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Terminale L – 2012-2013- Spécialité « Droit et grands enjeux du monde contemporain » - Chapitre 1 : Qu’est ce que la Loi ? V. JAILLOUX 1 Chapitre 1 : Qu’est ce que la loi ? Notions du programme Expression de la volonté générale, Lois constitutionnelle, organique, ordinaire, Code, Principe de légalité Décision de justice, Juridiction, Source de droit, Pouvoir législatif, Contrôle de constitutionnalité, Degré de juridiction Doc. 1a : John Stuart Mill – (1806-1873), philosophe et économiste britannique : « La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres » Article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. » Doc. 1b : http://toutlemondesenfout.open-web.fr/la-loi-hadopi-adoptee-par-16-deputes Questions : 1. Quels rapports entre loi et liberté apparaissent dans ces documents ? 2. Etes-vous d’accord ? Discutez-en. Il n’y a pas de Liberté sans loi. Ces citations (doc 1) placent la Liberté sous la dépendance de la loi. Si la loi m'interdit de nuire à autrui (et limite ainsi ma liberté), elle interdit aussi à autrui de me nuire. Ce que je perds en liberté, je le gagne donc en sécurité. La liberté de chacun s'arrête là où commence celle d'autrui, et pas avant, comme l'affirme la Déclaration des droits de l'homme de 1789 dans l’article 4. Certes, la sécurité n'est pas la liberté. Mais en un sens la sécurité est une condition de la liberté. Je me sens plus libre de sortir le soir dans la rue si la loi est appliquée qu'en temps de guerre civile. De même, je me sens plus libre d'aller et venir dans un Etat réglé par des lois que dans une jungle où je risque à chaque instant d'être attaqué par une bête sauvage. Cf. le philosophe des Lumières T. Hobbes pour qui, « l’homme est un loup pour l’homme ». La loi est donc la condition de la liberté dans la mesure où elle assure la sécurité. Mais il faut aller plus loin : au-delà de la sécurité, la loi permet à l'action collective de se déployer. Pensons par exemple à la liberté d'entreprendre, qui est rendue possible par la loi qui assure le respect des contrats. De manière plus générale, si au lieu de penser seulement à la liberté individuelle on essaie de penser ce que peut être la liberté collective, c'est-à-dire comment organiser l'action entre les hommes, alors on peut penser que la loi est la condition de cette liberté. Mais, il peut exister de mauvaises lois, voire des lois qui portent atteinte à la Liberté. (doc 2) Doc. 2 : Note : Le personnage représente la ministre de la Culture Christine Albanel. Par François Cointe Bugblog, 10/06/2009, http://www.ecrans.fr/Dixit,7460.html Questions : 1. Quel lien peut-on faire entre les documents 2 et 3 ? 2. La loi est-elle une norme suprême ? A priori, dans sons sens large, la loi est une règle juridique suprême car elle correspond à l’ensemble des règles de droit qui s’impose à tous. Dans la première partie nous prendrons cette définition du mot loi, entendu comme norme juridique. Mais nous verrons que si l’on s’intéresse à sa définition restrictive (partie 2), le mot loi, au sens de loi parlementaire, n’est pas la norme suprême dans notre ordre juridique. C’est ce qu’évoque le dessin sur la loi Hadopi qui a été censurée par le Conseil Constitutionnelle, notamment parce qu’elle est contraire au respect de la vie privée, et de la liberté, principes fondamentaux de la DDHC de 1789. Dans ce sens, les lois faisant partie du droit positif garantissent la liberté (lien entre les documents 2 et 3), notre système juridique veille au respect de certains principes fondamentaux.

Chapitre 1 : Qu’est ce que la loi

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Page 1: Chapitre 1 : Qu’est ce que la loi

Terminale L – 2012-2013- Spécialité « Droit et grands enjeux du monde contemporain » - Chapitre 1 : Qu’est ce que la Loi ?

V. JAILLOUX 1

Chapitre 1 : Qu’est ce que la loi ? Notions du programme Expression de la volonté générale, Lois constitutionnelle, organique, ordinaire, Code, Principe de légalité

Décision de justice, Juridiction, Source de droit, Pouvoir législatif, Contrôle de constitutionnalité, Degré de juridiction

Doc. 1a :

John Stuart Mill – (1806-1873), philosophe et économiste britannique :

« La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres »

Article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme :

« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme

n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent

être déterminées que par la Loi. »

Doc. 1b :

http://toutlemondesenfout.open-web.fr/la-loi-hadopi-adoptee-par-16-deputes

Questions : 1. Quels rapports entre loi et liberté apparaissent dans ces documents ? 2. Etes-vous d’accord ? Discutez-en. Il n’y a pas de Liberté sans loi. Ces citations (doc 1) placent la Liberté sous la dépendance de la loi. Si la loi m'interdit de nuire à autrui (et limite ainsi ma liberté), elle interdit aussi à autrui de me nuire. Ce que je perds en liberté, je le gagne donc en sécurité. La liberté de chacun s'arrête là où commence celle d'autrui, et pas avant, comme l'affirme la Déclaration des droits de l'homme de 1789 dans l’article 4. Certes, la sécurité n'est pas la liberté. Mais en un sens la sécurité est une condition de la liberté. Je me sens plus libre de sortir le soir dans la rue si la loi est appliquée qu'en temps de guerre civile. De même, je me sens plus libre d'aller et venir dans un Etat réglé par des lois que dans une jungle où je risque à chaque instant d'être attaqué par une bête sauvage. Cf. le philosophe des Lumières T. Hobbes pour qui, « l’homme est un loup pour l’homme ». La loi est donc la condition de la liberté dans la mesure où elle assure la sécurité. Mais il faut aller plus loin : au-delà de la sécurité, la loi permet à l'action collective de se déployer. Pensons par exemple à la liberté d'entreprendre, qui est rendue possible par la loi qui assure le respect des contrats. De manière plus générale, si au lieu de penser seulement à la liberté individuelle on essaie de penser ce que peut être la liberté collective, c'est-à-dire comment organiser l'action entre les hommes, alors on peut penser que la loi est la condition de cette liberté. Mais, il peut exister de mauvaises lois, voire des lois qui portent atteinte à la Liberté. (doc 2) Doc. 2 :

Note : Le personnage représente la ministre de la Culture Christine Albanel. Par François Cointe Bugblog, 10/06/2009, http://www.ecrans.fr/Dixit,7460.html Questions : 1. Quel lien peut-on faire entre les documents 2 et 3 ? 2. La loi est-elle une norme suprême ?

A priori, dans sons sens large, la loi est une règle juridique suprême car elle correspond à l’ensemble des règles de droit qui s’impose à tous. Dans la première partie nous prendrons cette définition du mot loi, entendu comme norme juridique. Mais nous verrons que si l’on s’intéresse à sa définition restrictive (partie 2), le mot loi, au sens de loi parlementaire, n’est pas la norme suprême dans notre ordre juridique. C’est ce qu’évoque le dessin sur la loi Hadopi qui a été censurée par le Conseil Constitutionnelle, notamment parce qu’elle est contraire au respect de la vie privée, et de la liberté, principes fondamentaux de la DDHC de 1789. Dans ce sens, les lois faisant partie du droit positif garantissent la liberté (lien entre les documents 2 et 3), notre système juridique veille au respect de certains principes fondamentaux.

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Partie 1 : La loi, un moyen de garantir la liberté dans une démocratie La loi, entendue dans son sens large comme l’ensemble des normes juridiques, permet-elle l’exercice de la liberté ? Peut-il y avoir liberté sans loi ? A quoi sert une loi ? A. La loi, expression de la volonté générale Doc. 3 : Les théories du contrat social 1- Les théories du contrat social développées au XVIIe et au XVIIIe siècles par T. Hobbes, J. Locke et J.-J. Rousseau, quoique divergentes à bien des égards, se rejoignent sur un point central : l'ordre social n'est pas inscrit dans l'ordre cosmique ou divin de la nature mais procède d'un pacte établi entre les hommes. Par ce pacte (qui est une fiction théorique ou un événement historique), ceux-ci se dessaisissent de leur liberté naturelle au profit d'une autorité souveraine légitime garante de la sécurité de chacun et du bien commun. J.-J. Rousseau qui consacre l'expression par son ouvrage Du contrat social [1762] cherche à concevoir cette autorité comme la souveraineté du peuple en exercice : la volonté générale qui en résulte est à la fois l'émanation des individus associés et la loi à laquelle chacun se soumet.

Dictionnaire d'économie et de sciences sociales, Nathan, 2007

2-

D’après Wikipedia

Questions : 1. Pourquoi parle-t-on de "contrat social" dans les théories présentées dans ce document? 2. Pourquoi ce contrat est-il nécessaire ? 3. Quel rapport entre loi et liberté est mis en évidence dans ces théories du contrat social ? Les théories de J. Locke, T. Hobbes et J.-J. Rousseau s'appuient toutes sur l'idée selon laquelle la société, l'ordre social résulteraient d'un "contrat" passé ente les individus. Ces individus sont naturellement libres mais préfèrent abandonner une partie de cette liberté pour se mettre sous le pouvoir d'une autorité qui leur assure la sécurité et donc liberté et le bien commun en instaurant des lois. Pourquoi ce contrat ? - chez Rousseau : chacun agit selon son intérêt particulier, le contrat permettrait d’orienter leur action vers l’intérêt général. - pour Hobbes, c'est parce que dans la nature "l'homme est un loup pour l'homme". L'ordre social ne peut donc pas régner et c'est pour cesser la lutte constante des uns contre les autres que les individus acceptent de se placer sous une autorité - pour Locke, l'état de nature est paisible, heureux mais "limité" : les individus se rendent compte qu'en s'associant, ils peuvent obtenir plus, notamment la garantie de la propriété privée.

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Doc. 4 : Déclaration des Droits de l’Homme et du ci toyen du 29 août 1789 Article 5 - La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas. Article 6 - La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. (…) Questions : 1. Exprimez avec vos propres mots les trois idées exprimées dans l’article 5. Quelles sont les conséquences dans votre vie de tous les jours de ces trois idées ? 2. Expliquez le sens de l’article 6. Puis comparez-le à la phrase soulignée du document 3. 3. Pourquoi cet article 6 est-il fondamental ? 4. Quel lien l’article 6 établit-il entre loi et liberté ? 1. ARTICLE 5 : - La loi interdit les actions contraires à l’intérêt général. - Tout ce que la loi n’interdit pas est autorisé. - Chacun est libre dans le cadre de la loi. => la liberté des uns commence là ou s’arrête celle des autres. Nul n’est censé ignorer la loi, donc tout le monde est censé la respecter. 2. ARTICLE 6 : La loi est « l’expression de la volonté générale » d’après la Déclaration de 1789, elle est faite dans l’intérêt général, et ne doit donc pas refléter les égoïsmes individuels. Pour concilier la loi et la liberté, la loi doit être faite par le peuple lui-même, c’est la théorie de Rousseau qui a fortement inspiré la Révolution française : la loi est l’expression de la volonté générale, elle est à la fois l'émanation des individus associés par le contrat (c’est lui qui participe à sa formation soit directement (démocratie directe : le peuple exerce directement le pouvoir exemple référendum, initiative populaire, pétition) ou par l’intermédiaire de ses représentants (démocratie représentative donc indirecte : les citoyens expriment leur volonté par l'intermédiaire de représentants élus à qui ils délèguent leurs pouvoirs. Ces élus, qui représentent la volonté générale, votent la loi et contrôlent éventuellement le gouvernement exemple : élection des députés à l’AN, possibilité de censurer le gouvernement), mais elle est aussi la loi à laquelle chacun se soumet. Comme le mot « loi » est souvent utilisé dans le langage courant comme un synonyme du « droit », on peut identifier un passage de l’article 6 de la DDHC qui rappelle son caractère abstrait et général : la loi ne s’applique pas à telle ou telle personne nommément désignée, mais à toutes les personnes sans distinction ou à une catégorie déterminée de personnes (« la loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse »). 3. Cet article 6 de la DDHC est fondamental car il montre que les hommes ont passé un contrat (« contrat social ») pour construire une République démocratique : la démocratie, c’est le gouvernement du peuple par le peuple, le peuple étant lui-même constitué d’individus libres et égaux. Le peuple est souverain. 4. L’article 6 énonce que la loi est l’expression de la volonté générale, chaque citoyen participe à l’élaboration des lois auxquelles il se soumet. Emanant du peuple, la loi, dès lors qu’elle est élaborée par les citoyens, permet que « chacun obéissant à tous n’obéisse en définitive qu’à lui-même ». La loi protège chaque citoyen contre l’arbitraire car « la loi est la même pour tous soit qu’elle protège, soit qu’elle punit ». Les citoyens ont l’assurance qu’ils seront protégés contre les empiétements individuels d’autrui et cela grâce à l’autorité publique qui représente cette volonté générale. La loi garantit donc l’égalité et la liberté.

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B. La loi, garantie de la liberté Doc. 5 : Article 1382 du Code Civil Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Question : En quoi cet article étaye l’idée que la loi garantit de la liberté ? Illustrez votre réponse Cet article illustre la responsabilité des individus qui se sont associés dans le contrat social. Ainsi, il responsabilise les citoyens face à leurs actes, afin que la loi protége la liberté de chacun (quiconque empiète sur la liberté d’autrui cause un dommage qui sera sanctionné et qu’il doit réparer, exemple : en cas d’accident, si l’on est responsable, on doit indemniser la victime, le délit de fuite est sévèrement puni), il est une application concrète du principe selon lequel « la liberté des uns commence là où s’arrête celle des autres ». Doc. 6 : La loi permet l’exercice des libertés : l’ exemple de la liberté de la presse 1- La liberté de la presse, une garantie de la liberté des citoyens. J’avoue que je ne porte point à la liberté de la presse cet amour complet et instantané qu’on accorde aux choses souverainement bonnes de leur nature. Je l’aime par la considération des maux qu’elle empêche bien plus que pour les biens qu’elle fait. Il ne faut pas considérer l’indépendance de la presse comme l’une des garanties, mais comme la seule garantie qui reste de la liberté et de la sécurité des citoyens. […] Dans un pays où règne ostensiblement le dogme de la souveraineté du peuple, la censure n’est pas seulement un danger, mais encore une grande absurdité. Lorsqu’on accorde à chacun un droit à gouverner la société, il faut bien lui reconnaître la capacité de choisir entre les différentes opinions qui agitent ses contemporains, et d’apprécier les différents faits dont la connaissance peut le guider. La souveraineté du peuple et la liberté de la presse sont donc deux choses entièrement corrélatives : la censure et le vote universel sont au contraire deux choses qui se contredisent et ne peuvent se rencontrer longtemps dans les institutions politiques d’un même peuple.

A. De Tocqueville (1805-1859, philosophe et juriste français, De la Démocratie en Amérique (1835)

2- Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (complétée par la loi du 4 janvier 2010) CHAPITRE Ier : DE L'IMPRIMERIE ET DE LA LIBRAIRIE Article 1 L'imprimerie et la librairie sont libres. Article 2 Al. 1 - Est considérée comme journaliste au sens du premier alinéa toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d'informations et leur diffusion au public. Al. 2 - Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et Ministère de l’Éducation Nationale proportionnées au but légitime poursuivi. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources. Al. 3 - Est considéré comme une atteinte indirecte au secret des sources au sens du troisième alinéa le fait de chercher à découvrir les sources d'un journaliste au moyen d'investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut détenir des renseignements permettant d'identifier ces sources.

Source : site Legifrance 2- Illustration : L’affaire des fadettes

http://www.france24.com/fr/20110901-france-medias-dcri-appels-telephoniques-journaliste-monde-quotidien-affaire-bettencourt-gerard-davet

Question : 1. Pourquoi est-il important de garantir la liberté de la presse ? (doc. 6.1) 2. Montrer à travers la liberté de la presse que la loi permet l’exercice des libertés. (doc. 6.2) 3. Illustrez votre explication à partir de l’affaire des fadettes. (doc. 6.3) 4. Connaissez-vous d’autres exemples de libertés encadrées par la loi ? 5. Montrez que la loi interdit, prescrit et reconnaît aussi des droits en vous appuyant sur la loi sur la liberté de la presse (doc. 6.2). La liberté de la presse est un contre-pouvoir nécessaire pour maintenir la démocratie, elle permet de faire connaître les différentes opinions, et d’apprécier les différents faits dont la connaissance peut guider l’homme dans les choix politiques, dans le choix des représentants politiques. La liberté de la presse permet au citoyen de s’exprimer et de s’adresser à l’ensemble de la nation. Il est la garantie contre la toute puissance de l’Etat, c'est-à-dire contre l’autoritarisme, contre un Etat liberticide (le « despotisme démocratique », cf Tocqueville).

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V. JAILLOUX 5

La loi permet l’exercice de la liberté de la presse en protégeant notamment le secret des sources. « La protection des sources journalistiques est l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse ». L’absence d’une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d’aider la presse à informer le public sur des questions d’intérêt général par peur de représailles. En conséquence, la presse pourrait être moins à même de jouer son rôle indispensable de contre-pouvoir et son aptitude à fournir des informations nombreuses, précises et fiables pourrait s’en trouver amoindrie. Exemple : l’affaire des fadettes en France en 2010 illustre que la loi protège le secret des sources afin que les journalistes remplissent le devoir d’information. Le 13 septembre 2010, le journal Le Monde annonce qu'il porte plainte contre X pour « violation du secret des sources ». Le journal affirme que l'Élysée a utilisé la DCRI afin de localiser une des « sources » de Gérard Davet, journaliste travaillant au Monde sur l'affaire Woerth. Celui-ci travaillant sur la recherche d’informations compromettantes sur la présidence de N. Sarkozy (possible financement illégal de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy => affaire Woerth-Bettencourt).

� Début mai 2011, la cour d'appel de Bordeaux estime que la consultation des factures détaillées des journalistes du Monde était illégale. Autres exemples : liberté d’association, liberté de communication par voie électronique, liberté d’entreprendre, liberté d’enseignement… La loi a pour fonction d’encadrer et d’organiser la vie en société, elle prescrit (ordonne) (un journaliste est toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d'informations et leur diffusion au public) et interdit (interdiction de porter atteinte directement ou indirectement au secret des sources des journalistes) mais aussi reconnaît, donne et consacre (elle reconnaît la liberté de l’imprimerie et de la presse, notamment donne le droit de ne pas donner ses sources, le droit d’informer, le droit d’expression etc.) Sujet possible : l’arrêt Goodwin => la liberté de la presse

BILAN - L’essentiel du chapitre « Chapitre 1 : Qu’est ce que la loi ? - Partie 1 : La loi, un moyen de garan tir la liberté dans une démocratie » � Complétez la synthèse à l’aide des mots suivants : directe ; exécutif ; l’expression de la volonté générale indirecte ; législatif ; sens large

D’après les philosophes des Lumières, un peuple démocratique n’est réellement libre que dans une société encadrée par des lois. Dans cette conception, le mot loi est entendu dans son (1) sens large comme l’ensemble des normes juridiques. La loi est la condition de la liberté dans la mesure où elle assure la sécurité, car selon T. Hobbes, « l’homme est un loup pour l’homme ». Il n’y a donc pas de liberté sans loi. Néanmoins, il peut exister des lois qui portent atteintes à la liberté. Pour concilier la loi et la liberté, la loi doit être faite par le peuple lui-même. Selon la théorie de J.J Rousseau qui a fortement inspiré la Révolution française et donc de nombreux articles de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen (1789) : « la loi est (2) l’expression de la volonté générale », elle est à la fois l'émanation des individus associés par un contrat social, car c’est lui qui participe à sa formation soit directement (démocratie (3) directe) ou par l’intermédiaire de ses représentants élus (démocratie (4) indirecte). Ces élus, qui représentent la volonté générale, votent la loi (pouvoir (5) législatif) et contrôlent éventuellement le gouvernement qui doit exécuter la loi (pouvoir (6) exécutif), mais elle est aussi la loi à laquelle chacun se soumet. Emanant du peuple, la loi, permet, selon Rousseau, que « chacun obéissant à tous n’obéisse en définitive qu’à lui-même ». La loi protège chaque citoyen contre l’arbitraire car « la loi est la même pour tous soit qu’elle protège, soit qu’elle punit », elle a donc nécessairement un caractère abstrait et général. Les citoyens ont l’assurance qu’ils seront protégés contre les empiétements individuels d’autrui et cela grâce à l’autorité publique qui représente cette volonté générale. La loi garantit donc l’égalité et la liberté. La loi permet alors l’exercice de nombreuses comme la liberté de la presse en protégeant notamment le secret des sources, la liberté d’association, la liberté de communication par voie électronique, la liberté d’entreprendre, la liberté d’enseignement… Elle a pour fonction d’encadrer et d’organiser la vie en société, elle a pour but tantôt de prescrire, tantôt d'interdire mais aussi elle reconnaît, donne et consacre des droits. Elle reflète donc les valeurs de la société dans laquelle nous vivons.

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Partie 2 : La loi, la norme suprême ? La Loi participe à la formation de la règle de droit. Elle est l’expression de la volonté générale, elle est donc a priori une norme suprême à respecter. La loi au sens large est l’ensemble des règles de droit qui s’imposent à tous. Mais affirmer la supériorité de la loi, c’est dire qu’elle est la seule norme juridique. Or l’ordre juridique français a une conception plus restrictive du mot « loi » comme nous allons le voir, ce qui va nous conduire à relativiser la supériorité de la loi dans les normes juridiques en considérant sa définition au sens strict. De plus, la supériorité de loi peut être relativisée, car les juges ne font pas qu’appliquer la loi comme nous allons le montrer.

I. Le législateur à l’origine de différentes lois Le législateur crée la règle de droit selon des principes fondamentaux instituant ainsi un ordre public. Qui détient le pouvoir législatif ? La loi peut-elle traiter de tout ? Le domaine de la loi est-il sans borne ? Une loi peut-elle concerner n’importe quel sujet ? 1. Toutes les lois sont principalement adoptées par le Parlement Doc. 7 : Le vote et le domaine de la loi 1- Article 24 de la Constitution de 1958 La loi est votée par le Parlement. 2-Article 34 de la Constitution de 1958 La loi fixe les règles concernant : - Les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ; les sujétions imposées par la Défense Nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ; - La nationalité, l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités : - La détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l’amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ; - L’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; le régime d’émission de la monnaie. La loi fixe également les règles concernant : - Le régime électoral des assemblées parlementaires, des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France ainsi que les conditions d’exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ; - La création de catégories d’établissements publics ; - Les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’État ; - Les nationalisations d’entreprises et les transferts de propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé. La loi détermine les principes fondamentaux : - De l’organisation générale de la Défense Nationale ; - De la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ; - De l’enseignement ; - De la préservation de l’environnement ; - Du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ; - Du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale. (…) Questions 1. Qui vote la loi ? 2. La loi peut-elle traiter de tout ? Justifiez votre réponse. 3. Retrouvez la structure de l’article 34. 4. Pourquoi l’article 34 procède-t-il en établissant trois listes différentes du domaine de la loi ? La loi, au sens juridique usuel, est une règle de droit émanant du parlement. En effet, le pouvoir législatif appartient au Parlement, les députés sont élus au suffrage universel direct et composent l’assemblée nationale ; les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect et composent le Sénat. Ainsi s’exprime la voix du peuple, la souveraineté nationale s’exprime par les représentants du peuple. Notons que la loi est toujours l’expression politique d’une majorité (la majorité parlementaire). Toutes les lois, sauf les lois référendaires votées directement par le peuple, sont votées par le Parlement, on peut parler de « lois parlementaires ». La loi ne peut pas traiter de tout. L’article 34 distingue les matières dans lesquelles le Parlement fixe les règles et celles pour lesquelles il détermine les principes fondamentaux. La première liste traite des droits et devoirs des citoyens (droits civils, justice, procédure pénale et impôts (essentiellement du droit privé)). La deuxième liste traite de l’organisation des pouvoirs publics (régime électoral, établissements publics, fonctionnaires et nationalisations et privatisations (=>essentiellement du droit public)). La troisième liste délimite les domaines dans lesquels la loi détermine les principes fondamentaux, il s’agit de délimiter et fixer par la loi la manière de concevoir l’organisation de l’ordre juridique selon des principes fondamentaux, càd selon les valeurs de la république française. Exemple : les principes fondamentaux de l’enseignement : liberté, égalité, gratuité, laïcité…).

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2. Les différents types de lois parlementaires Le Parlement, qui détient le pouvoir législatif, adopte les lois. N’existe-t-il pas différents types de loi ? Le sens juridique du mot « loi » est en réalité plus complexe que nous ne l’avons envisagé dans la partie 1 de ce chapitre, cela tient aux spécificités de la définition de la loi sous la Vème république (articles 34 et 37 de la Constitution) qui nous distingue de la plupart des autres démocraties européennes. On traitera des lois constitutionnelle, organique et ordinaire. Il est possible à ce stade, si le temps et les élèves le permettent, de faire éventuellement une incise sur la distinction entre loi et règlement. Exercice 1 : Identifier les différents types de loi s Exemple 1 : Documents parlementaires > Projet de loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, présenté au nom de M. François FILLON, Premier ministre, par Mme Michèle ALLIOT-MARIE, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés .

Exposés des motifs : La France n’est jamais autant elle-même, fidèle à son histoire, à sa destinée, à son image, que lorsqu’elle est unie autour des valeurs de la République : la liberté, l’égalité, la fraternité. Ces valeurs sont le socle de notre pacte social ; elles garantissent la cohésion de la Nation ; elles fondent le respect de la dignité des personnes et de l’égalité entre les hommes et les femmes. Ce sont ces valeurs qui sont aujourd’hui remises en cause par le développement de la dissimulation du visage dans l’espace public, en particulier par la pratique du port du voile intégral. […] La pratique de la dissimulation du visage qui peut au surplus être dans certaines circonstances un danger pour la sécurité publique, n’a donc pas sa place sur le territoire de la République. L’inaction des pouvoirs publics témoignerait d’un renoncement inacceptable à défendre les principes qui fondent notre pacte républicain. C’est au nom de ces principes que le présent projet de loi prévoit d’inscrire dans notre droit, à l’issue d’un indispensable temps d’explication et de pédagogie, cette règle essentielle de la vie en société selon laquelle « nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage ».

Projet de loi :

Article 1er : Nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage.

Article 2 :

I. – Pour l’application de l’article 1er, l’espace public est constitué des voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public.

II. – L’interdiction édictée à l’article 1er ne s’applique pas si la tenue est prescrite par une loi ou un règlement, si elle est autorisée pour protéger l’anonymat de l’intéressé, si elle est justifiée par des raisons médicales ou des motifs professionnels, ou si elle s’inscrit dans le cadre de fêtes ou de manifestations artistiques ou traditionnelles. […]

Projet de loi n° 2520 enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mai 2010.

http://www.assemblee-nationale.fr/13/projets/pl2520.asp

Exemple 2 : Travaux parlementaires > Proposition de loi organique modifiant les dispositions de l'article 34 de la Constitution relatives aux lois de finances, présentée par M. Hugues Portelli, sénateur.

Exposés des motifs : Les accords financiers passés entre la France et les autres États de la zone Euro fixent des règles contraignantes qui limitent sérieusement la souveraineté de notre pays. Toutefois, ces accords ne concernent pas tous les États de l'Union européenne. Ils ne relèvent donc pas du Titre XV de la Constitution et des transferts de compétence que celui-ci autorise. […] La présente proposition de loi organique a pour objet d'introduire dans l'alinéa relatif aux lois de finances une disposition mentionnant le respect des engagements internationaux de la France.

Proposition de loi organique : Au dix-huitième alinéa de l'article 34 de la Constitution, après les mots : « charges de l'État » sont insérés les mots : « dans le respect des engagements internationaux de la France et ».

Proposition de loi organique n°685 enregistrée à la Présidence du Sénat le 19 juillet 2012

http://www.senat.fr/leg/ppl11-685.html

Exemple 3 : Travaux parlementaires > Proposition de loi constitutionnelle tendant à supprimer le mot "race" dans la Constitution présentée par Mmes Nicole BORVO COHEN-SEAT, Éliane ASSASSI, M. Christian FAVIER, et […], sénateurs.

Exposés des motifs : […] le terme « race » est aujourd'hui un facteur de haine, de discrimination et de division. Il accompagne de manière évidente la xénophobie, poison qui abîme notre société et celle de nombreux pays. La volonté qui anime les auteurs de cette proposition est celle de rappeler l'unité dans la diversité de l'Humanité, la fraternité qui, selon eux, peut, seule, créer les conditions de progrès et de justice sociale.

André Langaney, biologiste de renom, explique que « la notion de race est dépourvue de fondements et de réalité scientifique », puisqu'on ne peut, d'après lui, distinguer les populations des différentes parties du globe en se fondant sur des différences génétiques. […] Ainsi, il est temps d'adresser un signe important à la société française en supprimant le mot « race » de la Constitution du 4 octobre 1958 […].

Proposition de loi constitutionnelle : À la deuxième phrase de l'article premier de la Constitution, les mots : « , de race » sont supprimés.

Proposition de loi constitutionnelle N° 577 enregistrée à la Présidence du Sénat le 5 juin 2012

http://www.senat.fr/leg/ppl11-577.html

Questions : 1. Comparez ces trois cas et identifiez des points communs et des différences. 2. Quelles sont les trois catégories de loi que vous identifiez. Quelles sont leurs caractéristiques ?

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Les lois sont votées par le Parlement. L’initiative de la loi appartient à la fois au Gouvernement (Premier ministre et les ministres) et aux parlementaires (députés et sénateurs). Le Gouvernement prépare des projets de loi et un ou plusieurs parlementaire(s) prépare (nt) des propositions de loi. - Exemple 1 (loi ordinaire) : le projet de loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public entre dans l’un des domaines de la loi fixé dans l’article 34, en l’occurrence, il s’agit de règles concernant « les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ». Il se justifie notamment par l’article 5 de la DDHC pour des raisons d’ordre public. Remarque : Cette loi a été adoptée.

� On appelle loi ordinaire les règles et principes fondamentaux dans les domaines fixés par l’article 34 de la Constitution. En effet, depuis l’avènement de la Ve République, la loi ne peut plus intervenir que dans les domaines énumérés par l’article 34 de la Constitution, les autres matières relevant du pouvoir réglementaire du Gouvernement. Le gouvernement, dans le cadre de son pouvoir réglementaire, peut prendre des règlements (ex. ordonnance, décrets, arrêtés ministériels)

- Exemple 2 (loi organique) : la proposition de loi organique modifiant les dispositions de l'article 34 de la Constitution relatives aux lois de finances vise à compléter la constitution pour y mentionner le respect des engagements internationaux de la France dans le cadre de son adhésion à la zone Euro, cette adhésion date de 1999, la Constitution doit donc être complétée pour prendre en compte cette évolution (notamment le respect des critères de convergence que l’on doit respecter dès lors qu’on s’insère dans la zone euro, telles qu’inscrites dans le Traité de Maastricht). Remarque : cette proposition est toujours en débat parlementaire.

���� On appelle loi organique (art. 46) une loi venant préciser ou compléter la Constitution afin de permettre le bon fonctionnement des pouvoirs publics dans les cas prévus par la Constitution. Les lois organiques contribuent à la pérennité de la Constitution en déléguant au Parlement le pouvoir de préciser certaines dispositions constitutionnelles susceptibles de changer avec le temps.

- Exemple 3 (loi constitutionnelle): la proposition de loi constitutionnelle vise à réviser la Constitution en supprimant le mot « race » dans l’article 1er de la constitution qui est porteur de xénophobie et qui ne repose sur aucun fondement scientifique, car il est admis et prouvé scientifiquement que les races humaines n’existent pas. Remarque : cette proposition est toujours en débat parlementaire.

���� on appelle loi constitutionnelle une loi de révision de la Constitution (article 89) mais le terme est aussi utilisé pour désigner la Constitution elle-même.

Remarques : La loi se définit donc essentiellement par son contenu. Quand il s’agit d’une loi organique ou constitutionnelle, la proposition ou le projet de loi doit comporter dans leur intitulé la mention expresse de ce caractère, ou bien s’il s’agit d’une loi ordinaire, il sera simplement notifiée dans la proposition ou le projet de loi, le terme de « loi » dans les documents officiels. Par rapport aux lois ordinaires, les lois organiques et les lois constitutionnelles sont élaborées selon une procédure spécifique, plus solennelle, et sont dotées d’une valeur supérieure.

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II. La suprématie de la Constitution La loi est une norme essentielle à respecter, mais ce n’est pas la seule. Quelles sont les autres normes juridiques existant en France ? Quelle est la place de la loi dans cet ensemble ? Qu’est ce que le principe de constitutionnalité ? celui de légalité ? 1. La loi, une norme inférieure à la Constitution La Constitution est le texte fondamental qui définit les grands principes sur lesquels est fondée la République française. Elle organise également les institutions de l'Etat et les pouvoirs publics et définit leurs modes de fonctionnement. Elle est considérée comme la règle la plus élevée de l'ordre juridique de chaque pays. Notre actuelle constitution date du 4 octobre 1958 ; elle a donné naissance à la Vème République. Quel rapport y a-t-il entre la Constitution et la loi ? Document 8 : Le Conseil Constitutionnel rejette HAD OPI. Vidéo du 20 heures de FRANCE 2 le 10 juin 2009

http://www.dailymotion.com/video/x9jt2w_hadopi-censure-par-le-conseil-const_news Question : La loi est-elle incontestable ? Quelle hiérarchie pouvez-vous établir entre la Constitution et la loi ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur l’extrait vidéo.

La norme la plus importante, supérieure à toutes les autres au sein de l’Etat, est la Constitution : par laquelle le peuple Souverain fixe des règles fondamentales protégeant les libertés : on parle de suprématie de la Constitution. Les autres normes lui sont inférieures. Elles doivent la respecter, c’est le principe de constitutionnalité. La loi est donc contestable, puisqu’elle doit être conforme à la Constitution, plus précisément au bloc de constitutionnalité. Le « bloc de constitutionnalité » englobe en plus du texte de la Constitution de 1958, des dispositions à valeur constitutionnelles telles que le préambule de la constitution de 1946, la Déclaration des droits de l'homme et du Citoyen de 1789, la Charte de l'environnement insérée en 2005. Exemples : Le 10 juin 2009, la loi Hadopi est censurée par le Constitution car certains articles sont contraires au bloc constitutionnel. Il censure la coupure d'accès internet par une autorité administrative en cas de téléchargement illégal. Le 12 juin 2009, le président Nicolas Sarkozy promulgue les articles conformes à la constitution de la loi Hadopi. 2. La hiérarchie des normes et le principe de légalité. Document 9 : La hiérarchie des normes et le princip e de légalité L’Etat de droit peut se définir comme un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit. Cette notion, d’origine allemande (Rechtsstaat), a été redéfinie au début du vingtième siècle par le juriste Hans KELSEN (1881-1973), comme un Etat dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée. Dans ce modèle, chaque règle tire sa validité de sa conformité aux règles supérieures. Un tel système suppose, par ailleurs, l’égalité des sujets de droit devant les normes juridiques et l’existence de juridictions indépendantes. Le respect de la hiérarchie des normes L’existence d’une hiérarchie des normes constitue l’une des plus importantes garanties de l’Etat de droit. Dans ce cadre, les compétences des différents organes de l’Etat sont précisément définies et les normes qu’ils édictent ne sont valables qu’à condition de respecter l’ensemble des normes de droit supérieures. Au sommet de cet ensemble pyramidal figure la Constitution, suivie des engagements internationaux, de la loi, puis des règlements. A la base de la pyramide figurent les décisions administratives ou les conventions entre personnes de droit privé. Cet ordonnancement juridique s’impose à l’ensemble des personnes juridiques. L’Etat, pas plus qu’un particulier, ne peut ainsi méconnaître le principe de légalité : toute norme, toute décision qui ne respecteraient pas un principe supérieur seraient en effet susceptible d’encourir une sanction juridique. L’Etat, qui a compétence pour édicter le droit, se trouve ainsi lui-même soumis aux règles juridiques, dont la fonction de régulation est ainsi affirmée et légitimée. Un tel modèle suppose donc la reconnaissance d’une égalité des différents sujets de droit soumis aux normes en vigueur.

http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/approfondissements/qu-est-ce-que-etat-droit.html

Questions : 1. Exposez les principes posés par le juriste Hans Kelsen concernant les normes juridiques. 2. Représentez la hiérarchie des sources sous la forme d’une pyramide. 3. Pourquoi, selon vous, les lois se situent-elles au-dessus des règlements ? 4. Déterminez la conséquence du non respect de la hiérarchie des normes.

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Le juriste autrichien Hans Kelsen a développé la théorie de la hiérarchie des normes, sous la forme d’une pyramide. Les normes juridiques y sont classées selon une hiérarchie de valeur. Dans cette pyramide, les normes les moins importantes doivent être conformes aux règles les plus importantes, ou tout au moins compatibles avec elles. C’est au sens large, le principe de légalité. Les lois se situent donc en dessous du bloc de Constitutionnalité mais au dessus des règlements, ces derniers émanent du pouvoir réglementaire accordé au gouvernement. La raison est que la loi émane du pouvoir législatif, représentant du peuple, donc de la volonté générale, alors que les règlements (arrêtés, décrets ministériels, préfectoraux, communaux) émanent du pouvoir exécutif, donc du pouvoir administratif, ce qui signifie que l’Etat est soumis à la loi : les règlements qu’il édicte et les décisions qu’il prend doivent respecter l’ensemble des normes juridiques supérieures en vigueur (lois, engagement internationaux et bloc de constitutionnalité), sans pouvoir bénéficier d’un quelconque privilège de juridiction, ni d’un régime dérogatoire au droit commun. Les personnes de droit privé peuvent ainsi contester les décisions de la puissance publique en lui opposant les normes qu’elle a elle-même édictées. Cette théorie s’appuie sur l’idée de conformité : pour être valable, la norme inférieure doit être conforme à la norme qui lui est supérieure. Si telle est le cas, elle est « régulière », mais sinon, elle devra être annulée ou réformée. Remarque : Pour faciliter la recherche documentaire, et conférer à notre système juridique une cohérence intellectuelle, les lois et les règlements sont rassemblés dans des codes. On appelle « code » un recueil officiel de textes de lois et de règlements qui régissent une matière, exemple Code pénal, Code Civil, Code du commerce, Code de l’éducation). Il en existe plus de 70 en vigueur en 2012. Les différentes lois nouvelles qui interviennent parfois dans des domaines totalement inédits ne peuvent être toutes intégrées dans les codes classiques, sous peine d’en dénaturer la cohérence. La notation permet de distinguer les lois des règlements : LO-nnn pour les lois organiques ; L-nnn pour les lois ordinaires ; R-ppp pour les décrets en Conseil d'État ; D-ppp pour les décrets simples.

Constitution +

Dispositions à valeur constitutionnelles

Lois

Règlements

Engagements internationaux

Bloc de constitutionnalité

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III. Le rôle du juge face à la loi Document 10 : "Les juges de la Nation ne sont que la bouche qui prononce les paroles de la loi". Montesquieu, 1748, l'Esprit des lois (Livre XI, ch. VI, De la Constitution d'Angleterre) « La jurisprudence d'Espagne est précisément comme celle de France : on change de lois en changeant de chevaux de poste, et on perd à Séville le procès qu'on aurait gagné à Saragosse », VOLTAIRE Lett. Servan, 13 janv. 1768 Question : Le juge ne fait-il qu’appliquer la loi ? Discutez-en. C’est deux citations nous montrent que le statut du juge par rapport à la loi est ambiguë. D’après Montesquieu, le juge ne fait qu’appliquer la loi. Or la citation de Voltaire nous indique qu’au contraire, le juge en France ne fait pas qu’appliquer la loi, il l’interprète, voire la crée. Qui a raison ? Est-ce qu’en France, le juge n’est qu’un exécutant de la loi, dans ce cas, la « loi » au sens large (au sens de règle de droit) est la norme suprême, ou au contraire il peut être un interprète, voire un créateur de lois, ce qui relativise la supériorité de la loi dans notre ordre juridique. Il s’agit donc de s’interroger dans cette dernière partie sur la question de la jurisprudence en France, et de déterminer sa place dans notre système juridique. A. Le juge ne fait pas qu’appliquer les lois La tâche des juges est parfois aisée lorsqu'il existe un texte simple, clair, facilement interprétable. Elle est souvent plus difficile soit parce que la loi doit être interprétée parce qu’elle est imprécise, soit parce qu'elle est inexistante, ou parce que la société évolue. 1. Le juge ne peut refuser de juger Document 11 : Les devoirs des juges en France 1- Le juge est obligé de juger même quand il n'existe pas de règle de droit préexistante. L’article 4 du Code civil fait obligation au juge de rendre une décision dans chaque litige, qui lui est soumis : « le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ». 2- Le juge n’a pas le droit de créer de nouvelles règles de droit. Article 5 du Code Civil : Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises. 3- Le juge n’a pas le droit de juger sans appliquer de règle de droit. Article 12 du Code de procédure civil : Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Questions : 1. Le juge dispose-t-il d’un pouvoir de créer des lois ? A votre avis, pourquoi ? 2. Quelle contradiction apparaît dans ces articles ? 3. En pratique, comment peut-on soulever le paradoxe ? Comme le juge n’a pas - en principe - le droit de prononcer une règle générale, son rôle consiste à appliquer des règles préexistantes au conflit qu'il a à trancher. C'est ce qu'on appelle la méthode du "syllogisme judiciaire" - méthode appliquée par tous les juges français. Cette méthode consiste, pour le juge, à conduire, dans la motivation des décisions qu'il rend, un raisonnement en trois temps : - identification de la règle générale ("majeure" du raisonnement) - application de la règle générale au cas particulier ("mineure" - opération appelée également "qualification juridique des faits") - conclusion : solution du litige Mais que peut faire le juge s'il ne parvient pas à identifier une majeure ? Et notamment si les textes juridiques applicables au cas d'espèce sont inexistante ("vide juridique"), imprécis (et supposent donc une interprétation) ou contradictoires ? Dans ces cas, en pratique, c'est le juge qui crée, en tout ou en partie, la majeure du raisonnement. Alors, sans le dire expressément, le juge crée la règle de droit. Lorsque les textes juridiques sont inexistants, imprécis ou contradictoires, le juge doit préciser, clarifier, voire créer de manière pure et simple la règle de droit. Il existe une contradiction entre l’interdiction faite au juge de créer de nouvelles règles de droit (art. 5) et en même temps, obligation de juger même quand il n'existe pas de règle préexistante (art. 4), et l’interdiction de juger sans appliquer de règle de droit. On peut donc en déduire que le juge exerce un certain pouvoir normatif (sans pourtant reconnaître officiellement ce pouvoir, de peur de lui donner une trop grande étendue), en France. Le pouvoir normatif du juge existe, mais ne dit pas son nom. On parle alors de jurisprudence : au sens large, c’est l'ensemble des décisions rendues par les juges. Au sens étroit, un ensemble de décisions de justice rendues par les différentes juridictions concernant une même question juridique. Il n’est pas possible au juge de se retrancher derrière l’incertitude de la règle de droit. Chaque fois qu’ils éprouvent une difficulté de cet ordre, les tribunaux, pour sortir d’embarras, peuvent prendre une décision de justice en fonction des « précédents », c'est-à-dire de l’interprétation déjà donnée sur le même point par d’autres juridictions, donc à juger de manière similaire des cas similaires, mais ce n'est pas une obligation pour les juges : rien ne leur interdit, en principe, de changer d’avis et de revenir sur leurs interprétations et leurs innovations. Lorsqu’un juge modifie ainsi sa jurisprudence, on parle de revirement de jurisprudence. Ces revirements ne sont pas très fréquents en France, mais ils ne sont pas interdits, ce qui permet aux juges de corriger leurs erreurs ou d'accompagner les évolutions de la société. Source : http://libredroit.editme.com/RubriqueIB2

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2. L’importance de la jurisprudence devant la loi Décisions de justice : jugement établi par un tribunal au sens large (tribunal de première instance, cour d’appel, Cour de Cassation…)

a. Le juge va interpréter la loi. Document 12 : Quand la loi est imprécise, le juge l ’interprète Article L1232-1 du code du travail (Modifié par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008) : Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse. Questions : 1. De quelle catégorie de licenciement traite cet article ? Donner un exemple. 2. Montrer que cet article du code du travail est imprécis. 3. En cas de contestation du licenciement par le salarié, en quoi consiste la tâche du juge ? * La loi peut être floue volontairement ou non. Exemple de flou volontaire : le licenciement pour motif personnel. La rupture du contrat de travail est motivée par le comportement du salarié. La loi ne donne pas de définition de comportement du salarié qui induirait un licenciement pour motif personnel. Mais précise que le licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse. Les caractères de la cause du licenciement : article L 1232-1 du code du travail > La cause doit être réelle, elle doit exister (établie), être vraie (objective). > La cause doit être sérieuse, donc suffisamment importante. > La cause doit se rattacher à l'activité professionnelle. Exemple : de nombreux retards = 1 cause réelle et sérieuse de licenciement En cas de contestation, le juge va devoir déterminer si le motif est bien réel et sérieux. C’est le conseil des prud'hommes et éventuellement la cour d'appel et la Cour de cassation qui doivent traiter le litige. Autrement dit, le juge interprète les textes insuffisamment clairs et notamment il précise le sens, des notions utilisés par le texte (il explique certaines notions sans rentrer dans les détails). Un licenciement sans cause réelle et sérieuse sera sanctionné par le juge. La sanction est le paiement d'une indemnité de rupture abusive par l’employeur et la réintégration du salarié, mais les 2 parties doivent être d'accord.

b. Le juge crée des « lois ». Document 13 : Quand la loi est inexistante, le juge « crée » des règles de droit La naissance de « l'abus de droit » Il est pour la première fois question d'abus de droit dans un arrêt de la cour de cassation datant du 3 août 1915 surnommé l'arrêt « Clément Bayard». Dans cet arrêt sont en conflit deux propriétaires mitoyens, le premier faisant s'envoler de son terrain des ballons dirigeables et le second ne supportant pas le passage de ces objets volants sur son terrain lors de leurs décollages et atterrissages. Pour mettre fin à ces survols le second va ériger sur son fonds « des carcasses en bois de seize mètres de hauteur surmontées de tiges de fer pointues » propres à percer les ballons du premier. Lorsque l'un des ballons du premier voisin nommé Adolphe Clément-Bayard est percé par le dispositif, ce dernier assigne son voisin en réparation du préjudice subi. Pour sa défense, l'auteur du dispositif ayant eu raison du ballon dirigeable de M. Bayard invoquera le caractère absolu du droit de propriété (Art. 544 du code civil). En effet, il prétend être libre d'utiliser son fonds comme il l'entend dans la mesure où cette utilisation ne va pas à l'encontre des lois et des règlements. C'est-à-dire que selon lui, le fait d'ériger sur son fonds une structure inutile et propre à endommager les ballons dirigeables de son voisin relève de son droit d'usage. L'affaire est portée jusque devant la cour de cassation qui fera finalement droit à la demande de Clément Bayard. Pour justifier leur décision, les juges de la chambre des requêtes vont évoquer le fait que la structure en question était totalement dépourvue d'utilité et qu'elle a été érigée dans l'intention de nuire au propriétaire du fonds voisin et qu'au regard de cela le propriétaire a « abusé de son droit ». Cette conception sera par la suite reprise par la jurisprudence pour arbitrer des litiges similaires.

D'après Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Troubles_du_voisinage_en_droit_fran%C3%A7ais

Questions : 1) De quel « droit » le voisin de Clément Bayard a-t-il abusé ? 2) Quelles sont les conditions de l'abus de droit ? 3) Connaissez-vous des applications plus récentes de cette théorie ? Parfois il existe aucun texte (ce qu’on appelle « le vide législatif ») et dans ce cas-là le juge crée une règle à partir de rien. L’art.5 du Code civil l’interdit en principe, d’où deux conséquences, pour essayer de ne pas heurter de front cette interdiction (tout en l'écartant en pratique, on l'aura compris !) Le juge préfère créer des principes et non pas de règles. Un principe est une idée générale à partir de laquelle une solution peut être dégagée, alors qu’une règle est une obligation qui est rédigée à un terme précis. Le juge a une tendance à dire qu’il ne crée pas les principes mais que ces principes existent indépendamment de lui et qu'il les découvre (comme n'importe qui aurait pu le faire, parce qu'il s'agit de principes rationnels et universels : cela fait penser un peu à la notion de "droit naturel", très utilisée aux XVIIème et XVIIIème s.). Cette présentation constitue une fiction, bien entendu : le juge français, en réalité, a bien le pouvoir de créer des principes jurisprudentiels. Il ne se contente pas de les "découvrir".

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Exemple : l’arrêt « Clément Bayard ». Le juge « découvre » le principe jurisprudentiel d’ « abus de droit ». Dans ce cas, deux propriétaires sont en conflit car Clément Bayard fait survoler des ballons dirigeables au dessus du terrain de son voisin, lequel invoque son droit de propriété et donc d’usage de cette propriété lorsqu’il construit une structure en bois avec des pics pour crever les ballons de M. Bayard. Le juge tranche le litige en faveur de M. Bayard, car il considère que le voisin a réalisé une construction totalement dépourvue d'utilité et qu'elle a été érigée dans l'intention de nuire au propriétaire du fonds voisin M. Bayard, ce qui permet la création d’une régle de droit inexistante : « l’abus de droit ». Autre exemple : abus de droit dans le cas de fraudes fiscales très élaborées comme l’utilisation de niches fiscales abusives, abus de droit concernant le licenciement pour motif personnel… Remarque : abus de droit en 1855, arrêt de la Cour de Colmar au sujet d'une affaire de fausse cheminée destinée à nuire à un voisin, il s’agit d’un abus de droit de propriété mais qui ne dit pas encore son nom.

c. Le juge adapte la loi aux évolutions de la société Document 14 : Quand la loi est désuète, le juge doi t adapter la règle de droit 1- Article 1384 du code civil (extraits) alinéa 1 : On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, (...) alinéa 4 : Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux. (...) 2- L'interprétation initiale de la Cour de cassation de l'article 1384 alinéa 4 du code civil : • l'enfant devait avoir causé un dommage consécutif à une faute qu'il aurait commise • lorsqu'il n'y avait plus cohabitation (enfant confié par exemple à l'école, ou à un internat), la responsabilité des parents disparaissait provisoirement Évolution de la jurisprudence : 1984 : Le jeune Fullenwarth (7 ans) crève l’œil d’un camarade de son âge en jouant avec un arc et une flèche. Les parents, attaqués sur la base de l’art 1384, cherchent à démontrer que leur enfant n’est pas fautif, par manque de discernement. Réponse de la Cour de cassation : « pour que joue la présomption pesant sur les parents, il suffit que l’enfant ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage ». Du fait fautif, on passe donc au fait causal. 1997 : Le jeune Christian Samda (16 ans) vole une automobile qui est endommagée. Au moment des faits, il aurait dû se trouver en cours dans son collège qui l’aurait mal surveillé. Les parents tentent de rejeter la faute sur l’établissement. Réponse de la Cour : La cohabitation doit s’entendre comme une recherche du lieu où l’enfant réside habituellement. La présence en milieu scolaire ne fait pas cesser la cohabitation avec les parents et donc leur responsabilité. 2000 : Le jeune Malblanc et la petite Chalumeau (sic) mettent le feu à un bâtiment agricole en jouant avec des allumettes. Ils étaient alors en séjour de vacances chez leur grand-mère. L’assurance des voisins s’attaque à cette dernière (à son assurance) et l’assurance des parents fait de même. Réponse de la Cour : Ni la distance de l’éloignement, ni même sa durée, ne font cesser la cohabitation et donc la responsabilité des parents. 2000 : Le jeune Goueytes (9 ans) perce l’oeil d’un camarade d’un coup de crayon alors qu’il se trouve placé dans un centre spécialisé pour l’enfance handicapée. L’assurance des parents conteste leur responsabilité. Réponse de la Cour : Le placement en internat ne fait pas cesser la cohabitation et donc la responsabilité des parents. Questions : 1. Quelles sont les différentes évolutions de la jurisprudence sur la responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs ? 2. Quels sont les changements dans la société française qui peuvent expliquer ces évolutions jurisprudentielles ? 1.*La notion de cohabitation nécessaire pour engager la responsabilité des parents a naturellement évolué avec le temps. Les enfants quittaient peu le domicile familial en 1804 lorsque le code civil a été rédigé. L’éclatement des familles, qui est aussi souvent une dispersion géographique causée par la mobilité professionnelle, le travail de la femme qui a contraint à prévoir la garde des enfants par autrui, la commodité et la sécurité des voyages qui favorisent les déplacements, mais même aussi tout simplement l’organisation pendant les vacances de colonies ou de camps de jeunes, ont entraîné des comportements inimaginables au XIXè siècle. L’enfant est plus souvent, et de manière normale, loin de ses parents, absent du domicile parental pour plusieurs jours, confié à des proches ou à des organisations assez loin de ce domicile, mais à une époque où les moyens de communication modernes rendent l’autorité parentale potentiellement toujours présente, en tout cas facilement consultable. Qui est donc responsable de l’enfant lorsque celui-ci cause à autrui un dommage, alors qu’il n’est pas sous la garde actuelle de ses parents ? Existe-t-il une responsabilité directe de la « baby-sitter », des grands parents, d’un organisme de vacances ou même d’un établissement scolaire ?

���� Les juges qui font le droit ont considéré que les parents ne devaient pas échapper à leur responsabilité en cas d’absence de courte durée. Sans avoir besoin de réécrire la partie de l’art 1384 consacrée aux parents, il était nécessaire de faire évoluer cette notion de « cohabitation ». Il était également indispensable pour la cohésion du droit que cette évolution soit identique partout à la fois sur tout le territoire national. Nos juges «suprêmes » ont considéré que c’était désormais la notion de « domicile habituel » de l’enfant qui était à prendre en considération lorsqu’il fallait interpréter la notion de « cohabitation » pour déterminer un responsable. Encore faut-il que tous les tribunaux fassent partout la même interprétation nouvelle.

* La notion de faute nécessaire de l'enfant a également disparu. Du fait fautif nécessaire, on est passé en 2002 au simple fait causal, donc à une responsabilité sans faute, parce que la tendance actuelle de la Cour de cassation est de prendre en compte le besoin de réparation des victimes, et de prendre en considération la généralisation des assurances qui couvrent le montant des dommages.

Page 14: Chapitre 1 : Qu’est ce que la loi

Terminale L – 2012-2013- Spécialité « Droit et grands enjeux du monde contemporain » - Chapitre 1 : Qu’est ce que la Loi ?

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3. Quels juges créent la jurisprudence ? Document 15 : Les différentes juridictions en Franc e La France possède une organisation originale de ses tribunaux qui sont séparés en deux ordres juridictionnels : la justice judiciaire et la justice administrative. La distinction entre deux ordres de juridictions est consacrée par la loi des 16 et 24 août 1790, qui interdit aux juges judiciaires de connaître des contentieux relatifs à l’administration ou au travail des fonctionnaires. L’administration n’est pas pour autant soustraite à tout contrôle juridictionnel : des tribunaux spécifiques ont été créés pour connaître des litiges impliquant les personnes publiques. […] Les différentes juridictions sont donc organisées en deux ordres juridictionnels : l’ordre judiciaire et l’ordre administratif. À l’intérieur de ces ordres, les tribunaux et cours sont agencés selon une structure pyramidale : - les juridictions dites de première instance (ou de premier degré) constituent la base de cette organisation ; - les juridictions d’appel (ou de second degré) sont formées des cours qui jugent les recours formés contre les décisions prises par les juridictions de première instance ; - au sommet de chaque ordre, une juridiction de cassation est chargée de contrôler et d’harmoniser l’application de la loi telle qu’elle est mise en œuvre par les autres juges (qu’on appelle les « juges du fond »). Il s’agit de la Cour de cassation pour l’ordre judiciaire, et du Conseil d’État pour l’ordre administratif, [où l’on y trouve les « juges du droit».] La Cour de cassation ne possède généralement pas le pouvoir de juger elle-même des litiges : en cas de cassation, c’est-à-dire si la Cour estime que les juges du fond n’ont pas correctement interprété la loi, elle doit renvoyer l’affaire devant une autre juridiction de même nature que celle qui a rendu la décision cassée.

Source : sites : http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/justice/fonctionnement/tribunaux/comment-sont-organises-differents-tribunaux.html

http://www.justice.gouv.fr/organisation-de-la-justice-10031/lordre-judiciaire-10033/

Questions : 1. En vous appuyant sur le document, identifier les trois grandes catégories de juridictions saisies et leurs rôles lors d’un procès. 2. A partir des trois degrés de juridictions, identifiez deux grandes catégories de juge, ceux qui participent à la jurisprudence, et ceux qui dirigent la jurisprudence. Le terme "juridiction" désigne un organisme, institué pour rendre la justice et trancher les litiges qui sont déférés. C'est un tribunal, en tant que service public. Un degré de juridiction est l'un des tribunaux devant lesquels peut être portée successivement une même affaire. *Les juges du fond (juges du premier et du second degré de juridictions) participent à la jurisprudence Les juges de fond jugent l’affaire. - En cas de nouvelle loi à interpréter : les juges du fond sont les premières juridictions saisies sur l’interprétation d'une nouvelle loi (en attendant les cours suprêmes). - En cas de nouveaux comportements : Premières décisions sur Facebook : les salariés peuvent ils critiquer leur employeur sur le réseau social ? Non pour un CP (2010). (les licenciements sont donc validés pour « dénigrement de l'entreprise ». En cela, on peut dire que la cour de cassation et le Conseil d'État sont des juges de fond, car il juge le fond (l’affaire). * Les juridictions supérieures (suprêmes) dirigent la jurisprudence. Au-dessus de ces juridictions du fond se situe la Cour de cassation pour l'ordre judiciaire et le Conseil d'État dans l'ordre administratif, dont le rôle n'est pas d'examiner de nouveau les éléments de fait du litige (les éléments de fond) mais de vérifier si la solution rendue par les juges du fond est bien conforme aux règles de droit. En cela, on peut dire que la cour de cassation et le Conseil d'État sont des juges du droit (Les juges du droit jugent les juges).

Contrôle : Ces hautes juridictions ne jugent pas l'affaire une troisième fois mais vérifient que les lois ont été correctement appliquées par les tribunaux et les cours d'appel. Appel : Lorsqu'une ou plusieurs personnes ne sont pas satisfaites du premier jugement, elles peuvent faire appel. Les juridictions du second degré réexaminent alors l'affaire. Premier Jugement : Ces juridictions de premiers degrés règlent les litiges quand une affaire est portée en justice.

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Document 16 : Illustration du rôle des différentes juridictions dans la jurisprudence Viveo : la Cour de cassation généreuse avec les patrons -3 mai 2012 à 16:37 � RÉCIT Un plan social est valable même en l'absence de motifs économiques, a estimé le juge, un an après que la Cour d'appel de Paris a statué dans le sens contraire. Soulagement au Medef1, après la décision de la Cour de cassation sur le dossier Viveo. En mai 2011, la Cour d'appel de Paris avait annulé un plan social2 dans cette entreprise de logiciels bancaires, au motif que sa situation économique ne justifiait pas les 64 licenciements prévus. Une petite révolution en droit du travail, qui aurait fait jurisprudence si la Cour de cassation ne l'avait pas désamorcée ce jeudi. «Le juge [du droit] avait la possibilité de confirmer l'annulation du plan social, mais il s'en est tenu à la lettre de la loi plutôt qu'à son esprit», regrette Philippe Richard, secrétaire (CGC) du comité d'entreprise de Viveo. Jusqu'à présent, le seul motif d'annulation d'un «plan de sauvegarde de l'emploi» (PSE) est la non-consultation des représentants du personnel. En cas d'absence de motifs économiques, un salarié peut, à titre individuel, contester son licenciement devant les prud'hommes. Mais après sa mise en place. Et même s'il lui est donné raison, il ne bénéficie que de dommages et intérêts, et pas d'une réintégration. En clair, l'ingérence de la justice dans les affaires de l'entreprise est réduite au minimum. Illégalité Un état de chose que la décision de la Cour d'appel de Paris aurait pu bouleverser. Après un échec en première instance, c'est vers elle que s'étaient tournés les salariés de Viveo. Aussitôt après avoir racheté leur prospère entreprise, le groupe suisse Tenemos avait annoncé son intention de se séparer de plus d'un tiers des 180 salariés. En mai 2011, la Cour s'était appuyé sur l'esprit de la loi pour estimer que «la cause économique est le postulat de base de la procédure collective de licenciement». Et donc que «le défaut de cause économique constitue une illégalité» justifiant l'annulation du PSE et la réintégration des salariés. «Cette décision était bien motivée, juge Eric Rocheblave, avocat spécialiste en droit du travail au barreau de Montpellier. Il me semble que celle de la Cour de cassation vise avant tout à limiter l'explosion du nombre de contentieux, et à ne pas bouleverser le droit existant. Je trouve dommage qu'on en reste à un contrôle a posteriori. Cela revient à reconnaître qu'un PSE peut être lancé même quand l'entreprise n'a pas de problème économique.» «Carte blanche aux licenciements» Bien qu'il appartienne maintenant à la Cour d'appel de Versailles de rejuger le dossier, celle-ci reprendra probablement l'interprétation de la Cour de cassation. «C'est une carte blanche pour les licenciements après le deuxième tour de la présidentielle, a prévenu Amaury Viry, élu (CGC) au comité d'entreprise. Contrairement à ce qu'a essayé de faire croire le Medef, il ne s'agissait pas d'annuler tous les plans sociaux, seulement la petite partie qui n'est justifiée par aucun motif économique». De son côté, l'organisation patronale accueille favorablement la décision : «La confirmation de cet arrêt aurait pu conduire à une saisine systématique du juge en cas de PSE. Et certaines entreprises auraient dû attendre d'être au bord du dépôt de bilan pour déclencher un plan social, plutôt que d’anticiper les mesures de redressement.» 1. MEDEF : Le Mouvement des entreprises de France (Medef) est une organisation patronale représentant des dirigeants des entreprises françaises. 2. Plan social : Le plan de sauvegarde de l'emploi, également connu sous son ancien nom de plan social ou sous le sigle PSE, est un dispositif légal français visant à limiter les conséquences des licenciements collectifs, mis en place dans l'article L. 321-4-1 du code du travail. La loi du 17 janvier 2002 dite de « modernisation sociale » a renommé la procédure du « plan social » en PSE – Plan de Sauvegarde de l’Emploi, mais les médias et les organisations syndicales emploient encore souvent l’expression « plan social ».

Source : Par Dominique Albertini, article du site libération.fr du 3 mai 2012 (site : http://www.liberation.fr/economie/2012/05/03/viveo-la-cour-de-cassation-genereuse-avec-les-patrons_816119)

Questions : 1. De quel ordre juridictionnel relèvent les faits présentés dans le document ? 2. Rappelez les faits à l’origine du litige (« mineure » du syllogisme judiciaire). 3. Quelles sont les parties en présence dans le litige ? 4. Identifiez la loi qui est concernée (« majeure » du syllogisme judiciaire). 5. Quelle est la décision du tribunal de première instance ? 6. Quelle est la décision de la cour d'appel de Paris et sa justification ? 7. Quelle est la décision de la cour de cassation? 8. Connaît-on la solution du litige dans ce document (« conclusion » du syllogisme judiciaire)? 9. Peut-on parler de « revirement de jurisprudence » ? Illustration et sensibilisation au syllogisme judiciaire : 1. Les faits présentés dans ce document relève de la justice judiciaire. 2. Les faits à l’origine du litige (« mineure » du syllogisme judiciaire) sont : La société Viveo a mis en place un plan social visant à licencier 64 salariés. Les salariés contestent le plan social afin que la procédure de licenciement n’ait pas lieu. 3. Les parties : Dans l’action en justice, ils représentent le « demandeur ». L’entreprise est donc la partie adverse, il s’agit du défendeur. 4. La loi qui est concernée (« majeure » du syllogisme judiciaire) est l'article L. 321-4-1 du code du travail. 5. La décision du tribunal de première instance : le tribunal de première instance (Conseil des Prud’hommes) rejette la demande (on dit qu’il « déboute le demandeur »). 6. La décision de la cour d'appel de Paris et sa justification : Les salariés font appel de la décision du Conseil des Prud’hommes, laquelle infirme le jugement (elle annule le PSE et donc la procédure de licenciement) et donne pour motif que le défaut de cause économique au plan social constitue une illégalité. 7. La cour de cassation casse la décision de la Cour d’appel.

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8. La solution du litige (« conclusion » du syllogisme judiciaire) sera donnée par la Cour d’appel de Versailles qu’on ne connaît pas dans le document. 9. On ne peut pas parler de « revirement de jurisprudence » car la Cour de cassation a cassé la décision de la Cour d’appel de Paris. Dans le cas contraire, si la cour de Cassation avait rejeté le pourvoi alors on aurait pu parler de « revirement de jurisprudence », car « le défaut de cause économique aurait pu rendre des PSE illégaux et donc annulés en justice, ce qui pour aurait être une petite révolution en droit du travail, beaucoup de contentieux aurait pu voir le jour, les juges pouvant s’inspirer de cette décision pour juger, de nombreux licenciements dans le cadre de PSE auraient pu être contestés, ce qui rend moins facile les procédures de licenciement. B. La place secondaire de la jurisprudence dans notre système juridique

Document 17 :

Différents systèmes juridiques se sont développés au fil des siècles. Certains ont été exportés par le colonialisme et autres conquêtes. Il semblerait qu’ils commencent à converger.

Le droit civil, inspiré par le droit romain. La première source du droit est la loi. Le code civil est à la base de toutes les autres lois, qui complètent ses articles ou y font exception. Ces codes sont essentiellement caractérisés par un haut niveau d'abstraction, qui permet aux juges d'interpréter et d'analyser toutes les situations concrètes, soit en appliquant la loi, soit en comblant ses lacunes par extrapolation. La France est le prototype du pays de droit civil; plus de 60% de la population mondiale est influencée par cette tradition.

La common law. Elle provient du droit anglais non écrit qui s'est développé depuis le XIIe siècle. C'est "la loi faite par le juge": la première source du droit est la jurisprudence. Elaborés par induction, les concepts juridiques émergent et évoluent au fil du temps: ils sont construits par amalgame de nombreuses affaires qui, ensemble, délimitent des champs d'application. La common law prévaut au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et dans la plupart des pays du Commonwealth. Elle influence plus de 30% de la population mondiale.

Le droit islamique. Régi et régulé par la religion musulmane, sa source principale est le livre saint, le Coran, que complète la Sunna - le recueil des faits et dires du Prophète. Cette méthode juridique est appelée Charia (la "voie à suivre"). La loi religieuse vise à réglementer tous les aspects de la société et de la vie de ses membres. L'un des traits distinctifs de la Charia est que les droits de la collectivité passent avant ceux de l'individu. Droits et libertés individuels sont restreints par les impératifs moraux et divins de la religion. Récemment, ces règles morales ont eu tendance à être interprétées au sens large pour s'adapter aux réalités de cette fin de siècle.

Les systèmes mixtes. Ils comprennent deux ou plusieurs méthodes juridiques en concurrence ou en interaction, dans une société multiculturelle et multireligieuse. Parfois, elles sont employées de façon complémentaire. Les systèmes juridiques de nombreux pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient sont fortement influencés par la tradition du droit civil, mais dans certains domaines, en particulier ceux qui touchent à la personne, à la famille et aux droits de propriété, ils se conforment plutôt à la tradition islamique.

Le droit coutumier. Ensemble d'us et coutumes qui ont, avec le temps, acquis force de loi, il a de multiples formes et peut se développer sur la base de la religion, de l'ethnie et de l'identité culturelle. Il joue un rôle dans un nombre assez important de pays de droit mixte, qui finissent souvent par promulguer leurs "lois coutumières" sous forme de code. La justice est rendue de bien des façons, suivant les traditions locales.

Les systèmes juridiques en ex-Union soviétique et en Europe de l'Est. Dans leur grande majorité, ils appartenaient à la tradition de droit civil avant la révolution de 1917 ou avant les changements politiques d'après-guerre. A la suite de ces événements, une partie de leurs codes a été annulée en fonction des impératifs de l'idéologie communiste. Leurs codes civils n'ont donc jamais été totalement abrogés entre 1917 et 1991. Depuis cette date, la Russie et d'autres pays de l'Est ont mis en œuvre d'importantes réformes pour s'adapter à la mondialisation, tout en restant fidèles à leurs racines civilistes.

L'impact de la mondialisation. Les systèmes juridiques sont devenus, dans certains domaines, des entraves au développement. D'où l'essor, dans les 50 dernières années, d'institutions internationales qui œuvrent pour l'harmonisation des droits et tentent d'amoindrir les effets des "barrières juridiques trans-systémiques". Le commerce international joue un rôle moteur dans le développement d'un ”jus” - un droit - commun qui va transcender les systèmes juridiques traditionnels tout en coexistant avec eux.

Source : "Le Courrier de l'Unesco", novembre 1999, avec le concours de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa et de David D. Shaw, juriste, Utah (Etats-Unis).

http://www.aidh.org/Biblio/Vocabulaire/Syst_jurid.htm

Page 17: Chapitre 1 : Qu’est ce que la loi

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Questions : 1. Quels sont systèmes juridiques qui prédominent dans le monde ? 2. La jurisprudence est-elle une source importante du droit partout ? 2. Relativiser la place de la jurisprudence dans notre système juridique. 3. Dans quel système juridique le pouvoir normatif des juges est le plus étendu ? Dans l’ordre d’importance, il existe deux grands systèmes juridiques : le système juridique de droit civil, inspiré par le droit romain et celui de la common law d’origine anglaise. Citons la principale grande différence. Le premier repose essentiellement sur une loi écrite où la première source du droit est donc la loi au sens de source écrite, c’est un système de droit dit « codifié » alors que le second se fonde principalement sur un droit non écrit, càd c'est-à-dire que c’est le juge qui crée le droit (droit d’essence jurisprudentielle). Les juristes anglais définissent la common law comme « le bon sens de la communauté, regroupé et formulé par nos ancêtres ». L'importance accordée à la jurisprudence et au pouvoir normatif des juges varie donc selon les systèmes juridiques. Dans la tradition anglo-saxonne de la common law (Angleterre, Canada sauf Québec, USA sauf Louisiane, Californie et Porto Rico) tous les du Commonwealth), la jurisprudence, est une source importante du droit, le pouvoir normatif des juges est accru mais limité par la règle du précédent. Dans les pays de droit civil, inspiré par le droit romain (Europe dans les Etats germaniques et latins : Allemagne, Autriche, Suisse / France, Espagne, Portugal, Italie, Québec, Louisiane, Egypte, Afrique Centrale…), c’est le principe législatif qui domine organisé sous forme de codes à l’image du Code Civil français, la loi est la première source du droit, le pouvoir normatif du juge est donc secondaire par rapport à celui du législateur.

BILAN - L’essentiel du chapitre « Chapitre 1 : Qu’est ce que la loi ? - Partie 2 : La loi, la norme suprême ? » � Complétez la synthèse à l’aide des mots suivants [NB : Certains mots peuvent être utilisés plusieurs fois] : La Loi participe à la formation de la règle de droit. Elle est l’expression de la volonté générale, elle est donc a priori une norme suprême à respecter. Mais affirmer la supériorité de la loi, c’est dire qu’elle est la seule norme juridique. Or l’ordre juridique français a une conception plus restrictive du mot « loi ». De plus, la supériorité de loi peut être relativisée, car les juges ne font pas qu’appliquer la loi. Le sens juridique du mot « loi » est en réalité plus complexe, cela tient aux spécificités de la définition de la loi sous la Vème république (articles 34 et 37 de la Constitution) qui nous distingue de la plupart des autres démocraties européennes. La loi, dans son sens plus restrictif, est considérée comme une règle de droit émanant du parlement. Toutes les lois, sauf les (1) lois référendaires votées directement par le peuple, sont votées par le Parlement, on parle à ce propos de «(2) lois parlementaires ». On distingue différents types de lois parlementaires. Les (3) lois ordinaires sont les règles et principes fondamentaux dans les domaines fixés par l’article 34 de la Constitution. En effet, depuis l’avènement de la Ve République, la loi ne peut plus intervenir que dans certains domaines délimités, les autres matières relevant du pouvoir réglementaire du Gouvernement. Ensuite, les (4) lois organiques sont des lois venant préciser ou compléter la Constitution afin de permettre le bon fonctionnement des pouvoirs publics dans les cas prévus par la Constitution. Les lois organiques contribuent à la pérennité de la Constitution en déléguant au Parlement le pouvoir de préciser certaines dispositions constitutionnelles susceptibles de changer avec le temps. Enfin, il existe des (5) lois constitutionnelles qui sont des lois de révision de la Constitution (article 89). La loi parlementaire est une norme essentielle à respecter, mais ce n’est pas la seule et il ne s’agit pas d’une norme suprême comme on peut le penser. Notre ordre juridique se fonde la suprématie de la Constitution, qui est le texte fondamental qui définit les grands principes sur lesquels est fondée la République française. La loi parlementaire est donc une norme (6) inférieure à la Constitution. Notre actuelle constitution date du 4 octobre 1958 ; elle a donné naissance à la Vème République. Les autres normes doivent la respecter, c’est le (7) principe de constitutionnalité. La loi parlementaire est donc contestable, puisqu’elle doit être conforme à la Constitution, plus précisément au bloc de constitutionnalité. Le juriste autrichien Hans Kelsen a développé la théorie de la hiérarchie des normes, sous la forme d’une pyramide. Dans cette pyramide, les normes les moins importantes doivent être conformes aux règles les plus importantes, ou tout au moins compatibles avec elles. C’est au sens large, le (8) principe de légalité. Les lois se situent donc en dessous du bloc de Constitutionnalité mais au dessus des règlements. Cette théorie s’appuie sur l’idée de conformité : pour être valable, la norme inférieure doit être conforme à la norme qui lui est supérieure. Si telle est le cas, elle est « régulière », mais sinon, elle devra être annulée ou réformée. La (9) loi parlementaire n’est donc pas la norme suprême dans la hiérarchie des normes. Nous pouvons encore relativiser la place de la loi dans notre système juridique en montrant qu’en France, le juge ne fait pas qu’appliquer la loi, car il peut être un interprète, voire un créateur de lois. Le juge n’a pas - en principe - le droit de prononcer une loi, son rôle consiste à appliquer des lois préexistantes au conflit qu'il a à trancher. Cependant, dans notre système juridique, le juge ne peut refuser de juger « sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi » sous peine de « déni de justice ». Lorsque les textes juridiques sont inexistants, imprécis ou contradictoires, lorsqu’ils sont inadaptés aux évolutions de la société, le juge est donc contraint de préciser, clarifier, voire créer de manière pure et simple la règle de droit. Le pouvoir normatif du juge existe donc en France, mais ne dit pas son nom. On parle alors de (10) jurisprudence : au sens large, c’est l'ensemble des décisions rendues par les juges. Au sens étroit, il s’agit d’un ensemble de décisions de justice rendues par les différentes juridictions concernant une même question juridique. Lorsqu’un juge modifie sa jurisprudence, on parle de (11) revirement de jurisprudence. Ces modifications ne sont pas très fréquentes en France, mais elles ne sont pas interdites, ce qui permet aux juges de corriger leurs erreurs ou d'accompagner les évolutions de la société. On peut distinguer différentes catégories de juges en fonction de leur capacité à influencer la jurisprudence. En effet, suivant les différents degrés de juridiction, on peut identifier d’une part des juges qui participent à la jurisprudence, ce sont les (12) juges du fond qui appartiennent au premier et au second degré de juridictions, d’autre part des juges qui dirigent la jurisprudence, ce sont les (13) juges du droit qui interviennent dans les juridictions supérieures et ont pour mission de vérifier si la solution rendue par les juges du fond est bien conforme aux règles de droit. Ces juges peuvent être considérés comme des juges de juges, et ont donc un pouvoir plus important dans l’évolution de la jurisprudence que les juges du fond. Toutefois, notons que nous pouvons relativiser l’importance du pouvoir des juges dans la création des lois, notamment si l’on compare notre système à ceux qui existent dans d’autres pays. En effet deux systèmes juridiques prédominent dans le monde. Le nôtre appartient à un système juridique de droit civil, inspiré du droit romain dans lequel la première source du droit est la (14) loi écrite. Ce système qui inspire nombre d’Etats germaniques et latins est dit « codifié » car il est organisé sous forme de codes à l’image du Code Civil français, le pouvoir normatif du juge y est donc (15) secondaire par rapport à celui du législateur. En revanche, dans la tradition anglo-saxonne de la Common law, le système juridique se fonde principalement sur un droit non écrit. La (16) jurisprudence, est une source importante du droit, le pouvoir normatif des juges y est nécessairement plus (17) important.