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En un clic, Bat’carré vous plonge dans l’océan Indien, carrefour d’influences à découvrir, à savourer, à partager… Bat’carré : "Allons faire un tour" avec un beau magazine qui met en relief romans, paysages, cultures et personnages de La Réunion et du monde entier !
Citation preview
CA
RR
É
numéro 10 //septembre-décembre 2013
cultureMANGA
RENCONTREnicolas givran
ÉVASION CULTURELLEÉVASION BEAUX LIVRES & ÉVASION JEUNESSEAU CŒUR DE L’ÎLE PHILO À MAFATE, LES PÉPITES DE LA PENSÉEESCAPADECOL OU SOMMET, QUELLE EST VOTRE PRÉFÉRENCE ?RENDEZ-VOUS AVEC RENÉ ROBERTLA BIOMASSE ET SON UTILISATION À LA RÉUNIONSAVOIR-FAIRELA RESTAURATION DE TABLEAUX, UNE QUÊTE DE SENSOCÉAN INDIENLA COMMISSION DE L’OCÉAN INDIEN, UN NOUVEAU MONDE EN MARCHERENCONTREQU’EST-CE QUI FAIT RÊVER NICOLAS GIVRAN ?BATAYE KOKPATRICK, PATATE À DURANDVOYAGE-VOYAGEMONTRÉAL, PLEINS FEUX SUR LA CITÉ FRANCOPHONE ET COSMOPOLITECULTURE ET MODEMANGA, UN ART DE VIVRE PLUTÔT QU’UNE MODE ÉPHÉMÈREPAPILLES EN FÊTETAPAS DE MAGRET DE CANARD ET SON TARTARE D’AVOCATTERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES ESCALES AU BOUT DU MONDERENDEZ-VOUS BDDES BULLES AU CHOIX
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Couverture Photographie de Éric LafargueÉditeur BAT’CARRÉ SARLtrimestriel gratuit
Adresse 16, rue de Paris97 400 Saint-DenisTel 0262 28 01 86www.batcarre.comISSN 2119-5463
Directeur de publication Anli [email protected] 24 98 76
Directrice de la rédactionFrancine [email protected] 28 01 86
RédacteursJean-Paul Tapie, Pierre-Henri Aho, Hippolyte, Patrice, Stéphanie Légeron, René Robert,Francine George.
Secrétaire de rédactionAline Barre
Directeur artistique P. Knoepfel, Crayon [email protected]
Photographes Arnaud Späni,Sébastien Marchal,Hervé Douris,Serge Marizy,Christian Vaisse,Jean-Noël Enilorac,Éric Lafargue,Nicolas Anglade,Bruno Marie,Thierry Hoarau.
Illustrateur Hippolyte
Création & exécution graphique Crayon noir
Vifs remerciements à Benoît Vantaux, Freddy Lafable,Jean-Claude de l’Estrac,Pierre-Aho, l’office de tourisme de Montréal, Patricia Vergez, Olivier Barbaroux, Cécile Oliviéro,Didier Guidarelli, Nicolas Givran, Myriam Barcaville et Sophie Bèguepour leur précieuse collaboration à ce numéro.
Développement web Anli Daroueche et New Lions Sarl
PublicitéFrancine George : 0262 28 01 86
DistributionTDL
Impression Graphica 305, rue de la communauté97440 Saint-AndréDL No. 5565 - Novembre 2013
Tous droits de reproduction même partielle des textes et des illustrations sont réservés pour tous pays. La direction décline toute responsabilité pour les erreurs et omissions de quelque nature qu’elles soient dans la présente édition.
ErratumDans le précédent numéro, la photographie de Bataye Kok a été injustement attribuée à Hippolyte, or elle était de Nicolas Anglade. Toutes nos excuses à l’auteur.
BAT’ CA
RR
É
Écouter les frémissements « du monde qui vient », c’est aussi prendre
conscience que le temps ne fait que passer. Alors, vite, regardons les
merveilles qui nous entourent avant qu’elles ne nous échappent.
Allons Bat’carré !
Le monde est à Mafate pour parler philo aux tout-petits, dans l’Indianocéa-
nité qui s’active à fédérer les atouts de nos cinq îles. Le monde est japonais
pour la jeunesse éprise de mangas, il prend les airs de Cité Lumière dans
les rues de Montréal ou il souffle l’appel du large dans les TAAF…
Hissez la voile, le temps est au voyage !
Nous vous offrons un complément web du magazine, et désormais, vous
pouvez sur notre site responsive naviguer à loisir dans l’univers de Bat’carré
avec plein de nouveautés, de photos et de vidéos pour faire vivre l’esprit de
la balade à tout point de vue.
Sur la page d’accueil, vous cliquez sur l’image et l’article s’affiche, les
rubriques vous permettent de vous repérer et de vous distraire avec la
découverte d’un roman, d’une rencontre, d’une musique, d’un paysage
réunionnais ou d’un voyage à l’autre bout du monde.
Dans l’univers de Bat’carré, vous retrouverez les magazines à feuilleter ou à
télécharger, quelques images à regarder, des play-lists à écouter ou des
vidéos à visionner, le temps d’une pause.
Joyeuses fêtes de fin d’année et à l’année prochaine !
Francine George
Bonne balade sur www.batcarre.com
LA RÉUNION DES POÉSIES
Les photos de Luc Perrot parlent d’un monde enchanté. De page en page,La Réunion est mise en lumière par le prisme de l’astro-photographe, un filéd’étoiles sur la route du Maïdo, les flamboyants tels une estampe japonaise,les forêts perlées d’ombre et de lumière… L’art s’empare de la techniquepour refléter des instants de pure poésie soulignés par les haïkus de Marie-Josée Barre. Un beau livre en cadeau.
TITRE Réunion ÉternelleAUTEURS Photographies de Luc Perrot et haïkus de Marie-Josée BarreÉDITEUR Surya Éditions
LE TEMPS DES ÎLES
Ce beau livre de l’océanographe Philippe Vallette, introduit par Isabelle Autissier, illustré par les photographies d’Alexis Rosenfeld et par les cartes de Jean-Pierre Magnier, est une véritable célébration des îles du monde entier. Laboratoires d’expériences à taille humaine, les îles, par leur espace limité, recèlent des trésors d’expérience en termes de développement, de biodiversité, de reconstruction, qui devraient apporter aux grands territoires matière à réflexion. Îles phares, îles sentinelles, îles dans la tourmente, îles dans le monde qui se réchauffe… tout est dit et expliqué en termes limpides par Christine Causse et par Philippe Vallette, directeur du Nausicaá. L’histoire, la géologie, l’océanographie, la sociologie, l’économie… se conjuguent pour témoigner du destin commun que nousavons à partager. La terre n’est-elle pas une île au milieu de l’espace ?
TITRE Îles pionnièresAUTEURS Philippe Vallette & Christine CausseÉDITEUR Actes Sud - Nausicaa - Mare Nostrum
LE JOLI CLAPOTIS DES SOUVENIRS
Dans ce superbe ouvrage documenté de plus de 200 images dont certainesinédites, Bernard Leveneur fait magistralement revivre Saint-Gilles-les-Bainsde 1668 à 1976, date de la mise en quatre-voies de la route du littoral. Un beau voyage dans le temps qui emporte le lecteur dans la vie quotidienne de la station balnéaire et fait éclore les émotions cachées autour d’une case, d’une plage, des filaos, du murmure des vagues. Un livre de la transmission à offrir et à s’offrir pour garder intacte la mémoire des lieux.
TITRE Les jours d’Avant – Saint-Gilles-les-BainsAUTEUR Bernard LeveneurÉDITEUR Epsilon Éditions
ÉVASION BEAUX LIVRES · 4 SÉLECTION FRANCINE GEORGE
EN COLLABORATION AVEC LA LIBRAIRIE GÉRARD
DE LA POÉSIE EN GÉOGRAPHIE
Rien de tel pour découvrir le monde et ses mille curiosités ! L’album du jeune couple polonais auteur-illustrateur est une pure merveille.Cartes du monde, cartes des continents et cartes d’une quarantaine de paysoù l’essentiel est dessiné avec fantaisie et humour, faune, flore, monuments,costumes, traditions, spécialités culinaires, populations, personnages marquants, artistes célèbres… La France a droit à une frise de petits cœurs,l’Autriche un patient sur le divan de Sigmund Freud, le Mexique les peintures murales de Diego Rivera, le Brésil un tatou roulé en boule, le Japon son karaoké, la Mongolie ses touristes au pied de la statue de Gengis Khan…Chaque pays, en double page, est introduit classiquement par ses caractéristiques, capitale, langue, nombre d’habitants, superficie et, de manière originale, par un couple au prénom usuel…Benjamin et Lili en Nouvelle-Zélande, Abasi et Neema en Tanzanie, Li et Wei en Chine, Elena et Vladimir en Russie…Un très bel atlas à garder pour la vie et à feuilleter souvent en famille.
TITRE Cartes AUTEURS - ILLUSTRATEURS Aleksandra Mizielinska et Daniel MizielinskiÉDITEUR Rue du Monde
L’AVENTURE EN FILIGRANE D’ORChaque page de ce bel album est magnifiquement illustrée de peintures à l’encre sur soie, aux encadrements dorés, et aux motifs perses, indiens ou chinois. Il met en scène le voyage mythique du grand explorateur, Marco Polo. Pour retracer son extraordinaire aventure, parcourant 50 000 km de Venise à Pékin, sur terre et en mer, l’auteur s’est inspiré de nombreuses versions et traductions du Livre des merveilles. Pour appuyer le récit, une splendide carte retrace son itinéraire aller et retour sur la route de la Soie et en Chine. Un livre à raconter inlassablement comme un conte des mille et une nuits.
TITRE Les fabuleux voyages de Marco PoloAUTEUR - ILLUSTRATEUR DemiÉDITEUR Circonflexe
LE PASSAGER DU RÊVE
Joëlle Écormier, avec son dernier roman, entraîne les jeunes dans un voyage imaginaire au Pays des Rêves. Théodore, le héros, embarque dans la locomotive d’Aristophane, une vieille chouette protectrice, attendrie parson obstination et charmée par sa voix. Seul être Éveillé du conte, il part à la rencontre de l’inconnu où fourmillent des personnages, tous plus loufoques les uns que les autres. Chacun lui apporte un indice pour qu’ilpuisse retrouver l’image troublante de Celui qu’il a croisé fugitivement dansson unique rêve, une quête du Graal en somme, qui porte le nom d’Amour.Une histoire pleine de facéties, de tendresse, et un regard sur la vie qui n’est pas dénué de pertinence.Théodore, le passager du rêve, est aussi mis en scène par le théâtre des Alberts dans une création originale de marionnettes où le décor évoluetout au long du spectacle sous le pinceau de l’illustratrice Aurélia Moynot.
TITRE Théodore, le passager du rêveAUTEUR Joëlle ÉcormierILLUSTRATION Aurélia MoynotÉDITEUR Océan Fiction Ados
Joëlle ÉcormierIllustrations d’Aurélia Moynot
Roman
L e Pa s s a g e r d u rê v e
5 · ÉVASION JEUNESSE SÉLECTION FRANCINE GEORGE
EN COLLABORATION AVEC LA LIBRAIRIE L’ÉCHAPÉE BELLE
Freddy Lafable, quel nom prédestiné !Guide des cases créoles à Hell-Bourg transmet avec passionfables et contes populaires légués oralement de génération en génération. Il s’est aussi nourri au contact de gardiens de la mémoire tels que Sully Andoche ou Daniel Honoré.
Freddy conduit son public au pays des légendes où la naturese transforme en théâtre de l’histoire. Les repères s’évanouissent et le spectateur devient acteur de ses émotions, comme s’il avait traversé le miroir magique.
Le souffle coupé, une dizaine de personnes écoute le récit queFreddy a mis en scène au coeur de la terre, en compagnie du spéléologue Julien Dezé. Crac ! Une allumette éclaire de sa lueur tremblante le sombre boyau de lave… Ranklor apparaît et l’action se déroule fébrilement par étapes, un sac tombe, le bruit résonne dans un écho étrange conviant ainsi de nouveaux personnages, la tension monte,l’aventure se corse…
Près de la sortie, le passage semble obstrué par un esprit malin,peut-être est-ce grand-mère Kalle ? La nature dresse des pièges redoutables à ceux qui ne saventpas la respecter ! Mais ici, la bonne conscience règne, alors la lumière du jour devient visible et le spectacle de la route des laves s’offre aux yeux éblouis des participants.Fin du voyage !
ÉVASION JEUNESSE · 6 TEXTE FRANCINE GEORGE
PHOTOGRAPHIE ARNAUD SPÄNI
Les contes de l’île
PHOTOGRAPHIEARNAUDSPÄNI
AU CŒUR DE L’ ÎLE · 8
InItIer les élèves d’école prImaIre
à la phIlosophIe est une gageure,
surtout à mafate où l’accessIbIlIté
n’est pas des plus aIsées.
c’est pourtant le parI d’olIvIer barbarroux,
professeur à troIs-bassIns.
les dIrectrIces des écoles sont ravIes de
cette InItIatIve bénévole,
car dans les îlets, relIés au monde
par voIe d’hélIcoptère, les anImatIons
sont rares et les fInancements tout autant.
platon, spInoza, épIcure… et les autres,
sont donc convoqués au mIlIeu du cIrque
pour un décryptage après la projectIon
d’un fIlm, support de la séance d’InItIatIon.
maIs pourquoI faIre cette démarche ?
tout sImplement, par l’envIe de transmettre :
« se penser comme cItoyen faIsant partIe
d’une socIété où Il Importe de défendre
les valeurs de tolérance, d’ouverture
à l’autre et d’acceptatIon de soI… »
TEXTE FRANCINE GEORGE
PHOTOGRAPHIE ARNAUD SPÄNI ET FRANCINE GEORGE
Philo à Mafateles pépites de la pensée
SE RENDRE À LA NOUVELLE
Après avoir été chaviré par la multitude de virages,
le début de la randonnée en pente raide jusqu’à
la plateforme du Col des Bœufs ne force pas l’en-
thousiasme du marcheur épisodique. Mais, lorsque
le magnifique panorama sur Mafate s’expose dans
la lumière bleutée du jour, le poids de ses efforts
s’atténue quelque peu. L’îlet de Marla, baigné de
soleil, se distingue au loin. Rêverie solitaire avant
le démarrage des opérations. Soudain, un bruit
sourd déchire l’atmosphère, comme une attaque
d’Apocalypse Now. Vite, il faut se mettre à l’abri au
creux du sentier. L’hélicoptère effectue ses pre-
mières rotations. Un magistral coup de vent balaie
le sol en tourbillon. Puis, le calme revient. Pour se
rendre à destination, le chemin descend à flanc de
piton pendant une bonne heure avant d’atteindre
la plaine. Belle récompense, l’endroit est féérique !
Les arbres aux branches déployées s’exposent comme
un théâtre d’ombres et de fantômes errants.
Savane, buissons, tamarins, la panoplie forestière
joue les nuances de vert adoucies par les rayons
de lumière. Puis, la forêt s’intensifie, les rondins
de bois ne facilitent pas la progression de ce faux
plat aménagé. Quoique, lorsqu’il faut, à nouveau,
grimper et redescendre le chemin caillouteux
encombré de racines, un mince regret surgit au
souvenir de ces quelques grandes enjambées...
Une autre heure vient de passer.
De temps à autre, le ciel se dégage sur le cirque où
pointe un ruban de nuages. Le silence est absolu
dans la quiétude du matin. Une impression de
plénitude, en dehors de l’agitation frénétique du
monde. Puis, tout près, une papangue prend son
envol et déploie ses ailes, fauves, sillonnées de
brun doré. Majestueuse ! Après cet arrêt-surprise,
il faut se remettre en marche, le sentier descend,
descend encore et toujours et les genoux com-
mencent à grincer. Et dire que demain, il faudra
remonter tout ça ! Enfin, le chant du coq, puis le
bruit d’une radio, annoncent une arrivée immi-
nente. À la montre, une troisième heure s’est
écoulée !
L’ÉCOLE DU CIRQUE
L’école de La Nouvelle est nichée au creux de l’îlet,
tout près de l’église en bardeaux. Les 150 habi-
tants sont dispersés aux alentours, où quelques
gîtes, le bâtiment de l’ONF et le hangar de l’hélico
sont les seules sources de mouvement. Cécile
Oliviéro, la directrice de l’école, est partie ce matin
inscrire deux élèves au collège Lacaussade,
accompagnée des mamans. Grand moment de
solitude pour ces jeunes enfants au visage blême
d’inquiétude. Hébergés dans des familles d’ac-
cueil, au mieux avec des cousins, ils savent que
leur vie va changer, ils ne rentreront pas souvent
à la maison. Le Collège, pour eux, c’est la première
grande coupure familiale. Les parents qui habi-
tent les îlets ont rarement une voiture, et il n’y a
quasiment pas de transport en commun pour les
emmener du collège jusqu’au Col des Bœufs, en
sachant qu’une fois là-haut, il faut encore quelques
heures de marche avant d’arriver à la maison.
Mais pour ça, ils ont l’habitude. Il en est ainsi pour
la plupart des élèves du cirque, dix classes de
cours primaire sur les huit îlets. Et de fait, très peu
d’élèves Mafatais arrivent jusqu’aux portes du
lycée.
AU CŒUR DE L’ ÎLE · 10
PHOTOGRAPHIEARNAUDSPÄNI
Cécile monte des projets pour arrondir les angles.
Sa précédente kermesse a rapporté 700 €, de quoi
payer des livres et des effets scolaires. Pour son
denier projet, elle en a récolté le double avec des
dons en complément. Une aubaine pour acheter
les fiches pédagogiques et le matériel nécessaire
aux cours d’histoire et de géographie. Une fierté
à son actif.
Il est vrai qu’enseigner dans les îlets est un vrai
sacerdoce.
ÊTRE ÉLÈVE À LA NOUVELLE
Il n’y a pas d’eau potable à La Nouvelle, mais à la
cantine on mange très bien. Les enfants, dans
leur petit réfectoire, savourent une cuisine créole
faite pour eux, sur place. Par contre, les habitants
cultivent de moins en moins leur jardin et il y a
peu de produits locaux. Il n’y a pas si longtemps
encore, ils cultivaient à flanc de colline, des len-
tilles et du géranium. Le premier commerce était
une coopérative. Mais l’esprit communautaire a
disparu, d’autant que personne n’a pu encore
remplacer le très charismatique André Bègue,
décédé au cours d’un vol, en mai 2010. Ce jeune
Mafatais avait créé la Compagnie Mafate Hélico
qui assurait le ravitaillement du cirque ainsi que
l’évacuation des déchets. L’école de La Nouvelle
porte désormais son nom.
Deux communes sont en charge des écoles de
Mafate, tout dépend de quel côté de la rivière on
se trouve. Ainsi, la commune de La Possession
s’occupe de La Nouvelle, et Marla, l’îlet tout proche,
est rattaché à la commune de Saint-Paul.
Les priorités semblent différentes et la qualité des
équipements s’en ressent. À Aurère, par exemple,
il n’a pas été prévu de logement pour l’institutrice
– professeur des écoles – alors elle loge à la
« maison des maîtres » de l’îlet d’à côté soit une
bonne demi-heure de marche le matin, idem le
soir. Sous la pluie, le vent ou le soleil, c’est pareil.
Certes, c’est une question d’adaptation, les huit
cents Mafatais sont, eux, habitués à marcher des
heures sur les sentiers abrupts et tortueux, comme
Kalou et ses sacs de ciment sur le dos, le boulan-
ger et son plateau de pains frais sur la tête ou le
célèbre facteur de Mafate.
Une journée de sortie, dira Cécile, c’est un départ
à 7h30 le matin, un retour vers 17h, avec quelques
heures de marche à la clé. Mais il y a toujours de
belles surprises. Sur le chemin de Marla, par
exemple, il y a des framboises, « un petit plaisir »
à déguster sur place et à emporter pour faire, plus
tard, un ou deux pots de confiture.
PHOTOGRAPHIEARNAUDSPÄNI
Les élèves, sous l’impulsion de « Maîtresse », ont
préparé pour Bat’Carré un résumé de ce qu’ils
font en dehors de l’école. Une attention particu-
lièrement touchante, qui montre combien ils
sont accueillants et heureux de vivre dans le
cirque.
après l’école, « je fais mes devoirs,
je me douche et je fais le travail de la maison » :
aider papa ou maman, s’occuper du petit
- frère, faire rentrer les animaux, les nourrir,
- préparer le café pour le gîte…
pendant les vacances, après l’indispensable
aide aux parents, c’est-à-dire travailler
aux champs, ramasser du bois, nourrir
les animaux, nettoyer la maison, ou le gîte…
la liberté est plus grande :
construire des cabanes, jouer à cache-cache,
- au ballon, aux jeux vidéos, écouter de
- la musique…fort, récupérer les charges
- sous l’hélicoptère, griller du poulet
- en cachette pour goûter avec les copains…
Très peu ont pour l’instant quitté le cirque,
la majorité est allée dans « les bas » visiter
la famille. Deux élèves, seulement,
sont sortis de l’île.
en ville, ce qu’ils imaginent y faire :
on peut aller à la piscine ou à la plage,
- on peut jouer dans un stade ou dans
- un parc, on peut aller au cinéma ou au
- restaurant, on peut faire les magasins,
- on peut faire du sport ou de l’art dans
- un club…
ce qui leur déplaît dans la ville :
il y a des voleurs, beaucoup de bruit
- de voitures, pas beaucoup de place
- pour jouer, on ne peut pas écouter
- la musique fort, on ne peut pas aller seul
- chercher ses camarades pour jouer,
- on ne peut pas faire de cabanes…
Les projets d’animations auprès des jeunes élèves
de Mafate constituent une ouverture exception-
nelle, au-delà de la qualité du spectacle et de
l’aspect festif. Les compagnies de marionnettes
invitées du festival TAM-TAM s’y rendent chaque
année et c’est devenu un rendez-vous très at-
tendu. Récemment, le Conservatoire de Région
a organisé l’expédition d’un quatuor sous l’égide
d’un de ses professeurs de violoncelle, Niels
Hoyrup.
Aujourd’hui, il s’agit d’un cours de philosophie à
l’initiative d’Olivier Barbarroux. L’air pur et le
calme du cirque se prêtent bien à cette fin
d’année scolaire. Il en profite pour sensibiliser les
jeunes enfants à l’art de philosopher. C’est aussi
une gageure, il faut pouvoir s’adapter au jeune
public, à cette génération de l’image. C’est pour-
quoi Olivier base ses séances d’initiation sur un
film, en leur demandant de prendre du recul
par rapport à l’histoire. Il a tenté une première ex-
périence à Marla, l’année dernière. Cette année,
il récidive, à La Nouvelle et à Marla. Il emporte
avec lui quelques supports, des DVD, Le livre de la
jungle 1, Le roi et l’oiseau 2, Kirikou 3. Une initiative
personnelle, hors cadre académique, en toute
simplicité, sans financement, motivée par son
approche de la philosophie : « La philo est une
force qui doit se transmettre, la philo c’est avant
tout l’amour de la sagesse… »
AU CŒUR DE L’ ÎLE · 12
1
De Walt Disney d’après le roman de Rudyard Kipling
2
Scénarisé par Jacques Prévert d’après un conte d’Andersen
3
De Michel Ocelot
LE FILM DANS LA CLASSE
Le soleil du début d’après-midi est radieux, dehors.
Dans la classe, c’est le choc thermique ! Le froid de
la nuit y est toujours installé. Pas de chauffage,
bonnets de laine et polaires sont de rigueur !
Les enfants, toujours dans les turbulences de la
récréation, s’assoient à leur pupitre. Présentation
d’Olivier et de la séance qui va suivre. Tous les
regards se fixent au tableau, un grand écran blanc
le juxtapose, il n’y a pas de leçons écrites à la craie
aujourd’hui, mais un film va y être projeté ! Bras
croisés, un petit air interrogatif en attente de ce
qui va se passer, suivi d’un regard en coin pour
voir où est assis « Maître » - Didier Guidarelli. Et
le silence s’installe tandis que les premières
images apparaissent. Une concentration absolue.
Ils sont restés 78 minutes, captivés, sans émettre
un son ; parfois quelques-uns gigotaient sur leur
chaise lorsque Baloo chantait « Il en faut peu pour
être heureux ». Juste à la fin, un rire collectif ac-
compagne Mowgli au moment où il fait grimacer
son nez en apercevant une jolie jeune fille en
train de remplir sa cruche à la rivière…
LA LEÇON DE PHILOSOPHIE
Dehors, au chaud de l’après-midi, le cours va
commencer. Olivier explique comment ça va se
passer et présente les consignes : « La philosophie
c’est fait pour discuter, pour s’écouter, alors cha-
cun parle à son tour. On ne va pas refaire le film,
mais se poser des questions. » Ils sont tous très
attentifs, lèvent le doigt pour participer. Au début,
l’effet de groupe joue, les uns et les autres répètent,
en versions différentes, ce qui vient d’être dit. Il
faut beaucoup de patience, beaucoup de temps
avant que les esprits ne se libèrent. Mais, dou-
cement, Olivier à force de « Et pourquoi ? » (de
questionner) arrive à faire naître des idées nou-
velles. Et pour une classe de si jeunes élèves, ça
tient de l’exploit.
Premier tour de table sur ce qu’ils ont particuliè-
rement aimé dans le film. Baloo décroche la palme
« quand il danse ! ». Et pour les filles, c’est « l’amou-
reuse de Mowgli », alors qu’elle n’a qu’un tout petit
rôle à la fin mais « elle chante bien, elle est jolie,
elle a de jolis rubans à ses cheveux… »
En creusant plus en avant, une voix s’élève : « Au
début, Mowgli ne veut pas aller dans le village, il
veut rester avec ses amis dans la forêt, mais à la
fin il est content d’aller dans le village, il a trouvé
une jolie fille ! » Et quelqu’un d’autre d’ajouter :
« Elle ramène Mowgli à la maison, dans le village,
pour avoir une belle famille en humain. »
AU CŒUR DE L’ ÎLE · 14
La séance est levée, elle a duré plus de deux heures,
les enfants sont tout émoustillés. La plupart ont
suivi avec une grande curiosité la panoplie des
questions. Un grand sourire d’étonnement se lit
sur leur visage. Il s’est passé quelque chose, toute
l’après-midi, ils étaient les rois de cette séance à
la recherche des pépites de la pensée. Seule in-
terruption, le passage de l’hélicoptère qui exerce
une véritable fascination sur les enfants, comme
sur les plus grands !
Contrairement aux idées reçues, les enfants,
dans leur inconscience du monde, ont des ressorts
insoupçonnés, pour peu qu’on sache les solliciter.
Et c’était un grand plaisir de les voir réagir et
percevoir l’essentiel dans toute leur candeur.
C’est ce qu’explique Olivier en faisant référence
à Spinoza et à son 3e niveau de la pensée :
« Comment un esprit plein de candeur peut per-
cevoir des choses sans avoir le bagage intellec-
tuel pour les comprendre ? C’est le niveau de la
connaissance la plus juste, celle de la vérité im-
médiate par l’intuition, seuil différent de la pensée
rationnelle ou de celui de la participation liée aux
sens. »
Un petit florilège des échanges, après moult
questionnements, laissant poindre les ressorts de
la pensée de ces enfants dans leur inconscience
du monde :
la recherche du bonheur -
ça veut dire quoi être content ?
Quand est-ce que vous êtes contents ?
Quand on a des cadeaux, quand on souffle
des bougies, quand on a des amis…
Quand on est dans la nature…
à un moment du film,
mowgli est triste, pourquoi ?
Parce qu’il n’a pas de maman, pas de papa.
Il croit qu’il n’a pas d’amis,
que personne ne le veut…
à quoi ça sert les amis ?
Les amis ça rend heureux, c’est pour s’amuser,
pour partager les secrets, pour construire
des cabanes, pour jouer… On a besoin d’amis
pour faire une soirée pyjama !
Qu’est-ce qui fait peur ?
Nous, on a peur d’aller à St-Denis ou à St-Paul
parce qu’il y a des voitures. Mais Mowgli, lui,
il a peur de rien parce qu’il est dans la nature !
mowgli n’a vraiment peur de rien ?
Si, il a eu peur du tigre !
et est-ce qu’il a surmonté sa peur ?
Oui, il a râlé la queue du tigre, il est courageux !
Quand est-ce que tu es courageux ?
Quand je vais aux toilettes tout seul.
la différence entre un homme et un animal ?
L’animal marche à quatre pattes,
l’animal ne parle pas. Il n’a pas de main.
L’animal doit chasser pour gagner à manger.
RETOUR SUR IMAGES
Olivier exténué, mais ravi, explique que dans Le
livre de la jungle on peut aisément trouver les
questions qui ont trait à quelques fondements
philosophiques, la connaissance de soi, la com-
préhension des autres, la conscience du Bien et
du Bon, l’Amour, le Bonheur, la Peur, le Courage,
la Mort… Le personnage de Mowgli, petit homme
au pagne rouge parmi les animaux de la jungle,
en concentre la plupart ou va à la rencontre de
ces notions en s’identifiant aux animaux qu’il
croise sur son chemin. Dans l’ensemble de ses
aventures, on peut y lire des questions philoso-
phiques, comme un effet miroir. Baloo, l’ours
hédoniste, rejoint l’approche épicurienne, avec sa
recherche du bonheur, en se satisfaisant du né-
cessaire. Bagheerra, la panthère noire protectrice
de Mowgli incarne l’usage de la raison, agir selon
la connaissance du Bien. Les singes, quant à eux,
et le roi Louie en particulier, n’acceptent pas ce
qu’ils sont, envieux, ils veulent le pouvoir et cher-
chent à devenir des hommes en perçant le secret
du feu. C’est aussi une approche intéressante
pour déceler les différences entre l’homme et
l’animal, selon les grands penseurs… À la fin, la
pensée de Nietzsche « Deviens ce que tu es »
est parfaitement illustrée par l’attitude de Mowgli
qui rejoint ses semblables en éprouvant un at-
trait pour la jeune fille à la rivière. « Ce qui
marque la fin du processus de découverte de son
identité avec toute la richesse acquise au contact
des autres animaux », conclut Olivier.
LA PHILOSOPHIE, UN ART DE VIVRE
Les circonstances de la vie ont amené Olivier à
se tourner vers la philosophie. Ce n’était pas un
choix de départ, mais c’est devenu un choix de
vie. « Penser sa vie, vivre sa pensée », en référence
aux philosophes antiques tels que Sénèque ou
Épicure, l’a aidé à surmonter des épreuves parti-
culièrement difficiles. Pour lui, la philosophie est
un art de vivre. Le but ultime étant d’atteindre le
Bonheur. Disciple des épicuriens antiques, il est
aussi séduit par les contemporains tels que
Michel Onfray, Alexandre Jollien, le philosophe
de la joie ou l’humaniste athée André Comte-
Sponville. En résumé, « La philosophie est moyen
de mieux vivre avec soi et avec les autres. »
La démocratisation de la philosophie, telle que
Michel Onfray la pratique avec son Université
Populaire de Caen, lui a donné envie de poursui-
vre le chemin en s’adaptant au jeune public réu-
nionnais et à l’isolement des habitants du cirque
de Mafate. L’idée étant de sortir du dogme qui
enferme la philosophie dans un carcan élitiste.
Dans sa volonté de transmettre l’art de la sagesse,
Olivier a également mené une expérience au
collège de la Pointe des Châteaux à Saint-Leu.
Cet âge difficile qui commence à entrer en rébel-
lion avec le monde des adultes est pour lui un
territoire de choix : « Face aux violences physiques
et verbales, il faut donner une boussole et la
philosophie peut être cette boussole. »
AU CŒUR DE L’ ÎLE · 16
ce n’est pas l’enfant à peine né qui doit choisir un prénom. jean-claude ou brandon ? jessica
ou marie-cécile ? puis sein maternel ou lait maternisé ? et ça continue !
les yeux de maman ou le menton de papa ? les gâteries de tata marcelle ou le gâtisme de tonton
jules ? dolto ou montessori ? tintin ou astérix ?
echapper à la famille et à l’enfance ne suffit pas ! collège ou lycée ? grec ou latin ? lettres
anciennes ou maths modernes ? es ou s ? et à peine diplômé, c’est reparti : vanessa ou Katia ?
jason ou Kevin ? on continue, on continue ! pour la lune de miel, venise ou bruges ? et pour
le plat principal, viande ou poisson ? avec quel vin : bourgogne ou bordeaux ? et pour…
on n’en finit pas. vivre c’est choisir. jusqu’au jour où l’on se retrouve face à l’alternative
ultime : col ou sommet ? ce n’est pas une colle, vous êtes sommé de choisir !
ESCAPADE · 18 TEXTE JEAN-PAUL TAPIEPHOTOGRAPHIE DR
COL SOMMETQUELLE EST VOTRE PRÉFÉRENCE ?
OU
Moi, je vous le dis tout net, je suis col, quasiment
depuis toujours, et certainement à jamais. Bien
sûr, il m’est arrivé de me retrouver au sommet,
jamais très longtemps, et rarement en pleine
forme. Mais il m’est arrivé aussi de faire marche
arrière avant même d’y parvenir. Sans véritable
regret. Et sans le moindre remords. Jamais je
n’en ai éprouvé la joie que j’en espérais.
En clair, préférez-vous atteindre un sommet ou
franchir un col ?
La question n’est pas anodine et la réponse est
tout, sauf sans importance. Elle en révèle bien
plus sur votre personnalité et votre idéal dans
l’existence qu’une batterie de tests pour entrer
dans une multinationale ou un questionnaire
pour participer à un jeu télévisé.
Un exemple tiré d’une expérience récente : le mois
dernier, quand j’ai fait le tour des Annapurnas,
je n’ai atteint le sommet d’aucun d’entre eux,
mais j’ai franchi le Thorong La, un col à 5 416
mètres d’altitude, niché entre deux sommets,
sans lequel je n’aurais pu accomplir qu’un demi-
tour. De l’autre côté du col, le monde semblait
avoir changé. Ce n’était plus la vallée encaissée
et sombre de la rivière Marsyangdi, c’était une tout
autre vallée, celle de la Kali Gandaki, dont le vaste
lit, à peine inondé, semblait trancher la terre
brune et sèche. Plus de maigres pâturages, mais
des champs. Plus de frileux hameaux regroupés
autour d’un chorten, mais de jolies aggloméra-
tions sinuant au pied d’un gompa – monastère de
bouddhisme tibétain. C’était toujours le même
pays, mais ce n’était plus le même paysage. Le
col, tel un magicien, ou plutôt tel un enchanteur,
avait transformé tout cela.
Un col ne flatte pas notre ego, mais il enrichit
notre moi profond. Il nous permet d’aller ailleurs,
de rencontrer autrui. Vous franchissez un col, et
le monde change, vous découvrez une nouvelle
vallée, une nouvelle population, de nouvelles
mœurs, de nouvelles croyances. Parfois même,
grâce au col, vous découvrez la liberté. Un pas
avant le col, vous êtes un homme traqué ; un pas
après, vous êtes un homme libre.
Aucune raison d’en faire une photo, ni d’alerter
les médias.
Le sommet peut certes faire beaucoup pour la
découverte de soi ; le col est indispensable à la
découverte des autres.
Col ou sommet, à vous de choisir selon votre
personnalité. Mais que vous choisissiez le som-
met ne doit pas vous faire oublier que pour venir
au monde, vous êtes d’abord passé par un col.
Demandez à votre mère, elle s’en souvient cer-
tainement.
Juste le soulagement qu’il ne soit plus besoin
d’aller plus haut. Le sommet m’a toujours frustré.
Sauf celui du Mont Blanc, je ne sais pas pour-
quoi. Peut-être parce qu’il n’y a pas plus haut en
France, alors voilà, ça c’est fait.
Il n’existe pas d’études sérieuses sur ce qui diffé-
rencie l’amateur de sommet du partisan du col.
Mais si j’en juge d’après ma propre expérience
et de savantes observations, je crois pouvoir
affirmer ce qui suit.
L’amateur de sommet est un ambitieux doublé
d’un prétentieux. Il a un but et veut qu’on le sache,
surtout s’il l’atteint. Il veut ce qu’il y a de plus haut.
Il ne se contente pas du camp de base, ni des
camps successifs. Il doit planter son drapeau là
où rien ne lui fera de l’ombre. Pour en donner
l’assurance au monde entier, il se fera prendre
en photo et la publiera sur son blog, sur Face-
book, sur Twitter, à croire que l’on n’a pas inventé
les réseaux sociaux pour autre chose.
Où se rencontrent les puissants de ce monde ?
Au sommet, jamais au col. Qu’un artiste nous
livre sa plus belle œuvre, et il est au sommet de
son art. Un sportif décroche une médaille d’or ?
Normal, il était au sommet de sa forme.
Apparemment, rien d’important ne se déroule
au col qui mérite de faire la Une des journaux.
Normal, le col est passage quand le sommet est
objectif. Le sommet ne sert à rien puisque, à peine
atteint, on lui tourne le dos et l’on s’en éloigne.
Alors que le col, lui, est une étape. Il sous-entend
une suite, une continuité, mais qui peut aussi
être une rupture.
ESCAPADE · 20
Pour la commémoration de cet
exploit, La Poste émet un timbre
d’une valeur faciale de 3,40 €. Le
visuel a été réalisé par le dessina-
teur Romain Hugault, passionné
d’aviation et auteur de la série,
entre autres, le Pilote à l’Edelweiss.
Tiré à 1,2 million d’exemplaires au
total, ce nouveau timbre sera vendu
en avant-première le 21 septembre 2013 de 9h à 17h à l’aéroport Roland
Garros, à Paris et à Fréjus.
À partir du 23 septembre, il sera disponible dans tous les bureaux de
poste de La Réunion. Il est possible de se procurer cette vignette com-
mémorative par correspondance à Phil@poste service clients et sur
le site Internet www.laposte.fr/timbres
L’AVIATEUR RÉUNIONNAIS ROLAND GARROS A RÉUSSI LA
PREMIÈRE TRAVERSÉE DE LA MÉDITERRANÉE À BORD DE SON
MONOPLAN MORANE H. IL N’A PAS ENCORE 25 ANS. L’AVIATEUR
ÉMÉRITE QUITTE DANS LA FRAÎCHEUR DU MATIN L’AÉROPORT
DE FRÉJUS LE 23 SEPTEMBRE 1913 ET, 800 KM PLUS TARD,
ATTERRIT AVEC SUCCÈS À BIZERTE, EN TUNISIE. LE VOL, GUIDÉ
PAR UNE SIMPLE BOUSSOLE, A DURÉ 7 HEURES ET 53 MINUTES.
21 · PUBLI-REPORTAGE BAT’CARRÉ
Le timbre Roland Garros 1913 à La RéunionCentenaire de la première traversée de la Méditerranée
La biomasse végétale existe partout et se renou-
velle grâce aux sols, à la pluie, au soleil. L’homme
l’utilise depuis toujours soit sous forme de cueil-
lette (bois de chauffe) soit en développant des
cultures multiples (fruits, légumes, céréales,
fleurs…). Cette présence est tellement importante
que personne ne s’en soucie. Devant la pénurie
annoncée des sources d’énergie, beaucoup de
gens se sont intéressés à ces matières premières
végétales qui souvent sont sources de contraintes
(obligations de nettoyage, risques d’incendie,
pestes végétales…).
Et ils ont proposé de les utiliser comme moyens
de production d’énergie.
À La Réunion, l’utilisation de la biomasse re-
monte à quelques années. C’est ainsi qu’au lieu
de jeter la bagasse dont on ne savait que faire, on
s’en servait à Bois Rouge et au Gol, au moment
de la coupe, pour produire de l’électricité.
RENDEZ-VOUS AVEC RENÉ ROBERT · 22 TEXTE RENÉ ROBERT
PHOTOGRAPHIE THIERRY HOARAU
LA BIOMASSE EST L’ENSEMBLE DES MATIèrES FOUrNIES PAr LE DéVELOPPEMENT DES VéGéTAUx ET
DES ANIMAUx ; EN GrOS DE TOUT CE QUI COrrESPOND à L’éTAT VIVANT (L’hOMME éTANT à PArT
BIEN ENTENDU…). DANS UN MONDE Où LES MATIèrES PrEMIèrES FOSSILES (NON rENOUVELABLES),
COMME LE PéTrOLE, LE GAz, LE ChArBON, DEVIENNENT rArES, ChACUN SE DEMANDE COMMENT
rEMPLACEr CES SOUrCES D’éNErGIE QUI ONT PErMIS L’INCrOyABLE réVOLUTION INDUSTrIELLE
DEPUIS ENVIrON TrOIS SIèCLES.
La Biomasse et son utilisation à La Réunion
Cette économie nouvelle est créatrice d’emplois
et permet l’installation locale de moyens de pro-
duction d’énergie. C’est une des solutions à l’in-
dépendance énergétique. Elle ne pourra pas tout
régler, tout produire face aux besoins d’une po-
pulation qui augmente aussi vite, mais c’est une
production de plus et un recentrage sur les capa-
cités naturelles de l’île. Dans les années qui vien-
nent, la biomasse devrait entrer dans la liste des
matières premières locales. Il appartient aux Réu-
nionnais de la développer et à la fois de maîtriser
les consommations d’énergie. Un des nouveaux
défis pour la prochaine génération.
D’où viendrait cette biomasse ? De plusieurs ori-
gines : des déchets végétaux des particuliers et
des communes, de la récupération des arbres et
arbustes exotiques qui sont considérés comme
des « pestes végétales » (certains acacias des
Hauts de l’ouest, les filaos des bas et des hauts, les
jam-rosats, les arbustes épineux…), des chutes de
coupes des arbres plantés par l’ONF (et par exem-
ple du cryptoméria), des arbres brisés par les ra-
fales des cyclones et transportés vers la mer par
les crues des torrents, etc.). Un bureau d’études
fait l’inventaire de ce potentiel en ce moment.
Quels sont les espaces riches en biomasse ?
Quelles sont les espèces les plus prometteuses ?
Est-il possible de les récolter malgré les difficultés
physiques des sites réunionnais (remparts, ra-
vines, volcanisme actif…) et en l’absence d’un ré-
seau de pistes nécessaires aux engins ? L’étude
devrait le préciser.
La restauration de tableaux
Patricia Vergez, responsable de la spécialité peinture à l’Institut National du Patrimoine, restauratrice de
tableaux, passionnée et passionnante, nous dévoile avec une grande simplicité les arcanes de son métier.
En l’écoutant, on comprend très vite qu’il ne s’agit ni d’une simple question de dextérité, ni d’un lifting
au gré de quelques coups de pinceau. Fondée sur une profonde éthique, la restauration de tableaux est
toujours au service de l’artiste dans l’esprit de son époque. Alors que nous n’apercevons qu’une image,
Patricia Vergez nous explique comment le tableau est à la fois œuvre et matière. Tout le travail de recherche
sur la matière, des pigments au cachet du fournisseur, permet de comprendre l’œuvre et de la restaurer
après de longues recherches aussi minutieuses que celles des enquêteurs sur une scène de crime. Un métier
rigoureux, d’une dimension considérable, qui se maîtrise à force d’expérience. Un métier basé sur la recherche
pluridisciplinaire qui donne au milieu très conservateur des musées un élan de vitalité inattendu.
TEXTE FRANCINE GEORGE - PHOTOGRAPHIE SÉBASTIEN MARCHAL
une longue Quête de sens
25 · SAVOIR-FAIRE
se trouver ici. Elles peuvent observer les difficultés
inhérentes au patrimoine sous un climat tropical,
sa dégradation particulière. De plus, l’histoire du
musée est très intéressante, le bâtiment, la per-
sonnalité du créateur… C’est donc un vrai échange
de chaque côté. Il n’y a pas assez d’activités pour
en vivre si quelqu’un s’installe ici, à La Réunion,
il est donc nécessaire de faire venir des profes-
sionnels pour restaurer les tableaux et sortir les
collections des réserves. Pour nous, c’est aussi
l’occasion d’échanger, d’apprendre beaucoup de
choses, de découvrir des collections de ces terri-
toires français injustement oubliés.
c’est un métier où L’on Voyage beau-
coup ? Ça dépend, je suis enseignante indépen-
dante, et dès que je vais quelque part, ça fait boule
de neige sur mon CV. Il faut pouvoir s’adapter, ce
qui n’est pas toujours facile. L’Inde, la Chine, le
Brésil cherchent aussi à valoriser leur patrimoine.
Nous sommes en pleine mondialisation, avec une
volonté plus ou moins importante de valoriser
son patrimoine.
en quoi consiste Le métier de restaura-
trice ? Le restaurateur acquiert de l’expérience
au fil du temps. Il faut comprendre une œuvre,
avoir sa sensibilité toujours en éveil. On passe par
la matière, le tableau est fait de matière quelle que
soit l’œuvre. L’artiste qui a travaillé la matière, il
faut en comprendre ses spécificités. On a trop
tendance à voir une image. Nous, quand nous
regardons un tableau, nous voyons tout, l’œuvre
et la matière. On est sensible à la matérialité de
l’œuvre. La matière est porteuse d’une époque, de
techniques particulières. On va, par exemple, re-
connaître une époque en fonction de la couleur.
Lorsqu’il y a des parties manquantes à recons-
truire, le message porté par cet objet ne doit pas être
perturbé. On est là pour que le message persiste,
pour réparer l’image, pour qu’elle puisse parler
des manques, on n’est pas l’initiateur, on cherche
à comprendre comment l’artiste a travaillé. Quand
l’œuvre est très abîmée on ne cherche pas à rem-
placer l’artiste, on imagine ce que l’artiste a voulu
faire, et on fait une proposition la plus proche
possible, mais légèrement visible néanmoins
Vous êtes à La réunion pour combien de
temps ? Nous sommes là pour une quinzaine de
jours dans le cadre d’un échange. Nous sommes
venues, mes élèves et moi, à la demande de
Bernard Leveneur pour restaurer une douzaine
de tableaux. Nous apportons notre savoir-faire,
ce qui permet d’insuffler une certaine dynamique
au musée. Un musée, c’est quelque chose de vivant,
c’est important de renouveler les accrochages.
D’un autre côté, c’est pour nous un nouveau
territoire d’expérimentation.
comment arriVe-t-on au métier de res-
tauratrice ? À la base, il faut comprendre com-
ment s’est fait le tableau. C’est un métier qui
demande un éventail très large de compétences
en histoire de l’art, physique, chimie organique,
biologie (il faut bien connaître les agents de dégra-
dation comme les insectes, par exemple…). Il faut
aussi des compétences manuelles et artistiques,
et des pratiques selon sa spécialité, peinture,
sculpture, mobilier…
Il faut ensuite être conscient que rien ne remplace
l'expérience. La formation n'est jamais achevée,
on apprend en restaurant. D'où la nécessité d'être
curieux, d'aller dans les musées, de regarder les
œuvres.On arrive à ce métier parce qu’on aime la
peinture, le dessin. C’est un métier proche de la
création. Nous exerçons notre créativité dans le
domaine de la recherche pour adapter les traite-
ments, trouver le meilleur traitement en respec-
tant l’œuvre.
et La formation initiaLe ? La formation
s’effectue à l'Institut National du Patrimoine,
établissement d'enseignement supérieur du
ministère de la Culture et de la Communication.
Le recrutement se fait par concours. À la fin du
cursus, le diplôme de restaurateur du patrimoine
permet d’intervenir sur les collections des musées
de France.
La formation des élèves restaurateurs se déroule
sur cinq ans. En même temps que les cours théo-
riques, les élèves effectuent des stages et des
chantiers-écoles de restauration. C’est ainsi que
je suis venue accompagnée de mes stagiaires.
Pour elles, c’est une expérience exceptionnelle de
L’expérience pratique, les connaissances li-
vresques, les connaissances chimiques aident à
décrypter tout ça.
Des indices, par exemple si la toile est de qualité
médiocre, on peut supposer qu’il s’agit des pre-
mières années du peintre… le tampon d’encre du
fournisseur est aussi un indice important. Les
grands fournisseurs se sont développés à Paris
au moment de la révolution industrielle. Pascal
Labreuche, auteur de « Paris, capitale de la toile à
peindre », sur le site internet qu’il a monté, a réper-
torié toutes ces maisons et les ateliers des artistes.
On a découvert, par exemple, que Delacroix habite
à telle adresse en 1863, à proximité de l’adresse du
fournisseur dont le tampon figure sur le châssis
d’un tableau. On a pu ainsi attribuer une petite
œuvre à Delacroix grâce à l’inscription du four-
nisseur sur le châssis, ce qui a confirmé les
recherches antérieures.
La recherche pour restaurer un ta-
bLeau touche tous Les domaines… Oui,
l’histoire de l’art est très importante, la science in-
tervient beaucoup aussi, nous avons des échanges
fréquents avec les chimistes. On leur donne des
échantillons à analyser lorsqu’on a des doutes
pour identifier les pigments. L’histoire sur les
pigments raconte plein de choses culturelles,
sociales, politiques, économiques…
Venise à l’époque était la ville la plus dynamique,
une grande spécialiste du verre. Une partie des
déchets produits par la verrerie était pilée et ser-
vait de pigment à épaissir.
La finesse des analyses aujourd’hui permet de
savoir que ce bleu vient de tel gisement. Le bleu
lapis-lazurite provenant des gisements en Af-
ghanistan ramène au commerce du XVIe siècle
où il était transporté dans les caravanes sur la
route de la soie...
qu’est-ce que Vous diriez à un jeune
qui Veut faire ce métier ? Il faut être très
curieux. C’est un métier passionnant. Il faut être
aussi très rigoureux et ne pas chercher à aller trop
vite. On traite une œuvre, mais on cherche aussi
à sentir ce qui a animé la modernité d’une époque.
L’artiste est là pour nous réveiller !
pour que l’on puisse distinguer l’original de la
restauration. On se sert de l’informatique et des
nouvelles techniques par imageries scientifiques,
les rayons X, les infrarouges, qui permettent de
voir d’autres aspects de l’œuvre, pour mettre en
valeur le dessin sous l’œuvre. Ce qui permet de lire
le tableau en comprenant les parties disparues.
C’est ce qui s’est passé notamment pour la res-
tauration des Primitifs Italiens. Récemment, une
étudiante a fait des recherches sur le Térahertz,
une technologie militaire, pour voir d’autres choses
dans la caractérisation des matériaux.
et Vous faites des découVertes ? On a
toujours des choses qui sortent du chapeau,
redécouvrir une signature sur un tableau ano-
nyme, c’est exaltant, ça participe à la redécou-
verte de l’auteur. Il y a aussi des découvertes
exceptionnelles, comme la mémoire de Drancy.
En 2009, les ouvriers qui changeaient les huisse-
ries sont tombés sur des graffitis datant des années
1941 à 1944. Il s’agissait des premières HLM
construites en carreaux de plâtre qui servaient de
contre-cloisons. L’immeuble n’était pas terminé
à l’époque, c’étaient de grands plateaux qui ser-
vaient de salles d’internement avant le départ
pour les camps d’extermination. Les gens ont
laissé des traces, gravées à la main ou écrites au
crayon, leur nom, les dates d’arrivée, de départ,
des poèmes... Il y a eu tout un travail d’évaluation
sur ce qu’il y avait dessous les replâtrages, 200 m2
de murs ont été démontés, analysés et restaurés.
comment se passe Le traVaiL de re-
cherche ? C’est un peu comme un crimino-
logue, la matière laisse des traces. On recherche
à quoi a été soumis le tableau, le stress généré par
le climat… On a moyen de reconnaître, comme
sur une scène de crime, les traces sur l’objet, les
origines historiques, sa fabrication, son parcours,
ce qui lui est arrivé, l’origine géographique, ce
qu’il a subi à travers son histoire, le matériel nous
aide à comprendre et ça permet d’adapter notre
traitement.
SAVOIR-FAIRE · 26
L'Atelier Oblique est spécialisé dans le graphisme culturel et institutionnel, dans les domaines de l’édition, de l’identité visuelle, de la scénographie, ou des médias numériques.
La Commission de l’Océan Indienun nouveau monde en marche
OCÉAN INDIEN · 28 TEXTE FRANCINE GEORGE
PHOTOGRAPHIE HERVÉ DOURIS, SERGE MARIZY, CHRISTIAN VAISSE, FLORENCE WALLEMACQ
La coi – commission de L’océan indien – a été créée du temps de La guerre froide pour
protéger La zone sud-ouest des îLes de L’océan indien, madagascar, Les comores, Les
seycheLLes, maurice, La réunion. ni g8, ni onu, La coi est un concept inédit d’organisation
intergouVernementaLe qui Vise à fédérer cette région où chaque îLe possède richesses,
expériences, saVoir-faire à partager, dans Le but de préserVer Le bien-être des popuLations,
et de faire face aux défis écoLogiques de demain, mais aussi d’exister en pôLe d’exceLLence
sur La scène internationaLe. son nouVeau secrétaire généraL, L’humaniste mauricien
jean-cLaude de L’estrac, en fait son cheVaL de bataiLLe pour Les quatre ans à Venir :
« L’INDIANOCÉANIE EN TANT QU’ENTITÉ GÉOGRAPHIQUE, CULTURELLE, ÉCONOMIQUE ET ÉCOLOGIQUE,
EST À LA FOIS LE SOCLE ET LE TREMPLIN DE NOTRE DEVENIR. »
PORTRAITS
© SERGE MARISY
Face aux enjeux liés à la mondialisation des
échanges, aux nouveaux défis climatiques, ali-
mentaires, énergétiques, environnementaux, il
devient nécessaire de fédérer l’intelligence col-
lective, de mutualiser les ressources, et de dyna-
miser la coopération de proximité. D’autant que
d’autres organisations de coopération régionales
telles que la SADC 1 et la COMESA 2 s’activent, elles
aussi, sur la scène internationale. « L’heure n’est plus
aux antagonismes ni à la défense des intérêts
particuliers qui seront bientôt engloutis dans
la marche inéluctable vers la mondialisation »,
stipule Jean-Claude de l’Estrac.
Plateforme de défense des intérêts insulaires, les
domaines d’intervention de la COI couvrent la
diplomatie en tout premier lieu et la recherche
d’une stabilité politique, l’économie, le commerce
et les infrastructures, la pêche et l’agriculture,
l’environnement, la protection des ressources
naturelles et la prévention des risques, la culture,
la sécurité, l’éducation et la santé.
le maIllage des solIdarItés en plusIeurs étapes
En 1989, le colloque de Mahé institue un secré-
taire général chargé de développer les échanges
économiques et décide que le siège de la COI sera
basé à Maurice. Les années 1990 sont consacrées
à la préservation de l’environnement et la gestion
durable des ressources marines et côtières. À partir
des années 2000, la défense des intérêts insu-
laires conduit à s’appuyer sur des soutiens tech-
nologiques et financiers internationaux.
En 2005, de nouvelles orientations posent les
bases d’un cadre d’intervention dans la coopéra-
tion politique, économique, le développement
durable et le renforcement de l’identité culturelle.
En 2008, la vocation économique de la COI est
renforcée dans le but de servir de levier à ses États
membres.
En juin 2012, au sommet de la Terre - RIO +20 -
la COI a fait entendre sa voix et posé les jalons de
coopération interrégionale sur le changement
climatique, avec les Caraïbes notamment.
la coI dans les marches de l’hIstoIre
L’aventure commence en 1982 à Port-Louis, se
concrétise en 1984 par l’accord de Victoria aux
Seychelles et se finalise en 1986 avec l’adhésion de
la France/Réunion et des Comores. Ainsi, les cinq
îles de l’Océan Indien – Maurice, Les Seychelles,
l’Union des Comores, Madagascar, La Réunion –
unissent leurs forces au sein de la COI – Com-
mission de l’Océan Indien – pour développer
une coopération régionale solidaire et fructueuse.
Jean-Claude de l’Estrac, père fondateur et actuel
Secrétaire Général de la COI, revient sur l’origine
politique de cet accord dans le contexte de la
guerre froide au moment où l’Union Soviétique
essaye de développer son influence dans les an-
ciennes colonies occidentales : « Cette partie de
l’Océan Indien voulait se positionner en zone de
paix et refusait d’entrer dans le jeu Est - Ouest. Il
s’agissait, dans un premier temps, de nous pro-
téger en sortant de la politique des blocs sans avoir
à suivre le mouvement des Non-Alignés. Le gou-
vernement des différentes îles menait alors une
politique de gauche progressiste. »
Puis, naturellement, au réflexe de survie politique
s’ajoute celui de la survie économique : « Aucune
de ces îles ne peut rester un îlot de prospérité
dans une mer de sous-développement. Il faut
exister en tant que région », souligne encore
Jean-Claude de l’Estrac : « Le constat est évident,
nous sommes des petites îles isolées et, indivi-
duellement, nous ne pesons d’aucun poids sur la
scène internationale, mais regroupées autour de
la COI, avec ses vingt-cinq millions d’habitants,
six cent mille kilomètres carrés, cinq millions de
km2 de Zone Économique Exclusive (ZEE) et les
richesses qui y sont enfouies, nous avons là
matière à exister en tant qu’entité régionale. »
D’où cette volonté de réunir ces cinq îles en un
espace solidaire qui a une communauté de
destins à partager.
1
SADC – Communauté de Développement de l’Afrique Australe – créée en 1992
2
COMESA – Marché Commun de l’Afrique Australe et Orientale créé en 1998
OCÉAN INDIEN · 3
0
Autre fer de lance du développement durable et
du bien-être des populations, la sécurité alimen-
taire : « Chacune de nos îles peut apporter une
valeur ajoutée aux autres. Notre région importe
chaque année près de 2 millions de tonnes de
produits alimentaires, en provenance de pays
parfois très lointains : le riz de Thaïlande, le maïs
séché d’Argentine, le poulet du Brésil…
Avec 90 % des terres arables de la région, Mada-
gascar peut devenir le grenier des îles de l'océan
Indien et le pilier du projet de sécurité alimentaire
que nous voulons lancer cette année. Le problème
est réel, l’ONU évoque l’imminence d’une nou-
velle crise alimentaire mondiale. »
Pour ce faire, l’amélioration des connexions
maritimes, aériennes et numériques est indis-
pensable. Un projet de création d’une compagnie
maritime régionale est en cours. De la même
façon, une conférence régionale sur les trans-
ports aériens va avoir lieu. « Les petites compa-
gnies nationales n’ont pas les moyens de leurs
ambitions. Elles sont toutes déficitaires. Elles
abandonnent les routes les moins rentables et c’est
autant de marchés touristiques qui se réduisent.
Le bon sens voudrait qu’elles fusionnent pour
devenir AIR OCÉAN INDIEN. »
une double chance à saIsIr
Pour Jean-Claude de l’Estrac, l’Indianocéanie est
doublement chanceuse : « Chanceuse de par
l’histoire de ses peuples d’horizons divers, dont la
rencontre dans ce bassin îlien irrigue de leur sang
nos généalogies imbriquées. Ce socle commun
fait de l’Indianocéanie une région résolument
moderne parce que métisse. L’Indianocéanie est
aussi chanceuse parce qu’elle est au cœur du
monde de demain, entre les pôles de croissance
que sont l’Asie et l’Afrique, sur une route des
échanges qui s’intensifient. C’est une plateforme
naturelle qui peut se différencier dans un monde
en compétition. L’Indianocéanie est le tremplin
de nos économies. »
Au demeurant, la COI compte à son actif une
cinquantaine de projets aussi variés que des
programmes de prévention contre la pollution
marine, d’adaptation aux changements clima-
tiques, de prévention des risques, de programme
régional des pêches, d’unités anti-pirateries, de
sécurité maritime, de gestion durable des zones
côtières, de prévention sanitaire, d’inventaire des
plantes aromatiques et médicinales, de coopéra-
tion en matière de sécurité civile, de développe-
ment touristique, de manifestations culturelles,
d’observatoire des droits de l’enfant …
un nouveau modèle de socIété
Le 28e Conseil de la COI, qui s’est tenu le 17 janvier
dernier à Mahé, a acté la passation de présidence,
entre Jean-Paul Adam, chef de la diplomatie sey-
chelloise et Mohamed Bakri, chef de la diplomatie
comorienne. Le Conseil a donné carte blanche
au nouveau secrétaire général Jean-Claude de
L’Estrac, qui a présenté ses chantiers prioritaires
pour les quatre années à venir, avec, à la clé, un
budget conséquent de plus de 100 millions
d’euros mis à disposition.
Une nouvelle étape est franchie, il n’est plus
question de défensive, mais d’offensive, en pro-
pulsant cette entité indianocéanique en zone
d’excellence tant sur le plan humain, que sur le
plan du développement et de la protection de
l’environnement. La consolidation de l’Indiano-
céanie n’est pas une utopie, elle est basée sur des
projets concrets pour « une meilleure coopération
économique et commerciale, avec les installations
de base, les routes maritimes, la technologie de
communication adaptée, et surtout la stabilité
politique ».
Basé sur une coopération régionale renforcée, le
premier domaine d’intervention qui revient à
Jean-Claude de l’Estrac en personne est la
garantie d’une stabilité politique sans laquelle
aucune stratégie de développement n’est possi-
ble. Très soucieux d’aider Madagascar à la sortie
de crise, la COI intervient dans le processus de
soutien et de facilitation pour accompagner la
mise en place des élections présidentielles.
OCÉAN INDIEN · 3
2
MADAGASCAR
© SERGE MARISY
LES COMORES
© CHRISTIAN VAISSE
LES SEYCHELLES
© SERGE MARISY
MAURICE
© SERGE MARISY
LA RÉUNION
© HERVÉ DOURIS
Afrique
Madagascar
Maurice
La Réunion
Les Comores
Les Seychelles
la mIse en place d’un nouveau monde en marche
Le Premier colloque sur le concept de l’Indiano-
céanie a été organisé du 6 au 7 juin à Mahébourg
pour « donner corps à l’Indianocéanité, faire
savoir ce qui précisément nous unit, et définir la
plus-value qu’elle donne pour peser sur les affaires
du vaste monde. »
La vitalité de l’Indianocéanie et le vivier de savoir-
faire ont été les maîtres-mots de ces débats où
une quarantaine de chercheurs, experts, institu-
tionnels et journalistes découvraient des expé-
riences inédites menées par les confrères d’une
autre île. En attendant les actes du colloque, fin
décembre, deux projets ont immédiatement vu
le jour, proposés par Jean-Michel Jauze, doyen
de la faculté de Lettres et des Sciences Humaines
de La Réunion et par Yvan Combeau, directeur
du Centre de Recherche sur les sociétés de l’Océan
Indien. Le but étant de dresser un état des lieux
géopolitique, culturel, économique de la région
Indianocéanie pour créer une base de données et
produire des publications destinées à mieux connaî-
tre et à s’approprier cet espace interculturel.
La région indianocéanique ne peut se construire
qu’avec Madagascar, c’est pourquoi depuis quatre
ans la COI a fortement œuvré avec la communauté
internationale pour mettre fin à la crise politique
qui tétanise le pays. Ainsi, les médiations inter-
nationales mandatées par l’Union Africaine et le
travail mené en parallèle par les présidents
successifs de la COI et par son Secrétaire général
aboutissent le 17 septembre 2011 à la signature
d’un accord pour l’organisation des élections
présidentielles dont le premier tour a eu lieu 25
octobre 2013. La COI a salué le « comportement
exemplaire » des électeurs malgaches qui ont
exercé leur droit civique dans le calme et a rendu
hommage à la Commission électorale nationale
indépendante de la Transition (CENIT) pour le
rôle bénéfique qu'elle a joué lors de ce processus
électoral.
Les autres projets d’envergure sont centrés sur les
ressources de l’environnement et l’espace mari-
time qui représente cent fois la superficie des
terres émergées. Les programmes sur la pêche
vont trouver leur prolongement avec la mise en
place de programmes de valorisation et de com-
mercialisation. La protection de l’environnement
est conçue comme « un levier de croissance » et
non comme une contrainte. Dans cet esprit, des
programmes importants viennent d’être signés
dont celui financé par L'Union Européenne à
hauteur de 15 millions d'euros afin de promouvoir
les énergies renouvelables et l'efficacité énergé-
tique dans les pays de la COI. Un autre projet de
surveillance satellite vient d’être mis en place pour
apporter des informations sur les cycles de l’eau,
la détérioration des sols, la pollution marine, l’éro-
sion des zones côtières…
Jean-Claude de l’Estrac souligne que la COI s’ap-
puie sur un réseau d’universitaires et de scienti-
fiques de 385 personnes et son objectif est de
créer « un espace de recherche Océan Indien »
pour renforcer leurs contributions au développe-
ment durable de la zone face aux défis clima-
tiques, à la raréfaction des matières premières, à
la gestion des catastrophes naturelles…
Pour finir, la nécessaire appropriation et le rap-
prochement des habitants de cet espace India-
nocéanique passent par une forte prise de
conscience de son histoire, de son patrimoine :
« Mais ces richesses sont souvent peu connues
alors qu’elles sont le ciment de notre identité.
C’est la raison pour laquelle nous avons élaboré
une stratégie régionale en partenariat avec
L’UNESCO et nous devons passer rapidement à
un programme d'actions culturelles. Un autre
projet me tient à cœur, c’est la création d’une
chaîne de télévision régionale. Elle contribuera à
faire vivre l’Indianocéanie, en affirmant sa singu-
larité et lui donnant plus de visibilité sur le plan
international.»
OCÉAN INDIEN · 3
4
PORTRAITS
© SERGE MARISY
océaniques, énergies renouvelables et tourisme
ont été ainsi au coeur des discussions. Lors de
ce forum, Jean-Claude de l'Estrac a appelé les
quelques 250 participants à relever les défis de
l'Indianocéanie en « transformant les disparités
économiques des îles en levier de développe-
ment ». Il a mis en avant que malgré la crise,
l'Indianocéanie doit être « mieux intégrée et
plus compétitive », notamment avec une meil-
leure « connectivité » entre toutes les îles au
niveau « maritime, aérien et numérique ».
Quelques exemples, parmi tant d’autres, mon-
trant que le Secrétaire Général de la COI multiplie
les interventions et crée les conditions pour
que l’Indianocéanie devienne un espace écono-
mique et culturel viable face à la marche du
monde.
Les 23-24 octobre, la COI a organisé une confé-
rence sur la connectivité numérique dans l’India-
nocéanie avec les opérateurs privés du secteur
TIC - Technologie de l’information et de la Com-
munication - les institutions publiques et les spé-
cialistes pour définir l’ossature d’une stratégie de
développement des TIC, vecteur indéniable de
croissance reconnu des experts. En effet, selon la
Banque mondiale, une augmentation de 10%
des connexions Internet haut débit génère 1,4 %
de croissance supplémentaire dans les pays en
développement.
Le 9e Forum économique des îles de l'Océan
Indien a eu lieu du 21 au 23 octobre 2013 à
Pointe-aux-Piments sous l'égide de la Chambre
de commerce et d'industrie de Maurice en parte-
nariat avec la COI. Transport, TIC, industries
jean-claude de l’estrac, le vIsIonnaIre pragmatIque
Le nouveau Secrétaire Général, élu en juillet 2012, oeuvre depuis trente
ans à la construction et au développement de la COI. Homme politique
d’envergure, il a été à la fois leader de l’opposition et membre du
gouvernement mauricien, et c’est en tant que ministre des Affaires
Étrangères qu’il en a initié les premiers pas. Homme de lettres, auteur
d’une trilogie remarquée sur l’histoire politique de Maurice 3, il a éga-
lement dirigé le puissant groupe de presse mauricien « la Sentinelle »,
dont il est resté Président du Conseil d’Administration jusqu’en décembre
2012. Talentueusement charismatique, il entraîne dans son sillage ceux
qui veulent, au sein de la COI, construire un nouveau monde. Certes
visionnaire et humaniste, Jean-Claude de l’Estrac est avant tout un
homme d’action, pragmatique, qui ne supporte pas l’amateurisme.
Autant dire qu’avec lui, pendant quatre ans, la COI va tourner à plein
régime !
3
Mauriciens enfants de mille combats, premier volet paru en 2004 Mauriciens enfants de mille races, second volet paru en 2005Passions politiques Maurice 1968-1982, troisième volet paru en 2009
Pour plus d’informations sur les actions de la COI, connectez-vous
sur www. ioconline.org/fr/
OCÉAN INDIEN · 3
6
J-C DE L’ESTRAC© FLORENCE WALLEMACQ
RENCONTRE · 38 PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCINE GEORGE
PHOTOGRAPHIE JEAN-NOËL ENILORAC
Qu’est-ce qui fait rêverNicolas Givran ?
TRÈS CALME EN APPARENCE, NICOLAS GIVRAN
N’EST PAS UNE ÂME TRANQUILLE, ON SENT
LE BOUILLONNEMENT INTÉRIEUR ÉMERGER À
CHAQUE COIN DE PHRASE. CET ACTEUR DE
TALENT, IMPASSIBLE ESPIÈGLE, AIME RESTER
DANS L’OMBRE. CE N’EST PAS UN TRIBUN, ET
POURTANT, IL JOUE AVEC JUSTESSE ET PRO-
FONDEUR UN MÉSYÉ DIJOUX QUI EXPLORE LES
COULISSES DE SCÈNES ÉLECTORALES DANS
LES ANNÉES 60.
TRÈS EXIGEANT, NICOLAS GIVRAN NE CHOISIT
PAS LA FACILITÉ, PREND DES RISQUES, SORT
DE SON CADRE, DANSE OU ÉVOLUE DANS DES
RÔLES SURPRENANTS, SE MESURE AUX ACTEURS
DU 7E ART. SON LIEU D’EXPRESSION N’EN RESTE
PAS MOINS LE THÉÂTRE, SA LANGUE ARTISTIQUE,
LE CRÉOLE. AVANT DE RETROUVER L’URGENCE
DE DIRE, IL S’OCTROIE UN TEMPS DE LATENCE,
SE RÉGÉNÈRE À LA LECTURE DE GRANDS CLAS-
SIQUES TOUT EN TRANSMETTANT SON AMOUR
DES MOTS ET DE LA SCÈNE AUX JEUNES ÉLÈVES
DU CONSERVATOIRE.
RENCONTRE · 40
OÙ EN ÊTES-VOUS ACTUELLEMENT ?
Cela fait quinze ans de pratique et j’ai besoin
d’une pause, j’ai besoin de retrouver cette urgence
de dire. C’est un luxe qui a un prix, bien évidem-
ment. À force de dire non, je prends des risques !
Louis Jouvet disait dans le livre Écoute mon ami :
« Ton premier dégoût sera souverain, salutaire,
c’est un moyen. »
Ces derniers temps, j’ai pu ressentir une forme
d’écœurement de mon métier. Et j’espère qu’il y
aura cet aspect salutaire dont Jouvet parle, mais
c’est un peu tôt pour le dire. À partir de ce constat
que la nécessité n’est plus à sa juste place, je serais
malhonnête si je continuais à monter au plateau,
c’est pour ça que je préfère faire une pause, malgré
les belles propositions qu’on a pu me faire.
Et depuis que j’ai pris cette décision, paradoxale-
ment, je fais beaucoup de rencontres. Avec Carlo
de Sacco, leader du groupe Grèn Semé, on a écrit
un concert théâtralisé ensemble, qui va se jouer
au Théâtre de Champ Fleuri en octobre. J’ai ren-
contré Soraya Thomas et je me suis mis à danser
dans Écoutes, une pièce chorégraphique. Avec
des copains artistes, j’ai joué un peu de musique,
retrouvé l’envie première, le stade de l’envie.
C’EST UNE PAUSE PLEINE D’OPPORTUNITÉS…
Oui, je réfléchis à différents projets en prenant le
temps de faire des choix. En attendant, je me suis
investi dans l’éducation artistique, j’encadre des
stages au conservatoire. Je suis un très mauvais
communiquant, je ne suis pas dans des stratégies
et je n’aime pas faire de concessions, les conces-
sions c’est pour les cimetières disait Desproges.
VOUS LISEZ QUOI ?
À l’origine, je n’étais pas un grand lecteur, je suis
venu à la lecture par le théâtre. C’est Benjamin
Constant qui m’a donné au départ l’envie de lire.
Je me suis identifié au personnage d’Adolphe et
ça m’a beaucoup interpellé. Et puis, dans Madame
Bovary, l’ironie de Flaubert sur la démagogie et le
populisme politicien dans le chapitre sur les
comices agricoles m’a beaucoup amusé. Ensuite,
j’ai lu les grands classiques de la littérature, Céline,
Camus. Je suis amoureux des mots.
je suis amoureux
des mots
ET POUR LE THÉÂTRE…
C’est pareil. N’ayant pas de formation de type
conservatoire ou autre, je suis allé fouiller les
grands textes de référence sur la pratique de
comédien, Être acteur, de Michael Chekhov, par
exemple. C’est ma boîte à outils. C’est ce qui me
permet d’explorer mon potentiel, si tant est que…
Si on n’a pas d’outils, on atteint vite des limites.
Avec ce que j’ai pu explorer au travers de ces
ouvrages et de mon expérience du plateau, je fais
de la transmission, je partage avec les élèves du
Conservatoire ce qui me semble être les bonnes
questions à se poser sur le jeu.
CE QUI VOUS FAIT VIBRER…
L’identification, c’est quelque chose à trouver,
l’artiste arrive à vous toucher, c’est comme s’il
parlait de vous. C’est bouleversant, il réussit à
synthétiser quelque chose que vous ressentez.
ET CETTE TRANSMISSION AUX ÉLÈVES…
En 2001, j’ai commencé à intervenir en atelier
théâtre, c’est aussi comme ça que j’apprends mon
métier, en les accompagnant dans la recherche du
dépassement des difficultés ; avec eux, j’apprends
aussi mon métier d’interprète.
VOTRE PERFORMANCE À L’ARTHOTHÈQUE
SUR L’ESTHÉTIQUE DE LA BRODERIE :
C’était une belle rencontre avec la plasticienne
Myriam Omar Awadi. Elle cherchait un comédien
pour la visite guidée de son expo sans tableau au
mur. Le texte qu’elle a écrit m’a emballé. Je l’ai
rencontrée, ce fut une très belle surprise. Elle
n’avait jamais dirigé d’acteur, pourtant elle savait
obtenir ce qu’elle voulait avec une justesse in-
croyable. Très exigeante, elle m’a empêché d’aller
dans la facilité, d’entretenir mes tics d’acteur. Elle
m’a vraiment bousculé, c’était un beau cadeau,
merci encore !
VOTRE PREMIER LONG MÉTRAGE AVEC LE TV
FILM UN AUTRE MONDE…
J’ai très peu d’expériences de caméra, on donne
souvent des miettes aux acteurs réunionnais.
Là, je suis tombé sur quelqu’un qui m’a fait
confiance, le réalisateur et scénariste Gabriel
Aghion. Nous avons construit ensemble cer-
taines scènes, c’était une super expérience.
VOUS TENEZ UN DES RÔLES PRINCIPAUX,
ÇA S’EST PASSÉ COMMENT ?
Au départ, c’était un concours de circonstances.
Je me suis présenté au casting sans savoir de quoi
il s’agissait, qui étaient les comédiens principaux...
Je ne connaissais personne. Celle qui s’occupait
des auditions s’est trompée de fiche, j’ai fait deux
ou trois essais. Mais il n’y avait pas de rôle pour
moi. Puis, l’acteur parisien n’était plus disponible
au moment du tournage et finalement j’ai eu ce
rôle-là !
VOTRE SOUVENIR LE PLUS MARQUANT
DE CETTE NOUVELLE EXPÉRIENCE
Côtoyer et travailler avec une grande actrice comme
Dominique Blanc, c’était très réconfortant, sa façon
d’aborder le jeu, son discours sur le métier…
Nous avions l’occasion de discuter entre deux
prises et elle m’a demandé quel était mon par-
cours. Je lui ai répondu que je suis devenu acteur
un peu par hasard, par le biais d’une compagnie
qui proposait des stages de réinsertion par le
théâtre. Et elle m’a répondu : « Alors, moi j’ai raté
tous les conservatoires ! » Puis elle a rencontré
Patrice Chéreau et ce fut le démarrage d’une car-
rière d’abord théâtrale, puis cinématographique,
avec quatre Césars et deux Molières à la clé !
RENCONTRE · 42
CETTE EXPÉRIENCE DE CINÉMA
PAR RAPPORT AU THÉÂTRE ?
Mon rôle dans ce film est assez évident, avec une
énergie assez proche de la mienne. À l’inverse,
dans Mésyé Dijoux c’est un jeu tout en rupture
de ce que je suis. Lorsque j’ai vu ma prestation sur
grand écran, ça a été insupportable ! En tant
qu’enseignant, je voyais tout ce qui n’allait pas.
C’est comme lorsqu’on entend sa propre voix. J’ai
vu quatre fois le film, à la troisième projection, ça
allait un peu mieux !
SI ON PARLAIT UN PEU DE VOUS,
VOTRE PARCOURS…
Mon père est Réunionnais, mais il est né à Ma-
dagascar. Mon grand-père paternel s’est installé
en France par le biais du Bumidom et travaillait à
la chaîne chez Renault. Ma mère est métisse,
malgache-mauricienne. Ce lien indianocéanique
est très vivace en moi. Au départ, je voulais aller
à Madagascar, mais je ne suis jamais parti de La
Réunion.
Je suis né en banlieue, ça fait partie de mon en-
fance, puis j’ai un peu dérivé, mes études m’ont
abandonné…et je me suis retrouvé sans rien.
Alors, j’ai décidé de rentrer à La Réunion, j’avais
19 ans. J’avais besoin de savoir qui j’étais. Mes
parents ne sont pas des militants, j’avais besoin
de vivre cette culture créole.
À l’ANPE du Port, j’ai eu la chance de tomber sur
une annonce de Cyclones production qui pro-
posait à des non-professionnels d’intégrer une
création de théâtre, une adaptation par Sully An-
doche d’un roman d’Axel Gauvin, le texte était en
créole. C’était pour moi un acte de transmission,
une nourriture par la langue, j’avais besoin de ça.
Et je suis très reconnaissant envers ces tuteurs
qu’ont été Luc Rosello et tous les membres fon-
dateurs de cette compagnie qui m’ont permis, à
moi comme à d’autres, d’accéder à ce milieu ar-
tistique. Je suis amoureux de notre langue !
Pour la musique, l’anglais ça swingue, ça groove,
pour le théâtre, le créole réunionnais, c’est pareil.
Mais ce n’est pas donné à tout le monde de faire
un beau texte. Une langue, c’est une autre énergie.
VOTRE PLUS MAUVAIS SOUVENIR…
En 2001, une pub m’a rendu malheureux, pas fier
de moi. Je respecte ceux qui le font, ce n’est pas
la question, mais moi, ça ne me convient pas et
je me suis juré de ne pas recommencer.
ET SI ON REVENAIT À MÉSYÉ DIJOUX …Le spectacle continue ! Il y a de belles perspec-
tives dans les îlets de Salazie. C’est un projet de
Cyclones production avec un travail en amont avec
les associations. On se produit dans les quartiers.
C’est tout mon univers, ma langue de théâtre ma-
ternelle au travers de l’écriture de Sully Andoche.
VOUS AIMEZ ALLER À LA RENCONTRE
DU PUBLIC, HORS LES MURS…
En 2008, j’ai vécu une grande expérience, je
jouais Le Songe d’une nuit d’été au théâtre de
Champ Fleuri devant 900 personnes, et dans le
même temps, avec l’équipe de la Fabrik, nous
faisions des représentations d’une création dans
des appartements de la cité de Patate à Durand,
ce grand écart était exaltant !
VOTRE EXPÉRIENCE LA PLUS MARQUANTE…
Le spectacle Dis-oui avec Samy Waro. Nous
sommes restés 15 jours enfermés, c’est un grand
luxe de pouvoir travailler comme ça, avec le soutien
de la Fabrik qui nous a fait confiance dès le départ.
C’est l’expérience la plus marquante parce que
Samy est un ami, nous avons une admiration ré-
ciproque l’un pour l’autre. Il y a quelque chose
d’évident, une vraie alchimie entre nous. Dans ce
spectacle, il y avait des petites marches d’impro,
les mots et les sons se faisaient écho, s’entrecho-
quaient, c’était jubilatoire.
ET SI C’ÉTAIT DEMAIN…
Il y a deux, trois ans, j’étais récitant dans Ti pièr èk
lo lou (adaptation de Pierre et le Loup d’Axel
Gauvin) avec un orchestre, une petite formation
de 30 musiciens. La puissance de la musique m’a
marqué dans ce spectacle. Aujourd’hui, ma fille a
trois ans, qu’est-ce que j’ai envie de dire à ma fille,
à ses copines, aux enfants de son âge ? Ça pourrait
être une nouvelle piste de création !
BATAYE KOK · 44 TEXTE & ILLUSTRATION HIPPOLYTE
PHOTOGRAPHIE NICOLAS ANGLADE
PatrickPatate à Durand
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de Bataye Kok sur pils.re
Rendez-vous a été pris face au jardin d’enfants,
dans la cité de Patate à Durand, aux abords de
Saint-Denis. Le nom de cette cité provenant de
ces herbes folles aux fleurs roses courant sur les
galets en bords de mer. Un certain Durand aurait
imaginé employer ces longues tiges traînantes
en guise de seine pour la pêche des crustacés
et des petits poissons de rivage... C’est ici que
nous retrouvons Patrick, au pied de ces barres
d’immeubles jaunis par le temps, constellés de
carrés de fenêtres leur donnant l’apparence d’un
grand damier décharné.
BATAYE KOK · 46
Patrick est né ici, il y a 43 ans. Le lieu n’était alors qu’un vaste bidon-
ville sans étage ni ascenseur. Tous ses souvenirs d’enfance se trou-
vent là. Sa nostalgie aussi. Sous ce bitume et ces constructions
modernes. La ruelle d’alors, les animaux, la terre, la case sans eau ni
électricité, où bruissait une télé à batterie. Batterie qu’il fallait rechar-
ger à temps pour suivre les aventures de zorro, le fameux vengeur
masqué. Patrick en garde un souvenir ému. « Ce n’était pas la misère.
On était solidaire et on appréciait chaque chose que la vie pouvait
nous offrir. Tout se transformait en jeu. Charrier l’eau à la fontaine
centrale le matin avec nos bacs à huile ou nos pots de peinture
vides, revenir en faisant la course et perdre la moitié de la cargai-
son hilares… Observer le voisin par les trous dans la tôle… de bons
moments. »
Patrick se rappelle cette case tapissée de pages (du catalogue) de
la redoute, où, dans le lit commun, le soir, au milieu de ses deux
grandes sœurs, éclairé d’une simple bougie, il s’amusait à chercher
des inscriptions. Le reste du temps, il soignait les animaux avec
son père : chiens, chats, volailles, coqs … coqs de combat.
Au début des années 1980, le cyclone hyacinthe menace La réunion,
il faut reloger les gens du bidonville. En 1982, ils seront installés
dans ces nouveaux immeubles. Changement de vie. radical.
Aujourd’hui la ville a pris la place, s’est étendue,
de plus en plus, inexorablement. Le monde mo-
derne s’est installé. On est passé de cette grande
vie communautaire et des cases courant d’air au
chacun chez soi. Gagnant en sécurité ce qu’on
perdait en proximité et en solidarité évidente. Au
milieu de ces immeubles, en contrebas des fenê-
tres damiers, Patrick a commencé par installer
un cageot pour un coq acheté 70 francs. C’était
en 1995. Il lui a fallu du temps. La terre et les ani-
maux lui manquaient trop. Il a redéposé de cette
terre ocre, a tracé son carré pour les entraîne-
ments, a entraîné son coq comme il le faisait
quand il était jeune. Puis il l’a emmené combattre
au grand rond de Deux Canons, celui de l’époque,
aujourd’hui disparu.
Première victoire. Patrick sourit à nouveau. Il
agrandit son cageot, un nouveau coq, puis deux,
trois, quatre… La passion reprend vie. refait
surface. Il entraîne avec lui d’anciens amis du
bidonville avec qui il aimait partager du temps
autour des animaux, sentir cette odeur de terre
et de poussière, sous ses pas, dans ses mains,
dans ses narines.
Avec Thierry et yannice, ils se retrouvent alors
sous le grand manguier aux abords de la quatre-
voies, à quelques pas du logement de chacun. Ils
seront bientôt rejoints par d’autres éleveurs les
apercevant régulièrement depuis la route. Les
habitants de la cité viennent aussi en curieux.
Leur petit rond marron prend de l’ampleur. Ils
installent des bancs, des éclairages de fortune
pour rester tard le soir autour du rond une fois
que le soleil plonge dans la mer.
Puis ils décident de se lancer : recréer un rond
de coqs digne de ce nom à Saint-Denis. Là. à
l’ombre du manguier résistant aux mâchoires de
cette ville carnassière. Le terrain appartient à la
mairie, qui accepte de le leur prêter. rien n’est
prévu sur ce terrain. Pour l’instant.
En deux mois, ils montent une structure en bois
sous tôle. Conservent le manguier qui les a si bien
abrités au cœur du rond marron. Un manguier
qui leur apporte l’ombre, vitale lors des journées
d’été gorgées de soleil. Ce manguier devenu cet
ultime rapport à la terre et à leur passé.
« Aujourd’hui, tout ce qui faisait La réunion se retrouve dans les
hauts. Si on continue ainsi, dans les bas il n’y aura plus que du
béton. Lutter contre la ville ? Non. Mais il faut garder un rapport à
la nature, à ce qu’on est, à ce qui nous fait, savoir d’où l’on vient.»
Depuis lors, le rond ne désemplit pas. Chaque week-end.
Patrick et ses amis ont mis en place une association destinée à
valoriser cette tradition du Batay Kok : l’association Ti Rond Deux
Canons. Pour partager leur histoire, ce qu’ils sont. Au milieu de
tous ces hommes, unis autour de cette même passion, loin des
tracas du quotidien. Ils retrouvent leurs racines, et ce lien fort qui
les unit. Ici, ils sont libres, comme hors du temps.
Chaque jour de la semaine, Patrick est toujours aux petits soins
avec ses coqs, après son travail. Il les nourrit, les lave, les entraîne
et les soigne. Au milieu des barres d’immeubles de la Cité, il donne
de petits galops d’entraînement. Comme une échappatoire et une
dernière résurgence du passé, la terre ocre resplendit à nouveau.
Ce carré de terre rouge, celle de son enfance, continue de vivre
parmi les barres de béton. Sous les regards complices et protecteurs
des voisins aux fenêtres damiers, veillant sur ces scènes d’un autre
temps.Ces scènes pleines d’émotions, et de souvenirs. Telles une
oasis au cœur du monde moderne. Une oasis de tradition et de paix.
Groenland
Canada
États Unis
Montréal
VIEUX-PORT DE MONTRÉAL © STÉPHAN POULIN
MONTRéALPLEINS FEUX SUR LA CITÉ FRANCOPHONE ET COSMOPOLITE
49 · VOYAGE VOYAGE TEXTE PIERRE-HENRI AHOPHOTOGRAPHIE OFFICE DE TOURISME DE MONTRÉAL
VOYAGE VOYAGE · 50
fière de ses 370 ans d’existence, la ville aux
mille clochers est une île et son contraire.
carrefour le plus au sud du majestueux fleuve
st-laurent, elle appartient au fabuleux destin
de l’amérique du nord dont elle a favorisé
la découverte puis l’essor industriel.
ancien berceau de civilisations amérin-
diennes algonquines et surtout iroquoises,
des immigrants du monde entier continuent
chaque jour à conquérir la capitale d’une
nouvelle-france à la fois moderne et pitto-
resque. résolument américaine dans son
« beat » et européenne dans l’âme, montréal
est une mosaïque de ce que la civilisation
occidentale peut offrir de meilleur. son titre
de deuxième plus grande ville francophone de
l’hémisphère nord n’empêche pas à plus de
120 langues d’y coexister. capitale écono-
mique qui accueille dans son agglomération
presque la moitié de la population québécoise,
montréal s’impose comme leader mondial
dans plusieurs domaines d’activités tels que
les biotechnologies, les arts numériques et
ceux du cirque. liberté, création, tolérance et
dynamisme sont les principes animant la cité
aux contrastes étonnants.
PLACE D'ARMES © STÉPHAN POULIN
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citoyenne
du monde contemporain
Montréal se décline en une succession de quartiers
bâtis par des populations issues de différentes
communautés. Tout au long de son histoire, des
vagues importantes d’immigration ont agrémenté
la ville de leurs cultures diverses et variées : après
les anglo-saxons au XIXe siècle, les Italiens, les
Grecs, les Portugais, les Polonais, les Ukrainiens
et les Juifs d’Europe de l’est seront parmi les pre-
mières communautés à s’y implanter durablement.
Ils seront suivis par des Haïtiens, Libanais et Viet-
namiens au gré des changements politiques dans
leurs pays d’origine, ainsi que par de nombreuses
autres communautés, et ce jusqu’à ce jour. C’est
en remontant la « main », la rue Saint-Laurent, que
l’on s’approprie le mieux cette diversité. On y voit
de nombreux commerces grecs et portugais
avant d’aboutir sur la Petite Italie. Dans le Mile
End adjacent au chic quartier d’Outremont, de
nombreux juifs orthodoxes facilement recon-
naissables nous rappellent l’importance de cette
communauté à Montréal. On peut aussi rencon-
trer une diaspora arménienne à Ville Saint-
Laurent, et hindoue dans le quartier de Parc-
Extension.
retour succinct sur
son histoire
Comprendre Montréal c’est imaginer une arrivée
dans la ville par voie maritime, comme au temps
de ses premiers explorateurs. Tout s’est d’abord
construit le long du mythique fleuve Saint-Laurent.
Ses affluents servirent de point de départ aux pre-
miers découvreurs européens du continent. La
ville a longtemps été le bastion du commerce
nord-américain, d’abord prisée par les coureurs
des bois - les vendeurs de fourrures - puis par les
vendeurs de bois et de blé. L’industrialisation dont
elle garde des traces impérissables lui permettra
d’accéder au rang des capitales les plus riches du
monde. De larges rues et imposants édifices té-
moignent encore de ce passé. La ville fut jadis
fortifiée pour se protéger des amérindiens les
plus farouches, les « Haudenosaunee » (iroquois).
Mais Montréal est avant tout un grand village
construit sur une île autour d’une montagne
verdoyante, une cité à taille humaine où l’on zig-
zague harmonieusement entre le passé et le futur,
déjà présent.
VOYAGE VOYAGE · 52
Le Vieux montréaL
Les quais et le Vieux-port
Le Vieux-Port, lieu unique qui concentre à la fois
un des poumons économiques de la ville, avec
son port, et un pôle touristique de premier ordre.
Bâti par les premiers français qui s’y sont établis,
le Vieux-Port affiche une architecture de goût
français, agrémentée du renouveau victorien que
l’on retrouvera dans plusieurs autres quartiers de
la ville. Après avoir flâné sur les quais réaménagés
en plage l’été et en jeux de neige et patinoire
l’hiver, les plus audacieux parcourront les pistes
cyclables (ou de ski de fond) le long du canal
Lachine et de ses écluses. D’immenses silos à grains,
qui ont jadis fait la fortune de la ville, apparaissent
comme des vestiges d’une époque révolue.
Comme dans tout port, l’aventure ne s’arrête pas
sur terre et on peut découvrir les rives du fleuve
et ses nombreuses îles lors d’une croisière. La
visite des quais se complète par les spectaculaires
expositions du Centre des sciences de Montréal
ou une projection à l’Imax, cette technologie ca-
nadienne qui permet de voir des films diffusés
sur des écrans à 360 degrés.
RUE SAINT-PAUL © ANDRÉ RIDER
La rue saint-paul
La rue Saint-Paul baigne dans une ambiance à la
modernité baroque. Un grand nombre de cafés,
galeries d’art et magasins en tout genre occupent
des édifices anciens. Au détour de certaines ruelles
presque moyenâgeuses, des artisans et bijoutiers
sont installés au milieu d’une petite place à l’atmo-
sphère française, avec ses pavés et ses murs jon-
chés de lierre. Le Musée de la Pointe-à-Callières,
musée d’archéologie et d’histoire de Montréal,
propose notamment des visites guidées sur les
premiers lieux d’habitation. À l’entrée du bâtiment
moderne, une œuvre de Nicolas Baier, un artiste
montréalais, accueille les visiteurs. Et le soir, la
fameuse Boîte à Pierrot produit ses chansonniers
au charme typiquement québécois.
Le quartier international
Le Square Victoria, surplombé par un gratte-ciel,
la Tour de la Bourse, et entouré de buildings an-
ciens et modernes, est composé d’une grande
esplanade ornée d’une époustouflante sculpture
de l’artiste chinois Jiu Ming représentant un
mouvement emprunté du Taï Chi et d’un espace
boisé où trône une statue de la fameuse reine bri-
tannique. Nous sommes en plein quartier inter-
national, district qui a contribué à l’obtention du
premier Prix de « Ville Design » attribué à Mont-
réal par l’UNESCO en 2007 ; un passage dans le
Centre de Commerce mondial nous permet de
comprendre pourquoi : les visiteurs peuvent y
admirer un atrium géant, fort agréable l’hiver, et
entamer un premier passage souterrain le reliant
à l’immense Palais des Congrès qui accueille un
impressionnant ballet d’évènements organisés
chaque année. Les éléments vitraux de cet édifice
sont d’une luminescence colorée, à dominance
rose, jaune, mauve et verte, ce qui transmet le
tempo d’une ville délurée. Ils font écho à la char-
mante Place Riopelle, du nom du plus célèbre des
peintres canadiens, magicien des couleurs bo-
réales. Cette aire de repos accueille une réalisa-
tion artistique majeure du célèbre artiste, un
ensemble sculptural érigé en fontaine, d’abord
pensé pour l’exposition de 1967, qu’on anime l’été
à chaque heure par des brumisateurs, et par un
spectacle pyrotechnique en soirée. De l’autre côté
de cette petite place, l’édifice de la Caisse de
dépôt est une véritable réussite architecturale,
tout en vitres également et pensé comme un im-
meuble couché. Des œuvres d’art des meilleurs
artistes de la ville y ont été intégrés et son long
corridor suspendu et ouvert sur les étages laisse
une étrange impression de flottement aérien.
L’île sainte-hélène
En regardant le fleuve, on aperçoit l’île Sainte-
Hélène reliée par le Pont Jacques-Cartier, ainsi
qu’un édifice exceptionnel dans l’histoire de l’ar-
chitecture, conceptualisé par Moshef Safdie -
Habitat 67 - pour l’exposition universelle. Sainte-
Hélène fut ainsi nommée en l’honneur de
l’épouse de Samuel de Champlain, « père de la
Nouvelle-France ». Les espaces du Parc Jean-
Drapeau font le bonheur des amateurs de mu-
sique l’été avec des concerts d’envergure, et
surtout les « Piknic électronik » qui, chaque di-
manche, donnent aux DJ du monde entier une
tribune de choix au pied de l’imposant monu-
ment du célèbre artiste américain, Alexandre
Calder. Lieu d’attractions multiples pour les
Montréalais, visite au Musée Stewart dans l’an-
cien fort, circuit Gilles-Villeneuve pour les ama-
teurs de F1, La Ronde, parc d’attractions aux
frissons garantis pour les plus jeunes, les vestiges
de l’Exposition Universelle de 1967, avec notam-
ment la Biosphère ou le Casino, sur l’île voisine
de Notre-Dame…
La place d’armes
En remontant vers la Place d’Armes, point central
du Vieux-Montréal, un imposant édifice art-
nouveau aux allures new-yorkaises nous rappelle
que nous sommes bien en Amérique. De chaque
côté de cette place récemment rénovée, se si-
tuent l’édifice néoclassique de la Banque de
Montréal, une des plus anciennes du pays, mais
surtout la célèbre église Notre-Dame. Fief des
Sulpiciens, prêtres diocésains qui dirigèrent
longtemps la ville et qui y ont toujours une im-
portante curie, cette église offre un spectacle
époustouflant de lumière et de dorures néo-ba-
roques. Lieu de culte et de rendez-vous impor-
tant pour l’élite des siècles précédents, elle est à
juste titre un des sites les plus visités de Montréal.
VOYAGE VOYAGE · 54
La place jacques-cartier
La rue Saint-Jacques, ancienne rue des banques,
témoigne du riche passé de la ville, avec des hô-
tels parmi les plus prestigieux tel le St-James,
dont la suite est généralement réservée aux stars
de passage. Sur la rue Notre-Dame, on pourra
admirer les immenses portes de la Cour d’appel,
avant d’arriver sur l’ancienne place du marché au
cœur du village qu’on nommait jadis Hochelaga
(ancien nom amérindien de Montréal). Cette
grande esplanade piétonne, nommée en l’honneur
du célèbre malouin qui, le premier, découvrit ce
territoire, offre au visiteur un regard historique
sur la métropole. Surmonté par la colonne Nelson,
le terrain pavé est entouré d’édifices porteurs
d’histoire : le marché Bonsecours, premier hôpital
de la ville fondé par Sainte Marguerite Bourgeois,
devenu un centre d’artisanat réputé.
Le Château Ramesay, quant à lui, laisse décou-
vrir la vie d’antan alors que l’imposante façade
néogothique de la mairie fait encore résonner
les célèbres mots du Général de Gaulle : « Vive le
Québec libre ! » À proximité, la plus grande galerie
d’art inuit du Canada permet de s’approprier les
particularités culturelles de ce peuple. Sur la Place,
restaurants, boutiques de souvenirs, animateurs
en tous genres, rivalisent d’ingéniosité pour atti-
rer le touriste qui se laissera tenter par la dégus-
tation d’un homard ou d’une autre spécialité
régionale telle que la queue de castor (une sorte
de gaufre canadienne). De l’autre côté, se situe le
Champ-de-Mars et sa grande pelouse, jadis une
place de réunion populaire. Vestige archéolo-
gique, elle offre une vue surprenante sur la ville
que l’on découvre enfin en dehors de ses antiques
murailles. On quitte alors le Vieux Montréal, en
traversant le quartier chinois dont deux grandes
portes rappellent la présence vivace de cette
communauté. Une ruelle piétonne, toujours
bondée, nous fait voyager l’espace d’un instant
en Orient. Les amateurs de gastronomie asiatique
ont alors l’embarras du choix pour se restaurer.
PLACE JACQUES-CARTIER © STÉPHAN POULIN
Le centre-ViLLe
La rue saint-denis
Avec les rues Sainte-Catherine et Saint-Laurent,
la rue Saint-Denis est un des cœurs névralgiques
de Montréal et une artère à multiples vocations.
À l’est de cette grande rue emblématique, la ville
devient presqu’exclusivement francophone. Au
sud, on trouvera en bordure du quartier justement
baptisé « quartier latin », la Grande Bibliothèque,
édifice récent qui en impose de l’extérieur mais
qui est très convivial à l’intérieur, grâce à la pré-
dominance de bardeaux en bois clair et de grands
panneaux vitrés. Le quartier latin est un concen-
tré de restaurants, cinémas, théâtres et bars en tous
genres, quelques boutiques et librairies rappellent
qu’on n’est pas loin de l’Université du Québec.
Celle-ci a réussi le pari audacieux d’occuper plu-
sieurs quadrilatères, dont celui d’une ancienne
église dont le clocher et la nef ont été conservés
en atrium. C’est une pratique que l’on retrouve de
plus en plus dans le paysage urbain montréalais :
la transformation d’édifices industriels ou reli-
gieux en lieux contemporains voués à l’éduca-
tion, l’habitation ou le travail. Un peu plus loin, la
Place Émilie-Gamelin souligne l’anticonformisme
urbain qu’adopte parfois Montréal. Un jeu d’échecs
géant orne son centre, et l’endroit accueille l’été
des scènes extérieures. Point central des trans-
ports en commun, souvent squatté par les plus
marginaux, cette place fut le point de départ des
manifestations étudiantes du « Printemps Érable »
en 2012. C’est ici que se démarque « le village »,
célèbre quartier gay, très festif, dont la portion de
la rue Ste-Catherine qui le traverse est exclusive-
ment piétonne pendant la période estivale.
SHOPPING À MONTRÉAL © ANDRÉ RIDER
Le carré saint-Louis
Place mythique de Montréal, autrefois un châ-
teau d’eau juché en haut de la vieille ville, le Carré
Saint-Louis est aujourd’hui une petite oasis appré-
ciée des passants de la rue piétonne Prince-Arthur,
faisant la jonction entre les deux grandes artères
commerciales et festives : la rue Saint-Denis et la
rue Saint-Laurent. La place est ceinturée des plus
belles maisons d’architecture victorienne de la
ville. Son flanc nord, aux toits colorés, est un
symbole époustouflant de Montréal. On peut y
prendre un café accompagné de crêpes ou crèmes
glacées l’été ; la place est souvent animée par des
musiciens en après-midi. Les poètes et écrivains
y ont souvent célébré les vertus de leur Montréal,
et deux statues de leurs plus illustres représen-
tants rappellent le caractère singulier de l’endroit :
le « Rimbaud » canadien, Émile Nelligan y a
composé ses vers les plus légendaires ; l’autre
buste, celui d’Octave Crémazie, est surmonté
d’une figure allégorique d’un poème célèbre pour
sa verve nostalgique de la présence française au
Canada, « Le chant du vieux soldat canadien ».
Au centre du carré, une fontaine permet de se ra-
fraîchir et de se déconnecter, l’espace d’un ins-
tant, du vacarme incessant de la réalité urbaine.
VOYAGE VOYAGE · 56
Le quartier des affaires
Le quartier des affaires est aussi celui des centres
commerciaux et d’une vie sociale animée aux
accents anglophones. Les gratte-ciels sont légion
mais difficiles d’accès. Toutefois, une visite au
sommet de l’un deux est possible au restaurant
chic du 737 de la Tour Ville-Marie, la plus grande
de la ville. Les trois derniers étages de cette tour
sont d’ailleurs consacrés aux visiteurs avides de
panorama en altitude. C’est ici que se déploie la
partie souterraine du quartier, la légendaire
« ville sous terre », fief commercial où l’on peut
« magasiner » - faire du shopping - tout au long
de l’année. Ce sont plutôt de vastes couloirs reliés
entre eux que l’on parcourt, principalement le
long de l’hétéroclite rue Sainte-Catherine. En
empruntant la populaire rue Crescent, on arrive
au Centre Bell, arène du hockey, le sport national
des Canadiens. Un peu plus haut, c’est la rue
Sherbrooke et ses somptueux édifices qui ac-
cueillent de grands magasins, des hôtels et des
galeries d’art parmi les plus prestigieuses. On ne
peut évoquer la chaotique rue Sainte-Catherine
sans mentionner les nombreux bars de danseuses
nues (et même de danseurs nus) aux pancartes
aguicheuses, réservés aux aventuriers avertis.
Plus loin, la rue - qui totalise tout de même 27 km
- débouche sur le Square Phillips et un des plus
vieux magasins d’Amérique du Nord, celui de
La Compagnie de la Baie d’Hudson, corporation
intimement liée à l’histoire du Canada.
S’ensuit la Place des Arts, haut lieu de diffusion
culturelle : conçue dans les années 60, plusieurs
salles de spectacles, le Musée d’art contemporain,
le Théâtre du Nouveau Monde, et à quelques pas
de là, la nouvelle Maison symphonique qui
conserve le plus grand orgue à traction méca-
nique au monde.
Le mont royal
La liberté qui règne dans cette ville et son atmo-
sphère conviviale se ressentent particulièrement
à l’esplanade du Mont-Royal, cette montagne qui
a inspiré Jacques Cartier pour nommer la bour-
gade amérindienne qu’il découvrit à l’époque.
Elle aurait été aussi un lieu de culture vivrière
pour les amérindiens. Son sommet, autrefois
consacré aux rites reliés aux semences et récoltes,
accueille désormais une grande croix visible de
tout côté. Sacré pour tout Montréalais, le domaine
du Mont-Royal est aujourd’hui convoité par les
sportifs, avec ses nombreux sentiers, ses glis-
sades et son Lac aux castors où l’on peut appren-
dre à patiner l’hiver. Une fois au sommet, on y
découvre des vues uniques de Montréal et son
étendue à perte de vue, un panorama incompa-
rable sur le Saint-Laurent, agrémenté au loin des
paysages de la Rive-Sud de Montréal, et des
États-Unis que l’on devine à l’horizon. À l’ouest
l’Oratoire Saint-Joseph, édifice de culte
imposant qui accueille la sépulture du Frère André
récemment canonisé. Ce haut lieu de recueille-
ment devient accessible après avoir grimpé plus
d’une centaine de marches que les pèlerins gra-
vissaient à genoux, il y a encore quelques années.
Le Mont-Royal est aussi l’hôte d’un des plus
grands cimetières en Amérique du Nord, qui a
son charme propre.
BOUTIQUE DANS LE VIEUX-MONTRÉAL © LINDA TURGEON
ESCALIERS EXTÉRIEURS SOUS LA NEIGE & PARC DU MONT-ROYAL ÉTÉ COMME HIVER © STÉPHAN POULIN
VOYAGE VOYAGE · 58
Une fois redescendu sur l’avenue du Parc, le mo-
nument dédié à la paix est le lieu où les hippies
se donnent rendez-vous chaque dimanche de-
puis plus de 50 ans dans une ambiance festive,
rythmée par un vacarme incessant mais joyeux
de percussions en tous genres. Artère incontour-
nable de la ville, l’avenue du Mont-Royal, avec le
célèbre Stade Olympique à l’horizon. Cette rue
offre le concentré le plus juste de la vitalité de
l’âme marchande montréalaise : friperies, bou-
tiques, disquaires, libraires, restaurants et bars qui
l’animent sont parmi les plus prisés de la ville.
Plus on s’y enfonce, plus on se rapproche de la
petite France du Plateau, avec ses maisons aux
façades bariolées et ses escaliers typiques. Ce
quartier populaire est désormais choisi comme
lieu de résidence par les « Français de France »,
comme on les appelle au Québec.
L’esprit de la ville
Profitant d’une grande ouverture d’esprit permet-
tant un climat social des plus tolérants, Montréal
a toujours su attirer de nombreux créateurs. L’art
urbain y est omniprésent. Ville aux élans punk et
hippie, on y rencontre un grand nombre de ci-
toyens et d’organismes engagés pour un monde
plus juste et écologique. Cité des poètes, source
d’inspiration captivante, on ne peut parler de
Montréal sans rappeler le succès planétaire de
quelques-uns de ses enfants : Céline Dion, Leo-
nard Cohen, le Cirque du Soleil, ou plus récem-
ment Arcade Fire. Centre de développement
technologique, Montréal fournit une des plus
grandes productions mondiales de l’industrie du
jeu vidéo et a vu naître Real Ventures. Son sep-
tième art est également réputé, des cinéastes tels
que Denys Arcand et Xavier Dolan sont issus de
cette industrie que Montréal cultive jalousement.
Enfin, parmi ses plus grands écrivains, il faut lire
les textes de Michel Tremblay, Anne Hébert et,
honneur à un créole (haïtien) d’origine, Dany La-
ferrière, pour s’approprier des reflets de son âme.
À l’instar des grandes capitales, Montréal est en
perpétuelle ébullition. Elle évolue, mais sans ja-
mais déroger à sa forte personnalité. La célèbre
maxime de Robert Charlebois « Je reviendrai à
Montréal » résume cet attrait unique au monde.
PALAIS DES CONGRÈS DE MONTRÉAL © MARC CRAMER
honneur aux femmes ! mis à part dany laferrière, auteur d’origine haïtienne vivant à montréal, les auteurs canadiens couronnés par leurs pairs en francesont des femmes. alice munro en est la plus belle illustration. premier auteur nouvelliste à être distinguée du prestigieux prix nobel de littérature : « alice munro est appréciée pour son art subtil de la nouvelle, empreint d’un style clair et de réalisme psychologique. [...] ses histoires se déroulent généralement dans des petites villes, où le combat des gens pour une existence décente aboutit souvent à des problèmes relationnels et des conflits moraux - question qui est ancrée dans des différencesde génération ou des projets de vie contradictoires. on trouve imbriquées dans ses textes des descriptions d’événements quotidiens mais décisifs, sortes d’épiphanies, qui éclairent l’histoire ambiante et illuminent au flash les questions existentielles. »
Balade littéraire à Montréal
VOYAGE VOYAGE · 60 SÉLECTION PIERRE-HENRI AHOPHOTOGRAPHIE OFFICE DE TOURISME DE MONTRÉAL
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BONHEUR D‘OCCASIONRéédité récemment, ce roman se déroule à Montréal et relate l’histoired’une jeune serveuse rêvant à un monde meilleur, prise dans un dilemmeamoureux. À travers son histoire, c’est celle d’un Québec de plus en plusmoderne qui surgit. L’auteure, d’origine franco-manitobaine, reçut pourcette œuvre le Prix Fémina. Elle est une des auteures canadiennes les plustraduites.
AUTEUR Gabrielle Roy ÉDITEUR Boréal
LES FOUS DE BASSAN
La célèbre romancière a obtenu le Prix Fémina dès la sortie de ce roman en 1982. Drame empreint « d’amour, de haine et de cruauté », l’histoire raconte le meurtre de deux cousines survenu dans un village fictif du Québec. L’auteure a eu l’audace de composer son roman en six parties,avec pas moins de cinq narrateurs différents s’échelonnant dans le temps !
AUTEUR Anne Hébert ÉDITEUR Le Seuil
COMMENT FAIRE L’AMOUR AVEC UN NÈGRE SANS SE FATIGUER
Roman qui a fait connaître cet auteur prolifique, il permet de regarder Montréal à travers la relation de deux colocataires noirs vivant dans une petite pièce du Carré St-Louis où ils tiennent des discussions existentielles et relatent leurs expériences sexuelles, avec des « blanches ». Texte adapté au cinéma, il aborde les barrières sociales et raciales présentesdans la société, ainsi que la notion du désir comme source réparatrice. L’auteur a décrit son arrivée en tant qu’haïtien à Montréal dans les années 70dans son roman Chronique de la dérive douce (1994), réédité par Boréal en 2012. Désormais célèbre en France, il a reçu en 2009 le Prix Médicispour son magnifique ouvrage L’énigme du retour, publié chez Grasset.
AUTEUR Dany Laferrière ÉDITEUR VLB
UNE SAISON DANS LA VIE D’EMMANUEL
L’auteure reçut le Prix Médicis en 1965 pour ce chef-d’œuvre précurseurd’une Révolution. Mouvement de la libéralisation des mœurs.Elle y relate la vie d’une famille québécoise au début du XXe siècle, et s’attarde notamment sur les mœurs décadentes de la société traditionnelle.
AUTEUR Marie-Claire Blais ÉDITEUR Léméac
PÉLAGIE-LA-CHARRETTEElle est une des rares auteures nées à l’étranger à avoir obtenu le Prix Goncourt, avec ce roman qui relate en toile de fond la déportation de son peuple en Louisiane. Son œuvre a souvent été portée sur scène et au petit écran, notamment La Sagouine publié chez Léméac, personnagecélèbre pour son franc-parler aux accents typiquement acadiens.
AUTEUR Antonine Maillet ÉDITEUR Grasset
LA GROSSE FEMME D’À CÔTÉ EST ENCEINTE
Il s’agit du premier tome des Chroniques du plateau Mont-Royal, dont l’histoire se déroule en plein quartier ouvrier de Montréal. L’auteur est célèbre pour ses pièces de théâtre mettant en scène, souvent avec un humour décapant, les travers de la culture populaire québécoise et son enracinement religieux. À découvrir absolument.
AUTEUR Michel Tremblay ÉDITEUR Léméac
MARIE LAFLAMME
Auteure prolifique, elle se consacre beaucoup à la littérature jeunesse. Cette trilogie toutefois destinée à un plus large public relate l’histoire de laconquête de la Nouvelle France du XVIIe siècle, à travers le trépidant destind’une jeune nantaise. Son aventure tient le lecteur en haleine du début à la fin, alors que le souci du détail historique permet de mieux appréhenderla difficile vie des colons à cette époque, et en particulier celle des femmes.
AUTEUR Chrystine Brouillet ÉDITEUR Flammarion
CULTURE ET MODE · 6
2
lolita gothique, guerrière samouraï, lotus geisha, et autres fantaisies directement liées
aux mangas ne sont pas seulement des accessoires de mode, ou le style à arborer dans
une soirée branchée. Il s’agit là d’une véritable passion qui conduit le jeune (collégien,
lycéen et adulte jusqu’à la trentaine) à incarner son personnage préféré. bien plus que
le mouvement hippie, en marge de la société, ou les jeux de rôles « donjon dragon » qui
s’appuient sur un imaginaire pour faire évoluer les personnages, la culture otaku issue
des mangas, jeux vidéos et tous les avatars s’y attenant, est devenue un mode de vie.
« on s’habille manga, on mange manga – les bento – on pense manga, on danse jpop,
voir Kpop... » l’otaku a souvent été présenté comme un refuge pour adolescent mal dans
sa peau, adepte fanatique de jeux vidéo, enfermé dans sa chambre et coupé du monde. Il
a certes existé à la fin des années 80, ce fanatisme de l’imagerie virtuelle, exalté par la
violence et par la pornographie qui s’est illustré par le cas dramatique de tsutomu
miyazaki, le tueur otaku. aujourd’hui, les temps ont changé, la culture manga est restée.
au japon, elle fait partie de la vie quotidienne et s’adresse à toutes les tranches d’âge, les
shônen manga pour les jeunes filles, les seinen manga pour les hommes adultes, les josei
manga pour les femmes… regard critique sur les problèmes de société, le manga est aussi
porteur de messages et de traditions. les héros ne sont pas infaillibles, ils ont le regard
émotif ; les thématiques ont aussi pour cadre les occupations de tous les jours, les
histoires comportent souvent des phases d’initiation aux grandes étapes de la vie ; les
mangas ne crient pas à la victoire, mais invitent à la réflexion et à l’optimisme. là encore,
il y a foison de styles et de sous-catégories, comique, policier, science-fiction… le manga,
véritable industrie commerciale, est parti à la conquête du monde. la france et les etats-
unis en sont les plus grands adeptes. ce premier week-end de juillet a eu lieu le Japan Expo
à villepinte, le plus grand rassemblement européen d’otakus et de passionnés de culture
japonaise, dédicaces d’artistes, de dessinateurs, tutoring de personnages et défilés
de cosplay. partie intégrante de la culture otaku, le cosplay – réduction de « costume
playing » - désigne l’art de se déguiser et de jouer le rôle de son personnage favori. la
plupart des cosplayers mettent un point d’honneur à fabriquer eux-mêmes leurs costumes
et à ne les utiliser qu’une seule fois lors d’un concours ou d’un défilé. le but est toujours
d’exprimer sa passion. à la réunion, via facebook, le cosplay.re compte déjà plus d’un
millier d’adhérents. la culture otaku y est honorablement représentée, mais discrète,
comme une double vie, elle se manifeste au cours d’une flash mob ou lors des fêtes guan
di, car il y a beaucoup de chinois de l’île parmi les cosplayers réunionnais.
culture MANGAUN ART DE VIVRE PLUTÔT QU’UNE MODE ÉPHÉMÈRE
CULTURE ET MODE · 6
5
TEXTE FRANCINE GEORGE
PHOTOGRAPHIE ERIC LAFARGUE
STYLISME MYRIAM BARCAVILLE
MAQUILLAGE SOPHIE BÈGUE
MANEQUINS SOPHIE, MYRIAM ET FANNY
CULTURE ET MODE · 6
7
PAPILLES EN FÊTE · 70 RECETTE BENOÎT VANTAUX
PHOTOGRAPHIE PIERRE CHOUKROUN
tapas
de magret de canardet son tartare d’avocat
Recette de l’Atelier
de Ben
Ingrédients
pour quatre personnes
Deux magrets de canard
Deux avocats
Deux tomates
Un petit bouquet de coriandre
Une échalote
Le jus d’un citron
20 cl d’huile d’olive
Sel, poivre
Quatre piques en bambou
recette par étapes
1. Eplucher les avocats. Les couper en
dés. Epépiner les tomates et les couper
en petits dés. Hacher la coriandre
grossièrement. Ciseler finement
l’échalote.
2. Mélanger l’avocat avec la coriandre,
la moitié du jus de citron, le sel
et le poivre. Réserver au réfrigérateur.
3. Mélanger les tomates avec l’autre
moitié du jus de citron, l’huile d’olive,
l’échalote, le sel et le poivre.
Réserver au réfrigérateur.
4. Enlever le surplus de graisse
des magrets et les cuire à la cuisson
désirée : cuire 3/4 du temps sur le côté
graisse et 1/4 du temps sur le côté
viande. Saler, poivrer. Laisser reposer
pendant 10 minutes environ dans du
papier d’aluminium.
5. Couper les magrets en morceaux et
les enfiler sur des piques en bambou.
6. Servir avec les tomates en verrine et
le tartare d’avocat. Poser une tuile aux
noisettes pour parfaire la présentation.
Pour accompagner joyeusement
ces tapas de magret de canard,
la Cave de la Victoire vous conseille
un domaine du Pas de l’Escalette,
savoureux Coteaux du Languedoc.
Retouvez cette recette filméesur www.batcarre.com
le nom des territoires éloignés frappe souvent l’imaginaire. c’est le cas des « terres australes
et antarctiques françaises » qui évoquent le mystère des grands espaces et embrassent des
distances si vastes que seul le mot « terres » pouvait parvenir à les désigner. fermons les
yeux et bientôt une mosaïque se dessine, fragments de bleus lagon et de blanc banquise,
verts des mangroves, des filaos, des euphorbes arborescentes, palettes grises des mers
froides chahutées par les vents sur lesquelles planent les grands albatros…
Depuis La réunion, les escales les plus proches s’égrènent en un chapelet de cinq îles tropicales,
sans compter la petite île du Lys et trois formations coralliennes - le rocher du Sud, les roches
Vertes et l'Île aux Crabes - dans l'archipel des Glorieuses. D’un bout à l’autre du canal du Mozam-
bique se succèdent ainsi les Glorieuses, Juan de Nova, Bassas da India et la méridionale Europa.
Isolée à l’est de l’Ile rouge, Tromelin, récif surélevé ou sommet émergé d'un ancien volcan
océanique, conserve encore aujourd’hui le secret de ses origines.
Escales au bout du monde
DESCENTE DU MONT BRANCA AVEC EN ARRIÈRE-PLAN L’ILE E DE L'EST
73 · TAAF TEXTE STÉPHANIE LÉGERON
PHOTOGRAPHIE BRUNO MARIE
L’îLE D’EUROPA NE RESSEMBLE À AUCUNE
AUTRE, ROYAUME DES OISEAUX ÉTONNANT
DE CONTRASTES
Une semaine plus tard, en partance sur le tarmac
de la base aérienne, l’avion militaire de transport
et de ravitaillement avait cette fois pour destination
l’île d’Europa, où nous avons dormi une nuit, de
même qu’à Juan de Nova. Dès les premiers mo-
ments Europa a été pour nous un immense coup
de cœur, une île incroyable de beauté et de diver-
sité, avec ses tortues marines - un des principaux
sites mondiaux de reproduction des tortues vertes -,
ses colonies de fous à pieds rouges et de frégates,
ses sternes, ses pailles-en-queue. Forêts sèches à
euphorbes arborescentes, joncs, ficus, mangroves
de palétuviers en bordures du lagon, steppe salée,
arinas et bois matelot partant à l’assaut des dunes
littorales… la diversité des formations compose
un couvert végétal insolite et très bien préservé.
Accueillis à la « station météo », nous avons assisté
en début d’après-midi à la cérémonie de passa-
tion des pouvoirs sur le camp Robinson, puis
avons profité au maximum des quelques heures
restantes de lumière pour réaliser des prises de
vues aux abords du camp, sur les sentiers et le
long du littoral, à la rencontre de la faune sau-
vage.
UNE CARTE POSTALE GRANDEUR NATURE Où
LES FILAOS BORDENT D’IMMENSES PLAGES DE
SABLE BLANC
C’est à Juan de Nova qu’a commencé notre « tour-
née » des îles. Le 25 juin 2012 au petit matin, nous
décollions de la base aérienne 181 Lieutenant
Roland Garros à Sainte-Marie, à bord d’un transall
des Forces armées de la zone sud océan Indien
(Fazsoi). Nous rejoignions ainsi un détachement
de 14 militaires du 2e RPIMa (Régiment parachu-
tiste d’infanterie de marine) et d’un gendarme,
dont la mission est de garantir, par des relèves de
30 à 45 jours, la protection des îles et d’assurer la
surveillance des eaux territoriales de la Zone éco-
nomique exclusive (ZEE). Juan de Nova est une île
plate en croissant dont le lagon aux eaux tur-
quoise est ceinturé par une grande barrière de
corail. Parfaite illustration de l’île paradisiaque,
avec ses immenses plages de sable fin, elle tient
son nom de l’amiral galicien João da Nova, le na-
vigateur qui en fit la découverte en 1501, à la tête
de la troisième expédition portugaise sur la fa-
meuse Route des Epices, en direction de l'Inde.
Juan de Nova, façonnée de dunes de sable attei-
gnant jusqu’à douze mètres de hauteur, de col-
lines rocheuses, de filaos et cocotiers - ces deux
espèces n’étant pas indigènes -, présente des
paysages assez peu variés. En revanche, la faune
est riche, comprenant par exemple la plus grande
colonie de sternes fuligineuses de tout l’océan
Indien et l’une des plus importantes au monde.
Cette biodiversité revêt une importance majeure
pour la sauvegarde de l’avifaune à l’échelle mon-
diale. Pascale Chabanet, chargée de recherche à
l’Institut de recherche pour le développement
(IRD), explique : « les récifs de ces îles désertes et
isolées comme l'île Juan de Nova sont préservés
de toute pollution et de toute influence anthro-
pique. Mais elles sont affectées par les changements
climatiques. L’enjeu ? Utiliser ces bouts de nature
primitive comme témoins et mesurer la part im-
putable à l’homme dans les bouleversements qui
ébranlent l’équilibre de la planète. » JUAN DE NOVA
DES PAYSAGES PARADISIAQUES
A PERTE DE VUE
UNE îLE-CAILLOU QUI RAPPELLE LA PUIS-
SANCE DES ÉLÉMENTS ET LA FRAGILITÉ DE
L’HOMME
La troisième escale de notre itinéraire dans les
TAAF a été Tromelin, que nous avons sillonnée
en septembre 2012, l’espace de quelques heures.
Ce qui interpelle dès que l’on pose le pied sur
cette petite terre corallienne dénuée de relief et
sablonneuse, c’est l’absence de végétation hor-
mis quelques veloutiers, et donc l’absence totale
d’ombre, mais aussi la force terrifiante des vagues
qui se brisent sans relâche sur la barrière de récifs
coralliens, et dont on comprend qu’ils rendent
l’abordage extrêmement difficile. De forme ovoïde,
Tromelin est en effet toute petite, il suffit d’une
heure pour en faire le tour. Pendant la saison
chaude, géographiquement située sur leur route,
il n’est pas rare qu’elle subisse de plein fouet cy-
clones et dépressions tropicales. Par ailleurs, elle
est dépourvue d’eau douce. Ce décor singulière-
ment inhospitalier ne peut qu’inspirer une peine
profonde à la pensée du sort des « naufragés de
Tromelin » qui au XVIIIe restèrent prisonniers -
pendant quinze interminables années pour les
esclaves malgaches survivants, sept femmes et un
petit enfant de huit mois - sur ce caillou venteux
et aride où même la pêche était rendue impossible
en raison d’un océan par trop déchaîné. L’histoire
des TAAF porte les stigmates de nombreux épi-
sodes tragiques de pertes de navires en mer qui
obligèrent leurs victimes à affronter les éléments
hostiles dans des conditions plus que précaires
voire, comme à Tromelin, absolument terrifiantes.
DES JOURS AVEC SEUL L’OCÉAN À PERTE DE
VUE, UNE îLE À LA BEAUTÉ âPRE ET SAUVAGE
Des naufrages, il y en a eu d’innombrables dans
une toute autre région des TAAF située sous des
latitudes bien plus élevées : les îles subantarctiques
françaises. Le 9 novembre 2012 appareillait au
Port le mythique Marion Dufresne II, navire ravi-
tailleur et océanographique des TAAF. Heureux
de vivre une expérience au long cours en terres
australes, nous installions nos bagages en cabines,
avant de parcourir le labyrinthe des couloirs, des
ponts, de repérer les laboratoires ou la « DZ »
(drop zone), plateforme réservée à l’hélicoptère...
Bref, nous prenions nos marques, tout en com-
mençant à faire connaissance avec les membres
de l’équipage, le personnel des bases et la dizaine
de touristes de cette rotation dite « OP3 », la troi-
sième opération portuaire de l’année. Au total,
près de 100 passagers étaient du voyage, dont de
nombreux scientifiques de l’Institut polaire fran-
çais Paul Emile Victor (IPEV) et du Centre national
de la recherche scientifique (CNRS) présents dans
le cadre de leurs programmes respectifs, très va-
riés, allant, pour n’en citer que quelques-uns, de
l’étude du climat ou de la chimie de l’atmosphère
à celle du champ magnétique terrestre, en passant
par l’activité en mer des gorfous, le déplacement
des manchots ou encore la pose de balises
ARGOS sur les orques.
Notre première escale : une île du sud de l’océan
Indien qui, après cinq jours de navigation relati-
vement calme même si nous avions dépassé les
quarantièmes rugissants, nous a dévoilé à l’aube
du 14 novembre ses côtes aux falaises déchique-
tées, sous une fenêtre météo typiquement « cro-
zétienne », caractérisée par un léger brouillard
et une pluie fine persistante. Cette île, c’est la Pos-
session dans l’archipel de Crozet, qui est divisé en
deux groupes distants d’environ 110 km : à l’ouest
les îles aux Cochons, des Apôtres et des Pingouins
appelées « îles Froides » par le navigateur Marion
Dufresne qui les découvrit en 1772, et dans la
partie orientale la Possession et l’île de l'Est.
ELEPHANT DE MER ET MANCHOTSA LA BAIE DU MARINSUR LE SITE DE PORT-ALFRED
Nous avions vu émerger pour la première fois les
petites têtes oranges et noires de quelques groupes
de manchots royaux, l’équipe d’Hélilagon avait
tout juste ravitaillé un « arbec », terme « taafien »
désignant une cabane isolée destinée aux opéra-
tions scientifiques, nous venions de faire des
clichés de la Roche Percée, arche haute d’une
centaine de mètres à quelques encablures de la
Pointe des Moines au nord-ouest de l’île, quand
soudain… le Marion Dufresne heurta un haut-
fond dans cette zone encore mal cartographiée.
Le commandant nous apprit rapidement que la
situation était sous contrôle et le bâtiment stable,
mais que la tournée de ravitaillement des îles
Kerguelen et Amsterdam devait être annulée afin
de garantir notre sécurité. L’ambiance à bord res-
tait sereine, personne n’ayant cédé à la panique,
mais une évidente déception se lisait sur les
visages, notamment ceux des chercheurs qui
pour la plupart avaient planifié cette mission de
longue date et savaient ne pas avoir la possibilité
de la reporter. Tous les passagers ont ensuite été
évacués en hélicoptère sur la base Alfred-Faure,
où nous avons été accueillis durant neuf jours
dans une ambiance très conviviale par le chef de
district François Zablot. Le temps pour nous de
photographier à différentes reprises la mancho-
tière de la Baie du Marin en contrebas de la sta-
tion, de randonner dans plusieurs sites magnifiques
tels le Mont Branca, la Baie Américaine ou la
Grotte du Géographe sur le plateau Jeannel, et
d’entrevoir des lieux atypiques, royaumes de la
mer et du vent, où s’ébattent en liberté albatros,
pétrels, skuas et autres cormorans. Les plateaux
rocailleux dénudés sont recouverts par endroits
d’azorelles, qui forment à même le sol de grands
coussins verts très sensibles au piétinement.
Autre espèce végétale emblématique : le chou de
Kerguelen, endémique des îles subantarctiques
Kerguelen, Heard, Crozet et Marion.
Notre séjour à Crozet ayant pris fin, le voyage de
retour a été en soi une autre aventure, puisque
nous avons embarqué sur le Léon Thévenin,
câblier de France Telecom Marine, qui nous a
conduits jusqu’au Cap en Afrique du Sud après
cinq jours de mer. Deux jours plus tard, nous
nous sommes envolés vers La Réunion, via
Johannesburg, des souvenirs plein la tête et des
milliers de photographies enregistrées sur nos
cartes mémoire et disques de stockage numé-
rique.
Dans le prochain numéro de BAT’CARRE, nous
vous ferons partager notre expérience de douze
jours à Europa, où nous avons bénéficié il y a
quelques semaines du temps nécessaire pour
réaliser un reportage beaucoup plus complet. La
vie en liberté d’espèces aussi magnifiques que les
fous à pieds rouges, les tortues vertes et, dans les
îles subantarctiques, les éléphants de mer, les
papous… A l’heure où les scientifiques tirent la
sonnette d’alarme sur les inquiétantes dégrada-
tions environnementales qui rongent notre
planète, et insistent sur l’urgence qu’il y a dès
aujourd’hui à agir tous ensemble pour en limiter
les causes, les TAAF nous montrent qu’il existe
encore au XXIe siècle des zones du globe prati-
quement intactes, et donnent la mesure de ce
que nous risquons de perdre définitivement,
dont la valeur est inestimable : des écosystèmes
très peu perturbés par l’intervention humaine où
l’on découvre émerveillé les fragiles richesses
d’une nature encore à l’état pur.
LA MISSION DES TAAF
75 · TAAF
LES MANCHOTS ROYAUXJUVÉNILES SE RECONNAISSENTA LEUR FOURRURE ROUSSE
LA MISSION DES TAAF
Les TAAF sont une collectivité française d’outre-
mer créée le 6 août 1955 et dont le siège admi-
nistratif se trouve sur l’île de La réunion, sous la
responsabilité d’un préfet. L’administration
supérieure des TAAF gère 2,39 millions de km²
de zones économiques exclusives, soit la deuxième
zEE de France après la Polynésie française.
Ces immenses espaces protégés sont riches d’une
biodiversité terrestre et marine remarquable.
L’isolement géographique, les conditions clima-
tiques et une occupation humaine historique-
ment très limitée ont contribué au développement
d’un fort endémisme et à des adaptations sin-
gulières de la faune et de la flore. Par exemple,
certaines Iles Eparses abritent des écosystèmes
parmi les plus diversifiés et complexes de la
planète, comme les mangroves ou les récifs
coralliens fossiles. Avec près de 15 000 tortues al-
lant pondre chaque année sur ses plages, l’île
d’Europa est le premier site de ponte de tortues
vertes de l’océan Indien. Ces îles tropicales sont
reconnues en tant que stations de référence au
niveau mondial. Autre exemple, celui des îles
subantarctiques françaises : le caractère unique de
leur patrimoine naturel a donné lieu à la créa-
tion en 2006 de la réserve naturelle nationale
des Terres australes françaises, qui est la plus
grande réserve naturelle de France et la princi-
pale zone humide protégée d’Europe, avec 700
000 hectares terrestres et 1 570 000 hectares de
domaine maritime.
Sanctuaires de la faune et de la flore couvrant
presque toutes les latitudes de l’hémisphère sud,
les TAAF représentent des laboratoires uniques
pour la recherche sur les grands enjeux de la pla-
nète. De nombreuses expéditions scientifiques
sont conduites tout au long de l’année dans ces
territoires en partenariat avec l’Institut polaire
français Paul-Emile Victor (IPEV), et divers tra-
vaux sont menés avec le CNrS, le Centre na-
tional d’études spatiales (CNES), Météo France...
En moyenne, 225 chercheurs français et étran-
gers se rendent dans les TAAF chaque année pour
œuvrer à travers une soixantaine de pro-
grammes.
TAAF · 76
BRUNO MARIEET STÉPHANIE LÉGERON
VIEILLES CLÉS, NOUVEAUX POUVOIRS
On retrouve la famille Locke dans ses démêlés avec les clefs magiques de leur demeure et les tentatives de Zack de s’approprier ces clefs et leurspouvoirs… Série fantastique à plus d’un titre, Locke & Key est la nouvelle référence du genre. Le tome 4 est dans la même veine d’excellence que les trois premiers. Si vous appréciez l’idée d’utiliser des clefs pour ouvrir des têtes ou devenir un oiseau, ne manquez pas la lecture de cette série. Vivement la suite !
TITRE Locke & Key Tome 4 : Les clés du royaumeSCÉNARIO Joe HillILLUSTRATION Gabriel RodriguezÉDITEUR Milady Graphics
TÉMOIGNAGES ET RÉFLEXIONS
Périple kafkaïen et tragique de l’exilé N°214 qui doit justifier sa demanded’asile. Retour sur le passé, les ombres de sa famille « voix des aimés que la vie exila » le poussent à ne pas oublier. Les monstres aux différents visages, passeurs, escrocs… donnent une image des étapes effrayantes que subissent ceux qui s’embarquent dans ce voyage, parfois du non-retour« nous ne sommes qu’un petit tas d’os ». Hippolyte déborde d’imaginationpour rythmer cet enfer onirique en jouant sur les contrastes de planches en noir et blanc, aux ambiances froides, à la luminosité solaire avec des dessins totalement épurés et d’autres foisonnant de détails. Une belle équipe où l’illustration et le scénario fonctionnent à merveille pour nous interpeller énergiquement sur ce que l’actualité noie dans sontourbillon déshumanisé..
TITRE Les OmbresSCÉNARIO Vincent ZabusILLUSTRATION HippolyteÉDITEUR Phébus
MANGA ET RENAISSANCE ITALIENNE
Archevêché de Pise, fin du XV e siècle, Cesare Borgia, toujours étudiant,laisse entrevoir ses ambitions et ses capacités à manipuler son entourage.Cesare est une œuvre rare : foisonnante, documentée, précise. Fuyumi Soryo (Eternal Sabbath) s’est adjoint les services d’un universitaire,spécialiste de la Renaissance italienne. Un grand soin est apporté à tout le contexte historique et visuel sans jamais perdre le lecteur. En complément, des notices explicatives permettent de bien comprendreles méandres de l’époque. Le paradoxe, une bande dessinée japonaise relate avec précision l’Histoire européenne !
TITRE Cesare, Il Creatore che ha distruttoSCÉNARIO ET ILLUSTRATION Fuyumi SoryoSUPERVISION Motoaki HaraÉDITEUR Ki-oon
DREAM, MORPHÉE, ONEIROS...Après avoir récupéré ses attributs de maître des rêves dans le tome précédent, le Sandman se voit remettre la clef du domaine des Enfers suite au départ de Lucifer. Ne voulant pas de cette charge, il décide de donner les Enfers au plus méritant. Réédition d’une œuvre culte de la bande dessinée mondiale. À tous ceuxqui n’ont jamais eu l’occasion de poser les yeux sur cette œuvre magistrale,allez-y, foncez ! Le récit et les dessins sont riches ; le travail fourni par l’éditeur est de grande qualité et de nombreux bonus agrémentent le tout.Incontournable !
TITRE Sandman Volume IISCÉNARIO Neil GaimanILLUSTRATION Kelley Jones et al.ÉDITEUR Urban Comics
RENDEZ-VOUS BD · 78 SÉLECTION PATRICE
EN COLLABORATION AVEC LES BULLES DE L’OCÉAN INDIEN