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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 2 169 contexte postopératoire. Les plus fréquents sont les cépha- lées, les nausées, les vomissements et la fatigue. Puis surviennent des convulsions et finalement des signes d’engagement cérébral. Tout retard thérapeutique assom- brit le pronostic neurologique. La prévention de ces accidents passe par l’administration de solutés isotoniques chez les patients à risque. En peropéra- toire, Il faut utiliser du Ringer-lactate chez les grands enfants comme chez l’adulte ou du Ringer-lactate glucosé à 1 % (B66) chez les nourrissons et les enfants de moins de 3 à 4 ans. En postopératoire, il faut abandonner les prescrip- tions de « garde-veine ». Les auteurs proposent d’utiliser comme soluté de base chez les enfants hospitalisés du sérum salé glucosé à 5 %. Ce soluté apporte 154 mEq/l de sodium mais ne contient pas de potassium et a une osmola- lité de 560 mOsm/kg/H 2 O. Une autre solution consiste à préparer un soluté de Ringer-lactate (contenant 130 mEq/l de sodium) avec 20 mEq/l de potassium et 5 % de glucose. Les pertes supplémentaires (aspiration digestive, draina- ges…) doivent être compensées par du sérum salé isotoni- que ou du Ringer-lactate. Ces recommandations ne sont pas valables en période néonatale. Isabelle MURAT Hôpital Armand Trousseau, Paris. Attention ! Arrêt cardiaque après injection de ropivacaïne Chazalom P, Toentier JP, Villevielle T, Giraud D, Saissy JM, Mion G, Benhamou D. Ropivacaine-induced cardiac arrest after peripheral nerve block: successful resuscitation. Anesthesiology 2003;99:1451-3. Huet O, Eyrolle LJ, Mazoit JX Ozier YM. Cardiac arrest after injection of ropivacaine for posterior lumbar plexus blockade. Anesthesiology 2003;99:1453-5. Dans un éditorial publié dans Anesthesiology en 1979, Albright rapportait des arrêts cardiaques survenus après administration péridurale de bupivacaïne, notamment en solution à 0,75 % et notamment dans le contexte obstétri- cal. Ces accidents préoccupants avaient conduit à retirer du marché la solution à 0,75 % et à modifier profondément la pratique de l’anesthésie en obstétrique, en réduisant les doses de bupivacaïne administrées et en fragmentant l’administration de ces doses. De ce fait, en 2004, les arrêts cardiaques post-péridurales obstétricale ont heureusement quasiment disparu. Dans le même temps, l’industrie phar- maceutique a souhaité substituer à la bupivacaïne une molé- cule moins cardiotoxique, en l’occurrence la ropivacaïne. Celle-ci est maintenant utilisée depuis plusieurs années en obstétrique, avec les mêmes précautions que la bupiva- caïne. En revanche, par d’autres voies d’administration (blocs périphériques, infiltrations) les quantités adminis- trées restent importantes et des accidents à type de convul- sions ont été déjà publiés. Deux cas publiés dans le numéro de décembre 2003 d’Anesthesiology font état d’arrêt cardiaque après adminis- tration de ropivacaïne. Dans le premier cas, une femme de 66 ans a reçu une dose de 300 mg après la réalisation d’un bloc poplité (25 ml à 7,5 mg/ml) complété par un bloc saphène (4 ml) et par une infiltration à la cheville (6 ml), soit au total une dose sans conteste excessive ! Une heure après la dernière injection, la patiente a présenté une agita- tion, une confusion puis rapidement une hypotension arté- rielle et une bradycardie. Cette dernière s’est avérée réfractaire à l’éphédrine et à l’atropine et s’est aggravée jusqu’à l’arrêt cardiaque justifiant un massage cardiaque de moins d’une minute, qui a été interrompu avec la reprise d’une tachycardie sinusale secondaire à une seconde injec- tion d’éphédrine. Dans le second cas, au cours d’un bloc plexique lombaire effectué par voie postérieure chez un patient du même âge, une dose de 187,5 mg de ropivacaïne a été administrée (25 ml d’une solution à 7,5 mg/ml). Deux minutes après la fin de l’injection et malgré l’absence de reflux préalable, le patient a présenté des convulsions suivies immédiatement d’une asystolie constatée sur le scope. Le patient a alors été intubé, massé et a reçu 1 puis 3 mg d’adrénaline qui a res- tauré une activité cardiaque sous forme de bradycardie à complexes larges se normalisant progressivement en rythme sinusal, tandis que l’état neurologique du patient s’améliorait. Cinq minutes après l’injection, la concentra- tion plasmatique de ropivacaïne était de 5,61 mg/l confir- mant une injection intra-vasculaire. Ces deux cas cliniques sont riches d’enseignement. – ils nous rappellent que la ropivacaïne est cardiotoxique et qu’elle doit être maniée avec les mêmes précautions que la bupivacaïne, en veillant notamment à de ne pas dépasser la dose maximale autorisée (225 mg soit 30 ml de la solution à 7,5 mg/ml). Ce rappel est important dans la mesure où certaines études concernant les infiltrations nous incitaient à dépasser cette dose. Il faut également fragmenter la dose injectée, une injection intravasculaire étant toujours possi- ble comme le souligne le cas n° 2 ; – le spectre de l’arrêt cardiaque s’est déplacé de la pratique de l’analgésie péridurale à celle des blocs périphériques pour les raisons évoquées plus haut. Pour ces mêmes rai- sons, l’administration périphérique ne doit pas s’affranchir des règles éditées pour l’ensemble des techniques d’anes- thésie loco-régionale (fragmentation des doses en injection lente avec aspirations répétées) ; – la ropivacaïne à dose toxique peut provoquer un arrêt car- diaque contemporain des manifestations neurologiques (confusion, convulsions). Ces manifestations ont donc une

Attention ! Arrêt cardiaque après injection de ropivacaïne

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 2 169contexte postopératoire. Les plus fréquents sont les cépha-lées, les nausées, les vomissements et la fatigue. Puissurviennent des convulsions et finalement des signesd’engagement cérébral. Tout retard thérapeutique assom-brit le pronostic neurologique.La prévention de ces accidents passe par l’administration desolutés isotoniques chez les patients à risque. En peropéra-toire, Il faut utiliser du Ringer-lactate chez les grandsenfants comme chez l’adulte ou du Ringer-lactate glucosé à1 % (B66) chez les nourrissons et les enfants de moins de 3à 4 ans. En postopératoire, il faut abandonner les prescrip-tions de « garde-veine ». Les auteurs proposent d’utilisercomme soluté de base chez les enfants hospitalisés dusérum salé glucosé à 5 %. Ce soluté apporte 154 mEq/l desodium mais ne contient pas de potassium et a une osmola-lité de 560 mOsm/kg/H2O. Une autre solution consiste àpréparer un soluté de Ringer-lactate (contenant 130 mEq/lde sodium) avec 20 mEq/l de potassium et 5 % de glucose.Les pertes supplémentaires (aspiration digestive, draina-ges…) doivent être compensées par du sérum salé isotoni-que ou du Ringer-lactate. Ces recommandations ne sont pasvalables en période néonatale.

Isabelle MURAT

Hôpital Armand Trousseau, Paris.

Attention ! Arrêt cardiaque après injectionde ropivacaïneChazalom P, Toentier JP, Villevielle T, Giraud D, Saissy JM,Mion G, Benhamou D. Ropivacaine-induced cardiac arrest afterperipheral nerve block: successful resuscitation. Anesthesiology2003;99:1451-3.Huet O, Eyrolle LJ, Mazoit JX Ozier YM. Cardiac arrest afterinjection of ropivacaine for posterior lumbar plexus blockade.Anesthesiology 2003;99:1453-5.

Dans un éditorial publié dans Anesthesiology en 1979,Albright rapportait des arrêts cardiaques survenus aprèsadministration péridurale de bupivacaïne, notamment ensolution à 0,75 % et notamment dans le contexte obstétri-cal. Ces accidents préoccupants avaient conduit à retirer dumarché la solution à 0,75 % et à modifier profondément lapratique de l’anesthésie en obstétrique, en réduisant lesdoses de bupivacaïne administrées et en fragmentantl’administration de ces doses. De ce fait, en 2004, les arrêtscardiaques post-péridurales obstétricale ont heureusementquasiment disparu. Dans le même temps, l’industrie phar-maceutique a souhaité substituer à la bupivacaïne une molé-cule moins cardiotoxique, en l’occurrence la ropivacaïne.Celle-ci est maintenant utilisée depuis plusieurs années enobstétrique, avec les mêmes précautions que la bupiva-caïne. En revanche, par d’autres voies d’administration

(blocs périphériques, infiltrations) les quantités adminis-trées restent importantes et des accidents à type de convul-sions ont été déjà publiés.

Deux cas publiés dans le numéro de décembre 2003d’Anesthesiology font état d’arrêt cardiaque après adminis-tration de ropivacaïne. Dans le premier cas, une femme de66 ans a reçu une dose de 300 mg après la réalisation d’unbloc poplité (25 ml à 7,5 mg/ml) complété par un blocsaphène (4 ml) et par une infiltration à la cheville (6 ml),soit au total une dose sans conteste excessive ! Une heureaprès la dernière injection, la patiente a présenté une agita-tion, une confusion puis rapidement une hypotension arté-rielle et une bradycardie. Cette dernière s’est avéréeréfractaire à l’éphédrine et à l’atropine et s’est aggravéejusqu’à l’arrêt cardiaque justifiant un massage cardiaque demoins d’une minute, qui a été interrompu avec la reprised’une tachycardie sinusale secondaire à une seconde injec-tion d’éphédrine.

Dans le second cas, au cours d’un bloc plexique lombaireeffectué par voie postérieure chez un patient du même âge,une dose de 187,5 mg de ropivacaïne a été administrée(25 ml d’une solution à 7,5 mg/ml). Deux minutes après lafin de l’injection et malgré l’absence de reflux préalable, lepatient a présenté des convulsions suivies immédiatementd’une asystolie constatée sur le scope. Le patient a alors étéintubé, massé et a reçu 1 puis 3 mg d’adrénaline qui a res-tauré une activité cardiaque sous forme de bradycardie àcomplexes larges se normalisant progressivement enrythme sinusal, tandis que l’état neurologique du patients’améliorait. Cinq minutes après l’injection, la concentra-tion plasmatique de ropivacaïne était de 5,61 mg/l confir-mant une injection intra-vasculaire.

Ces deux cas cliniques sont riches d’enseignement.

– ils nous rappellent que la ropivacaïne est cardiotoxique etqu’elle doit être maniée avec les mêmes précautions que labupivacaïne, en veillant notamment à de ne pas dépasser ladose maximale autorisée (225 mg soit 30 ml de la solutionà 7,5 mg/ml). Ce rappel est important dans la mesure oùcertaines études concernant les infiltrations nous incitaientà dépasser cette dose. Il faut également fragmenter la doseinjectée, une injection intravasculaire étant toujours possi-ble comme le souligne le cas n° 2 ;

– le spectre de l’arrêt cardiaque s’est déplacé de la pratiquede l’analgésie péridurale à celle des blocs périphériquespour les raisons évoquées plus haut. Pour ces mêmes rai-sons, l’administration périphérique ne doit pas s’affranchirdes règles éditées pour l’ensemble des techniques d’anes-thésie loco-régionale (fragmentation des doses en injectionlente avec aspirations répétées) ;

– la ropivacaïne à dose toxique peut provoquer un arrêt car-diaque contemporain des manifestations neurologiques(confusion, convulsions). Ces manifestations ont donc une

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 2170valeur d’alarme mais elles peuvent être très rapidement sui-vies par des troubles de la conduction cardiaque, commedans les deux cas décrits ;– d’après les deux cas décrits, on peut voir que les compli-cations cardiaques induites par la ropivacaïne peuvent êtreréversibles, mais il faut nuancer ce propos. En fait dans lesdeux cas, les troubles de conduction n’ont pas été suivisd’une tachycardie ou d’une fibrillation ventriculaire, compli-cations classiques de la bupivacaïne. Si tel avait été le cas,l’évolution aurait peut-être été moins favorable. Par ailleurs,sans revenir sur la polémique concernant la toxicité compa-

rée de la bupivacaïne et de la ropivacaïne (ropivacaïnemoins puissante = moins toxique mais peut-être aussi toxi-que aux doses équipotentes), on sait que la bupivacaïnepersiste plus longtemps dans les cellules cardiaques (slowin – slow out) que la ropivacaïne, expliquant les difficultésd’obtention d’une activité cardiaque efficace malgré la réa-nimation. C’est souvent le cas de la bupivacaïne mais nonde la ropivacaïne dans les deux cas décrits.

Francis BONNET

Hôpital Tenon, Paris.

L E S F R A N C O P H O N E S D A N S L A L I T T É R A T U R E I N T E R N A T I O N A L E

Le néfopam évalué en orthopédieDu Marroir B, Aubrun F, Langlois N, Le Guern M.E, Alquier C,Chauvin M, Fletcher D. Randomized prospective study of theanalgesic effect of nefopam after orthopedic surgery. Brit JAnaesth 2003;91:836-41.

Parmi les analgésiques non opioïdes actuellement disponi-bles se situe le néfopam dont plusieurs études récentes onttenté de préciser l’intérêt, la puissance d’action et le domained’application. Cette étude multicentrique, sponsorisée par lelaboratoire Biocodex, a évalué, après prothèse de hanche, lenéfopam (20 mg x 4/24 heures) contre un placebo, aveccomme paramètres de mesure la consommation de mor-phine en PCA et l’intensité de la douleur postopératoire mesu-rée sur des échelles visuelles analogue et verbale simple.

L’étude a porté sur 201 patients. Le néfopam a diminué deprès de 22 % la consommation de morphine des premières24 heures. La première dose étant administrée 15 minutesavant la fermeture chirurgicale, les patients du groupe néfo-pam avaient des scores d’intensité douloureuse inférieursdurant leur séjour en salle de réveil. Chaque dose étant per-fusée sur 30 minutes, l’incidence des effets secondaires(sueurs, nausées, vomissements, sédation, prurit, rétentiond’urines) était comparable dans les deux groupes.

Le néfopam a donc un effet d’épargne modeste de la mor-phine, sans réduire ni augmenter l’incidence de ses effetssecondaires. Il peut être utilisé comme adjuvant des opiacéspour l’analgésie après chirurgie de hanche.

Francis BONNET

Hôpital Tenon, Paris.