Cahiers n 156 L Economie en Mode Actif 01

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leLconomie en mode actifN 156 - septembre 2010 trimestriel - 18 ISSN 0153-6184

www.iau-idf.fr

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PUBLICATION CRE EN 1964

Composition du conseil dadministration de lIAU dF - 01/10/10Prsident M. Jean-Paul HUCHON Prsident du conseil rgional [email protected] [email protected] [email protected] [email protected] [email protected] [email protected]

Directeur de la publication Franois DUGENY Directrice de la communication Corinne GUILLEMOT (01 77 49 76 16) Responsable des ditions Frdric THEUL (01 77 49 78 83) Rdactrice en chef Sophie MARIOTTE (01 77 49 75 28) Coordinateurs Pascale LEROI (01 77 49 78 10) Odile SOULARD (01 77 49 79 93) Avec lappui de Martin HERVOUT (01 77 49 75 09) Secrtaire de rdaction Agns FERNANDEZ Contact presse 01 77 49 79 05 - 01 77 49 78 94 Fabrication Sylvie COULOMB (01 77 49 79 43) Maquette, illustrations Agns CHARLES (01 77 49 79 46) Cartographie Pascale GUERY (01 77 49 77 17) Jean-Eudes TILLOY (01 77 49 75 11) Notes de lecture Christine ALMANZOR (01 77 49 79 20) Linda GALLET (01 77 49 79 63) Martin HERVOUT (01 77 49 75 09) Anne-Marie ROMRA (01 77 49 76 77) Mdiathque photothque Claire GALOPIN (01 77 49 75 34) Aurlie LACOUCHIE (01 77 49 75 18) Impression Point 44 Couverture Photo : Paul Taylor/Getty Images Crdits photographiques p. 1: Jean-Luc Comier/le bar Floral photographie/Rgion dF p. 2: Christian Laut ISSN 0153-6184 [email protected] [email protected] [email protected] [email protected] [email protected] [email protected] [email protected] [email protected] [email protected] [email protected]

Bureau1er vice-prsident M. Daniel CANEPA Prfet de la rgion dle-de-France, prfet de Paris 2e vice-prsident M. Jean-Claude BOUCHERAT Prsident du conseil conomique et social rgional dle-de-France 3e vice-prsidente Mme Mireille FERRI, conseillre rgionale

Trsorier : Mme Franoise DESCAMPS-CROSNIER Secrtaire : M. Franois LABROILLE

Conseillers rgionaux

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Diffusion, vente et abonnement : Olivier LANGE (01 77 49 79 38)

France Le numro : 18 30 Le numro double : Abonnement pour 4 numros : 72 (tudiants, photocopie carte de lanne en cours, tarif 2009) : 50

[email protected] tranger 20 32 84

IAU le-de-France Tous droits de reproduction, de traduction et dadaptation rservs. Les copies, reproductions, citations intgrales ou partielles, pour utilisation autre que strictement prive et individuelle, sont illicites sans autorisation formelle de lauteur ou de lditeur. La contrefaon sera sanctionne par les articles 425 et suivants du code pnal (loi du 11-3-1957, art. 40 et 41). Dpt lgal : 3e trimestre 2010

Titulaires : Jean-Philippe DAVIAUD Christine REVAULT dALLONNES Franoise DESCAMPS-CROSNIER Muriel GUNOUX Jean-Luc LAURENT Franois LABROILLE Alain AMDRO Mireille FERRI Claire MONOD Pierre-Yves BOURNAZEL Jean-Pierre SPILBAUER Denis GABRIEL Franois DUROVRAY

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eTitulaires : M. Michel LANGLOIS M. Pierre MOULI

FrM. Jean-Claude BOUCHERAT

Le prsident du conseil conomique et social rgional Deux membres du conseil conomique et social rgionalSupplants : M. Jean-Pierre HUBERT Mme Nicole SMADJA

Sur place : Librairie LE-DE-FRANCE, accueil IAU - 15, rue Falguire, Paris 15e (01 77 49 77 40) Par correspondance : INSTITUT DAMNAGEMENT ET DURBANISME DE LA RGION DLE-DE-FRANCE 15, rue Falguire - 75740 Paris Cedex 15 Abonnement et vente au numro : http://www.iau-idf.fr

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Quatre reprsentants de ltatM. Daniel CANEPA, prfet de la Rgion dle-de-France, prfet de Paris ; Mme Sylvie MARCHAND, directrice rgionale de lInsee, reprsentant le ministre charg du Budget ; M. Jean-Claude RUYSSCHAERT, reprsentant du ministre charg de lUrbanisme ; Monsieur le reprsentant du ministre charg des Transports : N.

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Bulletin dabonnement annuelSouhaite sabonner pour un an (3 numros + 1 numro double) aux Cahiers de lIAU le-de-France Nom Organisme Adresse Code postal Pays Ml.

Quatre membres fondateursLe gouverneur de la Banque de France, reprsent par M. Bernard TEDESCO ; Le directeur gnral de la Caisse des dpts et consignations, reprsent par M. Patrick FRANOIS, directeur interrgional ; Le gouverneur du Crdit foncier de France, reprsent par M. Florent LEGUY ; Le prsident du directoire du Crdit de lquipement des PME reprsent par M. Christian FOURNET.

Localit

Tarifs abonnementFrance : 72 tranger : 84 tudiant : 50 (photocopie de la carte de lanne en cours)

Le prsident de la chambre de commerce et dindustrie de Paris,reprsent par Mme Valrie AILLAUD

Commande danciens numrosFrance : 18 n d. : 30 tranger : 20 n d. : 32 N 155 - Scurit N 154 - Maroc (n double) N 153 - Bassin parisien France : 36 tranger : 38

ceSupplants : Judith SHAN Aurore GILLMANN Halima JEMNI Daniel GURIN ric COQUEREL Marie-Jos CAYZAC Thibaud GUILLEMET Marc LIPINSKI Jean MALLET Frdric VALLETOUX Martine PARESYS Sophie DESCHIENS Patrick KARAM

ditorialLle-de-France, terre dinnovation au service de la croissance et des emploisFace la crise financire, conomique et sociale mondiale, lle-de-France a maintenu le cap plus que dautres mtropoles denvergure internationale, bnficiant des points forts que constituent la diversit de son tissu conomique, lexcellence de ses formations et la qualit de sa main duvre. La crise na toutefois pas encore produit tous ses effets et risque de peser sur les entreprises et sur lemploi, notamment sur la partie la plus fragile de la population. Conscient de ces enjeux, le conseil rgional dle-de-France a cr ds 2009 des outils dintervention permettant daider les entreprises maintenir leur activit et de soutenir le dveloppement conomique francilien. Il simplique en particulier avec ltat et les partenaires sociaux pour scuriser les parcours professionnels dans les secteurs les plus touchs par la crise (automobile, btiment, industrie technique du cinma, industries graphiques, ) et sur les territoires les plus affects. Cest dans ce contexte conomique que la Rgion souhaite dfinir une Stratgie rgionale de dveloppement conomique et de linnovation (SRDEI). Lance en septembre 2010 et couvrant la priode 2011-2014, elle est labore en partenariat avec lensemble des acteurs socioconomiques franciliens pour valoriser les atouts de lle-de-France et dvelopper son rayonnement international et son attractivit. Sarticulant avec la Stratgie rgionale de linnovation (SRI) et le Schma directeur rgional de lle-de-France (Sdrif), la SRDEI donne une place centrale la conversion cologique et sociale permettant une croissance durable et cratrice demplois haute qualit sociale, au service de tous les Franciliennes et Franciliens. Ce numro des Cahiers est consacr aux secteurs porteurs de lconomie francilienne : lconomie de la connaissance, lconomie verte et lconomie de services. Il cherche identifier les enjeux et les pratiques permettant desquisser les grandes lignes de lconomie de demain.

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Jean-Paul Huchon Prsident du conseil rgional dle-de-France Prsident du Syndicat des transports dle-de-France Prsident de lIAU le-de-France

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Avant-proposLle-de-France, une conomie en mouvementDepuis deux ans, les mtropoles mondiales sont toutes confrontes la crise financire et conomique. Au-del des effets conjoncturels affectant fortement lemploi et la production, lampleur de cet vnement amne la comptitivit des mtropoles et leur dynamisme interne se repositionner. Dans ce contexte, lIAU le-de-France a t sollicit pour analyser les forces et faiblesses conomiques du territoire francilien, la faon dont les dynamiques conomiques sy inscrivent, les mutations engages ou en filigrane traduisant les logiques dacteurs, les pistes ouvertes par les expriences trangres.

Le XXIe sicle ouvre une re de mutations auxquelles les collectivits et les entreprises doivent sadapter, une socit o lexcellence, la crativit, linnovation, mais aussi les modes de consommation voluent. En tmoigne le nouvel indicateur de vitalit conomique en le-de-France, plus reprsentatif du dveloppement conomique dans toutes ses dimensions que le PIB. Lenvironnement mtropolitain devra, lui aussi, sadapter aux organisations en rseaux : la valorisation des potentialits scientifiques et industrielles franciliennes ncessite une plus grande coopration entre les acteurs de lconomie, notamment sur un mme territoire. Les actions en faveur des activits innovantes spcialises sont ainsi concevoir aux chelles infra-rgionale, rgionale et supra-rgionale. Pour tracer ces perspectives, ce numro des Cahiers veut donner un clairage sur les nouvelles stratgies conomiques et aider identifier les leviers susceptibles de crer les opportunits pour une mtropole performante et durable. Franois Dugeny Directeur gnral de lIAU le-de-France

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Dynamique de lemploi, qualit de la main duvre, importance du bassin de consommation, domination des services, internationalisation et financiarisation autant d invariants qui structurent le dveloppement de lconomie de lle-de-France. Comment la mtropole de demain fera-telle face aux cycles, aux ruptures, aux nouveaux modles conomiques ? Des signaux sont perceptibles. Annoncent-ils des inflexions dans les modles conomiques de dveloppement, des champs dactivits prometteurs partir desquels renouveler les stratgies franciliennes, de nouvelles perspectives demplois et dorganisation du travail ? Premire rgion dEurope pour laccueil des siges de grandes entreprises, seconde rgion mondiale aprs Bruxelles pour laccueil des organisations internationales, lle-de-France voit natre de nouvelles perspectives bases sur lconomie mtropolitaine du savoir, de la recherche, de linnovation et de la crativit, bases galement sur lconomie verte et ses nouveaux mtiers, et sur lconomie de services, notamment sociale et solidaire.

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Sommaireditorial : Lle-de-France, terre dinnovation au service de la croissance et des emploisJean-Paul Huchon......................

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AgirLes industries cratives : un cluster stratgiqueCarine Camors, Odile Soulard . . . . . . . . .

Avant-propos : Lle-de-France, une conomie en mouvementFranois Dugeny . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Prologue : Lconomie en mode actifAnne-Marie Romra....................

Cap Digital la conqute de nouveaux marchsInterview de Patrick Cocquet.........

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Les nergies renouvelables, relais de croissance pour lindustrieThierry Petit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Interview de Stphane Biscaglia . . . . . . .

Artisans et PME du btiment sur la nouvelle scne nergtiqueNadine Roudil........................

Construction durable : lartisanat renforce ses atoutsInterview de Dominique Mtayer

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Vers une seconde gnration du commerce lectronique ?

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Carole Delaporte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Lconomie sociale et solidaire : un modle alternatif ?Interview de Daniel Rault

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Les smart grids, rseaux du futur ?

AnticiperInnover, cest changer en restant soi-mmeInterview de Marc Giget..............

ce60Quel renouveau industriel en le-de-France ?Interview de Christine Balian et Eugnie Le Qur . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Quels modles de croissance pour demain ?Interview de Olivier Passet

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Comprendre

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Lindicateur de vitalit conomique : mesurer autrementSarah Audras-Marcy, Carine Camors . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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6Les Visiau Web : une vision interactive du territoire francilienFrdric Prvost

Lle-de-France et la crise actuelle, perspectives de sortie

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Favoriser les cooprations pour une mtropole plus performanteDenis Carr...........................

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Vincent Lidsky, Michel Ruffin

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9Une attractivit de rseauxDenis Tersen

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Une lgitimit nouvelle pour laction publique

conomie de la fonctionnalit, un dveloppement plus durableChristian du Tertre....................

Interview de Jean-Paul Planchou

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Visiter pour valoriserInterview de Luc Fauchois . . . . . . . . . . . . .

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le-de-France : prte rebondir ?Anne-Marie Romra . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Les Science Cities, nouvelles formes urbaines de linnovation ?Laurent Perrin, Odile Soulard.........

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Dynamiques et potentialits des territoires franciliensPascale Guery, Pascale Leroi . . . . . . . . . . .

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Lieux de lconomie, la fabrique mtropolitaine en questionMartine Liotard.......................

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La crativit locale rajuste le march du travailPascale Leroi, Laure Thvenot.........

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Ressources lire..................................

Mouvements demplois : le poids des mobiles immobiliersRenaud Diziain........................

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PrologueLes Cahiers de lIAU dF n 156 - septembre 2010

Lconomie en mode actif

Lconomie en mode actifSur fond de crises qui senchanent, il est difficile de savoir quels seront les atouts de lconomie de demain. Les voir et se les approprier reste dlicat, dautant plus que les discours alarmistes masquent parfois les signaux positifs de changement. Et si, finalement, lconomie ntait que la rsultante complexe dune situation de confiance, dacceptation du risque, de recherche dinnovation, largement construite par les relations sociales ? sinterrogeaient Michel Berry et Christophe Deshayes dans la revue Problmes conomiques du mois de mai 2010. Notre plus grande faiblesse ne rsiderait-elle pas dans le manque de confiance : manque de confiance en nos capacits, manque de confiance les uns envers les autres, manque de confiance en notre futur ? Ce numro des Cahiers regarde dlibrment et positivement vers lavenir. Esprons quil donnera des axes de rflexion et fera natre des initiatives cratives chez les acteurs de lamnagement et du dveloppement conomique. changer et tisser des liens Ce Cahiers nous rappelle que linnovation nest pas un objectif en soi mais un moyen damliorer la condition humaine et la qualit de vie, les relations entre les hommes, la vie dans la cit, la relation la nature Pour se mettre en condition de synthse crative , de proximit organise , il nous manque des passeurs. Scouter et apprendre les uns des autres, entre disciplines ou secteurs dactivits, entre grands groupes et PME, en dfrichant dans le secteur social avant de consolider un march nous rserverait encore bien des marges de progrs.

Aller de lavant, prendre des risques, entreprendre Le potentiel rgional est considrable, y compris sur des champs que nous avons peu investis jusqu prsent comme celui des nergies renouvelables. En profitant du climat favorable une refondation de lconomie sur des bases plus cologiques, il serait temps de mobiliser les acteurs industriels qui disposent de fortes comptences, dans le photovoltaque par exemple. Dautant que le bassin de consommation et les capacits de test en grandeur nature constituent aussi une force. Lacceptabilit sociale face linnovation est dailleurs plus dveloppe en le-de-France et on observe mme quelquefois un dcalage, comme pour le e-commerce, entre les pratiques relles et une offre encore hsitante. Souvrir aux autres et donner envie dtre ici Certaines grandes villes savent se montrer attirantes pour la jeunesse, les talents Un dtour par Helsinki laisse transparatre, derrire limage de ville-nature accueillante, une stratgie des pouvoirs publics Les modes de production urbaine de notre fabrique mtropolitaine sont remettre en question pour accompagner et rguler des dynamiques conomiques puissantes. Et pourquoi ne pas donner plus dampleur aux visites dentreprises qui offrent des parcours passionnants, renouvelant une attractivit touristique parfois par trop passiste ? Prendre de nouveaux paris, aller vers les autres, se forger une image attirante pour les inventeurs comme pour les esthtes pourrait constituer un choix de sortie de crise. Quel quen soit le scnario parmi les possibilits ouvertes lle-de-France, lingrdient de la confiance est notre porte.

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Anne-Marie Romra IAU le-de-France

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Les grandes ruptures comme la mondialisation, lapport des technologies, les dfis nergtique et climatique, lexplosion des mobilits interrogent le modle des conomies contemporaines. La crise actuelle nous rappelle que le rgime de croissance intensive parat de moins en moins soutenable. Des modles dconomie plus durable, plus fonctionnelle, axe sur la connaissance et surtout plus humaine entrent en scne. Les mtropoles en sont un lieu dmergence privilgi. Quen est-il en le-de-France ? La question se pose dautant plus que la rgion occupe une place centrale dans lconomie franaise. Elle est structure par des invariants : ouverture internationale, qualit de la main duvre, importance du bassin de consommation, diversit du tissu productif, poids des fonctions stratgiques. Mais des prmisses de changements apparaissent. De relles opportunits se dessinent. Prendre en compte ces signaux faibles, ouvrir la rflexion sur les outils mettre en uvre, comprendre les dynamiques de localisation des emplois et les stratgies des acteurs conomiques, de la petite entreprise au grand groupe international, intgrer la diversit des comptences des Franciliens sont indispensables pour accompagner ce changement de trajectoire.

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Comprendre

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ComprendreLes Cahiers de lIAU dF n 156 - septembre 2010

Lconomie en mode actif

Quels modles de croissance pour demain ?Les Cahiers Quel bilan tirez-vous de la crise actuelle ? Olivier Passet Contrairement aux ides reues sur les crises qui seraient facteurs de destruction cratrice , la crise actuelle ne signe pas lcroulement du rgime de croissance intensive, mme si ce rgime apparat de moins en moins soutenable. Plus le temps passe, et plus il faut bien admettre que lon ne voit pas merger de nouveau modle rompant radicalement avec lancien. Comme le soulignait le rcent rapport Cohen(1), il semble plutt que la crise valide des phnomnes qui taient dj luvre : le passage progressif dune conomie industrielle polluante vers une conomie servicielle dcarbone ; dune hyperconsommation de masse vers une consommation plus individualise, immatrielle et slective ; dune conomie domine par les pays dvelopps vers une croissance mondiale dsormais tire par les pays mergents. Ce constat conduit adopter une dmarche plus prudente consistant se demander : quelles sont les contraintes qui psent sur le systme, et comment ces contraintes lamnentelles se transformer ? Cela ncessite tout dabord de bien distinguer les diffrentes dimensions de la crise, et les enjeux daction publique qui y sont associs : - une crise bancaire, consquence de la surexposition des banques au crdit hypothcaire (les subprimes). Lenjeu principal est celui de la rglementation du systme financier : renforcement des normes prudentielles, remise plat des questions dinformation, de notation et de surveillance, adoption de rformes incrmentales afin dadapter les institutions ; - une crise de financement mondial, cause par la monte de dsquilibres financiers non soutenables, notamment le financement de la surconsommation des tats-Unis par des pays mergents surexportateurs (Chine, Brsil) qui accumulent des montagnes de rserves de change et dpargne. Ces dsquilibres appellent un renforcement de la gouvernance mondiale et une meilleure coordination des politiques macroconomiques ; - une crise de rpartition des richesses avec une monte des ingalits, entre pays comme au sein des pays. Le phnomne le plus marquant est sans doute le dcrochage de la fraction des plus hauts revenus par rapport des classes moyennes qui tendent se paupriser. La rduction des ingalits ncessite une rpartition plus quitable entre salaires et profits. Ceci passe par une rforme de la gouvernance dentreprise dans un sens plus partenarial, sur le modle de la production en quipe : renforcement des formes dintressement et du pouvoir de gestion des salaris, prise en compte de leurs intrts dans les choix stratgiques de lentreprise un niveau suprieur, rendre le capitalisme plus quitable passe aussi par une rnovation de ltat social. Son rle ne doit pas se cantonner ses fonctions protectrices et redistributrices via la fiscalit, il doit mettre davantage laccent sur des politiques sociales actives et sur le dveloppement du capital humain et des capabilits (2) ; - une crise environnementale, qui est une crise daccumulation et de surchauffe des matires premires. Autrement dit, la pression croissante sur les ressources environnementales est intrinsquement lie au rgime fordiste daccumulation intensive et de consommation de masse, fond sur la surexploitation de ressources agricoles, nergtiques et minires qui ne sont disponibles quen quantit limite. Les enjeux de rgulation passent par le renforcement des instruments de politique environnementale : permis et taxes, normes et rglementations. L. C. Daprs les analyses menes au CAS, quelles sont les voies de sortie possibles ? O. P. Trois scnarios peuvent tre envisags : - un scnario qui croise empilement cumulatif des dettes publiques et hausse des taux dintrt. Un tel scnario conduirait une rcession carabine pendant 10 ans, sur le modle de la crise des annes 1980 ; - un scnario la japonaise, dit de la trappe liquidit . Cest le spectre de la dflation : la baisse des taux dintrt nagit plus sur lactivit car les anticipations de baisse des prix conduisent les entreprises renoncer leurs investissements productifs. Cest le scnario qua connu le Japon dans les annes 1990, la fameuse dcennie perdue ; - et enfin, la voie troite , quil nous faut parvenir suivre en Europe : inflation lgre et dsendettement graduel. Cela suppose un subtil policy mix combinant une politique(1) COHEN Daniel (dir.), Sortie de crise. Vers lmergence de nouveaux modles de croissance ?, Rapport du CAS, Paris, La Documentation franaise, dcembre 2009. (2) SEN Amartya, Development as freedom, Oxford, Oxford University Press, 1999.

Olivier Passet est conomiste. Il est, depuis mars 2006, chef du dpartement des affaires conomiques et financires du Centre danalyse stratgique (CAS). Il a t prcdemment chef du service conomique, financier et international du Commissariat gnral au plan. Ses travaux portent sur la rgulation des marchs du travail, la dmographie dentreprise et le financement de lconomie. Auditionn lors dun club Fnau (cf. encadr), Olivier Passet a prsent les rcents travaux du CAS, qui clairent les transformations de lconomie et posent la question des nouveaux modles de croissance. Plusieurs axes de rflexion parallles ont t voqus : lmergence de nouveaux modles ; la croissance potentielle en France et en Europe, moyen et long terme, et les risques qui psent sur elle ; la dynamique de dette, la soutenabilit des finances publiques, qui contraint fortement nos conomies pour les 10-15 annes venir ; lconomie verte et la porte des transformations de lconomie (quels emplois, quels secteurs impacts demain ?).

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Interview

T. Marro/CAS

L. C. Certains experts pointent le manque de rsilience de la France, qui conduirait une crise moins profonde mais plus longue. Selon vous, quels sont nos atouts dans la crise ? O. P. La France et lEurope en gnral ont encore de nombreux atouts faire valoir. Le taux de change de leuro par rapport au dollar revient sa parit de pouvoir dachat, ce qui devrait aider les PME exportatrices, pnalises ces dernires annes par un euro trop fort. Les dsquilibres financiers des agents privs, notamment le taux dendettement des mnages, sont beaucoup moins forts en France quaux tats-Unis. Nous sommes galement dans une vague majeure dinnovations qui portent un norme potentiel de dveloppement technologique. Nous sommes dj entrs dans la phase de synthse crative , o les technologies issues de divers champs scientifiques (biotechnologies, nanotechnologies, NTIC) sagencent entre elles pour former des produits innovants rpondant de nouveaux besoins sociaux, mdicaux, environnementaux(3). Tout est devant nous si nous parvenons maintenir le cap de linnovation. De mme, lEurope a encore de nombreux atouts dans la course mondiale aux comptences rares que mnent les tats et les grands groupes entre eux. Les entreprises europennes ont globalement une bonne structure financire : elles ne sont pas surendettes et ont un bon niveau de fonds propres, contrairement la crise de 2000. Enfin, le risque dune crise gnralise de dette souveraine est moins pouss quil ny parat. Les marchs ont obtenu ce quils voulaient : une politique budgtaire plus restrictive de la part des tats, dans un contexte montaire plus relch. Si ce compromis est maintenu, le risque de dflation peut sestomper. Cela ncessitera de recrer un compromis franco-allemand, afin dviter que lAllemagne ne joue la carte de la dflation salariale. La question de la coordination entre pays europens est centrale, quelle porte sur le com-

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(3) Voir dans ce numro lentretien avec Marc GIGET, p. 60. (4) MOATI Philippe, Lconomie des bouquets, Paris, LAube, 2008. (5) Voir dans ce numro larticle de Christian du TERTRE, p.69. (6) Voir dans ce numro lentretien avec la Drire, p. 65 et la contribution de Denis CARR, p. 67.

an Tout est devant nous si nous parvenons maintenir le cap de linnovation. 7

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budgtaire rigoureuse, une hausse des impts associe une hausse du revenu des mnages (via des politiques salariales favorables), et une politique montaire expansive autorisant une lgre inflation. En effet, les marchs prfrent une inflation 4 % ou 5 % qui rogne un peu la dette, plutt que de voir les tats senfoncer dans un endettement cumulatif. Il sagit du compromis le moins coteux, mais il risque de buter en Allemagne sur le compromis salarial ngoci entre le patronat et les syndicats pour faire face la crise (un gel des salaires contre une stabilisation de lemploi).

promis salarial, ou sur la coordination industrielle et technologique. Il nous manque encore une vision de lEurope technologique. L. C. O se trouvent alors les opportunits de croissance pour nos entreprises ? O. P. Face aux perspectives dune croissance molle durable en Europe, un premier enjeu est la capacit de nos grands groupes et de nos PME exposes dvelopper des stratgies offensives linternational. Mme si les dlocalisations dentreprises peuvent avoir des consquences conomiques trs lourdes localement, il faut nuancer leur impact global : 56 % de lemploi marchand salari en France est rattach directement ou indirectement aux grands groupes. La croissance sur le territoire national est donc de plus en plus lie celle de ces grands groupes lextrieur, via les liens de sous-traitance quils entretiennent localement avec les trs nombreuses PME que compte la France. Et de la sant de ces PME et entreprises intermdiaires dpendent nos emplois. Le maintien de grands groupes ttes de rseau, capables de capter la croissance dans les pays mergents, et dun tissu riche de PME alentour est un enjeu fort pour nos mtropoles, qui doivent appuyer lconomie de la connaissance. Un autre gisement de gains de productivit et de cration de valeur se trouve dans les services, qui deviennent de plus en plus complexes et diversifis : dveloppement doffres intgres de biens et de services ( lconomie de bouquets (4)), vente de solutions globales rpondant un besoin, et o le bien nest plus que le support du service (lconomie de lusage ou de la fonctionnalit(5)) La logique de service prend le pas sur celle du produit : la valeur ne rside plus dans la production matrielle mais dans la production immatrielle, soit trs en amont (innovation, cration, design), soit trs en aval (marketing, publicit, distribution). Lconomie des services supplante ainsi lconomie industrielle dans la cration de la valeur ajoute. Dans le mme temps, tous ses processus productifs se sont leur tour industrialiss, ce qui conduit relativiser les craintes de dsindustrialisation de lconomie franaise(6). Dautant plus que le maintien local dun cosystme riche (grands groupes/PME) alimente lconomie de la fonctionnalit.

Les agences durbanisme sintressent la crise Les propos dOlivier Passet ont t recueillis dans le cadre du club conomie de la Fdration nationale des agences durbanisme (Fnau) du 2 juillet 2010 dont le thme tait : Quelles pistes pour une sortie de crises ? La Fnau regroupe 52 organismes publics dtude et de rflexion sur lamnagement et le dveloppement des grandes agglomrations franaises. Le club coFnau sintresse plus particulirement lconomie urbaine et aux questions de dveloppement territorial. Il suit et value les sources statistiques qui permettent danalyser les phnomnes conomiques dans les agglomrations. www.fnau.org

ComprendreLes Cahiers de lIAU dF n 156 - septembre 2010

Quels modles de croissance pour demain ?

Financire, environnementale et sociale, la crise actuelle croise plusieurs dimensions.

Rfrences bibliographiques

CAS, La France et lEurope face la crise conomique, Notes de veille n 183 et n 184, juin 2010. CAS, La croissance verte: quels impacts sur lemploi et les mtiers ?, fvrier 2010. CAS, Nouveau monde, nouveau capitalisme? lments de dbat, janvier 2009.

socialement (voir le dbat sur la taxe carbone). L. C. Les mtropoles seront-elles encore En dfinitive, lavnement dune croissance les moteurs de la croissance dans cette verte durable reposera sur trois conditions : conomie des services ? - la possibilit de gains nets demplois globaux : O. P. Lconomie de services porte des les pertes prvisibles demplois dans les secenjeux territoriaux forts, notamment pour les teurs non verts (nergies traditionnelles, autoterritoires mtropolitains. On considre souvent mobile) seront-elles compenses par un que les services notamment les services aux nombre suprieur de crations demplois personnes sont peu dlocalisables car ils ont directs et induits ? Lintervention publique en besoin dtre proches des clients. Deux phnomatire dinvestissements, de rglementation mnes tendent cependant accrotre le potenet de formation professionnelle aura son rle tiel de dlocalisation des services : lessor des jouer, pour un verdissement rapide des NTIC, qui permet de disjoindre lieu de producmtiers et des comptences dans lensemble tion et lieu de consommation du service ; et la des secteurs, environnementaux ou non. Il sera libralisation des changes dans le cadre de particulirement important de favoriser les lOMC, qui expose de plus en plus les services reconversions et les mobilits professionnelles, la concurrence internationale, et favorise ainsi afin dorienter les flux vers les emplois dynaleur dlocalisation vers des rgions plus faible miss par le verdissement de lconomie(9) ; cot de main-duvre : les centres dappels au Maroc, les services de facturation et de gestion - la possibilit daccrotre les gains de producdes salaires en Inde tivit des technologies Contrairement ce que Lconomie de services porte vertes, afin de compenser lon pourrait croire, les serle surcot quelles reprdes enjeux territoriaux forts, vices ayant le plus fort sentent actuellement. Le ancrage territorial sont les notamment pour les territoires rendement des nergies mtropolitains. services dits cognitifs renouvelables reste par qui se concentrent dans exemple moindre que les grandes mtropoles : R&D, services supcelui des nergies fossiles, ce qui constitue un rieurs aux entreprises, enseignement supfrein majeur leur diffusion massive. La rieur En effet, sils sont a priori facilement hausse tendancielle du prix des nergies fosdlocalisables, car trs utilisateurs de NTIC et siles devrait cependant rendre les nergies trs exposs la concurrence internationale, renouvelables plus attractives et stimuler les en ralit ils tendent sancrer fortement dans innovations en matire dconomies dnerles mtropoles car celles-ci leur offrent ce quils gies. Serait alors vrifie lhypothse de Porter recherchent et quils ne peuvent trouver ailselon laquelle la contrainte environnemenleurs : laccs aux ressources (surtout immattale peut accrotre la comptitivit conorielles : comptences rares, connaissances poinmique(10). Pour y parvenir, un fort soutien tues), les conomies dagglomration, la public la R&D et linnovation verte sera proximit des clients(7). Ces services cognitifs dterminant ; - enfin, la possibilit de solvabiliser la entranent dans leur orbite tout un ensemble demande des mnages en biens et services de services supports (ou back office ) qui gra verts . Le renforcement des exigences envivitent autour deux. On constate ainsi une biporonnementales (taxation carbone, normes larisation typique des villes globales (8) entre defficacit nergtique) et le renchrisseemplois trs qualifis dun ct et emplois peu ment des matires premires risquent de faire qualifis de lautre.Toute la difficult tant alors peser des contraintes fortes sur le revenu des de parvenir retenir les emplois de qualificamnages, limitant ainsi leur volution vers une tion intermdiaire. consommation plus durable. Incitations fiscales, aides la rnovation du logement, coL. C. La croissance verte peut-elle prts L encore, un soutien public fort sera tre une rponse la crise ? ncessaire. O. P. Cela dpend de lhorizon temporel dans lequel on se place. moyen terme, la prise en Propos recueillis par Martin Hervout compte accrue des exigences environnemenet Odile Soulard tales et laugmentation prvisible du prix des ressources naturelles sont en effet favorables au verdissement de la croissance. Cependant, (7) Voir dans ce numro, p. 87. court terme, le renchrissement des matires (8) SASSEN Saskia, La Ville globale, Paris, Descartes & Cie, 1996. premires peut peser sur la consommation des (9) Voir dans ce numro lentretien avec Dominique METAYER, p. 40. mnages, et donc sur la croissance. Tandis que (10) PORTER Michael, VAN DER LINDE Claas, Towards a new les politiques de protection environnementale conception of environment-competitiveness relationship , peuvent apparatre comme peu quitables Journal of Economic Perspectives n 9, 1995.

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Vincent Lidsky Michel Ruffin(1) Unit Dveloppement Conseil rgional dle-de-France

Lle-de-France et la crise actuelle, perspectives de sortieDu fait des spcificits de son conomie, lle-de-France a accus le choc de la crise de manire attnue et dcale dans le temps. Dans un contexte toujours incertain, quatre scnarios de sortie de crise peuvent tre envisags et dclins lchelle francilienne. Malgr les atouts indniables de la rgion, la partie nest pas gagne. Dans tous les cas de figure, une forte intervention publique sera essentielle.

Au premier rang de l'action publique, l'encouragement de l'innovation acclre la relance.

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ace au choc majeur que constitue la crise financire, conomique et sociale survenue en 2008, lle-de-France se caractrise en premier lieu par une raction dcale dans le temps. Les premiers effets visibles sur le march du travail napparaissent quau dbut de lanne 2009, une anne marque par des destructions demplois massives (2 % de lemploi salari priv) au mme rythme que lensemble du pays. Toutefois, lcart de taux de chmage entre la rgion et le reste du pays perdure au premier trimestre 2010 (avec 8,4 % contre 9,5 % lchelle mtropolitaine), tandis que les dernires donnes disponibles sur la demande demploi attestent dune volution globalement moins dfavorable lchelle rgionale.

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leUn choc attnu ?

Il semble que lle-de-France soit protge ce stade par les spcificits de son tissu conomique et de sa main-duvre : surreprsentation des services et des emplois de cadres, population active plus jeune et plus diplme, faible poids de lintrim (les emplois intrimaires et industriels ayant t les plus massivement touchs). Il faut toutefois garder lesprit que le nombre de demandeurs demplois continue daugmenter, signe que la crise na pas encore produit tous ses effets, et que cette augmentation mme si elle tend ralentir saccompagne dune hausse rapide du nombre de chmeurs de longue dure et de plus de cinquante ans, deux catgories se recoupant

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Christophe Mercier/Rgion Ile-de-France

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pour partie et qui auront des difficults croissantes revenir sur le march du travail, mme en cas de reprise significative des crations demplois. Une telle hypothse semble dailleurs peu crdible court terme car, si la phase de rcession au sens strict semble close et fut moins marque en France que dans les autres pays dvelopps, il est encore trop tt pour parler dune vritable reprise, dautant que bon nombre dindicateurs, favorablement orients en dbut danne(2) tendent donner des signes de stabilisation ou de ralentissement (volution du commerce mondial, prix des matires premires, production industrielle, perspectives dactivit aux chelles nationale et rgionale). Ce contexte dincertitude, coupl une sous-utilisation des capacits de production, une demande atone, un recul des marges de manuvre financires des tats (avec un niveau dendettement jamais connu en temps de paix) et un systme bancaire encore convalescent, conduisent penser que les perspectives dactivit, et donc de crations demplois, demeureront modestes court ou moyen termes. lchelle rgionale, un certain nombre dindicateurs attestent dailleurs clairement que la situation reste critique en dpit dune relative(1) Vincent Lidsky est directeur gnral adjoint des services du Conseil rgional, charg de lunit Dveloppement ; Michel Ruffin est responsable du service Prospective et valuation de la rgion le-de-France. (2) Par rapport toutefois des points bas historiques et pour partie sous leffet dun phnomne de restockage aprs une fin danne 2009 soutenue par les plans de relance.

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Les scnarios de sortie possibles

Cette acclration de lhistoire impacte une conomie franaise entrave notamment par sa faible spcialisation et son positionnement sur des produits moyennement technologiques, des liens commerciaux limits avec les zones conomiques les plus dynamiques lchelle mondiale, ainsi quune faible capacit valoriser la recherche et faire grandir les PME innovantes et cratrices demplois. Si la qualit de la protection sociale et le poids de lemploi public ont pu attnuer sensiblement les effets de la crise dans un premier temps, ces faiblesses structurelles sont susceptibles de rendre

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le IA UQuatre scnarios de sortie de crise sont tudis pour cadrer l'action publique. 10

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rsistance sur le front de lemploi, comme les montants de TVA verss par les PME (en repli continu depuis 2008) ou encore la baisse massive des transactions et des surfaces changes dans limmobilier de bureaux, couple au coup darrt dans la construction. Enfin, lexprience historique invite aussi la prudence avant de conclure un retour la normale. En effet, la rcession de 1993 avait conduit une baisse de lemploi rgional plus forte qu lchelle nationale, suivie dun rebond moins marqu et plus lent. Or la crise actuelle, caractrise par une chute du PIB(3) bien plus forte, est en outre nettement plus grave pour au moins trois raisons : parce quelle est rellement mondiale (pour la premire fois dans lhistoire), parce quelle est aussi financire (un facteur souvent aggravant, ne seraitce quen termes de dure), et parce quelle traduit, plus profondment, limpossibilit de gnraliser toute la plante le mode de croissance occidental, fond sur lexploitation de ressources rares et gnrateur dexternalits ngatives.

une reprise ventuelle moins vigoureuse quailleurs.Ainsi, dans ce contexte trs incertain, quatre grands scnarios se dgagent aux chelles nationale et europenne :

Une rechute provoque par un nouveau choc financierSi ce scnario nest pas a priori le plus probable, force est de constater que bon nombre des problmes mis au jour fin 2008 ne sont pas rgls (failles dans la rgulation, fragilit des bilans bancaires avec des risques croissants sur certains actifs, effet des normes comptables IFRS sur la valeur de ces actifs), tandis que de nouvelles exigences se font jour (contrle accru sur les oprations pour compte propre, taxes nouvelles, exigences croissantes en matire de fonds propres). Le march interbancaire na dailleurs toujours pas retrouv un fonctionnement normal, signe dune dfiance maintenue entre tablissements, le systme ne fonctionnant que par des interventions sans prcdent (dans leur ampleur comme dans leur nature) des principales banques centrales, dont on peut penser quelles ne pourront perdurer indfiniment. Un nouveau choc financier serait dautant plus grave que les tats ne seraient plus en capacit dintervenir dans les mmes proportions, et se traduirait par un choc violent sur lemploi et les revenus, susceptible dentretenir une crise durable lissue difficilement prvisible.

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Une crise la japonaise Il existe un certain nombre de similitudes entre la situation europenne actuelle et celle du Japon des annes 1990, o lclatement dune bulle boursire et immobilire a mis jour des problmes structurels, comme la fragilit des bilans bancaires, la survaluation du yen (et ses effets en termes de dlocalisations), la hausse de la concurrence internationale, une consommation atone et un endettement public non matris. Il sen est suivi pour larchipel une dcennie marque par une quasi-stagnation de lactivit, couple une hausse du chmage, une stagnation des salaires et une tendance la dflation, mme si, paralllement, les entreprises sont parvenues amliorer leurs profits force de rationalisation, de dlocalisation et dexportations. Dans un tel scnario, le chmage continue de crotre, quoique un rythme moins lev, les revenus des mnages stagnent et lpargne tend augmenter, les faillites se poursuivent dans un contexte de course la taille critique des entreprises et de dlocalisations, la production industrielle stagne ou dimi(3) Un indicateur imparfait, mais qui permet des comparaisons dans le temps sur des bases homognes.

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Une croissance atone et hsitanteIl sagit de la prolongation de la tendance observe dbut 2010. Rien nincite vraiment un redmarrage de la consommation ou de linvestissement, dans un contexte trs incertain marqu par une concurrence croissante lchelle internationale et le recul de lintervention publique, ce qui gnre un taux de croissance oscillant en moyenne priode entre 1 % et 2 % lan, au gr des cycles de variation de stocks et des exportations(4). Dans ces conditions, on parvient peu prs stabiliser lexistant, mais la reprise des crations demplois stables temps plein se fait durablement attendre. Lactivit industrielle reprend progressivement tout en mettant plusieurs annes pour retrouver les niveaux de dbut 2008, tandis que, pour sa part, lemploi industriel poursuit sa baisse inexorable, plus rapidement encore en le-deFrance que dans le reste du pays.

Quelles traductions pour lle-de-France ?

Une reprise marque de lactivit et de lemploiCe scnario repose sur lenclenchement dun cercle vertueux impliquant une reprise durable du commerce mondial, couple une modification des modles de croissance chinois(5) et amricain(6), lapprofondissement de la construction europenne(7), une consommation plus dynamique(8), au dveloppement dactivits lies aux enjeux du futur (nergie, mdecine-pharmacie-imagerie mdicale, TIC, aronautique et spatial), une conversion environnementale des activits industrielles existantes, lamlioration de la qualit des emplois (stabilit et niveau de rmunration des emplois) dans certaines activits comme le tourisme, la structuration et la solvabilisation des services la personne dans un contexte de vieillissement rapide de la population, au dveloppement des outils de financement en direction des PME, au progrs de la capacit exportatrice des PME (avec une stratgie sectorielle et gographique revisite), ainsi qu une lvation du niveau de comptences de la main-duvre disponible. Dans ce cas de figure, la crise se traduit par le passage un nouveau modle de croissance, plus durable et axe sur des activits nouvelles, plutt que sur le dveloppement ou la prservation de lexistant. Laccent est mis sur linnovation ; lemploi industriel, toujours plus qualifi, se redploie sur de nouveaux segments pour rpondre de nouveaux besoins.

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Sur cette base, que peut-on envisager pour llede-France ? Si la rgion peut sappuyer sur un certain nombre datouts (surreprsentation dactivits forte valeur ajoute, population active avec un niveau de formation suprieur la moyenne nationale, taux de chmage infrieur la moyenne nationale sur longue priode, potentiel de recherche et dveloppement (R&D) important, part de lindustrie(9) sans quivalent dans les autres mtropoles mondiales), elle souffre aussi de certaines faiblesses : un effet dagglomration sous-optimal (lle-de-France ne tire pas pleinement partie de sa spcialisation sur les activits a priori les plus dynamiques), une valorisation limite de son potentiel de R&D, une tendance la dsindustrialisation encore plus rapide quen province, un solde migratoire des actifs ngatif avec les autres rgions (y compris pour les cadres), une croissance des emplois mtropo-

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(4) Elles-mmes dpendantes, davantage en France quen Allemagne pour des raisons de positionnement sectoriel, de la valeur de leuro par rapport au dollar. (5) En rompant avec la priorit accorde lexportation, ce qui va de pair avec un dveloppement significatif de la consommation domestique et donc de la protection sociale, un nouveau positionnement industriel, une diversification des rserves de change, la convertibilit du yuan (6) Via une remonte de linvestissement, du taux dpargne, des impts et des exportations (7) travers la mise en uvre dune stratgie cohrente dinnovation, ainsi que dune politique industrielle assume et dune action rgionale efficace contribuant un rattrapage rapide des pays dEurope centrale et orientale. (8) Ce qui suppose aussi, entre autres choses, une tendance la hausse du salaire mdian et donc la fois des gains de productivit et un accroissement de la part des salaires dans la valeur ajoute. (9) Avec les effets induits en termes de R&D, dexportation et de dveloppement des services aux entreprises.

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nue et il ne se cre pratiquement plus dactivits nouvelles sur le territoire. Les emplois industriels dtruits le sont dfinitivement au profit de concurrents situs dans des zones plus dynamiques.

ceLa prsence des grands groupes internationaux sur des activits technologiques est un atout pour lavenir. Ici, Microsoft Issy-les-Moulineaux.

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Lle-de-France et la crise actuelle, perspectives de sortie

litains suprieurs (10) dsormais moins rapide quen province, une capacit assez faible valoriser la diversit de sa population aux origines multiples Cela tant dit, on peut raisonnablement imaginer plusieurs cas de figure :

Scnario 1, nouveau choc financier : une crise grave et durableLle-de-France ragirait comme le reste du pays, voire un peu plus mal dans un premier temps compte tenu de la surreprsentation des activits financires dans lconomie rgionale, en senfonant dans une crise grave et durable.

Scnario 2, crise la japonaise : un tiolement de la mtropoleLle-de-France rsisterait tant bien que mal grce son effet taille et la diversit de ses activits, mais labsence de perspectives et la hausse du taux de chmage (rduction de lcart avec la moyenne nationale), couples un cot de la vie qui demeure lev, acclreraient la tendance au dficit migratoire par rapport aux autres rgions. Par ailleurs, le poids relatif de lle-de-France dans les activits de conception diminuerait, la dsindustrialisation sacclrerait. Il deviendrait de plus en plus difficile dattirer les siges sociaux dans un contexte de rationalisation rapide des implantations des grandes entreprises lchelle internationale. Progressivement, lle-de-France passerait dun statut de mtropole mondiale celui de mtropole europenne, tandis que les ingalits sociales et territoriales continueraient de saggraver.

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leDans tous les scnarios, lle-de-France demeurera une rgion caractrise par un dynamisme au moins gal celui du reste du pays. 12

Scnario 3, croissance atone et hsitante : un relatif statu quoLle-de-France sen sortirait lgrement mieux que le reste du pays en capitalisant sur ses atouts et sur la diversit de son systme pro-

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Laurent Mignaux/Medad

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Scnario 4, reprise marque de lactivit et de lemploi : une croissance profitableLle-de-France ferait mieux que le reste du pays grce son effet taille, sa visibilit internationale, la qualit de sa main-duvre et son potentiel de R&D. On retrouve alors un schma comparable celui de la fin des annes 1990, o la rgion avait profit plein de la croissance des activits lies aux NTIC. Dans cette hypothse, la cration demplois pourrait tre dynamique et lcart de taux de chmage avec le reste du pays tendrait nouveau augmenter. Lle-de-France diversifierait ses activits concurrentielles elles-mmes gnratrices de nombreux emplois induits lis lconomie rsidentielle. Lincertitude forte de la situation actuelle interdit tout pronostic assur, mme si a priori les scnarios 2 et 3 paraissent les plus ralistes court et moyen termes. En tout tat de cause, il est important de garder lesprit que dans tous les cas de figure : - lle-de-France demeurera une rgion caractrise par un dynamisme au moins gal celui du reste du pays, et par une grande diversit des activits conomiques prsentes sur son territoire(11) qui reprsente la meilleure garantie de sa rsilience face la crise ; - plus la sortie de crise sera lente, plus la rgion risque de voir sa situation relative se dgrader et de perdre son avantage actuel par rapport au reste du pays.

(10) travers ce terme, lInsee dsigne les fonctions dont le contenu dcisionnel est lev ou qui contribuent limage de marque de la ville o elles sexercent . (11) On peut faire ici rfrence la tripartition fonctionnelle propose par Laurent Davezies : les territoires productifs modernes dots de secteurs haute valeur ajoute (comme lle-de-France) ; les bassins manufacturiers anciens (comme la Lorraine) qui seront durablement marqus par la crise ; et les rgions fondes sur lconomie rsidentielle (comme le Languedoc-Roussillon), relativement prserves des effets (positifs ou ngatifs) de la mondialisation.

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ductif. On observerait un relatif statu quo par rapport la situation existante en termes de poids international, de positionnement conomique et de cration dactivits. La progression du chmage ralentirait (comme lchelle nationale, mais toujours de faon dcale dans le temps) avant de sinverser fin 2010 ou dbut 2011. Mais les crations demplois ne reprendraient que de faon trs lente, un peu sur le mme schma que dans la foule de la crise de 1993. Le tissu industriel se restructurerait progressivement autour de quelques filires bnficiant de la taille critique, mais lemploi industriel poursuivrait son recul (quoique moins rapidement que dans le scnario prcdent), condamnant la rgion perdre son premier rang national en termes deffectifs industriels.

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Nathalie Mohadjer/le bar Floreal.photographie

Une lgitimit nouvelle pour laction publiqueou Roissy. Les Cahiers Avec la crise, la Rgion Dans cette priode, il importe, en effet, de miser est-elle amene revoir ses politiques sur les comptences afin de permettre aux salade dveloppement conomique ? ris de rester en poste, ou de leur assurer un Jean-Paul Planchou La gravit de cette crise retour rapide lemploi, daccder des a donn une lgitimit nouvelle laction emplois mieux qualifis, de leur prparer une publique, ncessaire la fois pour en attnuer reconversion. Plus largement, dici 2014, lobles effets conjoncturels, mais aussi et surtout jectif poursuivi par la Rgion est datteindre pour accompagner au plan structurel la mutation trs rapide du systme productif francilien. 150 000 jeunes en alternance (notamment grce lapprentissage), 100 000 demandeurs Conscient de ces enjeux, le conseil rgional demploi forms et 50 000 contrats de contidle-de-France a mis en place, ds 2009, des nuit professionnelle. outils dintervention spcifiques en votant un budget contra-cyclique, au travers notamment dun plan de mobilisation pour les transports, L. C. Quels sont les grands axes venir de laction conomique rgionale ? labondement exceptionnel du fonds de garanJ.-P. P. Au-del des rponses ponctuelles ou tie rgional Oso, la cration dune aide rgiodu renforcement doutils prexistants, la Rgion nale la sauvegarde dentreprises en diffisengage dans une stratgie qui implique la cult Mais cest sans doute sur le plan fois le dveloppement conomique et linnostructurel que la Rgion peut pleinement jouer vation. Cette stratgie rgionale de dveloppeson rle, essentiel, de chef de file en faveur du ment conomique et de linnovation (SRDEI) dveloppement conomique. Les politiques lance en septembre 2010, rgionales ont mis ainsi lacconstituera le cadre de rfcent sur le soutien linnova une politique lisible rence dune politique lisible et tion via les diffrents ples de et resserre. resserre. comptitivit franciliens, la Couvrant la priode 2011-2014, cration daides spcifiques labore en partenariat avec lensemble des destines aux PME comme laide linnovation acteurs socio-conomiques franciliens, elle perresponsable (Air) et laide la maturation mettra didentifier clairement les atouts de lle(Aima), la mise en place du Centre francilien de-France et de renforcer son positionnement de linnovation (CFI), et dans le cadre de lap lchelle mondiale, dans le cadre dune vision pui la cration et au dveloppement des renouvele de lattractivit fonde sur la cooentreprises, la monte en puissance de pration entre les acteurs, le dveloppement PMUP(1), ou encore ltablissement de plans cologique dans sa plus large acception. filires, sans ngliger la structuration de la La SRDEI sarticulera avec les autres chantiers recherche francilienne en particulier les structurants, comme la stratgie rgionale de domaines dintrt majeur (DIM). linnovation (SRI), ladaptation du schma directeur rgional de lle-de-France (Sdrif) ou L. C. La formation professionnelle, le schma de la formation tout au long de la levier important de laction rgionale, vie et demble, lvidence, sur les tats gnest-elle galement concerne ? raux de la conversion cologique et sociale. En J.-P. P. En effet, dans ce contexte de crise, les effet, les enjeux dune conversion cologique outils de la politique de lemploi et de la foret sociale se doivent de caractriser les polimation professionnelle ont galement t lartiques rgionales afin dorienter lensemble du gement mobiliss. Une convention entre la budget de la Rgion (plus de 4,5 milliards deuRgion, ltat et les partenaires sociaux a t ros en 2010) vers cet objectif essentiel dune conclue en avril 2009 pour scuriser les parcroissance durable, cratrice demplois qualicours professionnels. Laccent a t mis sur les fis, au service de lensemble des Franciliennes secteurs professionnels touchs par la dgraet des Franciliens. dation de la conjoncture, qui a parfois acclr des difficults structurelles (automobile, btiPropos recueillis par Anne-Marie Romra ment, industrie technique du cinma, industries graphiques) et sur les territoires les plus affects, notamment au profit des salaris prcaires (1) Appel projet visant les PME-PMI franciliennes porteuses ou menacs de licenciement dans les Yvelines de projets de dveloppement rpondant aux priorits stra(Seine-Aval), lEssonne (Evry) la Seine-et-Marne tgiques du dveloppement conomique rgional.

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Jean-Paul Planchou est vice-prsident du conseil rgional dle-de-France. Il est en charge du dveloppement conomique, de lemploi, des nouvelles technologies de linformation et de la communication (NTIC), du tourisme, de linnovation et de lconomie sociale et solidaire.

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Anne-Marie Romra IAU le-de-France

le-de-France : prte rebondir ?Ne pas se reposer sur ses lauriers, toujours sinscrire dans le mouvement pour aller de lavant, anticiper lle-de-France na pas le choix. Une prise de conscience a eu lieu, les premiers pas vers les mutations ncessaires sont esquisss, mais pour renouveler lattractivit, gagner en efficacit face aux ingalits et faciliter la vie des actifs comme des entreprises, il reste saccorder pour entrer vraiment dans la danse.

Notorit internationale et plaisir de vivre l : vers la ville-monde de demain ?

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le-de-France a tout oui, mais cette plnitude a une double face. Selon que lon regarde le verre moiti vide ou linverse, les sujets dinquitude alternent avec de solides raisons desprer.Au sortir de la crise, la donne a quelque peu chang. Le regard nest plus le mme sur la structure conomique rgionale qui a contribu amortir le choc. Le constat que le sort de la France sur lchiquier mondial dpend pour une bonne part de linternationalisation de lle-de-France et de son industrie exportatrice parat act. La mobilisation collective autour des ples de comptitivit sur les technologies davenir savre stimulante. Mais, dans le mme temps, une personne sur deux envisage de changer de rgion(1), les jeunes peinent sinsrer dans la vie active et chacun y va de sa solution sans grande coordination.

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Lavantage dmographique, un trompe-lil ?Avec 11,7 millions dhabitants, la population francilienne a augment en moyenne de 0,7 % entre 2001 et 2007. Cette augmentation est due un solde naturel favorable et des changes migratoires la hausse avec linternational. lchelle europenne, ces caractristiques distinguent lle-de-France comme une rgion jeune par rapport aux rgions allemandes, italiennes et espagnoles. Lexcdent naturel notamment y est parmi les plus levs(2). En revanche, lle-de-France souffre toujours dun solde migratoire dficitaire avec le reste

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Gilles Rousseau

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de lHexagone, qui sest accentu au cours de la priode rcente(3) [DE BIASI, BEAUFILS, 2010]. Plusieurs facteurs sont possibles : des changes avec linternational plus marqus que dans dautres rgions, le retour leur ville dorigine pour les tudiants venus terminer un cycle dtudes, mais aussi, bien sr, le cot et le confort de vie. Le fait que lle-de-France constitue une tape dans un cycle de vie peut tre lu positivement travers lattractivit exerce et une intgration forte dans les mouvements avec linternational. Il peut galement tre analys comme un enracinement plus fragile en le-de-France, avec une vasion en particulier des familles et des classes moyennes, ce qui affaiblirait le dynamisme rgional. De mme, le dpart de personnes au pouvoir dachat confortable au moment de la retraite entrane un manque gagner en termes de redistribution [DAVEZIES, 2008]. Ces mouvements vont certainement perdurer, mais leur ampleur venir est plus incertaine. De plus, les jeunes ns en le-de-France sont sans doute plus enclins y rester, une bonne raison de parier sur lavant-garde.

Lemploi en variable dajustementLa population active francilienne, de 5,9 millions dindividus, est en constante augmenta(1) Un sondage CSA, ralis en mai 2010, montre que prs dune personne sur deux en le-de-France envisage de changer de rgion ou de partir ltranger, Les chos, 16 juin 2010. (2) Annuaire rgional dEurostat 2009. (3) Entre 2001 et 2006, 73 000 habitants ont quitt la rgion (pour 55 000 entre 1990 et 1999).

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tion et, selon les projections, progresserait denviron 13 250 personnes par an dici 2030. Ce rythme, deux fois plus faible que celui de la priode prcdente, inclurait un vieillissement plus accentu des actifs. De son ct, lemploi connat une volution moins linaire, et prsente moins dopportunits selon les ges.

march du travail nest pas si contraignante par rapport dautres pays europens.

De relles difficults dinsertion des jeunes et des moins qualifisFin mai 2010, lle-de-France comptait plus de 700 000 demandeurs demploi(9) dont un peu plus de 11 % de jeunes de moins de 25 ans. Au plus fort de la crise, de septembre 2008 janvier 2010, cette catgorie a enregistr une hausse plus brutale que les autres. De leur ct, les demandeurs demploi non-diplms taient 111 000 la fin de lanne 2008. Pour les premiers, malgr des dispositifs cibls mis en place, les difficults tiennent pour beaucoup au barrage d au manque dexprience et labsence de rseaux sociaux qui permettent de passer ce cap. Pour les seconds, par contre, le niveau de qualification nest pas un critre daccs principal aux dispositifs daides. Ds lors, et particulirement en priode de rcession, ces personnes risquent dtre vinces au profit dun public plus qualifi [LEROI,THEVENOT, 2009]. Gographiquement, ces deux catgories se trouvent souvent sur les mmes territoires, au nord de Paris ou sur les bassins les plus loigns de la capitale. Malheureusement, ces constats se rptent et, dans un contexte de compression des effectifs et des offres dem-

Une amplitude des cycles vrifie par les volutions rcentesTraditionnellement, lemploi rgional montre une grande sensibilit aux cycles conjoncturels. En gnral, les priodes fastes lui sont plus favorables, mais la rgion est plus fragilise en priode de crise. Le ralentissement de lactivit des annes 2001-2003 avait ainsi conduit une baisse de lemploi et pour la premire fois un taux de chmage plus fort quen province. linverse, la priode de reprise partir de 2003 sest traduite par des hausses demploi marques. Jusquau dernier trimestre 2008, lle-deFrance a connu une priode de progression de lemploi (de + 64 200 en 2005 + 105 000 en 2007) et de rgression marque du chmage(4). Ce cycle ascendant a t cass par la crise. Au dernier trimestre 2008, la rgion est entre en rcession, avec un dcalage dans le temps par rapport au reste de la France, sans doute explicable par les effets des plans de relance conjugus une moindre prsence des fonctions manufacturires. Les derniers chiffres font tat dune baisse de 2 % de lemploi au terme de lanne 2009(5) pour les tablissements de plus de 10 salaris, mais la situation semble samliorer au premier trimestre 2010, avec la cration de 9 500 emplois, le taux de chmage (8,4 %) restant infrieur celui de la France(6). Ainsi, les observations conduisaient encore un certain pessimisme jusquen 2008. Lamlioration rcente, confirmer, amne relativiser les craintes dun essoufflement durable.

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antre audacieux pour que ces jeunes ns en le-de-France, bien forms, dont le parcours souvre linternational, puissent y crer leurs projets.Caroline Doutre/BaSoH/IAU dF

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Une flexibilit qui ne dit pas son nom

Les emplois crs au cours du premier trimestre 2010 incluent lintrim. Cest sur cette forme demploi, en premire ligne pour les suppressions et mobilise nouveau lors dune reprise, que pse leffort premier dajustement. De fait, lintrim a beaucoup augment, de mme que les autres formes demploi atypiques : CDD, apprentissage, stages et contrats aids(7) [MARTINACHE, 2010]. En 2008, en le-de-France, 2,6 % des employs sont des intrimaires (3,7 % en France), soit prs de 110 000 quivalents temps plein. Les fins de CDD psent pour moiti dans les motifs de sortie dtablissement dans la rgion(8). Temps partiel, variabilit des plages horaires et du travail en dehors des jours uvrs, voire mme le nouveau statut dautoentrepreneur, la rigidit souvent dnonce du 15

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(4) Source : Insee, estimations annuelles demploi. (5) Source : Ple emploi services, Repres et analyses, Les tendances et march du travail en le-de-France , dossier mensuel de conjoncture, mars 2010. (6) Source : Insee. (7) En France entire, ces emplois slevaient 1,2 million en 1982, 2,6 en 1998, 3,1 en 2008. (8) Source : DRTEFP dle-de-France, Chiffres cls 2008. (9) Conseil rgional dle-de-France, unit Dveloppement, mission stratgie, Note mensuelle sur les demandeurs demploi, n 64, juillet 2010.

ceLeffort dajustement pse sur lintrim.

ComprendreLes Cahiers de lIAU dF n 156 - septembre 2010

le-de-France : prte rebondir ?

Une diversit conomique garante dquilibre

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Domine par le secteur des services, lconomie francilienne se caractrise aussi par une prsence marque de lagriculture et de lindustrie, contributrices de sa richesse. Cette diversit na pas toujours t dpeinte comme une qualit. Elle a pu tre interprte comme un non-choix, notamment par rapport dautres mtropoles internationales qui ont affich un objectif de spcialisation marque. Elle peut tre vue comme source dune grande complexit. Pourtant, la crise actuelle permet dapprcier le fait que lconomie de la rgion capitale ne soit pas trop dpendante de quelques secteurs conomiques trs cibls ou de quelques fonctions trs resserres.

le IALe Lieu du Design

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Lindustrie, un rle ne pas sous-estimerLa singularit de la mtropole francilienne par rapport dautres mtropoles europennes ou mondiales repose pour une part sur sa composante industrielle(10). Elle lui cre une sorte de spcialisation. Lindustrie concentre ainsi prs des deux tiers des exportations rgionales(11). Lrosion de lindustrie manufacturire est cependant manifeste, et la crise rcente a particulirement touch certains secteurs comme lautomobile. Pourtant, la proximit des divers segments de la chane industrielle conditionne le maintien dautres fonctions comme la R&D, mais aussi de nombreux services qui ont t externaliss, ou de services plus sophistiqus de conseil ou dassistance juridique par exemple. Cest cet ensemble qui forme un cosystme do peuvent surgir des innovations technologiques ou de process parce que les

La proximit des divers segments de la chane industrielle associe R&D et design. Le Lieu du Design participe de cette dynamique francilienne. 16

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Lintrt de la structure conomique rvl par temps de crise

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Une rgion qui redistribue Le transfert de richesses effectu par les particuliers allant passer leur retraite mi-temps dans une autre rgion, ou leur week-end en dehors de Paris, mis en lumire par les travaux de Laurent Davezies, a dj t voqu dans larticle. Mais le phnomne de mobilit partir de la rgion touche aussi les entreprises, soit que la rgion joue un rle dincubateur pour de jeunes entreprises qui partent se dvelopper ailleurs, soit quil y ait dbordement hors de ses limites, en particulier sur les dpartements voisins. Une publication rcente de lInsee et du Crocis confirme le solde dficitaire de plus de 1 000 tablissements en 2008 dans les mouvements avec la province. Certes, les trois quarts de ces transferts concernent le bassin parisien et confortent la ralit dune mga-rgion. ce jeu, il ne faut cependant pas laisser filer trop de start-up innovantes qui promettent de devenir de belles PME et qui pourraient rgnrer le tissu conomique de la rgion.

plois, les mcanismes dinsertion doivent encore gagner en efficacit.

Des capacits mieux valoriserCurieusement, parmi les jeunes, certains que lon croirait pourtant promis au plus bel avenir sont aussi confronts une insertion professionnelle difficile : les jeunes doctorants [SOULARD, ROUVRAIS, 2010]. De ce fait, ils sont parfois attirs par ltranger. Des travaux mens par lIAU dF il ressort que lchelle laquelle se , forment les rseaux des 28 000 doctorants franciliens reste trop ancre sur leur cole doctorale. La relation avec les entreprises a du mal stablir. Llargissement des rseaux plus internationaux est insuffisant. lheure o les enjeux en termes dconomie de la connaissance savrent dterminants, les ples de comptitivit peuvent avoir un rle-cl jouer dans la structuration de ces liens et de ces rseaux.

aller-retour entre recherche et fabrication, entre responsables de services, sont possibles. Il importe donc de cultiver et de renouveler le profil industriel francilien qui lui assure des complmentarits potentielles dans la rgion elle-mme et avec dautres grandes rgions, franaises ou europennes.

Des premiers pas vers les mutations ncessairesLe secteur de lautomobile connaissait dj une rosion rgulire de ses effectifs et de sa production sous leffet des gains de productivit et des choix stratgiques de localisation des constructeurs. La crise, avec une forte chute des immatriculations dbut 2008, a acclr la baisse de lemploi. Pour la premire fois, les fonctions de R&D ont t touches. Or, lobservation passe montre que les pertes sont dfinitives. La mutation de cette industrie pour produire des vhicules moins polluants, moins nergivores, mais aussi la reconversion vers le recyclage, dj entame, vont devoir tre acclres. Lhybridation avec les services pour assurer lusager des solutions de mobilit commence voir le jour. limage de ce secteur, des pans entiers de ce qui faisait la force industrielle de la rgion ont de nouveaux dfis relever : lutilisation des sciences du vivant par la pharmacie, la conversion numrique des industries cratives Dautres bouleversements touchent les services urbains, la production dnergie, etc. Pour assurer ces bifurcations, les ples de comptitivit sont la pointe, mais ces progrs doivent dsormais diffuser plus largement et rapidement. Et plus que jamais, les investissements dans lducation et la recherche doivent se renforcer.

Des prtentions territoriales bridant lcosystmeUne richesse statistique , une mise en concurrence, une mode du marketingPartout dans la rgion, des projets de territoires font flors. Le souci du positionnement dans un ensemble rgional, la dfinition dun projet commun dans le cadre de regroupements intercommunaux, mais aussi la rponse des appels projets, des dispositifs budgtaires, crent cette effervescence. Bien sr, cette mobilisation a du bon, dans le sens o elle pousse chaque(10) Saskia Sassen voque lintrt de positionnements distincts propos de New York et de Chicago et de lattractivit respective de chacune des mtropoles. Cette complmentarit pourrait tre mise en avant par rapport Londres en Europe. SASSEN Saskia, Mondialisation, des mtropoles globales aux mgargions dans Stratgies mtropolitaines, Les Cahiers de lIAU dF n 151, juin 2008. , (11) Banque de France, ACSEL, le-de-France, rapport danalyse pour lIaurif, juin 2007.

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territoire se projeter vers lavenir et sorganiser pour assurer son dveloppement. La dmarche qui consiste recenser ses atouts pour pouvoir compter dans le paysage aboutit cependant une juxtaposition de plans stratgiques, peu ou prou cals sur le mme modle. En le-de-France, chaque groupement intercommunal peut presque se revendiquer territoire dexcellence et cest une chance(12). En fait, ces dynamiques pourraient savrer bien plus bnfiques si elles tenaient davantage compte les unes des autres.

Une prise de conscience du dficit de liensLes travaux mens sur le dcalage entre le potentiel de la rgion et ses performances relles ont soulign la faible capitalisation sur les effets dagglomration et leurs externalits positives. Les rapprochements ont du mal natre spontanment. Malgr une amlioration, le dfaut de structures relais, dagents de liaison entre les entreprises, entre elles et les units de recherche, entre les comptences et les services demandeurs est encore grand. Des rseaux se sont mis en place, les ples de comptitivit jouent ce rle, des coordinations sont organises localement, mais il manque encore trop de passerelles pour que la richesse des ressources prsentes soit utilise plein.

Les conditions urbaines dun dynamisme conomique

Des interdpendances convertir en lignes de force

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Les territoires se comportent comme sils taient de petites nations isoles , alors quils sont fondamentalement interdpendants [BEHAR, ESTEBE, 2006]. La densit et la diversit des fonctions conomiques prsentes en lede-France, une tendance une relative spcialisation de ples et de territoires, pourraient pourtant favoriser une intensit de relations et dchanges au sein de la rgion et sur son pourtour. Des dmarches de territoires, il importerait alors de faire ressortir la vocation de chacun et les relations de complmentarit quil peut assumer vis--vis des autres pour sinsrer dans un fonctionnement en cosystme.

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En dehors de Paris intra-muros et des quelques ensembles urbains constitus, la priphrie parisienne souffre encore trop souvent dun urbanisme dilat, trop format. Si le cas de lhabitat est souvent point du doigt, celui des espaces dactivits difficilement adaptables aux volutions est moins dnonc. Des amliorations importantes restent programmer pour introduire des services, une mixit, une dimension cologique. lenvers dune spcialisation, il faut remettre ces espaces dans la banalit, mais une banalit de qualit. Plus globalement, la production de logements accessibles, la fluidit des transports et des communications pour multiplier leffet rseau, la proximit despaces naturels jouent un rle dterminant.

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Demain ?Et si, comme lavance Laurent Davezies [DAVEZIES, 2010], cette rgion, en oprant un ajustement structurel, notamment par la progression des activits haute valeur ajoute, tait entre dans une nouvelle re, faisant preuve dune nouvelle capacit damortissement des crises tout en conservant ses capacits de rebond lors du dmarrage macroconomique ? Nous voulons bien croire cette nouvelle dynamique dune ville-monde moderne, dautant que les derniers chiffres montrent une attractivit renforce en 2009 pour la recherche et le dveloppement [BELMANAA et al., 2010]. Mais pour russir compltement le pari, il faudra faciliter la mise ltrier des jeunes, jouer davantage collectif, et veiller construire des alliances europennes dans un contexte gopolitique qui a tendance se rgionaliser.(12) La seule commune dAubervilliers (membre de plaine commune) par exemple est lquivalent de Chambry !

Le dbat raviv sur la spcialisationUne spcialisation, des spcialisations territorialises ?Des clusters spcialiss ? Un cosystme ? Peuton assigner des spcialits territoriales alors que lobservation montre une reconfiguration permanente des implantations dactivits sur le territoire rgional, cette reconfiguration poussant prcisment parler dcosystme ? En ralit, des profils se dgagent selon les territoires et les mouvements dentreprises obissent bien des tropismes en fonction de leur

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secteur dactivit ou des fonctions implanter [PETIT, 2007]. Limportant pour les pouvoirs publics est dencourager des concentrations vertueuses, daccompagner en crant les conditions favorables, et de rguler pour viter de trop grands dsquilibres. Lexprience dautres mtropoles europennes montre quil sagit davantage de se trouver l au bon moment pour rpondre aux besoins, que de vouloir planifier de manire trop rationnelle [PERRIN, SOULARD, 2009]. Les dynamiques mouvantes qui affectent ces systmes urbains sont difficiles anticiper, une certaine souplesse permet de laisser surgir les opportunits. Il est vrai quune labellisation de territoires spcialiss assure une meilleure lisibilit et facilite une notorit internationale, mais il est tout aussi important de chercher donner envie dtre l et dy rester pour crer et dvelopper.

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Les rapprochements ont du mal natre spontanment, des coordinations locales pourraient se transformer en rseaux dacteurs et de territoires.

Rfrences bibliographiquesBEHAR Dominique, ESTBE Philippe, Dveloppement conomique: la fausse vidence rgionale. Analyse des schmas rgionaux de dveloppement conomique, Les Annales de la recherche urbaine, n 101, novembre 2006. BELMANAA Fouad, LE PRIOL Mickal, HERV Jean-Franois, Lle-de-France attractive pour les groupes trangers, ARD le-deFrance, Crocis de la CCIP, Insee le-deFrance, juin 2010. DAVEZIES Laurent, La Rpublique et ses territoires. La circulation invisible des richesses. Paris, Seuil, coll. La Rpublique des ides, 2008. DAVEZIES Laurent, La crise et nos territoires : un bilan provisoire, rapport provisoire prpar pour lInstitut Caisse des dpts pour la recherche et lADCF, mars 2010. DE BIASI Kvin, BEAUFILS Sandrine, Llede-France, de plus en plus une tape dans les parcours rsidentiels, Note rapide, n 158, IAU le-de-France, Insee, mai 2010. LEROI Pascale, THVENOT Laure, Actions locales pour les emplois et les actifs peu qualifis en le-de-France, IAU dF, dcembre 2009. MARTINACHE Igor, La prcarit de lemploi, une construction plurielle, Alternatives conomiques, n 291, mai 2010. PERRIN Laurent, SOULARD Odile, Science Cities: campus scientifiques et clusters dans les mtropoles du XXIe sicle. Helsinki : Otaniemi et Arabianranta, IAU le-deFrance, dcembre 2009. PETIT Thierry, La rorganisation des siges sociaux et des activits tertiaires centrales des grandes entreprises. Principes et pratiques, consquences sur lvolution spatiale en le-de-France, IAU le-de-France, dcembre 2007. SOULARD Odile, ROUVRAIS Julien, La population doctorale en le-de-France, IAU dF, avril 2010.

C. Doutre/BaSoH/IAU dF

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Lconomie en mode actif Les territoires franciliens. Quelles dynamiques ? Quelles potentialits ?

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Pascale Guery, Pascale Leroi IAU le-de-France

Dynamiques et potentialits des territoires franciliensPour voquer les liens entre lconomie, lamnagement et la gographie, lIAU le-de-France propose depuis 2004 des cartes de synthse, rsums en image des principaux constats. La carte Dynamiques et potentialits des territoires franciliens , ci-contre, dialogue dans ce numro des Cahiers avec les deux articles suivants, lun sur le march du travail, lautre sur le march immobilier.epuis 2004, lIAU dF ralise rgulirement des cartes de synthse conomique . Elles permettent de mettre en image les principaux constats concernant lconomie rgionale et leurs traductions spatiales. Le travail croise dires dexperts , travaux statistiques et cartographiques, pour obtenir des postes de lgende construits selon des thmatiques renouveles chaque dition(1).

Une vision synthtique des principaux constats

La carte Dynamiques et potentialits des territoires franciliens ci-contre propose une synthse visuelle des volutions de lemploi dans lespace francilien, ainsi que les potentialits des territoires en termes dimmobilier dentreprise et de march du travail. Limage cartographie rsume les volutions de lemploi salari sur la dernire dcennie, ainsi que les inflexions de tendances dans les ples conomiques de lle-de-France. Elle permet de visualiser les gains majeurs demplois localiss en dehors de ces ples et les caractristiques principales de la main duvre. Par ailleurs, elle propose des indicateurs de dynamiques de croissance : implantations majeures de projets immobiliers et commerciaux, potentiel foncier existant pour activits conomiques, cration dentreprises, prsence de main duvre qualifie.

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et des opportunits de changementsLa superposition des tendances passes et des lments dinflexions interroge lavenir ; les ples conomiques de louest et du nord vont-ils continuer concentrer la majorit des gains demplois ? La croissance de lemploi salari

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cePour en savoir plus

hors ples conomiques prfigure-t-elle une extension de lagglomration conomique ? Quelles sont les perspectives demploi des populations situes en zones conomiquement vulnrables ? La localisation des principaux projets immobiliers annonce-t-elle des rquilibrages ? Les deux articles qui suivent dialoguent avec cette carte, lun sur le thme du march du travail, lautre sur celui du march immobilier. Larticle de Pascale Leroi et Laure Thvenot sappuie sur cette carte pour rappeler que dans le vaste march de lemploi francilien laccs lemploi est ingalitaire, et que la gographie de lemploi, des activits et des actifs, sarticule de manire de plus en plus complexe. Et montre sur la base dexpriences comment la crativit locale bauche de nouveaux modles. Larticle de Renaud Diziain voque limpact des mouvements dentreprises sur la gographie des emplois franciliens. Il dcrit les comportements rcents des acteurs du march immobilier entreprises, dveloppeurs, promoteurs , qui conduisent des logiques diffrencies selon la nature des fonctions conomiques. Et conclut sur une ncessaire rgulation publique pour garantir lventail des besoins immobiliers et assurer les quilibres mtropolitains.(1) La dernire tude, Tendances et dynamiques conomiques en le-de-France : synthse cartographique 2010, propose deux cartes : Orientations conomiques densit et accessibilit et Dynamiques et potentiels conomiques .

LEROI Pascale et GUERY Pascale, Tendances et dynamiques conomiques en le-de-France; synthse cartographique 2010, IAU dF, mars 2010.

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ComprendreLes Cahiers de lIAU dF n 156 - septembre 2010

Lconomie en mode actif Les territoires franciliens. Quelles dynamiques ? Quelles potentialits ?

Pascale Leroi Laure Thvenot IAU le-de-France

La crativit locale rajuste le march du travailLle-de-France offre une diversit de mtiers et dactivits conomiques, un large tissu productif favorable linsertion. Nanmoins, laccs lemploi est ingalitaire. Il dpend du lieu de rsidence et des caractristiques individuelles, selon une gographie trs contraste. Point positif, dans les territoires conomiquement vulnrables, des pratiques alternatives redynamisent lemploi.

Trouver une place sur le march du travail : un exercice dlicat pour les actifs les plus fragiles.

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e par sa fonction de passerelle entre lconomie globale et lconomie nationale, la mtropole francilienne concentre les talents : prs de 6 millions demplois, 600 000 tudiants de lenseignement suprieur, 40 % des chercheurs du pays, une offre de formation professionnelle publique ou prive dense et diversifie. Le systme productif et de formation francilien attire des personnes dorigines varies : 47 % des personnes rsidant en le-de-France en 2006 ny sont pas nes et un emploi sur cinq est assur par un immigr. Rgion trs active, lle-de-France constitue une tape dans la vie de beaucoup de Franais qui souvent y commencent leur carrire et y fondent une famille.

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Un march du travail offrant de nombreuses perspectives professionnellesLa mtropole francilienne offre des capacits de formation et dinsertion sur le march du travail pour une large gamme de mtiers. La spcialisation rgionale sur les mtiers de cadres, du fait notamment de la prsence de fonctions haute valeur ajoute, des centres de dcisions publics ou privs, va de pair avec une diversit de mtiers moins qualifis dans des activits support ou tournes vers les besoins de la population. Prs de 2 emplois sur 10 sont des postes peu qualifis. Ltendue et la diversit du march du travail francilien sont particulirement favorables linsertion des femmes et des jeunes diplms.

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Herv Dez-le bar Floral.photographie

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Les Franciliennes sont plus souvent cadres, travaillent moins souvent temps partiel et ont un taux de chmage infrieur la moyenne des femmes en France. Quel que soit le niveau de formation obtenu, les jeunes diplms franciliens accdent des positions professionnelles plus qualifies que dans le reste de la France ; ils courent moins le risque de connatre le chmage et trouvent plus souvent un premier emploi en CDI temps complet(1). Ce contexte est particulirement propice aux diplms de lenseignement suprieur. Prs dun poste de cadre sur deux correspondant un premier emploi est localis en le-deFrance(2), pour 28 % des emplois de cadres. Si lle-de-France attire une main-duvre qualifie et lui offre des perspectives de qualit et diversifies, lintgration sur le march du travail reste globalement difficile. Le taux de chmage francilien est gnralement infrieur au niveau national, mais il sen est considrablement rapproch dans les annes 2000 jusqu le dpasser lgrement en 2004, une premire. Depuis le dbut de la crise actuelle, lle-de-France est moins impacte ; elle connat pour linstant un ajustement de lemploi plus tardif quen province et affiche de nouveau un cart en retrait dun point avec le taux de chmage national. Cette situation plus favorable bnficie uniquement aux employs, les autres catgories sociales cadres, ouvriers, professions interm(1) Oref le-de-France, Focale n 3, novembre 2006. (2) Insee le-de-France, Oref le-de-France, mars 2007.

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Les stratgies de localisation des actifs et des entreprises modulent cette image globale. Les activits conomiques ont tendance se polariser. Une partie des activits employant une forte proportion de personnes peu qualifies sloigne du cur mtropolitain et des infrastructures de transport en commun. Les fonctions suprieures se regroupent au centre et louest, privilgiant la proximit des actifs trs qualifis. En matire rsidentielle, les classes suprieures ont tendance se regrouper dans les meilleurs espaces, tandis que les choix rsidentiels sont de plus en plus contraints pour les autres catgories sociales. Les actifs les plus vulnrables vivent sur des territoires loigns, mal desservis, ou sur des territoires plus centraux, mais enclavs. La dissociation entre lieux dhabitat et lieux demploi combine aux mutations de lappareil productif et des parcours professionnels moins linaires complexifie laccs au march du travail. Au final, la gographie socio-conomique de lle-de-France est trs contraste. Le trac rose de la carte Dynamiques et potentiels conomiques p. 18 correspond au poste de lgende march du travail attractif . Il englobe les ples conomiques parisiens ( Paris centre-ouest(3) , Paris sudouest et Paris sud-est ), puis des communes situes dans la partie centrale des Hauts-deSeine. Au sein de cette large zone, la surreprsentation des actifs les plus qualifis cadres et professions intermdiaires va de pair avec des taux de chmage communaux infrieurs la moyenne rgionale. Cest aussi dans ce primtre que se localisent les fonctions mtropolitaines suprieures, les activits haute valeur ajoute du tertiaire et de lindustrie, dans une zone qui englobe lOuest parisien, les ples de La Dfense/Nanterre au nord-ouest et dOrsay/Les Ulis au sud-ouest. Les deux triangles verts correspondent au poste de lgende main-duvre fragilise en zone

Vers dautres pratiques

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Les dynamiques de lemploi sont trs dpendantes du contexte institutionnel, politique et conomique national. Cependant des rajustements sont possibles au niveau local. Il est essentiel dobserver la ralit du terrain pour pointer des phnomnes mineurs en volume, mais importants en dynamique.Ainsi, des expriences locales pourraient annoncer des relations conomiques autres, fondes sur le partage, la diversit, louverture et la souplesse.

Souvrir la diversit ethnique et culturelle

La carte de synthse pointe les communes qui accueillent plus de 5 000 actifs de moins de 30 ans possdant un diplme de niveau bac et plus : autant de potentialits de recrutement en zone de vulnrabilit conomique. Beaucoup de ces jeunes sont descendants dimmigrs et souffrent de discriminations ethnique et rsidentielle. Plusieurs initiatives sattlent accrotre leurs opportunits demploi en facilitant la rencontre entre des entreprises et des jeunes diplms des quartiers populaires notamment lassociation Nos quartiers ont du talent , ou en soutenant la cration dactivit dans ces quartiers socit de capital risque ddie aux banlieues Business angels des cits (Bac), convention daffaires CraRiF quartiers Des plates-formes dchanges associatifs et de parrainage mergent, avec pour objectifs la visibilit et la promotion des minorits(4). Ces nouveaux rseaux, qui passent systmatiquement(3) En rfrence aux ples conomiques de la carte de synthse, IAU le-de-France, mars 2010. (4) Comme la nouvelle PME Citizen Capital, et Equity Lab, lagence pour la diversit, Bondy Blog, la Fdration Ile-deFrance des entrepreneurs et libraux de zones urbaines sensibles (Fifel Zus), etc.

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Un accs au travail complexifi

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