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Université des Antilles et de la Guyane Département d’Etudes Pluridisciplinaires Appliquées GIL (Groupe Intelligence et Langage) 1995 ARISTE SEMINAIRE DE LOGIQUE TERMINISTE Jacques COURSIL, Professeur

ARISTE SEMINAIRE DE LOGIQUE TERMINISTE

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Page 1: ARISTE SEMINAIRE DE LOGIQUE TERMINISTE

Université des Antilles et de la Guyane

Département d’Etudes Pluridisciplinaires Appliquées

GIL (Groupe Intelligence et Langage)

1995

ARISTE

SEMINAIRE DE

LOGIQUE TERMINISTE

Jacques COURSIL, Professeur

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TABLE DES MATIERES Fascicule 1...........................Logique et Grammaire..............................3 Fascicule 2..........................Calcul Syllogistique...................................18 Fascicule 3...........................Espace Logique................................ ........50 Fascicule 4.......................... Sémantique des Objets..............................81 Fascicule 5.......................... Logique et Rhétorique ..............................98 Fascicule 6.......................... Logique et Philosophie..............................119 bibliographie 154

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Fascicule 1

LOGIQUE ET GRAMMAIRE

TABLE DES MATIERES

fascicule 1 Grammaire de chaînes et logique du discours. 5...............................................

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GRAMMAIRE DE CHAINES ET

LOGIQUE DU DISCOURS

Différences entre la logique et la grammaire logique et grammaire théorie du signe modes d’assertion « récit|discours » catégorie grammaticale du nombre catégories lexicales adjectifs, adverbes La logique et la grammaire sont deux systèmes distincts qui s’articulent ensemble. Les points fondamentaux de distinction et d’articulation des deux systèmes se montrent dans les questions suivantes : théorie du signe, modes d’assertion dits « récit|discours » et catégorie grammaticale du nombre. A ces trois fondamentaux s’ajoutent quelques points non-négligeables portant notamment sur les emplois des adjectifs et des adverbes dans la langue. Théorie du signe Pour les logiciens[Ockam XIII°s.], il y a deux sort es de discours : le discours parlé de la langue et le discours mental et silencieux de la logique. Avant Ockam, Aristote avait noté que « la démonstration rationnelle (la logique) n’est pas un discours extérieur, mais un discours intérieur de l’âme. [Aristote Anal. Post I 10 76 b 24-25]. discours langue parlé extérieur phonique logique mental intérieur silencieux En clair, le discours de la logique ne se dit pas. C’est l’univers dans lequel ce qui est dit est pensé. Pour traiter de la logique, c’est-à-dire manipuler ce qui ne se dit pas, les logiciens forgent des langages de signes, appelés « lingua caracteristica », « formalismes » ou « langages formulaires » car, soulignent-t-ils, « il est bien certain que nous avons besoin de signes sensibles pour penser[G. Frege Idéographie 1880 p. 63]. Ces langages sont des artefacts notationnels, des langages artificiels constitués de symboles graphiques , qui permettent d’écrire l’activité conceptuelle silencieuse du sujet. En logique, on appelle « langage » un système de signes et de règles pour ces signes[cf Carnap 1930].

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Deux sortes de signes (logique et linguistique) De même qu’il y a deux sortes de discours, il y a deux sortes de signes (logiques et linguistiques). A l’opposé de l’activité logique (mentale et silencieuse), l’activité linguistique du sujet transite par le monde physique : en d’autres termes, les langues sont parlées. La parole s’effectue au moyen d’actes phoniques appelés « énoncés » (lat. ex nuntiare: être projeté au dehors). Ces énoncés contiennent des signes, appelés « signifiants » dont la structure et les fonctions sont tout-à-fait différentes de celle des signes logiques. Signes logique formules symboles linguistique énoncés signifiants Signe logique et signe linguistique Le signe logique relève de toutes les disciplines formelles (logique traditionnelle, mathématiques et informatique, linguistique formelle, etc.). Le signe linguistique relève de la sémiotique des langues et de la théorie des grammaires. Le signe logique possède une fonction abstraite ; il fonctionne uniquement par définitions et substitutions. c’est un symbole non-articulé. A l’opposé, le signe linguistique est concret et fonctionne par différenciations et oppositions. C’est une entité différentielle articulée par des coupures. Soulignons par des exemples de différentiations, dites « paronymiques », le caractère articulé du signe linguistique. « souris, souriceau » Pris comme signifiant, le signe « souriceau » s’analyse en un lexème radical « souris » et un morphème suffixal « eau ». Le sens de ce morphème est « petite ou jeune » souris (suri s(o)). Le paradigme du morphème suffixal (o) dans cet emploi diminutif donne :« éléphanteau » (elefät(o)) (petit éléphant), «vermisseau » (vermis(o)) (petit vers) etc. 40 souris souriceau 41 éléphant éléphanteau 42 vers vermisseau « multiplication » Le signe linguistique « multiplication » (lat. « plicare » faire un pli) s’analyse en un morphème préfixal « multi », un lexème radical « plicare » et un morphème suffixal « ation »qui prend la valeur d’opération. Son paradigme paronymique est le suivant : multi plication démulti plication duplication sup plication application

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implication explication etc. On voit dans ces exemples comment la valeur du signifiant se donne par l’analyse de ses divisions, préfixes, radicaux et suffixes. Alors que le signifiant est construit par différenciations, le signe logique est un symbole simple qui, comme tel, ne s’analyse pas. Il y a une analytique du signe linguistique, mais pas d’analytique du signe logique. Ainsi, la logique et la grammaire ne sont pas isomorphes. Le signe logique ne retient rien des mécanismes différentiels du signifiant. Par exemple, les catégories lexicales (verbes, adjectifs, noms) y sont indifférenciées sous le nom de « prédicat ». On note également que les catégories grammaticales (conjugaisons, modes, aspects, nombre catégorique, genre etc.) ne sont pas pertinentes dans l’espace logique. Par définition, le signe logique est neutre. On verra qu’il ne note ni la mesure ni le temps. Continuons notre distinction entre signe logique et signe de langue. La syntagmatique de la grammaire n’admet pas la répétition d’un signe dans une même structure alors que la logique l’admet. Cette différence de fonctionnement peut servir de test. « répétition dans la logique » a et b et a (a = a) Dans la logique, la répétition d’un signe correspond une identité (a = a). « répétition dans la langue » Dans la langue, la répétition d’un signe ne correspond pas à une identité. Pour chacun des exemples qui suivent, les deux signes répétés ont des fonctions sémantiques différentes. La première occurrence est un concept et la seconde une mesure (jugement de valeur). un enfant est un enfant un père est toujours père madame en punissant [Racine Phèdre] les filles sont les filles le patron est le patron les profs sont les profs mon maître est de tous les humains l’humain le moins humain (Molière D. Juan) les étudiants sont les étudiants Dans la pratique, les langages logiques empruntent aux langues leur vocabulaire tout en restant rigoureusement distinctes de celles-ci. Ainsi les radicaux ou les

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formes nominales de lexèmes, de syntagmes ou de phrases sont pris comme des termes neutres dans le discours logique où ils désignent des concepts et dénotent des classes. [voir fascicule 2] La mise en amalgame des deux systèmes logique et grammatical est courante chez les rhéteurs et donne lieu aux fausses preuves appelées « sophismes ».[voir fascicule 5] Récit|discours Les logiciens, de tout temps, distinguent ce qui est déductivement calculable de ce qui ne l’est pas. Ainsi, la logique ne considère ni les grandeurs qui relève de l’induction ni ce qui relève de l’intuition, à savoir les individus singularisés. Déduction classes, concepts admis induction mesures, grandeurs non-admis intuition individus singuliers non-admis Les objets logiques de premier niveau sont les classes. Dans une chaîne linguistique, tout ce qui est classe relève du « discours logique » et tout ce qui est singulier relève de la dimension narrative et donc de la grammaire. Exemple « singulier » (dans la grammaire) L’être vivant présentement sur ma table s’appelle un chat. Ce chat a une histoire, comme tous les chats : il est né d’une chatte, à tel endroit, à tel moment. Puis, après un certain temps, il a été transporté dans un panier par une personne qui m’en a fait cadeau, etc. Cet itinéraire narratif caractérise ce chat comme « singulier » . L’objet singulier « mon chat » est un objet du monde sensible qui se distingue de tous ses semblables par son histoire. Il partage toutes les propriétés caractéristiques des chats, mais il est à moi. Auparavant, il appartenait à Jérôme qui me l’a offert pour mon anniversaire. Un jour, ce chat s’est égaré et en le cherchant, j’ai eu le dialogue suivant qui pointe la notion de singularité en la niant: - vous cherchez quelque chose ? - je cherche un chat. - ah! des chats, il y en a plein dans le quartier. Vous en trouverez certainement un qui vous convient. « classe » (dans la logique) Mon chat possède en propre un certain nombre d’attributs qu’il partage avec tous les autres chats. Parmi ces attributs, j’en choisis un : ce chat est « mammifère » comme tous les chats. Par abstraction, détachons cet attribut « mammifère » de notre chat : nous obtenons la « classe » des mammifères. Cette classe abstraite contient toutes sortes d’animaux. Mais la classe « mammifère » n’est pas un objet du monde: C’est

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une abstraction, une opération de l’esprit au moyen de laquelle certains individus du monde sont classés. Certains individus appartiennent à cette classe et d’autres non. La singularité et la classe font l’objet de deux modes d’assertion différenciés. Le mode qui asserte un fait singulier d’un individu du monde sensible s’appelle « récit » (discours parlé); le mode qui asserte qu’un individu possède telle ou telle propriété générique s’appelle chez les logiciens « discours » (discours mental). Singularité assertion récit mon chat est perdu Classe assertion discours mon chat est mammifère Cette distinction classique entre « discours » et « récit » a été reprise par le linguiste E. Benvéniste[Ben PLG 1960]. On la représente au moyen des deux axes suivants: Le mot « discours » s’entend en plusieurs acceptions : au sens de la rhétorique, il désigne une performance oratoire; au sens de la logique, c’est un espace mental : on l’appelle « univers de discours ». Qu’il soit perdu ou non, qu’il soit sur ma table ou en vadrouille, mon chat ne change pas son statut d’animal mammifère. C’est un attribut qu’il a en propre. On dit donc que « mammifère » est une propriété de mon chat. Et, quelles que soient les histoires qui lui arrivent ou peuvent lui arriver, il ne lui arrivera que des histoires de mammifère. Ainsi tout récit de mon chat est par définition inscrit dans l’univers des propriétés de ce chat. C’est ce qu’illustre l’image suivante:

discours

récit

propriétés

récit

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Exemple de la girafe une girafe s’est échappée de la réserve La chaîne linguistique ci-dessus note un récit. Dans cette chaîne, le groupe verbal « s’est échappée » est conjugué à une forme accomplie. En tant que telle, la girafe appartient ici entièrement au mode narratif. Mais si quelqu’un pose les questions suivantes : Qu’est-ce qu’une girafe ? Qu’est-ce qu’une réserve ? Il s’opère un changement d’axe: le récit s’arrête et le dialogue s’ouvre sur l’univers du discours . Le « dis/cours » coupe le cours du récit. Dans cet univers logique du discours, il n’y a plus de durée ni d’individus singularisés, il n’y a que des abstractions génériques. On quitte le mode récit et on répond sur le mode du discours. une girafe appartient à la classe des mammifères à long cou une réserve appartient à la classe des lieux clos Ces assertion logiques sont des « explications » c’est-à-dire strictement des prédications vraies ou fausses génériquement qui ne prennent pas en compte la singularité individuelle. On voit que contrairement à la narration dont la singularité individuelle est l’objet, il ne se passe rien dans l’univers logique puisqu’il ne retient que des définitions génériques. Ainsi, le récit est un « parcours » d’individus dans le temps alors que le discours est l’« univers » logique de ce parcours. Ainsi, comme pour les chats, les prédications logiques sur les girafes gardent leur valeur de vérité quelque soit l’état du récit. L’exemple qui suit montre que le récit contraire ne change rien au discours. la girafe ne s’est pas échappée de la réserve On voit donc que les classes maintiennent leur discours sous les transformations du récit. Dans ou hors la réserve, la girafe est restée mammifère. Le discours du récit reste implicite et silencieux tant qu’il n’est pas mis en question. C’est une activité mentale non-énoncée. Cohérence logique du récit Le récit est surdéterminé par la cohérence de l’univers de discours dans lequel il s’inscrit. Ainsi, si les classes sous-jacentes du récit sont logiquement contradictoires, celui-ci devient incohérent.

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la girafe s’est échappée de la réserve où elle vivait en liberté

récit incohérent

En effet, nul ne peut s’échapper d’un espace libre sans contradiction. Les concepts « s’échapper » et « réserve » entrent en contradiction avec celui de « liberté ».

La girafe échappée réserve

La girafe échappée réserve

La girafe échappée réserve

s'est

ne s'est pas

s'est

de la

de la

de la

UD UD UD

où elle vivait en liberté

UD

*

*

Récit

Récit

Récit

Un récit n’est pas détachable de l’univers de discours dans lequel il s’inscrit. Par contre un univers de discours est un espace symbolique clos dont on ne peut sortir. Une histoire d’abeille ne peut pas sortir du concept d’abeille. Tout récit qui sort de son discours est nécessairement fictif. La catégorie grammaticale du nombre La catégorie grammaticale du nombre articule, elle aussi, la grammaire de la langue et la logique du discours. Son analyse montre comment la logique et l’arithmétique prennent naissance dans la structure grammaticale. La langue compte deux types de nombre: nombre catégorique (pluriel, singulier, duel, collectif) et nombre générique (inductif, déductif). Le nombre catégorique appartient au domaine de l’intuition, le nombre générique, au domaine de l’abstraction. Neutralisation de la pluralité dans le nombre génér ique Dans la langue, le nombre catégorique est toujours de dimension finie et le générique, non-finie.. les chevaux galopent dans le pré catégorique fini les chevaux sont mammifères générique non-fini

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Ainsi, le pluriel qui est catégorique est fini. Il correspond à une mise en facteur de singuliers sous un même verbe. Dans l’exemple qui suit, chaque cheval est sujet du verbe « galoper ». les chevaux galopent Balthazar, Typhon et Tonnerre galopent A l’opposé, le nombre générique est non-fini et neutralise toute pluralité. On le montre par les exemples génériques suivants qui sont sémantiquement équivalents. Dans ces exemples, « galope » ne désigne pas un fait, mais une propriété des chevaux. Ainsi, d’un cheval à l’écurie, on peut dire par généricité qu’il galope. « assertions équivalentes » (génériques) les chevaux galopent tout cheval galope tous les chevaux galopent un cheval galope le cheval galope La différence catégorique « singulier|pluriel » est, dans ces exemples, neutralisée. Ces énoncés interprétés génériquement sont considérés comme des variantes notationnelles. Ainsi on peut dire, en contrastant les deux emplois : ce cheval (catégorique) en tant que cheval (générique) galope. Dans l’espace logique, il n’y a ni pluriel ni singulier : la quantité logique est toujours générique. Le générique neutralise le pluriel. Le pluriel est un « totum » (somme), le générique un « omni » (concept). . Deux interprétations de la généricité: inductive et déductive On répartit les génériques en deux classes, selon l’induction et la déduction. Exemple De ce qu’en majorité, les chefs d’état dans le monde sont élus, on dit : « les chefs d’état sont élus » (interprétation inductive), Mais, si pour être considéré comme chef d’état, un être humain doit être élu, on dira aussi « les chefs d’état sont élus » (interprétation déductive). Pour distinguer les deux interprétations, on utilise le test dit de la « contraposition ». Test de la contraposition La contraposition est une loi logique qui procède par inversion et négation des termes d’une proposition.

Si P implique Q alors NonQ implique NonP

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Exemples si tout poisson vit dans l’eau alors tout ce qui ne vit pas dans l’eau n’est pas un poisson si tout mathématicien est un être humain alors tout ce qui n’est pas être humain n’est pas mathématicien Règle test La généricité déductive admet la contraposition; la généricité inductive ne l’admet pas. Si un énoncé générique est interprété déductivement, il admet la contraposition correspondante. Si la contraposition est aberrante alors la généricité n’est qu’inductive. Ce test sert à déterminer si (oui ou non) l’interprétation déductive d’une proposition générique est valide. Généricité inductive tous ceux qui sont chef d’état sont élus proposition tous ceux qui ne sont pas élus ne sont pas chef d’état contraposition Il est clair qu’il existe dans le monde des tyrans non-élus qui sont considérés comme des chefs d’états. La contraposition est donc fausse. La proposition n’est donc qu’une généralisation par induction. Exemple de contraposition sophistique abusive les hommes naissent libres et égaux en droit proposition tous ceux qui ne naissent pas libres et égaux en droit ne sont pas des hommes

contraposition

En ce qui concerne l’étude des principes rationnels, seule la généricité déductive appartient au discours logique. Les concepts de la logique n’admettent pas les graduations propres à l’induction. Par exemple, on sait qu’une jeune girafe appartient à la classe des girafes tout autant qu’une vieille. Le temps, la taille ou la masse sont indifférentes au concept de « girafe ». CATEGORIES LEXICALES Certains adjectifs portent des concepts dont les prédications sont vraies ou fausses, comme « mortel » dans « les animaux sont mortels ». D’autres portent des grandeurs comme « haut » dans « la tour est haute ».Les adjectifs qui portent des grandeurs sont sémantiquement irréguliers: exemple. la tour est haute cas valide cette femme est haute cas barré Zette est haute cas barré ses talons sont hauts cas valide

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La classe des objets mesurables qui tombent sous « haut » est hétérogène. A l’opposé, la classe des objets qui tombent sous « mortel » est homogène. le lézard est mortel cas valide le serpent est mortel cas valide Zette est mortelle cas valide les hommes sont mortels cas valide L’amalgame des grandeurs et des concepts dans un même énoncé s’appelle en rhétorique un « zeugma ». Zeugma Exemples de grandeurs et de concepts mis en amalgame Ce texte est long et scientifique cas barré Ce texte est intéressant et religieux cas barré ce lion est dangereux et quadrupède cas barré ce poisson est argenté et aquatique cas barré cette farine est douce et en poudre cas barré cette racine est comestible et végétale cas barré La logique déductive n’admet que des concepts : les termes de mesure donnent des résultats aberrants. Ainsi, « douze » les apôtres sont douze Jean est un apôtre __________________ Jean est douze Fonctions attribut et épithète Les adjectifs placés en fonction d’attribut sont assertés. On dit qu’ils sont vérifonctionnels. Ceux qui sont placés en fonction d’épithète sont hors la logique : ils ne sont pas assertés et donc non-vérifonctionnels. Platanov est un être humain « être humain » attribut asserté Cet être humain de Platanov « être humain » épithète non asserté Albert est gros « gros » attribut asserté - vrai ou faux le gros Albert « gros »épithète non-asserté La fonction épithète est une fonction de récit. La fonction « attribut » est une fonction logique.

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Adverbes Les propositions logiques n’admettent pas les adverbes, (sauf les adverbes de négation). sans adverbe (espace logique) Albert est africain proposition assertée v ou f Albert n’est pas africain proposition assertée v ou f Albert est africain et n’est pas africain contradiction Avec adverbe (non-accepté dans la logique) Albert est très africain n’implique pas qu’Albert soit africain Albert qui est africain est très africain non-trivial Albert qui n’est pas africain est très africain

non-contradictoire

Modélisation de la Grammaire et de la Sémantique Une grammaire est une syntaxe qui filtre la cohérence des formes linguistiques : une sémantique logique est une syntaxe qui filtre la cohérence des contenus de discours. La grammaire des langues gère la logique des chaînes ; la sémantique gère la logique des discours : • La girafe que s’est échappée de réserve (incohérence de forme) • La girafe s’est échappée de la réserve où elle vivait en liberté (incohérence de

discours) Dans l’activité du langage, les deux syntaxes sont intégrées. Dans le modèle que nous développons, la sémantique est un élément de l’architecture de la grammaire. sémantique grammaire La sémantique est un système de signes et de règles pour ces signes. Ce système génère un ensemble de propositions appelé « Univers de Discours » ou « base de connaissances » qui filtre les chaînes discursives. Le système accepte ou refuse la chaîne. Sont refusées, les chaînes qui contredisent la base de connaissances. Les chaînes refusées sont filtrées selon un protocole dialogique de révision.

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Chaîne gram non univers de discours oui La part de cette sémantique logique est très réduite dans l’activité signifiante de langage, mais elle est cruciale. Elle ne traite que de la cohérence des chaînes. Le modèle est un système de règles logiquement complet qui refuse toute chaîne qui le contredit. Par procédures de révision, le système peut reformuler sa base. En d’autres termes, le système maintient sa capacité de cohérence en se transformant. L’automate ARISTE que nous allons construire en étudiant la logique terministe aristotélicienne est une modélisation de cette sémantique. En tant qu’interface, ARISTE informe l’utilisateur sur la nature des contradictions rencontrées. Il peut en outre générer toutes les conséquences d’une proposition donnée. Avant de décrire ARISTE, on montre ci-dessous comment la sémantique logique s’articule dans la grammaire et comment elle en accepte les données. Plus tard, dans le § 4, on montrera comment le concept « d’objet» constitue le lien théorique entre ces deux systèmes. logique grammaire objet

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Fascicule 2

CALCUL SYLLOGISTIQUE

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TABLE DES MATIERES

Fascicule 2

CALCUL SYLLOGISTIQUE Termes, classes et concepts..................................................19 Propositions terministes.........................................................22 Syllogismes............................................................................31 Construction des modes valides de raisonnement.................36

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TERMES, CLASSES ET CONCEPTS La logique se construit en distinguant deux domaines de l’entendement humain, l’intuition (monde sensible) et l’abstraction (monde des intelligibles). Elle place dans le sensible, des signes appelés « termes » et dans les intelligibles, des entités abstraites appelées « classes » et « concepts ». Le relation entre les deux domaines d’intuition et d’abstraction est définie par la règle suivante et illustrée par le schéma ci-dessous. règle

Un terme « dénote » une classe et « désigne » un concept. désigne dénote Domaine d’abstraction « Terme » Un terme est un signe graphique. Il peut prendre la forme d’une lettre, d’un mot ou d’un groupe de mots. Exemples de termes 1 A lettre 2 α lettre 3 canard mot 4 soldat mot 5 docteur en médecine groupe de mots 6 juge de paix groupe de mots

terme concept

classe

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Les termes sont des signes simples qui ne relèvent pas de l’analyse morphologique [voir fascicule 1]. Contrairement aux signes linguistiques qui sont bi-faces, les termes sont des symboles conventionnels univoques. Dans l’introduction [§1], nous avons noté que les termes formaient une écriture pour ce qui, en principe, ne se dit pas dans l’activité de discours. Car soulignent les logiciens, « Il y a deux sortes de discours: le discours parlé de la langue et le discours mental et silencieux de la logique » [Ockam XIII°s.]. L’écriture logique est un artéfact graphique qui permet de représenter l’activité mentale silencieuse de la raison. On classe ces signes d’écriture en un inventaire ouvert appelé « base de termes » qui contient tous les termes définis d’un système syllogistique. Les termes ont pour double fonction de représenter les constructions abstraites de l’entendement appelées « classes » et « concepts ». « Classe » Une « classe » syllogistique est définie par les six règles suivantes (a,b,c,d,e,f) appelées « règles méréologiques » (lat. mereo , partie). Définition et règles a une classe est une collection

d’individus b tout individu, membre d’une classe,

appartient à un domaine de référence appelé ontologie

c toute classe porte un nom-propre : terme

d toute classe est finie (elle peut être singleton)

e aucune classe n’est vide f aucune classe ne contient la totalité

des individus d’une ontologie. Les classes constituent le premier niveau d’organisation logique de l’univers de discours (UD) appelé encore « ontologie ». Les classes portent toutes un nom-propre (terme) et ne peuvent être ni infinies ni vides ni totales. Une classe est une construction abstraite de l’entendement qui organise en collections les individus appartenant un domaine de référence. Elle correspond à l’ensemble des individus qui « tombent sous » c’est-à-dire vérifient, un concept. « Concept » Un concept logique correspond strictement à une propriété caractéristique. Ainsi, tel individu qui appartient à la classe « des mamifères » possède la propriété être un mammifère .

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Le concept correspond au « sens » assigné à un terme. En logique, ce sens n’est pas exprimé ; il est défini par sa « portée dans l’univers de discours ». Cette portée est la classe. On l’appelle « extension du concept ». L’extension d’un concept est la classe des individus qui tombent sous lui. Exemples 7 le terme « canard » dénote la classe de tous les individus qui tombent sous le

concept de canard.

8 Le terme « docteur en médecine » dénote la classe de tous les individus qui tombent sous le concept de docteur en médecine.

9 Le terme « A » dénote la classe de tous les individus qui tombent sous le concept A

On retiendra que les classes et les concepts sont des objets abstraits qui se définissent réciproquement dans l’entendement du sujet et que les termes sont les signes sensibles au moyen desquels on les manipule. Classe extension d’un concept Concept sens d’un terme terme signes sensibles Valeur sémantique Pour éclairer cette difficile question du statut du concept, la tradition associe les concepts aux idées et les classes correspondantes à leur « valeur sémantique ». Ainsi une classe est la valeur d’un concept . La logique terministe est une sémantique. Elle définit le sens d’un terme non par des images (spéculations), mais par la portée de son emploi, c’est-à-dire sa classe (ou valeur). Ainsi, connaître le sens d’un terme, c’est connaît re sa portée, c’est-à-dire la classe qu’il dénote .

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PROPOSITIONS TERMINISTES

Forme d’une proposition Une proposition est une forme symbolique composée de trois variables notées, « sujet », « prédicat » et « copule ». Sujet et prédicat sont des variables de termes; la copule est une variable d’opérateur. S SUJET terme P PREDICAT terme C COPULE opérateur [SUJET [COPULE] PREDICAT] [terme [opérateur] terme] [SUJET [COPULE] PREDICAT] [gorilles [les, sont des ] primates] les gorilles sont des primates Ce type de proposition est spécifique à la syllogistique. On l’appelle proposition « terministe » parce qu’elle est composée de termes. Prédication La prédication est l’opération au moyen de laquelle sont construites les propositions. Elle consiste à disposer deux termes de part et d’autre d’un opérateur de copule selon le schéma [S cop P]. L’opération de prédication implique que tout terme doit pouvoir remplir la fonction de sujet dans une proposition et de prédicat dans une autre. 10 certains primates sont des « gorilles » « gorilles » prédicat 11 tous les « gorilles » sont des primates « gorilles » sujet 12 certains primates sont des « hommes » « hommes » prédicat 13 aucun « homme » n’est un gorille « hommes » sujet Modes de la prédication La copule est un opérateur qui fonctionne selon deux modes binaires notés « qualité » et « quantité ». La qualité correspond au couple « affirmation|négation », la quantité, au couple « universel| particulier ». qualité affirmation oui négation non quantité universelle tout particulière partie

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La copule combine les modes prédicatifs entre eux. On la représente par le schéma orthogonal suivant sur lequel se fonde toute la syllogistique aristotélicienne. OUI (qualité) PARTIE TOUT (quantité) NON Par cette combinatoire de la qualité et de la quantité, on obtient les quatre formes prédicatives suivantes, données dans le symbolisme [A,E,I,O] attribué au logicien médiéval Psellus [1200] tout oui universelle affirmative A tout non universelle négative E partie oui particulière affirmative I partie non particulière négative O Exemples de prédications logiques 14 les gorilles sont des primates A tout-oui universelle

affirmative 15 aucun gorille n’est un

homme E tout-non universelle

négative 16 certains primates sont des

hommes I partie-oui particulière

affirmative 17 certains primates ne sont

pas des hommes O partie-non particulière

négative Les quatre formes prédicatives correspondent aux quatre cas d’attribution d’Aristote qui en définissent le sens. A le prédicat appartient à tous tout oui E le prédicat n’appartient à aucun tout non I le prédicat appartient à certains partie oui O le prédicat n’appartient pas à certains partie non

Page 23: ARISTE SEMINAIRE DE LOGIQUE TERMINISTE

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A le prédicat primate appartient à tous les gorilles

tout oui

E le prédicat gorille n’appartient à aucun homme

tout non

I le prédicat homme appartient à certains primates

partie oui

O le prédicat homme n’appartient pas à certains primates

partie non

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Carré des Oppositions Toute proposition est prédicable selon les quatre modes (A,E,I,O). Ceci revient à dire que toute proposition possède toujours quatre formes. Soient deux termes (photographe, espion) et une copule (A,E,I,O). SUJET S photographe PREDICAT P espion COPULE A,E,I,O On obtient les formes suivantes : SAP universelle affirmative tout photographe est espion SEP universelle négative aucun photographe n’est un espion SIP particulière affirmative certains photographes sont des

espions SOP particulière négative certains photographes ne sont pas

des espions De ces quatre formes obtenues par combinatoire des modes de la qualité et de la quantité, on tire le « Carré des Oppositions » suivant, dû à Aristote. SAP SEP SIP SOP Critères analytiques et sémantiques du carré d’Aris tote Dans un carré des oppositions, les propositions doivent avoir même sujet et même prédicat

critère analytique

Une proposition terministe est bien formée quand elle s’analyse en quatre cas de figure SAP, SEP, SIP et SOP

critère analytique

Dans un carré des oppositions, au moins un cas de figure de la proposition est vrai

critère sémantique

Dans un carré des oppositions, au moins un cas de figure de la proposition est faux

critère sémantique

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Le carré des oppositions constitue le modèle de construction de toute proposition terministe. En d’autres termes, une proposition terministe est bien formée quand elle est analysable dans un Carré. Valeurs de vérité Ainsi, uniquement au moyen d’une combinatoire de termes, organisée par un modèle clos (le Carré), la syllogistique fait apparaître le critère sémantique de « vérité des propositions ». En effet, en partant de deux termes pris au hasard (baobab, poisson), il est nécessaire qu’une des quatre formes au moins soit vraie. SAP universelle affirmative tout baobab est

un poisson faux

SEP universelle négative aucun baobab n’est un poisson

vrai

SIP particulière affirmative certains baobabs sont des poisson

faux

SOP particulière négative certains baobabs ne sont pas des poisson

vrai

Cette vérité est catégorique : elle ne fait appel ni à l’intuition ni à l’état du monde. Ainsi, par sa clôture, le Carré des oppositions produit les valeurs sémantiques (vrai, faux) à partir de règles purement syntaxiques.

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Relations prédicatives Par combinatoire des quatre formes, on tire les six relations prédicatives suivantes. contraires SAP SEP contradictoires subalternes subalternes contradictoires SIP SOP sub-contraires Relations SAP_SEP contraires SIP_SOP subcontraires SAP_SIP subalterne affirmative SEP_SOP subalterne négative SAP_SOP contradictoires SEP_SIP contradictoires Analyse des six relations prédicatives SAP_SEP « contraires » Deux propositions universelles ayant même sujet et même prédicat sont dites « contraires » quand elles sont opposées par la négation. SAP__SEP tout photographe est un espion

aucun photographe n’est un espion

contraires incompatibles

Les contraires sont « incompatibles » car elles ne peuvent pas être toutes les deux vraies dans un même jugement. Par contre, elles peuvent être toutes les deux fausses. SIP _ SOP « subcontraires » Deux propositions particulières ayant même sujet et même prédicat sont dites « subcontraires » quand elles sont opposées par la négation.

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SIP_SOP certains photographes sont des espions certains photographes ne sont pas des espions

subcontraires compatibles

Les subcontraires sont dites « compatibles » car elles peuvent être toutes les deux vraies dans un même jugement. Par contre, elles ne peuvent pas être toutes les deux fausses. SAP _ SIP « subalterne affirmative » (Principe DE OMNI) La subalterne d’une proposition universelle affirmative est une proposition particulière affirmative. Si la proposition universelle est vraie alors sa subalterne est vraie. SAP_SIP tout photographe est un espion

certains photographes sont des espions

subalterne DE OMNI

Cette disposition s’appelle le principe DE OMNI. Il s’énonce en ces termes: ce qui est vrai du TOUT est vrai de la PARTIE Principe DE OMNI 18 ce qui est vrai de tout morceau de cuivre est vrai d’un

morceau de cuivre cas valide

DE OMNI est un des principes fondateurs de la méthode déductive. Ce principe n’est pas réversible. La formule inverse, qui est inductive, n’est pas valide. 19 ce qui est vrai de ce morceau de cuivre est vrai de tout

morceau de cuivre cas barré

En effet, la subalterne peut être vraie et l’universelle correspondante fausse. SEP _ SOP « subalterne négative » (Principe NULLO ) La subalterne d’une proposition universelle négative est une proposition particulière négative. Si la proposition universelle est vraie alors sa subalterne est vraie. SEP_SOP aucun photographe n’est un espion

certains photographes ne sont pas des espions

subalterne NULLO

Cette disposition s’appelle le principe NULLO. Il s’énonce en ces termes: ce qui n’est vrai d’AUCUN n’est pas vrai pour CERTAINS

Principe NULLO

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20 ce qui n’est vrai d’aucun morceau de cuivre n’est pas vrai d’un morceau de cuivre

cas valide

NULLO est l’alterne de DE OMNI. Ce principe n’est pas non plus réversible. La formule inverse, qui est inductive, n’est pas valide. 21 ce qui n’est pas vrai de ce morceau de cuivre n’est vrai

d’aucun morceau de cuivre cas barré

En effet, la subalterne peut être vraie et l’universelle correspondante fausse. SAP _ SOP et SEP _ SIP « contradictoires » L’assertion d’une proposition universelle affirmative et de la proposition particulière négative correspondante constitue une « contradiction ». SAP_SOP tout photographe est un espion

certains photographes ne sont pas des espions

contradiction

SEP_SIP aucun photographe n’est un espion

certains photographes sont des espions

contradiction

Pour que deux propositions ayant même sujet et même prédicat soient « contradictoires », il faut qu’elles soient de qualité et de quantité différentes. Deux propositions contradictoires ne peuvent pas être toutes les deux vraies dans un même jugement. La contradiction (qui peut prendre des formes variées) est le principe limite de l’activité déductive. Remarque sur les subcontraires On note que le principe de contradiction ne s’applique pas aux couples de propositions particulières (subcontraires). 22 certains chevaux boitent et certains chevaux ne

boitent pas subcontraires compatibles

Le principe de contradiction ne s’applique que dans le cas où l’une (au moins) des propositions est universelle. En d’autres termes, la contradiction nécessite l’universalité. Principe du Tiers-Exclu (tertium non datur) Sur la base des relations prédicatives, la syllogistique tire le principe suivant, noté « tiers exclu » qui fonde l’usage des mots « vrai et faux » dans toute logique binaire.

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tout ce qui est vrai n’est pas faux tout ce qui est faux n’est pas vrai Exemples 23 il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée tiers exclu 24 les divinités existent ou n’existent pas tiers exclu 25 il y a une vie après la mort ou il n’y en a pas tiers exclu 26 Paul est célibataire ou il ne l’est pas tiers exclu Le principe du Tiers-Exclu n’est valide que dans une logique déductive. Exemple de construction du Carré d’Aristote Légende S président terme P élu terme A universelle affirmative copule E universelle négative copule I particulière affirmative copule O particulière négative copule Carré des oppositions SAP tout présidents est élu SEP aucun président n’est élu SIP certains présidents sont élus SOP certains présidents ne sont pas élus

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Table des six cas d’assertion SAP_SEP les présidents sont élus

les présidents ne sont pas élus

contraires incompatibles

SIP_SOP certains présidents sont élus certains présidents ne sont pas élus

subcontraires compatibles

SAP_SIP tous les présidents sont élus certains présidents sont élus

subalterne affirmative DE OMNI

SEP_SOP aucun président n’est élu certains présidents ne sont pas élus

subalterne négative NULLO

SAP_SOP tous les présidents sont élus certains présidents ne sont pas élus

contradictoires

SEP_SIP aucun président n’est élu certains présidents sont élus

contradictoires

Propositions terministes On appelle « terministes » toute proposition qui répond aux critères notés par le Carré des Oppositions. On sait que les mots qui désignent des grandeurs ne répondent pas à ces critères et n’entrent pas dans l’inventaire de termes du système (ce point a été développé dans l’introduction au chapitre « Logique et Grammaire » fascicule 1). Ainsi certains mots d’acception quantitative ne sont pas considérés comme des termes dans une logique déductive comme le montre intuitivement le raisonnement non-valide ci-dessous. . Exemple « innombrable » les travaux d’Hercule sont innombrables tuer le sanglier d’Erymandre est un de ces travaux ___________________________________________ tuer le sanglier d’Erymandre est innombrable (raisonnement non-valide)

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SYLLOGISME Un syllogisme est une structure de raisonnement composée de trois variables propositionnelles appelées « prémisse majeure », « prémisse mineure » et « conclusion ». M prémisse majeure proposition m prémisse mineure proposition C conclusion proposition L’exemple le plus célèbre de syllogisme, dit « syllogisme de Platon » s’écrit comme suit : M tout homme est mortel prémisse majeure m Socrate est un homme prémisse mineure C Socrate est mortel conclusion Modes analytique et synthétique et cycle de la preu ve Le syllogisme est une méthode de preuves articulée en deux modes, analytique et synthétique. Le mode analytique, dit « ascendant », part de la conclusion pour construire les prémisses; le mode synthétique, dit « descendant » va des prémisses à la conclusion. En commençant par l’ascendant et finissant par le descendant, les deux modes forment une boucle appelée « cycle de la preuve ». PREMISSES 2 synthétique analytique 1 CONCLUSION Construction du syllogisme Le syllogisme contient trois types de termes appelés, selon leur position respective, « terme majeur »,« terme mineur » et « moyen terme ». M terme majeur m terme mineur My moyen-terme

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Structure de la conclusion La conclusion d’un syllogisme est une proposition composée du terme mineur et du terme majeur. m le terme mineur est toujours le sujet de la conclusion M le terme majeur est toujours le prédicat de la conclusion Socrate est mortel sujet copule prédicat mineur majeur « Structure des prémisses mineure et majeure » La prémisse mineure est une proposition composée d’un terme mineur et d’un moyen-terme. Les positions de ces deux termes (sujet ou prédicat) sont variables. La prémisse majeure est une proposition composée d’un terme majeur et d’un moyen-terme. Les positions de ces deux termes (sujet ou prédicat) sont variables. « Règle générale »

Dans un raisonnement syllogistique, chaque terme es t répété deux fois. Le moyen-terme est contenu dans chacune des prémisses et n’apparaît jamais dans la conclusion. Exemple sur le syllogisme de Platon M tout homme est mortel prémisse majeure m Socrate est un homme prémisse mineure C Socrate est mortel conclusion fonctions positions termes M terme majeur conclusion et

prémisse majeure mortel

m terme mineur conclusion et prémisse mineure

Socrate

My moyen-terme prémisse majeure et prémisse mineure

homme

M moyen & majeur prémisse majeure m mineur & moyen prémisse mineure C mineur & majeur conclusion

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Mode descendant dit « principe d’inférence médiatis ée » Dès lors que les prémisses sont données, la conclusion s’obtient par élimination du moyen-terme. Cette conclusion par élimination s’appelle « principe d’inférence médiatisé » (consequentia tenens per medium intrinsecum [Ockam XIII° s.]. Soient deux prémisses, majeure et mineure. Ces prémisses contiennent chacune le moyen-terme. Si l’on supprime ce moyen-terme, on obtient la proposition de conclusion. terme moyen terme majeur prémisse majeure terme mineur terme moyen prémisse mineure conclusion terme majeur terme mineur Exemple homme mortel prémisse majeure Socrate homme prémisse mineure conclusion mortel Socrate Méthode du syllogisme « cycle de la preuve » :On pa rt de la conclusion qu’il faut prouver. Toute conclusion contient un terme mineur et un terme majeur (Socrate est mortel). Pour construire la preuve, il faut trouver un moyen-terme adéquat (homme) qui s’accorde avec « Socrate » (Socrate est un homme) et avec « mortel » (tout homme est mortel). Les prémisses ainsi constituées, on peut redescendre à la conclusion en éliminant le moyen terme(Socrate est mortel). Les six règles de construction des prémisses La construction des prémisses d’un syllogisme est soumise aux six règles suivantes. Ces règles constituent la syntaxe des prémisses. Elles sont d’une extrême importance en ce qu’elles limitent la combinatoire en éliminant les formes invalides. 1 règle des deux prémisses affirmatives 2 règle de la prémisse négative 3 règle de la prémisse particulière 4 règle des deux prémisses négatives 5 règle des deux prémisses particulières 6 règle de la majeure(SIP) et de la mineure (SEP)

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On se donne les trois termes suivants M parfait terme majeur m chef terme mineur My philosophe moyen terme (1) Règle des deux prémisses affirmatives quand les deux prémisses sont affirmatives, la conclusion doit être affirmative tout philosophe est parfait tout chef est philosophe _____________________ tout chef est parfait (2) règle de la prémisse négative Quand une prémisse est négative, la conclusion doit être négative aucun philosophe n’est parfait tout philosophe est chef _______________________ certains chefs ne sont pas parfaits (3) Règle de la prémisse particulière quand une prémisse est particulière, la conclusion doit être particulière tout philosophe est parfait certains chefs sont philosophes ___________________________ certains chefs sont parfaits (4) Règle des deux prémisses négatives De deux prémisses négatives, on ne peut rien conclure aucun philosophe n’est parfait aucun chef n’est philosophe _______________________________ aucun chef n’est parfait (conclusion non-valide) aucun philosophe n’est parfait certains chefs ne sont pas philosophes _______________________________ certains chefs ne sont pas parfaits (conclusion non-valide)

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Corollaire de la règle (4) la modalité affirmative est nécessaire à la déducti on logique (5) règle de deux prémisses particulières de deux prémisses particulières, on ne peut rien conclure certains philosophes sont parfaits certains chefs sont philosophes ______________________________ certains chefs sont parfaits conclusion non-valide (sophisme) Corollaire de la règle (5) la modalité universelle est nécessaire à la déducti on logique (6) règle de la majeure SIP et de la mineure SEP quand la majeure est affirmative particulière SIP et la mineure universelle négative SEP, on ne peut rien conclure certains philosophes sont parfaits aucun chef n’est philosophe __________________________ aucun chef n’est parfait (conclusion non-valide) (sophisme) Les six règles de construction des prémisses constituent un premier filtre combinatoire. Nous l’avons construit par composition de couples de termes en propositions (Sujet cop Prédicat) et par composition de couples de prémisses.à partir de propositions (Majeure et mineure)

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CONSTRUCTION

DES MODES VALIDES DE RAISONNEMENT L’automate terministe ARISTE En complétant le filtre des six règles prédicatives par une table de figures et de modes, nous allons construire le premier niveau d’un « automate terministe » que nous nommerons ARISTE en hommage à son antique initiateur « Aristote ». Ariste, à ce niveau de son développement, est capable décider si un raisonnement est valide ou invalide. Ainsi, les exemples ci-après sont validés ou rejetés selon leur conformité logique. Exemple 1 tout philosophe est parfait tout chef est philosophe _____________________ tout chef est parfait (cas valide) Exemple 2 tout philosophe est parfait tout philosophe est chef _____________________ tout chef est parfait (cas invalide) Exemple 3 tout philosophe est parfait aucun chef n’est philosophe _______________________ aucun chef n’est parfait (cas invalide) Exemple 4 aucun philosophe n’est parfait tout chef est philosophe _______________________ aucun chef n’est parfait (cas valide) Pour différencier les cas de raisonnement valides des invalides, le système syllogistique est organisé en « modes » et en « figures ». Pour construire ce système, on sélectionne les modes valides en appliquant les « six règles de construction des prémisses » puis on les assemble en « quatre figures » de raisonnement.

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Modes valides dans les prémisses d’un syllogisme Par combinatoire de copules AEIO, établissons tout l’inventaire des seize couples possibles pour les deux prémisses d’un syllogisme. (Dans chaque couple, la modalité du dessus vaut pour la prémisse majeure et celle du dessous pour mineure). Inventaire des couples légende A A

A E

A I

A O

A universelle affirmative

E A

E E

E I

E O

E universelle négative

I A

I E

I I

I O

I particulière affrimative

O A

O E

O I

O O

O particulière négative

Sélection des couples valides La sélection des couples valides s’obtient en appliquant les « six règles de construction des prémisses ». Selon ces règles de construction, certains couples ne sont pas valides; on élimine donc de l’inventaire les huit couples suivants. Couples éliminées par les « six règles des prémisses » non-valides règles description EE 4 deux prémisses négatives IE 6 majeure SIP et mineure SEP OE 4 deux prémisses négatives I I 5 deux prémisses particulières OI 5 deux prémisses particulières EO 4 deux prémisses négatives IO 5 deux prémisses particulières OO 4 et 5 deux prémisses négatives

deux prémisses particulières Après élimination des couples qui ne se rencontrent dans aucun argument, il ne reste plus que huit couples valides. A A

A E

A I

A O

E A

E I

I A

O A

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Triplet argumental du syllogisme Chaque syllogisme contient trois copules (M,m,C). Le tableau précédent représente l’inventaire des couples de copules formant les prémisses (M, m). A chacun de ces couples, on ajoute la copule de conclusion (C). Nous obtenons un triplet d’opérateurs. En appliquant les règles et principes précédemment donnés, on élimine les triplets non-valides. On obtient la liste suivante qui résume la structure argumentale de tous les syllogismes. : [AAA] [AAI] [EAE] [AII] [OAO] [EIO] [AEE] [AEO] [AOO] [IAI] [EAO]. Détails [AA] AA A valide AA E non-valide règle 1 AA I valide + DE OMNI AA O non-valide règle 1 [EA] EA A non-valide règle 2 EA E valide EA I non-valide règle 2 EA O valide + NULLO [AI] AI A non-valide règle 3 AI E non-valide règles 1, 3 AI I valide AI O non-valide règle 1 [OA] OA A non-valide règle 2 OA E non-valide règle 3 OA I non-valide règle 2 OA O valide [EI] EI A non-valide règles 2,3 EI E non-valide règle 3 EI I non-valide règle 2 EI O valide

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[AE] AE A non-valide règle 2 AE E valide AE I non-valide règle 2 AE O valide + NULLO [AO] AO A non-valide règles 2,3 AO E non-valide règle 3 AO I non-valide règle 2 AO O valide [IA] IA A non-valide règle 3 IA E non-valide règle 3 IA I valide IA O non-valide règle 1 Table mnémotechnique Pour faciliter la manipulation de ces triplets de copules, la tradition syllogistique utilise une table mnémotechnique. Cette table contient des mots qui contiennent chacun trois voyelles choisies dans la liste [AEIO]. La première voyelle correspond à la copule de la prémisse majeure, la seconde, à la copule de la mineure et la troisième, à celle de la conclusion. La table donne ainsi la liste des modes valides. table mnémotechnique BARBARA CELARENT DARII FERIO CESARE CAMESTRES FESTINO BAROCO DARAPTI DISAMIS DATISI FELAPTON BOCARDO FERISON BRAMANTIP CAMENES DIMARIS FESAPO FRERISON

On lit ces « mots »(qui n’ont aucun sens particulier) de la manière suivante : Exemples BARBARA AAA CELARENT EAE FESTINO EIO BRAMANTIP AAI BAROCO AOO etc.

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Les quatre figures du syllogisme (position du moyen -terme) Selon la « position du moyen-terme » dans les prémisses (sujet ou prédicat), les syllogismes se classent en quatre figures d’argumentation, notées 1°,2°,3°,et 4° figures. Légende S sujet P prédicat My moyen-terme Table des quatre figures syllogistiques 1° figure 2° figure 3° figure 4° figure My cop P S cop My

P cop My S cop My

My cop P My cop S

P cop My My cop S

S cop P S cop P S cop P S cop P A cette table de figures qui disposent le moyen-terme différemment dans l’argument, correspondent les règles suivantes : Règles (7a, 7b) de première figure 7a la prémisse majeure doit être universelle 7b la prémisse mineure doit être affirmative Dans la liste des triplets valides, [AAA] [AAI] [EAE] [AII] [OAO] [EIO] [AEE] [AEO] [AOO ] [IAI] [EAO], les règles 7a et 7b sélectionnent, pour la première figure, les modes suivants: 1° figure symboles mnémotechniques AAA BARBARA EAE CELARENT AII DARII EIO FERIO Le mode [AAI] DARAPTI qui est une variante DE OMNI de BARBARA et le mode [EAO] FELAPTON sont régis par les règles de troisième figure.

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Exemples de raisonnements valides en 1° figure termes marin amoureux triste 1° figure My cop P S cop My S cop P BARBARA (AAA) A tout amoureux est triste A tout marin est amoureux ______________________ A tout marin est triste CELARENT (EAE) E aucun amoureux n’est triste A tout marin est amoureux ______________________ E aucun marin n’est triste DARII (AII) A tout amoureux est triste I certains marins sont amoureux ______________________ I certains marins sont tristes FERIO (EIO) E aucun amoureux n’est triste I certains marins sont amoureux ______________________ O certains marins ne sont pas tristes

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Règles (8a,8b) de deuxième figure 8a la prémisse majeure doit être universelle 8b les deux prémisses doivent être de qualité différente Dans la liste des triplets valides, [AAA] [AAI] [EAE] [AII] [OAO] [EIO] [AEE] [AEO] [AOO ] [IAI] [EAO], les règles 8a et 8b sélectionnent, pour la deuxième figure, les modes suivants: 2° figure symboles mnémotechniques EAE CESARE AEE CAMESTRES EIO FESTINO AOO BAROCO Le mode [AEO] (qui n’a pas de nom) est la variante NULLO de CAMESTRES. Exemples de raisonnements valides en 2° figure 2° figure P cop My S cop My S cop P CESARE (EAE) E aucun marin n’est triste A tout amoureux est triste ______________________ E aucun amoureux n’est marin CAMESTRES (AEE) A tout marin est triste E aucun amoureux n’est triste ______________________ E aucun amoureux n’est marin FESTINO (EIO) E aucun marin n’est triste I certains amoureux sont tristes ______________________ O certains amoureux ne sont pas marins BAROCO (AOO)

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A tout marin est triste O certains amoureux ne sont pas tristes ______________________ O certains amoureux ne sont pas marins Règles(9a,9b) de troisième figure 9a la prémisse mineure doit être affirmative 9b la conclusion doit être particulière Dans la liste des triplets valides, [AAA] [AAI] [EAE] [AII] [OAO] [EIO] [AEE] [AEO] [AOO ] [IAI] [EAO], les règles 9a et 9b sélectionnent, pour la troisième figure, les modes suivants: 3° figure AAI DARAPTI IAI DISAMIS AII DATISI EAO FELAPTON OAO BOCARDO EIO FERISON Exemples de raisonnements valides en 3° figure 3° figure My cop P My cop S S cop P DARAPTI (AAI) A tout marin est triste A tout marin est amoureux _________________________ I certains amoureux sont tristes DISAMIS (IAI) I certains marins sont tristes A tout marin est amoureux __________________________ I certains amoureux sont tristes DATISI (AII) (comparez avec DARII 1° figure)

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A tout marin est triste I certains marins sont amoureux ___________________________ I certains amoureux sont tristes FELAPTON (EAO) E aucun marin n’est triste A tout marin est amoureux _______________________________ O certains amoureux ne sont pas tristes BOCARDO (OAO) O certains marins ne sont pas tristes A tout marin est amoureux _________________________________ O certains amoureux ne sont pas tristes FERISON (EIO) E aucun marin n’est triste I certains marins sont amoureux _________________________________ O certains amoureux ne sont pas tristes Règles(10a,10b,10c) de quatrième figure 10a Si une prémisse est négative alors la majeure est

universelle 10b si la majeure est affirmative alors la mineure est

universelle 10c si la mineure est affirmative alors la conclusion est

particulière Dans la liste des triplets valides, [AAA] [AAI] [EAE] [AII] [OAO] [EIO] [AEE] [AEO] [AOO ] [IAI] [EAO], les règles 10a, 10b et 10c sélectionnent, pour la troisième figure, les modes suivants: 4° figure symboles mnémotechniques AAI BRAMANTIP AEE CAMENES IAI DIMARIS EAO FESAPO EIO FRERISON

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Exemples de raisonnements valides en 4° figure 4° figure P cop My My cop S S cop P BRAMANTIP (AAI) A tout triste est amoureux A tout amoureux est marin ________________________ I certains marins sont tristes CAMENES (AEE) A tout triste est amoureux E aucun amoureux n’est marin _________________________ E aucun marin n’est triste DIMARIS (IAI) I certains tristes sont amoureux A tout amoureux est marin ________________________ I certains marins sont tristes FESAPO (EAO) E aucun triste n’est amoureux A tout amoureux est marin ______________________________ O certains marins ne sont pas tristes FRERISON (EIO) E aucun triste n’est amoureux I certains amoureux sont marins ______________________________ O certains marins ne sont pas tristes

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Table récapitulative des modes valides de la syllog istique La table ci-dessous résume l’ensemble des règles que nous avons énumérées. On compte dix neuf modes valides. 1° figure BARBARA CELARENT DARII FERIO 2° figure CESARE CAMESTRES FESTINO BAROCO 3° figure DARAPTI DISAMIS DATISI FELAPTON BOCARDO F ERISON 4° figure BRAMANTIP CAMENES DIMARIS FESAPO FRERISON

Tests du système syllogistique Reprenons les cas invalides de la page 36, plus quelques autres. Par stricte application de la table mnémotechnique, le système effectue mécaniquement la discrimination entre les raisonnements valides et les invalides. termes chef philosophe parfait Exemple 2 (de la page 36) A tout philosophe est parfait A tout philosophe est chef _________________________ A tout chef est parfait (cas invalide) Preuve Ce syllogisme est en mode BARBARA. Ce mode n’est valide qu’en première figure. Or le moyen-terme « philosophe » est disposé selon le schéma de la troisième figure. L’argument est donc invalide. Exemple 3 A tout philosophe est parfait E aucun chef n’est philosophe _________________________ E aucun chef n’est parfait (cas invalide) Preuve Ce syllogisme est en mode CAMESTRES. Ce mode n’est valide qu’en deuxième figure. Or le moyen-terme « philosophe » est disposé selon le schéma de la première figure. L’argument est donc invalide.

Page 47: ARISTE SEMINAIRE DE LOGIQUE TERMINISTE

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Exemple 4 I certains philosophes sont parfaits E aucun chef n’est philosophe _____________________________ O certains chefs ne sont pas parfaits (cas invalide) Preuve Le mode IE est éliminé par la règle 6 (majeure SIP et mineure SEP). Exemple 5 E aucun philosophe n’est parfait A tout philosophe est chef ___________________________ E aucun chef n’est parfait (invalide) Preuve Ce syllogisme est en mode CESARE. Ce mode n’est pas valide en 3° figure Exemple 6 A tout philosophe est chef E aucun philosophe n’est parfait __________________________ E aucun chef n’est parfait (invalide) Preuve Ce syllogisme est en mode CAMESTRES. Ce mode n’est pas valide en 3° figure. Différence entre une conclusion « valide » et une c onclusion « vraie » On sait qu’on peut raisonner juste sur la base de prémisses fausses, la validité d’un raisonnement n’entraînant pas la vérité d’un jugement. Le concept de validité est de l’ordre du raisonnement, celui de vérité est de l’ordre du jugement. Le raisonnement (validité) est un mécanisme d’enchaînement des jugements; il est d’ordre strictement syntaxique. Le jugement (vrai-faux) établit un rapport entre une proposition et un monde; il est d’ordre sémantique (voir plus loin). Considérons quelques conclusions « invalide-fausse », « invalide-vraie », « valide-fausse » et « valide-vraie ».

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Exemple de conclusion invalide-fausse A tout Antillais parle créole A tout Réunionnais parle créole _______________________ A tout Réunionnais est Antillais (invalide et faux) Preuve : conflit entre la 1° et la 2° figures Exemple de conclusion invalide-vraie I Certains créolophones sont Antillais A tout Martiniquais est créolophone _______________________________ A tout Martiniquais est Antillais (invalide et vrai) Preuve :violation de la règle 3 (prémisse particulière) et conflit entre la 3° et la 1° figures -DATISI - La conclusion est invalide, mais elle est vraie. Autre exemple de conclusion invalide-vraie A tout Antillais est créolophone I certains créolophones sont Réunionnais __________________________________ I certains Réunionnais sont Antillais (invalide, vrai) Preuve : conflit entre la 1° et la 4° figures DARII - la conclusion est invalide, mais elle peut être vraie (il se peut que certains Réunionnais soient nés aux Antilles). Exemple de conclusion valide-fausse A tout antillais est juriste A Amédé est antillais _____________________ A Amédé est juriste (valide, faux) Preuve : BARBARA 1° figure - la majeure est fausse : la conclusion est valide, mais fausse Exemple de conclusion valide-vraie I certains Martiniquais sont juristes A tout Martiniquais est créolophone ______________________________ I certains créolophones sont juristes (valide, vrai) Preuve : DISAMIS 3° figure - prémisses vraies

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Fascicule 3

ESPACE LOGIQUE

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TABLE DES MATIERES

Fascicule 3

ESPACE LOGIQUE

Espace logique.......................................................................51 Enthymèmes...........................................................................53 Sorites....................................................................................56 Epichérèmes ..........................................................................69 Univers de discours...............................................................76

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ESPACE LOGIQUE Nous avons vu précédemment que tout raisonnement se construit à partir d’un assemblage déductif de propositions, elles-mêmes construites à partir d’un Carré de termes. Nous avons vu également que chaque terme dénote une classe d’individus. Plus avant, nous verrons que les syllogismes sont assemblés déductivement en chaînes de syllogismes (appelée sorites) : ces chaînes sont assemblées, à leur tour, en noeuds argumentaux (appelés épichérèmes). L’ensemble de ces assemblages forme un espace de calcul appelé « espace logique ». De proche en proche, en appliquant les règles déductives, le système génère un réseau de chaînes interconnectées appelé « espace logique ». Cet espace de calcul connexe contient potentiellement tout ce que le système peut logiquement écrire. C’est un système complexe qui couvre exhaustivement le domaine prédicable défini par la base des termes. L’espace logique, réseau d’arguments logiquement enchevétrés, résume les capacités rationnelles d’un système terministe. Relation d’identité des termes Le système terministe ne contient aucun terme isolé. Tout terme appartient à un jeu de prémisses et toute prémisse, à un jeu de syllogismes ; en effet, une même proposition peut être prémisse dans plusieurs syllogismes différents et un même terme peut appartenir à plusieurs prémisses différentes. La relation d’identité des termes entre dans la formation de l’espace logique sous la forme de la règle suivante : Deux arguments (propositions, syllogismes sorites e t épichérèmes) sont logiquement liés quand ils possèdent un terme commu n. Exemples de propositions logiquement liées tous les gorilles sont des primates certains primates sont des hommes certains hommes sont latinistes aucun gorille ...............n’est ................... latiniste Dans l’espace logique, les propositions contenant un terme commun se croisent. Ainsi l’application de la relation d’identité correspond à un principe de non-répétion des termes. Chaque terme se présente donc dans une classe de couples d’emplois. [voir Formation des objets du discours § 4]

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Structures de l’espace logique L’espace logique est un système combinatoire régi par trois structures notées « enthymème », « sorite » et« épichérème ». L’enthymème est un mécanisme de simplification des chaînes, le « sorite » un mécanisme de chaînage des syllogismes et l’« épichérème » un mécanisme de mise en réseau des sorites. Nous allons, dans les sections suivantes, décrire ces trois structures. enthymène simplification des chaînes sorite chaînage des syllogismes épichérème réseau de sorites

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ENTHYMEMES Nous commencerons l’étude et la construction de l’espace logique par un principe de simplification nommé « enthymème ». La Logique de Port Royal [1662]en donne les définitions suivantes: « L’enthymème est un syllogisme parfait dans l’esprit, mais imparfait dans l’expression. Servare potui, perdere an possim rogas ? Je t’ai pu conserver, je te pourrai donc perdre ? [Médée Ovide] Les enthymèmes sont la manière ordinaire dont les hommes expriment leurs raisonnements, en supprimant la proposition qu’ils jugent devoir être facilement supplée; et cette proposition est tantôt la majeure, tantôt la mineure et quelquefois la conclusion. Car l’esprit allant plus vite que la langue, et une des propositions suffisant pour en faire concevoir deux, l’expression de la seconde devient inutile, ne contenant aucun nouveau sens.[Arnauld et Nicole La logique ou l’art de penser Port Royal chap XIV p.285-286 - 1662]

L’enthymème est un syllogisme complet dont l’énoncé est tronqué. En voici quelques exemples. Syllogisme en forme normale A tout amoureux est triste A tout marin est amoureux ______________________ A tout marin est triste Enthymème de la majeure A ..................................... A tout marin est amoureux ______________________ A tout marin est triste tout marin est amoureux donc tout marin est triste Enthymème de la mineure A tout amoureux est triste A ..................................... ______________________ A tout marin est triste tout amoureux est triste donc tout marin est triste

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Enthymème de la conclusion A tout amoureux est triste A tout marin est amoureux ______________________ A ...................................... tout amoureux est triste et tout marin est amoureux Enthymème des deux prémisses A..................................... A...................................... ______________________ A tout marin est triste tout marin est triste L’enthymème des deux prémisses représente le cas le plus courant de la recherche d’une preuve. « Le plus intelligent d’entre nous, déclare Aristote est celui qui pour une conclusion donnée trouvera le plus vite un moyen-terme à partir duquel il pourra l’établir ». Dans l’exemple étudié, nous avons pris « amoureux » pour moyen-terme. Enthymèmes contractés Dans la logique de Kant, les enthymèmes sont appelés « raisonnements cachés » (ratiocinia cryptica). Parmi ces enthymèmes, Kant en distingue une sorte supplémentaire appelés « contractés » (zusammengezogene). Les enthymèmes contractés réunissent deux propositions au moyen d’une particule de déduction. Cette particule permet de rétablir le syllogisme complet. forme normale A tout amoureux est triste A tout marin est amoureux ______________________ A tout marin est triste Enthymèmes contractés tout amoureux et donc tout marin est triste (élision de la mineure) tout marin est amoureux et donc triste (élision de la majeure) La contraction implique un ordre très strict des termes. En effet, leur inversion peut dévoyer l’argument. tout marin est triste et donc amoureux Cette contraction est en effet différente des deux précédentes. Elle provient de l’argument suivant:

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A tout triste est amoureux A tout marin est triste ________________________ A tout marin est amoureux Principe de non-trivialité de l’énoncé L’enthymème est un procédé naturel du dialogue. Il découle du principe selon lequel il n’est nullement utile (voire inconvenant, voire même incohérent) d’asserter à quelqu’un quelque chose qu’il sait déjà. Ce principe s’appelle chez le logicien L. Wittgenstein [1902]« principe de non-trivialité de l’assertion ». On le résume par la formule suivante:

une proposition triviale ne s’énonce pas Exemple d’enthymène : Ainsi celui qui voit une femme ayant lait aux mammelles , peut être assuré certainement qu’elle a touché au mâle [Scipion Dupleix - La logique ou art de discourir et raisonner V chap. 18 1607]. La dernière proposition de cet exemple est dite « triviale » dans la mesure où elle appartient déjà à la compréhension de la première. Le principe de non-trivialité nous rappelle que le raisonnement est une activité abstraite « interne », qui manipule des concepts et des jugements sans énonciation (ex nuntiare - projeter au dehors). « Il y a deux sortes de discours: le discours parlé de la langue et le discours mental et silencieux de la logique » [Ockam XIII°s.]. [voir Logique et langue §1] Simplification La conséquence pratique la plus évidente du principe de non-trivialité est que dans l’espace logique, une proposition n’est notée qu’une et une seule foi s, quoi qu’elle puisse entrer dans la composition de nombreux syllogismes. Syllogisme a syllogisme b Terme copule terme syllogisme c syllogisme d Cette règle de non-répétition des arguments allège considérablement le réseau de l’espace logique. Nous allons voir dans la section suivante comment on l’utilise pour simplifier les chaînes argumentales appelées « sorites ».

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SORITES Chaînes de syllogismes On dit de deux syllogismes qu’ils sont « enchaînés » quand ils contiennent un terme ou une proposition commune (corollaire de la relation d’identité). Exemple Soient cinq termes « A,B,C,D,E » dont on construit les prémisses des trois syllogismes enchaînés ci-dessous. Dans cet exemple, la conclusion du premier est la majeure du second ; la conclusion du second est la majeure du dernier. Légende. A héros B furieux C soldat D bavard E menteur chaîne de syllogismes en forme normale syllogisme 1 A cop B tout héros est furieux majeure B cop C tout furieux est soldat mineure A cop C tout héros est soldat conclusion et majeure

syllogisme 2 A cop C tout héros est soldat conclusion et majeure C cop D tout soldat est bavard mineure A cop D tout héros est bavard conclusion et majeure syllogisme 3 A cop D tout héros est bavard conclusion et majeur e D cop E tout bavard est menteur mineure A cop E tout héros est menteur conclusion

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Définition du sorite On appelle « sorite » toute réduction enthymématique d’une chaîne de syllogismes. En appliquant les règles de l’enthymème [voir section précédente] sur la chaîne de syllogismes ci-dessus, on construit, le sorite suivant. sorite A cop B tout héros est furieux majeure B cop C tout furieux est soldat mineure C cop D tout soldat est bavard mineure D cop E tout bavard est menteur mineure A cop E tout héros est menteur conclusion Pour construire ce sorite, on a éliminé toutes les conclusions-majeures intermédiaires pour ne conserver que la première majeure, toutes les mineures et la dernière conclusion. Plus avant, on applique l’enthymème aux mineures et l’on obtient une chaîne formée par la première majeure et la dernière conclusion. A cop E tout héros est furieux et donc menteur Structure des sorites Tout sorite répond aux quatre règles syntaxiques suivantes: 11 deux propositions consécutives doivent contenir un terme commun 12 aucune conclusion n’est exprimée sauf la dernière 13 à l’exception de la première et de la dernière qui peuvent varier, toute

prémisse d’un sorite est une universelle affirmativ e SAP 14 la disposition SOP ne peut apparaître dans aucune p rémisse La règle (11) n’est qu’un corollaire du principe selon lequel dans toute démonstration syllogistique, un terme doit être rép été deux fois . Cette répétition de terme dans deux propositions consécutives était déjà une règle de tout syllogisme. Néanmoins, dans le sorite, cette règle d’identité prend un relief tout particulier. Elle remplit la fonction de loi de chaîne. La règle (12) est une mise en application de l’enthymème de conclusion que nous avons montré dans l’exemple ci-dessus. La règle (13) indique que la chaîne du sorite est monotone (succession de SAP). Ainsi, on constate que tous les critères de validité d’un sorite se situent au début et en fin de chaîne. Cette disposition rend leur maniement aisé dans le cas de chaînes très longues. La règle (14) est un corollaire de l’application de la table des modes valides.[page 30]

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Il existe deux types de sorite, appelés sorite « transitif » (dit sorite aristotélicien) et sorite « glocénien » (dit vrai sorite). Ces deux types ont des structures inversées et doivent être décrits séparément. Sorite transitif (dit aristotélicien) Le sorite « aristotélicien » est l’ancêtre de la relation de transitivité telle qu’elle est définie en algèbre : si a > b et b > c alors a > c (si a est supérieur à b et b supérieur à c alors a est supérieur à c). Exemple de sorites transitifs Soient cinq termes (A,B,C,D,E) termes A héros B furieux C soldat D bavard E menteur Répétant l’exemple précédent, on représentera tout d’abord la chaîne argumentale qu’ils constituent sous une forme déployée. Puis, par contraction, on la représentera sous la forme du sorite transitif. Cette forme enthymématique peut à son tour être contractée. forme déployée « sorite transitif » A cop B tout héros est furieux majeure B cop C tout furieux est soldat mineure A cop C tout héros est soldat conclusion et majeure C cop D tout soldat est bavard mineure A cop D tout héros est bavard conclusion et majeure D cop E tout bavard est menteur mineure A cop E tout héros est menteur conclusion Appliquant la règle (12), on efface les conclusions. forme enthymématique « sorite transitif » A cop B tout héros est furieux majeure B cop C tout furieux est soldat mineure C cop D tout soldat est bavard mineure D cop E tout bavard est menteur mineure A cop E tout héros est menteur conclusion On élimine toutes les mineures sauf la dernière. forme enthymématique « sorite transitif »

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A cop B tout héros est furieux majeure D cop E tout bavard est menteur mineure A cop E tout héros est menteur conclusion On élimine la dernière mineure. forme enthymématique « sorite transitif » A cop B tout héros est furieux majeure A cop E tout héros est menteur conclusion Règles du sorite transitif Le sorite transitif se définit au moyen des quatre règles suivantes. Ces règles constituent une analytique terministe du concept mathématique de transitivité. 15a le sujet de la dernière conclusion doit

être le sujet de la première prémisse héros - héros

15b le terme commun de deux prémisses consécutives apparaît d’abord comme prédicat puis ensuite comme sujet

furieux P -furieux S soldat P - soldat S bavard P - bavard S

15c une seule prémisse peut être négative si une prémisse est négative, elle doit être la dernière

15d si une prémisse est particulière, elle doit être la première

Tableau du sorite transitif En appliquant les règles 15(abcd), on compte quatre cas de transitivité, notés dans le tableau suivant : propositions 1° cas 2° cas 3° cas 4° cas majeure SAP SIP SAP SIP mineure SAP SAP SAP SAP mineure SAP SAP SAP SAP mineure ... ... ... ... mineure SAP SAP SEP SEP conclusion SAP SIP SEP SOP Exemples de transitivité Dans les exemples qui suivent, on énonce les sorites d’abord sous une forme déployée, puis en formes enthymématiques.

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1° cas SAP, SAP,..., SAP Le premier cas SAP, SAP,..., SAP correspond à l’exemple décrit ci-dessus. 2° cas SIP, SAP,..., SIP « sorite transitif » forme déployée A cop B certains héros sont furieux majeure SIP B cop C tout furieux est soldat mineure SAP A cop C tout héros est soldat conclusion et majeure C cop D tout soldat est bavard mineure SAP A cop D tout héros est bavard conclusion et majeure D cop E tout bavard est menteur mineure SAP A cop E certains héros sont menteurs conclusion SIP « sorite transitif » forme enthymématique A cop B certains héros sont furieux majeure SIP B cop C tout furieux est soldat mineure SAP C cop D tout soldat est bavard mineure SAP D cop E tout bavard est menteur mineure SAP A cop E tout héros est menteur conclusion SIP « sorite transitif » forme enthymématique A cop B certains héros sont furieux majeure SIP D cop E tout bavard est menteur mineure SAP A cop E certains héros sont menteurs conclusion SIP « sorite transitif » forme enthymématique A cop B certains héros sont furieux majeure SIP A cop E certains héros sont menteurs conclusion SIP Ce résultat est conforme à la table des six règles de construction des prémisses [§2]. 3° cas SAP,..., SEP, SEP forme déployée « sorite transitif » A cop B tout héros est furieux majeure SAP B cop C tout furieux est soldat mineure SAP A cop C tout héros est soldat conclusion et majeure C cop D tout soldat est bavard mineure SAP A cop D tout héros est bavard conclusion et majeure D cop E aucun bavard n’est menteur mineure SEP A cop E aucun héros n’est menteur conclusion SEP On élimine les conclusions intermédiaires.

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forme enthymématique « sorite transitif» A cop B tout héros est furieux majeure SAP B cop C tout furieux est soldat mineure SAP C cop D tout soldat est bavard mineure SAP D cop E aucun bavard n’est menteur mineure SEP A cop E aucun héros n’est menteur conclusion SEP On élimine les mineures SAP. forme enthymématique « sorite transitif » A cop B tout héros est furieux majeure SAP D cop E aucun bavard n’est menteur mineure SEP A cop E aucun héros n’est menteur conclusion SEP On élimine la dernière mineure forme enthymématique « sorite transitif » A cop B tout héros est furieux majeure SAP A cop E aucun héros n’est menteur conclusion SEP 4° cas SIP, SAP,..., SEP, SOP forme déployée « sorite transitif » A cop B certains héros sont furieux majeure SIP B cop C tout furieux est soldat mineure A cop C tout héros est soldat conclusion et majeure C cop D tout soldat est bavard mineure A cop D tout héros est bavard conclusion et majeure D cop E aucun bavard n’est menteur mineure SEP A cop E certains héros ne sont pas

menteurs conclusion SOP

On élimine les conclusions intermédiaires. forme enthymématique « sorite transitif » A cop B certains héros sont furieux majeure SIP B cop C tout furieux est soldat mineure C cop D tout soldat est bavard mineure D cop E aucun bavard n’est menteur mineure SEP A cop E certains héros ne sont pas

menteurs conclusion SOP

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On élimine les mineures, sauf la dernière. forme enthymématique« sorite transitif » A cop B certains héros sont furieux majeure SIP D cop E aucun bavard n’est menteur mineure SEP A cop E certains héros ne sont pas

menteurs conclusion SOP

On élimine la dernière mineure forme enthymématique « sorite transitif » A cop B certains héros sont furieux majeure SIP A cop E certains héros ne sont pas

menteurs conclusion SOP

Formes non-valides - le cas de SOP Les règles 15c et 15d sont incompatibles au regard de la prémisse particulière négative SOP qui devrait se trouver en première et en dernière position à la fois. Ainsi comme l’indique la règle 14, la disposition SOP ne peut apparaître dans aucune prémisse. 15c une seule prémisse peut être

négative si une prémisse est négative, elle doit être la dernière

15d si une prémisse est particulière, elle doit être la première

14 la disposition SOP ne peut apparaître dans aucune p rémisse Exemples de formes non-valides en SOP (On note directement les cas sous forme enthymématique; le lecteur doit pouvoir retrouver facilement la forme déployée) forme enthymématique « sorite transitif » A cop B certains héros ne sont pas

furieux majeure SOP

B cop C tout furieux est soldat mineure C cop D tout soldat est bavard mineure D cop E tout bavard est menteur mineure A cop E certains héros ne sont pas

menteurs conclusion SOP (non-valide)

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forme enthymématique « sorite transitif » A cop B tout héros est furieux majeure B cop C tout furieux est soldat mineure C cop D tout soldat est bavard mineure D cop E certains bavards ne sont pas

menteurs mineure SOP

A cop E certains héros ne sont pas menteurs

conclusion SOP (non-valide)

Sorite glocénien (dit « vrai sorite ») Contrairement au sorite transitif qui est limpide de clarté, le sorite inverse « glocénien » est moins intuitif. Sa relative obscurité ne l’empêche pas d’être parfaitement valide. Il faut donc l’étudier de manière constructiviste, sans prendre appui sur l’évidence de l’intuition logique. Exemple de vrai sorite termes A héros B furieux C soldat D bavard E menteur Soient les cinq termes ci-dessus. On représentera tout d’abord la chaîne argumentale qu’ils constituent sous une forme déployée. Puis, par contraction, on la représentera sous la forme du sorite glocénien. Enfin, cette forme sera à son tour contractée par enthymèmes. forme déployée « sorite glocénien » A cop B tout héros est furieux majeure C cop A tout soldat est héros mineure C cop B tout soldat est furieux conclusion et majeure D cop C tout bavard est soldat mineure D cop B tout bavard est furieux conclusion et majeure E cop D tout menteur est bavard mineure E cop B tout menteur est furieux conclusion On élimine les conclusions intermédiaires. forme enthymématique « sorite glocénien » A cop B tout héros est furieux majeure C cop A tout soldat est héros mineure D cop C tout bavard est soldat mineure E cop D tout menteur est bavard mineure

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E cop B tout menteur est furieux conclusion On élimine les mineures sauf la dernière. forme enthymématique« sorite glocénien » A cop B tout héros est furieux majeure E cop D tout menteur est bavard mineure E cop B tout menteur est furieux conclusion On élimine la dernière mineure. forme enthymématique « sorite glocénien » A cop B tout héros est furieux majeure E cop B tout menteur est furieux conclusion Règles du sorite glocénien Le sorite glocénien se définit au moyen des quatre règles suivantes: 16a le prédicat de la première prémisse

est identique au prédicat de la dernière conclusion

furieux

16b le terme commun de deux prémisses consécutives apparaît d’abord comme sujet puis comme prédicat

héros S - héros P soldat S - soldat P bavard S - bavard P

16c une seule prémisse peut être négative si une prémisse est négative, elle doit être la première

16d quand une prémisse est particulière, elle doit être la dernière

Tableau du sorite glocénien En appliquant les règles 16(abcd), on compte quatre cas de figure du sorite glocénien, notés dans le tableau suivant : 1° cas 2° cas 3° cas 4° cas majeure SAP SAP SEP SEP mineure SAP SAP SAP SAP mineure SAP SAP SAP SAP mineure ... ... ... ... mineure SAP SIP SAP SIP conclusion SAP SIP SEP SOP

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2° cas SAP, SIP, SIP forme déployée « sorite glocénien » A cop B tout héros est furieux majeure SAP C cop A tout soldat est héros mineure C cop B tout soldat est furieux conclusion et majeure D cop C tout bavard est soldat mineure D cop B tout bavard est furieux conclusion et majeure E cop D certains menteurs sont bavards mineure SIP E cop B certains menteurs sont furieux conclusion SIP forme enthymématique« sorite glocénien » A cop B tout héros est furieux majeure SAP C cop A tout soldat est héros mineure D cop C tout bavard est soldat mineure E cop D certains menteurs sont bavards mineure SIP E cop B certains menteurs sont furieux conclusion SIP forme enthymématique« sorite glocénien » A cop B tout héros est furieux majeure SAP C cop A tout soldat est héros mineure D cop C tout bavard est soldat mineure E cop D certains menteurs sont bavards mineure SIP E cop B certains menteurs sont furieux conclusion SIP forme enthymématique« sorite glocénien » A cop B tout héros est furieux majeure SIP E cop D certains menteurs sont bavards mineure SIP E cop B certains menteurs sont furieux conclusion SIP forme enthymématique « sorite glocénien » A cop B tout héros est furieux majeure SIP E cop B certains menteurs sont furieux conclusion SIP 3° cas SEP, SAP, SEP forme déployée « sorite glocénien » A cop B aucun héros n’est furieux majeure SEP C cop A tout soldat est héros mineure C cop B tout soldat est furieux conclusion et majeure D cop C tout bavard est soldat mineure D cop B tout bavard est furieux conclusion et majeure E cop D tout menteur est bavard mineure SAP E cop B aucun menteur n’est furieux conclusion SEP

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forme enthymématique« sorite glocénien » A cop B aucun héros n’est furieux majeure SEP C cop A tout soldat est héros mineure D cop C tout bavard est soldat mineure E cop D tout menteur est bavard mineure SAP E cop B aucun menteur n’est furieux conclusion SEP forme enthymématique « sorite glocénien » A cop B aucun héros n’est furieux majeure SEP E cop D tout menteur est bavard mineure SAP E cop B aucun menteur n’est furieux conclusion SEP forme enthymématique « sorite glocénien » A cop B aucun héros n’est furieux majeure SEP E cop B aucun menteur n’est furieux conclusion SEP 4° cas SEP, SIP, SOP forme déployée « sorite glocénien » A cop B aucun héros n’est furieux majeure SEP C cop A tout soldat est héros mineure C cop B tout soldat est furieux conclusion et majeure D cop C tout bavard est soldat mineure D cop B tout bavard est furieux conclusion et majeure E cop D certains menteurs sont bavards mineure SIP E cop B certains menteurs ne sont pas

furieux conclusion SOP

forme enthymématique « sorite glocénien » A cop B aucun héros n’est furieux majeure SEP C cop A tout soldat est héros mineure D cop C tout bavard est soldat mineure E cop D certains menteurs sont bavards mineure SIP E cop B certains menteurs ne sont pas

furieux conclusion SOP

forme enthymématique« sorite glocénien » A cop B aucun héros n’est furieux majeure SEP E cop D certains menteurs sont bavards mineure SIP E cop B certains menteurs ne sont pas

furieux conclusion SOP

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forme enthymématique « sorite glocénien » A cop B aucun héros n’est furieux majeure SEP E cop B certains menteurs ne sont pas

furieux conclusion SOP

Formes non-valides - cas de SOP (prémisse particul ière négative) Les règles 16c et 16d sont incompatibles au regard de la prémisse particulière négative SOP qui devrait se trouver en première et en dernière position à la fois. Ainsi comme l’indique la règle 14, la disposition SOP n’apparaît dans aucune prémisse. Cas de SOP (sorite glocénien) 16c une seule prémisse peut être

négative si une prémisse est négative, elle doit être la première

16d quand une prémisse est particulière, elle doit être la dernière

14 la disposition SOP ne peut apparaître dans aucune p rémisse forme normale « sorite glocénien » A cop B certains héros ne sont pas

furieux majeure SOP

C cop A tout soldat est héros mineure D cop C tout bavard est soldat mineure E cop D tout menteur est bavard mineure E cop B certains menteurs ne sont pas

furieux conclusion SOP(non-valide)

forme enthymématique « sorite glocénien » A cop B tout héros st furieux majeure C cop A tout soldat est héros mineure D cop C tout bavard est soldat mineure E cop D certains menteurs ne sont pas

bavards mineure SOP

E cop B certains menteurs ne sont pas furieux

conclusion SOP(non-valide)

Le sorite glocénien, par sa longueur et la complexité de ses règles, est en dehors de toute pratique d’énonciation consciente. Il représente le type même de chaîne opératoire qu’effectue un système par lui-même pour gérer sa cohérence interne. A cet égard, ce sorite constitue un exemple à l’aphorisme du logicien L. Wittgenstein selon lequel « logic takes care of itself » (la logique fonctionne toute seule).

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Comparaison des deux sorites Mis à part le premier cas qui est identique, les deux sorites transitif et glocénien se présentent comme deux structures en miroir; l’un étant identique à l’autre inversé. Tableau du sorite transitif propositions 1° cas 2° cas 3° cas 4° cas majeure SAP SIP SAP SIP mineure SAP SAP SAP SAP mineure SAP SAP SAP SAP mineure ... ... ... ... mineure SAP SAP SEP SEP conclusion SAP SIP SEP SOP Tableau du sorite glocénien propositions 1° cas 2° cas 3° cas 4° cas majeure SAP SAP SEP SEP mineure SAP SAP SAP SAP mineure SAP SAP SAP SAP mineure ... ... ... ... mineure SAP SIP SAP SIP conclusion SAP SIP SEP SOP Les sorites sont des mécanismes de génération de chaînes argumentales. Ces chaînes parcourent l’espace logique. Grâce à ce mécanisme, le système peut, à partir d’une proposition prise comme conclusion, trouver une chaîne de propositions qui la prouvent.

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EPICHEREMES L’épichérème est une structure argumentale en « épi ». C’est une arborescence de syllogismes ou de sorites. Définition Un épichérème est une structure dans laquelle toute prémisse d’un argument est la conclusion d’un autre argument Pour obtenir un épichérème, on remplace chaque prémisse d’un argument par un syllogisme dont cette prémisse est la conclusion. Nous décrivons la structure de l’épichérème à partir d’un exemple. Syllogismes en épichérème Construire une preuve épichérématique de la proposition suivante :

« la baisse du dollar est bonne pour le pays » moyen-terme : industrie Syllogisme de degré (0)

M ce qui est bon pour l’industrie et bon pour le pays

m la baisse du dollar est bonne pour l’industrie ___________________________________________

C la baisse du dollar est bonne pour le pays

Chaque prémisse de ce syllogisme doit être remplacée par un syllogisme qui prend cette prémisse pour conclusion. La majeure du premier syllogisme est la conclusion du syllogisme suivant. moyen-terme : embauche Syllogisme de degré (-1)

M l’embauche est bonne pour le pays m ce qui est bon pour l’industrie est bon pour l’embauche _________________________________________________

M ce qui est bon pour l’industrie est bon pour le pay s

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La mineure du syllogisme ci-dessus est la conclusion du syllogisme suivant. moyen-terme : commerce extérieur Syllogisme de degré (-1)

M ce qui est bon pour le commerce extérieur est bon pour l’industrie m la baisse du dollar est bonne pour le commerce extérieur ___________________________________________________

m la baisse du dollar est bonne pour l’industrie

Nous avons remplacé les prémisses de départ par des syllogismes qui les prouvent M m M C m M C m C .

.

Majeure M l’embauche est bonne pour le pays m ce qui est bon pour l’industrie est bon pour l’embauche C ce qui est bon pour l’industrie est bon pour le pay s mineure M ce qui est bon pour le commerce extérieur est bon pour l’industrie m la baisse du dollar est bonne pour le commerce extérieur C la baisse du dollar est bonne pour l’industrie conclusion C la baisse du dollar est bonne pour le pays Prenons chaque syllogisme dérivé et appliquons récursivement la définition de l’épichérème. Syllogismes dérivés de la prémisse majeure

M ce qui est bon pour l’industrie est bon pour le p ays On remplace la prémisse majeure du syllogisme dérivé par un syllogisme qui la contient comme conclusion.

La majeure M du syllogisme de départ est la conclusion du syllogisme dérivé

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M (M, m C) M l’embauche est bonne pour le pays m ce qui est bon pour l’industrie est bon pour l’embauche C ce qui est bon pour l’industrie est bon pour le pay s

Le syllogisme dérivé M(M, m C) contient une majeure M ce qui est bon pour l’embauche est bon pour le pays qui est la conclusion d’un syllogisme subséquent

Syllogisme dérivé MM moyen-terme : consommation des produits Syllogisme de degré (-2)

M ce qui favorise la consommation de produits est bon pour le pays m l’embauche favorise la consommation de produits _________________________________________

MM l’embauche est bonne pour le pays

La syllogisme dérivé de M contient une prémisse mineure qui est la conclusion d’un syllogisme subséquent.

Syllogisme dérivé Mm moyen-terme : augmentation de l’activité Syllogisme de degré (-2)

M l’augmentation de l’activité est bonne pour l’embauche m ce qui est bon pour l’industrie est bon pour l’activité _______________________________________________

Mm ce qui est bon pour l’industrie est bon pour l’emba uche

Prémisse mineure du syllogisme de départ m On exécute la même procédure pour la prémisse mineure du syllogisme de départ

m. la baisse du dollar est bonne pour l’industrie.

m M ce qui est bon pour le commerce extérieur est bon pour l’industrie m la baisse du dollar est bonne pour le commerce extérieur C la baisse du dollar est bonne pour l’industrie

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La mineure m du syllogisme de degré 1 est la conclusion d’un syllogisme de degré

-1. Ce syllogisme contient une mineure m qui est la conclusion d’un syllogisme subséquent de degré -2.

Syllogisme de la majeure de la mineure. m M moyen-terme : écoulement de la production Syllogisme de degré (-2)

M l’écoulement de la production est bon pour l’industrie m un bon commerce extérieur est bon pour l’écoulement de la production ____________________________________________________

m M un bon commerce extérieur est bon pour l’industrie

Syllogisme de la mineure de la mineure. mm moyen-terme : produits plus compétitifs Syllogisme de degré (-2)

M avoir des produits plus compétitifs est bon pour le commerce extérieur m la baisse du dollar rend les produits plus compétitifs _____________________________________________________

mm la baisse du dollar est bonne pour le commerce exté rieur

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Récapitulation du parcours de l’épichérème L’épichérème se déploie en réseau déductif où chaque proposition est conclusion d’un syllogisme et prémisse d’un autre. M ce qui favorise la consommation des produits est bon pour le pays m l’embauche favorise la consommation des produits ___________________________________ (-2) Mc l’embauche est bonne pour le pays M l’augmentation de l’activité est bonne pour l’embauche m ce qui est bon pour l’industrie augmente l’activité _____________________________________ (-2) mc ce qui est bon pour l’industrie est bon pour l’emba uche ______________________________________________

(-1) Mc ce qui est bon pour l’industrie est bon pour le pays M l’écoulement de la production est bon pour l’industrie m un bon commerce extérieur est bon pour l’écoulement de la production ___________________________________________ (-2) Mc un bon commerce extérieur est bon pour l’industrie M rendre les produits plus compétitifs est bon pour le commerce extérieur m la baisse du dollar rend les produits plus compétitifs _____________________________________________ (-2) mc la baisse du dollar est bonne pour le commerce exté rieur _________________________________________________________

(-1)mc la baisse du dollar est bonne pour l’industrie

(1) C la baisse du dollar est bonne pour le pays Parcours d’un terme dans un épichérème Pour prouver la conclusion (la baisse du dollar est bonne pour le pays), il faut trouver un moyen-terme (industrie). Ce moyen-terme devient le terme majeur du syllogisme issu de la prémisse mineure. Il devient le terme mineur du syllogisme issu de la prémisse majeure. Du syllogisme issu de la prémisse mineure est issu un nouveau syllogisme dans lequel ce terme (industrie) doit occuper la fonction de terme majeur.

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Du syllogisme issu de la prémisse majeure est issu un nouveau syllogisme dans lequel ce terme (industrie) doit occuper la fonction de terme mineure. Après cette structure de répétition, le terme disparaît de l’argument. (1) (industrie) My

mc Mc (industrie) [M] (-1) (-1) (industrie) [m] m M m M (-2) (industrie) [M] (-2) (-2) (industrie) [m] (-2) Les cinq positions du terme (industrie) dans l’exem ple degré 1 - moyen-terme My industrie M pays m baisse du dollar

(0) C la baisse du dollar est bonne pour le pays

degré -1- mineure - terme majeur My commerce extérieur M industrie m baisse du dollar

(-1) m la baisse du dollar est bonne pour l’industrie

degré -2- majeure - terme majeur My écoulement de la production M industrie m commerce extérieur

(-2) m M ce qui est bon pour le commerce extérieur est bon p our l’industrie

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degré -1- majeure - terme mineur My embauche M pays m industrie

(-1)M ce qui est bon pour l’industrie est bon pour le pay s

degré -2- mineure - terme mineur My activité M embauche m industrie

(-2) Mm ce qui est bon pour l’industrie est bon pour l’emba uche

Epis de sorites L’épichérème est une structure en épis, c’est-à-dire une arborescence. Elle atteint sa complexité maximale lorsqu’on remplace les syllogismes par des sorites. Dans ce cas, toute prémisse se présente comme la conclusion d’un sorite . Les « épis de sorites ».vérifient la règle générale de la déduction en épi : « trois degrés et cinq dérivations possibles pour un même t erme » Les « épis de sorites » sont des structures déductives de haut niveau. Ils communiquent entre eux par identité de termes ou de prémisses et forment un réseau structuré. Nous avons appelé « espace logique » le réseau déductif complexe ainsi obtenu. Epichérème comme structure de validation des prémis ses L’espace logique est récursif et connexe, c’est-à-dire, en principe, clos et partout calculable. Pour toute proposition, il existe dans l’espace une chaîne de propositions qui la prouve. C’est un réseau complexe où chaque proposition est la conclusion d’une déduction. La théorie du raisonnement appartient au système des règles qu’on appelle « syntaxe logique ». Toutes les règles de formation que nous avons construites, propositions, syllogismes, sorites et épis, constituent ensemble le « calcul terministe ». Ce calcul, système connexe de règles, est autonome, c’est-à-dire qu’il fonctionne tout seul.

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Univers du discours On note avec le logicien B. Russell que « ce qui est asserté dans le syllogisme, ce ne sont ni les prémisses ni la conclusion, mais uniquement la connexion entre ces prémisses et cette conclusion [Russell Principia Mathematica p.28 1905]. Ainsi ce n’est pas la vérité (ou la fausseté) des propositions qui est en jeu dans l’espace logique, mais uniquement la validité (ou non-validité) des connexions établies entre elles. En d’autres termes, l’espace logique est une syntaxe pure, c’est-à-dire un système de règles qui fonctionne indépendamment de ses valeurs argumentales. Les valeurs argumentales de l’espace sont de deux sortes, les classes et les « propositions catégoriques ». Le système formé par l’espace logique et ses valeurs argumentales s’appelle « univers de discours ». Sachant que chaque terme dénote une classe d’individus, on sait que ce qui sera valide pour les termes, sera vrai pour les classes que ces termes dénotent et pour les concepts correspondants. Ainsi, les propositions seront vraies en fonction des termes quelles valident [voir § 2 ]. L’univers de discours correspond à une interprétation de l’espace logique dans un domaine d’individus. Propositions catégoriques Pour interpréter cet espace logique que nous avons construit, on le complète par un jeu de propositions catégoriques (propositions admises pour vraies sans démonstration) qui représentent un « état de la Loi » dans le dialogue. catégoriques UNIVERS DE DISCOURS espace logique Les propositions catégoriques sont les axiomes du calcul terministe. Ce sont des propositions qu’on ne pourra jamais obtenir par des preuves strictement déductives « car il serait impossible qu’il y ait démonstration de tout ». [Aristote Méta B 2 996 b 31].

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Les propositions catégoriques sont des propositions admises pour vraies a priori. On les classe selon leur degré d’analyticité . Ce degré est d’autant plus haut qu’il se rapproche de la syntaxe pure. Le tableau suivant en donne la liste. Propositions catégoriques analytiques nécessaires principes a priori gnoséologiques contractuelles Propositions analytiques Les propositions appelées « analytiques » sont vraies en fonction des termes qu’elles contiennent (a = a, les célibataires sont non-mariés, etc.). Ces propositions ne peuvent pas être révoquées en doute sans devoir du même coup renoncer à toute logique. Elles appartiennent au principe de raison. Propositions analytiques exemples lois logico- syntaxiques principe d’identité définitions etc.

P = P (identité) toute chose est identique à elle-même P ou non-P les célibataires sont non-mariés aucun rond n’est carré aucun triangle n’a quatre côtés

Les propositions « analytiques » sont les plus triviales et partant les plus fiables. Elles n’ont aucun sens et n’ont pour objet que de permettre d’établir des conventions syntaxiques d’écriture, principe d’identité symbolique, règles de définitions des symboles, etc. Les analytiques forment la classe des propositions qu’on ne saurait remettre en doute : elles constituent le fondement de la rationalité. Propositions nécessaires Les propositions appelées « nécessaires » sont vraies au sens de la logique modale. Dans cette logique, la modalité « nécessaire » veut dire strictement « non- possible que non p). Contrairement aux analytiques qui sont purement syntaxiques, les propositions nécessaires relève d’une sémantique, c’est-à-dire d’un rapport entre une syntaxe et un monde contenant des individus. Les propositions nécessaires sont vraies dans tous les mondes possibles .

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Propositions nécessaires exemples sémantique modale « il y a un monde et

non pas rien » « les hommes sont mortels »

Principes a priori Les propositions catégoriques du troisième type sont les principes logiques. Ces principes sont construits et posés a priori. On trouve DE OMNI et NULLO, Tiers-exclu, etc. Ces principes déterminent la forme du système. On doit savoir que dès qu’on modifie ces principes, on modifie en même temps la logique du système dont on parle. principes a priori exemples DE OMNI

TIERS-EXCLU Propositions gnoséologiques Les propositions dites « gnoséologiques » assertent des connaissances admises. « Une connaissance, disent les logiciens stoïciens, est une proposition que ni la raison ni les faits ne peuvent détruire ». Parmi ces connaissances, on retrouve les faits établis expérimentalement, par exemple l’existence de maladies virales, le principe de gravitation etc. Certes, ce savoir peut toujours être remis en question, néanmoins, il existe des propositions gnoséologiques dont il n’est pas raisonnable de douter. Propositions gnoséologiques

exemples

connaissances admises faits établis expérimentalement

l’hépatite B est une maladie virale la terre tourne autour du soleil la circulation du sang

Propositions contractuelles On trouve ensuite des propositions beaucoup plus faibles, dites « contractuelles », mais qu’on ne saurait révoquer en doute sans mettre en jeu son « statut dans la cité ». Ce sont les lois juridiques et morales.

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Propositions contractuelles

exemples

lois juridiques et morales contrats

« nul n’est sensé ignorer la loi »

A ces dernières, on ajoute les règles des jeux dans lesquels le sujet s’inscrit. Les propositions contractuelles d’un jeu ne peuvent pas être remises en cause pendant ce jeu. Indépendamment de leur valeur sociale, sérieuse ou non, ces règles sont catégoriques. Leur manquement rend le système inapplicable. Règles des jeux contrats Les propositions catégoriques selon leur degré d’analyticité s’imposent sans preuve. Elles jouent le rôle de « point-limite » dans les procédures déductives. Il suffit de les poser pour que la récursion des règles marque un arrêt et valide toute une procédure. Elles forment la « base de validité » que le système se donne. Certes, certaines d’entre elles peuvent être remise en cause. Dans ce cas, elles sont considérées comme n’appartenant plus à la classe des propositions catégoriques. Les analytiques et les nécessaires sont logiquement vraies et sont considérées comme des lois d’évidence . Les principes a priori et les gnoséologiques sont indispensables à l’établissement des connaissances . Enfin les propositions contractuelles représentent les principes minimaux de socialité , tant il est vrai que l’exercice de la raison ne peut s’effectuer en dehors du champ social.

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Fascicule 4

SEMANTIQUE DES OBJETS

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TABLE DES MATIERES

Fascicule 4

SEMANTIQUE DES OBJETS

Objets et concepts........................................................82 Objets et verbes............................................................89 Relation Genre - Espèce...............................................92

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OBJETS ET CONCEPTS La présente section décrit la formation des objets dans une logique terministe. Avant de dérouler la procédure de construction de cet important concept, commençons par quelques rappels syntaxiques et sémantiques. Structure de la prédication Dans la structure de la prédication, le sujet (S) et le prédicat (P) sont des termes dont les fonctions sont différentes. Le prédicat P désigne un « concept » et le sujet S, un « objet » de l’univers de discours. exemple tout « oiseau » est « ovipare » S P objet concept En clair, le sujet de la proposition (S) désigne toujours un objet. Une proposition terministe est composée d’un objet, d’une copule et d’un concept. Cette remarque triviale implique de distinguer dans la proposition deux types abstraits, le sujet (objet) et le prédicat. Le sujet « oiseau » est un objet et n’est pas de même type logique que le prédicat « ovipare » qui est un concept (propriété, attribut d’objet). La distribution des termes dans la proposition définit la fonction : en place du sujet logique, on écrit un signe désignant un objet. En place du prédicat, on écrit un signe désignant un attribut (ou concept). Contrairement à l’exemple ci-dessus, le terme « ovipare » est un nom d’objet dans l’exemple qui suit. certains « ovipares » sont « désespérés » S P objet concept Le sujet de la proposition comme « objet de l’unive rs de discours »

Tout objet vérifie l’ensemble des concepts qui le c aractérisent. Tout objet vérifie l’ensemble de ses propriétés. En sélectionnant au hasard, on peut trouver pour l’objet x, la liste des concepts suivante objet x

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est ovipare est vertébré est bipède a deux ailes a un bec a des plumes etc. En effet, tout objet noté « oiseau » vérifie les propriétés ci-dessus. Pour le système, « oiseau » représente une collection de concepts qui contient ceux notés ci-dessus. A l’inverse, certaines collections de concepts appartenant à l’espace logique ne caractérisent aucun individu l’individu x est ovipare est vertébré est bipède a deux ailes a un bec a des plumes est logicien. En effet, aucun individu vérifiant le concept « logicien » ne porte des plumes. Dans un univers de discours, on appelle « objet » une collection de concepts caractérisant un individu. Cette collection correspond à une intersection (non-vide) d’une « famille » de concepts. ci x cj ck Un « objet de discours » correspond à la classe des concepts validés par un même individu. Exemple d’objet « oiseau » objet concepts prédications oiseau ovipare

vertébré bipède avoir deux ailes avoir un bec avoir des plumes ect.

tout oiseau est ovipare tout oiseau est vertébré tout oiseau est bipède tout oiseau a deux ailes tout oiseau a un bec tout oiseau a des plumes

Ainsi la description conceptuelle d’un objet consiste en une énumération de ses propriétés connues.

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objet classe de concepts On appelle donc « objet », la classe des définitions qui caractérisent un individu. Quand on parle de « oiseau » dans « tout oiseau est vertébré », le terme-Sujet est un objet de discours, une collection de concepts. Cet objet est générique. La prédication terministe se réécrit donc sous la forme : . [Objet [cop] Concept] Sujet Prédicat oiseau vertébré On constate dans cette forme que les deux termes S(objet) et P(concept) n’ont pas la même structure. Ils sont « asymétriques ». Cette disposition asymétrique fonde la sémantique terministe. Opération de prédication Prédiquer un objet, c’est asserter une de ses propriétés (concepts). Par la prédication (S cop P), un objet (S) montre une de ses propriétés caractéristiques P. Mais ici, ce n’est pas l’objet qui est inclus dans le concept comme dans le calcul méréologique des classes, mais le concept qui est détaché de l’objet. C’est ainsi que tout objet se montre dans le discours. OBJET (sujet) PREDICAT nom d’une classe de concepts --------> nom d’un concept appartenant à la classe Ainsi construire une proposition terministe à propos d’un objet, c’est prédiquer un des termes qui appartient à sa description. Trivialement, en d’autres termes, une proposition est vraie pour le système si le prédicat appartient à la « classe des définitions » du sujet. Classe de définition une proposition terministe est vraie si et seulement si le prédicat appartient à la « classe des définitions » du sujet . Sémantique des objets Pour savoir si une proposition est vraie, le système n’a nul besoin de tester la réalité du monde. Il lui suffit de vérifier si le prédicat proposé est représenté dans la classe des définitions qui caractérise l’objet. Si le prédicat n’appartient pas à l’objet, alors soit la proposition est fausse, soit la classe des définitions est incomplète. Par l’analyse de la structure propositionnelle, nous pouvons constater que la sémantique terministe n’est pas conditionnée par un rapport au monde, mais par la syntaxe logique de la prédication. Cette sémantique n’est donc pas empirique, mais strictement close dans un champ opératoire symbolique.

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Asymétrie des positions de prédication et Identité des concepts L’asymétrie sujet/prédicat suppose que le concept sous le prédicat soit, en quelque sorte, répété deux fois dans la proposition : une fois sous le sujet dans la définition de l’objet et une fois comme prédicat. On dira que ce concept est représenté (littéralement re-présenté), c’est-à-dire « présent deux fois » dans la proposition. classe des définitions de l’objet

prédication du concept

sujet prédicat oiseau (ovipare , vertébré, etc.)

ovipare

Ainsi dans la relation sujet - prédicat, le « principe d’identité des concepts » doit être maintenu. Un même concept appartient à la classe des définitions de l’objet et constitue en même temps le prédicat. Générer des objets de discours Les objets sont construits par classes de concepts appartenant à l’espace logique. Ainsi, il peut concevoir des objets qui n’existent pas, (ou pas encore) en rassemblant une famille de concepts compatibles et en les soumettant au dialogue. Ainsi dans un univers de discours, il se peut qu’il y ait des objets contradictoires, impossibles ou mieux, incompatibles avec eux-mêmes. Ces objets sont soit éliminés par règles internes de l’espace logique soit réfutés dans le dialogue. Exemplaires d’objets Pour la logique, l’individu (singulier) est, selon le mot d’Aristote, un accident. Le terme qui couvre un individu s’appelle « objet » et l’individu « exemplaire ou instance » de cet objet. Ainsi dans la tradition philosophique, on distingue « ce cheval » (individu) en tant que « cheval »(objet). Les objets sont donc des constructions logiques. Ce sont des « pensées » construites par collections de concepts. Ces objets sont de type générique. Comment établir un rapport entre ces objets génériques et les individus singuliers du monde? Un individu singulier dans le monde( cette table, cet oiseau, etc.) dont on parle dans un dialogue constitue un « exemplaire » d’objet générique. Certaines traditions logiciennes, notamment les stoïciens, appelle cet exemplaire, une « représentation » indiquant par là que l’intuition ne peut connaître et reconnaître un singulier que pour autant que ce singulier tombe sous un objet de discours prédéfini qui l’interprète. Critères d’existence Nous avons vu que l’objet générique est défini par l’intersection d’une famille de concepts appelée « classe des définitions ». En logique, on dit d’une classe qu’elle « existe » quand elle n’est pas vide. [Principia Mathematica Russell & Whitehead 1905]. Ainsi un objet « existe » quand l’intersection qui le caractérise n’est pas vide.

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Existe-t-il dans le monde un individu qui vérifie la classe de concepts suivants ? questions (concepts) réponse (nom d’objet) vertébré ornithorynque ovipare avec queue plate quadrupède sans plumes avec bec questions (concepts) réponse (nom) vertébré classe vide ovipare avec queue plate quadrupède sans plumes avec bec sachant le latin Ontologie La collection des objets génériques non-vides (existant) d’un univers de discours s’appelle « ontologie ». Dans l’ontologie, il y a des « objets », dans le monde, il y a des exemplaires d’objets (individus). ontologie objets génériques (sujets terministes) monde exemplaires singuliers et pluriels On remarque qu’une proposition fausse à propos d’un objet ne remet pas nécessairement en cause l’existence de cet objet. Il se peut que l’objet existe réellement, mais que sa description soit erronée. le finnois est une langue slave faux (finno-ougrienne) Tegucigalpa est la capitale du Nicaragua faux (Honduras) les microbes sont des animaux faux A l’inverse certains objets prédiqués n’existent pas. les martiens sont des bipèdes sans plumes

classe vide

les licornes sont herbivores classe vide les dragons sont des sauriens classe vide

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certains éléphants avaient été nommés général dans l’armée d’Hannibal

possible

certains éléphants commandaient dans l’armée d’Hannibal

barré - filage (traitement par trope)

Exemple de preuve A tout commandant est sujet parlant E aucun éléphant n’est sujet parlant ______________________________ E aucun éléphant n’est commandant CAMESTRES (2°f ig.) Enigme de l’objet L’objet dans le discours se présente sous la forme d’une énigme, soit qu’on connaisse le terme, mais qu’on ignore la classe des définitions qui le caractérisent, soit qu’on dispose d’une classe de définitions, mais qu’on ignore son nom. 1 soit un terme (dénotant un objet), quelle est sa classe de définitions ? 2 soit une classe de définitions, quel est le terme qui la dénote ? Exemple du premier cas quelle est la classe de définitions ? noms réponse qu’est-ce qu’un « ornithorynque » ? définitions c’est quoi un « cigare » ? définitions qu’ entend-on par « rente foncière » ? définitions etc. Exemple du second cas (pris à La Fontaine « Le cochet, le chat et le souriceau » Un souriceau pose à sa mère les questions suivantes : Soit une classe de définitions, quel est son nom ? (concepts) réponse (nom) est turbulent plein d’inquiétude a la voix perçante et rude sur la tête, un morceau de chair une sorte de bras dont il s’élève en l’air comme pour prendre sa volée, la queue en panache étalée se battait les flancs avec ses bras faisant tel bruit et tel fracas

cochet (coq)

est doux, bénin et gracieux chat

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m’a semblé si doux, est velouté comme nous marqueté, longue queue, une humble contenance, un modeste regard et pourtant l’oeil luisant je le crois fort sympathisant avec messieurs les rats car il a les oreilles en figure aux nôtres pareilles L’énigme du nom (dont l’énigme du sphinx est la version la plus connue) sous ses deux formes appartient au mécanisme dialogique de la logique terministe. Cette structure illustre le mode de questionnement utilisé par l’univers de discours pour s’informer. Conclusion partielle Ainsi, sans nécessité d’accès au monde par l’intuition sensible, un automate logique peut résoudre, par des procédures syntaxiques et dialogiques, les questions sémantiques qu’on lui pose.

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OBJETS ET VERBES Partition de la classe des définitions Les concepts logiques ne sont pas les seuls traits caractérisants les objets de discours. Pour être complète, la définition d’un objet doit également être décrite comme intersection d’une famille de « verbes génériques ». Ainsi, la classe de définition d’un objet est structurée en deux sous-classes, notées « formes conceptuelles » et « formes verbales ». classe des définitions d’un objet

intersection d’une famille de concepts

être attributs formes conceptuelles

intersection d’une famille de verbes

faire actions formes verbales

La classe des définitions s’articule donc en deux sous-classes (être|faire), au moyen desquelles l’objet de discours est caractérisé par « ce qu’il est » (propriétés conceptuelles) et par « ce dont il a la capacité » (propriétés actantielles et factuelles). Ainsi, prédiquer un objet, c’est pointer une de ses propriétés conceptuelles ou factuelles. La sous-classe des formes conceptuelles définit l’objet comme « étant » et celle des formes verbales, comme « actant ». Prédicats et verbes La terminologie grammaticale, fortement dominée par une tradition logicienne, ne distingue pas clairement les notions de verbes et de prédicats. Cette distinction néanmoins s’impose comme nous l’avons déjà noté en étudiant la structure des signes linguistiques et logiques. [Logique & Grammaire §1] La grammaire distinguent les « verbes d’état » des « verbes d’action ». En fait les verbes d’état « être », « paraître », « sembler », « devenir », « rester » sont des copules grammaticalisées et ne sont pas retenus comme verbes. sujet cop prédicat Socrate est chauve Socrate paraît chauve Socrate semble chauve Socrate devient chauve Socrate reste chauve Socrate demeure chauve Les verbes dits « d’action » (cf verbes tout-court), contrairement aux prédicats logiques qui n’ont qu’un seul argument, se donnent par valences. Ils peuvent être

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« impersonnels » « intransitifs », « transitifs », « avec datif » et « locatifs ». A chaque valence correspond un argument. Ainsi par le verbe, l’objet prédiqué est lié à d’autres objets. Le tableau ci-dessous énumère les valences de base à partir desquelles la grammaire tire une combinatoire. 0 impersonnel avalent il pleut 1 intransitif monovalent il dort 2 transitif bivalent il le mange 3 avec datif trivalent il le lui donne 4 locatif valence loc. Il y va En aucun cas, les verbes « dormir », « manger », « donner » « aller » ne sauraient tels quels être considérés sémantiquement comme des concepts attribués à des sujets logiques. De même, il serait absurde de vouloir assigner des valences grammaticales à des copules prédicatives. Exemple de sous-classes de verbes caractérisant un objet nom d’objet verbes valences oiseau vole intransitif picore transitif avale transitif Verbes dans la logique Marcher, galoper, hennir (verbes de valence 1) appartiennent à la classe des définitions de tout « cheval-en-tant-que-cheval ». Ces verbes pris comme prédicats sont vrais de tout cheval, même si le cheval dont il est question ne marche, ne galope ni ne hennit. Dans l’expression classique « cet α en tant α », la première occurrence de α désigne un individu (exemplaire) et la seconde, un objet de discours. C’est en effet savoir peu de chose que de savoir qu’un chapeau est en feutre, en paille ou tout autre matière si l’on ne sait pas qu’on peut le mettre sur sa tête, qu’il peut s’envoler et qu’on peut l’oublier quelque part. Ce double savoir conceptuel et factuel est nécessaire à l’univers de discours en tant que représentation du monde. Mais il faut y mettre un peu d’ordre. L’ordre des valences et leurs interconnexions sont étudiées dans la grammaire. Individus et objets Nous avons vu qu’un « individu » appartient à un univers de discours (Ud) en tant qu’« exemplaire » d’objet. Pour cet Ud, l’individu-exemplaire, donnée sensible du monde physique, est une « valeur assertive de dialogue ». En effet, dès lors qu’il est admis comme valeur, l’individu n’a pas besoin d’être exhibé; il suffit qu’il soit « signifié », c’est-à-dire représentée comme « objet » dans un système de signes. Ainsi peut-on parler des lunes de Saturne sans les avoir jamais vu; mieux encore, on peut parler d’objets purement conventionnels, définis et évalués dans le dialogue,

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mais qui n’ont aucun statut physique: par exemple, le prix d’une marchandise, le régime politique d’une nation, les sentiments d’une personne, etc. Ainsi, l’ontologie, c’est-à-dire la collection de tous les objets de l’univers de discours, est une totalité « sui generis », totalité dont la cohérence et la complétude ne peuvent être mise en doute que par des règles internes et des procédures de dialogue. Tout objet dans l’univers de discours est représenté par la classe de ses définitions conceptuelles ou factuelles. Cet objet est générique : une abeille, un lézard, un compte bancaire. En d’autres termes, un objet de discours est un modèle d’individu. Par ailleurs, tout individu qui tombe sous cet objet possède sa singularité propre, liée à son existence dans le temps. Cette singularité, qui fait que, dans le monde, tous les individus sont différents, ne concerne pas la généricité logique. Pour Aristote, logicien, la singularité individuelle est un « accident ». C’est à la théorie des grammaires d’en rendre compte comme nous l’avons déjà montré dans l’opposition « récit|discours » [Logique et Grammaire § 1]. En effet, dans la sémiotique grammaticale, les individus sont des « récits » traités au moyen d’une procédure en réseau notée « anaphore ». Dans les réseaux d’anaphores, les individus singuliers existent en temps conjugués. Il sont comptabilisés, mesurés et transformés par événements. Quoi qu’il en soit, quelque soit sa forme anaphorique (de son apparition jusqu’à sa disparition ou son démantèlement), un individu restera un exemplaire du même objet générique. Ainsi, quoi qu’il puisse arriver à une abeille, un lézard ou un compte bancaire, il ne lui arrivera qu’une histoire d’abeille, de lézard ou de compte bancaire. En d’autres termes, la structure de l’objet est une « cage » dont l’individu ne peut sortir sans être détruit : quoi qu’il lui arrive, il conserve tous ses attributs conceptuels. La tradition platonicienne distingue à cet égard la « figure » et la « forme » d’un objet. La figure est accidentelle et la forme principielle. Ainsi, la « figure » d’un chapeau distingue un chapeau d’un autre chapeau ou mieux deux états d’un même chapeau, mais la « forme » d’un chapeau distingue un chapeau de ce qui n’est pas un chapeau [cf Molière Le mariage forcé]. La figure est une variante individuelle d’objet ; la forme est un objet. Pour distinguer les objets entre eux et les organiser en système, les logiciens terministes disposent d’une relation notée « genre et espèce ». Cette relation a pour but de structurer hiérarchiquement l’univers du discours.

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RELATION GENRE-ESPECE Dans la prédication d’une proposition, un terme peut avoir deux fonctions : celle de sujet ou celle de prédicat. Nous avons vu que dans la fonction de sujet, le terme désignait toujours un objet et dans celle de prédicat, un concept. Un même terme, soit comme concept ou comme objet, participe à deux sortes de hiérarchies logiques différentes. Les concepts sont chaînés « méréologiquement » selon le principe DE OMNI par inclusions successives de classes. Les objets sont chaînés hiérarchiquement par une relation connue sous le nom de « genre et espèce » également appelée « héritage ». Distinguons ces deux modes de hiérarchisation. Hiérarchie extensionnelle des concepts La classe « mammifère » est une partie de la classe « vertébré », elle-même partie de la classe « X », etc. On écrit cette hiérarchie extensionnelle sous la forme inclusive suivante

M ⊂ V ⊂ X ⊂ Y... qui se lit : M est inclus dans V, V est inclus dans X et X dans Y. La hiérarchie des concepts (et des classes qui tombent sous ces concepts) correspond à une application successive du principe DE OMNI. En effet, ce qui est vrai de Y est vrai de X qui est vrai de V qui est vrai de M. Dans le calcul syllogistique, la hiérarchie des concepts est effectuée par l’opération de prédication à partir du Carré des oppositions. On obtient le sorite transitif suivant. SAP tout mammifère est vertébré SAP tout vertébré est X SAP tout X est Y Ainsi, en vertu du principe DE OMNI, la valeur de vérité d’une proposition dépend de la valeur de vérité de la proposition qui la contient. D’un point de vue sémantique, les termes dans leur fonction de concept désignent des propriétés et dénotent des classes d’individus qui vérifient ces propriétés. Il n’en est pas de même pour les termes désignant des objets. En effet, nous avons vu que les noms d’objets ne renvoient pas systématiquement à des propriétés : les termes « oiseaux, chats, girafes » sont des noms communs arbitraires et non des attributs. En effet « oiseau » contrairement à « ovipare » n’est la propriété de rien. Hiérarchie intensionnelle des objets (Relation Genr e-Espèce)

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Les mots « genre » et « espèce » renvoient paronymiquement aux définitions suivantes : le genre est une généralisation d’une espèce et l’espèce, la spécification d’un genre. Ainsi « genre » désigne une procédure d’abstraction qui va d’un objet spécifique à un objet plus général. A l’inverse « espèce » désigne une procédure de détermination qui va d’un objet général à un objet plus spécifique. Ainsi l’objet « félin » (genre) s’analyse par déterminations en espèces « tigre », « lion », « léopard », « jaguar », « chat ». Chaque espèce (devenant genre) s’analyse en espèces subséquentes : le genre « tigre » donne les espèces « tigre du Bengal, de Sibérie, etc. » et ainsi de suite jusqu'aux espèces dernières de l’univers de discours. A l’inverse par abstraction, l’objet « orange de Saint Domingue » (espèce) appartient au genre orange ; « orange » (espèce) appartient au genre fruit ; « fruit » (espèce) appartient au genre végétal qui appartient en tant qu’espèce au genre biotique ; « biotique » (espèce) appartient au genre objet matériel; « objet matériel » (espèce) appartient au genre « objet » (genre premier de l’univers de discours). Les limites de récursion genre|espèce se donnent dans le schéma de règles suivant: Dans tout univers de discours il y a un genre premier conceptum summum il y a des espèces dernières species infima il n’y a pas de genre dernier la détermination (descendante) ne

s’arrête jamais sur un genre il n’y a pas d’espèce première l’abstraction (montante) ne s’arrête

jamais sur une espèce. Comme exemple d’espèce « dernière », prenons le « cercle ». En effet, toute espèce « cercle » est du genre « figure de géométrie ». On peut constater qu’un cercle n’a sous soi que des cercles singuliers qui sont tous de même espèce. Certes, pour reprendre l’exemple précédent, « orange de Saint-Domingue » peut être un genre. Néanmoins, on finira par être à même d’énumérer toutes les espèces d’oranges de Saint-Domingue. Ces espèces énumérées sont ultimes. Par la relation genre/espèce, les objets de l’univers de discours sont hiérarchisés abstraitement en pyramide. genre premier espèces dernières Nous résumons le schéma des limites récursives par les définitions que donne E. Kant dans sa logique. [Kant Logique p 108] (le mot « concept » chez Kant correspond au mot « objet » dans cet exposé)

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Le concept supérieur dans son rapport avec son concept inférieur s’appelle « genre ».

Hiérarchie

Le concept inférieur dans son rapport à son concept supérieur s’appelle « espèce ».

Hiérarchie

En poursuivant « l’abstraction » logique on forme des concepts toujours plus élevés ; en poursuivant la « détermination » on forme des concepts toujours plus inférieurs.

Abstraction (montant) détermination(descendant)

ce qui convient ou contredit les concepts supérieurs convient ou contredit les concepts inférieurs.

Extensionnalité DE OMNI

Les choses conviennent entre elles par leur propriétés universelles et diffèrent par leurs propriétés particulières.

Intensionnalité

Le genre suprême est celui qui n’est pas espèce comme est dernière l’espèce qui n’est pas genre.

Limites

Il doit y avoir un concept premier « suprême (conceptum summum) « , mais il n’y a pas de concept dernier (espèce dernière)

limites

Représentation intensionnelle La prédication par inclusion est un rapport entre un objet et un concept, la prédication genre-espèce est un rapport entre des objets de types abstraits différents. tout tigre est vertébré relation objet-concept prédication par inclusion tout tigre est un félin relation objet-objet prédication espèce-genre- On note qu’une prédication par genre-espèce peut être traitée comme une prédication par inclusion, mais la converse n’est pas évidente. Les deux modes de prédication ne sont que partiellement compatibles. Un genre est commun à plusieurs espèces. En tant qu’objet, c’est un ensemble de concepts. La relation de spécification indique que cet ensemble est une partie de l’ensemble des concepts qui définissent chaque espèce dérivée. Ainsi l’ensemble des concepts qui définit l’objet « félin »correspond à une partie de l’ensemble des concepts qui définit l’objet « chat ». En d’autres termes, « chat » (espèce) est plus spécifié que « félin » (genre). Contrairement à la logique extensionnelle qui inclus l’ensemble des chats (individus) dans celui des félins, la relation genre-espèce est une logique intensionnelle dans

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laquelle l’ensemble des concepts qui caractérisent l’objet « félin » est inclus dans l’ensemble des concepts qui caractérisent l’objet « chat ». Dans la mesure où cette sous-classe « félin » est commune à plusieurs objets « léopard, jaguar, etc. » on obtient le schéma suivant. Représentation extensionnelle félin chat Représentation intensionnelle chat félin léopard genre espèce j espèce i jaguar espèce k Ainsi, on dira que toute espèce contient son genre et par corollaire, que le genre n’implique pas l’espèce . Certes, la classe des coléoptères est incluse dans celle des insectes, mais le concept d’insecte ne suppose pas celui de coléoptère ; l’espèce est indicible dans le genre. Lorsqu’un genre a deux espèces, il faut nécessairement que l’idée de chaque espèce comprenne quelque chose qui ne soit pas compris dans l’idée du genre [Arnaud et Nicole Logique de Port Royal ]. Le « genre » est attribué essentiellement à des choses multiples et différant spécifiquement entre elles. [Aristote Topiques I, 5 102 a]. Une espèce n’existe logiquement qu’au milieu d’autres espèces. Différences (intensions séparantes) En d’autres termes, une espèce est un genre auquel on ajoute telles et telles spécifications. Ainsi, pour spécifier un genre, on ajoute des définitions particulières. Les spécifications qui distinguent les espèces d’un même genre sont appelées « différences ». Une « différence » est un concept qui distingue deux espèces d’un même genre. On la nomme aussi « intension séparante ».

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Fascicule 5

LOGIQUE ET RHETORIQUE

TABLE DES MATIERES

Fascicule 5

LOGIQUE ET RHETORIQUE

Logique et rhétorique.....................................................99

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LOGIQUE ET RHETORIQUE La rhétorique est l’art de l’éloquence et de la persuasion. C’est un corps de doctrines et de techniques portant sur la maîtrise du discours. De la plus haute antiquité jusqu’aux sociétés industrielles d’aujourd’hui, cette discipline centrée sur l’efficacité de la communication a fait l’objet d’études et de recherches abondantes. Des sophistes grecs Protagoras et Gorgias et leurs critiques (Platon et Aristote) aux grands praticiens et théoriciens romains(Cicéron et Quintillien), de ceux-ci aux spécialistes européens médiévaux et classiques (Bary et Du Marsais) et, de ces derniers, aux spécialistes du XIX siècle, (Fontanier, etc). auxquels se mêlent certains philosophes, notamment Schopenhauer qui écrivit un « Art d’avoir toujours raison », la bibliographie de l’art rhétorique est immense. A cette masse de travaux prestigieux, s’ajoute tout ce qui s’est écrit en ce siècle sur la « communication efficace » en rapport avec les nouveaux moyens d’information (masse-média, téléinformatique, etc.). On voit donc, à l’âge de l’information, de la publicité, du marketing et de la propagande, que la question de l’art de dire n’est ni nouvelle ni près de s’éteindre. La rhétorique n’est pas une science. Son maître mot est « Que dire ? ». Elle ne relève pas de la théorie de la connaissance, mais de la technique « techné ». Son objet n’est pas de « savoir », mais uniquement de « savoir dire ». C’est pourquoi, au fil de son histoire, elle ne fait pas bon ménage avec la philosophie: « Rhéteurs, maîtres d’armes des mots menteurs » [Héraclite frag 93 in Battistini 1968]. Selon Platon le philosophe, « Socrate est jugé par des juges qui seront jugés par la vérité elle-même », mais selon Gorgias le rhéteur, « Palamède est jugé par des juges qui seront jugés par l’opinion publique ». Au regard de la logique, tout sépare la philosophie de la rhétorique. La première utilise la logique pour distinguer le vrai et du faux, la seconde s’en sert pour toucher (parfois piéger) et pour entraîner l’adhésion. La philosophie est du côté de la science, la rhétorique est politique et marchande. Défendant le point de vue des rhéteurs, il existe un adage qui dit que le « rhéteur ne dit pas toujours la vérité de l’être, mais contrairement au philosophe, il ne remet pas en jeu l’existence de la cité » [Gorgias]. Du point de vue contraire, il en existe un autre qui chante : Rhéteurs, rhéteurs, Criait la foule, De grâce, de grâce, Taisez-vous. [Anonyme] La visée du rhéteur est « autrui ». Ainsi, bien plus que tous ses autres attributs, l’art rhétorique est un art du dialogue. Le bon rhéteur n’est pas simplement, comme on le

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croit, une sorte de « beau parleur », mais celui qui, par tous les moyens du langage, convoite et parvient à la maîtrise de l’espace de communication. La pratique rhétorique est inscrite partiellement dans la logique. Elle en exploite les finesses, mais ne recule devant aucun abus de langage pour convaincre. On dit que la logique et la rhétorique ont tout en commun sauf la morale. Pour les logiciens, une bonne démonstration s’impose d’elle-même. Pour les rhéteurs, « une belle démonstration doit séduire et troubler l’âme ». L’enjeu de la rhétorique est la maîtrise de l’autre. C’est, avons-nous dit, un art politique et marchand. Ainsi, ce dont il s’agit n’est pas de posséder la vérité, mais de gagner dans un débat. Dans ces jeux langagiers de pouvoir, l’enjeu du rhéteur est toujours l’autre, soit pour le soutenir, soit pour l’affaiblir. Afin de se frayer la voie gagnante dans le dialogue, les rhéteurs subvertissent la logique par des abus qu’on appelle « sophismes ». Ces formes de subversions sont révélatrices des limites qui unissent et séparent la logique et la grammaire des langues, notamment l’ambiguité. Elles mettent en lumière des fonctions sémantiques nées de la mise en amalgame des deux systèmes. Le rhéteur connaît bien les deux registres et il joue constamment sur leur confusion [voir Logique et Grammaire § 1]. Avant d’étudier l’architecture de cette discipline et son ancrage dans la logique et la langue, considérons quelques exemples de sophismes et de paradoxes en usage dans la tradition rhétorique. Conseils et Sophismata La sophismata étudie les preuves fallacieuses des sophistes. En fait, nombre de ces sophismes sont des arguments d’école qui apprennent aux étudiants-rhéteurs à éviter les amalgames entre la logique et la grammaire des langues. D’une manière générale la sophismata a pour but de rendre l’étudiant agile dans le raisonnement abstrait et lui permettre de triompher dans un débat. Dix conseils 1 Quand il a su créer l’atmosphère, le bon rhéteur sait que ses arguments, quels

qu’ils soient, seront bien reçus. (captatio benevolentiae)

2 Le rhéteur sait par expérience qu’on peut très difficilement convaincre autrui avec des paroles: tout au plus peut-on tenter de le mettre d’accord avec lui-même. Comme il n’y a pas de discours parfait, le rhéteur écoute l’autre et exploite la faille. La méthode pour convaincre consiste à repérer dans le discours de l’autre une contradiction et d’aider l’autre à se mettre en accord avec lui-même.

3 Le bon rhéteur donne ses arguments en présence d’un tiers pour déjouer la mauvaise foi éventuelle de son adversaire.

4 Le bon rhéteur cultive le kaïros (pertinence et opportunité des arguments dans le cours du dialogue)

5 Le rhéteur pour convaincre un entêté, convainc un tiers de qui cet entêté a

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l’oreille. 6 Le bon rhéteur s’applique à convaincre l’autre que ce qu’il lui dit lui sera utile.

Même s’il le contredit, le rhéteur doit montrer qu’il défend les intérêts de celui à qui il parle

7 Le savant met au jour des faits nouveaux: le rhéteur donne des exemples éclairants.

8 Le bon rhéteur doit avoir toujours à l’esprit qu’il y a dans l’auditoire des gens qui ne croient pas à ce qu’il dit. Il doit également savoir que, dans ce même auditoire, il y en a aussi qui pensent qu’il ne croit pas, lui-même, à ce qu’il dit.

9 Le rhéteur vous enlève ou vous met les paroles en la bouche 10 Pour avoir toujours raison, il suffit d’avoir parfois tort et de se ranger sous l’avis

de ceux qui ont raison. La rhétorique s’enseigne. Etant « art de persuader », elle doit à tout instant faire la preuve d’elle-même, c’est-à-dire persuader qu’elle possède l’art de la persuasion. Mais persuader qu’on peut persuader par art est impossible car la rhétorique ne fonctionne que sous l’apparence de la parfaite bénignité. La rhétorique ne pouvant se montrer, elle ne peut pas se démontrer. La rhétorique efficace est toujours absente. 11 D’un élève à qui il réclamait ses gages, le maître se voit répondre : « vénéré

maître, ton art est incomplet car je n’ai encore gagné aucun procès qui rapporte ». Réponse du maître « Fort bien, si je l’emporte contre toi, c’est moi alors qui aura remporté une victoire et il faudra bien que j’en sois payé ; mais si c’est toi qui gagnes, alors c’est toi qui aura remporté une victoire, et il faudra bien que j’en sois payé. »

12 A la même requête, un autre élève répond : « l’art que tu prétends m’avoir vendu, l’as tu encore ? Si tu l’as encore alors tu ne me l’as pas vendu et donc je ne te dois rien ».[d’après Aristote]

13 « Les sophistes inconscients de l’être sont les plus grands des sophistes » [Stuart. Mill]

Sophisme de l’argument analytique On appelle « analytique » un argument qui ne peut pas être réfuté. Montrons, à la manière des rhéteurs, comment on peut démontrer cette non-réfutabilité. 14 Tout ce qui peut être pensé peut être dit argument analytique Si on juge que cet argument est faux parce qu’on a la conviction qu’il existe des pensées sans langage, il faut en donner une preuve au moyen d’un exemple. Le fait de donner l’exemple prouve qu’on peut le dire et donc confirme l’argument. 15 toute manifestation du langage s’inscrit dans un

dialogue analytique

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Si on juge que cet argument est faux parce qu’on a la conviction qu’il existe des manifestations du langage qui ne transitent pas par le dialogue, il faut en donner une preuve au moyen d’un exemple. Le fait de donner l’exemple s’inscrit dans un dialogue et confirme l’argument. Postulat conversationnel 16 est-ce que vous pourriez me dire l’heure qu’il est ? ambigu 17 est-ce que vous pourriez sortir la poubelle ? ambigu Dans (16) et (17) le verbe « pouvoir » est employé soit comme une modalité factuelle, soit comme une modalité de capacité. A ces deux questions, un rhéteur peut répondre « oui » et passer son chemin. Ce faisant, il aura fort bien répondu en assertant qu’il en a la capacité sans pour autant s’engager ni à dire l’heure ni sortir la poubelle. Postulat : la réponse en principe ne doit pas être une affirmation mais un acte.

Sophisme du nouveau-né La disjonction exclusive (P ou bien nonP) est toujours vraie parce que l’un des disjoints est toujours vrai. Sur cette base, le jeu suivant est un sophisme qui viole le sens commun. Jo est-ce une fille ou un garçon ? Zette Oui sophisme C’est en effet toujours vrai qu’un être humain est soit une fille soit un garçon.

Sophisme de Trouillogan [Rabelais Tiers Livre] Le sophisme de Trouillogan est un jeu de même type portant sur les modalités logiques. Pantagruel pose deux fois la même question au philosophe Trouillogan qui donne deux réponses différentes également vraies et également absurdes : Argument 1 Pantagruel Panurge se doit-il marier ou non ? Trouillogan les deux ensemble sophisme En effet, il doit nécessairement être (marié ou non-marié). Argument 2 Pantagruel Panurge se doit-il marier ou non ? Trouillogan ni l’un ni l’autre sophisme En effet, il ne doit pas nécessairement être marié ni non plus être non-marié.

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Sophismes par filage On dit d’une figure qu’elle est « filée » quand elle prend appui sur deux niveaux de réalité incompatibles. Tirée d’une chanson populaire, la métaphore (18) est licite; la variante (19) est filée. 18 Elle m’a griffé du chat de ses yeux,

j’en porte encore les cicatrices dans le cœur

métaphore

19 Elle m’a griffé du chat de ses yeux,

j’en porte encore les cicatrices sur le visage

métaphore filée

Sophisme syllogistique les hommes sont mortels les morts ne sont pas mortels _______________________ les morts ne sont pas des hommes (2° fig. CAMESTRES ) Ce syllogisme sophistique est logiquement valide.

Sophisme de l’homme voilé

Electre sait qu’Oreste est son frère L’homme voilé qui vient d’entrer est Oreste Electre ne sait pas que l’homme voilé est son frère _________________________________________ Donc Electre ne sait pas qu’Oreste est son frère

Sophisme du cheval bon-marché Un cheval bon marché est rare ce qui est rare est cher __________________________ un cheval bon marché est cher Sophisme d’Aristote S’il faut philosopher, il faut philosopher s’il ne faut pas philosopher, il faut philosopher pour le savoir _________________________ donc, il faut philosopher

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Paradoxe de Socrate et Platon Socrate dit que Platon est un menteur Platon dit que Socrate dit la vérité Si Socrate dit la vérité alors Platon ment et donc Socrate ment et donc Platon dit la vérité et donc Socrate dit la vérité. Paradoxe de Socrate, Platon et Cicéron Socrate : ce que dit Platon est faux Platon: ce que dit Ciceron est faux Cicéron : ce que dit Socrate est faux Si Socrate dit la vérité alors Cicéron dit la vérité et donc Socrate ne dit pas la vérité et donc Cicéron ne dit pas la vérité et donc Socrate dit la vérité.

Paradoxe du « Dîner de Socrate » (1) Socrate mange quand Platon mange (2) Platon mange quand Socrate ne mange pas. Si Socrate mange, c’est donc que Platon mange donc que Socrate ne mange pas. Mais si Socrate ne mange pas alors c’est que Platon mange(2) et si Platon mange alors Socrate mange(1). En raisonnant à rebours, on déduit que si Socrate ne mange pas, c’est donc que Platon mange(2) et donc que Socrate mange(1) et donc Platon ne mange pas(2) et donc que Socrate ne mange pas(1). Paradoxe des propositions générales (d’après Montai gne) 20 toutes les propositions générales sont fausses Si la proposition est vraie, étant une proposition générale, elle est fausse. Paradoxe d’Epiménide, le Crétois Epiménide, le Crétois déclare 21 Les Crétois sont menteurs S’il dit vrai, il n’est pas menteur, mais selon son dire (étant Crétois), il est menteur et donc il ment. S’il ment (en tant que Crétois), il dit la vérité sur les Crétois.

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Epiménide dit vrai quand il ment et ment quand il dit vrai Variantes du paradoxe du menteur [Albert le Grand] 22 Ego dico falsum (ce que je dis est faux) Si la proposition est vraie alors elle est fausse et si elle est fausse, elle est vraie. Principe logique contre les paradoxes Pour éviter les paradoxes, la logique se donne le principe suivant :

Une proposition ne doit pas parler d’elle-même Exemple d’argument circulaire Descartes, voulant s’attirer les bonnes grâces de la Sacrée Faculté de Théologie de Paris compose la dédicace suivante, modèle d’argumentation circulaire. A Messieurs les Doyens et Docteurs de la Sacré Faculté de Théologie de Paris Messieurs, La raison qui me porte à vous présenter cet ouvrage est si juste, et quand vous en connaîtrez le dessein, je m’assure que vous en aurez aussi une si juste de le prendre en votre protection, que je pense ne pouvoir mieux faire pour vous le rendre en quelque sorte recommandable qu’en vous disant en peu de mots ce que je m’y suis proposé. J’ai toujours estimé que ces deux questions de Dieu et de l’âme étaient les principales de celles qui doivent plutôt être démontrées par les raisons de la Philosophie que de la Théologie. Car bien qu’il nous suffise à nous autres qui sommes fidèles, de croire par la Foi qu’il y a un Dieu, et que l’âme humaine ne meurt point avec le corps, certainement il ne me semble pas possible de pouvoir jamais persuader aux Infidèles aucune Religion, ni quasi même aucune vertu morale, si premièrement on ne leur prouve ces deux choses par raison naturelle; (...) Et quoi qu’il soit absolument vrai qu’il faut croire qu’il y a un Dieu parce qu’il est ainsi enseigné dans les Saintes Ecritures, et d’autre part qu’il faut croire les Saintes Ecritures parce qu’elles viennent de Dieu, celui-là même qui donne la grâce pour faire croire les autres choses, la peut aussi donner pour nous faire croire qu’il existe. On ne saurait néanmoins proposer cela aux Infidèles qui pourraient s’imaginer que l’on commettrait en ceci la faute que les Logiciens nomment un Cercle. [Descartes Méditations]

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ARCHITECTURE DE LA RHETORIQUE L’art rhétorique est bâti en trois classes de questions, (1) les caractères de l’orateur, (2) les types de preuves, (3) les modes du discours. A Architecture de la rhétorique 1 caractères de l’orateur 2 types de preuves 3 modes de discours 1 Caractères de l’orateur - Caractères de l’orateur pathè éthè Pathè L’art rhétorique dans le rapport à autrui distingue deux modes de transfert : l’un s’appelle la « pathè » fort en usage, mais jugée indigne et l’autre « l’éthè » sur lequel est fondée la méthode. La pathè persuade par les sentiments et les pulsions, l’éthè par l’art et la raison. Le rhéteur qui persuade par la « pathè » est jugé indigne en ce qu’il fait appel, non pas à l’intelligence et à la finesse de l’auditoire, mais uniquement à sa sensibilité. La pathè (gr. pathetikos) cherche à émouvoir en jouant sur les registres passionnels et pulsionnels. Elle évite le « concept logicien » à tout prix et procède uniquement par anecdotes de proximité et noms-propres. La pathè, (le pathos) d’usage fort courant dans tous les domaines, ne nécessite pas de formation particulière ; ce n’est pas une discipline d’école. La raison principale du discrédit de la pathè (c’est en même temps ce qui fait toute sa force) est de faire en sorte qu’un discours puisse entraîner l’adhésion sans avoir à fournir de preuves. Il suffit d’être touché pour suivre « le coeur a ses raisons que la raison ne connaît pas » lit-on dans les Pensées de Pascal. Doxa A l’aube de la logique comme science, Parménide trace les deux chemins de l’activité de penser ,le logos (le logique) et le mµtos (le mythique). Le premier est la voie de la vérité, le second, proche de la pathè est celle de l’opinion appelée encore « doxa » pour les croyances individuelles et « endoxa » pour les croyances communes. Les deux chemins sont également logiques mais diffèrent par leurs critères de certitude. La doxa est la raison au service des mythes, le logos est la raison au service d’elle-même. Dans sa vie de tous les jours, le sujet emprunte les « deux chemins » en même temps et met en amalgame logos et mµtos. Le rôle de l’étude logique consiste à déconstruire les amalgames en enseignant le savoir méthodique du logos. En grec « méthode » s’analyse en « met hodos » qui veut dire « avec chemin ».

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La pathè qui est misologue (haine du logos) s’appuie sur la doxa. Elle se caractérise par son manque de rigueur et son occultation des fonctions de contrôle du dialogue. L’abus de cette pratique est à la longue coûteuse car elle rend peu à peu le sujet indifférent à la contradiction et donc à la preuve. Son esprit devient approximatif en toute chose et incapable d’analyse ni de synthèse. Ethè L’art rhétorique commence à l’éthè. Cet éthè (éthique) emprunte le chemin du logos sans pour autant renoncer à une certaine liberté propre à la réthorique. L’éthè se divisent en trois types, « la phronésis » (bon-sens), « l’arètè » (vertu) et « l’énoïa » (sympathie). ETHE phronésis bon-sens arétè vertu énoia sympathie Ces qualités, à l’évidence, ne sont pas nécessairement celles du rhéteur, mais celles que l’auditoire doit lui attribuer pour que la persuasion soit effective. La doctrine rhétorique pose ces qualités comme critères minimaux de toute communication et de toute adhésion. Ils définissent les conditions de la bonne écoute appelée dans la tradition « captatio benevolentiae ». Phronésis : l’auditoire aime à penser que celui qui parle est intelligent et plein de bon sens . Il doit, sans être nécessairement savant, être ouvert au savoir : l’orateur, en principe, est quelqu’un par lequel l’information circule : il doit montrer qu’il a assez de bon sens pour n’être ni borné, ni nourri de préjugés. Celui qui parle doit prendre en compte ce qu’on lui dit et prendre le risque d’être convaincu par celui qu’il veut convaincre. L’auditoire doit à penser que celui qui parle sait écouter. Arètè : l’auditoire aime également à penser que celui qui parle est digne de foi, qu’il engage sa parole dans ses dires et qu’il est sincère. La vertu l’oblige à parler méliorativement au nom de la Cité, du bien commun ou du bien de l’autre. Pour être digne de foi, le rhéteur doit donner l’apparence d’être un bon citoyen, ni endetté, ni ivrogne ni drogué ni violent ni voleur ni menteur ni joueur etc.

Enoïa : Roland Barthes explique [Aide-mémoire rhétorique, Communication 16 Ed Seuil Paris 1976] que l’énoïa se dit de l’orateur qui apparaît comme « un gars sympa ». L’auditeur n’aime rien tant que la parité et la possibilité de refuser le discours, sous réserve d’une bonne raison. En conséquence, le rhéteur ne doit être ni commandeur ni dogmatique et doit faire régner une bonne atmosphère (captatio benevolentiae). Il ne doit être ni « gueulard » ni vantard ni vindicatif. L’énoïa, au delà des enjeux du dialogue indique que les participants d’un dialogue sont contents d’être ensemble.

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TYPES DE PREUVES A la différence de la « pathè » qui rejette toute forme d’analyse, « l’éthè », dimension éthique de la rhétorique, exige de l’orateur qu’il apporte des preuves de ce qu’il dit. Pour satisfaire cette exigence communicationnelle, l’art rhétorique établit une typologie des preuves recevables dans un dialogue. Il existe dans l’éthè deux grands types de preuves, les preuves dites « hors la technique » (atechnoï) et les preuves dites « par la technique » (technoï). On classe sous les preuves « hors la technique », tous les arguments d’autorité, lois de la cité, articles de foi, traditions, habitus sociaux, citations d’auteurs, commandements etc. On classe sous les preuves « par la technique », (1) les monstrations (évidences concrètes et évidences a priori) et (2) les démonstrations (discours organisés). Les démonstrations sont à leur tour classées par ordre de force (2a) déductives, (2b) inductives, (2c) comparaisons (proportions et analogiques). Tableau des types de preuves PATHE sans preuves doxa croyances

personnelles ETHE avec preuves preuves hors la

technique arguments d’autorité

lois de la cité coutumes, citations d’auteurs règles éthiques

endoxa croyances communes sens commun lieux communs

preuves par la technique

monstrations évidences concrètes

évidences a priori

démonstrations déductions inductions comparaisons

et analogies Exemples de preuves « hors la technique » Les preuves « hors la technique » sont courantes et nécessaires dans la vie sociale: il ne serait être question d’exiger une preuve formelle de tout. Ainsi; je n’ai jamais effectué le tour de la planète, mais douter pour autant que la terre est ronde serait

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trop coûteux. Je l’admets par « atchnoï » dans mon univers de discours sur la « foi d’autrui ». Citons sans analyse quelques exemples de preuves hors-la-technique (atechnoï). Les termes notés en caractères gras constituent le corps de la preuve donnée. 23 Les Saintes Ecritures montrent à l’évidence la fausseté de la théorie

darwinienne de l’évolution des espèces. Elles disent assez haut qu’il y a une vie après la mort et qu’on peut donc se sacrifier pour la patrie.

24 Quelques grands savants ont affirmé que l’énergie nucléaire était pratiquement maîtrisée et désormais sans danger pour l’humanité.

25 J’ai lu dans un livre qu’on pouvait guérir du cancer par le moyen des médecines douces.

26 Mon père qui est né dans ce quartier m’a affirmé qu’il y avait ici des arbres immenses.

27 Ma maman m’a dit qu’il ne fallait pas jouer avec des inconnus. 28 Ma maman m’a toujours dit que pour cuisiner un blaff, il fallait s’y prendre de

cette façon. 29 Le Général de Gaulle qui n’aimait que les grands co mmis disait que les

politiciens étaient des politi-chiens 30 Karl. Marx a déclaré que les armes de la critique ne dispensait pas de la

critique des armes. 31 On a dit à la télévision que l’économie libérale était meilleure pour l’emploi

que l’économie dirigée. 32 On dit que boire deux petits verres est bon pour la santé 33 Le dernier rapport de l’OCDE indique que le crédit à court terme va se

renchérir.

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Preuves « par la technique » (1) Monstrations (évidences) Les évidences, par définition, doivent être « vides de questions »: On peut les rappeler dans le dialogue, mais elles constituent, en principe, ce que le sujet est supposé admettre sans discussion supplémentaire ou ce qu’il est supposé savoir. Les évidences se « montrent » d’elles-mêmes. On ne les démontre pas. Elles peuvent être de deux sortes (1a) les évidences concrètes, (1b) les évidences a priori. (1a) Exemples d’évidences concrètes 34 Pour prouver qu’un vase est fragile, on peut le jeter au sol. S’il se brise, la

preuve est faite. Cette preuve s’appelle un test (de fragilité). 35 Pour montrer qu’une matière est inflammable, il suffit d’y mettre le feu. 36 Pour avoir la preuve que les ornitorynxes sont ovipares, il suffit d’en voir un

pondre un oeuf. 37 Quand la police prend, devant témoins, un homme en flagrant délit de vol,

elle peut affirmer qu’il est coupable du délit qu’il a commis. 38 Pour savoir s’il y a un court-circuit dans le réseau électrique de ma maison,

il suffit d’enclencher le commutateur. Si une étincelle se produit et que la lumière s’arrête, la preuve est faite.

39 Pour avoir la preuve qu’on a sucré son café, on le goûte. Certains philosophes dits « sceptiques » remettent en cause le principe des évidences concrètes. Cette remise en cause n’est pas sans intérêt dans l’étude du phénomène de perception. Néanmoins, on ne saurait l’éliminer complètement sans sombrer dans le ridicule comme Molière nous en donne l’exemple. Pour se moquer d’un philosophe sceptique qui prétendait douter de tout de manière méthodique, Molière, dans Le Mariage Forcé, met en scène deux personnages, Sganarelle et un philosophe. Le premier enferme le second dans un sac et le roue de coups avec un bâton jusqu’à ce qu’il reconnaisse qu’il ne peut pas douter du caractère concret des événements du monde: « je reçois des coups donc je suis ». (1b) Evidences a priori Sous les évidences a priori, on classe tout ce qu’on est tenu d’admettre sans démonstration. Les a priori , postulats , et axiomes sont au coeur de l’appareil logique. On n’en donne à ce stade qu’une liste non-limitative. Ces évidences seront introduites et justifiées au cours de l’exposé [voir Propositions Catégoriques § 3]. principe d’analyticité principe de non-contradiction principe De omni et nullo principe du Tiers-exclu principe d’identité principe d’induction principes modaux (apodictiques)

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principe d’exhaustivité des cas de figure Nous connaissons les principes par expérience immédiate :(car il serait impossible qu’il y ait démonstration de tout). [Aristote Méta B 2 996 b 31] 2)Démonstrations Selon Aristote, « le sujet de la logique est la démonstration ».[Aristote Anal Prior 24a10]. D’une manière très générale, une démonstration est un discours, c’est-à-dire un enchaînement de propositions. Cet enchaînement s’effectue dans l’ordre de la raison. La logique, dit St. Thomas d’Aquin, est « l’art qui dirige l’acte même de la raison » [T. d’Aquin Sec. Anal. I, 1]. Le philosophe logicien J.B. Grize souligne « qu’il est important de noter qu’il s’agit d’un « art », c’est-à-dire d’un savoir-faire. (...). Les lois logiques ont un caractère systématique d’une part, et sont l’expression de certaines formes ou habitudes de pensée d’autre part ».[Grize Logique Moderne 1969]. En clair, l’étude de la logique ne procède pas seulement de l’acquisition d’un contenu technique, mais constitue la base de la formation intellectuelle du sujet. Car si l’on admet que la pensée est l’apanage de tous les hommes, il n’en est pas de même de leur capacité à réfléchir. Or cette capacité à la réflexion est l’objet même de la théorie de la démonstration. Déductions, inductions On compte trois grands types de preuves démonstratives, les déductions , les inductions et les comparaisons . Les preuves déductives sont les plus fondamentales et recouvrent intégralement le calcul syllogistique. Sans entrer dans des détails qui sont traités dans le calcul syllogistique lui-même, on distingue la déduction de l’induction comme suit : La déduction va du général au particulier : l’induction va du particulier au général . En principe, l’induction n’est pas admise dans le raisonnement syllogistique. La raison en est la suivante: De « Quelques politiciens sont malhonnêtes », on généralise inductivement « les politiciens sont malhonnêtes ». Ainsi on dit par induction « Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes ». [Racine, Phèdre]. Contrairement à la déduction qui ne traite que de généralités abstraites (OMNI), l’induction raisonne à partir de sommes de singularités (TOTUM). Paralogisme de l’induction Pour montrer certains dangers du raisonnement par induction dans les disciplines qui manipulent des concepts, notamment les sciences humaines, considérons l’exemple suivant. Supposons que je rencontre un homme barbu qui se déclare intégriste. J’en prends note comme d’un fait singulier sous la forme « un intégriste est barbu ». Supposons qu’en continuant mes investigations, je rencontre un certain nombre d’hommes barbus qui se déclarent également intégristes. Cette fois j’en prends note sous la forme du pluriel: « des intégristes sont barbus ». Si j’en rencontre beaucoup, je pourrais, à l’extrême rigueur, noter « la plupart des intégristes sont barbus ». Ce dernier énoncé, déjà fort hasardeux, nous assure que l’énoncé plus général « les

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intégristes sont barbus » est résolument inacceptable. Sa contraposition ne l’est pas davantage « ceux qui ne sont pas barbus ne sont pas intégristes ». Résumons cet exemple par le schéma suivant : La règle déductive qui interdit le passage du particulier au général constitue la limite de tout raisonnement par induction. Les rhéteurs (y compris ceux qui s’ignorent tels) violent cette règle très couramment. Cette violation leur permet d’utiliser illégitimement des propositions générales à leurs fins. Induction et probabilités Les règles déductives sont irremplaçables quand il s’agit de définir des concepts dans l’absolu. Néanmoins, à l’échelle pratique, on a souvent recours au raisonnement inductif, notamment dans les sciences physiques et biologiques ainsi que dans les sciences économiques et sociales. Dans ces disciplines, la certitude absolue cède le pas à des « mesures approchées » et à la « connaissance probable ». Le grand probabiliste E. Borel résume la question entre certitude absolue et certitude relative en ces termes: « Concluons qu’une probabilité assez voisine de l’unité doit être regardée comme rigoureusement équivalente à la certitude, au moins pour tous les hommes. Nous n’avons pas à nous demander ce qu’en penserait des dieux éternels et omniprésents » [E. Borel Dialectica 26]. Compte-tenu de l’extrême finesse des mesures qu’ils obtiennent, les praticiens des probabilités s’en remettent au principe suivant (A,B,C) dit principe de Cournot:

singulier pluriel

particulier

général

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Principe de Cournot A Un événement dont la probabilité est très petite n’a lieu que très rarement. B Un événement de probabilité très petite est un événement « pratiquement

impossible ». C Quand un événement est de probabilité extrêmement petite, il convient d’agir

comme s’il ne devait pas se produire. Induction logique et induction mathématique En opposant déduction et induction, nous avons mis l’accent sur le fait qu’il n’existe aucune autre méthode de preuve que la logique déductive pour manipuler des concepts. Pour être tout-à-fait complet tout en restant sur un plan général, mentionnons toutefois la méthode des mathématiciens appelée « preuve par récurrence », mais aussi « principe d’induction ». Cette méthode est également absolue, mais uniquement appliquée aux nombres entiers naturels. Comparaisons Sous les comparaisons, on classe les comparaisons proprement dites et tout ce qui dérive du calcul analogique, analogies, proportions arithmétiques, formulations d’hypothèses et métaphoriques. Exemple de calcul analogique chez Aristote: De l’identité de deux rapports A C ___ = ___ B D on tire la règle arithmétique suivante : le produit des extrêmes est égal au produit des moyens. 2 4 ___ = ___ 3 6 On obtient 2X6 = 3X4 = 12 De cette structure en chiasme, on tire également la règle poétique suivante : soir vieillesse ___ = ___ jour vie Le soir est au jour ce que la vieillesse est à la vie On obtient par composition la métaphore: vieillesse, soir de la vie . [Aristote] Exemple de structure d’hypothèse L’hypothèse « le langage est un système de règles » s’analyse sous la forme analogique suivante : le langage est à ses règles ce qu’un système est à ses fonctions langage système

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________ = ________ règles fonctions Conclusion La théorie de la déduction est située au coeur de l’analytique et quoi que l’induction et la comparaison soient des sujets logiques très importants et fort complexes, ils restent moins fiables que la déduction pour la manipulation des concepts. Aussi nous concentrant ce qui est fondamental, nous ne traiterons pas ces deux derniers dans cet exposé.

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MODES DU DISCOURS Les cinq parties de la rhétorique Les modes de discours sont de cinq sortes. Ils sont connus sous l’appellation des « cinq parties de la rhétorique ». Ces cinq parties sont les suivantes : « inventio », « dispositio », « élocutio », « pronunciatio » et « memoria ». Tableau des cinq parties de la rhétorique PARTIES FONCTIONS 1 INVENTIO logique des arguments 2 DISPOSITIO organisation des discours 3 ELOCUTIO tropes et figures 4 PRONUNCIATIO performance du discours 5 MEMORIA maîtrise mnémotechnique des discours Notre travail sur les rapport entre logique et rhétorique ne portera que sur l’inventio qui contient tout le calcul syllogistique. Aussi nous ne ferons que citer ces cinq parties en les faisant suivre d’une courte définition. L’inventio (lat inuinere, découvrir) couvre tout ce qui touche à la vérité des arguments du discours. Sa technique est celle du calcul. Elle contient en sus la théorie des « lieux communs » [voir plus loin]. La dispositio est l’art du plan des exposés. Cet art est encore en usage dans l’école pour enseigner par exemple la dissertation en trois points « thèse, antithèse, synthèse ». Traditionnellement, elle divise tout discours en quatre points « 1)exorde, 2) narration, 3) argumentation et digression, 4) épilogue ». dispositio classique 1 exorde 2 narration 3 argumentation et digression 4 épilogue De manière plus fine, la dispositio se fonde sur la partie de la grammaire notée « parataxe » qui traite d’enchaînement des propositions au moyen des conjonctions de coordination (mais, ou et, donc, or, ni, car ), des locutions et des pauses. A l’échelle de la parataxe, la disposition correspond à une technique très élaborée de calcul logique dans les langues naturelles. L’élocutio est l’art des figures de discours et tout particulièrement des tropes: antonomase, métonymie, synecdoque, métaphore, ironie, astéïsme etc. L’élocutio a fait l’objet de nombreux traités notamment par Du Marsais, au XVIII° siècle, Fontanier au XIX° et le Groupe mµ au XX°. Elle appa rtient aujourd’hui au domaine de la poétique.

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La pronunciatio est un art déclamatoire propre à l’éloquence publique. L’accentuation et l’intonation en font partie. Elle contient aussi les poses et gestes du corps, les airs et allures, les regards, la proximité des participants etc. La pronunciacio couvre l’ensemble des techniques oratoires. La mémoria est l’art de conserver en mémoire le discours d’autrui. La memoria, appelée « seconde rhétorique » par Cicéron est un art redoutable qui permet à l’orateur de disposer de la masse des données contenues dans l’univers du dialogue. Avant toute chose, c’est par la mémoria que le rhéteur maintient son contrôle de l’espace de communication. Il en existe des traités récents notamment [l’Art de la mémoire par F. Yeats Gallimard 1966]

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Conclusion sur la place de la logique dans la rhéto rique Résumons la position de la logique dans l’architecture de la rhétorique. La logique est inscrite au coeur de l’art de persuader. Elle est active aux trois échelles d’analyse de la discipline, dans les caractères de l’orateur, les types de preuves, et les cinq parties du discours. On trouve la logique dans la distinction des « caractères de l’orateur ». Elle est toute entière inscrite dans l’éthè et notamment dans la phronésis . Au chapitre des preuves, la logique rejette comme non-probants les arguments « hors la technique ». Elle ne se fonde que sur les évidences a priori. et sur les démonstrations déductives. Enfin, elle trouve sa place dans l’inventio (et dans la dispositio ), mais n’appartient pas en propre aux autres parties . Place de la logique dans la rhétorique éthè phronésis preuves par la technique évidences a priori

démonstrations déductives inventio calcul des arguments dispositio plans et parataxe Usage du mot « discours » en logique et en rhétoriq ue En logique, le mot « discours » veut dire « univers », espace des valeurs. On parlera d’Univers de Discours (UD). En rhétorique, « discours » veut dire énonciation : (lat. ex nuntiare : faire savoir (au dehors). Le discours rhétorique est parole, le discours logique est mental « muet ». La démonstration syllogistique n’est pas un discours extérieur, mais un discours intérieur de l’âme.[Aristote Anal. Post I 10 76 b 24-25] L’endoxa ou système des croyances communes est un parfait exemple de discours pris comme « univers ». La notion « d’idéologie » est son équivalent actuel. L’endoxa ne se dit pas, mais reste présente dans chaque chaîne de signes qui transite dans le dialogue. Par exemple, une idéologie ne s’énonce pas, mais elle est présente dans chaque énonciation. Dans cette position, elle s’empare, au détriment du logos, de tout l’appareil rationnel du langage.

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Fascicule 6

LOGIQUE ET PHILOSOPHIE

Ceux qui entendent le logos, Ceux qui l’entendent pour la première fois

Ceux qui ne l’ont jamais entendu Héraclite

TABLE DES MATIERES

FASCICULE 6

LOGIQUE ET PHILOSOPHIE 1. Deux emplois du mot « discours » ............................................................................

1.1.1 Ambiguïté du langage ................................................................................... 2. DISCIPLINES DE LA PHILOSOPHIE........................................................................

2.1 Répartition du domaine ........................................................................................ 2.1.1 Schéma kantien de répartition .......................................................................

3. SYNOPTIQUE DE LA PENSEE ANALYTIQUE ........................................................ 4. NAISSANCE DE LA PHILOSOPHIE .........................................................................

4.1 Ecoles pré-socratiques ........................................................................................ 4.1.2 Parménide d’Elée (504 av JC)....................................................................... 4.1.3 Héraclite d’Ephèse 504 av JC .......................................................................

5. SOPHISTIQUE .......................................................................................................... 5.1 Art rhétorique .......................................................................................................

5.1.1 Sophismes ..................................................................................................... 5.2 Dialectique : .........................................................................................................

5.2.1 Paradoxes ..................................................................................................... 6. ARCHITECTURE DE L’ENTENDEMENT .................................................................

6.1 Catégories de l’entendement ............................................................................... 6.2 Intuition et intuition réfléchie ................................................................................ 6.3 Ccept....................................................................................................................

6.3.1 Forme et figure ..............................................................................................

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6.3.2 Classe ........................................................................................................... 6.3.3 Ontologie - Individu, espèce, genre ...............................................................

6.4 Jugement ............................................................................................................. 6.4.1 Opération de prédication ............................................................................... 6.4.2 Carré d’Aristote ............................................................................................. 6.4.3 Types de jugements ...................................................................................... 6.4.4 Valeurs de vérité ...........................................................................................

6.5 Raisonnement ...................................................................................................... 6.5.1 Déductions, inductions .................................................................................. 6.5.2 Déduction - Syllogisme .................................................................................. 6.5.3 Entendement kantien ....................................................................................

6.6 Organon - système .............................................................................................. 7. DIALOGUE ................................................................................................................

7.1.1 Dialogue « en endophase » .......................................................................... 7.2 Pédagogie de la logique ......................................................................................

DEUX EMPLOIS DU MOT « DISCOURS » (Introduction aux outils de la réflexion philosophi que)

« Il y a deux sortes de discours: le discours parlé de la langue et le discours mental et silencieux de la logique » [Ockam XIII°s.]. Distinguons deux emplois du mot « discours ». L’un rhétorique et l’autre sémantique. Dans une acception rhétorique (discours parlé), on dira « prononcer, entendre, écrire, lire » un discours. Celui qui prononce le discours est appelé « orateur » et celui qui écoute « auditeur ». Un discours au sens rhétorique est une action. Tenir un discours devant une assemblée et tenir cette assemblée en haleine est un art difficile. Cet art s’apprend et s’appelle la rhétorique. Dans une acception sémantique, le mot « discours » désigne, en première approximation, le contenu de ce qui est dit. Ainsi, le discours (au sens sémantique) correspond à la signification du discours (au sens rhétorique). Le discours « sémantique » est le résultat de l’activité pensante de celui qui écoute ou qui lit. Discours sens rhétorique parler, énoncer, prononcer action Discours sens sémantique interprétation, contenu objet mental, pensée Le discours (sémantique) s‘appelle la pensée. C’est une activité mentale et donc silencieuse contrairement au discours parlé (rhétorique) dont la matérialité est phonétique. Philosopher, ou plus simplement réfléchir, suppose la distinction des deux acceptions. « Le logos n’est pas un discours extérieur, mais un discours intérieur de l’âme.[Aristote Anal. Post I 10 76 b 24-25]. Il n’est pas nécessaire que la pensée soit dite ; on s’accorde néanmoins sur le principe selon lequel tout ce qui peut se penser peut se dire . (principe d’exprimabilité). En d’autres termes, la pensée, activité mentale, participe du langage. En conclusion, notons que l’activité philosophique est toute entière inscrite dans le champ du discours, que la pensée soit exprimée ou non.

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Ambiguïté du langage Par ce qu’il prend appui sur des signes sensibles, le langage est ambigu, c’est-à-dire qu’il peut contenir plusieurs discours. Voici quelques exemples d’ambiguïtés.

Albert voit des pigeons dans le parc 1) Albert est dans le parc et voit des pigeons qui sont dans le parc (discours 1) 2) Albert est hors du parc et voit des pigeons qui sont dans le parc (discours 2) Les interprétations (1&2) ne sont pas dites, elles sont pensées. On raconte que Darius, roi des Perses, consulte l’oracle avant la bataille qu’il doit livrer contre les Grecs. L’oracle répond « Darius détruira un empire » 1) Darius détruira l’empire des grecs (discours 1) 2) Darius détruira l’empire des Perses (discours 2)

On sait ce qui arriva : l’empire des Perses fut détruit. Buridan, logicien médiéval, répond à son ancien disciple devenu pape sous le nom de Clément VI - Tu quare percussisti papam ? - Pater, papam percussi sed non percussi papam. - Toi, pourquoi as-tu frappé le pape ? - Mon Père, il y a un pape que j’ai frappé, mais je n’ai pas frappé le pape Supposons Hannibal disant : que vais-je faire des éléphants ? (avant ou après la bataille) Les deux énoncés suivants ont la même forme phonétique : 1) Le rhéteur est un homme de paroles (homme qui parle) 2) Le rhéteur est un homme de parole (homme sincère) Ainsi une parole prononcée, peut être prise en plusieurs acceptions. Un même discours (sens rhétorique) peut être interprété en plusieurs discours (sens sémantique). La pensée, parce qu’elle est discours, est indétachable du langage. Mais ce langage « intérieur » n’est pas une action ; c’est un objet abstrait, un acte de pensée. Comme le souligne Platon, la pensée est le dialogue de l’âme avec elle-même.

DISCIPLINES DE LA PHILOSOPHIE

Répartition du domaine La philosophie, à partir de Platon, se répartit en trois disciplines majeures : Physique, Ethique et Logique. Cette répartition du domaine en trois disciplines de base est le produit d’une histoire, mais elle possède également une structure rationnelle sur laquelle elle fonde sa cohérence. Cette structure rationnelle de fondation prend la forme d’un principe de répartition.

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Principe de répartition Physique Ethique Logique Ce principe de répartition doit répondre à deux exigences : la première dite d’« exhaustivité » et la seconde dite de « minimalité ». L’exigence d’exhaustivité doit garantir que le domaine d’investigation de la philosophie est entièrement couvert par cette répartition. Cette exigence présuppose que le champ d’investigation de la philosophie est définissable. En une formule générale, on dira que ce champ couvre l’intégralité de la connaissance. On lui donne le nom générique de Théorie de la Connaissance . L’exigence de minimalité doit garantir que la répartition du domaine en trois est la plus petite possible. Cette exigence implique que les trois disciplines sont distinctes et non-réductibles l’une à l’autre ; en d’autres termes, que les trois sont ensemble à la fois nécessaires et suffisantes.

Schéma kantien de répartition Le philosophe Kant donne à cette question la solution dichotomique suivante. [Kant Fondements de la Métaphysique des moeurs 1785] Toute connaissance rationnelle ou bien est « matérielle »(connaissance empirique) et se rapporte à quelque objet, ou bien est « formelle » et ne s’occupe que de la forme de l’entendement et de la raison en eux-mêmes et des règles universelles de la pensée en général sans acception d’objets. La philosophie formelle s’appelle « LOGIQUE ». La philosophie matérielle, celle qui a affaire à des objets déterminés et aux lois auxquelles ils sont soumis, se divise à son tour en deux. Car ces lois sont ou des lois de la « nature » ou des lois de la « liberté ». La discipline qui traite de la première s’appelle « PHYSIQUE » ; la seconde s’appelle « ETHIQUE ».

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Schéma de répartition kantien Domaine de la philosophie connaissance connaissance formelle empirique LOGIQUE liberté nature ETHIQUE PHYSIQUE On appelle « empirique » toute connaissance qui s’appuie sur des principes de l’expérience et « formelle » toutes celles qui se fondent sur des principes a priori.. De ce schéma de répartition, on induit de manière immédiate que les lois de la nature qui caractérisent le domaine physique, de même que celles qui caractérisent le domaine formel de la logique sont « non-libres » ; ce sont des contraintes imposées. Mais on remarque que les « lois » de la liberté qui caractérisent l’éthique participent du monde empirique. La logique étudie les lois universelles et nécessaires de la pensée rationnelle. C’est un « canon » pour l’activité de l’entendement et de la raison. En tant que telle, elle se situe en deça de l’expérience et ne procède que par démonstrations. Dans le monde d’aujourd’hui, la philosophie de la logique, sans changer la nature de son objet, est devenue une branche des mathématiques ; elle appartient au domaine des sciences exactes. La physique et l’éthique procèdent toutes deux du monde de l’expérience. La première étudie expérimentalement les lois de la nature; la seconde, étudie la volonté de l’homme en tant qu’elle est affectée, en dernière instance, par la nature. La physique, souligne Kant, étudie les « lois par lesquelles tout arrive », l’éthique, les « lois par lesquelles tout doit arriver - en tenant compte des conditions qui font que souvent ce qui doit arriver n’arrive point ». Dans le monde d’aujourd’hui la philosophie de la physique, sous le nom d’épistémologie, appartient désormais aux sciences physiques. Par composition des ces trois disciplines de base, on obtient des sous-catégorisations plus fines qui rendent compte des sous-parties de la philosophie, intégrées aux différentes branches des grandes sciences actuelles : mathématiques, physique et biologie, sciences humaines et sciences sociales.

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SYNOPTIQUE DE LA PENSEE ANALYTIQUE PRESOCRATIQUES GRECS

Thalès Héraclite Pythagore Parménide Zénon Empédocle

avant le V° siècle av JC

SOCRATIQUES

Platon Aristote Xénophon

V° siècle av JC et suite à Athènes

STOICIENS Chrysippe Marc Aurèle Sénèque

II° siècle ap JC à Rome

SCOLASTIQUE Saint Augustin V° S. ap JC Abelard (XIII° siècle) Ockam Albert le Grand

Moyen Age européen de 470 à 1453

HUMANISTES

Erasme Montaigne

Renaissance européenne autour du XVI° siècle

SIECLE CLASSIQUE Descartes Pascal Leibniz Spinoza

autour du XVII° siècle

EMPIRISTES ANGLAIS Locke Hobbes Hume

XVIII° siècle

PHILOSOPHES DES LUMIERES

Montesquieu Rousseau

XVIII° siècle

ECOLES ALLEMANDES Kant Fichte

XVIII° siècle

ECOLES ALLEMANDES Hegel Marx

XIX° siècle

ECOLES ANGLO-SAXONNES Philosophie des mathématiques et du langage

Peirce Frege Russell Wittgenstein Church Quine Austin

XIX et XX° siècle

LINGUISTIQUE Saussure Chomsky

XX° siècle

PHENOMENOLOGIE Husserl Heidegger

XX° siècle

PSYCHANALYSE Freud Lacan

XX° siècle

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NAISSANCE DE LA PHILOSOPHIE

La raison est héllène et l’émotion est nègre [Senghor]

Notion de temps-historique L’histoire de la philosophie comme celle de la littérature occidentale commence par une énigme. Homère est aveugle et Socrate n’écrit pas. En ces deux commencements, la lettre est absente. La littérature et la philosophie naissent par tradition orale. Cette coïncidence paraît mystérieuse, mais le mystère se dissipe dès lors qu’on rétablit le temps historique dans son ordre propre. En effet, contrairement à l’apparence, le temps « historique » s’énonce à rebours. Socrate est Socrate par et dans les dialogues de Platon, lequel vient après lui et « transcrit » la parole du maître. Par cette transcription (dont on est au moins sûr qu’elle ne peut pas être fidèle) le sujet Socrate devient un objet de discours philosophique et partant un objet historique. Ainsi, en matière de temps, l’origine est toujours une notion re-construite à partir du présent. De même, les penseurs qui ont précédé Socrate (qu’on appelle « pré-socratiques ») appartiennent à l’histoire de la philosophie, non pas simplement parce qu’ils ont vécu avant lui, mais parce que notre temps présent les fondent dans cette histoire. Ainsi, tout récit suppose un effet à rebours et une re-position. Avant de raconter selon la linéarité du temps, l’histoire refonde et trie. Socrate et les pré-socratiques sont historiques au sens fort, avant tout parce qu’ils sont actuels. Ainsi, c’est sans contradiction qu’on dit qu’ils appartiennent à l’histoire de la philosophie d’aujourd’hui.

Ecoles pré-socratiques Au VI° siècle av JC, la philosophie naissante compt e trois grandes écoles de pensée: l’école ionienne s’occupe de physique, l’italienne, d’intelligibles et l’attique, qui tient du milieu, de métaphysique. école ionienne Physique

nature concept de « principe » systèmes, mécanismes,

Thalès, Héraclite

école italienne intelligibles mathématiques

concept de nombre algorithmes (méthodes de calculs)

Pythagore

école attique intelligibles métaphysique

concept Etre et non-être signes

Parménide, Zénon Socrate Platon, Aristote,

Ces trois écoles prises ensemble répondent au critère d’exhaustivité propre à la Théorie de la connaissance qui doit couvrir tous les champs du savoir (l’usage du mot « savoir » étant restreint au savoir encyclopédique, rationnel et cohérent). En fait, l’apparition de la pensée philosophique est co-extensif à l’avènement de la rationalité scientifique. Cette rationalité constitue le point de départ de toute l’entreprise philosophique quels que soient ses objets d’étude. Hegel (XIX°s) résume cet te question en une sorte de critère général « La seule idée apportée par la philosophie est celle de la raison ».

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C’est autour de la question de la rationalité que s’est construit ce qu’il est convenu d’appeler (non sans ironie) le « miracle » grec, bouleversement historico-culturel correspondant à l’avènement de l’esprit scientifique (et de la démocratie), en opposition avec l’esprit mythique qui avait prévalu sans partage jusqu'à lors. La philosophie naît d’une critique et d’un renversement. Critique du témoignage des sens et de la pensée mythique et renversement de la raison.

Critique du témoignage des sens La philosophie part du constat que « nos sens sont trompeurs », qu’il « ne faut pas du tout tenir compte de l’évidence des réalités sensibles, et ne prendre pour guide que les exigences de la raison » [Platon Thèètète 183 e]. Dans la « République » Platon illustre ce constat par une allégorie devenue célèbre appelée « mythe de la caverne ». Cette allégorie raconte que les hommes sont comme des prisonniers enchaînés qui ne peuvent tourner le cou et n’aperçoivent sur le fond de leur prison que des ombres projetées par des objets qui défilent derrière eux à la lumière d’un feu éloigné. « Il faut, dit Platon assimiler le monde visible au séjour de la prison, et la lumière du feu dont elle est éclairée à l’effet du soleil. » Les objets qui passent sont ceux du monde intelligible ; le soleil qui les éclaire, c’est l’idée de raison, fondement de toute science. La première règle du savoir est donc la critique des apparences, des préjugés (pré-jugés) et des croyances qui masquent le réel. Ainsi, les savoirs ne doivent pas être une question de croyance ni de conviction, mais se fonder en raison. Kant (XVIII°s) souligne ce point en définissant la logique comme la critique de « l’entendement sain », critique nécessaire à « l’étudiant qui veut passer du pays des préjugés et de l’erreur au domaine de la raison éclairée des sciences » [Kant Logique] . Quand on se contente d’une pensée approximative et intuitive, on peut faire toutes sortes de choses dans la société, mais il ne faut pas espérer avoir accès aux sciences exactes, physiques, humaines, historiques ou sociales ni aux technologies scientifiques, à la philosophie, au discours des lois et contrats, à la logique économique et marchande et autres choses semblables.

Pensée mythique Qui s’intéresse encore

à des recherches sur l’immatérialité de l’âme ?

Hegel « D’où vient que la raison humaine, délaissant la théologie mythique, ait soudain pris le parti de philosopher ? » [DUMONT J.P.Folio Essais 1991] Dans la métaphysique, la nature (phusis) s’oppose au sur naturel. Dans ce contexte, le préfixe « méta » désigne la raison humaine et le préfixe « sur » les puissances mythiques. Le mode d’explication a changé. Aux certitudes mystiques sur la nature s’oppose désormais le questionnement rationnel. Ce questionnement prendra une forme non-secrète et non-sectaire car la rationalité dans son ordre est fondamentalement publique et laïque. Aussi, au développement de la rationalité s’associe celui des techniques de communication, c’est-à-dire de la rhétorique.

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RENVERSEMENT DE LA RAISON Le point crucial du rationalisme grec correspond au renversement de la raison sur elle-même. La raison n’est pas un simple instrument de connaissance. Avant toute application, la philosophie s’est interrogée et s’interroge sur la « raison réfléchie », raison étudiée par elle-même et pour elle-même. Avant d’étudier le monde, la raison s’étudie elle-même. Cette posture de pure gratuité , préalable à toute instrumentalité, met au jour les lois de la pensée abstraite en dehors de la contingence des faits. Cette étude de la raison par la raison s’appelle la logique. La conscience se pose comme raison qui devient immédiatement raison se connaissant , et celle-ci, par son activité, se libère et s’élève à l’objectivité, à la conscience de son concept ». L’esprit ayant pris conscience de lui-même La pensée se fait « système ». dans un effort de la pensée réfléchissant sur elle-même . [Hegel E.,§387 Science de la logique 1812 T 1] Le renversement de la raison sur elle-même, caractéristique du « miracle » grec, correspond à un « moment » de gratuité de l’activité humaine comme nous l’avons souligné plus haut. Au lieu de penser à quelque chose, au lieu d’être en train d’agir sur le monde, de construire, de décrire, de prévoir, la pensée se prend elle-même pour objet et réfléchit sur ce qu’elle fait quand elle réfléchit. En se détachant un instant des valeurs et actions de la société, en se détachant du pouvoir, en méditant non sur le salut des hommes, ni sur leur bonheur, mais sur elle-même, la pensée se fait « système ». La méthode de ce renversement s’appelle « analytique » (gr. ana -à rebours). L’analytique étudie le système de l’entendement humain. « Il faut, déclare Aristote, connaître les Analytiques avant d’aborder aucune science ». [Méta T.3.1005 b 2-6]. Ayant accompli cet effort analytique abstrait dans sa pure gratuité, la pensée reprend pied dans le monde concret nanti du puissant appareil de la raison qu’elle contrôle désormais. Et par suite, au cours des siècles, elle développera les sciences exactes et naturelles et les technologies instrumentales les plus élaborées. Kant souligne « Les Grecs furent les premiers à philosopher. Car ils ont tenté pour la première fois de cultiver la connaissance rationnelle « in abstracto », sans recourir aux images alors que les autres peuples cherchaient toujours à rendre les concepts intelligibles uniquement « in concreto » au moyen d’images. [Kant Logique p28]. D’un point de vue historique, il faut voir dans ce geste initial de pure abstraction, geste qu’aucune autre culture n’a effectué avant eux, la naissance du monde occidental et à terme de sa toute puissance scientifique et technologique. Et quel qu’en ait été le prix (extrêmement lourd) pour le reste monde, en d’autres termes quelle qu’en soit sa dimension éthique et politique dans l’histoire du monde, la raison « grecque » reste un acquis incontournable de l’intelligence humaine. « La raison est hellène » écrit L.S. Senghor, poète de la négritude.

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Un jour donc, dans le monde grec, quelques mathématiciens, quelques physiciens et quelques poètes se mirent ensemble et inventèrent la philosophie,... et par suite l’Académie(Platon), le Lycée(Aristote), premières institutions d’éducation uniquement dédiée à l’étude du réel au moyen du « logos ». La force de la logique comme technique tient en ce que ses principes ne sont pas empiriques, mais sont pris à la raison elle-même. Ainsi, la logique est l’esprit qui pense son essence. En tant que tel, elle ne peut prendre pour point de départ aucune règles ni aucune lois, car ces règles et lois font partie de son contenu et doivent trouver leur justification au sein de celui-ci. L’objet de la logique est la pensée [Kant] Cette science des lois nécessaires de l’entendement et de la raison en général nous la nommons: LOGIQUE. L’entendement est la source et la faculté de penser des règles en général. La logique est une analytique de la forme de l’entendement et de la raison Logique est une propédeutique universelle de tout usage de l’entendement. Elle correspond à la formation de l’entendement commun Kant Logique Avant donc d’appartenir en propre à toutes les disciplines qui forment la Théorie de la connaissance, la logique se préoccupe de « la formation de l’entendement commun ». C’est une propédeutique. En effet, l’étude de la logique exerce l’agilité intellectuelle et permet d’acquérir l’esprit de méthode sans lequel aucune entreprise rationnelle n’est possible. En clair, si penser appartient à tout le monde, « la raison étant la chose du monde la mieux partagée [Descartes Discours de la Méthode] réfléchir, à inverse, nécessite quelque apprentissage. De plus, comme « doctrine » « théorie démontrée », elle constitue l’archétype de toute théorie du discours et de la représentation organisée. L’organon (le système de l’espace logique), ultime degré de l’architecture de la pensée est, disent les philosophes, « un analogon de la vie ». [Philonenko Kant et la Faculté de juger]

Parménide d’Elée ( 504 av JC) Parmi les fondateurs de l’esprit logicien, le philosophe pré-socratique Parménide est le plus représentatif. Montrons le, tel qu’il est représenté par Platon dans un dialogue qui porte son nom : Socrate _ Parménide m’apparaît comme le héros d’Homère « vénérable autant que redoutable ». J’approchais l’homme, moi tout jeune encore et lui bien vieux. Aussi craindrais-je de ne jamais bien comprendre ses paroles et que sa pensée me reste impénétrable encore. [PLATON Parménide] Parménide est considéré comme le premier à avoir pris le savoir lui-même pour thème . On dit qu’il thématise la pensée. Ce qui reste de son œuvre se présente sous la forme de fragments d’un grand poème sur la nature. Dans ce poème, il aborde une question cruciale

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qui fonde tout l’édifice de la science logique. Cette question se résume en une formule célèbre et un thème dit « thème des deux chemins ». formule : « oui l’être est, non le non-être n’est pas » thème des deux chemins : il y a deux chemins, le logos et le mµthos (mythe) La formule de Parménide est une tautologie, c’est-à-dire une proposition qui ne peut pas être fausse. Ce qui est est - ce qui n’est pas n’est pas. Ce qui n’est pas est imaginaire, mais les deux sont en amalgame dans notre esprit et ainsi, l’être demeure caché par le non-être. Dans tout travail intellectuel, il faut s’appliquer, par analyse, à délier ce qui est de ce qui n’est pas. Sur ce qui est, on peut tenir un discours vrai. Sur ce qui n’est pas, on ne peut dire que du faux, sauf à dire qu’il n’est pas. Un discours est vrai quand il dit ce qui est. Ce qui est s’appelle « l’étant ». Parménide assure que hors de l’étant, le non-étant n’est pas. Il admet nécessairement qu’une seule chose est, l’étant, et rien d’autre.[ Métaphysique Aristote 986 b]

Règle du non-être

Du faux, on ne peut dériver le vrai car de rien, rien ne peut advenir . En d’autres termes, le vrai repose sur ce qui est et le faux sur ce qui n’est pas. Le chemin (la voie) du vrai s’appelle le « logos ». Ce logos est le discours de la connaissance. Il est ce qui reste après qu’ait été effectuée la démarche critique et probatoire de la raison. L’autre chemin consiste à mettre le vrai et le faux en amalgame en s’appuyant sur des croyances communes et mythiques. Thème des deux chemins (méthode -gr. met hodos - av ec chemin) Ainsi, Parménide dit qu’il y a deux chemins : la voie de la vérité appelé « logos », ou discours de l’être et la voie du mythe (mµthos) ou discours du non-être : la voie du mµthos est celle de l’opinion commune (endoxa). Le logos est le savoir en tant que ce savoir est indépendant du pouvoir : dans le savoir, seule la raison commande. Dans le mµthos, savoir, croyance et pouvoir sont en amalgame. LOGOS oui (étude rationnelle du mythe) SUJET non MYTHE

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POEME DE PARMENIDE PERI PHYSEOS (DE LA NATURE) Le commentaire des formules ne remplace pas une lecture attentive du texte du poème. Il se présente comme un hymne au savoir. 1 Les cavales qui me portent, aussi loin que mon cœur peut accéder, 2 M’emmenaient, 3 Après m’avoir engagé 4 Sur le chemin abondant en paroles de la divinité 4 Qui porte sur toute son étendue 5 L’homme qui sait 6 En ce chemin je me portais 7 Car c’est en lui que de très habiles cavales m’emportaient ; 8 Tirant mon char puissamment, 9 Tandis que des jeunes filles dominaient le chemin . 10 L’essieu dans les écrous des moyeux émettaient un cri de flûte 11 En s’enflammant. 12 Quand laissant derrière elles les demeures de Nuit , 13 Les jeunes filles se hâtaient de conduire à la lumière 14 Ecartant de leur têtes des voiles avec leurs mains. 15 Là sont les portes des voies de Nuit et de Jour , 16 Qu’une poutre et un seuil de pierre encastrent tout autour. 17 Elevées dans l’éther , 18 Elles s’emplissent par d’immenses battants. 19 C’est Diké aux multiples rigueurs qui en détient les clés 20 Qui ouvrent tour à tour. 21 La séduisant par d’apaisantes paroles, 22 Les jeunes filles la persuadèrent habilement 23 De vite écarter des portes leur verrou chevillé. 24 En s’envolant, celles-ci produisirent un espace béant entre les battants 25 Par là, à travers les portes, tout droit, 26 Les jeunes filles guidaient le char et les cavales 27 Sur l’accessible chemin. 28 Et moi, une déesse bienveillante m’accueillit 29 Prit ma main droite dans sa main 30 Et dit les mots suivants : 31 Ô jeune homme réjouis-toi 32 Puisqu’aucun destin funeste ne te mandait à emprunter ce chemin 33 Mais le droit et la justice. 34 Tu dois t’enquérir de toutes choses 35 D’une part, du cœur inflexible d’Alèthéia (vérité) bien arrondie 36 D’autre part, des considérations des mortels 37 Dans lesquelles il n’y a pas de créances vraies .

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36 Eh bien ! je parlerai, 37 Et toi m’ayant écouté 38 Prends soin de ma parole 39 Qui dit quels sont les chemins de recherche pour penser : 40 L’un dit que l’être est 41 Et qu’il n’est pas possible de ne pas être 42 C’est la voie de Peithô (persuasion) 43 L’autre dit que le non-être n’est pas 44 Et qu’il ne doit pas être . 45 Ce chemin je te l’indique comme un chemin inaccessi ble 46 Car tu ne pourrais ni connaître ce qui n’est pas 47 Il faut dire et penser l’être 48 Car l’être est 49 Alors que le néant n’est pas 50 Je t’exhorte à méditer ces choses. 51 D’abord contre ce chemin je te mets en garde 52 Et ensuite contre cet autre en lequel s’égarent les mortels qui ne savent rien 53 Jamais en effet on ne pourra forcer ceci : 54 Faire que les choses qui ne sont pas soient.

Héraclite d’Ephèse 504 av JC On lira également quelques extraits d’Héraclite, philosophe légèrement antérieur à Parménide. Héraclite définit le logos par la continuité, la transformation et le devenir: « Logos, ce qui est ».

Fragments §2 il faut suivre ce qui est universel §9 Les contraires s’accordent, la discordance crée la plus belle harmonie : le devenir est une lutte. §9’ l’opposé est utile et des choses différentes naît la plus belle harmonie §13 Embrassements : touts et non-touts, accordé et désaccordé, consonant et dissonant. De toutes choses naît l’Un et l’Un de toute chose. §15 Ceux qui descendent dans les mêmes fleuves, se baig nent dans le courant d’une eau toujours nouvelle . §55 Nous entrons et n’entrons pas dans les mêmes fleuves, nous sommes et ne sommes pas. §105 (on ne peut) toucher deux fois une substance dans le même état, car elle se disperse et se réunit de nouveau par la promptitude et la rapidité de sa métamorphose

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§57 Les contraires se fondent en unité . §20 La multitude ne médite sur rien de ce qui lui échoit. §26 Les hommes méconnaîtraient le nom de Justice si les injustices n’existaient pas. §64 Ni l’ombre ni la lumière, ni le mal ni le bien ne diffèrent : leur nature est une et identique. §67 Ce qui s’oppose, en se composant, éternellement se pose. §69 La route qui monte et descend est une et même. §81 Croyances des hommes : divertissements d’enfants. §92 Il faut savoir que l’univers est une lutte, la justice un conflit et que le devenir est déterminé par la discorde. §93 Rhéteurs : maîtres d’armes des mots menteurs. §94 Le singe le plus beau est laid. §99 Le sot est frappé de stupeur par toute parole §118 Dans la circonférence commencement et fins coïncident. §147 L’homme n’a pas de raison. Seul le milieu ambiant e n est pourvu. §153 Le savoir est un autre soleil pour les hommes instr uits.

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SOPHISTIQUE Rhéteurs, rhéteurs,

Criait la foule, De grâce, de grâce,

Taisez-vous. [Anonyme]

Les historiens notent que l’apparition en Grèce de la philosophie et de l’esprit scientifique (VI° siècle av. J .C.) correspond à celle du concep t politique de démocratie . La réunion de ces trois facteurs implique un bouleversement dans les pratiques de communication verbale. Entre les membres des communautés, le langage, sous toutes ses formes, acquiert un statut culturel nouveau. Ainsi, ce que l’histoire a appelé le « miracle » grec est centré essentiellement sur une libéralisation de la parole. De cette émergence de la parole libre, caractéristique de la philosophie, de la science et de la démocratie, deux pratiques se font jour : la dialectique et la rhétorique. La dialectique vient des disciples de Parménide, notamment Zenon et Socrate ; la rhétorique vient des disciples d’Empédocle, notamment Protagoras et Gorgias. La dialectique et la rhétorique sont toutes deux des pratiques de dialogue et toutes deux des disciplines logiciennes, mais elles ne cultivent pas les mêmes fins. La dialectique est associée à la philosophie, c’est-à-dire à la recherche du savoir. La rhétorique est associée à la sophistique, art du langage ayant pour objet le pouvoir et le profit. On dit que la philosophie et la sophistique ont tout en commun sauf la morale. Pour un philosophe dialecticien, une bonne démonstration s’impose d’elle-même. Pour un sophiste-rhéteur « une belle démonstration doit séduire et troubler l’âme ». La rhétorique n’est pas une science. Son maître mot est « Que dire ? ». Elle ne relève pas de la théorie, mais de la technique « techné ». Elle ne se soucie pas de « savoir », mais uniquement de « savoir dire ». C’est pourquoi, au fil de son histoire, elle ne fait pas bon ménage avec la philosophie: Le philosophe Héraclite écrit : « Rhéteurs, maîtres d’armes des mots menteurs » [Héraclite frag 93 in Battistini 1968]. Au regard de la morale, tout sépare la dialectique des philosophes de la rhétorique des sophistes. La première utilise la logique pour distinguer le vrai et du faux, la seconde s’en sert pour toucher (parfois piéger) et pour entraîner l’adhésion. La philosophie est du côté de la science, la sophistique est surtout politique et marchande. Défendant le point de vue des rhéteurs, il existe un adage qui dit que le « rhéteur ne dit pas toujours la vérité de l’être, mais contrairement au philosophe, il ne remet pas en jeu l’existence de la cité »[attribué à Gorgias]. Du point de vue contraire, il en existe un autre qui chante : Rhéteurs, rhéteurs, Criait la foule, De grâce, de grâce, Taisez-vous. [Anonyme]

Art rhétorique

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La rhétorique est l’art de l’éloquence et de la persuasion. C’est un corps de doctrines et de techniques portant sur la maîtrise du discours. De la plus haute antiquité jusqu’aux sociétés industrielles d’aujourd’hui, cette discipline, centrée sur l’efficacité de la communication, a fait l’objet d’études et de recherches abondantes. Des sophistes grecs Protagoras et Gorgias aux grands praticiens et théoriciens romains (Cicéron et Quintillien), de ceux-ci aux spécialistes européens médiévaux et classiques (Bary et Du Marsais) et, de ces derniers, aux spécialistes du XIX siècle, (Fontanier, etc). auxquels se mêlent certains philosophes, notamment Schopenhauer qui écrivit un « Art d’avoir toujours raison », la bibliographie de l’art rhétorique est immense. A cette masse de travaux prestigieux, s’ajoute tout ce qui s’est écrit en ce siècle sur la « communication efficace » en rapport avec les nouveaux moyens d’information (masse-média, téléinformatique, etc.). On voit donc, à l’âge de l’information, de la publicité, du marketing et de la propagande, que la question de l’art de dire n’est ni nouvelle ni près de s’éteindre. L’objet du rhéteur est « autrui ». Ainsi, bien plus que tous ses autres attributs, l’art rhétorique est un art du dialogue. Le bon rhéteur n’est pas simplement, comme on le croit, une sorte de « beau parleur », mais celui qui, par tous les moyens du langage, convoite et parvient à la maîtrise du dialogue. L’enjeu de la rhétorique est la maîtrise de l’autre. C’est, avons-nous dit, un art politique et marchand. Ce dont il s’agit, ce n’est pas de savoir, mais de gagner. Dans ces jeux de pouvoir, l’enjeu d’un joueur est toujours l’autre joueur, soit pour le soutenir, soit pour l’affaiblir.

Sophismes La pratique rhétorique est inscrite dans la logique. Elle en exploite les finesses, mais ne recule devant aucun abus de langage pour convaincre. Afin de se frayer la voie gagnante, les rhéteurs subvertissent la logique par des abus qu’on appelle « sophismes ». Ces formes de subversions sont révélatrices des limites qui unissent et séparent le système de la logique et celui de la grammaire des langues, notamment l’ambiguïté. Pour poursuivre ses fins, le sophiste-rhéteur met les deux systèmes en amalgame ; il connaît bien les deux registres et il joue constamment sur leur confusion. La « sophismata » étudie les preuves fallacieuses des sophistes. Mais en fait, nombre de ces sophismes sont des arguments d’école qui apprennent aux étudiants-rhéteurs comment éviter les amalgames entre la logique et la grammaire et ainsi à différencier entre ce qui est logique et ce qui est absurde. D’une manière générale la sophismata a pour but de rendre l’étudiant agile dans le raisonnement abstrait et de lui permettre de triompher dans un débat.

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CONSEILS DE RHETEUR 1 Quand il a su créer l’atmosphère, le bon rhéteur sait que ses arguments, quels qu’ils

soient, seront bien reçus. (captatio benevolentiae)

2 3 4

Le rhéteur sait par expérience qu’on peut très difficilement convaincre autrui avec des paroles : tout au plus peut-on tenter de le mettre d’accord avec lui-même. Comme il n’y a pas de discours parfait, le rhéteur écoute l’autre et exploite la faille. La méthode pour convaincre consiste à repérer dans le discours de l’autre une contradiction et l’aider à choisir.

5 Le bon rhéteur donne ses arguments en présence d’un tiers pour déjouer la mauvaise foi éventuelle de son adversaire.

6 Le bon rhéteur cultive le kaïros (pertinence et opportunité des arguments dans le cours du dialogue)

7 Le rhéteur pour convaincre un entêté, convainc un tiers qui, de cet entêté, a l’oreille. 8 Le bon rhéteur s’applique à convaincre l’autre que ce qu’il lui dit lui sera utile. Car

même s’il le contredit, le rhéteur doit montrer qu’il défend les intérêts de celui à qui il parle

9 Le savant met au jour des faits nouveaux: le rhéteur donne des exemples éclairants. Car le rhéteur n’est pas savant, mais troublant.

10 Le bon rhéteur doit avoir toujours à l’esprit qu’il y a dans l’auditoire des gens qui ne croient pas à ce qu’il dit. Il doit également savoir que, dans ce même auditoire, il y en a aussi qui pensent qu’il ne croit pas, lui-même, à ce qu’il dit.

11 Le rhéteur vous enlève ou vous met les paroles en la bouche 12 Pour avoir toujours raison, il suffit d’avoir parfois tort et de se ranger sous l’avis de

ceux qui ont raison. 13 La parole efficace a toujours l’air de couler de source. 14 Le rhéteur est habile en rumeurs 15 Le rhéteur ne dit pas des paroles vraies ou fausses, mais des paroles justes. 16 Une bonne réplique déstabilise l’adversaire. La rhétorique s’enseigne. Etant « art de persuader », elle doit à tout instant faire la preuve d’elle-même, c’est-à-dire persuader qu’elle possède l’art de la persuasion. Mais persuader qu’on peut persuader par art est impossible car la rhétorique ne fonctionne que sous l’apparence de la parfaite bénignité. La rhétorique ne pouvant se montrer, elle ne peut pas se démontrer. La rhétorique efficace est toujours cachée. D’un élève à qui il réclamait ses gages, le maître se voit répondre : « vénéré maître, ton art est incomplet car je n’ai encore gagné aucun procès qui rapporte ». Réponse du maître « Fort bien, si je l’emporte contre toi, c’est moi alors qui aura remporté une victoire et il faudra bien que j’en sois payé ; mais si c’est toi qui gagnes, alors c’est toi qui aura remporté une victoire, et il faudra bien que j’en sois payé. » A la même requête, un autre élève répond : « l’art que tu prétends m’avoir vendu, l’as tu encore ? Si tu l’as encore alors tu ne me l’as pas vendu et donc je ne te dois rien ».[d’après Aristote]

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« Les sophistes inconscients de l’être sont les plus grands des sophistes » [Stuart. Mill] Sophisme de Trouillogan [Rabelais Tiers Livre] Le sophisme de Trouillogan est un jeu portant sur l’ambiguité de la modalité « devoir ». Pantagruel pose deux fois la même question au sophiste Trouillogan qui donne deux réponses différentes également vraies et également absurdes : Argument 1 Pantagruel Panurge se doit-il marier ou non ? Trouillogan les deux ensemble En effet, « il est logiquement nécessaire que Panurge soit marié ou non-marié ». Argument 2 Pantagruel Panurge se doit-il marier ou non ? Trouillogan ni l’un ni l’autre En effet, « il n’est pas logiquement nécessaire que Panurge soit marié »

« il n’est pas logiquement nécessaire que Panurge soit non-marié ». Sophismes par filage En poétique, on dit d’une figure qu’elle est « filée » quand elle prend appui sur deux niveaux de réalité incompatibles. Tirée d’une chanson populaire, la métaphore qui suit est licite ; par contre, la variante est filée. métaphore Elle m’a griffé du chat de ses yeux, j’en porte encore les cicatrices dans le cœur sophisme par métaphore filée Elle m’a griffé du chat de ses yeux, j’en porte encore les cicatrices sur le visage Sophisme de l’argument analytique On appelle « analytique » un argument qui ne peut pas être réfuté. Montrons, à la manière des rhéteurs, comment on peut démontrer cette non-réfutabilité.

Tout ce qui peut être pensé peut être dit Si on juge que cet argument peut être faux parce qu’on a la conviction qu’il existe des pensées sans langage, il faut en donner une preuve au moyen d’un exemple. Le fait de donner l’exemple prouve qu’on peut le dire et donc confirme l’argument.

toute manifestation du langage s’inscrit dans un dialogue Si on juge que cet argument est faux parce qu’on a la conviction qu’il existe des manifestations du langage qui ne transitent pas par le dialogue, il faut en donner une preuve au moyen d’un exemple. Le fait de donner l’exemple s’inscrit dans un dialogue et confirme l’argument.

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Postulat conversationnel

est-ce que vous pourriez me dire l’heure qu’il est ? est-ce que vous pourriez sortir la poubelle ?

Dans ces deux exemples le verbe « pouvoir » est employé soit comme une modalité factuelle, soit comme une modalité de capacité. A ces deux questions, un rhéteur peut répondre « oui » et passer son chemin. Ce faisant, il aura fort bien répondu en assertant qu’il en a la capacité sans pour autant s’engager ni à dire l’heure ni sortir la poubelle.

Dialectique :

Paradoxes Les philosophes étudient l’art dialectique. Leur objet est différent de celui des sophistes. Ils cherchent, pour leur part, à établir les limites qui règlent l’application de la démarche rationnelle. Ils montrent au moyen d’arguments particuliers que le langage peut faire obstacle à la logique. Ces arguments s’appellent des paradoxes. Un paradoxe est un argument dont on prouve la fausseté en assertant sa vérité et sa vérité en assertant sa fausseté. Les paradoxes sont des jeux d’école. Le plus célèbre d’entre eux est connu sous le nom de « paradoxe du menteur ».

Paradoxe du menteur Epiménide, qui est Crétois, déclare « Les Crétois sont menteurs » Si Epiménide dit vrai, alors il est menteur, mais s’il ment, alors il dit vrai.

Paradoxe du cheval bon-marché

Un cheval bon marché est rare ce qui est rare est cher __________________________ un cheval bon marché est cher

Paradoxe des propositions générales (d’après Montai gne)

toutes les propositions générales sont fausses

La proposition est une proposition générale Si elle est vraie alors elle est fausse. Si elle est fausse alors elle est vraie.

Paradoxe du pendu [d’après Cervantès Don Quichotte]

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Sancho Panza, gouverneur de l’île, doit trancher le cas suivant : les gens qui passent sur le pont seront pendus si leurs paroles sont fausses ; on les laisse passer dans le cas contraire. Un homme se présente et déclare qu’il doit être pendu. Si la parole est fausse, elle devient vraie. Si la parole est vraie, elle devient fausse

Paradoxe de Socrate et Platon Socrate dit que Platon est un menteur Platon dit que Socrate dit la vérité Si Socrate dit la vérité alors Platon ment et donc Socrate ment et donc Platon dit la vérité et donc Socrate dit la vérité.

Paradoxe de Socrate, Platon et Cicéron Socrate : ce que dit Platon est faux Platon: ce que dit Ciceron est faux Cicéron : ce que dit Socrate est faux Si Socrate dit la vérité alors Cicéron dit la vérité et donc ce que dit Socrate est faux et donc ce que dit Cicéron est faux et donc Socrate dit la vérité.

Paradoxe du relativisme Le relativiste soutient que tout est relatif. Si tout est relatif alors la règle selon laquelle tout est relatif est absolue et donc n’est pas relative et ainsi il est faux que tout soit relatif. Combattant le dogmatisme de l’absolu, le relativisme est un autre dogmatisme parce qu’il ne peut s’énoncer sans faire référence à l’absolu et donc se contredire.

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ARCHITECTURE DE L’ENTENDEMENT L’intelligence humaine est constituée par un jeu de fonctions distinctes intégrées les unes dans les autres, jeu ayant à sa base l’activité du cerveau et comme effet, l’activité de penser . Concevoir ces deux activités en un tout solidaire ne va pas de soi. Aujourd’hui, on étudie tout spécialement cette relation dans une discipline plurielle appelée « sciences cognitives ». Cette discipline couvre plusieurs spécialités : neuro-biologie, neuro-psychologie, linguistique, anthropologie, mathématiques, philosophie, etc. On présente dans le tableau ci-dessous les différentes fonctions de l’activité pensante sous la forme classique d’une hiérarchie appelée « architecture de l’entendement ». Cette hiérachie va de la fonction la plus concrète vers la plus abstraite. On lira ce tableau de bas en haut. On notera que les conditions de départ comme celles d’arrivée sont structurées en réseaux. 9 organon

réseau système synthèse

8 raisonnement

déduction induction

7 jugement

propositions vrai/faux

6 conception

objet concept, classe

5 intuition réfléchie

individus analogie- mesures - proportions

4 catégories (entendement pur)

langage champ symbolique social

3 intuition (sensibilité)

différenciations grandeurs

2 réseau mémoire

fonction supérieure du cerveau

1 réseau neuronal

cerveau

Les niveaux 1 & 2 et partiellement 3 relèvent de la neurobiologie et de la neuropsychologie. Les niveaux de 3 à 9 relèvent tous de la philosophie. La théorie du langage (linguistique), celle de l’inconscient (psychanalyse), l’anthropologie et l’ethnologie (sciences humaines) s’étudient dans les niveaux 4 & 5. Les niveaux 6,7,8 constituent le noyau de la logique (logique du concept, logique du jugement et logique du raisonnement). Le niveau 9 renvoie à la théorie des systèmes symboliques et constitue la synthèse de l’ensemble. L’activité mentale n’est pas linéaire ; elle ne suit pas la hiérarchie indiquée par le tableau. C’est un réseau complexe d’interactions et d’intégrations de fonctions. Quand bien même on décrit ces fonctions de manière distincte en ce qu’elles possèdent leurs lois propres, chacune d’entre elles a un effet sur toutes les autres. Enfin, elles sont toutes inscrites dans les mécanismes neuronaux via l’activité mémoire.

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Catégories de l’entendement Les catégories sont les principes simples à partir desquels s’organise la pensée intelligible. Ce sont des « notions pures » de l’entendement, c’est-à-dire des données de base non-dérivées. Elles agissent comme les lois premières et irréductibles de la connaissance. Les catégories donnent une valeur objective à la pure intuition sensible et une forme à l’expérience.[Hegel] Dans l’histoire de la philosophie, on procède par hypothèses données sous forme de tables de catégories : tables d’Aristote, de Kant, etc. Mais on s’accorde aujourd’hui à considérer que les catégories premières sont celles des langues. Plutôt que de bâtir des inventaires hypothétiques, il semble préférable de s’appuyer sur une analytique du langage qui, transcendant les langues particulières, dégage les catégories universelles propres à toute langue : catégorie du nombre, du temps, de l’aspect, de la personne verbale, etc. A partir de ces catégories du langage, on peut construire toutes les catégories de discours dont on a besoin pour penser. C’est pourquoi, l’analytique du langage est centrale dans les recherches en sciences cognitives aujourd’hui. Les « formes » de la pensée trouve tout d’abord leur extériorisation dans le « langage » de l’homme où elles sont pour ainsi dire déposées.

Intuition et intuition réfléchie L’intuition est la fonction psychique qui détermine le rapport du sujet au monde sensible : l’intuition est une connaissance immédiate qui ne nécessite pas la médiation du raisonnement. Dérivée du bas latin (intuitio) « image réfléchie dans un miroir », « se représenter par la pensée », l’intuition met en œuvre la fonction mémoire en tant qu’elle est organisée par des catégories. C’est pourquoi on distingue entre une intuition primaire (sensibilité simple) comme « trop chaud-trop froid, douleur--bien-être etc. », et l’intuition réfléchie qui gère la perception et la reconnaissance des objets du monde. Dans l’intuition réfléchie, le sensible, souligne Saint Augustin est l’occasion de la remémoration de l’intelligible. L’intuition est une fonction d’individuation. Elle correspond dans les langues au singulier et au pluriel (catégorie du nombre). Comme il n’y a que les choses singulières (ou individus) qui sont totalement déterminées, il ne peut y avoir de connaissance totalement déterminée que comme intuition. [Kant Logique 109] Tout ce qui est est singulier : toute chose est par elle-même singulière et numériquement une, si bien que l’être est individuel du fait même qu’il est [Ockam Commentaire sur les livres de l’art logique IX]. Ainsi dans la langue, la prédication des individus ne s’énonce qu’en temps conjugué dans l’ordre d’un récit . « un chien à poils jaune traversa la cour » ; en effet, les individus n’existent que dans l’espace et le temps qui sont le cadre de tout récit. L’intuition qui est singulière (individu) s’oppose au concept qui est général. On notera que les individus n’ont pas de contraire : une pas pomme, des pas chats, un pas volcan sont des syntagmes absurdes. La négation logique commence au concept, c’est-à-dire à la généralité.

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Concept Le terme de « concept » s’emploie sous différentes acceptions. Dérivé du verbal « concevoir »(lat. concipere -contenir entièrement, former en soi), on le trouve sous les formes suivantes : concevoir un enfant, concevoir un programme, un plan de bataille, un nouveau concept de voiture, etc. En philosophie, le terme prend au début le sens d’objet mental proche de « notion », « idée », etc. Mais à partir de Descartes (XVII°), puis Kant (XVIII°), Frege (fin XIX°), Saussure (début XX°), l e terme prend un usage proche du terme mathématique de « fonction ».

Forme et figure Pour montrer par un exemple ce qu’on entend par concept, on utilise l’opposition platonicienne « forme/figure » telle que l’illustre Molière dans la comédie « Le Mariage Forcé ». Dans cet exemple, le terme « forme » renvoie à celui de « concept ». Un philosophe déclare au héros Sganarelle, qu’on ne saurait confondre sans extrême gravité « la forme et la figure d’un chapeau » car, dit-il, si la figure d’un chapeau permet de distinguer un chapeau d’un autre chapeau, la forme d’un chapeau permet de distinguer un chapeau de ce qui n’est pas un chapeau. Un chapeau en tant qu’objet du monde sensible (figure) est un exemplaire de chapeau (forme). La « forme » de chapeau (concept) est réalisée sous la « figure » d’un chapeau (donnée sensible). La forme (en ce sens) est un objet mental conçu comme ensemble de connaissances organisées autour d’un principe, principe au moyen duquel le sujet connaissant établit pour tout objet du monde une partition binaire entre les « chapeaux » et les « pas chapeaux » : être ou ne pas être un chapeau, telle est la question ! Par l’abstraction, nous sommes passés du domaine de l’intuition (individu singulier pris dans le temps d’un récit) à celui de concept (forme générique indépendante du temps). Le concept de chapeau est une structure de connaissance qui permet de ne pas être dans la confusion, par exemple entre un chapeau et un turban, un bandeau, un foulard, une perruque,etc. Un concept (C) est une opération mentale qui partage l’univers du sujet en une classe et son complémentaire : tout ce qui est ( C ) UNION tout ce qui n’est pas ( C ) = l’univers de discours (tout ce qui est « sabre » UNION tout ce qui n’est « pas sabre »). Ainsi Kant écrit : « l’être est déterminé, en premier lieu , par rapport à ce qui n’est pas lui » [Kant Logique 69]. Le concept de « sabre » couvre tous les cas de figure de sabre. Ce concept est abstrait : c’est une entité mentale. Ainsi, un cimetère, une navaja sont des sabres, mais un coutelas, une épée, un poignard ne sont pas des sabres. Il est clair qu’il est plus facile de décrire un sabre donné que le concept général de sabre qui est une donnée inconsciente. Le travail de « conception » consiste à mettre au jour une « forme abstraite » valide pour tous les cas de figure possibles. « quelles opérations de l’entendement forment un concept à partir de représentations données (individus) ? » [Kant Logique 102]. Le passage de la figure sensible de l’intuition à la forme conceptuelle s’appelle « abstraction ». L’opération d’abstraction est effective quand on peut dire de manière distincte si un objet tombe ou non sous le concept ( C ). C’est un chapeau, ce n’est pas un chapeau ; c’est un sabre, ce n’est pas un sabre. Le concept de sabre répond à la question générale « qu’est-ce qu’un sabre ? ». La réponse à cette question est nécessairement abstraite. Ainsi, on dira que la pensée rationnelle

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commence à la capacité d’abstraction, c’est-à-dire à la généricité. La connaissance par concept s’appelle la pensée : (cognitio discursiva) [Kant Logique 99]. L’abstraction correspond au passage de l’individu au concept, c’est-à-dire du singulier (décrire ce sabre) au général (dire ce qu’est un sabre). Grâce à l’abstraction qui produit une représentation mentale, le sujet dans le monde peut distinguer tout ce qui est sabre de tout ce qui ne l’est pas. Le logicien Cajetan (XV°) explique : « L’abstraction est l’acte par lequel on « « intellige » une chose sans en intelliger une autre » [Cajetan Analogie]. Kant souligne à son tour que « l’abstraction (abstrahere ab aliquo) (abstraire de quelque chose) est la condition négative qui permet la production des représentations [Kant Logique 104]

Classe On appelle « classe » un ensemble d’objets qui « to mbe sous » un concept : classe des chats, des abeilles, etc. Le mathématicien Cantor (fin XIX°), empruntant la notion à la philosophie, appelle « ensemble (classe) » un tout d’objets bien distincts de notre intuition et de notre pensée. Ainsi, notre entendement a la capacité d’appréhender en un tout sous un concept l’ensemble des chats ou des abeilles. Ainsi, toute abeille « est une abeille » c’est-à-dire est un cas de figure du concept « abeille ». On dit encore, « cette abeille (individu, figure) en tant qu’abeille (classe, forme) ». A un individu qui appartient à la classe des abeilles, quel que soit ce qui lui arrive, il ne lui arrivera que des histoires d’abeille. Le concept d’abeille contient le principe qui fonde l’existence de toute abeille. Le concept est une propriété, c’est-à-dire ce que l’être a en « propre », abstraction faite de sa contingence. La logique porte sur les concepts alors que les autres sciences traitent des choses qui existent en dehors de l’âme [OCKAM Commentaire sur les livres de l’art logique VI]. Pour la logique, l’individu (singulier) est, selon le mot d’Aristote, un accident. Le concept qui caractérise cet individu s’appelle le « propre » ou propriété de cet individu. Ainsi encore, on distingue « ce cheval » (individu) « en tant que cheval » (propre). Kant dans sa logique note que si « l’intuition est une représentation singulière (représentatio singularis), le concept est une représentation générale (representatio per notas cummunes) ou réfléchie (représentatio discursiva).) [Kant Log 99]. En effet, grâce au concept, on peut parler d’abeille en général , sans référence à aucune abeille particulière. Retournant de l’abstraction à l’intuition sensible, on reconnaît un objet du monde au moyen du concept car « c’est dans son concept que l’objet possède quelque réalité ». [Hegel Logique de l’Etre 36] : (ceci est une abeille veut dire ceci est un exemplaire du concept d’abeille). Ainsi la notion « d’existence » d’un objet dans le monde est relative au sujet qui la pense, c’est-à-dire la place sous un concept. Cette question est résumée par une formule célèbre de Berkeley(XVIII°) : esse = percipi « être, c’est être représenté ». Un objet du monde n’existe pour un sujet, que si ce sujet en possède une représentation mentale (concept). Cette relation de l’étant au sujet se réduit à la matrice suivante à quatre cas : l’objet existe le sujet ne le sait pas ignorance

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l’objet existe le sujet le sait connaissance l’objet n’existe pas le sujet croit qu’il existe imaginaire l’objet n’existe pas le sujet sait qu’il n’existe pas connaissance Les quatre cas d’existence se réduisent à trois :ignorance, connaissance, imaginaire. Ces cas se ramifient selon que l’ignorance et connaissance est totale ou partielle. Classe et concept sont des objets abstraits qui rendent compte des objets de notre intuition sensible. La plus grande discussion philosophique du Moyen Age appelée « querelle des universaux » traite de cette question. Elle opposait les réalistes et les nominalistes . Les réalistes pensaient que les classes étaient des objets concrets au même titre que les objets contenus dans ces classes et qu’ainsi tous les objets sensibles ou mentaux étaient sur le même plan. Les nominalistes pensaient que les classes étaient des objets mentaux abstraits représentés par des noms et qu’ainsi nous ne pouvions avoir accès à ces classes que par l’entremise du langage. La querelle s’est terminée quatre siècles plus tard, en philosophie comme en mathématiques, avec le triomphe complet des nominalistes. Les classes sont des abstractions, c’est à dire des actes mentaux symbolisés. Tout Le terme « tout » se prend en deux acceptions (totum - totalité) qui définit une somme et (omni - concept) qui définit une classe. La totalité est une somme d’éléments individuels : cette opération appartient au domaine de l’intuition réfléchie. La classe est une généralisation et appartient au domaine de l’abstraction (concept). C’est une tautologie que de parler de « concepts universels »[Kant Logique 99] Exemple de « totum », les pigeons volent dans le parc . Cet énoncé est un pluriel catégorique : les pigeons sont en nombre fini, chacun des pigeons étant individuellement sujet du verbe « voler ». Exemple de « omni » les pigeons volent. Cet énoncé a une interprétation générique et décrit une propriété de tout pigeon. Dans le cas générique, le pluriel est neutralisé comme tel, les formules suivantes sont synonymes : tout pigeon vole = un pigeon vole = tous les pigeons volent, etc.. Le générique est abstrait et non-fini. En rassemblant des éléments individuels, on obtient une somme, mais non pas un tout conceptuel, car on ne peut pas obtenir le concept par composition d’objets individuels : le tout est antérieur à la partie [Kant Log 101].

Ontologie - Individu, espèce, genre On appelle « ontologie » l’univers de discours d’un sujet. En un sens premier, l’ontologie correspond à l’ensemble des objets du monde . Cet univers est organisé en classes (classe des chats, des dentistes, etc.). En un sens plus complexe, l’ontologie se définit par l’ensemble des classes et possède dès lors des propriétés particulières : ces propriétés structurent la capacité d’abstraction du sujet. « L’institution » d’une ontologie est la condition même d’une pensée.[Kant Logique 75]. On organise hiérarchiquement l’ontologie en trois types : individu, espèce et genre . Le type individu couvre les objets du monde : Genre et espèce sont des concepts (classes) sous lesquels tombent ces individus. Par exemple, cette chose (individu) est un manguier(espèce) et ce manguier est un arbre(genre).

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individu espèce genre concept concept Tout concept supérieur à un concept s’appelle un genre. Kant explique : « Le concept supérieur dans son rapport avec son concept inférieur s’appelle « genre ». Le concept inférieur dans son rapport à son concept supérieur s’appelle « espèce ». Quand on monte des individus vers les espèces et les genres, on dit qu’on procède par abstractions successives : cette chose est un manguier (individu vers espèce), ce manguier est un arbre (espèce vers genre), cet arbre est un végétal (espèce vers genre), ce végétal est un être vivant (espèce vers genre), cet être vivant est un être (espèce vers genre suprême). Quand on redescend du genre vers l’espèce et de l’espèce vers l’individu, on dit qu’on procède par déterminations . En poursuivant « l’abstraction » logique, on forme des concept toujours plus élevés ; en poursuivant la « détermination » on forme des concepts toujours plus inférieurs. Ainsi le genre est la « généralisation » d’une espèce et l’e spèce, la « spécification » d’un genre. Il y a un genre dernier (conceptum summum) et des espèces dernières. Kant explique : Le genre suprême est celui qui n’est pas espèce comme est dernière l’espèce qui n’est pas genre. Il doit y avoir un concept premier « suprême(conceptum summum), mais il n’y a pas de genre dernier. Ainsi par détermination (en descendant), le genre « figures graphiques » contient l’espèce « figures géométriques » : « figures géométriques » forment un genre pour l’espèce « cercle » qui est une espèce dernière, car tous les cercles sont des cercles et rien d’autre. Les choses conviennent entre elles par leur propriétés universelles et diffèrent par leurs propriétés particulières. Ainsi les chats et les lions sont des espèces du genre « félins ». Ils possèdent des éléments en commun (genre), mais diffèrent par certaines de leurs propriétés (espèce).

Jugement

Opération de prédication On obtient un jugement (proposition) en reliant deux concepts ; cette opération s’appelle la « prédication ». L’opération de prédication permet d’obtenir quatre jugements possibles notés traditionnellement: (A, E, I, O).

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Soient deux concepts « photographe » et « espion », dérivons les quatre jugements. A proposition universelle affirmative tous les photographes sont des espions E proposition universelle négative aucun photographe n’est un espion I proposition particulière affirmative certains photographes sont des espions O proposition particulière négative certains photographes ne sont pas des espions De ces quatre jugements obtenus à partir de deux concepts pris au hasard, certains sont vrais et d’autres sont faux. Néanmoins, un au moins des jugements est vrai. Ainsi, il suffit de combiner deux concepts quelconques pour obtenir nécessairement au moins une proposition vraie. Exemple : soient deux concepts « astre » et « fromage blanc ». De la combinaison de ces deux concepts, on obtient nécessairement une proposition vraie au moins. A proposition universelle affirmative tout astre est en fromage blanc E proposition universelle négative aucun astre n’est en fromage blanc I proposition particulière affirmative certains astres sont en fromage blanc O proposition particulière négative certains astres ne sont pas en fromage blanc On voit donc que le méta-concept de vérité n’est pas transcendental, mais se construit à partir de l’opération logique de prédication.

Carré d’Aristote

A partir des quatre jugements possibles, on construit le carré suivant appelé Carré d’Aristote (ou Carré des oppositions) d’où l’on tire les six rapports fondamentaux de la prédication logique. contraires A E subalternes contradictoires subalternes I O subcontraires Les contraires (A E) ne peuvent pas être assertés dans un même discours. Il en est de même pour les contradictoires (A O) et (E I). Par contre, les subalternes (A I) et (E O)peuvent valoir ensemble ainsi que les subcontraires (I O). AE (contraires) (non-valide) tous les photographes sont des espions et aucun photographe n’est un espion AO (contradictoires)(non-valide) tous les photographes sont des espions et certains photographes ne sont pas des espions EI (contradictoires)(non-valide) aucun photographe n’est un espion et certains photographes sont des espions

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AI (subalternes)(valide) tous les photographes sont des espions et certains photographes sont des espions EO (subalternes)(valide) aucun photographe n’est un espion et certains photographes ne sont pas des espions IO (subcontraires) (valide) certains photographes sont des espions et certains photographes ne sont pas des espions

Types de jugements De manière plus générale, on classe les jugements en deux types appelés « analytiques » et « synthétiques ». On appelle « analytique » les propositions dont la certitude repose sur l’identité des concepts et « synthétique », tous les autres. [Kant Logique 121]. Exemples de propositions analytiques:« a = a », « Les célibataires sont non-mariés » « la vérité est vraie ». Ces propositions sont analytiques, c’est-à-dire vraies en vertu du sens de leurs termes. On dit qu’elles sont triviales. Exemples de propositions synthétiques : « la lune est un satellite de la terre », « le curare est un poison mortel ». La valeur de vérité d’une proposition synthétique fait appel à l’intuition, c’est-à-dire met en œuvre un rapport au monde sensible. Dès lors, une proposition synthétique est « vraie » quand elle asserte ce qui est le cas dans le monde et « fausse » dans le cas contraire. Un jugement analytique est un pur calcul de termes. Ainsi, la proposition arithmétique (2 + 5 = 7). Les nombres arithmétiques ne valent que dans des propositions analytiques [Kant]. Le jugement synthétique n’est pas un pur calcul en ce qu’il implique l’intuition.

Valeurs de vérité On dit que les propositions sont des jugements parce qu’elles peuvent être vraies ou fausses. La logique fait prendre à la notion de vérité un sens tout à fait strict. Contrairement à la pensée mythique qui « va vers la Vérité » comme si c’était une révélation transcendantale ou une sorte de lieu, la pensée du logos définit la vérité comme la valeur d’un discours. Un discours (proposition) est vrai quand il dit ce qui est le cas. Il n’y a pour la raison d’autre vérité (ou fausseté) que celle d’un discours. Ainsi, les objets ne sont ni vrais ni faux en soi. La vérité, pour le logos, n’est qu’une valeur d’usage du langage.

Raisonnement Un raisonnement est composé d’une chaîne de jugements. C’est une procédure qui, sans en référer à l’intuition, permet de dériver un jugement vrai à partir d’une chaîne de jugements vrais. D’une manière très générale, une démonstration est un enchaînement de propositions. Cet enchaînement s’effectue dans l’ordre de la raison appelé « démonstration ». Selon Aristote, « le sujet de la logique est la démonstration ».[Aristote Anal Prior 24a10]. La logique, dit St. Thomas d’Aquin, est « l’art qui dirige l’acte même de la raison » [T. d’Aquin Sec. Anal. I, 1]. On emploie également le terme de « raisonnement » pour l’analogie et la causalité. Néanmoins, stricto sensu, le terme de raisonnement est réservé à deux types de procédure, l’induction et la déduction.

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Déductions, inductions On compte deux grands types de raisonnement, la déduction et l’induction . Les raisonnements déductifs constituent les preuves les plus fondamentales. Sans entrer dans les détails, on distingue la déduction de l’induction comme suit : La déduction va du général au particulier : l’induction va du particulier au général . Dans l’absolu, la déduction est seule admise dans la manipulation des concepts. L’induction est abusive : Exemple de déduction � du tout à la partie Ce qui est vrai de tous les morceaux de cuivre est vrai pour quelques morceaux de cuivre Exemple d’induction � de la partie au tout (logiquement impossible) � « certains politiciens sont malhonnêtes donc tous les politiciens sont malhonnêtes » Si on veut accuser d’un crime quelqu’un qui a déjà commis des petits délits, on dit par induction « Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes ». [Racine, Phèdre]. Paralogisme de l’induction Pour montrer certains dangers du raisonnement par induction dans les disciplines qui manipulent des concepts, notamment les sciences humaines, considérons l’exemple suivant. Supposons que je rencontre un homme barbu qui se déclare intégriste. J’en prends note comme d’un fait singulier sous la forme « un barbu est intégriste ». Supposons qu’en continuant mes investigations, je rencontre un certain nombre d’hommes barbus qui se déclarent également intégristes. Cette fois j’en prends note sous la forme du pluriel: « certains barbus sont intégristes ». Ce dernier énoncé est vrai, mais ne m’autorise pas à asserter l’énoncé général « tout barbu est intégriste »

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Résumons cet exemple par le schéma suivant qui montre qu’on ne peut pas rationnellement passer de la totalité plurielle (totum) à la généralité conceptuelle (omni). (tout barbu) (un barbu) (plusieurs barbus) (certains barbus) Une règle logique interdit le passage du particulier au général. Cette règle permet d’éviter les « généralisations abusives ». Dans la vie sociale, tout un chacun viole cette règle très couramment. Cette violation permet d’utiliser illégitimement des propositions générales.

singulier pluriel

particulier

général

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INDUCTION ET PROBABILITES Les règles déductives sont irremplaçables quand il s’agit de définir des concepts dans l’absolu. Néanmoins, à l’échelle pratique, on a souvent recours au raisonnement inductif, notamment dans les sciences physiques et biologiques ainsi que dans les sciences économiques et sociales car l’induction sous la forme d’une théorie de la mesure sert de lien entre l’intuition et le raisonnement. Dans ces disciplines pré-citées, la certitude absolue cède le pas à des « mesures approchées » et à la « connaissance probable ». Le grand probabiliste E. Borel résume la question entre certitude absolue et certitude relative en ces termes: « Concluons qu’une probabilité assez voisine de l’unité doit être regardée comme rigoureusement équivalente à la certitude, au moins pour tous les hommes. Nous n’avons pas à nous demander ce qu’en penseraient des dieux éternels et omniprésents » [E. Borel Dialectica 26]. Compte-tenu de l’extrême finesse des mesures qu’ils obtiennent, les praticiens des probabilités s’en remettent au principe suivant (A,B,C) dit principe de Cournot :

Principe de Cournot

A Un événement dont la probabilité est très petite n’a lieu que très rarement. B Un événement de probabilité très petite est un événement « pratiquement

impossible ». C Quand un événement est de probabilité extrêmement petite, il convient d’agir comme

s’il ne devait pas se produire. Ainsi, si l’on prend certaines précautions, l’induction constitue un mode de raisonnement tout à fait fiable.

Déduction - Syllogisme Le type de déduction le plus connu est le « syllogisme ». Il est dû à Aristote. Un syllogisme est une structure de raisonnement composée de trois propositions appelées « prémisse majeure », « prémisse mineure » et « conclusion ». Prémisse majeure proposition prémisse mineure proposition conclusion proposition L’exemple le plus célèbre de syllogisme, dit « syllogisme de Platon » s’écrit comme suit : tout homme est mortel prémisse majeure Socrate est un homme prémisse mineure Socrate est mortel conclusion Le syllogisme se définit par une seule instruction : soit deux propositions, trouvez la troisième ! Afin de tester ses propres capacités de raisonnement, le lecteur peut essayer le jeu suivant : des quatre exemples de raisonnement syllogistiques donnés ci-dessous, deux sont corrects et deux sont incorrects : quels sont-ils ? (solution en fin de document) Exemples de syllogismes

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Exemples 1 tout philosophe est parfait tout chef est philosophe _____________________ tout chef est parfait Exemple 2 tout philosophe est parfait aucun chef n’est philosophe _______________________ aucun chef n’est parfait Exemple 3 tout philosophe est parfait tout philosophe est chef _____________________ tout chef est parfait Exemple 4 aucun philosophe n’est parfait tout chef est philosophe _______________________ aucun chef n’est parfait

Entendement kantien Nous avons, jusqu'à présent, pris le mot « entendement » dans un sens général et étymologique : (entendre, faculté de comprendre). C’est le sens qu’il a chez Montaigne, Descartes et les philosophes anglais, notamment Hume. Toutefois, l’emploi du mot se spécifie à partir de Kant jusqu'à Hegel. Dans cette nouvelle acception, « entendement » se distingue de « raison ». On emploie dès lors « entendement » pour tout ce qui se rapporte à la notion de conséquence immédiate comme les catégories, l’intuition, etc. et « raison » pour ce qui se rapporte à la notion de conséquence médiatisée , spécifiquement le raisonnement syllogistique. Une conséquence immédiate (conséquence de l’entendement) est la dérivation d’un jugement à partir d’un autre jugement sans le recours à un jugement intermédiaire. Une conséquence médiate (conséquence de la raison) est la dérivation d’un jugement au moyen de plusieurs autres jugements. Selon Hegel, « l’esprit est la combinaison des deux (entendement et raison) ».

Organon - système La logique de la causalité répond à la question « pourquoi ? » ; c’est une logique linéaire qui remonte des chaînes de conséquences jusqu'à un point d’origine. On peut montrer que ce point ne peut être rationnellement atteint et qu’il se situe hors du logos. « Pourquoi les oiseaux ont-ils des plumes ? - Parce que... c’est comme ça». La question « pourquoi » débouche sur une réponse impossible dont l’ancrage ne peut être que mythique.

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La logique des systèmes, pour sa part, répond à la question « comment ? », « comment est-ce que ça fonctionne ? » « comment est-ce organisé ? ». Ce mode de questionnement n’est pas linéaire, mais en réseau. Un système se décrit comme un réseau de faits et de conséquences solidaires en interaction. « Toutes chose étant causées et causante, aidées et aidantes, je ne saurai connaître le tout sans connaître les parties ni les parties sans connaître le tout. » [Pascal Pensées]. Par abus de langage, on emploie également la question « pourquoi ? » en place de celle de « comment ? » : à cette question, il faut néanmoins répondre par la donnée d’un système. « pourquoi le sucre est soluble ? », « pourquoi les nations européennes ont-elles signé le traité de Munich ? », « pourquoi les boursiers américains pensent-ils que la résorption du chômage aux USA est inflationniste ? » On appelle système « organon », toute organisation rationnelle de faits, tout mécanisme dans lequel se trouve logiquement inscrit l’objet dont on parle. Disposer d’une explication d’un phénomène ou d’une proposition, c’est produire un système qui l’interprète. Un système symbolique est dit « cohérent » quand il ne contient que des propositions logiquement possibles. Ainsi, la notion de système est un idéal de l’être, c’est-à-dire un modèle. Mais comme il n’y a pas, en principe, de système parfait, tout système est sujet à la révision. Un système est un modèle rationnel de compréhension. Une sorte d’idéal de la connaissance. La question « comment ? » s’interprète comme suit : Soit une donnée, montrer un système qui l’interprète. Comprendre un fait, c’est avoir la possibilité de l’inscrire dans un système. Ainsi un système (au sens symbolique du terme) est un modèle d’interprétation (on dit aussi un « interprétant »). On entendra donc par « connaissance » un savoir explicable au moyen d’un système. Nous ne connaissons que des idées, c’est-à-dire des phénomènes conditionnés par notre structure mentale. La réalité profonde de la chose en soi nous échappe. [Kant Idéalisme Transcendental]

DIALOGUE Pris dans un sens général, le dialogue est le protocole de communication dans lequel s’inscrivent toutes les manifestations du langage et de la pensée. La conversation courante, la discussion, le débat et le discours d’orateur s’inscrivent dans un dialogue. Les pratiques narratives, les explications, les commentaires voire même les activités individuelles comme la lecture et l’écriture sont des dialogues. Plus généralement encore, le dialogue est le cadre de l’appel, de l’écoute, de l’attente. Il est également celui des gestes et des poses; il n’est jusqu’au cri qui ne s’y inscrive. C’est également vrai pour le rire(qui marque un jugement car, en principe, on ne rit pas pour rien). Les signes d’assentiment, certains silences sont des réponses. Enfin, le dialogue est le protocole symbolique des arts, des techniques et des jeux. La pensée réfléchie, forme essentielle du processus intelligent (conventions, classements, catégorisations, intuition, conception, jugement, raisonnement, systématisation), s’effectue dans, et (en principe), au nom d’un dialogue. L’intégralité du champ des valeurs transite par ce protocole. La parole s’énonce au nom du dialogue.

Dialogue « en endophase » [grec: endon (dedans) et phemi (je parle)]

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L’activité du langage (et de la pensée) nécessite un sujet en dialogue (avec d’autres ou avec lui-même). On dit que le dialogue est en « endophase » quand le sujet joue les deux rôles. Selon Platon, auteur des Dialogues, « la pensée est le dialogue de l’âme avec elle-même ». Aristote, pour sa part, note que « on ne peut raisonner qu’avec soi-même ou bien autrui » [Méta T 3 1006 b 11-28]. Que cet « autrui » soit physiquement présent ou absent, qu’il parle ou qu’il se taise, qu’il soit (ou non) le double du sujet, sa présence est requise dans l’activité de penser. Le dialogue nécessite d’être (au moins) deux, y compris le cas où un même sujet joue les deux rôles. Les logiciens placent les lois de la raison dans celles du dialogue. Le dialogue est un filtre qui gère cohérence de la communication sociale. Il est à la fois la base de la logique et de l’éthique. Les règles du dialogue appartiennent au système général des lois et des règles du langage.

Pédagogie de la logique La logique ne s’apprend pas, elle s’étudie. Nous en sommes naturellement pourvus. Hegel note « Que la logique nous « apprenne à penser » (et c’est en cela qu’on voyait jadis son utilité et son but), comme si par l’étude de la physiologie et de l’anatomie, on pouvait apprendre à digérer et à se mouvoir ». Etudier la logique, c’est effectuer l’analyse rationnelle de la raison : expliquer la raison par elle-même. La science logique montre des formes de « bien penser ». Opposée (quoi qu’intégrée) à la physique qui étudie le monde matériel, la logique étudie le monde des « intelligibles », autrement dit tout ce qui transite par les systèmes de signes. « La logique, déclare Ockam (XIII° s.) porte sur les concepts alors que les autres sciences traitent des choses qui existent en dehors de l'âme. » [OCKAM Commentaire sur les livres de l'art logique VI] La Logique est une propédeutique universelle de tout usage de l’entendement. Son étude correspond à la formation de l’entendement commun, source et faculté de penser des règles en général. La logique est une analytique de la forme de l’entendement et de la raison. La raison guide l’entendement dans sa relation avec l’expérience - c’est un principe régulateur) la logique est un outil indispensable à la critique de la connaissance [Kant Logique].

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BIBLIOGRAPHIE

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trad P. Morin, Vrin, 1994, Paris

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