : "larchitecture est le rceptacle de lexistence, du Zen". B/3- Le langage de la mmoire historique tant dlaiss en architecture moderne, larchitecte substitue la composante historique les lments industriels. Dsormais, larchitecture devient une entreprise hasardeuse et une vocation arbitraire et les slogans de la modernit de simples formules dogmatiques. B/4- Larchitecte Xenakis a t le premier proclamer la fin de la modernit, appelant de ses vux lavnement de lre post-moderniste. Cet appel a eu la faveur et la sympathie des gens qui se cherchent vraiment travers larchitecture environnante. Toynbee lhistorien a utilis en 1938 le terme de "post- modernisme" pour dsigner les notions de mondialisation et de diversit culturelle qui devaient merger selon les lois implacables du cycle de lhistoire. Une profusion

dides avaient fait apparition, qui renvoient la notion darchitecture post-moderniste. Mais la tendance commune a appel la conciliation entre lancien et le moderne, entre lauthenticit et la modernit. De fait, il aurait t aberrant de prconiser le seul retour la tradition lheure o la technique est devenue une ralit incontournable du vcu de tous les jours. Mais lancien offre dinnombrables possibilits, une pluralit doptions qui constitue un des traits marquants de larchitecture post-moderniste favorable au dploiement de la diversit culturelle. B/5- Si larchitecture islamique appelle de ses vux le juste quilibre entre authenticit et modernit, elle rejoint en cela le courant post-moderniste de larchitecture contemporaine. La coexistence de ces deux paradigmes en apparence antinomiques a eu plus dun attrait aux yeux de quelques architectes musulmans, professeurs ou tudiants, qui se sont laiss influencer par la doctrine des philosophes et architectes partisans de la post-modernit. Par contre, ils ont omis de se rfrer aux thories et applications de larchitecture islamique, acceptant ainsi de sassujettir la loi de la doctrine post-moderniste. Tombs sous la coupe de linfluence post-moderniste, ils ntaient plus en mesure dexprimer lidentit culturelle travers larchitecture moderne laquelle ils ont attribu tort une vocation abusivement islamique. B/6- Les penseurs musulmans ont t conscients du danger que reprsentait la dpendance en architecture vis--vis de lOccident. De fait, Ali Pacha Moubarak(10) a t parmi les premiers prendre conscience de cette dpendance. A lpoque, les gens choisissaient le style romain pour construire leurs demeures, dlaissant ainsi lancien style. Comme les Europens se rendaient frquemment sur le territoire gyptien depuis la construction de la voie ferre, laspect des difices tait devenu sujet plusieurs changements, chaque europen prenant la libert de construire son logement sur le modle architectural de son pays. Cette tendance individualiste a donn lieu une grande diversit ddifices et de styles ornementaux. De plus, louverture conomique et lexpansion du style colonial occidental ont t les deux facteurs dcisifs de cet tat de choses. Larchitecture a subi les effets de lidologie prooccidentale. De fait, les responsables et les nantis ont fait venir des architectes trangers pour leur confier la construction de leurs logements dans lensemble des villes islamiques. Le style colonial fit alors son apparition. Dessence hybride, ses vestiges sont toujours prsents aussi bien dans les quartiers modernes que dans les villes modernes.

C- La prise de conscience de limportance de larchitecture islamique C/1- Lappel un retour lauthenticit passe forcment par la revivification de la conscience historique de lart architectural islamique. Il est bien navrant de voir que notre culture architecturale se proccupe davantage de ltude de lhistoire de larchitecture occidentale que de lhistoire de larchitecture islamique. Pour sen convaincre, il ny a qu voir le contenu des programmes de lenseignement secondaire et universitaire qui sintresse aux thories de larchitecture mondiale, naccordant que peu dintrt larchitecture islamique. Ceci est d labondance des rfrences qui concernent larchitecture classique (grecque et romaine) et chrtienne (gothique et byzantine) et larchitecture de la Renaissance et de laprs-Renaissance. C/2- Bien quun grand nombre darchologues et de chercheurs se soient intresss larchitecture islamique (11), leurs ouvrages nont t traduits que trs rcemment en arabe et dans les autres langues du monde islamique. C/3- Il est bien heureux, nanmoins, quune pliade de chercheurs musulmans ait commenc contribuer ou consacrer leurs crits lhistoire de larchitecture islamique et aux fondements esthtiques et philosophiques de larchitecture et de lart islamiques(12). C/4- Cest un motif doptimisme que de voir que la matire de larchitecture islamique commence se faire une place dans les instituts suprieurs de recherche Ispahan, en Egypte et ailleurs. Qui plus est, larchologie islamique sest dj constitue, elle-mme, en spcialit part entire. En effet, il y a une prise de conscience manifeste de limportance de larchitecture islamique qui sest manifeste travers lintensification des travaux de restauration. Les autorits en charge de la recherche archologique dans les pays islamiques ont lanc des projets destins assurer la protection du patrimoine architectural que reclent les villes, les quartiers et les difices. Parmi les entreprises les mieux russies en la matire, citons le projet de sauvegarde des villes historiques du Ymen, notamment Sanae, Zoubad et Chebam. Par ailleurs, des institutions acadmiques sattlent promouvoir cette protection par lattribution de prix et autres formes de rcompense. On peut en citer lOrganisation Agha Khan base Boston, lOrganisation des Villes arabes au Kowet, la Commission internationale pour la Protection du Patrimoine civilisationnel islamique Istanbul et Riyadh, et lOrganisation des

Capitales et des Villes islamiques Jeddah. C/5- Il va sans dire que les traits de larchitecture islamique prcits, sont des principes immuables quil importe de prserver, et ce, par leur application larchitecture moderne. Le changement et la modernisation devront intresser les volets lis aux besoins de la modernit. Il sagit en loccurrence de : 1- Lexploitation des techniques modernes (lectricit et lectronique). 2- Ladaptation au systme de planification urbaine qui a t impos par lexpansion de lautomobile. 3- La promotion soutenue et linnovation de lart architectural et des composants de lornementation intrieure. De ce fait, larchitecture islamique moderne prendra appui sur les valeurs prennes de lauthenticit aussi bien que sur les lments variables de la modernit. Ces derniers ne peuvent tre dfinis avec prcision en ce sens que la modernit est un phnomne en perptuel mouvement. Ce caractre changeant doit servir lenrichissement de larchitecture islamique qui pourra ainsi sadapter aux exigences de lheure.

D- Modernisation de la conception architecturale D/1- Linnovation de la conception extrieure et la splendeur de lornementation intrieure, telles sont deux des caractristiques majeures de lart islamique qui revendique toujours lunit, la diversit et le dveloppement. La floraison de plusieurs styles qui se sont succd au fil du temps tmoigne de la libert de cration qui marque lart islamique. Recevant plusieurs appellations, chacun de ces styles renvoie une dynastie donne. Il a t ainsi question du style omeyyade, abbasside, fatimide, andalous, moghol, sfvide, seldjoukide et ottoman. Symboles de crativit, ces diffrents styles nont jamais t des canevas figs comme cest le cas pour lart classique, grec ou romain. Autrement dit, lornemaniste, imbu de lessence de lart islamique, peut donner libre cours son imagination pour concevoir des styles indits renvoyant des expriences individuelles ou des coles collectives, comme cest le cas dans les arts plastiques en gnral. D/2- Le dveloppement de la conception architecturale extrieure appelle un retour de lhistoire

de ce volet depuis la naissance de larchitecture islamique. Lintrt de cette rtrospective est dclairer les diffrentes particularits de cette conception au fil du temps. De cette faon, il nous sera possible de relever les changements qui se sont produits, au fil des ges, dans le cadre de lunit esthtique caractristique de lart islamique. D/3- Les premiers schmas architecturaux sinspiraient de ceux qui prvalaient en terre dislam. Les plans primaires sont rests des modles phares pour les artistes de lre islamique. Quil soit musulman ou adepte dune autre confession, lartiste a transpos les traditions de la priode antislamique dans larchitecture islamique. Avant et aprs lavnement de lislam, lartiste, quil soit architecte ou maon, a hrit de ces traditions. Lors de leurs conqutes, les musulmans arabes nont pas apport avec eux les fondements dune architecture islamique. Cest plutt la pense islamique qui se diffusa parmi les populations un sicle plus tard, qui a servi de plate-forme lclosion dune nouvelle approche architecturale. Celle- ci sest affine grce au dploiement du gnie crateur et de la diversit. Par ailleurs, lvolution de la pense islamique a concid avec lmergence dune esthtique qui apparat travers les tudes des Ikhwan As-Safa, dAl-Jahez, de Tawhiddi, dIbn Khaldoun et de bien dautres. En Orient islamique, Chah Akbar le moghol et ses successeurs ont contribu lessor de lesthtique et de la cration architecturale.

E- Dveloppement de larchitecture islamique E/1- Du temps des Omeyyades, premire dynastie musulmane dont Damas tait la capitale, lempire islamique sest tendu de la Chine jusquen Andalousie. A lpoque, il y avait des traditions architecturales dorigine principalement romaine ou byzantine qui staient imposes, du moins travers le recours aux lments architecturaux des temples et des btiments comme les colonnes, les chapiteaux et les corniches qui ont servi lors de ldification des premires mosques comme la Mosque Al-Aqsa, la mosque de Damas, la mosque de Kairouan, la mosque de Cordoue et lUniversit al-Qarawiyine Fs. E/2- Les conditions de prire la mosque ont t lorigine de lmergence dune architecture islamique se dmarquant de lancien style par la diversit de ses fonctions et de ses racines religieuses. Cest ainsi que le minaret fit son apparition pour remplacer le clocher et la tour, ainsi

que le dme qui symbolise la vote cleste qui protge les croyants recueillis. Le mihrab reut son tour une profusion de motifs ornementaux et les murs ont t couverts de marbre et de mosaque destins masquer les vieux matriaux de construction. E/3- Abdulmalik Ibn Marwane et ses fils Al Walid et Hicham taient parmi les califes les plus passionns darchitecture. Leurs uvres en tmoignent encore Damas, Al-Qods, Diar Baker, au Fustat et Kairouan. Les vestiges de leurs palais se dressent encore dans la campagne de Syrie, de Jordanie et de la Palestine. On peut en citer les palais Hir Est et Hir Ouest, le palais de Mshatta dont la faade est expose au muse de Berlin, le palais de Mafjar qui se trouve aux alentours de Jricho en Palestine, le palais dAnjar au Liban, le palais dAmra et les bains dAssarh et bien dautres dissmins dans le dsert de Jordanie. Les lments architecturaux prsents dans ces palais et mosques taient les arcs, les corniches et les ornements figuratifs que lon retrouve dans les deux palais dAl-Hir et de Mafjar ainsi que dans le palais dAmra. Dautres ornements non figuratifs dcorent les palais de Mshatta au mme titre que lensemble des gravures en pltre qui ornent palais et mosques. E/4- Passant de Damas Bagdad sous les Abbassides qui durent la cder aux Moghols en 656 H/1258, la capitale de lEmpire islamique offrait cette poque un paysage architectural vari en raison de lclatement politique et de la prpondrance des influences culturelles perse, turque et circassienne. Celle-ci saffirma sous les Ikhshides, les Fatimides, les Seljoukides, les Atabeks, les Ayyoubides, les Mamelouks et les Ottomans. Mais ces multiples influences pargnrent les territoires qui taient sous lautorit des Moghols et des Sfvides en Orient, des Almoravides, des Almohades et des dynasties ultrieures au Maroc et en Andalousie. A ce jour, les livres traitant de lhistoire de larchitecture islamique prsentent les particularits propres chaque style architectural tudi comme tant le fait des gouvernants, et non des artisans et des artistes musulmans. Ces derniers, arms de leurs talents et imprgns des spcificits de leur environnement, innovrent en mettant au point ces diffrents styles, leur principale source dinspiration tant les prceptes de la religion islamique. Les historiens de lart trouvent beaucoup de peine rpertorier ces multiples variantes de larchitecture islamique. Les uns le font sur la base de lappartenance gographique alors que les autres se rclament du paramtre politique. Une troisime catgorie prfre combiner les deux approches.

D/5- Le dveloppement de larchitecture et de lornementation sexprime soit travers lmergence de nouveaux types darcades, de dmes et de portiques (iwan), soit travers lapparition de merlons et de Moquarnass. Ce dveloppement saccompagne galement de lessor de la calligraphie arabe et de larabesque, tantt gomtrique et florale, tantt grave sur le bois, la pierre et le mtal. Ce dveloppement prit dautres formes comme le changement de la forme du minaret, picematresse de larchitecture islamique. Les premiers signes de ce changement apparurent avec le minaret syrien de la mosque Omeyyade de Damas qui avait une forme carre. Ce type de minaret qui se rpandit en Afrique du Nord, est toujours prsent dans des villes comme Kairouan, Marrakech qui abrite le minaret Al-Koutoubia, Rabat avec le minaret de la Tour Hassan et Sville. Plus tard, le minaret cylindrique fit son apparition, surplombant sur les deux cts la faade des mosques dIspahan et de Bukhara. Sous les Mamelouks, le Caire et Damas virent natre un nouveau type de minaret la forme effile et crneaux. Ce fut le cas des minarets turcs dIstanbul, dAderna, de Konia et de Bursa, qui se pointent vers le ciel comme de vritables fers de lance. E/6- Larchitecture moghole a t marque par ldification dimposants mausoles comme le Taj Mahal Agra et le mausole Akbar. Sous les Sfvides, larchitecture se distingua par llvation de grands blocs de btiments comme ceux de Maydan Shah Ispahan. En Turquie, srigrent les facults qui comprennent une grande mosque, une cole, une bibliothque et un mausole. Quand larchitecture Seljoukide, elle se caractrisa par la construction de grandes mdersas dont la plus clbre tait la Nizamiya.

F- Le dveloppement de lart ornemental et de la calligraphie F/1- Les murs intrieurs, les dmes, les mihrabs et les minbars taient dcors de motifs ornementaux faits de pices de mosaque, de bois ou de pierre. Non figuratifs, ces ornements sinscrivaient en droite ligne dans lesprit de lart architectural islamique qui tendait plus vers labstraction. Ceci bien quaucun interdit ne semblt frapper la reprsentation figurative. En tmoignent dailleurs les dessins muraux qui ornent les palais omeyyades dAmra, dAl-Hir Ouest et de Mafjar.

De plus, rien ne semble attester la proscription de la sculpture figurative. Seule est prohibe toute forme dart par laquelle lartiste chercherait galer luvre du Crateur ou le reprsenter. Ainsi, lesthtique ornementale islamique sexprimait au moyen de larabesque. Il sagit dun motif ornemental raffin qui reproduit des formes toiles en puisant dans un large ventail de figures et de couleurs chatoyantes. Cest aussi une sorte de dessins qui donnent aux vgtaux des formes abstraites leur faisant ainsi perdre leur aspect dorigine. Les premires arabesques ont t graves sur le dme du Rocher et la mosque Al-Aqsa AlQods, ainsi que sur la grande mosque omeyyade. Il sagit dune srie de motifs ornementaux incrusts de pierres vitreuses qui ne sont en fait que des pices de mosaque colore. Ce matriau tait en usage en Grande Syrie bien avant lavnement de lislam. Lexcution de ces dessins et leur incrustation en mosaque taient luvre dartistes locaux. Mais alors que les thmes reprsents Al-Qods taient dessence florale et proche de labstraction, ceux de la grande mosque de Damas reproduisaient des scnes de villes, de jardins et de ponts, que ctoyaient des motifs floraux valeur dcorative. Par ailleurs, les historiens rapportent que le calife Al-Walid Ibn Abdul-Malik avait orn de mosaque la mosque du prophte, Mdine. Lornementation en mosaque a ensuite voyag jusquen Andalousie pour venir orner les dmes de certaines mosques de Cordoue.

En plus des mosques, les palais, notamment celui dAl-Mufajir, Jricho, en Palestine, taient richement dcors de figures en mosaque qui ornaient le sol. Certaines prenaient une forme gomtrique circulaire alors que dautres, plus ralistes, reproduisaient des pommiers au pied desquels un lion pourchassait une gazelle. Outre la mosaque, des fresques ornaient les murs du palais Al-Hir Ouest et celui de Amra. Ces peintures murales continuent tmoigner de la prsence du courant figuratif comme phase transitoire de lart architectural islamique. Larabesque abstraite a t utilise, dautre part, Samarra sous des formes empruntes lart sassanide. Mais en sintroduisant dans lart seljoukide et fatimide ayyubide, lart arabesque tait devenu plus autonome. Sous les Mamelouks et les Ottomans, les tuiles en cramique firent leur apparition. Le mrite en

revient lartiste Ghaibi et son cole base Damas et au Caire, mais aussi aux matres de cet art Kutahia et Iznik. Ces derniers dployrent tout leur art pour orner avec profusion les murs des palais dIstanbul et les mausoles, au moyen de splendides tuiles en cramique colores reprsentant des fleurs de grenadier et diris, des roses, disposes de faon altre, oppose ou rptitive. Cet art est arriv Damas pour orner les monuments avec de belles tuiles en cramique damasquine(13). F/2- En plus des motifs floraux et gomtriques, il faut mentionner toute cette belle calligraphie qui retranscrit les versets coraniques, les vers potiques tels ceux du pome Al Burda du grand Buayri, ou encore des textes commmoratifs. Toutes ces calligraphies constituent en fait, des chefs-duvres qui ont enrichi larchitecture islamique, lintrieur comme lextrieur des btiments. Ces oeuvres pigraphiques sont produites par des calligraphes talentueux qui ont conu plusieurs styles dcriture telle la calligraphie "Kufi". Parmi ces grands artistes de lcriture, on peut citer Al Mustaasimi, Hamad Allah Al Amassi, Al Hafid Othman, Ismal Haqqi, Raquim, Sami, Ressa, Abdelaziz Rifai et Zuhdi, qui a orn les murs de la mosque du prophte Mdine de belles inscriptions coraniques. Quant Chafik Bec, qui excellait dans la calligraphie Tulut, il a exprim son talent sur les murs de la mosque Ulu Bursa. Parmi les contemporains, force est de citer le calligraphe dessinateur Sadkine qui a dvelopp Lahore la calligraphie arabe pour en faire du dessin figuratif. On peut apprcier sa nouvelle conception scripturale sur les murs des btiments islamiques et dans le muse de Lahore. Parmi les styles calligraphiques arabes les plus importants, citons le style Kufi, le Qalam Tulut, le Raqi, le Naskh, le Taliq persan, le Dywani et le Marocain. Ces calligraphes ont exprim toute ltendue de leur talent et de leur gnie par les multiples compositions figuratives des lettres et ont montr, par l mme, les qualits plastiques de lcriture arabe. Cest pour cette raison quune pliade dartistes contemporains se sont inspirs de la lettre arabe pour crer leurs uvres, moderniser la technique de larabesque et ladapter aux nouvelles techniques de lart moderne(14).

G- Authenticit et crativit G/1- A travers le monde, les architectes ont renou avec les styles architecturaux traditionnels tout

en les considrant travers le prisme de lre moderne. Ils ont ainsi russi dvelopper une architecture authentique non dpourvue de crativit. En effet, dans le monde arabe, larchitecture commence atteindre son objectif : concilier lauthenticit la crativit. Les jurys du prix Aga Khan, du prix Roi Fahd et des concours de lOrganisation des villes arabes, ont eu le loisir de dcouvrir le talent de bon nombre darchitectes qui ont pu russir la transition difficile du traditionnel au moderne, et inversement. A cet gard, il convient danalyser les lments qui ont contribu la russite de cet aropage darchitectes dans leur projet de renouveau qui leur a permis par ailleurs de montrer toute leur comptence. G/2- Le premier lment de cette entreprise, cest la connaissance des caractristiques de larchitecture islamique qui, en tant que grand systme artistique traditionnel, comprend plusieurs branches. Comme nous lavons dj mentionn, lun des principaux aspects de larchitecture traditionnelle est La jawania (intriorit), cest--dire que la conception architecturale est centre sur lintrieur au dtriment de lextrieur. Tous les ornements, calligraphies, lignes, arabesques et autres agencements architecturaux nexistent qu lintrieur. Ils ne sont donc apprcis que par les habitants des btiments. De lextrieur, on ne peut rien voir. De fait, larchitecte ne sintresse gure lurbanisme ou lembellissement de la ville, son premier souci reste lamnagement des intrieurs de manire rpondre aux besoins de lhabitant. Cette ralit nettement perceptible dans les btiments publics, notamment dans les premires mosques qui taient entoures de hauts murs ne communiquant avec lextrieur que par des portes on ne peut plus ordinaires. En revanche, ces mosques sont ouvertes sur le ciel par le biais dune cour centrale non couverte, dun minaret et dun dme. Le premier exprime la transcendance et le dsir de percer les secrets de lespace infini, le second reprsente la vote cleste. Cest cette vue extrieure de la mosque (compose du dme, du minaret et du btiment) qui forme la perspective de la ville et renforce son identit. G/3- La dimension humaine constitue le deuxime lment de larchitecture islamique. En effet, lobjectif principal de larchitecture est dassurer quitude et protection lhabitant, quil sagisse dun btiment public ou priv. Lhomme, ses besoins et ses ambitions sont la base de luvre architecturale dont les tapes ont toujours suivi lvolution de lhomme. Celui-ci a besoin dhabiter dans un endroit qui lui procure repos, scurit et bonheur. Il a alors choisi comme

habitation une chambre avec des fentres lui permettant davoir une vue prive sur lextrieur, loin des regards indiscrets, du bruit et de la pollution. De l est venue lide de la cour intrieure qui est entoure de chambres et qui peut tre assimile son paradis priv peupl darbres, de fleurs et de plantes, sans oublier la petite fontaine centrale. Mieux encore, il a fallu penser un endroit ombrag o peuvent sasseoir les habitants de la maison afin dapprcier le beau paysage que donne voir le jardin, do la conception de la vranda. De fil en aiguille, larchitecte na pas pu sempcher dornementer les bordures des arcs et des portiques et de dcorer les plafonds et les murs, non seulement des fins purement esthtiques mais galement dans le but de conserver les motifs et les arabesques des manuscrits et autres objets en les retranscrivant sur les diffrentes parties du btiment. G/4- Une autre expression de la dimension humaine en architecture islamique, est "lquilibre climatique", communment appel "climatisation". Cet quilibre est ralis non pas par lajout dun dispositif mais par la conception dune structure architecturale approprie. Ainsi, le principe disolation a toujours intress les architectes, efficace quil est contre les influences climatiques extrieures telles le vent, la chaleur et la pollution. Aussi, tant donn que bon nombre de villes islamiques connaissent un climat continental caractris par limportance du vent et de la poussire, les architectes ont t obligs de composer avec des impratifs architecturaux que lon peut rsumer comme suit : 1- Augmenter lpaisseur des murs pour raliser lisolation et les btir avec de la terre et du bois, qui est un isolant naturel ; 2- Augmenter la hauteur des pices, notamment les salles et les sjours pour laisser pntrer lair sain, riche en oxygne et exempt dimpurets ; 3- Elever le niveau du plancher des pices du rez-de-chausse par rapport au plancher de la cour centrale afin que lair extrieur, quil soit chaud, froid ou pollu, ne sinfiltre pas lintrieur ; 4- Accorder de lintrt la cour centrale qui retient lair pur, la chaleur et humidit tempres, et qui constitue un obstacle au courant dair en lempchant de gagner lintrieur de la demeure. La cour centrale fait office dun vase clos nayant pas dissues au rez-de-chausse qui favoriseraient les courants dair. Ainsi, quels que soient sa force et son degr de pollution, lair reste au niveau de la cour avant dtre vacu avec toute la chaleur et toutes les impurets quil

vhicule. Le systme du Badghir, dont les traces sont encore apparentes dans la plupart des constructions islamiques, est le meilleur moyen de grer et dexploiter lair extrieur. De mme, toutes les prises dair qui font partie intgrante de tout le plan architectural islamique, taient et demeurent le moyen le plus efficace pour raliser une climatisation naturelle. G/5- Larchitecture traditionnelle trouve des difficults sadapter aux rapides transformations de lre moderne. Ainsi, lautomobile est devenue un lment fondamental dans lorganisation urbaine. Par consquent, larchitecture navait dautre alternative que demboter le pas la civilisation moderne qui a divis la ville en parties prdtermines obissant des rgles touchant les services publics, la hauteur des immeubles et leurs faades. De ce fait, une architecture adapte au milieu urbain a vu le jour, rgie plus par les lois mathmatiques que par les rgles humaines. Les dcouvertes thermodynamiques, lectriques et lectroniques se sont multiplies, amenant les concepteurs se livrer une concurrence acharne pour trouver des solutions aux problmes de larchitecture moderne o la climatisation naturelle fait dsormais dfaut, tout en perdant ses spcificits internes et la hauteur qui ne dpassait pas deux tages. Lhomme moderne dpend des nouveaux produits qui lont certes aid raliser son confort et sa stabilit, ne se rendant pas compte de la ncessit de saffranchir de cette sujtion que lui imposent ces produits, quil ne devrait exploiter quau strict minimum indispensable. Lhomme moderne doit uvrer aux fins de rutilisation des moyens naturels quoffre larchitecture traditionnelle, solidaire organiquement de ces moyens.

G/6- La renaissance architecturale moderne repose sur les deux principes de base suivants : 1- Adoption des caractristiques de larchitecture traditionnelle, savoir la dimension humaine. 2- Exploitation des nouvelles techniques dans la limite de cette mme dimension humaine.

H- Applications de larchitecture islamique moderne : Prsentation et analyse H/1- Lun des premiers avoir attir lattention sur la modernit en architecture serait Ali Basha Mubarak dans son ouvrage intitul Al Khutat Al Tawfiqiyya. Il a t frapp par la tendance de larchitecture vers le modle occidental, laquelle tendance a commenc du temps de Mohamed Ali

(1801-1848) et est devenu le chef de file de la rvolution moderniste. Mais cest Hassan Fathi(15) qui, le premier, sest aventur dans les sentiers de la modernit en pratique et non plus seulement en thorie. Son approche tait celle, applicable aux pauvres, instinctivement conscients de leurs besoins fondamentaux de logement, qui connaissent les conditions de leur habitat et qui ralisent eux mmes leurs demeures avec simplicit, sagesse et crativit, loin de toute rgle gomtrique et de toute thorie. Poussant la construction sa plus simple expression, ils ralisent les dmes et les arcs sans laide de moules. Leur outil principal fut le fil qui leur servait mesurer les diamtres de cercles, dessiner et indiquer laplomb. Hassan Fathi dit ce propos : "Les habitants de chaque rgion du monde connaissent plus que quiconque leurs besoins environnementaux et la manire dadapter larchitecture leurs conditions sociales et sanitaires. Ils ont hrit cette conscience architecturale et sont aussi devenus, eux-mmes, une rfrence authentique en la matire. Il dit galement : "La terre qui sert la fabrication de la brique rsiste au temps et constitue le meilleur matriau de construction, par sa simplicit, son esthtisme, sa solidit et son cot rduit". Le projet de construction du village dAl Gourna sur la rive ouest du Nil, en face de Luxor est une histoire bien connue. Elle est devenue si populaire quelle a t porte lcran. Les dtails architecturaux dAl Gourna sont mentionns dans le clbre livre de Fathi intitul : "Construire pour le pauvre", publi dailleurs dans plusieurs langues. Dans ledit projet, Fathi a mis en pratique ses ides qui ont servi de base ses uvres, lont rendu clbre de par le monde et lui ont valu une srie de prix. H/2- Hassan Fathi a appliqu les traditions architecturales des agriculteurs gyptiens dans des projets conduits en dehors de lEgypte, partant toujours du principe que la simplicit se trouve dans les concepts des gens simples et non dans les concepts des mathmaticiens. Cet architecte est parti au Nouveau Mexique en compagnie de deux artisans maons originaires de Nubie, en Egypte, afin de construire une mosque de moyennes dimensions base de briques, et une cole en pierres, ces deux difices sinspirant de larchitecture dAl Gourna. H/3- Il est ncessaire de mentionner galement la Maison "Al Rayhan" au Koweit. Construite sur une superficie de 1850 m2, cette Maison se compose de trois cours ciel ouvert et dune cour couverte dun dme en bois. Elle ne contient quun seul tage et comporte plusieurs pices. Dans cette construction, Hassan Fathi a utilis les matriaux disponibles (les briques sches). En guise

de toiture, il a utilis les dmes et les petites votes ; pour le soutien, il a opt pour les colonnes, les arcs-boutants et les murs de soutnement. Sur les faades, on trouve des fentres de forme carre, rectangulaire ou encore des moucharabiehs. De lextrieur, le btiment parat simple mais le bloc suprieur qui communique avec lextrieur prsente une forme authentique grce aux courbures des dmes, aux formes cubiques des tours, aux ouvertures et au lanterneau qui surplombe le hall. H/4- La maison se compose de deux parties : la partie de l