58
Chapitre 2 Théorie du producteur Shango "Corporation : An ingenious device for obtaining individual profit without individual responsibility". (Ambrose Bierce, The Devil’s Dictionary ) La théorie du producteur est l’un des éléments les mieux développés de toute la microéconomie. Dans un contexte concurrentiel, on peut facilement dire, ce qui est rare en sciences économiques, que a été dit. Ce chapitre, qui repose en grande partie sur des applications élémentaires du Théorème de l’Enveloppe (Recette 9) a pour but de familiariser l’étudiant avec les principaux résultats de cette littérature, et de montrer comment la théorie du producteur mène à des applications extrêmement utiles dans la compré- hension du comportement des producteurs agricoles dans les PED, ainsi que dans l’évaluation des politiques économiques auxquelles ils sont assujettis. 2.1 La technologie de production 2.1.1 La fonction de transformation Une représentation possible de la technologie de production est la fonc- tion de transformation, qui représente une façon techniquement efficace de produire un vecteur d’output donné, et que l’on exprime normalement par la relation implicite T (q; x)=0. Lapropriétésformellesdelafonctiondetransformationsontlessuivantes. La fonction T est continu et concave; elle est non-décroissante en q pour tout x > 0 ; et il existe un scalaire α suffisamment grand de telle sorte que, si une composante quelconque du vecteur q est plus grand que α, alors T (q; x)= -∞. 63

Chapitre 2 Théorie du producteur

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Page 1: Chapitre 2 Théorie du producteur

Chapitre 2

Théorie du producteur

Shango

"Corporation : An ingenious device for obtaining individualprofit without individual responsibility". (Ambrose Bierce, TheDevil’s Dictionary)

La théorie du producteur est l’un des éléments les mieux développés detoute la microéconomie. Dans un contexte concurrentiel, on peut facilementdire, ce qui est rare en sciences économiques, que ���� a été dit. Ce chapitre,qui repose en grande partie sur des applications élémentaires du Théorèmede l’Enveloppe (Recette 9) a pour but de familiariser l’étudiant avec lesprincipaux résultats de cette littérature, et de montrer comment la théoriedu producteur mène à des applications extrêmement utiles dans la compré-hension du comportement des producteurs agricoles dans les PED, ainsi quedans l’évaluation des politiques économiques auxquelles ils sont assujettis.

2.1 La technologie de production

2.1.1 La fonction de transformation

Une représentation possible de la technologie de production est la fonc-tion de transformation, qui représente une façon techniquement efficace deproduire un vecteur d’output donné, et que l’on exprime normalement par larelation implicite T (q;x) = 0.

La propriétés formelles de la fonction de transformation sont les suivantes.La fonction T est continu et concave ; elle est non-décroissante en q pourtout x > 0 ; et il existe un scalaire α suffisamment grand de telle sorteque, si une composante quelconque du vecteur q est plus grand que α, alorsT (q;x) = −∞.

63

Page 2: Chapitre 2 Théorie du producteur

64 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

Nous nous bornerons dans ce qui suit au cas où le producteur ne produitqu’un seul bien à l’aide de plusieurs intrants, mais il est important de serappeler, dans le contexte de l’agriculture dans les PED, que les paysans fontsouvent face à des technologies de production multi-produit. Par exemple,considérons le cas d’un paysan qui cultive simultanément des oliviers et descitronniers sur des terrasses sur le flan d’une montagne. Un exemple d’unetelle fonction de transformation est donné par :

aqα1 q2 − xβ1xδ2xγ3 = 0.

2.1.2 La fonction de production

La représentation la plus commune de la technologie de production, etcelle à laquelle nous ferons appel dans cet ouvrage est constituée par lafonction de production. Pour une fonction de production f : RN → R :

q = f(x),

nous définirons un nombre d’effets économiques auxquels on fait souventappel dans la littérature empirique.

2.1.3 Effets économiques associés avec la technologiede production

Considérez une isoquante, qui est évidemment définie par l’équation :

f(x)− q = 0,

où q est une valeur donnée de l’output. Prenons la dérivée totale de cetteexpression par rapport à xi et xj en maintenant égales toutes les autresvariables (xk, k �= i, j) ; nous obtenons (Recette 7) :

∂f(x)

∂xidxi +

∂f(x)

∂xjdxj = 0.

En ré-arrangeant l’expression, nous obtenons l’expression classique pour letaux marginal de substitution (TMS) entre deux intrants

dxjdxi

= −∂f(x)∂xi∂f(x)∂xj

. (2.1)

Quatre autres effets associés avec la fonction de production sont définiscomme suit.

Page 3: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.1. LA TECHNOLOGIE DE PRODUCTION 65

Rendements d’échelle :

µ = limλ→1

λ

f(λx)

∂f(λx)

∂λ= limλ→1

∂ ln f(λx)

∂ lnλ=

∑Ni=1 xi

∂f∂xi

f(x); (2.2)

vous remarquerez que la deuxième égalité de cette définition (mis à part la li-mite) correspond tout simplement à la définition d’une dérivée logarithmique(Recette X) ;

Part de facteur :

si =xi∂f∂xi∑N

i=1 xi∂f∂xi

; (2.3)

Elasticité propre (d’un facteur de production) :

εi = xi

∂2f∂x2i∂f∂xi

; (2.4)

Elasticité de substitution (entre deux facteurs de production) :

σij =d ln (xj/xi)

d ln(∂f∂xi

/∂f∂xj

) (2.5)

=− ∂f∂xi

∂f∂xj

(xi∂f∂xi

+ xj∂f∂xj

)

xixj

(∂2f∂x2i

(∂f∂xj

)2− 2 ∂2f

∂xi∂xj

∂f∂xi

∂f∂xj

+ ∂2f∂x2j

(∂f∂xi

)2) .

Les définitions des rendements d’échelle et la part de facteur devraient êtreévidentes. Pour ce qui est de l’élasticité de substitution entre deux facteursde production, par contre, l’interprétation est un peu plus subtile : σij repré-sente, toutes choses étant par ailleurs égales, le changement (en pourcentage)du ratio xj/xi résultant d’un changement de 1 pour-cent dans le taux mar-ginal de substitution (∂f/∂xi)/(∂f/∂xj) entre les deux intrants.

Le concept d’élasticité de substitution entre deux inputs de productiona été initialement proposé par Hicks (1932). Considérez une technologie de

Page 4: Chapitre 2 Théorie du producteur

66 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

production avec 2 inputs, définie par q = f(xi, xj). La définition de l’élasticitéde substitution est donnée par :

σij =d ln (xj/xi)

d ln(∂f∂xi

/∂f∂xj

) =d (xj/xi)

d(∂f∂xi

/∂f∂xj

)

(∂f∂xi

/∂f∂xj

)

(xj/xi). (2.6)

L’élasticité de substitution est une mesure de l’inverse de la "courbure" d’uneisoquante (Chambers 1988). Des isoquantes relativement "plates" corres-pondent à des possibilités de substitution importantes, tandis que des iso-quantes très "courbées" correspondent à des possibilités de substitution re-lativement limitées. Comme le TMS

(∂f∂xi

/∂f∂xj

)n’est pas défini de façon

unique lorsque nous avons plus que deux facteurs de production, il suit quel’élasticité de substitution pourra prendre plusieurs formes.

Pour le moment, nous allons restreindre notre attention au cas où nousavons seulement deux facteurs de production. Différencions totalement ∂f

∂xi

/∂f∂xj

:

d

(∂f

∂xi

/∂f

∂xj

)=

∂(∂f∂xi

/∂f∂xj

)

∂xidxi +

∂(∂f∂xi

/∂f∂xj

)

∂xjdxj. (2.7)

Pour un niveau d’output constant (sur une isoquante donnée), nous savonsque dq = 0 = ∂f

∂xidxi +

∂f∂xj

dxj, et donc que :

dxi = −(

∂f

∂xj

/∂f

∂xi

)dxj . (2.8)

En substituant (2.8) dans (2.7) on obtient :

d

(∂f

∂xi

/∂f

∂xj

)=

−∂(∂f∂xi

/∂f∂xj

)

∂xi

(∂f

∂xj

/∂f

∂xi

)+

∂(∂f∂xi

/∂f∂xj

)

∂xj

dxj.

(2.9)En prenant les dérivées qui restent dans l’expression :

∂(∂f∂xi

/∂f∂xj

)

∂xi=

∂2f∂x2i

∂f∂xj− ∂2f

∂xi∂xj

∂f∂xi(

∂f∂xj

)2 ,

∂(∂f∂xi

/∂f∂xj

)

∂xj=

∂2f∂xj∂xi

∂f∂xj− ∂2f

∂x2j

∂f∂xi

(∂f∂xj

)2 ,

Page 5: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.1. LA TECHNOLOGIE DE PRODUCTION 67

on obtient :

d

(∂f

∂xi

/∂f

∂xj

)=

∂2f∂x2i

∂f∂xj− ∂2f

∂xi∂xj

∂f∂xi(

∂f∂xj

)2

∂f∂xj

∂f∂xi

+

∂2f∂xj∂xi

∂f∂xj− ∂2f

∂x2j

∂f∂xi

(∂f∂xj

)2

dxj .

(2.10)Maintenant, différencions totalement xj/xi :

d (xj/xi) =xidxj − xjdxi

x2i. (2.11)

En substituant à nouveau à partir de (2.8), on obtient :

d (xj/xi) =

[xi + xj

(∂f∂xj

/∂f∂xi

)]dxj

x2i. (2.12)

Remplaçons maintenant (2.9) et (2.12) dans la définition de l’élasticité desubstitution (équation (2.6)) :

σij =d (xj/xi)

d(∂f∂xi

/∂f∂xj

)

(∂f∂xi

/∂f∂xj

)

(xj/xi),

=

[xi+xj

(∂f∂xj

/∂f∂xi

)]

x2i

−∂2f

∂x2i

∂f∂xj

− ∂2f∂xi∂xj

∂f∂xi

(∂f∂xj

)2

∂f∂xj∂f∂xi

+

∂2f∂xj∂xi

∂f∂xj

−∂2f

∂x2j

∂f∂xi

(∂f∂xj

)2

(∂f∂xi

/∂f∂xj

)

(xj/xi),

ce qui se simplifie en :

σij =

(xi∂f∂xi

+ xj∂f∂xj

) [∂f∂xi

∂f∂xj

]

xixj

[2 ∂2f∂xi∂xj

∂f∂xi

∂f∂xj− ∂2f

∂x2i

(∂f∂xj

)2−∂2f∂x2j

(∂f∂xi

)2] . (2.13)

Cette expression, qui semble compliquée, est en fait très logique. D’abords,définissons la matrice hessienne de la fonction de production :

H =

0 ∂f∂xi

∂f∂xj

∂f∂xi

∂2f∂x2i

∂2f∂xi∂xj

∂f∂xj

∂2f∂xi∂xj

∂2f∂x2j

.

Page 6: Chapitre 2 Théorie du producteur

68 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

Remarquez que :

|H| = detH = 0× det

[∂2f∂x2i

∂2f∂xi∂xj

∂2f∂xi∂xj

∂2f∂x2j

]

+∂f

∂xidet

[∂f∂xi

∂2f∂xi∂xj

∂f∂xj

∂2f∂x2j

]

+∂f

∂xjdet

[∂f∂xi

∂2f∂x2i

∂f∂xj

∂2f∂xi∂xj

]

,

=∂f

∂xi

(∂f

∂xi

∂2f

∂x2j− ∂f

∂xj

∂2f

∂xi∂xj

)+

∂f

∂xj

(∂f

∂xi

∂2f

∂xi∂xj− ∂f

∂xj

∂2f

∂x2i

),

= 2∂2f

∂xi∂xj

∂f

∂xi

∂f

∂xj− ∂2f

∂x2i

(∂f

∂xj

)2−∂2f

∂x2j

(∂f

∂xi

)2.

Cette dernière expression correspond au terme entre crochets dans le déno-minateur de (2.13). Remarquez également que le co-facteur du ij eme élémentde la matrice hessienne est donné par :

|Hij| = − det

[0 ∂f

∂xi∂f∂xj

∂2f∂xi∂xj

]

=∂f

∂xi

∂f

∂xj,

ce qui correspond au terme entre crochets dans le numérateur de (2.13).1 Ilsuit que nous pouvons réécrire l’expression pour l’élasticité de substitutioncomme :

σij =1

xixj

(xi

∂f

∂xi+ xj

∂f

∂xj

) |Hij||H| . (2.14)

Les expressions qui précèdent s’appliquent à des situations où l’on adeux inputs. Lorsque le nombre d’inputs est supérieur ou égal à trois q =f (x1, x2, ..., xi, ..., xN), plusieurs alternatives s’offrent pour mesurer l’élasti-cité de substitution. Le point de départ est l’équation (2.14). Redéfinissons

1Pour trouver le co-facteur, identifiez le ijeme élément de la matrice H. Ensuite,construisez la matrice Hij où vous aurez éliminé la ligne et la colonne correspondant àcet élément. Moins le déterminant de cette matrice (−detHij) est le co-facteur que vouscherchez.

Page 7: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.1. LA TECHNOLOGIE DE PRODUCTION 69

la matrice hessienne associée avec la fonction de production comme étant :

H =

0 ∂f∂x1

∂f∂x2

· · · ∂f∂xi

· · · ∂f∂xN

∂f∂x1

∂2f∂x21

∂2f∂x1∂x2

· · · ∂2f∂x1∂xi

· · · ∂2f∂x1∂xN

∂f∂x2

∂2f∂x2∂x1

∂2f∂x22

· · · ∂2f∂x2∂xi

· · · ∂2f∂x2∂xN

......

.... . .

......

∂f∂xi

∂2f∂xi∂x1

∂2f∂xi∂x2

· · · ∂2f∂x2i

· · · ∂2f∂xi∂xN

......

......

. . ....

∂f∂xN

∂2f∂xN∂x1

∂2f∂xN∂x2

· · · ∂2f∂xN∂xi

· · · ∂2f∂x2N

.

Hij sera, comme avant, le co-facteur du ij eme élément de H.Une première mesure ressemble à l’équation (2.14) et s’appèle l’élasticité

de substitution directe entre les facteurs i et j :

σDij =1

xixj

(xi

∂f

∂xi+ xj

∂f

∂xj

) |Hij||H| . (2.15)

Une deuxième mesure est l’élasticité de substitution partielle d’Allen (1938) :

σAij =1

xixj

(i=N∑

i=1

xi∂f

∂xi

)|Hij||H| . (2.16)

Lorsque N = 2, σDij = σAij. Une dernière mesure est donnée par l’élasticitéde substitution de Morishima (1967) :

σMij =1

xi

∂f

∂xj

|Hij||H| −

1

xj

∂f

∂xj

|Hij||H| . (2.17)

Remarquez que cette mesure est asymmétrique : σMij �= σMji , et que :

σMij =xj

∂f∂xj

xi∂f∂xi

(σAij − σAjj

).

2.1.4 Exemples paramétriques de fonctions de produc-tion

La fonction Leontieff

Les premières applications des fonctions de production remontent à laplanification centrale soviétique, et il n’est donc pas surprenant que l’une des

Page 8: Chapitre 2 Théorie du producteur

70 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

formes fonctionnelles les plus célèbres soit associé avec le nom de l’un desprincipaux auteurs des techniques mathématiques associées avec la planifica-tion centrale : Wassily Leontief. La fonction de production Leontieff n’admetaucune substituabilité entre les intrants car elle prend la forme, pour le casà deux dimensions, de q = min [x1, x2] et est représentée à la Figure 2.1.

0

0.5

1

1.5

2

x1

0

0.5

1

1.5

2

x2

00.51

1.5

2

q

0

0.5

1

1.5

2

x1

F��. 2.1 — Une représentation de la technologie Leontieff avec deux intrants

La fonction Cobb-Douglas

La forme fonctionnelle la plus communément utilisée en économie (aumoins à des fins pédagogiques) est certainement la Cobb-Douglas. En général,cette fonction de production prend la forme :

q = f(x) = A∏i=N

i=1xαii , (2.18)

où A est une constante, et où i = 1, ..., N est un indice qui dénote chaqueintrant de production. La fonction de production Cobb-Douglas fournit sou-vent une bonne première approximation aux technologies que nous rencon-trons dans le monde réel. Par contre, dans de nombreux contextes, elle estextrêmement restrictive. Afin de le comprendre, calculons les quatre effetséconomiques associés avec la fonction de production énoncée ci-dessus. Re-marquons d’abords que la Cobb-Douglas est une fonction homogène de degréαi dans l’intrant i. Il suit, par la Recette 2, que

∂f

∂xi=

αixif ;

∂2f

∂x2i=

(αi − 1)

xi

∂f

∂xi=

αi (αi − 1)

x2if ;

On voit alors aisément que

µ =∑N

i=1αi; si =

αi∑Ni=1 αi

; εi = αi − 1; σij = 1.

Page 9: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.1. LA TECHNOLOGIE DE PRODUCTION 71

Considérons la fonction de production Cobb-Douglas q = f(xi, xj) =

xαi xβj . Les productivités marginales sont données par :

∂f

∂xi=αxα−1i xβj ,

∂f

∂xj=βxαi x

β−1j ,

ce qui implique que le TMS est donné par :

∂f

∂xi

/∂f

∂xj=αxα−1i xβj

βxαi xβ−1j

=αxjβxi

.

Remarquez alors que l’on peut écrire :

xjxi

α

(αxjβxi

)=

β

α

(∂f

∂xi

/∂f

∂xj

).

En prenant les logs :

ln

(xjxi

)= ln

α

)+ ln

(∂f

∂xi

/∂f

∂xj

)

Il est alors immédiat que :

σij =d ln (xj/xi)

d ln(∂f∂xi

/∂f∂xj

) = 1.

Une particularité de la Cobb-Douglas est donc qu’elle admet une élasti-cité de substitution entre deux intrants (σij) qui est non seulement constante,mais égale à 1. Un problème parfois important avec la forme Cobb-Douglaslorsqu’on l’applique à des données agricoles de PED est qu’elle n’admet pasd’intrants nuls. En d’autres mots, un seul intrant nul (parmi plusieurs) im-plique un output nul. Or, comme nous le verrons plus loin, rien n’empêche lessolutions de coin dans le problème d’optimisation du producteur, ce qui veutdire que des intrants nuls sont tout à fait compatibles avec un comportementoptimisant.

Une solution commune à ce problème est de redéfinir la fonction de pro-duction en termes des intrants plus une constante positive (habituellement1 pour que, en prenant les logs pour des intrants nuls, on ait ln 1 = 0). Lafonction de production, dans ce cas, s’écrit tout simplement :

q = f(x) = A∏i=N

i=1(1 +Xi)

αi (2.19)

Un problème avec la modification de la Cobb-Douglas donnée par l’équa-tion (2.19) est que la fonction résultante n’est plus homogène de degré

∑i=Ni=1 αi

Page 10: Chapitre 2 Théorie du producteur

72 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

dans les intrants. En tant que représentation de la technologie de production,ceci n’est pas un problème. Par contre, l’utilisation de cette fonction dansle contexte de la dérivation des fonctions de coûts peut poser de sérieuxinconvénients, qui doivent être soigneusement traites lors des applicationsempiriques. Nous reviendrons sur cette question à la fin de la section 2.2.5.

La fonction CES

La restriction d’une élasticité de substitution unitaire n’étant pas toujourssouhaitable, on utilisera souvent des fonctions de production avec élasticité desubstitution constante mais non pas unitaire. La CES (deConstantElasticityof Substitution, en Anglais) est donnée par :

q = f(x) = A

[i=N∑

i=1

δix−ρi

]−υρ

, aveci=N∑

i=1

δi = 1. (2.20)

La Figure 2.2 illustre la CES q =[12x0.6 + 1

2y0.6] 10.6 .

0 2 4 6 8 10

0

2

4

6

8

10

F��. 2.2 — La fonction CES q =[12x0.6 + 1

2y0.6] 10.6

On vérifie aisément pour la CES que

µ = υ; si =xi∂f∂xi∑N

i=1 xi∂f∂xi

; εi = xi

∂2f∂x2i∂f∂xi

; σij =1

1 + ρ.

Pour la CES, q = f(xi, xj) =[δxρi + (1− δ) xρj

] 1ρ . Les productivités

marginales sont données par :

∂f

∂xi=δρxρ−1i

[δxρi + (1− δ) xρj

] 1ρ−1

,∂f

∂xj=(1− δ) ρxρ−1j

[δxρi + (1− δ)xρj

] 1ρ−1

,

Page 11: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.1. LA TECHNOLOGIE DE PRODUCTION 73

ce qui implique que le TMS est donné par :

∂f

∂xi

/∂f

∂xj=

δρxρ−1i

[δxρi + (1− δ) xρj

] 1ρ−1

(1− δ) ρxρ−1j

[δxρi + (1− δ)xρj

] 1ρ−1

=δxρ−1i

(1− δ) xρ−1j

.

Il suit que :xjxi

=

(1− δ

δ

) 11−ρ(

∂f

∂xi

/∂f

∂xj

) 11−ρ

.

En logarithmes :

ln

(xjxi

)= ln

[(1− δ

δ

) 11−ρ

]

+ ln

[(∂f

∂xi

/∂f

∂xj

) 11−ρ

]

=1

1− ρln

(1− δ

δ

)+

1

1− ρln

(∂f

∂xi

/∂f

∂xj

)

Il est alors immédiat que :

σij =d ln (xj/xi)

d ln(∂f∂xi

/∂f∂xj

) =1

1− ρ.

On remarquera, lorsque ρ→ 0, que nous obtenons la Cobb-Douglas, alorsque, lorsque ρ → +∞, nous obtenons la Leontief. A titre d’illustration, la

Figure 2.3 présente la CES q = A[12x−ρ1 + 1

2x−ρ2]− 1

ρ pour ρ = 10−9, alors quela Figure 2.4 présente le cas où ρ = 103.

0 2 4 6 8 10

0

2

4

6

8

10

F��. 2.3 — La CES avec ρ = 10−9 : une approximation de la Cobb-Douglas

Pour comprendre la première de ces propriétés, prenons l’exemple d’uneCES avec deux inputs :

q =(δx−γ + (1− δ) y−γ

)− 1γ .

Page 12: Chapitre 2 Théorie du producteur

74 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

En prenant le logarithme des deux côtés, on obtient

ln q = ln[(δx−γ + (1− δ) y−γ

)− 1γ

]= −1

γln(δx−γ + (1− δ) y−γ

).

Multipliant par −γ des deux côtés et ré-arrangeant nous donne

ln q−γ = ln(δx−γ + (1− δ) y−γ

),

mais en prenant l’exponentielle des deux côtés, on obtient

q−γ = δx−γ + (1− δ) y−γ .

Rajoutons maintenant −1 de chaque côté :

q−γ − 1 = δ(x−γ − 1

)+ (1− δ)

(y−γ − 1

).

En divisant à droite et à gauche par −γ, on obtient :

q−γ − 1

−γ = δ

(x−γ − 1

−γ

)+ (1− δ)

(y−γ − 1

−γ

).

Il suffit maintenant de prendre la limite lorsque γ → 0. Comme la définitiondu logarithme est lnx = lim

δ→0

xδ−1δ

, il suit que

limγ→0

q−γ − 1

−γ = ln q,

et

limγ→0

(x−γ − 1

−γ

)+ (1− δ)

(y−γ − 1

−γ

)]

= δ

[limγ→0

(x−γ − 1

−γ

)]

︸ ︷︷ ︸lnx

+ (1− δ)

[limγ→0

(y−γ − 1

−γ

)]

︸ ︷︷ ︸ln y

= δ ln x+ (1− δ) ln y.

Mais ceci implique que

limγ→0

(δx−γ + (1− δ) y−γ

)− 1γ = xδy1−δ.

Page 13: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.1. LA TECHNOLOGIE DE PRODUCTION 75

0 2 4 6 8 10

0

2

4

6

8

10

F��. 2.4 — La CES avec ρ = 103 : une approximation de la Leontief

De nombreuses fonctions admettant une élasticité de substitution variableentre les facteurs ont été proposés dans la littérature (voir Nadiri 1982, pourun excellent résumé). Les exercices 1, 2, 3 et 4 vous proposent certaines deces formes fonctionnelles et vous demandent de calculer le σij correspondant.

La fonction translog

Une fonction de production mérite une attention particulière, de parsa flexibilité, mais aussi parce que nous la rencontrerons plus tard dans lecontexte des fonctions de coûts et des fonctions de profits. Il s’agit de la fonc-tion translog (Christensen, Jorgenson, et Lau 1971). La fonction translogest une approximation de second ordre à une fonction de forme arbitraire.Elle prend la forme :

ln q = ln f(x) =i=N∑

i=1

δi ln xi +1

2

i=N∑

i=1

j=N∑

j=1

γij ln xi ln xj .

Par une différenciation logarithmique (Recette X), on note que :

∂ ln f(x)

∂ lnxi=

∂f(x)

∂xi

xif(x)

= δi +

j=N∑

j=1

γij ln xj .

Il suit que :

∂f(x)

∂xi=

(

δi +

j=N∑

j=1

γij ln xj

)f(x)

xi,

Page 14: Chapitre 2 Théorie du producteur

76 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

∂2f(x)

∂x2i=

∂xi

(∂f(x)

∂xi

)=

∂xi

[(

δi +

j=N∑

j=1

γij ln xj

)f(x)

xi

]

,

=γiixi

f(x)

xi+

(

δi +

j=N∑

j=1

γij ln xj

)∂f(x)∂xi

xi − f(x)

xixi,

=

{

γii +

(

δi +

j=N∑

j=1

γij ln xj

)[(

δi +

j=N∑

j=1

γij ln xj

)

− 1

]}f(x)

xixi,

∂2f(x)

∂xi∂xj=

∂xi

(∂f(x)

∂xj

)=

∂xi

[(

δj +i=N∑

i=1

γji lnxi

)f(x)

xj

]

,

=

∑i=Ni=1 γjixi

f(x)

xj+

(

δj +i=N∑

i=1

γji ln xi

)∂f(x)∂xi

xj

=

{i=N∑

i=1

γji +

(

δj +i=N∑

i=1

γji ln xi

)(

δi +

j=N∑

j=1

γij lnxj

)}f(x)

xixj

Le TMS entre deux facteurs de production est donc donné par :

dxjdxi

= −∂f(x)∂xi∂f(x)∂xj

= −xj

(δi +

∑j=Nj=1 γij ln xj

)

xi

(δj +

∑i=Ni=1 γji ln xi

) . (2.21)

Pour sa part, les rendements d’échelle seront donné par :

µ =

∑Ni=1 xi

∂f∂xi

f(x)=∑N

i=1

(

δi +

j=N∑

j=1

γij ln xj

)

, (2.22)

alors que la part du facteur i est donnée par :

si =xi∂f∂xi∑N

i=1 xi∂f∂xi

=δi +

∑j=Nj=1 γij ln xj

∑Ni=1

(δi +

∑j=Nj=1 γij ln xj

) . (2.23)

Page 15: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.1. LA TECHNOLOGIE DE PRODUCTION 77

L’élasticité propre du facteur de production i est donnée par :

εi = xi

∂2f∂x2i∂f∂xi

(2.24)

= xi

{γii +

(δi +

∑j=Nj=1 γij ln xj

) [(δi +

∑j=Nj=1 γij ln xj

)− 1]}

f(x)xixi(

δi +∑j=Nj=1 γij ln xj

)f(x)xi

(2.25)

=γii +

(δi +

∑j=Nj=1 γij ln xj

) [(δi +

∑j=Nj=1 γij ln xj

)− 1]

(δi +

∑j=Nj=1 γij ln xj

) (2.26)

=γii(

δi +∑j=Nj=1 γij ln xj

) +

[(

δi +

j=N∑

j=1

γij lnxj

)

− 1

]

; (2.27)

Pour la translog avec 2 inputs :

ln q = ln f(xi, xj) = δi ln xi + δj ln xj + γij ln xi ln xj

+1

2γii ln xi ln xi +

1

2γjj ln xj ln xj.

Les productivités marginales sont déduites par différenciation logarithmique :

∂ ln f

∂ ln xi=

(δi + γij ln xj + γii ln xi

)=

∂f

∂xi

xif,

∂ ln f

∂ ln xj=(δj + γij ln xi + γjj ln xj

)=

∂f

∂xj

xjf,

ce qui implique que :

∂f

∂xi=

(δi + γij ln xj + γii ln xi

) f

xi,

∂f

∂xj=

(δj + γij ln xi + γjj ln xj

) f

xj.

Remarquez que l’on peut alors écrire les parts de facteur comme :

si =xi∂f∂xi

xi∂f∂xi

+xj∂f∂xj

=xi(δi + γij ln xj + γii ln xi

)fxi

xi(δi + γij ln xj + γii lnxi

)fxi+xj

(δj + γij ln xi + γjj ln xj

)fxj

=δi + γij ln xj + γii lnxi

δi + γij ln xj + γii ln xi+δj + γij ln xi + γjj ln xj

Page 16: Chapitre 2 Théorie du producteur

78 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

Le TMS est donc donné par :

∂f

∂xi

/∂f

∂xj=

(δi + γij ln xj + γii ln xi

δj + γij ln xi + γjj ln xj

)(xjxi

).

Ceci implique que :(xjxi

)=

(∂f

∂xi

/∂f

∂xj

)(δj + γij ln xi + γjj ln xj

δi + γij ln xj + γii ln xi

).

Remarquez alors que l’on peut réécrire cette expression comme :(xjxi

)=

(∂f

∂xi

/∂f

∂xj

)(δj + γij ln xi − γij ln xj + γij ln xj + γjj ln xj

δi + γij ln xj − γij lnxi + γij ln xi + γii ln xi

),

(xjxi

)=

(∂f

∂xi

/∂f

∂xj

)

δj − γij ln

(xjxi

)+(γij + γjj

)lnxj

δi + γij ln(xjxi

)+(γij + γii

)ln xi

.

En prenant le log, on obtient :

ln

(xjxi

)= ln

(∂f

∂xi

/∂f

∂xj

)+ ln

δj − γij ln

(xjxi

)+(γij + γjj

)lnxj

δi + γij ln(xjxi

)+(γij + γii

)ln xi

,

Ce qui implique :

Φ = 0 = ln

(xjxi

)− ln

(∂f

∂xi

/∂f

∂xj

)

− ln

(δj − γij ln

(xjxi

)+(γij + γjj

)ln xj

)

+ ln

(δi + γij ln

(xjxi

)+(γij + γii

)ln xi

).

Nous allons maintenant procéder à une différenciation implicite, car :

σij =d ln

(xjxi

)

d ln(∂f∂xi

/∂f∂xj

) = −

∂Φ

∂ ln

(∂f∂xi

/∂f∂xj

)

∂Φ

∂ ln(xjxi

).

Pour le numérateur :

∂ ln(∂f∂xi

/∂f∂xj

)

ln(xjxi

)− ln

(∂f∂xi

/∂f∂xj

)

− ln(δj − γij ln

(xjxi

)+(γij + γjj

)ln xj

)

+ ln(δi + γij ln

(xjxi

)+(γij + γii

)ln xi

)

= −1.

Page 17: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.1. LA TECHNOLOGIE DE PRODUCTION 79

Pour le dénominateur :

∂ ln(xjxi

)

ln(xjxi

)− ln

(∂f∂xi

/∂f∂xj

)

− ln(δj − γij ln

(xjxi

)+(γij + γjj

)ln xj

)

+ ln(δi + γij ln

(xjxi

)+(γij + γii

)ln xi

)

= 1 +γij

δj − γij ln(xjxi

)+(γij + γjj

)ln xj

+γij

δi + γij ln(xjxi

)+(γij + γii

)lnxi

,

= 1 + γij

(1

δj + γij ln xi + γjj lnxj+

1

δi + γij ln xj + γii ln xi

),

= 1 + γij

[(∂ ln f

∂ ln xi

)−1+

(∂ ln f

∂ ln xj

)−1]

.

L’élasticité de substitution est alors donnée par :

σij = −

∂Φ

∂ ln

(∂f∂xi

/∂f∂xj

)

∂Φ

∂ ln(xjxi

)=

1

1 + γij

[(∂ ln f∂ lnxi

)−1+(∂ ln f∂ lnxj

)−1] .

2.1.5 Illustration empirique. La production agricole enTunisie

La production agricole fournit une excellente illustration de l’estimationéconométrique des fonctions de production (voir Nadiri 1982, pour un ex-cellent résumé des formes fonctionnelles les plus communément utilisées).

D’autres formes fonctionnelles hybrides, issues de la combinaison de plu-sieurs autres formes élémentaires, fournissent parfois de meilleures représen-tations de la réalité économique sous-jacente. A titre d’exemple, considéronsla fonction de production CES à deux niveaux (Sato 1967). On divise lesfacteurs de production en deux sous-groupes caractérisés par une fonction deproduction CES, et l’agrégation entre les deux sous-groupes prend égalementla forme CES. Dans l’exemple considéré ici, qui relève de la production agri-cole dans un village du gouvernorat de Béja (Tunisie), les deux sous-groupessont la terre, d’une part, et la main-d’œuvre, de l’autre. La main-d’oeuvreest constituée par un agrégat de main d’œuvre familiale XMFAM et de main-d’œuvre embauchée XMEMB. La terre TERRE, pour sa part, est donnée par

Page 18: Chapitre 2 Théorie du producteur

80 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

un agrégat des engrais chimiques et des herbicides XHERB +XENGRAIS, dufumier XFUMIER, et d’une mesure modifiée de la surface de la parcelle deterre T qui prend en considération le type de sol SOLc, c = 1, ..., 4, son étatd’irrigation dIR, et les labours XLABOUR. Plus explicitement, la fonction deproduction en question s’écrit :

F (.) =

αT TERRE︸ ︷︷ ︸β

intrant agrégé terre

+(1− αT )([

δFXΠMFAM + (1− δF )X

ΠMEMB

] 1Π

)

︸ ︷︷ ︸

β

intrant agrégé main-d’oeuvre

νρ

,

où l’intrant agrégé de terre s’écrit :

TERRE = T(1 + ωIRdIR + ωLABOURSXLABOURS +

∑c=4

c=1ωcSOLc

)

×

1 + φ

(ωCHIM (XHERB +XENGRAIS) + ωFUMIERXFUMIER

1 + ωIRdIR + ωLABOURSXLABOURS +∑c=4c=1 ωcSOLc

.

Les résultats empiriques correspondant à l’estimation de cette technologiede production sont présentés au Tableau suivant.2 On remarquera que lesrendements d’échelle sont constants, comme l’indique le t de Student (= 1.31)associé avec l’hypothèse nulle que ν = 1

2.1.6 Pourquoi ne devrait-on pas estimer des fonctionsde production par les MCO?

Même si l’on estime souvent des fonctions de production, surtout sur desdonnées issues d’enquêtes agricoles dans des PED, il y a de très bonnes rai-sons économétriques qui mènent à décourager vivement ce genre d’exercice.La raison principale est que l’une des hypothèses de base du travail économé-trique est que les variables explicatives sont orthogonales au terme d’erreurdans l’équation. Et si le choix des intrants par les paysans découle d’un quel-conque comportement optimisant, la résultante sera que les estimations parles MCO seront biaisées.

2Cette fonction de production est estimée par moindreé-carrés non-linéaires avec effetsfixes spécifiques aux ménages. La statistique t de Student associée avec ν correspond àun test unilatéral de l’hypothèse nulle v ≤ 1. Tous les autres t de Student sont de typeconventionnel. Les types de sols sont : argile (type 1), terre rouge (type 2), sablonneux(type 3) et “cucurbite” (type 4) ; les villageois appellent parfois ce dernier type de sol“pauvre” ; le type de sol exclu correspond à des parcelles ayant un sol correspondant à unmélange de ces quatre types.

Page 19: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.1. LA TECHNOLOGIE DE PRODUCTION 81

Paramètres de la fonction Valeur Statistiquesd’agrégation supérieure des paramètres t de StudentRendements d’échelle (ν) 1.106 1.31Substitution (ρ) −0.237 −1.22Distribution (αT ) 0.889 13.49Intrant agrégé de terrePart (φ) 0.218 0.54

Élasticité (Φ) 0.254 0.90Part des labours (ωLABOURS) −0.0001 −2.05Parcelle irriguée (ωIR) 0.213 1.54Type de sol :

type 1 (ω1) −0.411 −1.86type 2 (ω2) −0.459 −2.68type 3 (ω3) −0.617 −4.50type 4 (ω4) −0.453 −2.14

Part de l’engrais chimiqueet des herbicides (ωCHIM) 0.002 0.00Fumier (ωFUMIER) 0.216 0.18Intrant agrégé de main-d’oeuvreSubstitution (Π) −0.589 −1.52Distribution (δF ) 0.559 2.76Nombre d’observations 420

T. 2.1 — La production agricole dans le village de El Oulja (Tunisie)

Page 20: Chapitre 2 Théorie du producteur

82 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

Afin de comprendre pourquoi, supposons que nous voulons estimer lafonction de production de forme Cobb-Douglas, avec deux inputs, x1 et x2.L’estimation suppose l’équation suivante :

ln qj = β0 + β1 ln x1j + β2 ln x2j + εj (2.28)

où j est un indice qui représente chaque producteur, et εj est le terme d’er-reur. Une hypothèse fondamentale qui garantit la nature non biaisée de l’es-timation par les MCO de cette relation est que

E[ln x′1jεj] = 0, E[ln x′2jεj] = 0.

Or, dans le contexte d’un paysan optimisant, cette hypothèse sera presquetoujours violée. Pour voir pourquoi, et même avant de considérer les pro-priétés de la fonction de coûts, supposons tout simplement que le paysanminimise ses coûts. Son problème d’optimisation sera donné par :

min{x1,x2}

w1x1 + w2x2 s.c. q = xβ11 x

β22 exp{β0 + ε},

où la forme exponentielle découle directement de la forme spécifiée dansl’équation (2.28). On peut aisément substituer à partir de la contrainte pourl’un des intrants :

x1 = x−β2β1

2 [exp{β0 + ε}]−1β1 q

1β1 ,

afin d’obtenir le problème non-contraint :

min{x2}

w1x−β2β1

2 [exp{β0 + ε}]−1β1 q

1β1 + w2x2.

La solution à ce problème sera alors donné par :

x∗1 = [exp{β0 + ε}]−1

β1+β2

(w1β1

)− β2β1+β2

(w2β2

) β2β1+β2 q

1β1+β2 ,

x∗2 = [exp{β0 + ε}]−1

β1+β2

(w1β1

)− β1β1+β2

(w2β2

) β1β1+β2 q

1β1+β2 ,

ce qui, en forme logarithmique, est équivalent à :

ln x∗1 = − β2β1 + β2

ln

(w1β1

)+

β2β1 + β2

ln

(w2β2

)+

1

β1 + β2ln q

− 1

β1 + β2β0 −

1

β1 + β2ε

Page 21: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.2. MINIMISATION DES COÛTS 83

lnx∗2 = − β1β1 + β2

ln

(w1β1

)+

β1β1 + β2

ln

(w2β2

)+

1

β1 + β2ln q

− 1

β1 + β2β0 −

1

β1 + β2ε

On voit alors que, de par le comportement optimisant du paysan, ln x∗1 etln x∗2 sont nécessairement des fonctions de ε. Du point de vue économétrique,ceci veut dire que

E[ln x′1jεj ] �= 0, E[ln x′2jεj ] �= 0.

L’estimation de la fonction de production par les MCO pourra alors entraî-ner d’importants biais dans l’estimation des paramètres de la technologiede production. La solution, si l’on insiste sur l’estimation de la fonction deproduction per se, est alors d’avoir recours à des méthodes de variables ins-trumentales.3

2.2 Minimisation des coûts

Il est usuel dans un cours d’introduction à la microéconomie de passerimmédiatement au problème de maximisation des profits. Ici, dans la tradi-tion de Varian 1978 et aussi parce que la maximisation des profits soulèventde nombreux problèmes dans le contexte de la production paysanne, nousnous attardons sur le problème de la minimisation des coûts, et ce pour aumoins deux raisons. Premièrement, le problème de minimisation des coûtsest indépendant de la structure du marché de l’output. En d’autres termes,que le producteur soit un monopole ou un petit paysan opérant dans un envi-ronnement concurrentiel, le problème de minimisation des coûts est toujoursle même.

2.2.1 Le problème de base

Nous supposerons dans ce qui suit que le producteur fait face à des mar-chés parfaitement concurrentiels pour les différents inputs. Par contre, aucunehypothèse n’est nécessaire concernant la structure du marche de l’output (leprix de l’output n’intervenant aucunement dans le problème qui suit).

3Il existe une longue histoire d’estimation de fonctions de production agricoles qui amenée à l’introduction de méthodes économétriques aujourd’hui très communément utili-sées, comme les effets fixes (Mundlak 1961 et Hoch 1962 sont deux exemples biens connus).Jacoby 1993 fournit un exemple d’estimation d’une fonction de production par la méthodedes variables instrumentales.

Page 22: Chapitre 2 Théorie du producteur

84 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

Considérons un producteur qui minimise ses coûts, sous la contrainte dela technologie de production :

min{x}w′x s.c. q = f(x),

où w représente le vecteur des prix des facteurs de production, x est levecteur des intrants, f(x)est la fonction de production, et q représente unniveau d’output donne. Ce problème est mathématiquement identique à celuiposé par la fonction de dépenses du consommateur, que nous verrons dans lechapitre suivant. Le Lagrangien (Recette 6) est donné par :

Λ = w′x + λ(q − f(x)),

où λ représente le multiplicateur de Lagrange. Nous pouvons alors écrire lafonction objectif originale, évaluée à l’optimum, qui prend le nom de “fonctionde coûts” :

C(q,w) = w′x∗(q,w),

oùx∗(q,w) = argmin

{x}

{w′x s.c. q = f(x)} .

Il est important de remarquer qu’une fonction de coûts est une fonction duniveau d’output et du prix des facteurs. Une fonction de coûts ne peut pasêtre une fonction du niveau des intrants.

2.2.2 Propriétés élémentaires de la fonction de coûts

La fonction de coûts définie précédemment est caractérisée par un nombreimpressionnant de propriétés qui découlent de la structure même du problèmed’optimisation. Ces propriétés sont extrêmement contraignantes, et c’est decette structure que découle l’intérêt empirique du concept. En d’autres termes :même une hypothèse relativement raisonnable comme la minimisation descoûts impose une foule de restrictions dans les comportements du produc-teurs qui peuvent guider notre travail empirique. La fonction de coûts possèdeles propriétés élémentaires suivantes :

(i) C(q,w) est croissante en w et en q ;

(ii) C(q,w) est homogène de degré-un en w ;

(iii) C(q,w) est concave en w ;

(iv) C(q,w) est continue en w.

Page 23: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.2. MINIMISATION DES COÛTS 85

La propriété (i) devrait être évidente (surtout sa première partie) et ladémonstration formelle suivra ci-dessous en utilisant le Théorème de l’En-veloppe (Recette 9). L’homogénéité de degré-un en w est évidente si l’onconsidère que les deux problèmes suivants sont parfaitement équivalents :

{µmin{x}w′x s.c. q = f(x)

}⇔{min{x}

µw′x s.c. q = f(x)

}, ∀µ > 0.

La concavité en w de la fonction de coût devrait également être évidente.Considérons les deux problèmes suivants :

min{x}w′ax s.c. q = f(x) etmin

{x}w′bx s.c. q = f(x)

où wa �= wb sont deux vecteurs différents de prix des intrants. Considéronsmaintenant un troisième problème, donné par :

min{x}w′cx s.c. q = f(x)

où wc = λwa + (1 − λ)wb, λ ∈ [0, 1] ; c’est-à-dire, le vecteur de prix wccorrespond à une combinaison convexe des prix utilises dans les deux pre-miers problèmes de minimisation des coûts. Dénotons les solutions à ces troisproblèmes par x∗a, x

∗b et x

∗c respectivement. Alors nous savons que :

w′ax

∗c ≥ w′

ax∗a

(sinon, x∗a ne serait pas la solution au premier problème d’optimisation !). Demême, nous pouvons écrire :

w′bx∗c ≥ w′

bx∗b .

Multiplions la première inégalité par λ et la deuxième par 1− λ. Nous obte-nons alors :

λw′ax∗c ≥ λw′

ax∗a;

(1− λ)w′bx∗c ≥ (1− λ)w′

bx∗b .

Additionnons maintenant les deux inégalités :

λw′ax

∗c + (1− λ)w′

bx∗c ≥ λw′

ax∗a + (1− λ)w′

bx∗b ,

ce qui peut s’écrire :

(λwa + (1− λ)wb)′x∗c = w

′cx∗c ≥ λw′

ax∗a + (1− λ)w′

bx∗b .

Mais cette inégalité correspond tout simplement à la définition même de laconcavité d’une fonction. Finalement, la continuité de la fonction (propriété(iv) de coûts découle simplement d’une application directe du Théorème duMaximum.

Page 24: Chapitre 2 Théorie du producteur

86 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

2.2.3 Lemme de Shephard

Par application directe du Théorème de l’Enveloppe (Recette 9), nousavons immédiatement le résultat le plus classique de la théorie des fonctionsde coûts :

Lemme de Shephard :

dC(q,w)

dwi= x∗i (q,w).�

En forme matricielle, le Lemme de Shephard s’écrit :

∇wC(q,w) = x∗(q,w).

Comme les demandes x∗i (q,w) ne peuvent pas être négatives, il suit que lafonction de coût est forcement croissance en chaque wi. De même, considéronsle Lagrangien du problème original, évalué à l’optimum :

Λ∗ = w′x∗+ λ∗(q − f(x∗)).

Si la contrainte de production est saturée, ce que nous avons suppose, lemultiplicateur de Lagrange λ∗ est strictement positif. Or, par le Théorèmede l’Enveloppe (Recette 9) :

dΛ∗

dq=

dC(q,w)

dq=

∂C(q,w)

∂q= λ∗ > 0.

La fonction de coûts est donc forcement croissante en q.

2.2.4 Propriétés additionnelles de la fonction de coûts

Définissons maintenant la matrice N ×N des dérivées partielles des fonc-tions demande par rapport aux prix des facteurs :

[∂x∗i (q,w)

∂wj

]= ∇2

wwC(q,w)

(cette dernière expression est donc la Hessienne de la fonction de coûts parrapport aux prix des facteurs). Par le Théorème de Young (l’ordre danslequel on opère la différenciation n’a aucune importance), cette matrice estsymétrique. Comme C(q,w) est concave en w(Propriétés élémentaires (iii)ci-dessus), il suit que la matrice ∇2

wwC(q,w) est semi-définie négative, c.-à-

d., plus formellement, que

∀ z, z′∇2ww

C(q,w)z ≤ 0.

Page 25: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.2. MINIMISATION DES COÛTS 87

(La dernière expression est ce que l’on appelle une “forme quadratique”.) Sinous posons z = (0 0 0 · · · 1 · · · 0 0 0) où le “1” se trouve en ieme place, il suitque

∂x∗i (q,w)

∂wi≤ 0.

Les éléments de la diagonale de la matrice ∇2ww

C(q,w) ne peuvent donc pasêtre négatifs.

Illustrons le calcul matriciel qui mène à cette inégalité avec un exemplecomportant deux inputs. Dans ce cas,

∇2ww

C(q,w) =

[∂x∗1(q,w)

∂w1

∂x∗1(q,w)

∂w2∂x∗2(q,w)

∂w1

∂x∗2(q,w)

∂w2

]

.

Définissons z′ = [z1 z2]. Alors :

z′∇2ww

C(q,w) = [z1 z2]

[∂x∗1(q,w)

∂w1

∂x∗1(q,w)

∂w1∂x∗2(q,w)

∂w1

∂x∗2(q,w)

∂w2

]

=[z1∂x∗1(q,w)

∂w1+ z2

∂x∗2(q,w)

∂w1z1∂x∗1(q,w)

∂w1+ z2

∂x∗2(q,w)

∂w2

],

et

z′∇2ww

C(q,w)z =[z1∂x∗1(q,w)

∂w1+ z2

∂x∗2(q,w)

∂w1z1∂x∗1(q,w)

∂w2+ z2

∂x∗2(q,w)

∂w2

] [ z1z2

]

= z1z1∂x∗1(q,w)

∂w1+ z1z2

∂x∗2(q,w)

∂w1+ z1z2

∂x∗1(q,w)

∂w2+ z2z2

∂x∗2(q,w)

∂w2

= z21∂x∗1(q,w)

∂w1+ 2z1z2

∂x∗2(q,w)

∂w1+ z22

∂x∗2(q,w)

∂w2.

On voit alors clairement que, lorsque z1 = 1, z2 = 0,

z′∇2ww

C(q,w)z =∂x∗1(q,w)

∂w1≤ 0,

alors que lorsque z1 = 0, z2 = 1,

z′∇2ww

C(q,w)z =∂x∗2(q,w)

∂w2≤ 0.

Comme la fonction de coûts est homogène de degré-un en w, les demandespour les facteurs sont homogène de degré-zéro en w (propriétés des fonctionshomogènes de degré un, voir Recette 3) :

∀ λ > 0, x∗i (q,w) = x∗i (q, λw)⇔ ∂C(q,w)

∂wi=

∂C(q, λw)

∂wi.

Page 26: Chapitre 2 Théorie du producteur

88 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

En différenciant la dernière équation par rapport à λ et en évaluant à λ = 1,nous obtenons ∑j=N

j=1

∂2C(q,w)

∂wi∂wjwj = 0, i = 1, ...N.

Regroupant ce dernier résultat sous forme matricielle pour chaque intrant inous permet donc d’écrire :

∇2ww

C(q,w)w = 0N .

Cette propriété, qui semble, à première vue, tout à fait remarquable, est, enfait, une conséquence élémentaire du Lemme de Shephard. En effet, si nousécrivons in extenso la dérivée totale de la fonction de coûts par rapport auprix d’un facteur de production i, nous obtenons :

dC(q,w)

dwi= x∗i (q,w) +

∑j=N

j=1wj

∂x∗j(q,w)

∂wi,

et par le Lemme de Shephard, nous savons deux choses. Premièrement, que

∂x∗j(q,w)

∂wi=

∂2C(q,w)

∂wj∂wi,

ce qui implique que l’égalité précédente peut se réécrire comme :

dC(q,w)

dwi= x∗i (q,w) +

∑j=N

j=1wj

∂2C(q,w)

∂wj∂wi.

Deuxièmement, l’énoncé du Lemme de Shephard lui-même nous dit que :

dC(q,w)

dwi= x∗i (q,w).

Il suit qu’il faut nécessairement que

∑j=N

j=1wj

∂2C(q,w)

∂wj∂wi= 0

Finalement, notons que l’homogénéité de degré-un de la fonction de coûtsnous permet d’écrire :

C(q, λw) = λC(q,w), ∀λ > 0.

Nous pouvons ensuite différentier cette équation par rapport au niveau d’out-put. On obtient alors :

∂C(q, λw)

∂q= λ

∂C(q,w)

∂q, ∀λ > 0.

Page 27: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.2. MINIMISATION DES COÛTS 89

(nous n’avons rien dit sur l’homogénéité de la fonction de coûts par rapportà l’output, mais une dérivée par rapport à l’output ne change en rien les pro-priétés d’homogénéité de la fonction de coût, qu’elle soit totale ou marginale,par rapport au vecteur des prix des facteurs).

Différencions maintenant par rapport à λ et évaluons à λ = 1. Nousobtenons : ∑i=N

i=1wi

∂2C(q, λw)

∂wi∂q=

∂C(q,w)

∂q.

Mais comme nous avons déjà établi (Propriété élémentaire (i)) que ∂C(q,w)/∂q ≥0, il suit que

∑i=N

i=1wi

∂2C(q, λw)

∂wi∂q≥ 0.

Rappelons enfin que, par le Lemme de Shephard,

dC(q,w)

dwi=

∂C(q,w)

∂wi= x∗i (q,w).

Il suit que nous pouvons réécrire notre inégalité comme :

∑i=N

i=1wi

∂x∗i (q,w)

∂q≥ 0.

Ceci implique qu’il est impossible d’avoir ∂x∗i (q,w)/∂q < 0, ∀i, ce qui veutdire que tous les intrants de production ne peuvent pas être inférieurs.

2.2.5 Inputs nuls

Nous avons soulevé plus tôt, dans le contexte des fonctions de production,la question des inputs nuls. Or, il est clair que rien n’empêche l’un ou plusieursdes éléments de

x∗(q,w) = argmin{x}

{w′x s.c. q = f(x)}

d’être des zéros. Formellement parlant, ceci est parce que le problème de mi-nimisation des coûts comporte N contraintes supplémentaires données par :

x ≥ 0N ,

où est un vecteur N × 1 de zéros. Pour certaines formes fonctionnelles quenous utiliserons dans les exemples (la Cobb-Douglas, par exemple), il estvrai que x∗i (q,w) = 0 ne sera pas possible, par construction. Dans la réalitéempirique, par contre, les intrants nuls sont extrêmement courants, et mènent

Page 28: Chapitre 2 Théorie du producteur

90 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

Variables Moyenne écart-type % obs.censurées

Output (en dinars) 6407.93 13268.86 0.00Main d’oeuvre (en pers./ jour) :Familiale masculine 90.93 114.20 3.10Familiale féminine 22.10 65.82 68.33Embauchée masculine 164.29 461.60 26.19Embauchée féminine 104.63 248.78 62.38

Intrants intermédiairescoûts (en dinars) :De l’irrigation 526.68 1183.06 14.05Des labours 284.39 526.40 4.29Des semences 413.53 1116.40 6.67Des engrais chimiques 536.99 1555.88 5.48Du fumier 111.27 561.41 65.48Des herbicides 238.24 661.98 27.62Du transport 241.85 630.57 19.29Pré-récolte 123.67 607.45 73.33

T. 2.2 — Statistiques descriptives sur la production par parcelle

à une modification fondamentale des méthodes d’estimations économétriques.Par exemple, lorsque l’on estime une fonction de demande de facteur, et unnombre important d’observations comportent des zéros, il faudra veiller àutiliser l’estimateur tobit, plutôt que les MCO. Que cette éventualité ne soitpas un curiosum théorique est illustré par les tabulations suivantes issues desenquêtes dans le village d’El Oulja.

Dans le tableau, on voit clairement que les intrants nuls ne constituent pasun simple curiosum théorique : pour certains intrants, tels que le fumier ou lamain-d’oeuvre féminine (familiale et embauchée) la proportion de parcellessur lesquelles ces intrants sont nuls dépasse 60 pourcent de l’échantillon, quin’a rien de pathologique.

Illustrations paramétriques des fonctions de coûts

Dans cette section, nous allons considérer la dérivation de la fonction decoûts pour plusieurs technologies de production communément utilisées dansla littérature théorique et empirique sur la production .

Considérez le problème de minimisation des coûts où la fonction de pro-

Page 29: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.2. MINIMISATION DES COÛTS 91

duction prend la forme Cobb-Douglas :

q = f(x) = A∏i=N

i=1Xαii , αi ∈ (0, 1).

Le Lagrangien correspondant est donné par

Λ = w′x + λ(q − A

∏i=N

i=1Xαii

),

que vous pouvez travailler de la façon habituelle. Mais vous pouvez générale-ment vous simplifier la vie en substituant directement à partir de la fonctionde production, c’est à dire écrire :

Xj = q− 1αjA

∏i=N

i=1,i�=jX

αiαj

i .

Vous pouvez ensuite transformer le problème contraint en un problème non-contraint, donné par :

min{Xi}

i=Ni=1,i�=j

wjq− 1αjA

∏i=N

i=1,i�=jX

αiαj

i

︸ ︷︷ ︸Xj

+∑i=N

i=1,i�=jwiXi.

Prenons un exemple concret avec trois inputs :

q = AXα11 Xα2

2 Xα33 ,

et utilisons la fonction de production pour écrire :

X3 = q1α3A

− 1α3X

−α1α3

1 X−α2α3

2 .

Le problème non-contraint est alors donné par :

min{X1,X2}

w3q1α3A

− 1α3X

−α1α3

1 X−α2α3

2 + w1X1 + w2X2

Les deux CPOs sont alors données par :

−α1α3w3q

1α3A

− 1α3X

−α1α3−1

1 X−α2α3

2 + w1 = 0,

−α2α3w3q

1α3A

− 1α3X

−α1α3

1 X−α2α3−1

2 + w2 = 0.

En divisant la première CPO par la deuxième, on obtient :

X2 =

(w1α1

)(w2α2

)−1X1, (2.29)

Page 30: Chapitre 2 Théorie du producteur

92 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

que l’on peut substituer dans l’une des deux CPO (la deuxième, par exemple),afin d’obtenir :

X1 = A− 1α1+α2+α3

(w1α1

)− α2+α3α1+α2+α3

(w2α2

) α2α1+α2+α3

(w3α3

) α3α1+α2+α3

q1

α1+α2+α3 .

Substituant dans (2.29), on obtient alors :

X2 = A− 1α1+α2+α3

(w1α1

) α1α1+α2+α3

(w2α2

)− α1+α3α1+α2+α3

(w3α3

) α3α1+α2+α3

q1

α1+α2+α3 .

Substituant ensuite dans la fonction de production, on obtient :

X3 = A− 1α1+α2+α3

(w1α1

) α1α1+α2+α3

(w2α2

) α2α1+α2+α3

(w3α3

)− α1+α2α1+α2+α3

q1

α1+α2+α3 .

On voit donc que, généralement, les fonctions de demande optimales desfacteurs de production sont données par :

Xi(w, q) =

(

A−1(wiαi

)−∑j=Nj=1,j �=i αj∏j=N

j=1,j �=i

(wjαj

)αjq

) 1∑j=Nj=1

αj

.

Substituant dans la fonction objectif, on obtient alors :

C(w1, w2, w3, q) = (α1 + α2 + α3)A− 1α1+α2+α3

×(w1α1

) α1α1+α2+α3

(w2α2

) α2α1+α2+α3

(w3α3

) α3α1+α2+α3

q1

α1+α2+α3 ,

ou dans le cas général de N inputs :

C(w, q) =(∑i=N

i=1αi

)(A−1

∏i=N

i=1

(wiαi

)αiq

) 1∑i=Ni=1 αi

. (2.30)

Une propriété extrêmement utile de la Cobb-Douglas dans les applicationsempiriques est que la part de chaque input dans les coûts est égale à sonexposant dans la fonction de production. On peut s’assurer de cette propriétéen écrivant :

wiXi(w, q) = αiwiαi

(

A−1(wiαi

)−∑j=Nj=1,j �=i αj∏j=N

j=1,j �=i

(wjαj

)αjq

) 1∑j=Nj=1

αj

︸ ︷︷ ︸Xi(w,q)

= αi

(A−1

∏j=N

j=1

(wjαj

)αjq

) 1∑j=Nj=1

αj

Page 31: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.2. MINIMISATION DES COÛTS 93

et en prenant le ratio en question :

wiXi(w, q)

C(w, q)=

αi∑i=Ni=1 αi

= si. (2.31)

La modification de la Cobb-Douglas proposée à l’équation (2.19) pourprendre en compte les inputs nuls modifie sensiblement la fonction de coûtsassociée. Pour voir pourquoi, reprenons l’exemple précédant, en remplaçantla fonction de production par :

q = f(x) = A∏i=N

i=1(ci +Xi)

αi, αi ∈ (0, 1),

où ci sont des constantes strictement positives, possiblement égales à 1. Lasolution au problème de minimisation des coûts est alors donnée par desfonctions de demande de facteurs de la forme :

Xi(w, q)

= max

0,

(

A−1(wiαi

)−∑j=Nj=1,j �=i αj∏j=N

j=1,j �=i

(wjαj

)αjq

) 1∑j=Nj=1 αj

− ci

,

et la fonction de coûts sera donnée par :

C(w, q) (2.32)

=(∑i=N

i=1αi

)(A−1

∏i=N

i=1

(wiαi

)αiq

) 1∑i=Ni=1 αi −

∑i=N

i=1ciwi.

Évidemment, ces formes paramétriques satisfont toutes les propriétés as-sociées avec une fonction de coûts. Par contre, l’équivalent de l’équation(2.31) ne tient plus, car :

wiXi(w, q)

C(w, q)(2.33)

= wi

(A−1

(wiαi

)−∑j=Nj=1,j �=i αj ∏j=N

j=1,j �=i

(wjαj

)αjq

) 1∑j=Nj=1 αj − ci

(∑i=Ni=1 αi

)(A−1

∏i=Ni=1

(wiαi

)αiq) 1∑i=N

i=1αi −∑i=N

i=1 ciwi

�= si.

Rappelons que la CES prend la forme fonctionnelle :

q = f(x) = A

[i=N∑

i=1

δiX−ρi

]−υρ

Page 32: Chapitre 2 Théorie du producteur

94 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

où l’on impose habituellement la normalisation

i=N∑

i=1

δi = 1.

Un exemple concret avec trois facteurs de production est donné par :

q = A[δ1X

−ρ1 + δ2X

−ρ2 + (1− δ1 − δ2)X

−ρ3

]−υρ .

Prenons la fonction de production et utilisons-la pour écrire le troisième inputcomme fonction de l’output et des deux autres intrants

X3 =

(q−

ρυA

ρυ − δ1X

−ρ1 − δ2X

−ρ2

1− δ1 − δ2

)− 1ρ

.

On obtient alors le problème non-contraint suivant :

min{X1,X2}

w1X1 + w2X2 + w3

(q−

ρυA

ρυ − δ1X

−ρ1 − δ2X

−ρ2

1− δ1 − δ2

)− 1ρ

︸ ︷︷ ︸X3

.

Les deux CPOs sont alors données par :

w1 − 1ρw3 (−ρ)

(−δ1

1−δ1−δ2

)X−ρ−11

(q−

ρυA

ρυ−δ1X

−ρ1 −δ2X

−ρ2

1−δ1−δ2

)− 1ρ−1

= 0,

w2 − 1ρw3 (−ρ)

(−δ2

1−δ1−δ2

)X−ρ−12

(q−

ρυA

ρυ−δ1X

−ρ1 −δ2X

−ρ2

1−δ1−δ2

)− 1ρ−1

= 0,

ce qui implique :

X1 =

(w1δ1

)− 11+ρ(w2δ2

) 11+ρ

X2.

En substituant dans l’une des deux CPOs, on obtient alors

X2 =

(w2δ2

) ρ1+ρ

δ1

(w1δ1

) ρ1+ρ

+ δ2

(w2δ2

) ρ1+ρ

+ (1− δ1 − δ2)(

w31−δ1−δ2

) ρ1+ρ

− 1ρ

A−1υ q

1υ ,

la forme générale pour N inputs étant donnée par :

Xi =

(wi/δi)ρ

1+ρ

(wi/δi)ρ

1+ρ∑j=Nj=1

(δj (wj/δj)

ρ1+ρ

)

− 1ρ

A−1υ q

1υ .

Page 33: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.2. MINIMISATION DES COÛTS 95

La fonction de coûts pour notre exemple est alors donnée par :

C(w1, w2, w3, q) =

δ1

(w1δ1

) ρ1+ρ

+ δ2

(w2δ2

) ρ1+ρ

+(1− δ1 − δ2)(

w31−δ1−δ2

) ρ1+ρ

1+ρρ

A−1υ q

1υ .

Dans le cas général on a :

C(w, q) =(∑i=N

i=1

(δi (wi/δi)

ρ1+ρ

)) 1+ρρ

A−1υ q

1υ .

2.2.6 Illustration empirique. Paysans et minimisationdes coûts

Afin d’illustrer les applications empiriques des fonctions de coûts déri-vées dans les sections précédentes, considérons l’estimation d’une fonction decoûts Cobb-Douglas sur les données tunisiennes déjà utilisées pour estimer latechnologie de production. Les éléments de base seront les équations (2.30)et (2.31) :

C(w, q) =(∑i=N

i=1αi)(

A−1∏i=N

i=1

(wiαi

)αiq

) 1∑i=Ni=1 αi

,

wiXi(w, q)

C(w, q)=

αi∑i=Ni=1 αi

= si.

Du point de vue empirique, ces deux expressions nous fournissent avec 1+Néquations : la fonction de coûts plus N équations de demande de facteurs,qui sont ici données par N équations de parts de facteur. Comme

∑i=N

i=1

wiXi(w, q)

C(w, q)=∑i=N

i=1

αi∑i=Ni=1 αi

= 1,

nous devons laisser tomber une équation de part de facteurs, ce qui nouslaisse un total de N équations à estimer simultanément. Si nous sommesen présence d’inputs nuls et nous voulons nous restreindre à la technologiede production Cobb-Douglas, par contre, nous devrons utiliser les formesfonctionnelles données par les équations (2.32) et (2.33). La différence dansles résultats obtenus n’est pas négligeable, comme on voit dans les résultatsprésentés au Tableau X.

D’autres technologies de production moins restrictives en ce qui concernel’élasticité de substitution entre facteurs sont également possibles. Un exemple

Page 34: Chapitre 2 Théorie du producteur

96 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

concret est donnée par la fonction de coûts de Diewert (qui n’est autre qu’uneLeontief généralisée, Diewert 1971), donnée par :

C(w, q) =(∑i=I

i=1

∑j=I

j=1γijw

1/2i w

1/2j

)− υ1−υ

q1

1−υ , (2.34)

où υ représente les rendements d’échelle (i.e., υ < 1 correspond à des ren-dements d’échelle décroissants) and where the symmetry restriction impliesthat γij = γji.

4 Par le Lemme de Shephard, les fonctions de demande asso-ciées sont données par :

dC(w, q)

dwi= X∗

i (w, q) =

∑j=Ij=1 γijw

−1/2i w

1/2j

(∑i=Ii=1

∑j=Ij=1 γijw

−1/2i w

1/2j

) 11−υ

q1

1−υ . (2.35)

The Diewert specification satisfies the usual properties of profit functionsglobally as long as all γij ≥ 0 with some strict inequalities. Diewert 1974, etBlackorby et Diewert 1979, show that the associated system of input demandequations can still be locally valid, even if some of the γij are negative. Notethat if γij = 0 for i �= j, this functional form collapses to the (simple) Leontiefprofit function.

2.2.7 Un exemple de technologie multiproduit

A titre d’illustration des problèmes induits par les technologies de produc-tion multi-output, considérons la technologie de production Cobb-Douglassuivante :

qα1 q2 − xβ1xδ2xγ3 = 0.

Le problème d’optimisation est alors donné par :

min{x1,x2,x3}

w1x1 + w2x2 + w3x3 s.c. qα1 q2 − xβ1xδ2xγ3 = 0.

En procédant de la même manière qu’à la section 2.2.5, la fonction de coûtsassociée est donnée par :

C(w1, w2, w3, q1, q2) = (β + δ + γ)

×(w1β

) ββ+δ+γ (w2

δ

) δβ+δ+γ

(w3γ

) γβ+δ+γ

β+δ+γ

1 q1

β+δ+γ

2 .

4Another possibility would be the translog restricted profit function (Christensen, Jor-genson and Lau (1971)), but its logarithmic form renders the empirical analog to P��-�������� (i) particularly complex. Both the translog and the Diewert restricted profitfunctions are examples of flexible functional forms (Diewert (1974), Lau (1974)).

Page 35: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.2. MINIMISATION DES COÛTS 97

Le lecteur intéressé par les propriétés des fonctions de coûts multiproduitsest invité à consulter le livre de Baumol, Panzar et Willig (1986) sur le sujet.Dans les données tunisiennes, la prise en compte du caractère multi-outputde la technologie de production ne modifie pas sensiblement les résultatséconométriques, comme le montrent les résultats présentés à la quatrièmecolonne du Tableau X.

2.2.8 Marchés non-concurrentiels pour les inputs

Dans tous les développements précédents, nous avons supposé que lesmarchés pour les inputs étaient parfaitement concurrentiels, dans le sens oùle producteur pouvait prendre le vecteur w comme étant paramétriquementdonné. Supposons que cela ne soit plus le cas, et que nous avons, au contraire :

w = w(x).

En particulier, une simplification qui est possible est de supposer que le prixde chaque facteur de production n’est fonction que de la demande pour lefacteur en question, c’est à dire que :

wi = wi(xi), ∀ i = 1, ..., N.

Le problème de minimisation des coûts devient alors :

min{x}

∑i=N

i=1wi(xi)xi s.c. q = f(x).

La solution à ce problème de minimisation sera dénoté par :

x∗ = x∗(q).

Remarquez que le vecteur des demandes optimales pour les facteurs n’est plusfonction du vecteur w du prix des facteurs, pour la simple raison que les prixsont déterminés endogènement par le niveau de x∗. Il n’est pas particulière-ment difficile d’imaginer des situations où les prix des facteurs de productionseraient des fonctions des demandes. Si, par exemple, la production localede fumier est limitée et si, pour des raisons de contraintes en termes d’infra-structures, aucune importation de fumier de l’extérieur n’est possible, nouspourrons alors écrire :

wi = wi(xh +∑h′=H

h′=1,h′ �=hxh′), ∂wi/∂Xi > 0,

où Xi =∑h=Hh=1 xih. Si nous considérons un comportement non-coopératif par

les habitants du village, le niveau du prix de l’intrant i sera déterminé par

Page 36: Chapitre 2 Théorie du producteur

98 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

l’équilibre de Nash du jeu en question. Pour en voir les conséquences, prenonsl’exemple paramétrique suivant :

wi = wiXηi ,

avec une technologie Cobb-Douglas à deux inputs. Chaque producteur h estconfronté au problème de minimisation suivant :

min{x1h,x2h}

w1

(∑h=H

h=1x1h

)ηx1h + w2x2h s.c. q = (x1h)

α1(x2h)α2 .

x2h = q1α2 (x1h)

−α1α2

min{x1h}

w1(∑h′=H

h′=1 x1h′)η

x1h + w2q1α2 (x1h)

−α1α2

ηw1(∑h′=H

h′=1 x1h′)η−1

= α1α2w2q

1α2 (x1h)

−α1+α2α2

x1h = x1h′

ηw1Hη−1xη−11h = α1

α2w2q

1α2 (x1h)

−α1+α2α2

x1h =(w1α1

)− α2α1+α2+α2(η−1)

(w2α2

) α2α1+α2+α2(η−1)

×q1

α1+α2+α2(η−1)η−

α2α1+α2+α2(η−1)H

(1−η)α2α1+α2+α2(η−1)

2.3 Maximisation des profits

La maximisation des profits est l’hypothèse communément supposée pource qui concerne le comportement des producteurs. Mais, comme nous l’avonsvu, elle n’est pas nécessaire à la minimisation des coûts.

Le problème auquel fait face le producteur est le suivant :

max{q}

pq − C(q,w).

Soit q∗ = q∗(p,w) la solution au problème, qui sera caractérisée, évidemmentpar la condition familière de l’égalité entre le coût marginal et le prix :

p− ∂C(q∗,w)

∂q= 0.

On dénotera q∗ = q∗(p,w) par l’appellation “fonction d’offre” du producteur.Remplaçons maintenant le choix optimal de l’output dans la fonction objectifdu producteur. Ceci nous donne sa “fonction de profit” :

Π(p,w) = pq∗(p,w)− C(q∗(p,w),w).

Comme pour la fonction de coût, une fonction de profit est fonction du vec-teur des prix des inputs. En plus, elle est fonction du prix de l’output. Unefonction de profit n’est jamais fonction d’un input variable.

Page 37: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.3. MAXIMISATION DES PROFITS 99

2.3.1 Propriétés élémentaires de la fonction de profit

La fonction de profit a les propriétés suivantes :

(i) est décroissante w et croissante en p ;

(ii) homogène de degré-un en (p,w) ;

(iii) convexe en p, w.

(iv) continue en p, w.

Tous ces résultat se prouvent de la même manière que pour les résultatséquivalents avec la fonction de coûts. La première propriété, comme pourla propriété correspondante de la fonction de coût, découle d’une applica-tion très simple du Théorème de l’Enveloppe (Recette 9), appelée dans lecontexte des fonctions de profit “Lemme de Hotelling”.

La propriété d’homogénéité de degré-un en (p,w) devrait être évidente.Premièrement, notons que la fonction d’offre est forcément homogène de de-gré zéro en (p,w), car

argmax{q}

λpq − C(q, λw) = argmax{q}

λpq − λC(q,w)

= argmax{q}

λ (pq − C(q,w)) ,

où la deuxième égalité suit de l’homogénéité de degré 1 en w de la fonctionde coûts. Il suit que nous pouvons écrire

Π(λp, λw) = λpq∗(λp, λw)− C(q∗(λp, λw), λw)

= λ (pq∗(p,w)− C(q∗(p,w),w)) .

La convexité en (p,w), quand à elle, s’établit en écrivant :

q∗(pa,wa) = argmax{q}

paq − C(q,wa), q∗(pb,wb)

= argmax{q}

pbq − C(q,wb),

ainsi queq∗(pc,wc) = argmax

{q}

pcq − C(q,wc),

où(pc,wc) = λ(pa,wa) + (1− λ)(pb,wb), λ ∈ [0, 1].

Il est alors évident que :

pa q∗(pa,wa)− C( q∗(pa,wa),wa) ≥ pa q

∗(pc,wc)− C( q∗(pc,wc),wa)pb q

∗(pb,wb)− C( q∗(pb,wb),wb) ≥ pb q∗(pc,wc)− C( q∗(pc,wc),wb),

Page 38: Chapitre 2 Théorie du producteur

100 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

ce qui, en multipliant la première inégalité par λ et la deuxième par 1 − λ,peut se réécrire :

λ (pa q∗(pa,wa)− C( q∗(pa,wa),wa))

≥ λpa q∗(pc,wc)− λC( q∗(pc,wc),wa)

(1− λ) (pb q∗(pb,wb)− C( q∗(pb,wb),wb))

≥ (1− λ)pb q∗(pc,wc)− (1− λ)C( q∗(pc,wc),wb).

En additionnant ces deux inégalités, on obtient :

λΠ(pa,wa) + (1− λ)Π(pb,wb)≥ pcq

∗(pc,wc)− (λC( q∗(pc,wc),wa) + (1− λ)C( q∗(pc,wc),wb)) .

Mais nous savons que

C( q∗(pc,wc),wa) ≥ C( q∗(pc,wc),wc),C( q∗(pc,wc),wb) ≥ C( q∗(pc,wc),wc).

Il en découle que

λC( q∗(pc,wc),wa) + (1− λ)C( q∗(pc,wc),wb) ≥ C( q∗(pc,wc),wc).

Donc, a fortiori :

λΠ(pa,wa) + (1− λ)Π(pb,wb)≥ pcq

∗(pc,wc)− C( q∗(pc,wc),wc) = Π(pc,wc),

ce qui n’est autre que la définition de la convexité de la fonction de profit en(p,w).

2.3.2 Le Lemme de Hotelling

Par application directe du Théorème de l’Enveloppe (Recette 9), onobtient le résultat le plus important concernant les fonctions de profit :

Lemme de Hotelling :

dΠ(p,w)

dp= q∗(p,w),

dΠ(p,w)

dwi= −x∗i (p,w).�

Page 39: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.3. MAXIMISATION DES PROFITS 101

2.3.3 Propriétés additionnelles de la fonction de profit

Les autres propriétés de la fonction de profit sont les suivantes :

(i) la fonction d’offre q∗(p,w) est croissante en p et décroissante enw ;

(ii) la fonction de demande pour l’intrant i x∗i (p,w) est une fonctiondécroissante du prix du bien i ;

(iii) les effets de prix croisés sont symétriques :∂x∗j (p,w)

∂wi=

∂x∗i (p,w)

∂wj;

(iv) la matrice ∇2(p,w)(p,w)Π(p,w) est semi-définie positive.

La propriété (i) s’établit facilement à partir de la CPO qui défini implici-tement le niveau optimal de l’output : p−∂C(q∗,w)/∂q = 0. En différenciantimplicitement cette équation (Recette 7), on obtient :

dq∗

dp= − 1

−∂2C(q∗,w)

∂q2︸ ︷︷ ︸<0 par CSO

=1

∂2C(q∗,w)∂q2

> 0,

où le signe provient du fait que la CSO doit être satisfaite pour que la CPOsoit une condition suffisante et non seulement nécessaire pour la maximisationdes profits. Par différenciation implicite, nous pouvons également écrire :

dq∗

dwi= −

− ∂∂wi

(∂C(q∗,w)

∂q

)

−∂2C(q∗,w)∂q2

= −∂∂q

(∂C(q∗,w)∂wi

)

∂2C(q∗,w)∂q2

= −

>0︷ ︸︸ ︷∂x∗i (q

∗,w)

∂q∂2C(q∗,w)

∂q2

< 0,

où ∂x∗i (q∗,w)/∂q sera positif pour un bien normal.

Une deuxième démonstration de la propriété (i), encore plus simple quecelle à peine présentée, exploite les propriétés de la fonction de profit. Noussavons par le Lemme de Hotelling que

dΠ(p,w)

dp= q∗(p,w).

Il suit que∂2Π(p,w)

∂p2=

∂q∗(p,w)

∂p,

mais comme Π(p,w) est convexe en p (propriété), il suit que q∗(p,w) estcroissant en p.

Page 40: Chapitre 2 Théorie du producteur

102 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

La propriété (ii) est également facile à établir. L’input optimal du bien iqui maximise les profits est défini par x∗i (p,w) = x∗i (q

∗(p,w),w). La dérivéeen question s’écrit donc

dx∗i (p,w)

dwi=

∂x∗i (q∗(p,w),w)

∂q︸ ︷︷ ︸>0

dq∗(p,w)

dwi︸ ︷︷ ︸<0︸ ︷︷ ︸

<0

+∂x∗i (q

∗(p,w),w)

∂wi︸ ︷︷ ︸<0

< 0,

où, encore une fois, où ∂x∗i (q∗,w)/∂q sera positif pour un bien normal.

Encore une fois, le Lemme de Hotelling nous donne une autre façon dedémontrer ce résultat. Par le Lemme, nous savons que

dΠ(p,w)

dwi= −x∗i (p,w).

La symétrie des effets croises s’obtient aisément à partir du Lemme de Ho-telling. Comme nous savons que

dΠ(p,w)

dwi= −x∗i (p,w) et

dΠ(p,w)

dwj= −x∗j(p,w),

il suit que

∂2Π(p,w)

∂wj∂wi= −∂x∗i (p,w)

∂wjet

dΠ(p,w)

dwj

∂2Π(p,w)

∂wi∂wj= −

∂x∗j(p,w)

∂wi.

Mais par le Théorème de Young,

∂2Π(p,w)

∂wi∂wj=

∂2Π(p,w)

∂wj∂wi,

donc∂x∗i (p,w)

∂wj=

∂x∗j(p,w)

∂wi.

Le fait que la matrice ∇2(p,w)(p,w)Π(p,w) soit semi-définie positive découle de

la convexité de la fonction de profit en (p,w).

2.3.4 Formes fonctionnelles pour la fonction de profits

L’une des formes fonctionnelles les plus utilisées est la fonction de profitrestreinte translog (Christensen, Jorgenson, et Lau 1971, voir aussi Christen-

Page 41: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.3. MAXIMISATION DES PROFITS 103

sen, Jorgenson, et Lau 1973), donnée par :5

lnΠ(p,w) = δp ln p+i=N∑

i=1

δi lnwi (2.36)

+i=N∑

i=1

[

γip lnwi ln p+1

2

(

γpp ln p ln p+

j=N∑

j=1

γij lnwi lnwj

)]

.

L’homogénéité linéaire dans les prix est assurée par les restrictions :

δp +i=N∑

i=1

δi = 1,

γpp +i=N∑

i=1

γip = 0,

γjp +i=N∑

i=1

γij = 0, j = 1, ..., I,

tandis que les restrictions :

γij = γji,∀i �= j,

garantissent la propriété de symmétrie de la matrice hessienne des dérivéessecondes. Une propriété très agréable de la fonction de profits translog estque, par le Lemme de Hotelling, les équations de "parts" sont linéaires. Pourle voir, prenons la dérivée logarithmique (Recette X) de la fonction de profitspar rapport au prix d’un input :

d lnΠ(p,w)

d lnwi=

dΠ(p,w)

dwi

wiΠ(p,w)

.

Par le Lemme de Hotelling, dΠ(p,w)dwi

= −x∗i (p,w) ; il suit que :

d lnΠ(p,w)

d lnwi= −wix

∗i (p,w)

Π(p,w).

La dérivée logarithmique de la fonction de profits par rapport au prix d’uninput donne donc l’équation de parts correspondant à cet input. Or, dans le

5La Leontieff généralisée est également une forme fonctionnelle souvent utilisée ; voirDiewert 1971 (voir aussi Diewert 1974 et Blackorby et Diewert 1979). La translog et laDiewert sont des exemples de formes fonctionnelles "flexibles" (Diewert 1974, Lau 1974).

Page 42: Chapitre 2 Théorie du producteur

104 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

cas de la fonction de profits translog, la dérivée de (2.36) par rapport à lnwiest donnée par :

d lnΠ(p,w)

d lnwi= δi + γip ln p+

j=N∑

j=1

γij lnwj = −wix

∗i (p,w)

Π(p,w).

De même, procédant par le même raisonnement pour le cas de l’output nousdonne :

d lnΠ(p,w)

d ln p= δp + γpp ln p+

i=N∑

i=1

γip lnwi =pq∗(p,w)

Π(p,w).

Comme exemple, considérons un cas avec trois inputs :

lnΠ(p,w1, w2, w3) = δp ln p+i=3∑

i=1

δi lnwi+i=3∑

i=1

[γip lnwi ln p

+12

(γpp ln p ln p+

∑j=3j=1 γij lnwi lnwj

)]

,

avec les restrictions d’homogénéité :

δp + δ1 + δ2 + δ3 = 1,

γpp + γ1p + γ2p + γ3p = 0,

γ1p + γ11 + γ21 + γ31 = 0,

γ2p + γ12 + γ22 + γ32 = 0,

γ3p + γ13 + γ23 + γ33 = 0.

Nous pouvons développer l’expression pour la fonction translog explicitementcomme :

lnΠ(p, w1, w2, w3) = δp ln p+ δ1 lnw1 + δ2 lnw2 + δ3 lnw3 +1

2γpp ln p ln p

+

γ1p lnw1 ln p+

12(γ11 lnw1 lnw1 + γ12 lnw1 lnw2 + γ13 lnw1 lnw3)

γ2p lnw2 ln p+12(γ21 lnw2 lnw1 + γ22 lnw2 lnw2 + γ23 lnw2 lnw3)

γ3p lnw3 ln p+12(γ31 lnw3 lnw1 + γ32 lnw3 lnw2 + γ33 lnw3 lnw3)

,

et, en imposant les restrictions de symmétrie :

lnΠ(p,w1, w2, w3) = δp ln p+ δ1 lnw1 + δ2 lnw2 + δ3 lnw3

+γ1p lnw1 ln p+ γ2p lnw2 ln p+ γ3p lnw3 ln p+1

2γpp ln p ln p

+γ12 lnw1 lnw2 + γ23 lnw2 lnw3 + γ13 lnw1 lnw3

+1

2γ11 lnw1 lnw1 +

1

2γ22 lnw2 lnw2 +

1

2γ33 lnw3 lnw3.

Page 43: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.4. ÊTRE SURLAFRONTIÈREEFFICACE, MINIMISER LES COÛTS, MAXIMISER LES PROFITS

En prenant les dérivées logarithmiques par rapport aux prix des inputs ainsique par rapport au prix de l’output :

d lnΠ(p,w)

d lnw1= δ1 + γ1p ln p+ γ11 lnw1 + γ12 lnw2 + γ13 lnw3 = −

w1x∗1(p,w)

Π(p,w),

d lnΠ(p,w)

d lnw2= δ2 + γ2p ln p+ γ12 lnw1 + γ22 lnw2 + γ23 lnw3 = −

w2x∗2(p,w)

Π(p,w),

d lnΠ(p,w)

d lnw3= δ3 + γ3p ln p+ γ13 lnw1 + γ23 lnw2 + γ33 lnw3 = −

w3x∗3(p,w)

Π(p,w),

d lnΠ(p,w)

d ln p= δp + γpp ln p+ γ1p lnw1 + γ2p lnw2 + γ3p lnw3 =

pq∗(p,w)

Π(p,w).

Remarquez que les restrictions d’homogénéité impliquent que la somme descoefficients en δ doit être égale à 1, tandis que, dans chaque équation departs, les coefficients en γ doivent sommer à 0.

2.4 Être sur la frontière efficace, minimiserles coûts, maximiser les profits

A ce stade, ayant complété le traitement des propriétés des fonctions decoûts et des fonctions de profit, il est utile de revenir brièvement sur les liensqui existent entre (i) être sur la frontière efficace, (ii) minimiser les coûts, et(iii) maximiser les profits.

2.4.1 Tester l’efficacité technique des producteurs

La méthode du Data Envelopment Analysis. Le producteur minimise lescoûts

Le producteur maximise les profits

2.5 Cas particuliers et extensions

2.5.1 Technologie homogène de degré-un

Pour le cas d’une technologie homogène de degré 1, nous savons que lafonction de coûts est linéaire dans l’output : C(q,w) = C(w)q. Le problèmede maximisation des profits du producteur est alors donne par :

max{q}

pq − C(w)q = max{q}

(p− C(w)) q

Page 44: Chapitre 2 Théorie du producteur

106 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

ce qui n’admet pas de solution en q si nous supposons que p − C(w) >0 (lorsque p − C(w) < 0, q∗ = 0). L’implication, lorsque les rendementsd’échelle sont constant, est donc que l’output optimal du producteur estindéterminé.

2.5.2 Rendements d’échelle décroissants et coûts fixes

Considérons le problème d’un producteur agricole qui cultive une surfacetotale donnée de terre. Lorsque les rendements d’échelle sont décroissants,il est clair que le producteur peut augmenter ses profits en morcelant sonexploitation en plusieurs morceaux. Pour comprendre ce phénomène, consi-dérons le problème standard où nous rajoutons un facteur fixe de production,la terre :

min{x}w′x s.c. q = f(T,x)

où T dénote la surface totale de terre dont dispose le paysan. Nous suppose-rons que

∂f(T,x)

∂T> 0,

∂2f(T,x)

∂T 2< 0, ,

∂2f(T,x)

∂T∂xi> 0.

La solution à ce problème est donne par les demandes conditionnelles pourles facteurs :

x∗i = x∗i (w, T, q)

où il est immédiat que∂x∗i (w, T, q)

∂T< 0.

Soit C(w, T, q) la fonction de coûts émanant de la solution de ce problème.Que pouvons-nous dire des propriétés de cette fonction de coûts ? Premiè-rement, elle est décroissante en T , par l’hypothèse sur la dérivée secondecroisée positive. Deuxièmement, et c’est la propriété la plus importante, elleest concave en T . Pour voir pourquoi, considérons Tc = λTa+(1−λ)Tb, λ ∈[0, 1] ; c’est-à-dire, la surface Tc correspond à une combinaison convexe dedeux surface, Ta et Tb. Considérons les trois problèmes de minimisation decoûts associes avec les surfaces Tc, Ta et Tb.

Alors nous savons que :

w′x∗(w, Tc, q) ≥ w′x

∗(w, Ta, q)

w′x∗(w, Tc, q) ≥ w′x

∗(w, Tb, q)

Multiplions la première inégalité par λ et, la deuxième par 1 − λ. Nous ob-tenons alors :

λw′x∗(w, Tc, q) ≥ λw′x

∗(w, Ta, q)

Page 45: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.5. CAS PARTICULIERS ET EXTENSIONS 107

(1− λ)w′x∗(w, Tc, q) ≥ (1− λ)w′x

∗(w, Tb, q)

Additionnons maintenant les deux inégalités :

w′x∗(w, Tc, q) ≥ λw′x

∗(w, Ta, q) + (1− λ)w′x

∗(w, Tb, q)

ce qui peut s’écrire :

w′x∗(w, λTa + (1− λ)Tb, q) = w′x

∗(w, Tc, q)

≥ λw′x∗(w, Ta, q) + (1− λ)w′x

∗(w, Tb, q).

Cette inégalité nous dit que la fonction de coûts est concave en T .Le problème de maximisation des profits correspondant est donne par

max{q}

pq − C(w, T, q)

ce qui nous permet d’écrire la fonction de profit comme :

Π(w, T ) = pq∗(w, T )− C(w, T, q∗(w, T )).

Par le Théorème de l’Enveloppe (Recette 9),

dΠ(w, T )

dT=

∂Π(w, T )

∂T= −∂C(w, T, q∗(w, T ))

∂T.

Prenant la dérivée par rapport à T une deuxième fois, nous obtenons :

d2Π(w, T )

dT 2=

∂Π(w, T )

∂T

= −∂2C(w, T, q∗(w, T ))

∂T 2

−∂2C(w, T, q∗(w, T ))

∂T∂q

dq∗(w, T )

dT.

Il suit queConsidérons l’exemple paramétrique suivant, avec une technologie de pro-

duction Cobb-Douglas à deux inputs :

min{x1,x2}

w1x1 + w2x2 s.c. q = T γxα1xβ2 .

La fonction de coûts associée est donnée par

C(w1, w2, T, q) = (α + β)(w1α

) αα+β

(w2β

) βα+β

T−γ

α+β q1

α+β .

Page 46: Chapitre 2 Théorie du producteur

108 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

Les profits sont alors donnes par

Π = pq − (α + β)(w1α

) αα+β

(w2β

) βα+β

T−γ

α+β q1

α+β ,

ce qui implique que la fonction d’offre s’écrit :

q∗(w1, w2, p, T ) = pα+β

1−α−β

(w1α

)− α1−α−β

(w2β

)− β1−α−β

1−α−β .

La fonction de profits est donc donnée par :

Π(w1, w2, p, T ) = (1− α− β) p1

1−α−β

(w1α

)− α1−α−β

(w2β

)− β1−α−β

1−α−β .

Divisons maintenant l’exploitation de taille total T en λ morceaux égaux(λ ≥ 1), et calculons le profit total qui en découlerait :

λΠ(w1, w2, p, λ−1T )

= λ (1− α− β) p1

1−α−β

(w1α

)− α1−α−β

(w2β

)− β1−α−β

1−α−β λ−γ

1−α−β

En simplifiant, on obtient

λΠ(w1, w2, p, λ−1T )

= (1− α− β) p1

1−α−β

(w1α

)− α1−α−β

(w2β

)− β1−α−β

1−α−β λ1−α−β−γ1−α−β

Remarquez maintenant que

∂λλΠ(w1, w2, p, λ

−1T ) =1− α− β − γ

1− α− βλΠ(w1, w2, p, λ

−1T )λ−1

=1− α− β − γ

1− α− βΠ(w1, w2, p, λ

−1T ) ≥ 0.

Lorsque les rendement d’échelle de long terme (c.-à-d., en permettant à laT de varier) sont constants, le paysan est indiffèrent entre une exploitationdivisée ou une exploitation unifiée. Au contraire, lorsqu’ils sont décroissants,

∂λλΠ(w1, w2, p, λ

−1T ) > 0

(car 1−α−β−γ > 0) et il serait donc optimal pour le paysan de diviser sonexploitation en autant de morceaux que possible (en fait, il serait optimal de

Page 47: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.5. CAS PARTICULIERS ET EXTENSIONS 109

diviser l’exploitation en une infinité de morceaux infiniment petits). Pourquoine le ferait-il donc pas ?

Une explication possible est donnée par les coûts fixes. Supposons quechaque morceau séparé de terre implique des coûts fixes. Ainsi, en divisantson exploitation en λ morceaux, les profits du paysan sont donnes par

λΠ(w1, w2, p, λ−1T )− λF

= (1− α− β) p1

1−α−β

(w1α

)− α1−α−β

(w2β

)− β1−α−β

1−α−βλ1−α−β−γ1−α−β − λF,

où F représente les coûts fixes associes à chaque parcelle. Le nombre optimalde parcelles (ignorant le petit détail que λ doit être un nombre entier) danslaquelle le paysan divisera sa propriété sera alors caractérisé par :

(1− α− β − γ) p1

1−α−β

(w1α

)− α1−α−β

(w2β

)− β1−α−β

1−α−βλ∗−γ

1−α−β − F = 0,

ce qui implique que

λ∗ = (1− α− β − γ)1−α−β

γ p1γ

(w1α

)−αγ

(w2β

)−βγ

F−1−α−βγ T .

On voit donc aisément qu’un propriétaire qui dispose d’une grande propriétésera plus porte, ceteris paribus, à la diviser un plusieurs morceaux, tandisqu’une augmentation dans les coûts fixes associes avec chaque parcelle indi-viduelle diminuera le nombre optimal de parcelles.

2.5.3 Monopole

Le problème de base du monopole se pose comme celui du producteuropérant sur un marché de l’output parfaitement concurrentiel, à l’exceptionque le prix ne peut plus être pris paramétriquement :

max{q}

Π = p(q; θ)q − C(q,w),

où p(q; θ) est la fonction de demande marche, qui dépend d’un paramètreθ (l’élasticité de la demande, par exemple). La condition de premier ordres’écrit :

p(q∗; θ) +∂p(q∗; θ)

∂qq − ∂C(q∗,w)

∂q= 0.

Déjà à partir de cette CPO on remarquera que le niveau optimal de q, quenous dénoterons par q∗(w; θ), ne pourra pas être fonction du prix. Comme

Page 48: Chapitre 2 Théorie du producteur

110 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

vous le saurez déjà (et c’est une question piège classique des examens depremière année de micro !), il n’y a pas de fonction d’offre pour un mono-pole, car le prix et la quantité sont conjointement déterminés. En substituantdans la fonction objectif à l’optimum, on obtient toutefois une fonction deprofit, mais qui est, évidemment, indépendante de p (qui est endogènementdéterminé) :

Π(p,w) = p(q∗(w; θ); θ)q∗(w; θ)− C(q∗(w; θ),w).

Que pouvons-nous dire de cette fonction de profits ? Premièrement, notonsque la CPO qui définit implicitement le niveau optimal de l’output du mo-nopole implique, par différenciation implicite de

p(q∗; θ) +∂p(q∗; θ)

∂qq − ∂C(q∗,w)

∂q= 0

que

dq∗

dwi= −

∂∂wi

(p(q∗; θ) + ∂p(q∗;θ)

∂qq − ∂C(q∗,w)

∂q

)

∂∂q∗

(p(q∗; θ) + ∂p(q∗;θ)

∂qq − ∂C(q∗,w)

∂q

) = −−∂2C(q∗,w)

∂wi∂q

CSO < 0=

∂2C(q∗,w)∂wi∂q

CSO < 0.

2.5.4 La fonction de profits des paysans

2.5.5 Adoption de nouvelles technologies agricoles

Le problème de l’adoption de nouvelles technologies agricoles est unequestion qui préoccupe les microéconomistes du développement depuis lesénormes changement induits par la Révolution Verte des années 60. En par-ticulier, qu’est ce qui induit un paysan à changer de technologie de produc-tion ? Mettant de cote d’autres contraintes et d’autres facteurs (comme lescontraintes de crédit et les question reliées au risque), la fonction de pro-fit permet de comprendre le phénomène d’adoption de façon extrêmementsimple.

Considérons deux technologies de production Cobb-Douglas à deux in-puts, qui mènent chacune à des fonctions de profit Π1(p,w) et Π2(p,w).Pour simplifier la discussion, supposons que chacune de ces technologies pro-duise le même output, dans le sens formel où le prix de l’output est identiquedans les deux cas. Dans le cas de cet exemple, on écrira :

Π1(p, w1, w2;α1, β1) = (1− α1 − β1) p1

1−α1−β1

×(w1α1

)− α11−α1−β1

(w2β1

)− β11−α1−β1

,

Page 49: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.6. LECTURES SUGGÉRÉES 111

et symétriquement pour la technologie 2. Supposons que α1 + β1 < α2 + β2.Pour des prix de facteurs identiques, le paysan utilisera la technologie 1lorsque :

(1− α1 − β1) p1

1−α1−β1

(w1α1

)− α11−α1−β1

(w2β1

)− β11−α1−β1

> (1− α2 − β2) p1

1−α2−β2

(w1α2

)− α21−α2−β2

(w2β2

)− β21−α2−β2 ,

ce qui peut se résumer à :

p < p∗ =

(1−α1−β11−α2−β2

)

×

(w1α1

)− α11−α1−β1

(w2β1

)− β11−α1−β1

(w1α2

)− α21−α2−β2

(w2β2

)− β21−α2−β2

11

1−α2−β2− 11−α1−β1

.

Une illustration graphique de ce principe pour des fonctions de profits arbi-traires est donné à la Figure 2.5.

p

p∗

1 2Π − Π

0

F��. 2.5 — Le choix d’une technologie de production comme fonction du prixde l’output

2.6 Lectures suggérées

La référence de base pour la théorie du producteur est sans doutes le cha-pitre 1 de Varian 1978. Le lecteur devrait connaître parfaitement ce chapitreet travailler tous les (excellents) problèmes qui lui sont associés. Nadiri 1982traite la théorie du producteur à un niveau avancé, et constitue une excellenteréférence, tout comme les chapitres pertinents de Mas Colell, Whinston, etGreen 1995, et de Takayama 1985. Pour la théorie de la dualité, surtoutles applications empiriques, la collection d’articles dans les deux volumes de

Page 50: Chapitre 2 Théorie du producteur

112 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

Fuss et McFadden 1980 reste, après presque 25 ans, un classique incontour-nable (vous trouverez d’ailleurs une version électronique sur ma page web ;les fichiers sont également en ligne sur la page web du laboratoire économé-trique de U. C. Berkeley). Les travaux de Diewert valent la peine d’être lusdans leur version originale : vous pourrez consulter avec profit Christensen,Jorgenson, et Lau 1971 sur la fonction translog, Diewert 1971 sur la fonctionde production Leontief généralisée, et Diewert 1974 et Diewert 1982 sur ladualité.

2.7 Exercices

Exercice 1. Trouvez l’élasticité de substitution σKL (définie à l’équation(2.5)) pour la fonction de production suivante :

q = A[(1− δ)K−ρ +K−mρL−(1−m)ρ

]− 1ρ .

Exercice 2. Faites de même pour

q = Aca1KL+a2LK1−βLβ.

Exercice 3. Faites de même pour

q = AKαLβ −mL.

Exercice 4. Faites de même pour

q = AK (1− δρ) [L+ (ρ− 1)K]αδρ .

q = A[ω11x

2ρ11 + 2ω12x

ρ11 x

ρ22 + ω22x

2ρ21

] 12ρ

,

ω11 + 2ω12 + ω22 = 1, ρ1 + ρ2 = 2ρ

Exercice 5. Soit la fonction de production CESTrouvez la fonction de coûts associéeTrouvez la fonction de profitsExercice 8. Considérez un producteur agricole dont le problème d’opti-

misation est donné par :

min{x1,x2}

w1x1 + w2x2 + F

s.c.

{G(x1, x2) = xα1x

β2 = q, α + β < 1

w1x1 + w2x2 + F ≤ B

Page 51: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.7. EXERCICES 113

où G(.) est la fonction de production, x1 et x2 sont les intrants, F représenteles coûts fixes, q est l’output, w1 et w2 représentent les prix des facteurs, et Breprésente le fonds de roulement dont dispose le paysan. Il sera intéressant desupposer que les paysans sont hétérogènes au niveau du fonds de roulementB qu’ils ont à leur disposition. Nous supposerons aussi que le marché del’output dans lequel opèrent ces paysans est parfaitement concurrentiel, aveclibre entrée et libre sortie. Comme vous l’aurez remarqué, ce problème diffèrede celui standard que nous avons vu en classe par le fait que le producteurest assujetti à une contrainte de crédit, potentiellement saturée, qui limite lavaleur des intrants qu’il utilise.

(i) En considérant d’abords le cas où la contrainte de liquidité n’est passaturée, solutionnez pour la fonction de coût variable et la fonction de coûttotal.

Vous supposerez maintenant que la concurrence dans le marché pour l’out-put produit par ces paysans fait en sorte que les paysans doivent produire àun niveau d’output qui minimise le coût total moyen.

(ii) Trouvez ce niveau d’output, que vous dénoterez par q∗.Considérez maintenant le cas des paysans qui sont assujettis à la contrainte

de liquidité, c.-à-d. ceux pour qui la deuxième contrainte est saturée.(iii) Trouvez le niveau d’output produit par ces paysans, que vous déno-

terez par q.Évidemment, il doit exister une différence entre les paysans qui produisent

au niveau q∗ et ceux qui produisent au niveau q.(iv) Trouvez la condition (l’inégalité) qui caractérise les paysans qui sont

assujettis à la contrainte de liquidité (vous trouverez une condition trèssimple).

(v) Expliquez, en mots, ce qui se passera éventuellement avec les paysansassujettis à la contrainte de crédit.

Exercice 9Il y avait une fois un paysan égyptien qui produisait, sur sa propriété

de taille T , du coton et du berseem (un type de trèfle qui sert de fourragepour les animaux). Une portion T1 de sa terre était allouée au coton, uneportion T2 était allouée au berseem. Évidemment, T1 + T2 = T . La fonctionde production pour le coton était donnée par q1 = f(T1, X1), celle pour leberseem était donnée par q2 = g(T2, X2), où X représente un agrégat de tousles autres facteurs de production. Soit w le prix de cet intrant composite.Vous supposerez qu’il n’y avait pas de marché de location pour la terre.

Posez soigneusement le problème de minimisation des coûts de ce pro-ducteur.

Supposez maintenant que f(T1,X1) = AT α1 X1−α1 = q1 et g(T2, X2) =

BT α2 X1−α2 = q2, α ∈ (0, 1), où A etB sont des constantes. Trouvez la fonction

Page 52: Chapitre 2 Théorie du producteur

114 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

de coûts qui correspond à ces technologies de production (NB : vous trouverezquelque chose de très simple).

La fonction de coûts que vous avez trouvée en (ii) est décroissante en T .Donnez l’intuition économique de ce résultat.

Soient p1 et p2 les prix du coton et du berseem. En utilisant la fonction decoûts que vous avez trouvée à la partie (ii), posez le problème de maximisationdes profits du paysan.

Trouvez la fonction de profits.Exercice 10Considérez la fonction de coûts multi-output dérivée à la section 2.2.8.

Trouvez la fonction de profits associe.Exercice 11Considérez un producteur qui minimise ses coûts, sous la contrainte de la

technologie de production :

min{x,y}

wx+ ry s.c. q = xγy1−γ .

Trouvez la fonction de coût C(w, r, q) associée avec ce problème d’opti-misation.

Montrez que la matrice 2 × 2 des dérivées partielles secondes de cettefonction de coût (∇2

(w,r)(w,r)C(w, r, q)) est semi-définie négative, c.-à-d.,

∀ z, z′∇2(w,r)(w,r)C(w, r, q)z ≤ 0

(z est une matrice 2× 1).Exercice 12Considérez un producteur dont la fonction de production est représentée

par q = xα1xβ2xδ3. Suite au problème de minimisation des coûts, soit

x∗i = x∗i (w1, w2, w3, q), i = 1, 2, 3,

la demande optimale pour le facteur de production i, où wi est le prix del’intrant i. On vous apprend que ∂x∗1/∂q < 0 et que ∂x∗3/∂q < 0. Qu’est-cequi ne peut pas être vrai ?

Considérez un producteur agricole dont la fonction de production estreprésentée par q = F (T,X) =

√T +X, où T représente l’intrant en terre,

et X représente un intrant composite (engrais, semences, irrigation, etc.).L’intrant composite a la particularité suivante : son achat coûte aX −X2/2.Le prix de location de la terre est égal à r, tandis que le prix de l’output seranormalisé à 1.

a) Posez le problème de minimisation des coûts du producteur. Trouvezla fonction de coûts associée, que vous dénoterez par C(r, a, q).

Page 53: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.8. ESQUISSES DE RÉPONSES AUX EXERCICES 115

b) Posez maintenant le problème de maximisation des profits, et calculezle niveau optimal de l’output.

c) Trouvez la fonction de profits, que vous dénoterez par Π(r, a).d) Calculez dΠ(r, a)/da. Aviez-vous besoins de passer par les parties b),

c) et d) pour y arriver ? Pourquoi ?Exercice 13Afin de financer un programme d’investissement agricole, l’état envisage

de mettre en oeuvre deux politiques possibles :une taxe ad valorem sur l’output des paysans d’une valeur t ; les recettes

par paysan s’écriront alors tpq où q est l’output et pest son prix ;une taxe sur les profits des paysan d’une valeur δ ; les recettes par paysan

seront alors δΠoù Π représente les profits du paysan.Supposez que t et δsont choisis de telle sorte que la recette par paysan

est la même sous les deux politiques (vous supposerez que tous les paysanssont identiques). Quelle politique sera préférée par les paysans ? NB : unerésolution simple de ce problème découle d’une application de la Recette 1.

Si vous ne réussissez pas à répondre à la question sans poser une formefonctionnelle pour la technologie de production, vous pourrez supposer quela technologie de production est donnée par la forme CES :

q =(δX−ρ

1 + (1− δ)X−ρ2

)−υ/ρ, υ < 1

où X1 et X2 sont les deux inputs variables dont les prix sont w1 et w2.

2.8 Esquisses de réponses aux exercices

Exercice 1. La forme proposée est celle de Liu et Hildenbrand (1965) etσ = 1

1+ρ−mρsK

.

Exercice 2. C’est la fonction de production transcendantale de Revankar(1971) σ = (1−β+a1K)(β+a2L)

(1−β)(β+a2L)+β(1−β+a1)2 .

Exercice 3. La forme fonctionnelle a été proposée par Bruno (1969) etadmet des parts marginales constantes. On calcule l’élasticité de substitutioncomme étant σ = 1−

(mαβ

)Lq.

Exercice 4. C’est la fonction VES de Revankar (Kadiyala, 1972 ; Lu etFletcher, 1968 ; Sato et Hoffman, 1968) et on peut montrer que σ = 1+ ρ−1

1−δρ=

1 + βKL.

Exercice 8. Considérons d’abords le cas du paysan pour lequel la contraintede liquidité n’est pas saturée. On suppose que la première contrainte est tou-jours saturée et l’on remplace directement dans la fonction objective afin

Page 54: Chapitre 2 Théorie du producteur

116 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

d’obtenir un problème de maximisation non-contraint :

x1 = q1αx

− βα

2

min{x2}

w1q1αx

− βα

2 + w2x2 ⇒ −βαw1q

1αx

− βα−1

2 + w2 = 0

x∗1(w1, w2, q) =

[(w1α

)−β (w2β

)βq

] 1α+β

, x∗2(w1, w2, q) =

[(w1α

)α (w2β

)−αq

] 1α+β

En remplaçant dans la fonction objective originale, on obtient la fonction decoût variable du cas non-contraint par le crédit :

C(w1, w2, q) = (α+ β)

[(w1α

)α(w2β

)βq

] 1α+β

.

En équilibre concurrentiel de long terme, nous savons que le producteurdevra produire à un niveau d’output qui minimise le coût total moyen, c.-à-d.,en écrivant le coût total moyen :

C(w1, w2, q) + F

q= (α + β)

[(w1α

)α(w2β

)β] 1α+β

q1

α+β−1 +

F

q

= (α + β)

[(w1α

)α(w2β

)β] 1α+β

q1−α−βα+β +

F

q

En minimisant cette expression par rapport au niveau d’output, on obtient :

∂∂q

(C(w1,w2,q)+F

q

)= (1− α− β)

[(w1α

)α (w2β

)β] 1α+β

q1−2(α+β)

α+β − Fq2

= 0

⇒ q∗ =(

F1−α−β

)α+β [(w1α

)α (w2β

)β]−1

Remplaçons ensuite cette expression dans l’équation du coût total :

C(w1, w2, q∗) + F =

F

1− α− β.

Cette expression nous donne la valeur du coût total du paysan qui peutproduire au minimum du coût total moyen. Considérons maintenant le casdu paysan qui est assujetti à la contrainte de liquidité. Pour ces paysans, lafonction de coûts que nous avons dérivée ci-dessus donne toujours la manièrela moins coûteuse de produire un niveau d’output donné. Seulement ici, leniveau d’output ne pourra plus être déterminé de telle sorte que le coût

Page 55: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.8. ESQUISSES DE RÉPONSES AUX EXERCICES 117

total moyen soit minimisé. Au contraire, le niveau d’output dans ce cas, quenous dénoterons par q, sera déterminé par la solution en q à l’équation :C(w1, w2, q) + F = B, ce qui nous donne

q =

(B − F

α+ β

)α+β [(w1α

)α(w2β

)β]−1.

Remarquons que tous les paysans dont la dotation en liquidité B satis-fait l’inégalité C(w1, w2, q

∗) + F = F (1 − α − β)−1 ≤ B seront capables deproduire au minimum du coût total moyen, tandis que tous ceux pour quiC(w1, w2, q

∗) + F = F (1− α − β)−1 > B seront éventuellement éliminés dumarché par la concurrence des paysans plus efficaces. Nous pouvons repré-senter graphiquement la solution à l’exercice comme suit, où nous mettonsla disponibilité en crédit du paysan sur l’axe horizontal, et le niveau du coûtmoyen minimal sur l’axe vertical.

Exercice 9. Le problème d’optimisation du paysan est donné par :

min{T1,T2,X1,X2}

w (X1 +X2)

s.c. q1 = ATα1 X1−α1

q2 = BTα2 X1−α2 , T1 + T2 = T

Posez ensuite T2 = T − T1, ainsi que X2 =(T − T1

) αα−1 (Bq2)

−1α−1 , X1 =

α−1

1 (Aq1)−1α−1 . Le problème non-contraint que vous obtenez est alors

min{T1}

w(T

αα−1

1 (Aq1)−1α−1 +

(T − T1

) αα−1 (Bq2)

−1α−1

).

La solution est donnée par :

T ∗1 = T(Bq2)

−1

(Aq1)−1 + (Bq2)

−1 ,

X∗2 = T

αα−1

((Aq1)

−1

(Aq1)−1 + (Bq2)

−1

) αα−1

(Bq2)−1α−1

et

X∗1 = T

αα−1

((Bq2)

−1

(Aq1)−1 + (Bq2)

−1

) αα−1

(Aq1)−1α−1 .

Substituez ensuite dans la fonction objectif originale :

w (X∗1 +X∗

2 ) = wTα

α−1(Bq2)

− αα−1 (Aq1)

−1α−1 + (Aq1)

− αα−1 (Bq2)

−1α−1

((Aq1)

−1 + (Bq2)−1) α

α−1

.

Page 56: Chapitre 2 Théorie du producteur

118 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR

En simplifiant, vous obtenez une fonction de coûts très simple

C(w, q1, q2, T

)= wT

αα−1 (Aq1 +Bq2)

11−α ,

qui est, effectivement, décroissante en T . Le problème de maximisation desprofits est tout simplement donné par

max{q1,q2}p1q1 + p2q2 − wTα

α−1 (Aq1 +Bq2)1

1−α .

En considérant les CPOs, vous avez deux cas à considérer. Lorsque

p1A

>p2B,

q2 = 0 et l’output optimal est q1 =((1−α)p1w

) 1−αα

A−1α T et la fonction de profit

est donnée par

Π = α (1− α)1−αα A

−1α w

α−1α p

1 T .

Exercice 12Tous les intrants ne peuvent pas être inférieurs. Comme les intrants 1 et

2 sontinférieurs, il est impossible d’avoir ∂x∗3/∂q < 0.(ii) a) Le problème de minimisation des coûts est donné par : min

{X,T}aX −

X2/2 + rTs.c. q =√T +X. Réécrivez la contrainte comme T = q2 − X

et transformez pour obtenir le programme non-contraint : min{X}

aX −X2/2 +

r (q2 −X) . La CPO est tout simplement a − X∗ − r = 0 ce qui impliqueque X∗ = a − r et donc que T ∗ = q2 − X∗ = q2 − a + r. En substituantdans la fonction objectif, vous obtenez la fonction de coûts : C(r, a, q) =(a− r)2 /2 + rq2.

b) Le problème de maximisation des profits est donc donné par

max{q}

q − C(r, a, q) = max{q}

q − (a− r)2 /2− rq2,

dont la solution est q∗ = 1/2r. La fonction de profits s’écrit donc

Π(r, a) = 1/4r − (a− r)2 /2.

c) A partir de notre solution à b), on obtient dΠ(r, a)/da = r−a. On n’avaitpas besoin de faire tout cela pour obtenir dΠ(r, a)/da grâce (surprise. . . ) auThéorème de l’Enveloppe. En effet, étant donne le problème de maximisationdes profits, on sait que la fonction objectif, évaluée à l’optimum, s’écrit

max{q}

q − rq2 − (a− r)2 /2 = q∗(r, a)− r [q∗(r, a)]2 − (a− r)2 /2

Page 57: Chapitre 2 Théorie du producteur

2.8. ESQUISSES DE RÉPONSES AUX EXERCICES 119

(la réponse était d’autant plus évidente ici que l’on voyait tout de suiteà partir de la fonction objectif que q∗(r, a) = q∗(r)). Or le Théorème del’Enveloppe nous dit que

d

da

(

q∗(r, a)− (a− r)2

2− r [q∗(r, a)]2

)

=∂

∂a

(

q∗(r, a)− (a− r)2

2− r [q∗(r, a)]2

)

= r − a.

Exercice 13. L’égalité des recettes sous les deux politiques s’écrit :

tpq((1− t)p,w) = δΠ(p, w)

où q((1 − t)p,w) est la fonction d’offre évaluée au prix effectif (1 − t)p etΠ(p, w) est la fonction de profit. Par une expansion Taylor de premier ordre(Recette 1), la fonction de profit du paysan sous la première politique peuts’écrire :

Π((1− t)p, w) = Π(p− tp, w)

= Π(p, w)− tp∂Π(p, w)

∂p

= Π(p, w)− tpq(p, w),

où la dernière égalité suit de l’application du Théorème de l’Enveloppe (Recette9, Lemme de Hotelling). Les profits du paysan sous la deuxième politiques’écrivent :

(1− δ)Π(p, w) = Π(p, w)− δΠ(p, w).

En utilisant la condition d’égalité des recettes sous les deux politiques, onpeut alors réécrire cette dernière expression comme :

(1− δ)Π(p,w) = Π(p, w)− tpq((1− t)p, w).

Mais il suit que

Π(p,w)− tpq((1− t)p, w)︸ ︷︷ ︸ > Π(p, w)− tpq(p, w)︸ ︷︷ ︸

car tpq((1− t)p, w) < tpq(p,w) (la fonction d’offre est croissante en p). Doncles paysans préfèrent la deuxième politique (la taxe sur les profits). Intuiti-vement, ce résultat est évident car une taxe sur les profits ne change pas lesdécisions de production, alors que la taxe sur l’output induit une distorsionen réduisant le niveau d’output optimal.

Page 58: Chapitre 2 Théorie du producteur

120 CHAPITRE 2. THÉORIE DU PRODUCTEUR