Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suarès

Embed Size (px)

Citation preview

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    1/34

    CARNET 7J U I L L E T 1 9 3 1

    France : le

    A g e n t G

    LA FI N DUGRAND M YTHE

    (7 )

    ET LEXTRAIT

    DUN MESSAGE

    DE

    R O M A I N

    R O L L A N D

    N 4 f rs. Carnets Mensuels Etranger : le N 5

    n r a l : J o s C o r t i 6 R u e d e C l i c h y P a r i s

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    2/34

    CARNET 7

    *

    LA FIN OU GRAND M YTHE (7 )

    ROMAIN ROLLAND

    < Europe, largis-toi , ou meurs! (ext ra it )

    U U I U I

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    3/34

    Carnets mensuels (sauf aot et septembre, soit dix numros par an).

    AGENT GENERAL: JOSE CORTI, 6, RUE DE CLICHY, PARIS.

    Adresser tout ce qui concerne ladministration et la rdaction

    M. Carlo Suars, 15, Avenue de la Bourdonnai s. Paris V I Ie.

    Chques postaux Paris 152573.

    Abonnement pour lar.ne 1931 :

    France et Colonies : 25 frs. Etranger : 35 frs

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    4/34

    LA FIN DU GRAND MYTHE

    YII

    Indtermination ou spcialisation ?

    La comdie mtaphysique rduite un seul thme, luniverqui sinterroge pour nier son interrogation, vient de nous rvgrce lobslination retardatrice du personnage lEternel,thme fondamental qui donne naissance la fois lEternel, Di

    Satan, tous les personnages, au metteur en scne, aux figuraaux accessoires.

    Si en effet le germe initial est lhomme lui-mme, et si accomplissement consiste en ceci quil se ralise sans se spcial(tandis que tous les rgnes qui ont prcd cette ralisation sont que des spcialisations intempestives issues du tronc originles deux solutions que reprsentent Dieu et FEternel, la solut

    virtuelle de lquation humaine, et sa solution relle, existent dlinconscient sous deux formes la fois antagonistes et compmentaires : la volont de sortir de lindtermination, et la volode ne pas entrer dans la spcialisation. La nature essentielle lhomme (son origine et sa fin) est de se dterminer sans se spcliser, de sorte que sa lutte consiste briser chacune de ses tala dfinition de lui-mme que lui a dicte sa victoire sur lindter

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    5/34

    lind te rm ina tion au bnfice dune spcialisation q u tou t est essentiel dviter.

    On voit dj comment ce combat mythique peut se fairp a r des personnages diffrents. E n p articulier, le personnag

    melle joue avec beaucoup de ralism e le rle de la s p cialainsi quon peut lobserver dans les rpubliques femelles dmits, des fourmis et des abeilles, o ds avant leur naissaindividus sont mutils et models de faon crer des typfaitement spcialiss et organiquement adapts leurs fosociales, si bien que celles-ci deviennent de vritables Entits tives, grce la destruction de tout ce que lindividu peu

    doriginal. Lindividu nest plus quun rouage dune norme mcollective. Une spcialisation analogue laquelle voudraientles systmes dducation et de travail qui nourrissent le Mytessentiellement, irrduc tiblem ent anti-humaine, donc r ien au ne pourra fort heureusement en assurer jamais le tr iompcela par dfinition.

    Ltat de dtermination totale et de non-spcialisationest ce que tout au dbut de notre expos nous avons appelde prsence totale et dabsence totale. La non-spcialisation ene veut pas dire indtermination. L justement est toute ltion : lantinom ie est pa rfaitem en t rduc tible. Nous y revie

    plus loin. Pour le moment nous voulons mettre en videvolont de re tar dem en t de lE terne l, qu i, sans dtru iredune volution organique travers les ges la remet samais lintrieur dune ralit mtaphysique ternelle et aen la dpouillant de tout ce qua de puril lide dune volqui

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    6/34

    Evolution ou retardement?

    La volont de retardement est le refus du germe humain pur de se laisentraner dans une branche latrale de son arbre gnalogique; donc srefus d octroyer la Vrit ou le pouvoir toute pousse qui n'a pas dmon

    qu elle appartient au tronc et non une branche quelconque. Cette poune peut dmontrer son authenticit quen prouvant quelle a accomlarbre gnalogique, et elle ne peut le faire quen le connaissant au pointsidentifier lui; en dautres termes elle doit lui arracher la vrit. Ainsi (selon la loi du renversement que nous constatons toujours dans projection de linconscient) le gardien de la Vrit est par dfinition cequi soppose elle lorsquelle se prsente lui. Ainsi Pharaon sopposMose (et lon comprend maintenant pourquoi lEternel la fois incMose demander Pharaon la libration du peuple, et endurcit le cur Pharaon pour quil ne laisse pas aller le peuple) ainsi les Juifs sopposenJsus, et le Christianisme ne triomphe quaprs la destruction de Jrusale

    ainsi le socialisme ne peut sdifier que sur les ruines de la civilisatjudo-chrtienne, mais cette civilisation capitaliste daujourdhui refudadmettre que ses institutions, comme les autres, doivent tre dtruites lhumain non mythique.

    Cette comdie de linconscient est vraiment surprenante, qui contraint Bien devenir un Mal qui dtruit le Bien , afin quun nouveauBien la dtruise et renverse son ordre en une victoire qui finit aussi par

    transformer en Mal , indfiniment! Cet invraisemblable vaudeville, donne la fois tort et raison Dieu et Satan est la meilleure preuve decomplicit de ces deux personnages, ou plutt de leur identit; la preuaussi quils sont interchangeables selon quon les regarde dun ct ou lautre. A la fin du Mythe on saperoit quil ny a eu ni marche en avantrecul, quil ny a pas eu dascension ni de chute, mais que tout le dramconsist en un jeu de lumires et dombres

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    7/34

    qui a revtu lhumain dhoripeaux fantastiques en une trag

    atroce et bouffonne qui a exist de ne pas exister et dont le tait de se dissiper elle-mme.

    Satan

    Satan est la spcialisation intempestive qui usurpe tout instle thme final de la ralisation, en croyant pouvoir laccaparer.

    pousse donc tout instant lindtermination choisir. Dieu, ousolution en puissance, tant le gardien de lindtermination, tlindtermination elle-mme, ne peut pas choisir. Satan doit dolui arracher une spcialisation qui est vaincue davance. Si nogardons prsent lesprit le fait que nous avons appel Dieu solution virtuelle de lquation mtaphysique, nous voyons qSatan est la volont qua cette solution virtuelle de sortir de sindtermination, en soffrant elle-mme la tentation dune spclisation afin de la rejeter, ce refus lui tant impos par lEterncest--dire par la solution relle.

    Satan est en somme la carotte que lne mtaphysique se pladevant lui-mme afin de sobliger marcher; et lon se demande effet comment il avancerait si chaque instant son dsir intense manger la carotte ntait mis en dfaite par sa propre victoire. dsir est en effet vaincu davance du fait quil est utilis pour m arche et transform en devenir .

    Devenir et renversement

    Lindtermination est oblige de vaincre sa volont de sordelle-mme par la voie de la spcialisation, celle-ci tant la tentatide Satan, et cette tentation tant absolument indispensable, puisq

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    8/34

    Donc elle est incapable de devenir au trem en t qu en trio m ph

    su r des spcialisations successives. Ces spcia lisations son t le flet de la solution relle, de la dte rm ina tion dfinitive; elles svritablement la projection de lEternel en ce que sa passivit aprente a dessentiellement actif.

    Si en effet lEternel est ternellement retardateur, sil est nellement le gardien du germe initial et final non spcialis lhumain, cest afin de rduire ternellement lindtermination

    sein de la dtermination, et le devenir dans lternit. Ce princimmuable du Mythe nest en aucune faon touch par la comdiedevenir, bien quil rside en celui-ci. Et si la Vie ternelle na aubut puisquen elle le commencement et la fin sont conjoints, lEtermythique et le devnir ont des buts trs nets qui sopposent lulautre. Ainsi le propre du Mythe est de se nier du fait mme qsaffirme, et de marquer chacun de ses instants quil ne peut avdautres victoires que ses propres dfaites.

    Le devenir divin est donc strictement synonyme de victosur Satan, et cette donne de linconscient est si exacte quepremire thogonie et cosmogonie gyptienne, et la plus importaainsi que nous le verrons dans un autre expos, porte comme tLiv re qui connat les devenirs de R et le renversem ent dApApp tant le grand serpent. Les devenirs du Dieu et le renvement du serpent sont synonymes, strictement.

    Nous reviendrons plus loin sur cette extraordinaire cosmogosignale par M. Amlineau, qui contient en germe lquation myque toute entire. Comme tous les tmoignages authentiques lhistoire de l'inconscient, le simple titre de ce papyrus est blosant de clart, et inpuisable de signification. Le fait que ces denirs de R et ce renversem ent d App sont une cosmogocontrairement la stricte logique qui demanderait que le titre d

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    9/34

    Aussi bien ces devenirs, au pluriel, s'adapteront fort bplus tard aux Elohim, tort traduits par le mot Dieu au singul

    ou plutt dessein se traduisant par un singulier dans leur volode rejoindre FEternel.

    Le serpent et le crocodile

    Satan, ternellement triomphant parce quternellement vainest le vritable animateur du drame mtaphysique, aussi bien qdu drame biologique : Il est le seul Mdiateur possible entre D

    et VEternel, (entre les Elohim et Jhovah) comme aussi entrenature et lhomme en devenir (ou sous-homme).

    Du point de vue du dveloppement de la vie sur la planteest vident que le germe humain primitif na pu construire sa forhumaine dfinitive quen luttant contre son propre dsir de se dminer en semprisonnant dans sa propre cration. Son affranchisment est fait demprisonnements successifs au sein de formes succ

    sives construites par lui, qui sefforcent de ltouffer afin quil brise.

    Pour linconscient humain la plus grande source de terreurs la vision de ces cadavres de toutes les formes successives dans quelles lhomme sent que sil stait laiss prendre il se seperdu. Cette vision de toutes les dchances quil a vites le posuit et le paralyse, cependant que ses dsirs les plus profonds,

    dsirs essentiels, lincitent se rvolter contre sa propre peur. Lconscient lui transmet en un cho immmorial le souvenir de catrophes pouvantables, de dchances terrifiantes, de destructicataclysm iques, o se brisre nt les nombreuses rvo ltes des lonts qui avaient voulu parvenir au terme avant terme.

    La Nature avait impitoyablement bris ces formes primitivqui en un gigantesque effort avaient aspir tre dfinitives.

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    10/34

    normes Sauriens dchus, dfinitivement anantis par des bouleversemeprodigieux marqurent linconscient pour des millnaires de l

    pouvantable tragdie. A lpoque tertiaire, dj, les grands Sauriens, Dragons vaincus ont t balays de la surface du globe. A cette poque-lnen reste dj plus un seul, cependant que les monstrueux pachydermpesants et obtus, sont demeurs. La vision frontale nexiste dj plus terre; lil unique que la dualit navait pas encore vaincu a t dtruitSaurien cras, aplati, le voici qui surgit en rampant des entrailles du sona plus de pattes pour marcher ni dailes pour voler; la terre la dpouill

    lui a tout abandonn, il na plus rien que le souvenir : cest le Serpent!Le Serpent est le plus ancien personnage du drame mythique; il est p

    ancien que les hommes et que les dieux, il est la premire rvolte e

    premire chute, le Signe, le souvenir, et aussi le seul personnage qui sa

    indiquer la voie, le seul qui puisse inciter, pousser en avant, forcer lhommythique vers son devenir. Il est le premier crucifi de la terre, son prem

    poux, sa premire nourriture, et aussi son premier n. Il est son propre f

    le fils glac lu feu que son Grand Anctre le Dragon avait cach dancentre le la terre. Il est la Connaissance de la Terre et aussi son env

    charg darracher aux Cieux leur divinit, au feu sa chaleur, la Vie la Il est lexpression mme du fait accompli, de laventure inluctable, de

    Dualit. R devra constater que le Serpent tait | avant lui. Le D

    gnsiaque de la Bible devra constater son impuissance devant lui, puis

    toute son aventure divine consistera le suivre dans la voie que le Serp

    tait seul connatre.

    Nous reviendrons plus loin sur certains faits remarquables du jardEden, et sur dautres faits bibliques concernant le serpent, beaucoup ptard, lorsque commencera le dernier acte de la Comdie, le signe annoncera la Glorification sera la victoire de Jsus sur Satan au momentJsus fera pntrer Satan dans Judas

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    11/34

    en lui donnant du pain tremp, puis donnera un ordre Satan qcelui-ci excutera.

    Nous avons dit que Satan est la tendance qua Dieu de se dtminer en se spcialisant. La Comdie qui se joue consiste ameSatan stimuler lquation vers sa solution dfinitive, non plus des tentations successives de spcialisations, mais en utilisant contraire comme stimulant la solution dfinitive elle-mme. Sane demande pas mieux, puisque ce changement de dcor lui inquera quil est enfin rgnr et que la dualit elle-mme travaau profit de la non-dualit. Mais ne la-t-elle pas toujours faNest-ce pas elle qui a t le moteur de tout, depuis loriginNa-t-elle pas t le devenir lui-mme, le seul lien possible enune solution virtuelle inanime et la solution relle et passive lquation prim ordia le ?

    Que se passe-t-il donc un moment donn pour aplatir, antir le devenir entre un commencement et une fin triomphalem

    runis? Que se produit-il qui fasse un jour cesser ltat de lutA quel instant le renversement est-il termin au sein dune pfection qui, ne comportant plus de haut ni de bas, dtruit dansRalit tous les redressements?

    Absorption

    Nous avons vu que sil existe une quation virtuelle qui dson devenir soblige, elle-*mme trbucher par une successindfinie de pertes dquilibres vers sa propre ralit qui est lqtion rsolue, cest afin de se nier elle-mme, en dautres termes lierrogation doit sabsorber elle-mme.

    La ralit absolue, nous le rptons, ne consiste pas en uquation flanque de sa solution, mais elle est la totalit de la Vo lquation aussi bien que sa solution sont transposes ont ce

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    12/34

    capables de raliser lhumain dans sa puret la fois primord

    et finale, ce nest pas seulement en refusant de se laisser entra des spcialisations, mais aussi, par un processus inverse, en rsorbant toutes les spcialisations qui se sont dtaches de lui.

    Toute spcialisation de types (minraux, vgtaux, animaux) une volont de sisoler, de se sparer, est une scission au seinluniversel. Si le germe humain se laissait prendre ce jeurefuserait de se laisser entraner dans ses propres spcialisati

    (ce qui serait parfait) mais en marquant quil nest pas ces splisations, cest--dire en reconnaissant comme vritable leur sration, de sorte quil se dterminerait ngativement en sisolanson tour, et en se spcialisant dans une non-spcialisation qui ldtre universelle et vivante serait individuelle et strile.

    Voici donc lhumain contraint chaque instant de laisschapper hors de lui des spcialisations qui ne le reconnaiss

    pas mais quil doit reconnatre, qui senfuient et quil doit ravaIl doit les reprendre, les manger, les assimiler, parce quelles svritablement lui, lui tel quil tait telle priode, puis telle aupriode, o, ayant perdu la mmoire, il avait cru ne pas tre lui mtre quelque chose de particulier, tre tel animal, telle plante. Cencessit mythique commence par tre joue, reprsente dansGrande Comdie humaine par les totinisations : lanctre, animou plante, est absorb par le clan.

    Rabsorption .

    La rabsorption est de toutes les donnes mythiques la pprofondment enracine dans linconscient, sous toutes les formpossibles. Nous avons vu, en posant les quations je-cela et ce

    je de la dualit, comment opre cette rabsorption de llm

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    13/34

    lhomme puisse concevoir, quelle que soit la direction quil attr

    ce mouvement. Mme lorsquil imagine un Dieu qui cre lvers, une fois quest fait ce geste incomprhensible (et dont linccient a fort bien reconnu labsurdit en lhabillant de tous les hpeaux possibles) il ne lui reste plus quune faon de sen tirer rabsorption, sous nimporte quelle sauce, sous nimporte quforme. Brahma rabsorbera lunivers. Lunivers rabsorbera D(celui-ci en mourra, ressuscitera, etc...). Dieu rabsorbera ses c

    tures. Celles-ci rabsorberont dabord Dieu (ou lanctre totem) la circoncision, la communion, etc... Lternit doit rabsorbetemps, la conscience doit rabsorber lespace, et ainsi de suite.

    Ne confondons pas la rabsorption avec la simple absorpde nourriture. La donne est tout autre, et peut sexprimer ain je repre nd s en m oi-mm e ce qui est essentiellement moi-mcest--dire le germe qui ma donn naissance, et porte implic

    ment con tenu le fa it que si je ne rabsorbais pas lorigine jepourrais pas continuer, mais puisque je rabsorbe lorigine jecontinue pas proprement parler, je suis lorigine elle-mme

    j ai ram ene dans le prsen t . Ainsi le devenir se nie lui-m dans toutes ses reprsentations mythiques; ou du moins il tense hier; il tend ramener la totalit du pass dans le prsent, ese nie dfinitivement lorsquil considre quil a russi se rabsor

    tout entier.Cest ce moment dcisif dans toute lhistoire du droulemmythique que Satan (la chute, la spcialisation), est vaincu, etmoment ne dpend pas de Satan, mais du fait que Dieu est parve le rabsorber. Le mythe chrtien nest parvenu qu entrevoirmoment dcisif, tout comme le dbut dun dernier acte ne pencore quentrevoir la fin de la pice. Quant aux acteurs mythiq

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    14/34

    fait comprendre le rapport trs troit qui existe entre les pernages Satan, le Mal, la Matire, la Femme, le Serpent, etc., ca

    thme du personnage Satan ne fait que rpter sur un autre regile thme que nous avons donn plus haut, celui de la Femmedoit tre purifie par lHomme afin de donner naissance la raabsolue qui est la fin de la reprsentation, donc des personnaSur un autre registre nous verrons le dterminisme conomguid par la matire (la production et les moyens de productexprimer le mme thme et aboutir la ralit sociale qui es

    fin de la hirarchie mythique.

    La reprsentation du monde

    Nous avons t graduellement amens app rofon dir les donnmythiques jusqu voir surgir dune situation purement mtaphque des personnages dont les dbats et les aventures constituenmatire mme dont est fait linconscient mythique. Nous voici dobligs dappeler mythique non seulement la reprsentation quedonne linconscient en projetant ses propres donnes, mais la resentation que se donne lunivers lui-mme, lunivers tout entier, creprsentation tant, tout comme un chef-duvre thtral, un assblage d lments dont chacun est parfaitement rel du fait mme qn'est pas vrai.

    Les hommes, ces auteurs-acteurs-spectateurs, dhabitude ssi bien pris dans le jeu quils croient que tout est la fois revrai : tel dcor en carton-pte est le vrai mur en vraie pierre dvraie forteresse, je, le rle, est un vrai je, Dieu existenexiste pas, etc... ce qui, pour quelquun qui se trouve en dehde cette illusion ne veut absolument rien dire du tout, puisque pcisment leur sens du vrai nest que lillusion qui mane dereprsentation.

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    15/34

    qu se re tire r en dehors de cette irra lit en dehors du m onddans un pseudo absolu ou une pseudo divinit qui en se dcla

    irresponsable de tout ce qui se passe avoue implicitement son puissance et sa propre irralit. Entre ces deux positions, toutes dabsurdes (bien quelles soient la base de tous les systmes myques et de toutes les croyances) lhomme dlivr du Mythe en conla ralit absolue, tout en sachant que la Vrit nest pas le droment de la reprsentation, mais la vie de chaque lment en jeu

    La fin du monde

    Puisque le Mythe est la totalit de la reprsentation que se dolunivers, et que par ailleurs il est vident que lorsque nous disque le Mythe est fini il ne sagit pas de la fin du monde, nous sommamens dfinir de nouveau cette fin , en lui donnant son sJe plus gnral. Nous avons en effet commenc notre exposFhistoire de linconscient en situant lindividu humain par rapp une dualit quii na pas rsolue, et la fin du Mythe est, danssens-l, la fin de son rle en tant que personnage dune pice qne connat pas. Mais nous avons t amens dcouvrir quedrame de linconscient (qui projette sur le monde tout le droument historique lequel son tour donne naissance aux ides), nJui-mme que la reprsentation, ou plutt la cristallisation dans individus dune donne mtaphysique, dun quelque chose mphysique qui sinterroge pour nier son interrogation, cest--direlunivers.

    Cette donne universelle, cette dfinition de lunivers est nelle et irrductible cause du fait irrductible quil y a quelchose. La fin du Mythe nest ni la fin de ce quelque chosela fin de linterrogation qui est son mouvement, mais en parlde la fin du Mythe nous parlons de lavnement de la vrit m

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    16/34

    travers une lentille) celui-ci la projette renverse sur son crpersonnel. Mettre fin au Mythe cest m ettre fin ce renversem

    dApp, vraiment diabolique, ou, en dautres termes, ces denirs vraim en t illusoires. Les je individuels sont, nous lavovu, des pseudo-rsolutions dquations dont la ralit est renverpour des raisons vitales (vitales pour ces je ). Mettre fin au Mytcest remplacer sa pseudo-rsolution par la rsolution relle. A moment l, la reprsentation humaine, qui tait un renversemende ltat naturel, rentre dans lordre de la reprsentation de tou

    la na ture . Lhom me n etan t plus un renversem ent cesse d inhumain et dtre inhumainement malheureux.

    Le rapport tout fait direct qui existe entre les donnes fodamentales de linconscient et celles de lunivers dans son ensembet la sensation de dissolution quprouvent ceux dont linconscia cess de projeter la vrit en la renversant expliquent pourqucette fin de linconscient a souvent t confondue avec la fin

    du monde. En particulier, il est peu prs certain que le Christnism e prim itif a surgi de cette sensation de la fin du monAujourdhui une conception moins enfantine du monde projecette mme sensation, dune faon peu prs gnrale, dans ecnscience quo tidienn e de chacun, en une sensation de fin ducivilisation, ou mme de fin dun cycle cosmique.

    La possession, ou renversement totalLe je individuel tant le nud du drame, et le temps qu

    fabrique tant celui pendant lequel il est pris lui-mme dans drame, chaque fois quen une lueur il est rendu lui-mme pquelque scne particulirement violente, le voici qui seffondre loqu un dnouement mme partiel le drame est comme momentament suspendu : pendant un instant il ny a plus de drame, donc

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    17/34

    tions ex trieures qui sefforcent dafArmer la vrit objectivdes je aucune n est plus absurde que leu r instinct de possessindividuelle.

    La possession individuelle est la plus grande hrsie mtapsique que nous puissions imaginer. Elle suppose que les noede conscience que sont les je , non seulement peuven t se m atenir intacts, mais quils peuvent ajouter quelque chose e

    mmes, des objets extrieurs ou intrieurs, des biens dits terrestou des biens dits spirituels. Tant que se droule la reprsentatiles je sidentifient tout ce quils croient pouvoir possdeleurs amis, leurs amours, leurs croyances, leurs autos. Puis dces lueurs qui suspendent un instant la reprsentation, ils perdtout en u n coup, ils sentent que possder ne veu t plus rien ddu tout.

    Cette sensation est le commencement de la connaissance, point que lon peut juger du degr de vrit dun tat social fonction inverse de la valeur que cet tat accorde la possessindividuelle.

    Des valeurs hirarchiques fodales, des organisations de castpeuvent la rigueur, certains moment de lhistoire, tre la projtion de quelque ralit mtaphysique, bien que dforme, mutil

    voire trahie. Mais un ordre social bas sur la proprit individuena en aucune faon aucun rapport possible avec la vrit humaisi ce nest quil en est lexcrment. En dautres termes il est absoment impossible dtablir sur la valeur de possession des valequi ne soient totalement, absolument renverss.

    Nous avons dj vu comment opre, dans ce sens-l le complde retardement, qui se traduit par un sens de possession spir itu

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    18/34

    [inconscient mythique, nous constations que ce thme ne peut absolument pas sortir de sa puret mtaphysique sans se commettravec la notion de possession individuelle, cest--dire sans se renverser compltement.

    Le complexe de rabsorption

    Le complexe de rabsorption est le roc mythique sur lequel econstruit tout lachafaudage de ce que lon appelle notre civilisation

    avec sa morale, son bien, son mal, ses religions, et toutes les autrehypocrisies dont elle dguise sa base v ritab le : le sens possessiTraduit en termes pratiques le complexe de rabsorption signifie je ne peux absorber que ce que je rabsorbe, cest--dire ce qui edj sorti de moi. Or ce qui est sorti de lindividu, cest le frude son travail, de sa peine, de ses mrites, de ses dmrites, etCe nest que cela quil peut rabsorber. Toutes les autres richesse

    tous les biens de la terre, il ne peut ni les cueillir ni encore moinles manger. Ds le dbut du Mythe il est frapp de cette maldiction; cest la sueur de ton visage que tu mangeras ton painlui dit lEternel Dieu en le chassant du Jardin; ce qui veut diretu te rabsorberas; tu ne pourras que te rabsorber; donc si tpossdes cest bien, cela veut dire que tu as rabsorb; et si tu npossdes pas sache que le trava il forc est la sup rme vertu hum ain

    car la terre te refusera ses bien gratuits.Rien nest plus immdiatement horrible et stupide que ce reversement du mouvement mtaphysique en une tragdie comptablet sanglante o les hommes se dbattent depuis des millnaires, equi a fait de tous les hommes des criminels, des fous et des juge

    Nous avons dj vu la rabsorption fonctionner dans le choqui se produit dans larbre gnalogique de lhumain pur entre ltronc et une nouvelle pousse de vie Celle ci en effet doit conquri

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    19/34

    revient, cest--dire une rabsorption, tel point que mme sreprsentants du pouvoir lui octroyaient sans lutte ce quellemande et plus encore, ce seul fait de recevoir qui soppose ncessit o elle est de prendre, loin de laider ne ferait que lablir. Ce processus est la fois biologique et spirituel, la fois soet religieux. A travers les mythes et lhistoire cest toujours aude lui que se cristallisent les grandes scnes du drame, cellesmarquent les tapes dcisives dans la lutte des classes.

    Justifications

    Dans le domaine du possessif linconscient ayant une fois toutes tabli que lhomme ne peut absorber que ce quil rabsoil en conclut quil ne peut acqurir que ce qui lui appartient de droit, et ceci justifie de la faon la plus admirable toutesconqutes, ses pillages, ses usurpations. La vrit mtaphys

    renverse oblige le divin consacrer chaque prise de posseschaque vol. Aussi loin que lon peut remonter dans lhistoire et la prhistoire la fonction royale est associe dans tous les mythla fonction pontificale : puisque je domine sur les autres homcest quil mappartenait de les dominer, en vertu dune prescripsurn aturelle (le su rna ture l tan t tou jours ce que la conschabituelle ne parvient pas explorer dans le domaine de linc

    cient). La rciproque de cette affirmation est : toute initiationrituelle ne peut tre quune rabsorption; or celui (initi, Christ, qui est parvenu tout rabsorber, de ce fait possde tout; dpossdant tout, il est Roi. De mme le milliardaire dit spossde cest donc que jy ai droit. Le rle de Souverain Poest donc lincarnation mme du sens possessif rassasi.

    Cette lgitimit de la possession individuelle est enracin

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    20/34

    lanti-univers est rabsorption . Ainsi toute vrit a deux sens q

    sopposent lun lautre. Limportant nest pas de remplacer mal par le bien, le diable par Dieu, ou lgosme pun idal; mais limportant est de dcouvrir les donnes fondametales de linconscient, et de ne plus les renverser . Cest extrmment simple, mais encore faut-il, pour se prcipiter dans cette aveture, tre compltement dpouill et navoir aucune crainte.

    Celui qui a rabsorb

    Lhom m e qu i a vritablem ent tout rabsorb est celui qayant maintenu intact en lui lhumain dans sa puret la foprimordiale et finale, a reconnu dans toutes les spcialisations qui sont dtaches de lui, quelles que soient ces spcialisations, quellse sont cristallises autour dun seul germe, unique, universel, ipersonnel, qui est la Vie elle-mme.

    Cet homme a rabsorb cest--dire quil a reconnu lidentintrieure de tout ce qui vit, de soi-mme, de son interrogatioLe ? sest rabsorb en cons tatant qu il est le qu elq ue choseLa rabsorption tant termine lindividu qui jusqualors stait cetr sur le je, ce point dinterrogation qui stait pos en se dchant de tout le reste, voici quil a soudain perdu la fois scentre et sa position et son interrogation. Au lieu de sidentifier

    {inter rog ation non rsolue, il est identifi m ain ten an t la rsolutiode linterrogation dans le quelque chose , cest--dire quil est dissolution de linterrogation dans limpersonnel.

    En tan t que je cet homm e est mort, m ort dfinitivemedans le bon sol, comme les grains qui portent beaucoup de fruits Le monde douloureux des ternels renversements nest plus le sieMais ceux qui sentre-dchirent encore dans ce monde sangla

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    21/34

    Les

    rcompensesLa position du milliardaire, du pape ou du souverain, fortem

    appuye par la certitude que ce qui est absorb est lgitimemVabsorb, sexprime aussitt en distribuant gnreusement foules (qui nont que peu parce quelles nont droit qu peusurplus de quelques sous, de quelques bndictions ou de quelqconcessions sociales : gnreusem ent m ais avec beaucoup de p

    caution cause du retard em en t dont le m illiardaire, le souveet le pontife sont les gardiens farouches. Soyons assurs une pour toutes que la donne primordiale du Mythe se droulera comelle sest toujours droule, suivant un dterminisme rigoureux, possible briser : les dfenseurs du retardement dfendront le dro its n>ju sq u ce quon les leur arrache par un combat.

    Aussi bien , ce quils dis tribue nt nest que la rcom pen

    quils accordent ceux qui se soumettent, en somme ce nest queprix de leur soumission, comme des bons points aux lves sages les mritent. Mme dans ces distributions il ny a donc aucune gtuit, mais une valuation de ce quoi la foule est cens avoir drde ce quelle est cense pouvoir rabsorber.

    La charit du riche ne va quau pauvre qui sait rester place, la bndiction ne va quaux personnes bien pensante

    et les liberts sociales ne sont concdes que dans la mesurelordre tabli nen sera pas renvers. Ces rcompenses, il entendu que ceux qui les accordent peuvent, si lon nest pas contles retirer. Le capitalisme menac cesse de faire laumne etsattendrir sur sa propre bont, les pontifes menacs se htenttransformer leurs bndictions en maldictions, les souverains, tles souverains dans tous leurs domaines massacrent impitoya

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    22/34

    Ceux qui doivent vaincre

    Dieu, largent et les mitrailleuses sont intimement associcause de la position commune quils occupent dans le mythe, sorte que ceux qui auraient le pouvoir de remplacer des valemythiques par des valeurs humaines et vraies sont prcisment cequi sacharnent tre inhumains. Or puisque le chaos actuel de que lon appelle notre civilisation doit finalement se rsoudre dades donnes humaines non mythiques il est trs important quervolution se fasse par des hommes qui se sont compltement d

    vrs du mythe, sans quoi des armes mythiques ils opposerodautres armes mythiques, une reprsentation inhumaine une tre reprsentation inhumaine, un cauchemar un autre cauchemEt il est impossible de se dlivrer du Mythe si lon ne dissout pdans sa totalit lquation irrelle et inconsciente dont chacun nque la personnification. Cest pour cela que nous voulons arriv

    jusquaux dernires racines de linconscient afin de les dtrui

    Lon peut bien nous dire que les totems, que les mythes prhisriques, que la signification du Temps et de lEspace ne sont pdun intrt actuel et immdiat, mais cest simplement parce qlon ne se rend pas compte que tous les problmes actuels, indiduels et sociaux, ne sont que des dformations et des projections ces mmes donnes inconscientes qui cr rent tous les mythes prhtoriques !

    En rsum, nous constatons travers lHistoire que tous lordres sociaux qui se sont tablis sur lquation mythique gyptiene, grecque, judo-chrtienne, etc... ont eu comme soutiens et dfeseurs des personnes dont le seul but a t dimposer les valeurs mthiques de lquation je-dabord-cela-ensuite. A ces personnes pdfinition il est ncessaire que la nouvelle pousse vitale arrache pouvoir. Par dfinition Pharaon refuse de relcher les Juifs, etc., e

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    23/34

    physique primordiale ne peut saccomplir quavec les souffrancles plus grandes, car, ainsi que nous le verrons plus loin, le Mytest si bien organis quil sappuie sur des esclaves en leur donnades mes desclaves, de sorte que ceux dont la fonction est darrachle pouvoir doivent commencer par se recrer eux-mmes et ptrouver en eux lnergie de sortir du Mythe. Cest comme un suhypnotis, qui, sous linfluence de son hypnotiseur, devrait retrouven lui la possibilit de rompre lenvotement.

    Cette fatalit mythique a t partiellement dcrite par KMarx, lorsquil affirmait que le proltariat ne peut compter que ses propres forces pour se librer, mais elle nest pas seulemevraie pour une classe sociale, elle est vraie aussi, en particulier, pochaque individu humain au monde. Karl Marx sest plac du pode vue du rationalisme historique, cest--dire quil a constat qrvolution des ides est inexplicable par lvolution gnrale lesprit humain, mais quelle trouve au contraire son origine dala vie matrielle, dans les moyens de production. En tudiant ptard cette philosophie nous constaterons que ces faits matrielsleur tour, tels des cristaux de solutions dterm ines qui se produ isetoujours suivant des formes dtermines, sont le produit dun criallisateur psychologique inconscient qui est prcisment celui qnous tudions ici.

    En m ettan t vif ce cristallisateur, cette quation m ythiqu(et nous ne pouvons le faire que parce que dj la nouvelle civisation est l) nous ferons passer dans le conscient cette donninconsciente, nous dchirerons le dernier voile qui nous spare lhumain, et nous trouverons enfin le bon sol sur lequel construiUne fois que ce cristallisateur sera compris, donc dtruit, lantagnisme entre la personnalit humaine et le social nexistera plus,es hommes saffranchiront de la fatalit du dterminisme : le M

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    24/34

    dfinitivement le dterminisme? En effet, la loi millnaire suivlaquelle la classe rvolutionnaire est toujours devenue conservatrune fois parvenue au pouvoir, cette loi qui veut quune autre clalui arrache son tour le pouvoir, et ainsi de suite indfinimecette loi doit tre brise. Pour Marx cet avnement vraimapocalyptique est labolition de toute classe, donc la fin de dterminisme millnaire : la fin du Mythe, avons-nous dit.

    Un tel avnement nous ne comprenons pas encore assez :

    I o qu il ne peut pas ne pas se prod uire ;2 quil doit se produire lintrieur de chaque tre humain,

    dtruisant les donnes inconscientes qui jusquici ont cr tous rles de la comdie sous-humaine. Cet avnement psychologiqforc par lhistoire, sera la Connaissance ultime, lhumain, la dvrance. Au lieu de voir des millions de pantins dont tous les geset toutes les ides sont commandes par la ncessit o leurs rles ont placs de lutter les uns contre les autres, nous verrons individus conscients de leur pure humanit qui nayant plus de r jouer seront enfin eux-mmes. Une association dhommes librvoi ce que devra tre la nouvelle socit; et sans tre des utopisnous voyons dj qu une telle chose sera possible. Vous ne chgerez pas la nature hu m aine nous dit-on. Si, en d truis an t lconscient nous transformerons des sous-hommes en hommes;

    3 que par rapport tout ce que nous avons vu dans lhisto

    cet avnement sera si colossal comme changement, qu bon dnous pouvons en parler comme de la cration dun nouveau rdans la nature : lhumain, par rapport auquel tout ce que nous avvu jusquici dans lhistoire entire nest encore que sous-humain

    Justice

    Le mouvement de rabsorption se retrouve dans linconsc

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    25/34

    soit quil sexprime clans les clans primitifs par le sens dgalsoit quil devienne une promesse de consolation ou une menace

    chtiment aprs la mort, soit quil se prsente sous un aspect didsoit quil invente simplement des justifications aux actes les pgostement et les plus violemment injustes.

    Linjustice (le fait que chacun na pas ce qui lui rev ienest ce qui frappe le plus lenfant; un idal de justice (o chaaura ce qui lui revient) est la base de toutes les rvolutioLes vangiles ont d se soumettre cette expression mythique,

    faisant constamment appel sa comptabilit au sujet du royaudes cieux, etc... et cela malgr la violente raction de Jsus enqui concerne les salaires, les rcompenses, et la justice en gnT1 ny a rien de plus injus te et de plus arb itra ire qu un mirarien de plus ir ratio nn el que la foi et pou rtant la Jus tice et deux m onstres qui la protg en t Rcom pense et Chtim ensont la base de toutes les religions.

    Comment cette transformation peut-elle se faire? Trs simpment : la religion dclare que la rabsorption ne se fait pas suivla loi de ce qui est rab sorb (la crature) m ais su ivan t les vomystrieuses de ce qui rabsorbe (Dieu). Cest le subterfuge grauquel Dieu (la pseudo rsolution de lquation je-cela ) voudrjustifier lexistence du mal, en attendant quil sache ce que ceOn voit comment lide de justice saffirme en tant que postu

    afin de prouver son existence. Une telle purilit pourrait nous sprendre si nous ne savions dj que chaque individu doit bienreposer sur une irralit de cette nature, sans quoi, ne possdpas la connaissance totale, il ne pourrait pas vivre.

    Mais celui qui est sorti du Mythe pour avoir dj tout rabsosait quon ne peut juger les autres hommes, les rcompenser les chtier quen se basant sur des illusions. En attendant nos fut

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    26/34

    lide de Justice, na pas encore trouv dchos dans les cerve

    mythiques.Ds que lon dbarrasse lide de rabsorption de lide de psession, ds quon la place dans ltre et non dans lavoir, les pblmes sociaux deviennent thoriquement trs simples et trs mains. Et lon conviendra que les difficults techniques dun orvrai, humain, pleinement conscient, dun ordre qui mane direment de la Connaissance de lhomme, ne sauraient tre plus diffica rsoudre que les difficults techniques dun ordre absurde, quement bas sur les donnes inconscientes du Mythe. Elles auraau moins quelque chance de succs, tandis que la technique apque un chaos fondamental, tant vicie ds son origine, ne pquaugm enter le chaos. *

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    27/34

    EUROPE, LARGIS-TOI, OU MEURS "

    On ne tardera pas savoir que Vanne 1930 a m arqu une ta pe d c is

    dans lvolu tion de la conscie nce hum ain e. Elle a m arqu bien plu s qutape : le commencement dun Jugem ent D ern ie r , forc pa r le s vnem e

    h is to riq ues.

    A la veille des grands combats... d it Rom ain Rolland dans ce m essage d

    du 1" Janvie r 1931, et lon ne peut plus douter que cette veille soit arriv

    Un dclenchement sest produit. Violemment il spare le monde en deux

    nous oblige de ch oisir pour un ct ou lautre, il fera quun jour des m il lions

    personnes auront dj chois i de n a vo ir pas voulu chois ir .

    La naissance de lhu main est dj l. E t cela nous est une jo ie profo

    de m arquer que p arm i ta nt d hom m es don t nous a tt endio ns ta nt, e t qui ne np erm ette n t plu s de rie n esprer d eux, R om ain R olland a opt pour cnaissance. Sa vo ix cla ire, quilibre, si sim ple m en t prophtique , le s cadav

    am bula nts qui nous en to urent pensent po u vo ir encore une fois ltouffe r. Il

    trop ta rd. Car, com m e lui, des hom m es in nom brable s de tous les Contine

    savent que dj, langelus de demain a sonn. Et cette nais sante aurore hum a

    est plus grande que tout.

    O. 8.

    ... Si certain s de mes livres m ont, par un succs peut- tre dproportionn, cr des responsabilits morales vis--vis dun pubqui attend de moi la becque, et si le souci de ces responsabilits mtrop souvent oblig lui mesurer la part de la vrit quil pouvingurgiter, je ne la mesurerai point ici aux compagnons intellectuqui forment, ou devraient former, ltat-major de la pense dmoctique dOccident, la veille des grands combats...

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    28/34

    Depuis qua succd dans les grands Etats dOccident et dArique, porte-drapeaux de la civilisation blanche, lidologie d

    cratique celle des absolutismes monarchiques, la force brutaleruse de la politique qui gouverne le monde a senti la ncessitse camoufler sous le dcor de la prtendue volont des peuples, consults, et sous lidologie de leur lite intellectuelle, abusevrai dire, mme aux temps du pouvoir absolu, les matres toujours recouru au mensonge des hauts mobiles : religion, patetc., pour couvrir leurs passions personnelles. Mais le contraste s

    cuse plus criant aujourdhui entre le cynisme hont des puissandargent qui, en fait, mnent les Etats, et la fiction Dmocratique, ases sublimes fantmes : Droit, Justice, Libert, dont lles uscomme tendard et comme paravent.

    Entre nous, compagnons, nest plus dupe que qui veut lNous le savons trs bien : les peuples de nos dmocraties ne gvernent rien, et ils ne connaissent rien du gouvernement. Car l

    unique source dinformations est la presse, aujourdhui presque tirem ent vendue aux puissances d argen t; et leu r nergie de ractcritique est rduite zro. Personne ne leur a appris contrdiscuter, les raisons et les faits, ou plutt les passions aveuglecontradictoires quon leur inocule, au fur et mesure des besodes matres de la politique. Cest une ducation difficile que, bloin dencourager, lEtat interdit ses instituteurs dispenser

    peuple, puisquun tel savoir aurait pour premier objet douvrir yeux au peuple sur les ruses de lEtat. Et quant aux libres inteltuels, qui pou rraien t et devraient tre des frres ans, ils sont hincapables de donner cet enseignem ent leu rs cadets : car lpropre ducation sociale est peine plus avance que celle peuple; et ils sont les premiers jouets des ruses de lEtat.

    Quand la guerre se livrait entre les deux moitis de lEuro

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    29/34

    le pur sacrifice, la joie hroque de limmolation. Ils nont pasde peine les trouver. Je sais avec quelle sincrit et quelle abgation les meilleurs intellectuels de notre malheureux Occident accompli leur mission, au prix de quels sacrifices, soit deux-mmsoit des leurs, et, parmi les Universitaires, mes compagnons dhquels abmes de deuils, offerts au Dieu Moloch, quon leur faiinvoquer! Mais je sais aussi, je sais combien ils ont t dupcombien de dupes ils ont faites. Et de le leur avoir dit, ils ne mpas pardonn.

    Quauraient-ils pu faire dautre?... En ces temps-l, o je dgageais moi-mme, lentement, avec peine et douleur, de toutesillusions qui avaient li ma jeunesse (mensonges de lhistoire ocielle, mensonges des conventions nationales et sociales, de traditet dEtat), je commenais peine entendre, avec un tremblemla rponse libratrice quauraient d faire les peuples. Et je nola d ire. Je la d ira i a u jo u rd hui. Cest celle de Lnine, en 19La rvolte des armes dEurope contre les matres de la guerreleur fraternisation sur le champ de bataille.

    Mais ne revenons pas sur le pass! Cest une longue confessique je m e dois dcrire, sil m en reste le tem ps : ca r elle po urra ser accoucner les mes de milliers qui portent en eux ces penses, soser les mettre au jour. Ne parlons plus dhier. Le prsent nous sufParlons du grand et redoutable aujourdhui!...

    Que veut une politique raliste franaise? Conserverprofits de la victoire, sans les risques de les voir branler par unouvelle guerre. Donc, tablir la paix et les statuts dune Fran

    Europe sur la base des traits de 1919. Mais on se garde bien deminer si ces traits sont justes ou injustes, sils ne reposent pas un abominable abus de la violence triomphante, sur un chafaudadabus intolrables et d'iniquits qui se continuent En fait le st

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    30/34

    Sil y a chez les Europ ens ... un vrai sens raliste , aquils aiment dire, quils le prouvent, en ne restant pas plongtemps les dupes dune gnrosit toute verbale, qui offre la pau monde aprs stre assis dessus, et en le fo ulant aux pieds ! Quprennent linitiative dune rvision de la paix europenne, offrtoutes les garanties de prudence politique, mais sincre, loyale,tchant dliminer les pires injustices et les ferments de haine! Qusoient assez lucides et assez magnanimes pour rechercher eux-mmles erreurs et les torts que leur propre pays a causs lEurope,

    quils offrent de les rparer! Certes, une telle rvision, si mesuquelle soit, entranera fatalement de gros sacrifices de la part vainqueurs; il faudra quils partagent les charges de lEurope ruinEt qui se risquera prcher une telle thse la France ne depoint sattendre la popularit. Mais qui veut la paix, du curpas seulement des lvres, doit savoir la payer de son propre sacrifiJe demande que souvrent de grandes Assises Europennes, o

    reprsentants des peuples revoient loyalement en commun les cditions possibles dune vie en commun. Jusqu ce quelles soitrouves et acceptes, il ne sert de rien de rpter : Europe ! Il a point dEurope. Il y a des peuples lattache, qui rongent lechanes. Et il y a ceux qui tiennent les chanes. Avec qui tes-vou

    Ce nest encore que le premier point. Passons au second.

    La proccupation, peu prs exclusive, des Europens dcident, est, comme il est naturel, ltablissement durable de la pen Occident, par la rconciliation franco-allemande. Et certes, tche est grande; jy ai toujours travaill. Mais la tche est partielEt, pour dire le fond de ma pense, sa ralisation nest plus le prcipal problme d prsent. Le plus grave des risques nest pluslheure actuelle, celui dun nouveau conflit franco-allemand. connais assez lAllemagne pour croire que seules des minori

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    31/34

    agitations des partis politiques ne sont plus aujourdhui qu

    parade de cirque. A prsent, le vrai jeu se joue lintrdu monde des affaires... A lheure prsente, il est bruit ces ngociations sont plus actives que jamais. Les grandes industallemandes, qui la crise conomique actuelle ne permet pas dvestir dans les armements des capitaux assez importants, cherchlaide financire de la France, p ou r relever lindu strie de guerre amande, en offrant la France, avec une part de profits, loccasdaugmenter aussi les armements franais. Ces monstrueux prodassociation guerrire forment un des pivots secrets de la nouvPan-Europe... Les deux puissants Etats dOccident ne renforcerpas leurs armements et leurs armes, pour rester larme au bCes ventres affams convoitent videmment des proies, que, fade pouvoir dpecer seuls, ils sengagent se partager. O sontproies?,..

    Je ne dors que dun il, et je surveille, depuis des annes, manges des mauvais bergers, pour encercler PU. R. S. S. lelouches collusions avec les blancs m igrs, et les par tis de raction

    nos missions militaires charges dorganiser les armes mercenade Pologne et de Balkanie. Le rcent procs de Moscou ne ma rappris que je ne souponnasse; et en faisant la part des exagratisupplmentaires, dont les canailles comme Ramsine ont, pour sauleur tte, pu corser leurs confessions, le fond de ces aveux nest trop facilement vrifiable. LIL R. S. S. est la proie vise. Si tles plans contre elle ont, jusqu prsent, chou, cest que, pour bonheur, les grands voleurs internationaux, les capitaines de rapianglo-germano-franais, se sont maladroitement disput la peauiours, sans russir sentendre. Du jour que lentente serait faitque serait ralis le bloc Europen daffaires et darmes, simne-t-on quil restera inactif en face du monde Sovitique qui

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    32/34

    ses cts. Je ne suis pas sans voir, et je lui ai souvent dit en face qui me parat ses erreurs. Mais je crois et je sais quelle incarlexprience la plus hroque, le plus solide espoir social de lavenSi elle disparaissait, je ne mintresserais plus lavenir de lEuropJe le jugerais socialement condamn, pour des sicles.

    Ce nest pas tout encore. Un autre incendie flambe, aux portde notre maison... Les Dmocraties daujourdhui sont des Empir(certains diraient : des vampires). Entre deux ou trois grands fauveelles se sont partag les dpouilles de la terre. Leur apptit est i

    mense. Elle se gorgent de lor et du sang de peuples vingt fois plnombreux quelles... Bien entendu, nous ne nous sommes empardun quart de la plante que pour lui porter le prsent de notre cilisation, notre c ulture et notre langue, qui sont de toutes la plus beet la plus parfaite! Mais nos heureux pupilles ont le mauvais espde prfrer les leurs. Lingratitude est, on le sait, la loi de la vie. les grandes races dAsie, qui ont la prtention de revivre, ne s

    font pas iaute aujourdhui. Le premier, le Japon, par la force darmes, sest dclar majeur. La Chine, rveille, ne se rendormplus. Et, consciente de sa force, lInde de Gandhi vient de donnersignal de la grande Emancipation. Le reste de lAsie ne tardera pala suivre; et notre empire indochinois en a dj manifest les pmiers tressaillements, que les proconsuls de notre dmocratie onaturellement, touff dans le sang. Le mme frisson dveil parcou

    le corps immense de l'Islam, qui couvre, dun bout lautre, un tiede lAncien Continent.

    La question va se poser demain elle se pose aujourdhui : quel ct... se ranger? Est-ce du ct du dieu Caoutchouc il de soi, flanqu de tout son Panthon, de son harem sacr : desLibert, Lumire de lEsprit, art, science, progrs, civilisation? sera-ce du ct des grands frres dAsie et dAfrique, qui veul

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    33/34

    Je rponds pour ma part, sans engager nul autre, mais en mgageant tout entier :

    - Je ne serai pas ce soldat. Europe, si tu engages ce motrueux combat, je marcherai contre toi, contre ton despotisme erapacit, pour mes frres de lInde, de la Chine, de lIndochine, ettoutes les nations exploites, opprimes. Je le ferai non seulemau nom de la justice et des droits sacrs que tu invoques menteument dans tes Dclarations idologiques. Mais au nom de la Civsation mme, de la plus grande Civilisation, des progrs de lEs

    humain illimit : car son besoin vital est, lheure prsente, denrichi et renouvel par lapport intellectuel et moral de ces ramagnifiques, dont des sicles de rapines ont pu extorquer lor, mqui gardent intacts les trsors spirituels de leurs civilisations minaires, aujourdhui ressuscites.

    Je veux, contre tout espoir, esprer que ces grands chocspeuples pourront tre encore vits entre les deux moitis de lhu

    nit. Mais sils viennent se produire, je suis trop prs de la mpour dguiser ma pense. Je dis lU. R. S. S. de Lnine, et je dlAsie de Sun-yat-sen et de Gandhi :

    Frres, comptez sur moi ! Je ne suis q uun hom me sparmi des millions. Mais cet homme est, a t, toute sa vie, une vlibre dOccident, la voix des Jean-Christophe et des Colas Breugnun libre travailleur, frr e des trava illeurs libres du monde, qui veu

    ouvrir la route lUnion du Travail universel, affranchi des prjuet des jougs de races, de castes et de classes.

    Et je dis lEurope : Elargis-toi, ou m eurs! Epouse toutes les forces neuves

    libres de la terre! Tu touffes dans ta coque dhier, glorieuse, mraccornie. Arrache-la! Respire, et laisse-nous respirer! Nous avbesoin d une maison, dune pa trie plus large que lEu rop e ! *

  • 7/30/2019 Carnet 7 - Juillet 1931, par Carlo Suars

    34/34

    L I B R A I R I E

    JO S CORTI6 . R U E D E C L I C H Y - P A R I S - I X

    LA REVOLUTION SURREALISTE

    LES CAHIERS DU SUD

    L E G R A N D J E U

    V A R I E T E S

    F R O N T

    N O R D

    P L A N SLA NOUVELLE EQUIPE

    C A R N E T S M E N S U E L S

    A R T E T L I T T R A T U R E D ' A V A N T - G A R D E

    T O U S L E S L I V R E S S U R L E C I N M A

    Le Grant : Jacques Crespelle.