Bac blanc - G

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  • 7/31/2019 Bac blanc - G

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    Texte A :

    Une affiche dhuissier annonce que la maison des Bovary sera mise en vente suite des dettesnon payes ; Emma Bovary, seule responsable de cette situation, panique lide que son mariapprenne cette terrible nouvelle et cherche une solution pour trouver trs rapidement largentncessaire. Elle se rend chez un riche voisin, Rodolphe Boulanger, qui a t son amant.

    Elle se demandait tout en marchant : Que vais-je dire ? Par o commencerai-je ?Et mesure quelle avanait, elle reconnaissait les buissons, les arbres, les joncs marins

    sur la colline, le chteau l-bas. Elle se retrouvait dans les sensations de sa premiretendresse, et son pauvre cur comprim sy dilatait amoureusement. Un vent tide luisoufflait au visage ; la neige, se fondant, tombait goutte goutte des bourgeons surlherbe.

    Elle entra, comme autrefois, par la petite porte du parc, puis arriva la courdhonneur, que bordait un double rang de tilleuls touffus. Ils balanaient, en sifflant, leurslongues branches. Les chiens au chenil aboyrent tous, et lclat de leurs voix retentissaitsans quil part personne.

    Elle monta le large escalier droit, balustres de bois, qui conduisait au corridorpav de dalles poudreuses o souvraient plusieurs chambres la file, comme dans lesmonastres ou les auberges. La sienne tait au bout, tout au fond, gauche. Quand ellevint poser les doigts sur la serrure, ses forces subitement labandonnrent. Elle avaitpeur quil ne ft pas l, le souhaitait presque, et ctait pourtant son seul espoir, la dernirechance de salut. Elle se recueillit une minute, et, retrempant son courage au sentiment dela ncessit prsente, elle entra.

    Il tait devant le feu, les deux pieds sur le chambranle, en train de fumer une pipe.

    G. Flaubert Madame Bovary, chap. VIII - 3me partie 1857

    Texte B : Incipit du roman

    Aujourdhui, maman est morte. Ou peut-tre hier, je ne sais pas. Jai reu untlgramme de lasile : "Mre dcde. Enterrement demain. Sentiments distingus." Celane veut rien dire. Ctait peut-tre hier.

    Lasile de vieillards est Marengo, quatre-vingts kilomtres d Alger. Je prendrailautobus deux heures et jarriverai dans laprs-midi. Ainsi, je pourrai veiller et jerentrerai demain soir. Jai demand deux jours de cong mon patron et il ne pouvait pasme les refuser avec une excuse pareille. Mais il navait pas lair content. Je lui ai mmedit : "Ce nest pas de ma faute." Il na pas rpondu. Jai pens alors que je naurais pas d

    lui dire cela. En somme, je navais pas mexcuser. Ctait plutt lui de me prsenterses condolances. Mais il le fera sans doute aprs-demain, quand il me verra en deuil.Pour le moment, cest un peu comme si maman ntait pas morte. Aprs lenterrement, aucontraire, ce sera une affaire classe et tout aura revtu une allure plus officielle.

    Jai pris lautobus deux heures. Il faisait trs chaud. Jai mang au restaurant,chez Cleste, comme dhabitude. Ils avaient tous beaucoup de peine pour moi et Clestema dit : "On na quune mre." Quand je suis parti, ils mont accompagn la porte.

    Jtais un peu tourdi parce quil a fallu que je monte chez Emmanuel pour luiemprunter une cravate noire et un brassard. Il a perdu son oncle, il y a quelques mois.Jai couru pour ne pas manquer le dpart. Cette hte, cette course, cest cause de toutcela sans doute, ajout aux cahots, lodeur dessence, la rverbration de la route etdu ciel, que je me suis assoupi. Jai dormi pendant presque tout le trajet. Et quand je mesuis rveill, jtais tass contre un militaire qui ma souri et qui ma demand si je venaisde loin. Jai dit "oui" pour navoir plus parler.

    A. Camus, L'tranger 1942

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    Texte C :

    Je ne sais pas si je suis en train de me transformer en gangster, en lgende, en simplerock star. Il y a cette paire de lunettes pioches dans le sac de Charlotte, j'en suis tomb raidedingue de cette paire de grosses lunettes de soleil de marque Carl Zeiss, je ne sais pas si c'estune marque clbre, peut-tre une sous-marque de station service. Ca fait deux jours que je dorsavec.

    Je picole ds le petit djeuner et je ne tiens pas m'en vanter. Comme un tudiant vaseuxvous saolerait de vieilles thories vaseuses sur le monde tel qu'il ne tourne pas rond, l'poquetelle qu'elle se dbine en tous sens. Je ne rends pas les armes, je ne cherche pas jouir, m'habiller, vous trahir. De la puissance esthtique qu'impose un tel tat. Je pourrais profiter, jepourrais en jouer, je pourrais en faire une religion. Johannes l'autre jour me disait, toi Lionel, je teverrais bien en gourou. Les gens fondent tes pieds. Tu devrais recrer un monde et nous le jeter la face et il nous apparatrait beau. En tout cas, il serait diffrent. Alors on serait attirs. Tu auraisdes adhrents. Je suis srieux. Ton avenir toi, tout trac, Lionel. Tu as ce pouvoir de sduction.Tu ne te rends pas compte quel point tu fascines. Tu n'imagines mme pas ce que tureprsentes pour nous. Pour Charlotte et moi, pour Jules, pour Laura cela va sans dire, et puisalors pour Diane... Lionel tu as un truc. Attends un peu, Tout va te tomber sur le nez, Lionel, Tu vastout rcolter.

    Je passe la journe tracer dans le champ, les filles se sont barres on ne sait pas o,Johannes pte des cbles et moi je m'en fous. Moi j'enchane les tours de champ. Mes lunettes desoleil. Moi j'coute du rap. Mais le rock'n'roll me va si bien. Je suis dans le Jura. Mais je suis laclasse mondiale. Et vous vous moquez de moi et je vous comprends.

    Polichinelle, Pierric Bailly, P.O.L 2008

    Texte D :

    La narratrice se souvient du moment o, jeune fille, elle a t renverse par un quipage la

    sortie dune messe ; elle stait engage sur la voie sans prendre garde tant elle avait t muepar leffet que lui avait fait un jeune homme aperu dans lglise. Or, le mme jeune hommepropose au cocher que lon transporte la blesse dans sa demeure qui est toute proche.

    De mon ct, je parlai aux autres, et ne lui dis rien non plus: je n'osais mme le regarder,ce qui faisait que j'en mourais d'envie: aussi le regardais-je, toujours en nosant, et je ne sais ceque mes yeux lui dirent; mais les siens me firent une rponse si tendre qu'il fallait que les miensl'eussent mrite. Cela me fit rougir, et me remua le coeur un point qu' peine m' aperus-je dece que je devenais.

    Je n'ai de ma vie t si agite. Je ne saurais vous dfinir ce que je sentais.

    C'tait un mlange de trouble, de plaisir et de peur; oui, de peur, car une jeune fille qui estl-dessus son apprentissage de sait point o tout cela la mne; ce sont des mouvementsinconnus qui l'enveloppent, qui disposent d'elle, qu'elle ne possde point, qui la possdent, et lanouveaut de cet tat l'alarme. Il est vrai qu'elle y trouve du plaisir; mais c'est un plaisir fait commeun danger, sa pudeur mme en est effraye; il y a quelque chose qui la menace, qui l'tourdit, etqui prend dj sur elle. On se demanderait volontiers dans ces instants l: que vais-je devenir?Car, en vrit, l'amour ne nous trompe point : ds qu'il se montre, il nous dit ce qu'il est, et de quoiil sera question : l'me, avec lui sent la prsence d'un matre qui la flatte, mais avec une autoritdclare qui ne la consulte pas, et qui lui laisse hardiment les soupons de son esclavage futur.

    Voil ce qui m'a sembl de l'tat o j'tais, et je pense aussi que c'est l'histoire de toutesles jeunes personnes de mon ge en pareil cas.

    Marivaux, La Vie de Marianne , deuxime partie (1731-1741)

    Question :

    Dans les extraits choisis, comment le personnage se dessine-t-il entre rcit et lmentsdanalyse ?

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    Dans les extraits choisis, comment le personnage se dessine-t-il entre rcit et lmentsdanalyse ?

    Les quatre textes sont extraits de romans montrant lvolution de ce genre, du XVIII me au XXIme

    sicle. Chaque passage prsente le hros un moment particulier de son histoire et il sagit dedterminer comment ces personnages nous sont rvls, tant travers leurs actions constitutivesdu rcit, qu travers les lments psychologiques indiqus en commentaires.Si on isole le texte de Flaubert, comme tant le seul o e rcit est pris en charge par un narrateuromniscient, nous observons que dans les trois autres textes, narration et commentaire introspectifse font la premire personne.

    Du point de vue de laction, lextrait de La Vie de Marianne prsente une hrone un momentcrucial de son histoire ; cela se traduit par laccumulation de verbes dactions au pass simpledans le premier paragraphe, avec omniprsence du je et une majorit de verbes lis au regard,ce qui caractrise le topos de la premire rencontre. (je parlai, cela me fit mourir de honte, ceque mes yeux lui dirent, Cela me fit rougir,...).On trouve le mme emploi du pass-simple pour les actions de premier plan dans lextrait deMadame Bovary: on peut aisment suivre la course de lhrone grce aux indicateurs temporelset aux verbes au pass simple, avec un grondif en ouverture : tout en marchant, Elle entra(...) puis arriva..., les chiens aboyrent, Elle monta..., Elle se recueillit une minute, et, (...)elle entra.

    Ces successions daction inscrivent donc les deux hrones dans une perspective particulirementdynamique. Il nen est pas de mme dans le texte C o la digse repose sur trois verbes auprsent itratif : Ca fait deux jours que je dors avec, je picole ds le petit-djeuner, Je passela journe tracer dans les champs. Le rcit dessine ici un personnage caractris par loisivet.Lincipit propos (texte C), nous prsente un personnage hors du champ de laction : il a reu untlgramme, il parle son patron, mais pense immdiatement Je naurais pas d dire cela : ilaccomplit une srie dactions exprimes au pass compos (Jai pris lautobus, jai mang)qui paraissent excutes de faon mcanique, sans que la nouvelle bouleversante de la premirephrase (maman est morte) ne paraisse troubler ces automatismes. Les seuls efforts accomplis(il a fallu que je monte chez Emmanuel) se traduisent tout de suite par un malaise : Jtais unpeu tourdi ; jai couru (...) je me suis assoupi. Il se dgage donc de cet incipit le portrait dunpersonnage passif, qui envisage des actions au futur, mais a du mal sinscrire dans un prsent

    boulevers.Les lments danalyse nous donnent des indications varies sur les personnages : dans le texteB, elles occupent une place importante, et comme on ny lit que des considrations trsconventionnelles sur les dmarches entourant un dcs, on est intrigu par labsence totaledmotion de ce personnage, trs ferm, qui semble refuser les changes, et qui dit oui pournavoir plus parler.Loisivet qui se dgage de lextrait C semble au contraire favoriser une imagination foisonnante,(je suis en train de me transformer (...) en lgende ; je pourrais en jouer, je pourrais profiter, jepourrais en faire une religion) et lmergence dun univers idalis nourri par les fantasmes desamis du hros : Tu devrais recrer un monde et nous le jeter la face, et il nous apparatraitbeau). Dans ses commentaires, on note que le narrateur sadresse au lecteur, faisant galementressortir une part dauto-drision : vous vous moquez de moi et je vous comprends ; on retrouvecette auto-drision dans le jeu de mots de cette rock-star qui enchane les tours de champ...Les commentaires du narrateur de Madame Bovary, sont galement porteurs de drision : sonpauvre coeur comprim sy dilatait amoureusement. On trouve dans le dernier paragraphe desindications sur les motions de lhrone ; leur numration retarde le rcit de la rencontre etcontribue renforcer leffet dattente chez le lecteur qui peut ainsi ressentir la mme fbrilit quelhrone aux abois.Dans le roman de Marivaux, les lments danalyse ont la particularit dtre doubls duncommentaire rtrospectif. En effet, ils occupent une place importante par rapport au rcit dupremier regard chang; cela sexplique par le choix de narration qui permet dune part de rvlerles motions de lhrone au moment o elle dcouvre cette passion (Je ne saurais dfinir ceque je sentais), et dautre part une vision plus lucide et plus universelle du sentiment amoureux,tel quil est analys par la narratrice de faon rtrospective: Voil ce qui ma sembl de ltat o

    jtais, et je pense aussi que cest lhistoire de toutes les jeunes personnes de mon ge. Ontrouve ici deux valeurs du prsent (nonciation - je pense - et vrit gnrale - cest lhistoire)qui invitent le lecteur se sentir concern, quel que soit son ge, son milieu ou son poque;

    En conclusion, on a vu que les personnages se rvlent non seulement travers lenchanementde leurs actions, mais aussi travers les analyses apportes par le narrateur sur ces actions.

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    DISSERTATION

    Philosophe et crivain, J. P. Sartre adresse ce conseil au romancier Franois Mauriac :"Voulez-vous que vos personnages vivent ? Faites qu'ils soient libres. Il ne s'agit pas de dfinir,

    encore moins d'expliquer (...), mais seulement de prsenter des passions et des actesimprvisibles. Ce que Rogojine1 va faire, ni lui ni moi ne le savons; je sais qu'il va revoir samatresse coupable et pourtant je ne puis deviner s'il se matrisera ou si l'excs de sa colre leportera au meurtre : il est libre. Je me glisse en lui et le voil qui s'attend avec mon attente, il apeur de lui en moi; il vit. .

    Quest-ce qui rend un personnage vivant ? Dveloppez votre rponse partir des oeuvres ducorpus et des personnages que vous avez tudis.

    1 Rogojine : un des hros du roman LIdiotde Dostoevski (1869),

    Dans ses conseils son contemporain, lhomme de lettres, J. P. Sartre distingue deux conceptionsde lcriture romanesque, lune qui consiste dfinir et expliquer les actes despersonnages, et lautre qui tend seulement (...) prsenter des passions et des actesimprvisibles. Selon J.P. Sartre, cest cette seconde voie qui permet de toucher le lecteur, et defaire vivre ainsi les personnages.On peut donc se demander si ce qui rend le personnage vivant relve plus des pripties quilrencontre ou de sa psychologie qui nous est rvle.Pour ouvrir cette rflexion, nous voquerons limportance du rcit dans la formation dupersonnage ; puis nous verrons dans quelle mesure lanalyse psychologique contribue le rendrevivant ; enfin, nous montrerons que tous ces lments contribuent la mise en oeuvre du

    processus didentification chez le lecteur, facteur dterminant pour donner vie un personnage.

    1 - Le personnage de roman se rvle travers les aventures auxquelles il est confront.Elles sont lorigine de ses passions, et dterminent son caractre, sa force ou sesfaiblesses.Cest particulirement vrai dans le roman dapprentissage, o le hros se forme et se transformeau gr des preuves quil rencontre sur son parcours. (exples de Gargantua Harry Potter, enpassant par Candide ou Julien Sorel)Il est un autre genre o le personnage vit travers les pripties dune histoire, cest le romanpicaresque ; le rcit est fait de ces actes imprvisibles prns par Sartre, ce qui rvle chaque instant une nouvelle facette plaisante du personnage. (Don Quichotte , Jacques leFataliste et son matre).

    Variante pour ceux qui nont pas abord le roman picaresque : se souvenir de ses lecturesde collges !

    Il est un autre genre o le personnage vit travers les pripties dune histoire, cest le romanchevaleresque ; le rcit pique est fait de ces actes imprvisibles prns par Sartre, ce quirvle chaque instant une nouvelle facette du hros. (Yvain et le chevalier au lion, de Chrtiende Troie, Tristan et Yseultet tous les romans arthuriens (= chevaliers de la table ronde)

    Un autre artifice peut rendre un personnage vivant, cest de le faire re-vivre dans une autreoeuvre, comme lont fait Balzac ou Zola. (ex : Rastignac, Gervaise, tienne Lantier, etc...). Cestaussi le choix des romanciers qui ont cre un personnage rcurrent, confront des intriguespolicires. Si Hercule Poirot, Sherlock Holmes ou James Bond restent si vivants, cest parce que

    les aventures quon leur construit sont toujours nouvelles, toujours indites.Nanmoins, lenvironnement de ces hros est fortement marqu par leur poque, et pourtant, silsnous intressent toujours aujourdhui, cest aussi parce quils reclent des caractrespsychologiques immuables.

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    2 - Force est de constater que ce qui constitue un tre, cest non seulement son exprience,mais aussi ses motions, ses penses ; or celles-ci ne se traduisent pas toujours par desactes, et les commentaires apports par le romancier rvlent une intimit qui contribue rendre le personnage plus proche de nous, et donc plus vivant.

    Accompagner les pripties des personnages dune analyse de leurs rpercussionspsychologiques contribue rendre le personnage vivant. Cest ce que fait Marivaux dans La Viede Marianne, qui va jusqu doubler cette analyse par le commentaire rtrospectif de la narratricesur ses motions juvniles.Stendhal va plus loin en parsemant ses romans de monologues intrieurs, qui, mme silsinterrompent le cours digtique, permettent de rvler une intimit tourmente, et donc unedimension humaine, au personnage.Mais lanalyse psychologique est critique par Sartre, et constitue daprs lui un frein la libert dupersonnage.En rejetant totalement les dtours de lanalyse psychologique, les surralistes et les auteurs duNouveau Roman ont choisi de dsincarner leurs personnages, de gommer, pour reprendre untitre dA. Robbe-Grillet, leur pass, leur dterminisme social, au point quils finissent par perdretoute consistance aux yeux de certains lecteurs.On pourrait penser que la Princesse de Clves, si marque par les codes de la cour est ancredans son sicle, or il nen est rien. Les tourments rvls par Mme de La Fayette sont universelset correspondent des troubles encore mouvants aujourdhui.On voit donc que cest parfois lanalyse psychologique qui constitue le principal lment de

    reconnaissance entre le lecteur et le personnage. Cest donc cette relation particulire quil sagitdtudier dans notre dernire partie.

    3 - Cest la lecture qui va donner vie au personnage. Jean-Paul Sartre dcrit ce processus travers lexemple de sa lecture de lIdiot ; pour que le personnage vive, il faut que le lecteur seglisse en lui.Les procds didentifications sont multiples, commencer par la narration la premirepersonne (Ltranger ) ou la deuxime personne (Si par une nuit dhiver un voyageur..., ItaloCalvino, ou La maladie de Sachs, Martin Winckler)Par ailleurs, le personnage peut vivre travers ses propres mots, son langage : cest le casdes personnages de romans pistolaires ; autre exemple : le narrateur de Polichinelle, qui se

    rvle dans une langue familire au lecteur du XXIme

    sicle, mais aussi en linterpellantdirectement : Et vous vous moquez de moi et je vous comprends.Pour Sartre, le personnage est vivant sil est libre ; et cest la surprise des pripties etlintensit des passions qui veillent notre dsir de nous glisser dans le personnage et de luidonner vie. ce titre, les personnages de romans daventures incarnent une forme dhrosme quifacilite ce transfert et rend la lecture passionnante. ( Romans de Jules Verne, personnage deJames Bond ou de Robinson Cruso, par exple...)Lidentification passe aussi par la reconnaissance de ses propres tats dme; cest ainsi quedes personnages crs dans des sicles antrieurs restent toujours vivants. Le drame delendettement a chang de visage aujourdhui, mais dans la course effrne dEmma Bovaryesprant un ultime recours, on peut reconnatre nos propres motions. Flaubert nous rvle aupassage les souvenirs nostalgiques de lhrone, et ses indications sur les illusions dupersonnages nous le rendent plus touchant, et plus humain. On espre avec elle que lissue seraheureuse. Cest donc la fois dans le rebondissement digtique et dans le complmentpsychologique que sopre cette identification qui va donner vie au personnage.

    CONCLUSIONC'tait un mlange de trouble, de plaisir et de peur, crit Marivaux dans La Vie de Marianne, etcette courte description dune motion universelle pourrait dfinir ce qui rend un personnagevivant, savoir le processus mme de la lecture : la surprise des pripties, la rvlation destats dme, la reconnaissance des motions, tout cela fait natre chez le lecteur trouble, plaisir etpeur, et lui donne envie de se glisser dans le personnage. travers les pripties du roman, le personnage dclenche des motions que le lecteur peutreconnatre et partager, et cest cette vibration commune, ne de linvention narrative, qui rend le

    personnage vivant.

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    3 - Les autres sources didentificationPour Sartre, ce qui rend un personnage vivant, cest la libert dont il jouit. Comment cette libertse manifeste-t-elle en dehors des pripties dramatiques ? Marginalit et atypie du personnage. En lisant ltranger, on est confront un personnage

    qui ne nous ressemble pas : sa mre meurt, il ne manifeste aucune raction ; il est bloui surune plage ensoleille et commet un crime, sans aucune intention de tuer. Or mme sil estdifficile, voire impossible de sidentifier un tel personnage, il nen demeure pas moins que noussommes fascins et que nous progressons avec curiosit et passion sur les pas de Meursault.

    Un personnage peut aussi nous toucher par ses mots, son langage : nous pouvons tretouchs par lassurance dune Manon Lescaut, par la virtuosit verbale de la Marquise deMerteuil, ou par le langage si proche du ntre du hros de Polichinelle (texte C du corpus).

    Enfin, le processus didentification peut tre enclench par nimporte quel facteur dereconnaissance : origine gographique, contexte social, ou familial, priode historique qui nousfascine... (on trouvera des exemples dans les roman de formation, notamment)

    Conclusion :C'tait un mlange de trouble, de plaisir et de peur, crit Marivaux dans La Vie de Marianne, etcette courte description dune motion universelle pourrait dfinir ce qui rend un personnagevivant, savoir le processus mme de la lecture : la surprise des pripties, la rvlation destats dme, la reconnaissance des motions, tout cela fait natre chez le lecteur trouble, plaisir etpeur, et lui donne envie de se glisser dans le personnage.

    Les portes dentre sont multiples pour incarner un personnage et le rendre vivant : le dsir departager un destin hors du commun, ou au contraire, le bonheur de se reconnatre dans un alter-ego de fiction. Et par ce que la lecture est un acte solitaire, elle favorise cette co-naissance intimedu lecteur et du personnage. Le personnage en quelque sorte nest pas tel que son auteur laconu, il est ce que ma lecture fait de lui.