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bibliothquedel148ecol

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  • BIBLIOTHEQUEDE L'COLE

    DES HAUTES TUDESPUBLIEE SOUS LES AUSPICE*

    DU MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE

    SCIENCES HISTORIQUES ET PHILOLOGIQUES

    CENT QUARANTE-HUITIME FASCICULEl'introdi;ct[on topographique a l'histoire de eagddh

    par georges salmonLVE DIPLM DK L'GOLK DES HAL'TES TCliK-i

    PARIS {2^-)LIBRAIRIE EMILE BOUILLON, DITEUR

    67, RUK DE RICHELIEU, AU PREMIER

    1904

    (TOUS nr.oiTs rservs)

  • CllALON-SUK-SAONEIMPRIMERIP: FRANAISE ET ORIENTALE DE E. BERTRAND

  • L'INTRODUCTION TOPOCiRAPHIUllE

    LHISTUIHE DE BAGDADH

  • "Il

    iraODiCi TOPOiffliE

    L'HISTOIRE DE BAGDADH

    d'AbO BaKR AhMAD IBN ThBIT Al-KhaTB al BAGODHi

    {:Y.)-2-M:4 h. = 1(1(12-1071 .1. -('..)

    GEORGES SALMONLVE DIPLM DE l'COLE DES HAUTES TUDES

    PARIS (2*)LIBRAIRIE EMILE BOUILLON, DITEUR

    67, RUK DE RICHELIEU, AU PREMIER

    1904

    (tous droits rservs)

  • a :mon vnr maitre

    Monsieur Hartwig DERENBOURG

    MEMBRE DE L INSTITUT

    Hommage de profond respectet de vive reconnaissance.

    Georges SALMON

  • Sur l'avis de M. Hartwig Derenbourg. directeur de la Conf-rence d'arabe. el de MM. Jules Oppert et Clment Huart, commissaires responsables, le prsent mmoire a valu M. GeorgesSalmon le titre 'lve diplm de la Section d'histoire et dephilologie de Vcole pratique des Hautes tudes.

    Paris, le 6 janvier 1902.

    Le Direi-teur de la Confrence,

    Sign : Ilartwig Derenbourg.

    Les Commissaires responsables.

    Sign : J. Oppert.

    Cl. Hl-art.

    Le Prsident de la Section,

    Sign : G. Monod.

  • TABLE DES MATIERFS

    Pages

    Introduftion 1

    Traduction franaise 75

    Appendice 183

    Index des noms de personnes 185

    Index des noms de lieux 196

    Errata 206

    Texte arabe ^^\r'

  • L'INTRODUCTION TOPOGKAPIIIQUE

    A L'HISTOIRE DE BAGDDHd'Abo Bakr Ahmad ibn Thbit Al-KhatIb Al-BagddhI

    (302- iG3 H. = 1002-1071 J.-C.)

    INTRODUCTION

    I

    Le KiiatIb de Bagddh

    L'importance, de jour en jour grandissante, de l'lmentturk dans l'arme et dans l'administration de l'empire aral)en'avait fait que prcipiter la dcadence du klialifat 'abb-side'. En vain les khalifes Al-Mouktadir, Al-Moustakfi etAl-Kdir avaient essay de rsister cette invasion toura-nienne; la turbulence des Bagddhiens et l'esprit d'ind-pendance des habitants de l'Irak les obligeaient s'entourerde serviteurs trangers, nergiques et dvous. Le khalifatd'Al-Kim bi-Amr Allah est un de ceux qui eurent subir les plus rudes assauts. Malgr l'habilet du vizir Raisar-Rouas Ibn al-Mouslima, cette lutte se termina par uneabdication du pouvoir khalifal entre les mains des sultansturks.

    L'vnement qui motiva cette abdication fut la rvoltede l'mir turk Abo '1-Harth al-Basssir. Cet ambitieux,

    1. CI. Muir : The Calip/taie, ils l'isc, dccliuc andfall, p. 527 et soq.Ci. Salmon, Bafjddh. 1

  • 2 kXTRODUCTiOX

    aprs avoir group autour de lui tous les mcontents, mar-cha contre Bagddh, Ixittit les troupes du khalife, s'emparadu vizir Ibn al-2sIouslima et le mit mort, en fit unexemple, selon l'expression si pittoresque de l'historien Ibnat-Tiktaka'. Al-Bassasri, sitt revtu de l'autorit que luiavait confre Al-Kim, entama des ngociations avec lekhalife fatimite d'Egypte Al-Moustansir billali pour favo-riser l'invasion de r'Irk par les troupes gyptiennes.. Lekhalife 'abbside se vit contraint, pour se dfendre contreson dangereux ministre, d'implorer le secours du sultan sel-djokide d'Ispahan, Togroul-Beg. Celui-ci s'empressa derpondre l'appel du khalif3 et marcha contre Bagddh'.Son entre dans la capitale 'abbside en 448, en consacrantl'anantissement du pouvoir temporel du khalifat, mit finpour quelque temps aux dsordres (jui troublaient la Villede la Paix .Les temptes dchanes cette poque sur toute l'ten-

    due du monde musulman n'arrtrent pas un instant l'essorde la pense arabe. Bien au contraire, il semble que, dansces pays d'Orient, les priodes les plus troubles aientmarqu l'closion de nouveaux gnies. Les savants del'Islam n'taient pas de ceux qui recherchent, pour l'la-boration de leurs travaux scientifiques, le calme du cabinetou du laboratoire. S'ils ne restaient pas confins dansleurs livres, c'est qu'ils savaient trouver, dans chaqueville importante o les portaient leurs pas, une biljlio-thque publique, entretenue aux frais d'un prince ou parles donations de pieux personnages, et souvent aussi unesocit littraire dlicate, une sorte d'acadmie de province,o les potes voyaient leur passage annonc longtemps l'avance; les thologiens trouvaient un accueil enthousiasteet des disciples disposs les couter dans les principalesmosques du monde musulman, (jui taient pour eux autantde buts de plerinage. Avicenne, errant d'un bout l'autrede la Perse, trouva en exil ou en prison le calme ncessaire ses travaux philosophiques ; Gazzl crivit ses uvresmatresses pendant les tapes du vaste plerinage qu'il fitdans les lieux les plus vnrs de l'Islam ; l'activit com-

    1. Cf. Ibn at-Tiktaka : Al-Fahhn\ d. Hartwiij Dereubourg, p. 398-400.

    2. Cf. Ibn al-AUir, d. Tornberg, IX, p. 418.

  • IXHODUGTIX 6

    merciale de Ykot fut un stimulant ])()ur son uvre go-grnplii((ue; Ousma ibn ^Nlounkidli, Al-Kdi al-Fdil, "Ou-mra btirent sur les champs de bataille leurs dificeshistoriques et littraires. La vie d'Al-Khatb al-Bagdadhlaussi fut singulirement agite. Le voyage qu'il fit dans sajeunesse travers l'Orient musulman, la recherche desmatres en renom dans la science du hadtli, il dut le recom-mencer longtemps aprs, lorsque, parvenu la maturitde son ge et de sa science, il se vit contraint de quitter lacapitale 'abbside d'o le chassaient les revirements de lapolitique. Mais, lorsqu'il quitta cette vie errante, il laissa la postrit un bagage littraire si considrable C[ue lesbiographes arabes n'hsitent pas considrer son uvrecomme une des plus colossales que l'activit d'un seulhomme ait pu produire.Abo Bakr Ahmad ibn 'Ali ibn Thbit ibn Ahmad ibn

    Malidi ibn Thbit al-Khatib al-Bagddh (le prdicateur deBagddh) naquit Daridjn un jeudi, le 23 ou 24 du secondDjoumda de l'an 391 selon les uns, 392 selon les autres(mai 1002 de Jsus-Christ). Daridjn tait un village de labanlieue de Bagddh, en aval de cette ville. Son pre disaitle prune dans la mosque de ce village^ aussi destina-t-il lejeune Ahmad la mme carrire. Le jeune homme futlev Bagddli, o il commena tudier les haditli en403, l'ge de onze ans. L'enseignement des sciencesmusulmanes tait donn alors ds cjue l'enfant commenait entendre exactement. Bien que l'opinion de la gnralitdes thologiens ft qu'il tait prfrable, jusqu' vingt ans,de se consacrer l'tude du Korn et du droit, la limited'ge minima pour la science du hadith tait de cinq ans.On cite des traditionnistes qui furent ports sur les paules, cet ge, au cours du professeur^ . La facult de transmettrele hadith n'tait donne l'lve qu' l'ge de pubert,mais le hadith recueilli ds l'ge de discernement tait parfai-tement valable. Al-Khatib eut pour matres dans les hadithAbo Bakr al-Birkni, dans le droit et la jurisprudenceAbo 1-Hasan al-Mahmili et le kdi Abo 't-Taib at-Ta-bar. 11 acquit rapidement le titre de Hfdh, confr aux\naTimes qui savent le Korti et les traditions par cwitr,

    1. Cf. W. Marrais : Le.' Ta'irib de Eti-Xai.ra.ai {Journ. asiat., 19U1,mars-avril, p. 193-104).

  • 4 INTltODUCTION

    titre sous lc(iLiel il fut dsigu pendant toute sa vie. Ilpartit alors en voyage, se rendit Basra, de l Nisbor,lspahn, Hamadn et en 'Irak 'Adjemi ; aprs avoir ainsitravers toute la Perse, il rentra Bagddh, mais en sortitpeu aprs pour se rendre en Syrie'. Il allait la recherchedes grands traditionnistes, dont la renomme parvenaitjusqu' lui. Il entendit les traditions Damas, puis Sor(l'ancienne Tyr) et arriva la Mecque o il s'acquitta desobligations du plerinage. Il y trouva deux matres dontl'enseignement lui profita beaucoup : le kdi Al-Kol'i et lahfidha Karima bint Ahmad al-Marwazyya\ Cette femmetait une native de Kashmahn, faubourg de Merw, quis'tait rendue clbre par sa saintet et sa science destraditions. Sous sa direction, Abo Bakr lut le Sahh deBoukhri en cinq jours. Il revint ensuite Bagddh, o ilentra en rapport avec le vizir Ras ar-Rouas ibn al-Mous-lima, qui tait arriv au pouvoir en 422. Un incident survint ce moment, qui rvla la solidit de la science du Khatib.Un juif montrait publiquement un livre qu'il disait treune uvre du Prophte tendant abolir la capitationimpose aux habitants de Khaibar; on y trouvait runisles tmoignages des compagnons du Prophte. Al-Khatb,ai3rs l'avoir parcouru, s'cria : Ce livre est faux !

    D'o vois-tu cela ? dit le vizir ; le Imfidh rpondit : (3n y voit les tmoignages de SaVl ibn Ma'dh et de Mou'-wya; or, Sa'd est mort le jour du Foss, avant Khaibar,et Mou'wya a embrass l'islamisme le jour de la Victoireen Tan 8, tandis que la prise de Khaibar eut lieu en l'an 7.Le vizir, merveill, admit le Khatib dans son intimit.Le bruit de sa science et de sa vertu s'tait dj rpandu

    chez les Bagddhiens, passionns pour l'tude des tradi-tions, comme ill'avoue lui-mme dans le Trikh Bagddh,en rapportant ces paroles d'un de ses devanciers : Je n'aipas vu de peuple plus intelligent pour la recherche du

    1. Les deux sources principales qui nous ont servi notre reconstitu-tion de la biographie du Khatb, sont le Dictionnaire bio;jrap/iif/ucd'Ibn Kliallikn (trad. de Slane, 1, p. 75 et sq.), et le Mirt cu-Zamadu Sibt Ibn al-Djauz (nis. de la Bibliothque Nationale 1506, f * 131et sq.).

    2. Elle mourut la Mecque la mme anne que le Khatb. Cf. Mirtus-Zanin^ f 132.

  • INTRODUCTION 5

    hadith que les habitants de Bagddli'. Il leur plaisaitd'ailleurs par son port majestueux, sa parole facile, sa bellediction, son. esprit potique ; on le rencontrait mditantdans la rue, un livre la main. Ses opinions juridiques etphilosophiques ne semblent pas avoir t Ijien arrtes . Ilavait d'abord suivi l'cole de l'imm Ahmad ibn Hanbalcomme la majorit des Bagddhiens, puis il avait inclinvers les Shfi'tes et, lorsque clata la raction d'Al-Ash-'ar contre le Mo'tazilisme, il se jeta dans le mouvement,dchanant contre lui la colre des Hanbalites. Telle taitsa situation au point de vue religieux lorsqu'il revint deDamas Bagddh. Un volume lui tant tomb entre lesmains, qui mentionnait 1' a audition de hadith faite parle khalife Al-Kim bi Amr Allah, il le prit et passa laporte Bb al-Houdjra qui donnait entre au palais, de-mandant qu'on lui permt de lire l'ouvrage'. Le khalifedit : Voici un homme g dans le hadith, il n'a pas besoinde r (( audition , mais il a peut-tre besoin de quelquechose

    ;je veux qu'on l'y aide. On l'interrogea donc, et il

    rpondit : J'ai besoin de prier dans la mosque d'Al-Mansor. Les Hanbalites lui en avaient interdit Tentre

    ;

    on lui donna l'autorisation demande, et il s'y acquitta dela prire.La faveur dont jouissait le hfidh la cour 'a1)bside

    devait bientt l'abandonner. Lorsque l'mir Al-Basssrrentra Bagddh la tte des conjurs, les clients du vizirIbn al-Mouslima furent entrans dans sa perte. Tandis quele malheureux vizir tait promen dans les rues de Bagddh,enchan sur un ne, pour tre pendu au harpon de la portede Khorsn, Al-Khatib russissait s'enfuir, accompagnd'un adolescent, se dirigeant vers la Syrie. Il s'arrta Damas, o de noml)reux disciples accoururent pour l'en-tendre. Mais le gouverneur, qui tenait son autorit dukhalife ftimite d'Egypte et qui tait shi'te, donna l'ordre

    1. Folio 14 recto iUi) Ul ,.. c^A^\ ^^\L> , i,Icl UJ Z^>\) U 2. o'i,? ^

  • 6 INTRODUCTION"

    :iu chef de la police de l'ariV'ter et de le mettre mort. Lechef de la police tait sunnite ; il se rendit chez lui et letrouva dans un lieu retir, en compagnie de son jeune dis-ciple. Le gouverneur a ordonn de te tuer, lui dit-il^ maisj'ai eu piti de toi; je n'ai pourtant pas d'autre stratagmeque celui-ci : lorsque je sortirai avec toi, je passerai lamaison du Shrif Ibn Abi '1-DjaAvn al-'Alawi ; entre danssa maison, car moi je ne pourrai pas entrer derrire toi. Il sortit avec lui. Ils passrent alors la maison du Shrf ; lekhatb bondit et se prcipita dans le couloir. Le gouverneur,ayant appris cet incident, envoya demander au Shrif delivrer le matre. Mais le Shrif dit : Tu as su ma dcision son gard : il n'est pas de ma secte ; il a cherch refugechez moi, il n'y a aucune utilit le tuer, car il a dansr'Irk une jeune fille et un garon. Si tu le tues, ils tuerontquelques-uns de nos compagnons et dtruiront nos mau-soles. On se contenta donc d'expulser le kliatib, qui sedirigea vers Sor. De l, il se rendit Alep et Tripoli.Les troubles de Bagddh ayant t apaiss par l'entre dusultan seldjokide Togroul-Beg, qui le khalife Al-Kmavait confi le soin de dfendre son autorit menace, lehlidh revint Bagddh en 462). Il y resta un an et mourutle lundi 7 de Dlio '1-Hidjdja de l'anne 463, correspondantau mois de septembre 1071 de l're chrtienne. Il tait gde 71 ans.Par une concidence que les crivains musulmans ne man-

    qurent pas de remarquer, sa mort se trouva tre le mme jourque celle de Yosouf ibn 'Abd al-Barr, qui tait connu dansl'Islam sous le surnom du Hfidh de l'Ouest, alors qu'Al-Khatb tait surnomm le Hfidh de l'Est. Avant de mourir,le Khatb, qui ne laissait pas de iDOstrit, crivit au khalifepour lui faire part de son dsir de voir distribuer, entreles traditionnistes et les jurisconsultes, sa fortune quis'levait deux cents dinars. Il fit donner aussi ses vte-ments aux pauvres et tablit sa bibliothque en wakf auprofit des Musulmans; il la confia Abo 'l-Fadl ibnHron ; elle passa ensuite son fils Al-Fadl, puis elle futincendie dans la maison de ce dernier.

    Lorsqu'il mourut, le hfidh habitait dans la rue de laChane, Darb as-Silsila, situe sur la rive gauche duTigre, tout prs du grand collge Nilhmyya, rcemment

  • INTRODUCTION 7

    construit par Nidhm oul-Moulk, vizir de MalakSlili. Sabire fut porte par le shaikli Abo Ishk de Slirz, depuislamadrasat An-Nidlimyya jusqu'au pont de bateaux sur leTigre, et de l, travers le quartier de Karkh^ la mosqued'Al-Mansor, la plus ancienne de Bagddli. Les juris-consultes et les traditionnistes s'y taient donn rendez-vous ; la multitude tait grande. Aprs que la prire desmorts eut t lue par Abo '1-Housain ibn al-Moulitad, onalla l'ensevelir au cimetire de la porte de Harb, au nordde la ville occidentale, ct du tombeau du clbre Bishral-Haf. Le shaikli Sof Abo Bakr ibn Zalir s'tait r-serv cette place pour lui-mme et y avait creus une tombeo, dejDuis plusieurs annes, il allait passer ses journes en-tires lire le Korn. Or, le khatib lui-mme avait dsircette place d'honneur; de son vivant, il avait coutume derpter : J'ai bu de l'eau de Zemzem, dans l'intentiond'entrer Bagddli, d'y composer le Trkli et d'tre en-seveli ct de Bishr al-Hf. Allah m'a combl de bienfaitsen me permettant d'entrer dans la ville, d'y composer leTrikh, et j'espre qu'il m'accordera mon troisime vu. Ibn Zahra, voyant arriver le convoi funbre, refusa de cderl'emplacement, disant : Peut-on m'enlever la place queje me suis rserve depuis tant d'annes? Les disciplesdu khatb se prsentrent alors au shaikli Sof Abo'1-Barakat Isma'il ibn Sa'd, lui demandant d'intercder enfaveur du matre auprs d'Ibn Zahr. Leshaikh, s'adressantalors ce dernier, lui posa cette question : Si Bishr al-Hf tait de ce monde, que tu sois assis son ct et quele khatib, venant entrer, s'assoie au-dessous de toi, serait-il convenable que tu restes assis au-dessus de lui ? Cer-tainement non, rpliqua Az-Zahr, je me lverais aussittet lui offrirais ma place. x\insi dois-tu faire en cemoment. Az-Zahr, ne trouvant rien rpondre, donnal'autorisation demande \La renomme du khatb et son autorit en matire de

    traditions taient immenses. Souvent il apparut en songeaux thologiens qui vnraient sa mmoire. On trouve descitations de ses livres dans tous les crits des Arabes sur

    1. D'aprs Ibn

  • INTRODUCTION

    les traditions, la lgislation et la thologie. Son uvreembrasse d'ailleurs un cycle trs tendu de connaissances.Il crivit, d'aprs les uns, une soixantaine de traits,

    d'aprs les autres une centaine, on dit mme cent cinquante.La plupart de ces traits ne sont pas parvenus jusqu' nous.L'uvre capitale du Khatib est VHistoire de BagddJi, en106 sections, dont nous parlerons plus loin.

    Voici d'autre part la. liste de ses principaux travaux,d'aprs le Sibt Ibn al-Djauzi :

    Sharaf Ashb al-HaditlV ;

    Al-DJmi' li-akhlf ar-Rwi wa s-Smi'-;

    Al-Kijayafi ma''arifai ou-sol aj'-Riwija\'

    AJ-Mouttqfik wa l-Mou-tarif' ;

    As-Sbik wa l-lhik' :

    L'illustration des tradition-nistes

    ;

    Le livre c|ui rassemble lesditl'rences entre le narra-

    teur et l'auditeur;La suffisance, sur la connais-

    sance des principes de lanarration

    ;

    Celui c[ui tombe d'accord etcelui qui avoue ;

    Celui qui devance et celuiqui rejoint;

    Talkhs al-moutashbih fi L'extraction du discutablel-rasm\; dans le dessin ;

    Tli l-Talkhis '; Ce qui fait suite au Talkliis ;Al-Fasl wa I-M'^aJ^l\' La sparation et la runion;AI-Moukmal fi bayn al- Le livre parfait, sur l'exposmouhmaP

    ;

    de ce qui est tomb en d-sutude;

    Al-Fakh ica 1-moutafak- Le jurisconsulte et les tu-kihn'\- diants juristes;

    Gounat al-mouktabis^'

    ;

    Le vade-meciun de celui quifait des emprunts litt-raires

    ;

    1. ^,jJ^l ^1^1 J^t. 2. ^UIjc^j'Jl ^>U-V -^Lfl. ^. Z\k.->lHj J>LJ1. 6. js^

  • INTRODUCTION 9

    AI-Asm al-mobhama' ; Les noms de nombre cardi-naux

    ;

    As-Sawb ff I-tasmya bi-f- Le jugement droit sur Fac-tihat al-Kitb- ; tion de donner un nom la

    premire sourate du Korn;

    AI-DjaJir ht '/-basm.ala\' L'action de prononcer dis-tinctement la formule >

    >

    Rqrou 'I-Irtyb\- L'action d'ter le doute ,

    Al-Founon/'

    ;

    Les catgories (de science);At-Tabyn"

    ;

    L'explication claire;Tmny^ al-ma.^d'' ; Le discernement de l'aug-

    mentation;

    Man tofaka ismouhou isma Celui dont le nom s'accordebhi^ ; avec le nom de son pre ;

    Man haddathafana&a^

    ;

    Celui qui a racont, puis aoubli

    ;

    Riwyat al-Ab "cm al- Le rcit des aeux d'aprs lesAbn ' " ; descendants ;

    Al"Uni bi'l-kitba^^ ; La science de l'criture ;Al-Khal wa 'l-Ri/ila'\- Les chevaux et le voyage (

    cheval);A r-Rowt "an Mlik ^ ^ ; Les narrateurs d'aprs Mlik ;A /-Ihtidj'dj Ji-Sh-SIif" ^ " ; L'action d'allguer des preu-

    ves en faveur d'Ash-, Shh';

    At-Tafdl U. mobJiam al- L'action de combler d'logesmarsiV' ; ce qui est cach des cor-

    respondances;

    Iktid al-"Ilm wa 'l-"amaV^; Le travail, successeur de lascience

    ;

    1. l^\ ^\J\. 2. ^\zS:f\ ^^ i^^il J ^1^)1. 3. LL^Jl j^}^\.4. ^UjMl m>j' 5. Cj^:Ji]\ . 6. Oj__i!l . 7. j^j.U jui . S. jilj ^*

    ^} ^J

  • 10 INTRODUCTION

    Al-Kaid Ji "oidoni nn- Discours sur les sciences desnoudjom ^ ; astres ;

    Riwyt as~Sahba 'an at- Rcits des compagnons d'a-Tbiiii^

    ;

    prs les Tbi'

    ;

    Mousnad NoiCcdm ibn Hi^- Traditions de Noii'am ibnhm\' Ilislim

    ;

    An-Nald 'an ^auin iaun Interdiction du jene le jouras/i-s/dkk''

    ;

    de doute;Al-Idj'da Id-incidom wa L'action de faire rencontrer

    'l-mad/Itoid \' ce qui n'existe pas et cequi est inconnu

    ;

    An-NadJhUccd-asm'l-niou- Les espaces (?) et les nomstatcfana " ; transplants ;

    An~Ndxh bi-gar ical' ; Le mariage sans curateur;Al-WoudoiT min massi Les ablutions (par suite) du

    'l-dJiakar* ,- contact du membre;

    Ar-Rowt \in Shou'ha\' Les narrateurs d'aprs SI lou'-ba

    ;

    Al-DJam" ica'J-tafrk'" ; La runion et la dispersion;Akhbr at-ToiifaUii/ytn " ; Les histoires des parasites;Ad-Dald wa sh-Sha~ Les arguments et les exem-

    ichid^-

    ;

    pies;Al-Kad br I- Yamn ira \s/t- La sentence parle serment et

    S/t/dd^\- le tmoin;

    AJ-Modilt wa 1-Kounot ^\ Ce qui met en vidence et laformule d'adoration.

    \. ^^^\ ^^ ^ JyJI. 2. qv>bl ^ il^l Ol'j;- 3. 0: fi -^"~-*

    ^\*^. 4. dll!l^y^ ^^ j. ^J'. 5. J^;^lj ^jj^J SiUVl. 6. .M^l

    l^\^\ \J>^\y 7. J,j5 j, ^

  • INTRODUCTION 11

    II

    Les Historiens de Bagddii et l'uvre d'Al-Khatb

    Al-Khatib al-Bagddh n'est pas le premier qui tentade reconstituer l'Iiistoire de la a Ville de la Paix . HadjiKhalfa, dans son vaste rpertoire de la littrature arabe \nomme avant lui Ahmad ibn Abi Thir de Bagddh. C'estle mme personnage qui est l'auteur d'un Kitb Bagddhdont M. Hans Keller vient de publier un extrait', Abo'1-Fadl Ahmad ibn Ab Thir Taifor, plus connu sous lenom d'Ibn Taifor. Immdiatement aprs lui vint notreauteur, dont l'histoire, comme nous le verrons plus loin,n'est autre chose qu'un dictionnaire biographique. Parmiles continuateurs du Hlidli de Bagddh, nous trouvonsl'imm Abo Sa'd 'Abd al-Karm ibn Mouhammad Sam-'n, surnomm le gnalogiste , mort en 562(1166 J.-C.;.Son appendice l'histoire de Bagddh, assez rpandu dansles bibliothques de l'Europe', ne comprenait pas moins dequinze volumes. Cette uvre fut elle-mme suivie de deuxappendices : l'un, en trois volumes, intitul Al-Sal 'ala'I-dhaJ, parle vizir 'Imad ad-Din Abo 'Abd Allah Mouham-mad ibn Mouhammad il)n Hmid al-Ktib, mort en 597(1200 J.-C); l'autre, le plus connu, d'Abo 'Abd AllahMouhammad ibn fSa'id de Wsit, surnomm Ibn ad-Do-bathi, mort en 637 ,1239 J.-C); la Bibliothque Nationalepossde trois volumes de cet ouvrage sous les n^ 2133, 5921et 5922 du fonds arabe'. Il fut suivi d'un Supplment parIbn al-Kati'i et d'un Rsum de Sliams ad-Din Mouham-mad ibn Ahmad al-Hhdh Adh-Dhahab, mort en 748(1347 J.-C). L'uvre d'Adh-Dhahab se trouve en partieparmi les manuscrits de la Bibliothque Nationale (n*'-* 1584,1585 et 5819). Le Muse Britannique en possde plusieurs

    1. Lexicon, tome II, p. 119 etsq.2. Das Kith Bagdad ron Ibn Taifiir. Leipzig, 1899.3. La Bibliothque Nationale vient de s'enrichir de deux volumes du

    Kitb al-Ansb d'As-Sam'n (5874 et 5898) provenaut de la collectionSchefer.

    4. Cf. H. Derenbourc : Les nuniKsrrits arabes df la collection Sche-fer, p. 35,

  • 12 INTRODUCTION

    volumes sous les n^ 53 etseq., 468. Un autre personnage deBagcldh, Mouhibb ad-Dln Mouhammad ibn Mahmoud, sur-nomm Ibn Nadjdjr, mort en 643 il245 J.-C), se cliargeade continuer l'uvre du Kliatlb en un dictionnaire consid-rable qui atteignit, dit-on, une trentaine de volumes. HadjKbalfa dit avoir vu le volume XVI consacr la lettre f-('An). Tak ad-Din Mouhammad ibn Raii', mort en 774(1372 J.-C.)> crivit ce dernier ouvrage un appendiceque continua Abo Bakr al-Maristni. Ce dernier eut pourcontinuateur Tdj ad-Dn 'Ali ibn Andjal) ibn As-S'i deBagddb, mort en 674 (1275 J.-C). D'autre part, le tradi-tionniste Abo '1-Yaman Mas'od ibn Mouhammad ai-Bou-kbar, mort en 461 (1068), crivit un rsum de l'histoire duKhatb. Plus tard, Abo Sahl Yazdadjird ibn Mihmandaral-Kisraw crivit une description de Bagddh, o il con-signa le nombre des rues, des bains et la consommation jour-nalire de cette cit. Enfin les deux ouvrages suivantstraitent aussi de l'histoire de Bagddh : le Kitb at- Tibind'Ahmad ibn Mouhammad ibn Khlid al-Bark et le Rau-dat al-Arb en 27 volumes'.Comme on le voit, ces divers auteurs ne s'cartent en

    rien du plan trac par Al-Khatb al-Bagddhi : les uns lersument, les autres le continuent. Mais ces prtendueshistoires de Bagddh ne sont que des dictionnaires biogra-phiques. En dehors de l'Introduction au Trkh Bagddhdu Khatib, Hadji Khalfa ne connait d'autre description dela capitale 'abbside que celle de Yazdadjird al-Kisrawi.Nous y ajouterons celle d'Ibn Srapion. Les passages d'IlnSrapion se reconnaissent si aisment dans l'ouvrage quenous publions, que nous ne pouvons jDasser sous silence cedevancier du Khatib, c|ue M. Guy Le Strange a fait con-natre il y a quelques annes, en publiant sa Description ofMesopotamia and Baghdd', dont un chapitre est consacr l'hydrographie de la capitale. Comme on le verra plusloin, notre auteur en a fait grand profit.

    1. On trouve actuellement en Orient une petite brochure, imprime Beyrouth en 1888, sous le titre de Trkh Bagddh. C'est une compi-lation, dpourvue d'intrt historique, rdige par un nomm NapolonMarini. On n'y rencontre aucun dtail sur la topographie de la ville.

    2. Dans le Journal of the Royal Asiatic Society (January, Apriland October 1895).

  • INTRODUCTION 13

    Le dictionnaire biographique d'Al-Kliatib al-Bagddliiest prcd d'une introduction d'une quarantaine de folios,consacre la description topographique deBagddli. C'estcette introduction que nous publions. La partie biogra-phique se trouve la suite; elle commence par la liste descompagnons du Prophte qui assistrent la conquted'Al-Madin. Les 20 premiers folios de cette introductionne prsentant aucun intrt pour la topographie de Bagddhet n'ajoutant rien de nouveau nos connaissances sur largion de T'Irk, nous nous sommes content d'en donnerune analyse et nous avons commenc notre travail au cha-pitre de la fondation de Madnat as-Salm.Nous ne connaissons qu'une faible partie du Kitb T-

    rikli Bagddh. La Bibliothque Nationale de Paris possdele 1''^' volume, sous le n 2128, le tome second incomplet(n'' 2129), un volume dpareill du mme tome (n" 2130)et le 28 volume incomplet (n2131j. Il existe en outre danscette collection une rdaction abrge en un volume, por-tant le II" 2132. L'introduction est presque entirement sup-prime; seul, le chapitre sur les sept climats de la terreest rsum; toute la description de Bagddh est passe soussilence et les biographies commencent aussitt. Ce manus-crit ne nous a t d'aucune utilit.

    Trois autres exemplaires du 1^"^ volume existent au Bri-tish Musum', ce sont les n^ 23319 (add.), 655 et 656 dusupplment'. Le premier, que nous appellerons A, est in-

    titul : j\. j --lu!! LULJ j:)j \^^~\i^ j^-^^b (MJI o-u ^jt" ^t.f

    l^ojljj l^,UI. Il comprend 2(31 folios et date de l'an 521 de

    l'hgire. D'une Ijonne criture orientale, il ne prsente au-cune lacune. Une rdaction abrge de ce manuscrit existe

    sous le n MDCXXV, signe de l.\y>- J, ^^^ J, ^^ J& y)(^Sl-ViLll -^d-l. Les deux autres manuscrits proviennent

    1. Nous avons pu eft'ectuei- la collation de ces mss. grce la libra-lit du Conseil de l'cole pratique des Hautes-tudes, qui a bien voulunous accorder une subvention pour nous permettre d'aller Londres lestudier sur place.

    2. Le Catalogue du Supplment arabe du British Musum dit qu'uneautre copie se trouve aussi Leyde. Le rdacteur aura confondu avec le

    l-C)' k_jt5''^ d'Al-Kliatb ou le Li d'As-Sam'n.

  • 14 INTRODUCTION

    d'achats laits Bagddli par Sir Henry C. Rawlinson en1846 et 1847. Le 655, B dans nos notes, est en naskhi duxiii*^ sicle. Il prsente au folio 92 une lacune de 4 pages,correspondant aux fol. 36-39 du ms. A. Ces pages devaientcontenir la description du palais des khalifes et la rceptionde l'ambassadeur grec. Cette lacune est en partie comblepar deux pages d'une criture postrieure. Le n" 050, Cdans notre annotation, est en petit naskhi de Tan 1::?41 del'hgire. Il a t videmment copi sur le prcdent, puis-(|u'on y trouve au fol. 48 la mme lacune, comble en partiepar les mmes pages que dans le ms. prcdent, avecquelques joages additionnelles d'une autre source '.Knhn un autre manuscrit du l*^'" volume se trouve aussi

    la Bibliothque khdiviale du Caire. Il porte le n 520 du ca-talogue arabe. Un long sjour que nous avons fait au Caire,comme membre de l'Institut franais d'archologie orientale,nous a permis de l'examiner. Il est d'une bonne critureorientale, non dat. Mais la plus grande partie de l'intro-duction manque: le manuscrit ne commence qu'au fol. 35(verso) du ms. de Paris.Le manuscrit qui a servi de base notre tude est le

    n 2128 de la Bibliothque Nationale'. C'est un in-8 de 185feuillets, avec 25 lignes la page. Il est d'une fine critureorientale et porte la date 033 de l'hgire (1235-1230, J.-C. .A la premire page se trouve un cx-libris au nom d'un cer-tain 'Abd Allah Ahmad ibn Mouhammad ibn 'Abd Allah.L'ouvrage commence par une table des chapitres, puis

    Al-Kliatib, aprs la formule J^jV^j CJy, !l jU- j^JJl

  • INTRODUCTION 15

    Le premier chapitre est un examen de la question de savoirs'il est permis de vendre les terrains de Bagdad h '. La ventedes terrains des territoires musulmans, au dbut de la con-qute islamique, tait en effet soumise des rgles diff-rentes suivant ((ue ces territoires avaient t pris les armes

    la main ou par capitulation, ;y& ou UU. Dans le premier

    cas, sy^, les terrains n'appartiennent pas aux particuliers

    mais l'tat et les tiefs distribus aux conqurants re-viennent l'tat la mort du propritaire. Souvent la ques-tion tait litigieuse : telles parties d'une contre avaientt conquises par les armes, telles autres s'taient rendues discrtion'; les gnraux c|ui y installaient leurs compa-gnons d'armes ngligeaient souvent de fixer la juridictiondes territoires occups, et il fallait avoir recours l'autoritdes traditionnistes. Ce chapitre se termine par une bou-tade qui ne ressemble gure au joli dialogue que nous avonstrouv au prambule: J'ai entendu Soufian atli-Tliaurvqui disait : Le dvot Bagddh est comme le dvot auxlatrines * ! Faut-il y voir une allusion la salet de la villeou une critique pour ses habitants?Le chapitre ii est une notice sur le Sawad (terres cul-

    tives des environs de Bagdad li) et sur la manire dont lekhalife 'Omar en disposa'. La mme question du partagedes terres y est traite. Lorsque les Musulmans eurentcon(|uis le Sawad, ils dirent 'Omar ibn al-Kliattb :

    2. La luiiie discussion se retrouve dans l'Histoire de la Conquted'Egypte ( Kitb Foutoh Mifrj d'Ibn 'Abd al-Hakam (nis. 1687 de la

    B. X.). Elle est expose dans les deux clia[)iti'es suivants : J\J v j :>

    ^1^ cJ=^ j^ ' . !' 122. et Syl J^^-* y^A i\ Jli ^^ jl. p. 127.3. ilj^ JLulIi JiL (lecture incertaine) i^)t.\\ i> C^iu,. Jl_s

    .fol. 2 .^luioi ^ -dir

    Jol. 2 V81-S0 ' u^"^*

  • 16 INTRODUCTION'

    (( Partage-lo entre nous. Il refusa, alors ils dirent:

    Nous l'avons cependant conquis de vive force. Le khaliferpondit : Que restera-t-il alors pour ceux, d'entre lesMusulmans, qui viendront aprs vous? Je crains (|ue vousne vous querelliez au sujet des eaux et que vous ne vousentretuiez. Il fixa alors les habitants du Sawd dans leursterres' et frappa sur leur tte les s^^^ , c'est--dire la

    capitation ii_)j^) et sur leur terre le ^^'^ c'est--dire

    Timpt foncier 't:\J>.),

    et ne la partagea pas entre eux'.

    Le khardj tait en effet une taxe que Ton frappait surles terres des vaincus. M. Van Berchem^ a expos l'originede cet impt et les rgles qui en rgissent l'application. Lemot khardj ne se trouve pas dans le Korn avec le sensd'impt foncier, et les versets du Livre sacr ne prescriventrien formellement sur cette question. La lgislation dukhardj ne date que d"Omar. Mais nous en verrons plusloin l'application du vivant mme du Prophte.A la fin du chapitre prcdent, AI-Khatb a rapport une

    tradition du kdi Waki' qui disait : Bagddh ne cessapas d'tre traite comme la terre du fSawd jusqu' l'an 145,

    1. C'est--dire qu'il tablit les terres en wakf et y maintint les habi-tants en leur laissant le soin de les cultiver.

    2. D'aprs M. Van Berehem, ce mot viendrait du grec -:;t et seraitun souvenir de l'administration byzantine. Il cite l'appui de cetteopinion le syriaque fasyt?, que l'on trouve avec le mme sens dans leTalmud. Cf. Noldlce^, Gcscldcldc dcr Perscr und Arabcr ^ur Zeit dcrSussanidim,, p. 241, note 1. Mais il est bon de remarquer que -r:-.;

    a donn J\p en arabe et que le premier est considr comme persan

    d'origine par les lexicographes arabes (cf. le Lisii al-'-Avah, XII, 94).

    ;1 ^l

  • INTRODUCTION 17

    ajoutant : c'est--dire (qu'elle fut mesure et qu'on en tirale kliardj jusqu' ce qu'Abo Dja'far Al-Mansor la cons-truisit, en fit une capitale, y habita et y fit habiter sesgens avec lui ^ .

    Voici donc confirme l'opinion d'aprs laquelle le khalifeaurait tabli l'impt du khardj sur le Sawd, c'est--dire(ju'il l'aurait considr comme acquis IsJ^ et non S_^;lc.

    Mais ces autorits ne suifisent pas Al-Khatib, qui citeencore ces paroles d"Omar : Si ce n'tait pas pour lereste des Musulmans, un village ne serait pas concjuis queje ne le partagerais comme l'envoy d'Allah a partagKhaibar. Ces mots justifient le khalife de toute indulgenceen faveur des habitants du Sawd et font allusion l'exp-dition de Mouhammad contre la ville de Khabar, (|ui taitau pouvoir des Juifs. Le territoire de Khabar fut partagentre les Musulmans qui avaient pris part l'expdition,aprs le prlv?ment du (juint. Un seul principe prsidaitalors l'organisation de la proprit territoriale, c'est celuiqui est contenu dans ce verset du Korn : La -terre est Allah, qui en accorde la jouissance ses serviteurs, selonson bon plaisir'. )) Et la tradition ajoute: La terre est Allah, son Prophte et aux Musulmans'. De ce principe dcoulent, comme le montre M. Van

    Berchem, ces deux rgles de la coutume : 1 partage desbiens conquis les armes la main, entre ceux qui ont prispart au combat ; 2 droit de la communaut entire auxbiens acquis par trait de paix. C'est ce que nous avons dit

    au commencement propos des expressions Wl^ et SjJLc.

    1. JL* il- J'y i ^l_I!l ij ytj v_i>- cf, -W^ f^. y} J^'Ljl

    ^Jju ,_^Jal-l ^^ y} jL ' oUj yuj'j ^^ ^\ ^L.^ It r'j*" ^'^'^'^ ^"'' ^^mesure du sol. Cf. Van Berchem, p. 45.

    2. Korii : Sourate VIL verset 125.3. Bokhri, d. Krclil, t. II, p. 72 et 294.

    G. Salmon, Bagddli. 2

  • 18 INTRODUCTION

    Mais le Prophte s'aperut bien vite que les premiersMusulmans, tant des citadins, n'avaient aucune exprienceen matire d'agriculture et se trouvaient incapables de cul-tiver les terres qui leur revenaient par droit de conqute '

    .

    Aussi essaya- t-il un autre systme qui consistait main-tenir dans leurs terres les habitants rests fidles leurreligion", en les privant de leur droit de proprit quipassait la communaut musulmane. Les cultivateursdevaient verser au Trsor une part du revenu, la moiti, l'origine. Cette partie du revenu qui passait l'tat musul-man tait le khardj. Ce n'est que plus tard que le kharndjdsigna l'impt foncier en gnral, parce que les cultiva-teurs qui se convertissaient l'islamisme n'en taient paslibrs; mais il conserva toujours un caractre humiliantpour celui (jui tait astreint le payer.La conduite du Proplite Khaibar tait donc cite

    comme exemple chaque conqute des Musulmans. Nousretrouvons la mme phrase dans le Livre de la Conquted'Egypte d'Ibn 'Abd al-Hakam', o elle est place dans labouche d'un compagnon d'armes du conqurant de l'Egypte,*Ainr ibn al-'As : Az-Zoubair ibn al-Awwm se leva etdit : Partage-la (l'Egypte), 'Amr ibn al-'as. Par Allah,rpondit celui-ci, je ne la partagerai pas, Par Allah !reprit Az-Zoubair, il faut que tu la partages comme l'en-voy d'Allah a partag Khaibar. Dans le cas qui nousoccupe, 'Omar ibn al-Khattb aurait crit Sa'd (ibnAbi-Wakks) au moment o Tlrk fut conquis : [Aprsles formules d'usage], il m'est parvenu que les gens t'avaientdemand de leur partager leur butin et ce qu'Allah aprescrit pour eux; or, lorsque ma lettre que voici te par-viendra, regarde ce pour quoi les gens ont lev des pro-testations contre toi au camp en hiit de chevaux ou de

    1. C'est du moins l'opinion de Beladiiorl i^ Liber cxpiiijnutionis j'e>/io-num, d. de Goeje, p. 24).

    2. Les Chrtiens, Juifs et Mages, appels Ahl al-Kitb. Les idoltresn'avaient qu' choisir entre la conversion et la mort.

    3. Ms. BN 1687, p. 127 : J^ ^^t l i^,^l JUi ^'^ \ ^Jl ^-li

  • INTRODUCTION 19

    biens, partage-le entre ceux des Musulmans qui serontprsents et laisse les terres et les rivires ceux qui lesexploitent, afin qu'elles soient parmi les revenus des Musul-mans, car si tu les partages entre ceux ([ui sont prsents,il ne restera rien ceux (pii viendront aprs'.

    Al-Kliatib montre alors sa comptence de juriste endisant que les jurisconsultes ne sont pas d'accord au sujetdes terres conquises; certains d'entre eux ont inclin versl'opinion d'aprs laquelle l'Imm (considr comme le suc-cesseur du Prophte et le chef des Musulmans) aurait lechoix de les partager en cinq parts, de dlimiter la partqu'Allah a, mentionne dans la sourate Al-Ganima ' endisant : Sachez que si vous avez fait un butin de quelquechose, un cinquime revient Allah. . . et de partager lesquatre autres parts entre les conqurants, ou bien d'enimmobiliser le tout comme a fait 'Omar pour la terre dutSawd. Soufin ibn Sa'd Ath-Thaury et Abo Hanifaan-No'mii ibn Thbit sont de cet avis; Mlik ibn Anas dit: La terre se trouve immobilise (en wakf) par elle-mme, l'exclusion du profit et du choix de l'Imm. L'avis deMouhammad ibn Edris le Shfi'ite est peu prs sem-blable^

    Al-Kliatib raconte alors deux anecdotes d'aprs lesquellesun nomm Djarir et une femme appele Oumm Kourz laBoudjailienne, n'tant pas prsents lors du partage duSawd, auraient rclam leur part au khalife quelquesannes aprs et en auraient reu une forte somme d'argenten compensation. Certaines gens prirent ces faits commepreuves de la lgitimit du partage, mais son opinion lui

    J\ dlJli ^-Ul OLUI ^!i cp ^U jy.V!j ^^jVl i};\j.toho3 recto

    ' ^t ^fi>^>^ Jt,^ Ji cfi }" j-^=*- * ^!^'. V"*--'2. i..^:!l, sourate VIII, verset 12.

    i.Cf. iolio 3, recto et verso.

  • 20 INTRODUCTION

    est plutt qii"Omar leur avait transmis ces parts avant laconqute du Sawd comme cadeau personnel, et non en vertud'un droit de conqute.L'impt (|ui fut tabli sur les terres du Sawd s'leva,

    par arpent, 10 dirliems pour la vigne, 5 dirhems pour lespalmiers^ 6 dirliems pour la luzerne, 4 dirliems pour lefroment, et 2 dirliems pour Forge '. La totalit du terri-toire impos fut de 36 millions d'arpents, depuis Mausil aunord jusqu'au rivage de la mer au pays d"Abbdn, l'orient du Tigre, et en largeur, depuis la montagne deHouhvn jusqu' la frontire de Kdisyya. Al-Khatb citeencore une tradition d'aprs laquelle le territoire situ au-dessus de Houlwn est terre de protection et celui situau-dessous de cette ville terre de butin )), puis il donnequel(|ues explications du mot Sawd. Nous donnerons plusloin l'tymologie de ce mot. Al-Khatib s'applique surtout expliquer pourquoi les Araires qualifirent de norr unpays couvert de palmiers et de cultures : les deux motsnoir et vej't taient souvent employs l'un pour l'autre,et il cite comme exemple ce vers de Dho 'r-Roumma* : Le puits cart et dont on ignore le sentier d'accss'est puis ; dans l'ombre d'une nuit obscure la chouettepousse son cri%

    o le mot vert (aklidar) dsigne la nuit, qualifie ainsi cause de son obscurit et de sa noirceur. Dans le cha-pitre suivant, Al-Khatib revient sur la question desavoir si la vente des terrains du SaA\d est permise'.

    Il discute quelles parties du Sawd sont Sy.& ou UU et

    1. Cet impt tait le khardj mislui, bas sur la mesure du sol.Plus tard, AI-Mansor rtablit, pour le Sawd, l'assiette en usage chezles Sassanides, le khardj moukasara. Cf. Van Berchem, op. cit.,p. 51-52.

    2. Le Diwn de Dho 'r-Roumma, pote du premier sicle de l'h-gire, a t publi partiellement par RudoU Smend (De Dsu r'Ruin/napoeta arahico et carmin ejus, Bonn, 1874).

    .

    3. 4_L1J.^ 3^rf' C^^-^' (^^ '^-'

    (bast) Jl 4.U (lyi_V) ms.) S}^ ,^^\ Jii J,

    folio 4 verso.

  • INTRODUCTION 21

    cite de nombreuses traditions contradictoires. Puis il com-mence au folio 7 une courte dissertation sur les sept climatsde la terre, sur leur rpartition et sur la position del villede Bagddh ' . Le premier climat est l'Inde, le deuxime,le Hidjz, le troisime, l'Egypte, le quatrime, la terre deBabel, le cinquime, le pays de Rom et la Syrie, le sixime,le pays des Turcs, et le septime, la Chine. Bagddh estsitue dans le quatrime climat, le plus central, qui com-prend galement la pninsule Arabique, la Msopotamie etl'Trk. Ces divisions se retrouvent chez tous les gographesarabes ; elles ont t exposes par Reinaud dans son intro-duction la Gographie d'Aboulfda^ Al-Khatib donne en-suite la signification du mot Irak' en arabe ; il en proposeplusieurs interprtations, tantt la moiteur cause par levoisinage de la mer, tantt une file d'oiseaux, etc. Nouscroyons qu'il faudrait plutt chercher l'origine de ce motdans le vocable persan irah (du sanscrit aryay

    .

    Le chapitre suivant est intitul: Rcit de l'incursion desMusulmans sur le march de Bagddh'. A l'emplacementde Bagddh s'levait, avant l'arrive des Musulmans, unvillage o se tenait, au commencement de chaque anne,un march trs frquent par les Persans. Notre auteur ra-conte l'expdition d'un certain Al-Mouthanna ibn Hrithaash-Shaibni au march de Bagddh, au temps d'AboBakr as-Siddik, c'est--dire avant la conqute de l'Trkpar 'Omar. A la tte d'une poigne de partisans, il russit pntrer jusqu'au milieu du march o il sema la terreur

    2. Tome I, p. ccxxv et seq. Cf. galement : E. Blochet : Contribution l'tude de la Cartographie ches les Arabes (Bullethi de l'Acadmied'Hippone), 1900.

    3. Jlytll ^J^ w^jio ji- fol. 7 verso.4. Cette tymologie, dj indique par Hamza dans Ykot (voir

    Barbier de Mejaiard, Diction, de la Perse, p. 65), nous est suggrepar M. Clment Huart, qui rapproche froA (rh) de airii/aka.L'explication donne par plusieurs dictionnaires, qui font de ce

    mot le pluriel de Je (et non J^e), prononc Erg en Algrie, est tout fait invraisemblable.

    5. il_v) ijj^ le- i>..Ull Sjl j\^ j i loi. 8 verso

  • 22 INTRODUCTION

    et revint cJiarg d'or et d'argent, a de jaune et de blanc )),comme dit notre historien.

    Al-Kliatil) al-Bagddli donne ensuite les traditions con-cernant les dfauts de Bagddh et de s{}s lia1)itants', puiscelles o l'on fait l'loge de Bagddh. Ces traditions rem-plissent trois chapitres, du folio 9 au folio 17. En tte, setrouvent c(3s paroles du Prophte : a Une ville sera cons-truite entre le Tigre, le Doudjal, Koutroubboul et le Sart,vers lacjuelle seront accumuls les trsors de la terre. Puis notre auteur consigne soigneusement pendant cinc|pages les variantes de cette tradition qui sont parvenuesjusqu' lui^ sans omettre un seul chelon de la chane destraditionnistes. Il s'tend alors sur une autre tradition,d'aprs laquelle le Prophte aurait prdit la fondationd'une ville appele Az-Zaur. D'autres sont relatives auxparticularits du caractre des Bagddhiens, telles que cellequi mentionne leur penchant pour l'tude du hadth. Maisces traditions n'ont plus pour nous la mme valeur que pourleurs commentateurs musulmans, et nous n'y trouvons aucunrenseignement utile glaner.

    Al-Khatb parle ensuite des deux fleuves^ le Tigre etTEuphrate^ et cite de nombreuses traditions relatives auxbndictions que le Prophte a annonces sur ces deuxfleuves. On sait en effet que les cinq grands fleuves connusdes Arabes^ le Nil, le Tigre, l'Euphrate, le Djhon et leSihon (l'Oxus et l'Yaxartes) sont considrs par euxcomme ayant leur source dans le paradis. Une traditionrapporte par Al-Khatib dit que, dans le paradis, le Nil estle fleuve du miel, le Tigre le fleuve du lait, l'Euphrate lefleuve du vin, le Shon et le Djhon les fleuves de l'eau.Le chapitre suivant parle des premiers cultivateurs du

    Sawd\ Il est question ici des Nabathens (li^jl), qui

    .fol. 9 recto l^-litj l^ljj i}\y,~\ rPi l^,Ucj UiLs. JljlTjiJlj ldl j. l^i 4.1!! J..5. Uj sljlyllj iU-i SLii ^^^ y^. 17 recto,

    .fol. 17 verso ^jlJ dlU JJ il^l j, i^ LJI

    2

    fol

  • INTRODUCTION 23

    taient considrs par les Arabes comme ayant occup leSawd avant les Persans. Les limites de leur empire taient,d'aprs notre auteur, Al-Anbr^ Kashkar et les districts duTigre jusqu' Djarkh. Les Arabes leur attribuent tous lesgrands travaux (jui furent excuts en Irak. Leur nom deNabatliens est driv du verbe nabat, sourdre (en parlantde l'eau, et de l, planter), parce qu'ils cultivrent la rgiondu Sawd. Ils creusrent aussi les premiers canaux : FirozDjousnous creusa le grand Sart, As-Sbigr (?) creusa leNalir Abb, et Afkourshali, dernier roi nabathen, creusa leNahr al-Malik'. Al-Khatb cite ensuite une tradition, rap-porte du Prophte, relative aux cinq fleuves qu'Allah fitsortir d'une source unique du paradis.Nous trouvons ensuite une dissertation sur l'origine du

    nom deBagddh'. Al-Khatb rapporte quelques traditionsdisant que Bag j-l tait une idole chez les Persans et Ddli

    ili (infin. dden ^b) le verbe a donner . Cette explica-tion semble la seule vraisemblable.Le nom de Bagddh correspond en effet au perse Ba-

    gadta, que ]\L Oppert traduit avec raison par Dieu-donne'' . Une autre version cite par Al-Khatib dit que

    baj i_j dsigne un jardin en persan;

    quant Ddh,

    c'tait le nom d'un homme: le mot Bagddh voudrait dire Jardin de Ddli )),mais il ne s'appesantit pas sur cetteversion. On disait aussi Bagdn et Magdn, en vertu d'unepermutation, frquente en arabe, du ba et du miin''. Maisles bons Musulmans, la suite d'Al-Asma'i, ne voulaientpoint prononcer le nom de l'idole Bg et appelaient la capi-tale des 'Abbsides Madnat as-Salm, parce qu'elle taitsitue sur le Tigre t[u'ils appelaient Nahr as-Salm. Ces

    ' 4JL- Oh'U dlU LJI ]^ /\ OlTj 4tj^ol dllU

    2. fol. 18 recto Sl_) ^^-1 ^^^ ^.

    3. Cf. J. Oppert : Expdition sciontifiquc on Msopotamie, I, p. 92.4. Cf. Max. Streck : Die alte Landschaft Babylonien nach den

    Aj^ab. Geoijraphcn, I, p. 49.

  • 24 INTRODUCTION

    diffrents noms donns la ville sont cits dans tous lestravaux gographiques des x\rabes avec les mmes inter-prtations. Nous trouvons une version diffrente dans lesAnnales d'Eutychius ' ; cet auteur dit que Bagddh tait lenom d'un moine qui vivait dans un couvent l'emplace-ment o Abo Dja'far voulut lever sa capitale. Les auteursarabes parlent en effet de ce couvent, comme nous leverrons plus loin. Le nom de Bagddh est entr au moyenge dans les langues occidentales sous diffrentes formes.Dans les chroniques franaises et espagnoles \ dans lesrcits des historiens des Croisades, on trouve successive-ment Bardac, Baldac, Baldat et Baudac ; au xvir sicle,Tavernier' crivait encore Bagdat. C'est de ce nom qu'estvenu notre mot Baldaquin^Al-Khatib parle alors de la part (jue prit le khalife Abo

    Dja'far Al-Mansor la fondation du nouveau Bagddh etrapporte de nombreuses traditions sur l'arrive d'Al-Man-sor en Irak et sur la fondation de la capitale. Il termineen racontant l'anecdote du moine chrtien \ A l'emplace-ment de Bagddh se trouvait un couvent nestorien habitpar des moines ; l'un d'eux, ayant appris l'intention dukhalife de construire une ville en cet endroit, s'cria queses efforts taient inutiles : Nous trouvons dans nos livresque celui qui la btira sera un roi appel Mikls. Cesparoles ayant t rapportes au khalife, celui-ci se prosternacontre terre et dit : a Par Allah ! ma mre m'avait sur-nomm Mikls pendant ma jeunesse ! Cette anecdote estabrge dans notre texte, mais plusieurs historiens arabes,

    1. Eutychius : Annales, d. Pocock, II, p. 399. Tum Bagdadumurbem condidit, quam Madinat ol-Salara (i. urbem pacis) appellavit.Vocata est autem urbs Bagdad, ideo quod in ea esset monachus quid anomine Bagdad, oui claustrum erat in terne ampke ac pulchrte medio,qui colus cum Abi Jaafaro placeret; ipso delineato, in eo urbem condi-dit, qute Bagdad appellata est nomine Alonachi.

    2. Cf. Dozy et Engelmann : Dictionnaire des mots espagnols dritsde l'arabe, p. 234; L. de Eguilaz y Yanguas : G/ossario etiniologico delas palabras espaolas, p. 335.

    3. Cf. Tavernier : Les six Voyages. Cet ouvrage donne un plan deBagdat ou Babylone, I, p. 280.

    4. Disons pour en finir que l'adjectif ethnique est Bagdd/iyj/oun^_cil) B&gdidhien, pinviel Baf/didhatou sSiUj.

    5. Folio 20 verso.

  • INTRODUCTI0x\ 25

    notamment Ihn at-Tiktaka, s'tendent plus longuement surce sujet'

    .

    Le chapitre suivant, consacr la fondation de Madinatas-Salm, est celui qui commence ce ([ue nous appelonsl'Introduction topographique. Nous donnons plus loin,intgralement, le texte et la traduction de cette partie del'uvre du Khatib, jusqu' la liste des compagnons duProphte qui prirent part l'expdition de Madan

    .

    1. Ibn at-Tiktaka : Al-Fahhr, d. Hartwig Derenbourg, p. 217-218.

  • 26 INTRODUCTION

    III

    Al-Khatb et les Traditionnistes

    L'uvre d'Al-Khatl) al-BagcIdhi appartient un genrelittraire tout spcial et extrmement rpandu chez lesArabes. Si le Kitb Trkh Bagddli ne peut pas tre classparmi les recueils de traditions, il doit tre considrcependant comme un accessoire de cette science, puisqu'ildonne la liste la plus complte des traditionnistes cjui sontns Bagdadh ou cpii y ont pass tout ou partie de leur vie.Aussi est-il tenu en grande estime par tous les savants cjuise sont consacrs cette branche de la science, que lesArabes appellent 'ouloin al-hadth. Mais, mme dansl'introduction topographique, on peut remarquer cjuel'uvre du Khatb appartient cette littrature imperson-nelle, comme d'ailleurs un grand nombre d'ouvrages scien-tifiques arabes. La forme adopte pour l'enseignementdans tout l'Islam tant la transmission orale, la traditionse trouve tre la base de toute connaissance \ Al-Khatbne dcrit pas ce qu'il voit; il ne dit mme pas qu'il a vu;il se contente d'enregistrer les dires de ses matres ou deses confrres et n'engage pas sa responsabilit jusqu'prendre parti pour l'un ou pour l'autre. Ce n'est que deloin en loin qu'il parle de lui; il se retranche toujours der-rire ses autorits. Cette mthode retire beaucoup devaleur la description de Bagdadh. Un homme qui a passla plus grande partie de sa vie dans la capitale 'abbsideaurait pu nous en faire une description plus personnelle, etpartant, plus attrayante. Nous aimerions trouver dansl'uvre du Khatb une mine de renseignements historiques,un rpertoire scientific|ue comme celui de Makrz' pour le

    1. \V. Maiais, op. cit., p. 196.2. Makrz : Description topographique de l'gi/pte et du Caire, d.

    Boulak et traduction par U. Bouriaut dans les Mmoires de la Missionarchologique franaise du Caire, tome XVII.

  • INTRODUCTION 27

    Caire, ou mme celui d"Abd aJ-Bsit al-'Almaw^ pom^Damas. Nous sommes obligs de uous coutenter d'un recueilde traditions souvent contradictoires, toujours vagues etincompltes, au milieu desquelles la vrit arrive difficile-ment se faire jour.Les hommes qui se sont adonns la science des traditions

    ont nonc toutes les rgles ({ui en garantissent l'authenti-cit, la valeur et l'exactitude dans la transmission orale.Nous nous garderons de nous avancer sur ce terrain. Maison trouve dans notre texte un certain nombre d'expressionsfamilires aux traditionnistes et sur lesquelles il convient dedonner quelques explications'.

    Ce sont les expressions litjb-, \>j)^^, kUI, c--. , U JL?,b yl, etc.

    Il y a huit manires de recevoir transmission du hadth.Nous n'en trouvons que quatre ou cinc^ dans notre texte

    ;

    nous allons les numrer. Le mode le plus relev est l'audi-tion 9-\^ de la bouche mme du matre. Le J^w qui arecueilli un hadth par audition a le droit d'employer les

    expressions: un tel nous a racont Lt-X:^, nous a appris \>j\^\

    ,

    nous a informs tU', nous a dit \J JLj, nous a mentionn

    U yi, ou j'ai entendu z^^^ ; cette dernire expression,d'aprs Al-Khatb lui-mme, est la plus releve. Elle estd'ailleurs ncessaire quand la tradition a t entendue parl'lve l'insu du matre; c'est le cas d'Abo Bakr al-Bir-kan, matre d'Al-Khatl) recevant les traditions d'Al-An-

    badoun\ L'expression U jTS s'applique mieux aux hadthrapports dans une conversation S^lju. Les expressions les

    1. Description de Damas, abrg traduit par Sauvaire {Journal asia-tique, 1895-1896).

    2. Ces renseignements sont tirs de l'excellente traduction du Taqrhde En-Nawaa-i, par M. William Marais. {Joitrnal asiatique, mars-avril 1901, p. 195 et seq.).

    3. M. W. Marals raconte, dans une note tire du Taqrib, la conver-sation qu'eut ce sujet Al-Birkan avec son matre (Op. cit., p. 196,note).

  • 28 INTRODUCTION

    moins releves sont : un tel a dit Jli, a mentionn ^, sans

    les complments J, ou 'd. Elles n'ont la valeur de l'auditionqu'autant que la rencontre du rw avec le matre est unfait connu de tous.La deuxime manire de recevoir transmission du hadtli

    est la rcitation \j nous avons rcit, ou bien Jl,' ji>-

    j'ai assist . Nous trouvons ensuite la licence SjUI, autori-

    sation donne l'lve de rapporter ce que lui a transmis

    le matre; elle est indique par les expressions 3JU-I Llj-b-

    ou U jla-l, ou encore li jU-l Ici : dans ce qu'il nous a donnlicence; on peut dire aussi et cette expression se trouveune fois dans notre texte dans ce qu'il nous a autoriss

    rapporter ltl et par legs i^j, ne se trouventpas dans notre texte, mais nous trouvons des exemples de

    transmission par invention S:>l>-j; les formules employes

    alors sont 4^ ijll5^t^ CjJ^j ou, si le rwi n'est pas srd'avoir entre les mains un recueil compos par tel ou tel

    personnage, ^ ^_$*-^J il m'est parvenu d'un tel, ^ Z^j^jMi ou >^ -lak "^^ ^^ j}'^^ ou ^\:

  • INTRODUCTION 29

    moins releves et les plus vagues est la formule je d'aprs

    qui ne vaut pas plus que ^ et Jli sans complment.Nous venons d'numrer en quelques lignes les formules

    en usage chez les traditionnistes pour assurer la transmis-sion des hadtli. Ces renseignements suffiront expliquerbeaucoup d'expressions usites par Al-Khatb au cours deson livre et dont il est difficile de saisir les nuances lorsqu'onn'est pas familiaris avec la littrature des traditions. Iln'est pas sans intrt, pour complter cette tude, de donnerquekjues dtails sur les sources d'Al-Khatib, c'est--diresur les traditionnistes dont il invoque le tmoignage.

    Al-Kliatib al-Bagddhi eut pour matre^ comme nousl'avons vu^ Abo Bakr al-Birkani. Cependant nous ne trou-vons 'pas le nom de ce dernier dans le texte cjne nouspublions. Les autorits dont notre auteur a reu directe-ment les traditions sont peu nombreuses. Nous citerons enpremire ligne 'AU ibn Ab 'Ali Al-Mou'addal at-Tanokhi,clbre Kdi n Basra en 327 de l'hgire, mort Bagddhen 384, et t[ui fut l'auteur du livre intitul: Al-Faradj bctdash-shidda. Cet auteur transmet les traditions ([u'il a reuesde Talhaibn Mouhammad i))n Dja'far, d'aprs Mouhammadibn Djarr, le clbre historien Tabari.Les deux autres autorits auxquelles Al-Khatib a recours

    pendant tout le cours de son livre sont Mouhammad ibn 'xVlal-Warrk et Al.imad iljn 'Ali al-Mouhtasib. Mais ceux-cine font que rapporter les traditions de ^^louhammad ibnDja'far an-Nahwi (le grammairien) qui les tient lui-mme dela bouche d'Al-Hasan ibn Mouhammad as-Sakoni qui les areues de Mouhammad ibn Khalf . Cet auteur est appel aussiWaki', et il est souvent cit par Al-Khatb sous ce seul nom ;le nombre des traditions qui lui sont attribues est consid-rable, en juger par les citations de notre auteur, qui oubliemme parfois de mentionner avant lui les traditionnistes quiont rapport ses paroles, mais lorsqu'il dit : a Mouhammad ibnKhalf a dit. . . , il est toujours sous-entendu que ces traditionsont t transmises par Al-Warrk et Al-Mouhtasib. Mou-hammad ibn Khalf tenait ses traditions de Mouhammad ibnMosa Al-Kasi qui les avait reues de Mouhammad ibnMosa al-Khowrizmi, connu sous 1^ surnom d'Al-Hsib(l'arithmticien). Ce dernier tait le clbre algbriste qui

  • 30 INTRODUCTION

    vivait Bagddh au temps d'Al-Minon et dont l'uvrefut connue au moyen ge en Occident, o le nom d'Al-Khowrizmi se trouva transform en Algorismus. Contem-porain de l'poque florissante du khalifat, il tait connucomme le dpositaire d'un grand nombre de traditions surles origines de la Cit de la paix. Aussi est-il souvent citpar Al-Kliatib, qui omet parfois les traditionnistes inter-mdiaires pour ne mentionner que les plus clbres, ainsidira-t-il : Alouhammad ibn Klialf dit, de la part d'Al-Khowrizmi. Ceux-ci taient les autorits ordinaires d'Al-Kliatib. Mais il cite beaucoup d'autres traditionnistes dontil tenait ses renseignements, tels sont Hibat Allah il)nMouhammad ibn Al-Housain ibn al-Fadl al-Kattn, pote ettraditionniste (418-498), 'Abd Allah ibn Dja'far ibn Dou-roustawaihi, le fameux grammairien, mort Bngddh en347, Abo 1-Ksim x\l-Azhari, Abo 'Abdallah Mouhammadibn Dod ibnal-Djarrh, vizir d'Al-Mou'tazz, mort en29G,Mouhammad ibn 'Amrn ibn Mous al-Marzobn et aussiun certain Khli, affranchi de Badr, page d'Al-Mou'tadid.Trois autres traditionnistes clbres taient Mouhammadibn Ahmad ibn Rizk al-Bazzz, Ibn ash-Sharwi et le kdIbrahim ibn Makhlad. Enfin le clbre imam Ahmad ibnHanbal al-Marwaz (104-241), fondateur de la secte hanba-lite, tait aussi un traditionniste respect ; nous trouvonssouvent son nom dans notre texte.Nous avons pass en revue les autorits les plus souvent

    cites dans Al-Khatib, mais il en est Ijeaucoup d'autres,nommes une fois ou deux seulement, et d'ailleurs Al-Khatib ne manque pas de recourir tous ceux dont il peuttirer (pielque renseignement ; c'est ainsi qu'il invoque letmoignage du prince des croyants Al-Kdir billah, rap-portant les paroles de sa grand'mre, pouse du khalife Al-Mouktadir, propos de l'ambassade de l'empereur deByzance.Maintenant que nous avons donn quelques indications

    sur la mthode employe par Al-Khatib dans le cours deson uvre, nous allons rsumer les donnes historiquescontenues dans l'introduction topographique, pour essayerde reconstituer grands traits l'histoire de la capitale 'ab-bside, depuis sa fondation jusqu' sa chute sous les coupsdes Mongols. Nous indiquerons en mme temps les princi-

  • INTRODUCTION 31

    paux vnements qui motivorent les transformations suc-

    cessives des quartiers de Bagddh, afin que ces documents

    coordonns nous fournissent un premier canevas pour une

    histoire mthodique de hi capitale de l'Empire arabe.

  • 32 INTRODUCTION

    IV

    Le Sawd d"Irk Jiyi :>l^- et le Systme hydrogra-phique DE LA BaBYLONIE d'APRS LES ArABES

    (( Quand on remarque sur l'iiorizon un de ces massifsd'arbres qui forment des oasis au milieu des plaines desable, on croit voir une longue tache noire sur un sol blan-chtre'. Telle est l'ide qui a conduit les Arabes adonnerle nom de Sawd * au cours infrieur du Tigre, la partiecentrale des deux provinces d"Irk.Le Sawd, c'est la terrecultive qui forme tache sur le sable jaune du dsert % c'estune fort que l'on aperoit dans le lointain, c'est la lunelorsqu'elle se cache derrire le soleil*, c'est aussi une bandede voyageurs, mais c'est en particulier la cte de l'Afriqueseptentrionale', le Rif ou partie basse de l'Egypte, fertilisepar le NP, et surtout les plaines de la Chalde et de laMsopotamie, que recouvre priodiquement le limon dpospar les inondations du Tigre et de l'Euphrate. On sait,dit Strabon', que l'Euphrate dborde chac[ue anne dans lespremiers jours de l't : la crue du fleuve, qui a commencavec le printemps et ds la fonte des neiges dans les mon-tagnes de l'Armnie, prend alors de telles prof)ortions queles campagnes seraient immanquablement converties en lacset submerges, si, l'aide de fosss et de canaux, on ne d-

    1. Becr, trad< De Slane : 24, 15 (^j^ j!l il^--") 2. Littralement : noirceur. C'est ainsi que les anciens gyptiens

    dsignaient leur pays. ^HJuie en copte thbain, x^hjuli en memphi-tique veulent dire la fois l'Egypte et l'adjectif noir . Cf. Lexicoiilingit copfic de Pej^ron, p. 66 et 270, et P. Casanova, Les Nomscoptes du Caire et localits voisines, p. 69.

    3. Dictionnaire biographique d'Ibn Kliallikn,trad. DeSlane, I, p. 547.4. Maodi : Prairies d'or, trad. Barbier de Meynard, III, p. 430.5. Becr : 48, 11, cit jmr Dozy : Supplment aux Dictionnaires

    arabes, p. 699.6. Makrz : Khitat, p. 96, 1. 28.7. Strabon : Gographie, livre XVI, 9.

  • Introduction 3o

    rivait ces eaux dbordes et ce trop-plein du fleuve, commeon fait en Egypte pour les dbordements du Nil. C'est cedanger (jui a donn naissance aux canaux de la Babylonie.Car, tandis que l'inondation du Nil est la condition mmede l'existence de l'I-^gypte, celle de l'Euphrateest un flaupour les riverains (pii ont toujours cherch(^ en attnuerlesefets'. Le Sa^^d n'en tire pas moins une grande feili-lit depuis les temps les plus reculs de riiistoire'.

    D'aprs Ykot', le Sawad s'tend en longueui' depuisAl-Haditha, prs deMausil, au nord, juscpr 'Abbdn, ausud; en largeur, depuis la rivire 'Oudliaib, 4 milles d'Al-Kdisyya, jusqu' Houhvan. Sa longueur mesure 160 para-sanges, dpassant de 35 parasanges la longueur de T'Irk,(jui n'est qu'une partie du Sawd, tandis (jue sa largeur,gale celle de l'Irak, est de 80 parasanges. Le Sawd estdonc peu prs la province (pie les Orientaux appelaientMsne ou Maisn, comme nous le rapporte Pline'', (|uil'identifie avec la Parapotamie des Grecs, traduction exacte de

    i.U-xll IjfT, nom de cette subdivision administrative chez

    les premiers khalifes 'abbasides. Nous retrouvons d'ailleursdans le grec .Mctvt, (Moisi) l'ich'e (pii est contenue dans le

    terme Sx> il

  • 34 LNTHODUCTlON

    par les rois de Perse o le cur de ririi j^f-'U' J-'

  • INTRODUCTION 35

    des rvukitions hydrographiques qu'a subies cette rgionautrefois, tant au point de vue de la direction des coursd'eau qu' celui de leur niveau'. En 1838, un bateau vapeur passait de TEuphrate Bagddh, sur le Tigre, ensuivant le canal Saklawyya, combl prsent. Depuis laconstruction des premires cartes maritimes anglaises, leShatt al-'Arab s'est rejet vers l'Est, se rapprochant del'ancienne bouche du Kron'.

    jMas'ody avait dj recherch les causes de ces change-ments. Dans son Kitb at-Tanbili, il s'exprime ainsi : a J'airapport dans mon Mmorial pour ([uelles causes le Tigrefut dtourn de son cours primitif, ce qui arriva du tempsde Khosrau Parwiz, roi de Perse; il coulait auparavant parDjerkhy : par ce changement, il submergea la prfecturede Tliartour, dans la contre de Kaskar, et d'autres lieux,en sorte (|ue ces lieux devinrent des marais, comme nousl'avons dj dit. On voit encore aujourd'hui 957 ap. J.-C),des vestiges trs distincts de l'ancien lit du fleuve, entreFoum-alsalh, lahendaf, Baderaya, Bakesaya et Apame del'Trk, jus(ju' Badhbin, Dabarbi, Kerkoub, Thab, Scha-barzan, Doumarkan, Nahardjoun et Madhar'.

    D'autre part, nous savons qu' Tpoque d'Ibn Srapion',le Tigre descendait Foum as-Salh 'ou Silh), de l Wsit,Nahr Bn, Dar al-'Oumml et Al-Katr, o il suivait lamme direction que l'Euphra te aujourd'hui jusqu' Kourna; cet endroit, il obliquait brusquement pour se diriger versla mer, sous le nom de Didjlat al-'A\vr.Nous n'essayerons pas de donner une description des deux

    cours du Tigre et de l'Euphrate. Il nous sutlira de renvoyerau texte d'Aboulfda', trs clair et trs prcis. Ibn Srapionle compltera dans les dtails.Mais il est un point sur le(juel nous nous appesanlirons,

    parce qu'il nous servira de canevas pour notre travail de

    1. Cf. E. Reclus : Gurjraphic unu-crscUc, IX, ji. 39(S et seq.2. CL E. lieclus : op. 'cit., p. 405 et 4u8.3. Nous prenons cette traduction dans le mmoire d

  • 6 INTRODUCTION

    reconstitution topograpliiciue de la capitale 'abhside. Nousvoulons parler des nombreux canaux naturels ou artilicielsqui forment un rseau inextricable travers l'troite bandede terre (jui spare l'Euplirate du Tigi'e, la hauteur deBagddh.

    L'origine de ces canaux remonte la plus haute anii(piit('.Les inscriptions babyloniennes nous font connatre les nomsde quelques-uns d'entre eux'. Alexandre le (Irand. compre-nant l'importance de ce systme d'irrigations, apporta tousses soins restaurer les anciens canaux et en ordonner denouveaux" . Strabon nous fournit d'importants renseigne-ments ce sujet et consacre plusieurs pages cette questionint'ressante

    .

    Nous donnerons une esquisse de ce rseau de canalisation l'poque d'Ibn Srapion 9U0ap.J.-C.u c'est--dire lorscpieles derniers canaux furent creuss. Al-Kliatib al -Bagddh ia d'ailleurs reproduit en grande partie le chapitre de sondevancier, concernant les canaux de Bagddh.L'Euphrate qui, depuis Ar-Rakka, coule dj dans une

    direction nord-ouest-sud-est, commence se rapprocher duTigre vers le 34 de latitude nord. Un peu au-dessous deHit, il fait brusquement un coude qui le porte une (juin-zaine de farsakhs du Tigre, hauteur de Dimmim. C'estde cette ville que se dtache le premier canal de communi-cation avec ce fleuve. Le Nahr Tsa part de Dimmim, tra-verse la plaine du Mou1un\wal et se jette dans le Tigreau-dessus de Bagddh. Un autre canal court paralllementau Nahr Tsa, c'est le Nahr Sarsar qui se jette dans le Tigreau-dessus d'Al-Madin. En aval du Nahr Sarsar, nous trou-vons le Nahr al-Malik et enhn le Nahr Koth qui se dversedans le Tigre prs de Dair al-'Akol fig. 1).Du ct du Tigre, nous trouvons des canaux une lati-

    tude beaucoup plus haute. Un grand canal court parall-lement au fleuve, sur sa rive gauche, depuis Dor, un peuen aval de Takrit, jus([u' Al-Moubarik, en amont de Famas-Silh. Ce canal change deux fois de nom. Appel Ktol

    1. Cf. Delattre : Les traraux /ij/draulii/ueti en Biibijlunic, et SU'eckDie Landsckaft Babi/lonicn, p. 24 et seq.

    2. Strabon, up. clL, XVI, 9.

  • INTRODUCTION 37

    la partie siiprieun^ de son cours, il prend, le nom deN. Tamarr, puis de N. an-Nahrawn. Plusieurs canauxrelient le N. Tamarr au Tigre, traversant la rive gauchede Bagddh. En amont de cette ville, le Nalir al-KIilis,parti de Badjisr sur le Tamarr, aboutit Baradn sur leTigre, en amont de Bagdadh. LeNalir Bin, parti galementdu Tamarr, aboutit Kahvdlia sur le Tigre, en aval de lacapitale. Du Nalir Bin se dtache le Nahr Ali, qui vient sejeter dans le Tigre aprs avoir sillonn Bagddh de ses nom-iDreuses ramifications. Enfin le Nahr Diyala, parti de Sha-dhirwnsur le Tamarr, traverse la plaine de Kalwdha etse dverse dans le Tigre un peu au-dessus du confluent duN. Sarsar avec ce fleuve.

    (Fig. 1

    D'apirs (iiiy Le Slran

    Sur la rive droite du Tigre, un canal descend aussi ])aral-llement au fleuve, le Nahr Doudjail (petit Tigre), cpii

  • 38 INTRODUCTION

    commence Al-Kdisyya et se termine Ar-Rashdyya.Arriv moiti chemin de sa course, il donne naissance auN. al-Battiy, qui vient se jeter dans le Tigre Bagddli,aprs avoir coup le Nahr 'Isa.La partie de la capitale situe sur la rive droite du Tigre

    est enferme dans un vaste triangle form par le Tigre, leKhandak Thir prolong par la partie suprieure du Nahras-Sarat et le Nahr Tsa. Le Khandak Thir arrte, dansleur course vers le Tigre, trois canaux qui partent duDoudjal. Il se dtache lui-mme de la rive gauclie du Nahras-Sart qui, parti du Nahr 'Isa^ dcrit une courbe endescendant vers le sud pour remonter se jeter dans le Tigre.Le Nahr "Isa, parti de TFAipln^ate, dcrit galement unegrande courbe avant de se jeter dans le fleuve. De la rivegauche du Nahr 'Isa se dtache le N. Karkhy, qui descendparalllement ce canal en donnant naissance un grandnombre de branches qui toutes se dirigent paralllementvers le Tigre. Les principales sont : le N. Abo 'Attl), leN. al-Bazzzn, le N. ad-Dadjdj et le N. Tbik.Notre triangle se trouve donc coup en deux par le N.as-

    Sart. Au nord de ce canal se trouvait la premire cit,Madinat al-Mansor, au sud s'tendait l'immense quartierde Karkh, mtropole commerciale considrable, vastemarch o aboutissaient les innombrables caravanes dontrOrient musulman tait sillonn, et dont les rues et lesbazars se serraient les uns contre les autres entre les maillesde cet cheveau form par les ramifications du Nahr Kar-khy ifig. 2).La rive gauche du Tigre j^euttre divise en deux grands

    quartiers: la Shammsyyaest sillonne par le Nahr as-Soret par le N. al-Mahdi, issus tous deux du Nahr al-Fadl etdu N. Dja'fari. Le quartier de Moukharrim est enserrentre les ramifications du Naln^ Mosa^ issu du Nahr Bn.Ces ramifications forment comme un ventail dont le boutonse trouverait en un lieu appel Maksam (partage des eaux).Les trois principales branches sont : le Nahr Mosa lui-mme, le Nahr Al-Mou'alla et un autre canal qui, parti duMaksam, vient se jeter dans le Tigre au palais du Tdj,aprs avoir travers le Kasr al-Hasani. Ce dernier canalforme la limite sud du Harim des khalifes 'abbsides, quiest en mme temps celle de la capitale mme.

  • -*v>.

    ^

    ,^.

  • 40 INTlODUCTIOX

    Nous avons reconstitu ce plan d'aprs les deux chapitresconsacrs aux canaux de Bagddh dans Ihn Srapion' . Nousaurions pu tout aussi bien nous servir du chapitre hydro-graphique d'Al-Khatib\ s'il et t plus clair. Les des-criptions des gographes (pii parleront de Bagddh nediffreront d'ailleurs que par les omissions (pi'ils aurontfaites sur le texte primitif.

    Les canaux dont nous venons de donner une numrationfurent creuss, pour la plupart, l'poque sassanide, et lesArabes les trouvrent en trs bon tat lors de leur arrivedans le Sawd. Mais il est juste de faire remarquer que,non seulement ils en comprirent l'immense utilit, mais ilsen .creusrent un grand nombre de nouveaux pendant lesrgnes des premiers 'Abbsides. Beaucoup de ces canauxtaient d'ailleurs assez larges et assez profonds pour servir la navigation marchande et ainsi facilitaient l'entre desmarchandises au cur du quartier de Karkh. Dans lescampagnes, ils s'affermaient pour l'irrigation des terres etdonnaient lieu une sorte de page. En revanche, ils livraientpassage au trop-plein de l'Kuphrate lors des inondations, etbien souvent le Karkh fut entirement inond.Les inondations taient un des flaux les plus frquents

    et les plus redouts Bagddh. L'an 654, la fin de l't,dit Rashd ed-din, on prouva une crue d'eau extraordi-naire; la ville de Bagddh fut tellement submerge, quel'tage suprieur des maisons se trouvait couvert et enti-rement cach par l'inondation. Le dbordement se prolongea,dans cette contre, l'espace de cinquante jours, et commenaalors diminuer. La moiti du territoire de T'Irk resta in-culte, et aujourd'hui encore le dbordement du rgne deMostasem est clbre chez les habitants de Bagddh. Aumilieu de cette catastrophe, des Djemris', des gens de la liedu peuple, des hommes ignobles, se livrant des actes au-

    1. Op. cit., pp. 21 et seq., et 277 et seq.2. Voir plus loin le texte arabe et la traduction franaise.

    3. "Le mot {^.S-, dont j'ignore l'origine, parat avoir dsign un

    homme turbulent. En effet, le pluriel adjmireh ^U-i est rest dansla langue persane o on le retrouve une poque bien postrieure collequi vit fleurir Rashid ed-din. Nous lisons dans la vie du Schah 'Abbas

    Note de Quatremre {Histoire des Monijols, p. 226). R. Dozy

  • INTRODUCTION 41

    dacicux et la \i(\QncQ, ari(''taient cluuiiK^ jour quelquespersonnes innocentes'. A cette pocjue, cependant, les Aral)es n'apportaient

    plus aucun soin Tcntretien de ces canaux, (|ui se comblaientles uns aprs les autres. Car nous pouvons sans tmritappli(iuer la capitale l'observation d'Al)oulfda sur lescanaux de Bassora : a Je tiens d'une personne digne de foi,dit-il, (ju'en ce moment- Bassora et les campagnes situessur le bord de ses canaux se trouvent dans un tat dplo-rable. Sur les vingt-quatre kyratlis de la contre, peineun kyrath est l'tat d'entretien'.

    {Siipplrineni nti.r DictioniKiircs arabes), rattaclie ce mot S ,?" boute-

    feu .

    1. Histoire des Mongols, traduction Quatremre, pp. 225 et 227.2. 721 hg. = 1321 J.-C.3. Aboulfda : Gographie, trad. Reinaud. II, p. 73.

  • 42 INTRODUCTION

    Les Arabes a Bagddh. Fondation de Madnatal-Mansor et du Karkii

    Lors(|ue les Arabes arrivrent dans le Sa\\d, un marchtrs frquent, un des centres les plus importants de transitentre l'Iran et la Syrie, existait Bagadta,sur le Tigre. Lacapitale de l'Empire sassanide se trouvait non loin de l, Madn. Nous ne retracerons pas l'admirable campagned"Omar dans T'Irk, campagne c{ui aboutit la prise et la destruction de Madn aprs la victoire de Kdisyya etse termina plus tard par la dcisive bataille de Nahwand.On trouvera le rcit de ces vnements dans Beladhor' etdans Tabari^ Aprs avoir fond Kofa et Basra, les Arabesne s'tablirent pas plus haut en Msopotamie, et le khalife'Omar se contenta de faire une rpartition quitable desterres du Sawd et d'organiser le systme d'impt sur cesterritoires \ Pendant tout le rgne des Omeyyades, le sigedu gouvernement resta Damas, mais les mtropoles der'Irk acquirent assez d'importance pour accueillir et propa-ger le ferment qui, venu du Khorsn, porta les 'Abbasidesau khalifat. La nouvelle dynastie, parvenue au pouvoir avecl'aide de la Perse, devait fonder sa capitale proximit decette contre. Elle y avait ses plus fermes appuis : elle tait,pour r'Irk, une dynastie nationale.Al-Hshimyya ne fut qu'une capitale provisoire.Al-Mansor, aprs s'tre dbarrass d'Abo Mouslim, le

    (( missionnaire S^call ^,.^1^ par excellence, fondateur in-

    conscient de la dynastie 'abbside, et d'Ibrahim qui s'taitrvolt Basra, songea srieusement tablir le sige deson gouvernement au centre de l'Irak. L'emplacement de

    1. Liber expugnationis i-egionum, p. 255-314.2. Annales, d. de Goeje, IV, 2208 et seq.3. Muir : The Caliphate, its rise, dcline and fall, p. 136-137.

  • INTRODUCTION 43

    Bagddh tait tout indiqu. Les gographes arabes ont faitremarquer la situation exceptionnelle de Bagddh au car-refour des routes qui conduisaient de Damas au Khorsn etde Mausil la Mecque. Les marchandises venant de Syrie etde Grce descendaient par eau jusqu'aux canaux du Karkh,Celles du Khorsn arrivaient par Hamadn et la rive gauchedu Tigre. Enfin le Sliatt al-'Arab jusqu' Basra et Sirfn'tait qu'un boulevard sillonn d'innombrables bateauxmarchands venant des Indes et d'Extrme-Orient. Les his-toriens arabes vantent galement l'extraordinaire puret del'air de ce district et la beaut du site. Ibn at-Tiktaka^ at-tribue ces deux qualits le choix de cet emplacement poury fonder la nouvelle capitale.Cependant, ces proccupations d'ordre commercial, le

    khalife devait en ajouter une autre : la Perse, peine con-quise, acceptait avec peine la nouvelle religion qu'on voulaitlui imposer, et surtout la domination d'trangers qu'elleavait toujours considrs avec un mpris vident. C'est auKhorsn qu'Abo Mouslim tait all recruter ses partisans,c'est prcisment cette contre qu'il importait de surveiller.D'autre j^art, le voisinage de Kofa, favorable aux Alides,tait un sujet d'inquitude pour la dynastie naissante. Ilfallait une capitale qui pt faire face l'ennemi^ de quelquect qu'il appart. Al-Mansor fit du Tigre une barrireentre lui et la Perse; l'Euplirate le spara de la Syrie;quant Kofa, elle tait tenue distance au del des ca-naux et des marais o se perdait le fleuve babylonien.Entoure de rivires de tous cts, Bagddh se trouvait dansune le, djazra .La ville primitive fut construite d'aprs les plans qu'avait

    imagins le khalife lui-mme. Elle tait ronde, entoure dedeux murs pais et solides et d'un foss profond. Une se-conde enceinte intrieure encerclait les difices particuliersdu monarque, isols au milieu d'une grande cour^ loin detoute habitation'. Les habitants taient d'ailleurs troite-ment tasss entre la premire et la seconde enceinte, le

    1. Al-Fakhri, d. H. Derenbourg, p. 218-219.2. Voir plus loin le texte d'Al-Kliatib : Lorsque les khalifes

    difirent leur palais de la rive orientale, ils prirent le mme soin des'isoler au milieu d'une vaste cour.

  • 44 INTRODUCTION

    Ban as-Soran \ Ils n'approchaient des btiments imp-riaux que pour se rendre le vendredi la grande inos(|ue,la Djmi' al-Mansor, contigur au palais du klialife. Cettecit est donc bien le modle du chteau-fort fodal, vedetteavance la frontire de l'Empire arabe.Aux quatre points cardinaux, Al-Mansor fit percer

    quatre portes, munies de hautes tours et de corps de garde,avec un belvdre pour observer la campagne. A ces portesaljOLitissaient les quatre routes principales qui venaient desconfins de l'Islam : porte de Basra, porte de Kofa, porte deSyrie (ou de Damas) et porte du Khorsn. Entre chacunedes portes, le mur extrieur tait flanqu de 28 tours".Cependant l'lment persan domina bientt dans les mar-

    chs de la ville d'Al-Mansor et causa une certaine effer-vescence parmi la population turbulente des ]:)azars. Aprsquelques sditions, promptement rprimes, le khalife,dcid se dbarrasser des bazars, ordonna la cration duKarkh. C'est ici que les historiens arabes, cherchant uneraison srieuse l'vacuation de Madnat al-Mansor,placent l'anecdote de l'ambassadeur grec". Vraie ou fausse,cette anecdote nous retrace exactement le calcul cjui dutnatre dans l'esprit du khalife.Les marchs furent donc transports hors des murs en

    157 de l'hgire et installs au sud de la ville, dans une si-tuation d'ailleurs avantageuse, achevai sur les canaux issusdu Karkhy, qui se dirigeaient paralllement vers le Tigre.Mais l encore nous retrouvons dans la disposition du fau-bourg l'esprit autoritaire et pointilleux du khalife 'abb-side. Les boutiques furent construites ses frais et d'aprsses plans; chaque corps de mtier se vit affecter une rueparticulire; les subdivisions furent places sous l'autoritd'oficiers de police nomms par lui, et il ne resta plus dansMadinat al-Mansor qu'un nombre de marchands stricte-ment limit pour subvenir aux besoins de la cour souve-raine.

    1. iJ'-J^' 0^-' ^*^ quartier fut habit longtemps aprs la disparition

    de Madnat al-Mansor. Cf. Ykot, I, p. 799.2. Voir plus loin, I, et Abol-Mahsin : An-Noudjonm (i:-Z(ilnrn,

    I, p. 377.

    3. Voir plus loin, III.

  • NTKODUCTiUX 4o

    Cette nouvelle disposition favorisa beaucoup le commercedel capitale. Le faubourg de Karkh prit rapidement unegrande extension. L'lment persan y domina do plus en})lus, au point (|ue le Kaikh fut connu bientt comme habituni(|uement par des >Slii'ites'. Ds lors, il fut le foyer oprirent naissance toutes les sditions (|ui, pendant la duredu klialifat 'abbaside, compromirent souvent le pouvoirsouverain et parvinrent mme quelquefois le sub-juguer.Le khalife al-]Mansor, sa capitale fonde, tit une large

    distribution de fiefs ses familiers et ses affranchis. Leterritoire de Madinat al-Mansor (la ])artie sise entre lesdeux murs, Baui as-Soraii) fut d'abord distribu; puis lesalentours de la ville, jusqu'au Khandak au nord, et jusqu'auNahr 'Isa au sud, passrent entre les mains des officiers, desadranchis et, en gnral, de quiconque approchait de prsou de loin le khalife. Les successeurs d'Al-Mansor sui-virent les mmes errements et, plus tard, la rive gauche duTigre se trouva partage, comme l'avait t la rive droite.Nous donnerons plus loin une liste des fiefs distribus surle territoire de Bagddh, jusqu' l'pocpie d'Al-Ya'koby.Al-^Lmsor, qui se trouvait l'troit au centre de sa

    capitale, paracheva son cinivre en levant pour lui-mmeun chteau sur le bord du Tigre, au milieu d'un grandjardin. C'est ce ])alais (pii fut appel Al-Khould.

    Al-Kliould fut la rsidence des khalifes 'abbsides jus(|u';il'poque d'Al-Mou'tamid-billah, (|uialla s'installer au palaisappel Kasr al-l.Iasani, sur la rive gauche du Tigre^ entreles annes 265 et 270'. Le khalife Al-Mahdi songea cepen-dant vacuer le palais (pa'avait construit son pre et s'tablir sur la rive gauche. Il fit lever les deux palais deRousfa et de Tsa-Bdh, qu'il habita tour tour. Mais ilfaut remar(|uer ([ue le premier de ces deux difices futconstruit du vivant d'Al-Mansor et que le second ne futqu'un sjour de plaisance. Il est un fait certain, c'est qu'Ar-Kashid ha1)ita toute sa vie le Khould, alors que la rivegauche tait entirement btie et ({ue le somptueux hteldes Barmakides s'levait sur l'autre bord du Tigre, juste en

    1. Ibid. et Ykol, IV. p. 2552. Voir plus loin, ^^

  • 46 Introduction

    face du palais du khalife. Cette rpugnance des 'Abbsides traverser le fleuve parait significative, si l'on se rappelleque la situation de Madnat al-Mansor, en arrire de cerempart, est due la proccupation de faire face unennemi venant du plateau iranien.

  • JSfTRODUCTIOX 47

    Premiers tablissements sur la rive gauche. Le SigeDE Bagddh sous Al-AmIn

    Ce fut encore une mesure de sret qu'obit Al-Mansorlorsqu'il dcida la cration du Rousfa. Les causes de cetvnement sont en eiet rapportes diffremment par leshistoriens arabes. Si les uns invoquent la ncessit de logerl'arme d'Al-Mahdi revenant de la campagne de Reyy,d'autres prtendent que la fondation du Rousafa est due une sdition qui avait clat dans l'arme campe sur la riveoccidentale. Toujours est-il que le Rousfa, l'origine, nefut qu'un camp, 'Askar al-Mahdi.Ce quartier, avec le palais et la mosque qu'y construisit

    Al-Mahd, tait situ un coude du Tigre, au-dessus duKlioukl. Il tait entour d'un mur d'enceinte et d'un foss'.Ce fut le noyau de la nouvelle ville. Prs de l s'levrent,beaucoup plus tard, les btiments rservs aux sultansBouyides. Autour du palais du Rousfa se grouprent ungrand nombre d'habitations de nobles et de riches commer-ants; Al-Mahd commena distribuer de nombreux fiefssur cette rive, mais les jardins en occupaient encore la plusgrande partie.Les rgnes d'Al-Mahd, d'Al-Hd et d'Ar-Rashid furent

    trs favorables la capitale, qui prit une grande extensionsur les deux rives. Les divers quartiers achevrent de seconstituer. Ils furent bientt arrts dans leur dveloppe-ment par un des vnements les plus considrables de l'his-toire du khalifat : le sige de Bagddh sous Al-Amin.Avant d'aborder l'histoire de cette lutte efroyable, dans

    laquelle sombrrent presque tous les quartiers de la rive

    1. Ibn al-Athr, VI, p. TY. j^ j^a^l J.) l^j ^ o^ ^

  • 48 INTRODUCTION

    droite, nous allons donner une esquisse du plan de Bagddh rpo(]ue d'Al-Amin '

    .

    La cit primitiN'e, Madinat al-MaiHor, (Hait (Micore in-tacte avec ses hautes nimaillcs et .ses (juatrc [)()i'tes. Mlletait entoure, l'est, |)ai' le Ka

  • Introduction 4
  • 50 INTRODUCTION

    finale de Tliir. Or, nous n'avons trouv aucune indicationprcise sur l'emplacement de cet difice, mais nous avonstout lieu de penser qu'il n'tait pas loign de la ported'Al-Anbr, puisque c'est l que fut le centre de la rsis-tance. Le Kounsa (dpotoir) tait situ, d'aprs Ya'koby \prs de Bartlui, dans le triangle form parle Nahr 'Isa, leNalir Karkliv et le Nahr al-Kilb, c'est--dire un peu ausud de la porte d'Al-Anbr. Si l'endroit appel Bb al Ke-nas dans Mas'odi est le mme que k; jardin de Thir, nouspouvons situer cet endroit le jardin. Il est vrai que letexte de Mas'odi, dont M. Barbier de ^Nleynard a donn

    la traduction que nous citons j)lus haut, porte i:\Z Il Jv'

    (^ .aILI! jj-Lioi ^U ^jj'^K

  • INTRODUCTION 5l

    s'embarqua nuitamment sur la berge de Bl) Kliorsn,pour se rendre au camp de Hartliama '

    .

    Pendant toute la dure de cette guerre, les ruines s'amon-cL'lcrent sur tous les points de Bagddh. Des quartiersentiers se trouvrent compltement ravags. La rive occi-dentale eut beaucoup souffrir, surtout les quartiers dunord et de l'ouest. En revanche, il ne semble pas que le(juartier de Karkli ait beaucoup ressenti les effets de cettecommotion. Quant la rive orientale, elle fut dtruite enpartie. Le dbut du rgne d'Al-Mmon fut d'ailleursassez funeste la capitale. Quelques annes aprs les vne-ments que nous venons de raconter, une rvolte clata Bagdadli, la suite de l'adoption par Al-]sImon de l'ImamRida comme hriter prsomptif du klialifat.Les Sunnites de Bagddh lurent comme khalife le prince

    musicien Ibrahim, hls d'Al-Mahdi, surnomm Ibn Shikla'.Ce fut encore une re de rvolutions pour la capitale. Denombreux incendies furent allums sur plusieurs pointsde la ville. Au rapport de Kodama, les bureaux du gou-vernement disparurent dans cette tourmente (203-204 del'hgire)'.

    1. Mas'odi : VI, p. 477.2. Cf. Barbier de leynai-d : Ibrahiiii. Jils de Mciidi, p. 31 et seq.3. Extrait de Codaina, tnid. de Slaiie {JouriKil asiatique, XX,

    p. 163).

  • 52 INTHODUCTIOIsf

    Le Palais du Khalifat, iiMi-l jb

    Ibn Taifor, dans son Kitb BagdcUi, dit qu'Al-M-mon entra dfinitivement Bagddli vers le milieu dumois de Raln' al-aw\val de l'anne ^04 et passa par la portede Khorsan'. Il est question ici, bien entendu, de la portequi donnait entre au quartier de Sliammsyya sur la rivegauche, et non de la porte du mme nom Aladinat al-Mansour. Il se rendit d'abord au Rousfa, o il descendit".Puis il donna l'ordre Thir et ses compagnons d'habiterla Khaizouranyya\ Il continua lui-mme habiter le Rou-sfa jusqu' ce que fut termin un palais (ju'il avait faitconstruire sur la rive du Tigre, dans le jardin aj^pelBoustn Mosa, ct du palais qu'il y possdait dj'.A cet endroit, en effet, se trouvait sous Ar-Rashd le

    palais de Dja'far ibn Yahya ibn Khlid. ibn Barmak . Aprsla chute des Barmakides, les nombreuses proprits cpiepossdait cette famille illustre furent confisques et le pa-lais de Dja'far passa ainsi entre les mains d'Al-Mmon.On l'appelait Ad-dr ash-Shtyya, la maison riveraine^ cause de sa situation sur la berge du fleuve. Al-Mmon,rentr Bagddh, agrandit ce palais d'une partie de laplaine environnante. Il y fit un hippodrome servant lafois l'quitation et au jeu de mail, et un enclos pour lesbtes sauvages \ Ces renseignements, qui nous sont donns

    1. Hans Keller : Das Kitdh Bagdad ron Abu 'l-Faill A/i/iiadibn Abi

    Jliir Taifr, p. A .

    2. I. Taifor, p. X"

    3. I. Taifor, p. 1 .

    4. I. Taifor, p. o .

    5* Ykot, I, p. A Y

    .

  • INTRODUCTION 53

    par Ykot, s'accordent bien avec ce passage d'Ibn Tafor :(( J'tais un soir auprs d'Al-Fadl ibnRabi', au temps d'Al-Mmon, alors qu'il tait dans son belvdre donnant surl'hippodrome et cela, dans la maison o Al-Mmonl'avait transfr, et c'est la maison d'Al-'Abbs, son fils\

    (( Al-AImon, dit Ykot', fit ouvrir une porte l'Orient, du ct de la plaine, fit couler dans les nouveauxbtiments un canal venant du Nahr }^Iou'alla et construisitdes btiments pour ses familiers et ses compagnons,

    c'est maintenant la Sliri' al-A'dham Jh-c^i^ j-jl^!) ; il

    y tablit ensuite Al-Fadl et Al-Hasan, les deux fils de Sahl.Quant lui, il quitta le Rousfa pour reprendre l'anciennehabitation de son pre et de son frre, le Khould.Al-Hasan ibn Sahl, vizir d'Al-Mmon, ayant accord sa

    fille Born en mariage son matre, prpara pour les nocesle palais Cju'il habitait lui-mme et qui tait situ vis--vis le Khould. Les historiens arabes nous ont donn desrcits fantastiques des ftes et des rjouissances cjui eurentlieu Fam as-Silh et Bagddh l'occasion de ces noceskhalifales^ Al-AImon et Born continurent habiterle Kasr al-Khould et Al-Hasan, beau-pre du khalife, de-manda ce dernier la possession de la Dr ash-Shtyya,qui lui fut accorde. Ce palais, appel auparavant Al-Kasral-AImon, prit alors le nom d'Al-Kasr al-Hasan. Aprsla mort d'Al-Hasan, le chteau resta sa fille Born jus-cju'au temps d'Al-Mou'tamid qui le lui demanda'. Born,avant de livrer le palais au khalife^ le fit restaurer et am-nager luxueusement. Al-Mou'tamid y entra ensuite etcontinua l'habiter jusqu' sa mort en 279, en alternantavec Samarra. Al-Mou'tadid billah, son successeur, habitale mme palais, mais en y levant de nombreuses construc-tions adjacentes. Il empita encore sur la plaine environ-nante, construisit un mur d'enceinte pour enclore lesbtiments impriaux et jeta les fondements d'un nouvel di-

    1. I. Taifor, p. ST.

    2. I, p. A- Y.

    3. Cf. Mas'od, Prairies d'or, VII, p. 65.

    4. Voyez plus loin, texte arabe, p. lA

  • 54 INTRODUCTION

    lice appel le Tdj (la mitre. Ayant vu la fnme s'leverjusqu'au chteau, dit Yakot', il en fut contrari et fitconstruire environ 2 milles de l l'difice appel Atli-Thourayy (les Pliades); il le relia au Kasr al-Hasani pardes portiques vots U-lj', afin d'y laisser circuler ses ser-

    vantes et ses femmes, et cela resta dans cet tat jusqu' lapremire inondation; la trace en est efface.

    Al-Mouktafi l)illali ordonna l'achvement du Tdj avecles dbris du Kasr al-Kmil et du Kasr al-Abiad. Ce palaistait celui de ^Nfadhi o se trouvait le fameux Iwn deChosros. Avec les crneaux et les murs de ce Kasr on htla digue du Tdj, qui s'avanait au milieu du lit du Tigre.Ce contraste frappa vivement les contemporains qui consi-gnrent dans leurs crits et dans leurs posies ce revire-ment des choses. Ykot rapporte ces paroles d'Abo 'AbdAllah an-Nakari': a Certes, il y a dans ce que nous voyonsun enseignement : nous renversons les crneaux du Kasral-Abiad et nous en faisons la digue du Tdj ; nous dtrui-sons ses bases, puis nous en faisons les crneaux d'un autrepalais. Louange donc celui cpii tient en sa main toutechose, mme la brique . Parmi les difices que l'on construisit autour du Tdj,

    Ykot mentionne la coupole de l'ne, Koubbat al-Himr,appele ain