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Chapitre 1 Bases anatomiques et pathologiques de l'inspection visuelle avec l'acide acétique (IVA) et avec le soluté de Lugol (IVL) Introduction L'inspection du col utérin à l'œil nu, après application d'acide acétique à 5% (IVA) et/ou de soluté de Lugol (IVL), constitue un test simple de détection précoce des lésions cervicales précancéreuses et du cancer invasif débutant. L'IVL correspond au test de Schiller à l'iode utilisé dans les années 1930 et 1940 pour détecter les néoplasies cervicales. Par la suite, ce test a été abandonné au profit des tests cytologiques lorsque ceux-ci ont fait leur apparition. Cependant, les difficultés de mise en œuvre du dépistage cytologique du cancer du col dans les milieux disposant de faibles ressources ont conduit à étudier la précision de tests de remplacement comme l'IVA et l'IVL, qui font appel à une technologie rudimentaire permettant cependant une détection précoce des néoplasies cervicales. Les résultats de l'IVA et de l'IVL sont immédiatement disponibles, et ne nécessitent aucun service de laboratoire. La classification des résultats de l'IVA et de l'IVL repose sur les changements de couleur observés au niveau du col. Une parfaite connaissance de l'anatomie, de la physiologie et des pathologies du col, sont essentielles à la compréhension des principes de l'IVA et de l'IVL, et à l'interpré- tation des résultats obtenus par ces tests de dépistage. Cet ouvrage s'adresse aux dispensateurs de soins - médecins, infirmières, sages-femmes et personnel médical - désireux d'acquérir les connaissances et les compétences nécessaires à la pratique et au compte- rendu des résultats des tests IVA et IVL dont il décrit les principes et les applications. Anatomie générale du col utérin Le col utérin correspond à la portion basse de l'utérus. De forme cylindrique ou conique, il mesure de 3 à 4 cm de long pour 2,5 cm à 3,5 cm de diamètre. Ses dimensions et sa forme varient en fonction de l'âge de la femme, de sa parité et de son statut hormonal. La moitié inférieure du col, désignée sous le nom de "portio vaginalis", s'avance dans le vagin par sa paroi antérieure, tandis que la moitié supérieure, appelée partie supra-vaginale, reste au-dessus du vagin (Figure 1.1). Le col s'ouvre dans le vagin par l'orifice cervical externe. La partie supra-vaginale du col rencontre le corps musculaire de l'utérus au niveau de l'orifice cervical interne. Chez la femme multipare, le col est volumineux et l'orifice cervical externe apparaît sous la forme d'une large fente transversale béante. Chez la femme nullipare, l'orifice cervical externe se présente sous l'aspect d'une petite ouverture arrondie (trou 1

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Chapitre 1

Bases anatomiques et pathologiques del'inspection visuelle avec l'acide acétique (IVA)

et avec le soluté de Lugol (IVL)

IntroductionL'inspection du col utérin à l'œil nu, aprèsapplication d'acide acétique à 5% (IVA)et/ou de soluté de Lugol (IVL), constitue untest simple de détection précoce deslésions cervicales précancéreuses et ducancer invasif débutant. L'IVL correspond autest de Schiller à l'iode utilisé dans lesannées 1930 et 1940 pour détecter lesnéoplasies cervicales. Par la suite, ce test aété abandonné au profit des testscytologiques lorsque ceux-ci ont fait leurapparition. Cependant, les difficultés demise en œuvre du dépistage cytologique ducancer du col dans les milieux disposant defaibles ressources ont conduit à étudier laprécision de tests de remplacement commel'IVA et l'IVL, qui font appel à unetechnologie rudimentaire permettantcependant une détection précoce desnéoplasies cervicales.

Les résultats de l'IVA et de l'IVL sontimmédiatement disponibles, et nenécessitent aucun service de laboratoire.La classification des résultats de l'IVA et del'IVL repose sur les changements de couleurobservés au niveau du col. Une parfaiteconnaissance de l'anatomie, de laphysiologie et des pathologies du col, sontessentielles à la compréhension desprincipes de l'IVA et de l'IVL, et à l'interpré-tation des résultats obtenus par ces tests

de dépistage. Cet ouvrage s'adresse auxdispensateurs de soins - médecins,infirmières, sages-femmes et personnelmédical - désireux d'acquérir lesconnaissances et les compétencesnécessaires à la pratique et au compte-rendu des résultats des tests IVA et IVL dontil décrit les principes et les applications.

Anatomie générale du col utérinLe col utérin correspond à la portion bassede l'utérus. De forme cylindrique ouconique, il mesure de 3 à 4 cm de long pour2,5 cm à 3,5 cm de diamètre. Sesdimensions et sa forme varient en fonctionde l'âge de la femme, de sa parité et de sonstatut hormonal. La moitié inférieure ducol, désignée sous le nom de "portiovaginalis", s'avance dans le vagin par saparoi antérieure, tandis que la moitiésupérieure, appelée partie supra-vaginale,reste au-dessus du vagin (Figure 1.1). Le cols'ouvre dans le vagin par l'orifice cervicalexterne. La partie supra-vaginale du colrencontre le corps musculaire de l'utérus auniveau de l'orifice cervical interne. Chez lafemme multipare, le col est volumineux etl'orifice cervical externe apparaît sous laforme d'une large fente transversalebéante. Chez la femme nullipare, l'orificecervical externe se présente sous l'aspectd'une petite ouverture arrondie (trou

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d'épingle).La portion du col s'étendant à l'extérieur

de l'orifice externe est appelée exocol.C'est la partie aisément visible du col lorsd'un examen au spéculum. La portion ducol située au dessus de l'orifice externe (àl'intérieur) est appelée endocol. Le canalendocervical qui traverse le col, met en

relation la cavité utérine avec le vagin. Ils'étend de l'orifice interne à l'orificeexterne. Dans la partie supérieure de lacavité vaginale, l'espace entourant laportio vaginalis correspond à ce que l'onappelle le cul de sac vaginal.

Le stroma cervical est constitué d'un tissufibromusculaire dense traversé par les

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Canal endocervical

Portio vaginalis

Col

Vessie

Cul de sac antérieur

Os pelvien

Urètre

FIGURE 1.1 : Anatomie générale du col utérin.

Fond utérin

Trompe de Fallope

Corps utérin

Col supravaginal

Orifice interne

Endocol

Cul de sac latéral

Orifice externe

Exocol

Vagin

Utérus

Cul de sac postérieur

Rectum

Sacrum

Vagin

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réseaux vasculaires, lymphatiques etnerveux du col. Le réseau artériel du colest constitué par les branches cervicales etvaginales des artères utérines dérivées desartères iliaques internes. Sur une coupesagittale du col, les branches cervicales desartères utérines descendent en position 3et 9 heures. Les veines du col cheminentparallèlement aux artères pour se jeterdans le plexus veineux hypogastrique. Lesvaisseaux lymphatiques du col se jettentdans les ganglions iliaques externe etinterne, les ganglions obturateur etparamétrial. Le réseau nerveux du col estissu du plexus hypogastrique. L'endocol

possède des terminaisons nerveusessensitives étendues. En revanche, celles-cisont peu nombreuses au niveau de l'exocol,si bien que le prélèvement de biopsies oules traitements par cryothérapie surl'exocol sont bien tolérés par la plupart desfemmes sans anesthésie locale préalable.Il faut également signaler au niveau del'endocol, l'abondance de fibressympathiques et parasympathiques dont lastimulation au cours de certainesmanipulations de l'endocol, peut parfoisprovoquer chez la patiente un malaisevagal avec parfois perte de connaissancebrève.

3

Chapitre 1

FIGURE 1.2 : Epithélium pavimenteux stratifié (x20).

Couche superficielle

Couche parabasale

Couche basale

Couche intermédiaire

Papillestromale

StromaMembranebasale

FIGURE 1.3 : Epithélium cylindrique (x40).

Cellules cylindriques

Stroma

Membrane basale

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Anatomie microscopiqueEpithØlium pavimenteuxLe col est tapissé par deux typesd'épithélium, un épithélium pavimenteux

stratifié et un épithélium cylindrique qui serencontrent à la jonction pavimento-cylindrique. Une grande partie de l'exocolest tapissée par un épithélium pavimenteux

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FIGURE 1.4 : Localisation de la jonction pavimento-cylindrique (JPC).(a) Jonction pavimento-cylindrique originelle (JPC) chez une jeune femme au tout début de la période de reproduction.

La JPC est éloignée de l’orifice externe. Remarquer la présence d’épithélium cylindrique éversé sur une large

portion de l’exocol, c’est ce que l’on appelle l’ectropion.

(b) La nouvelle JPC s’est rapprochée de l’orifice externe chez la femme d’une trentaine d’années. La JPC apparaît sous

la forme d’une ligne blanche après l’application d’une solution d’acide acétique à 5%, à cause de la présence

d’un épithélium pavimenteux métaplasique immature adjacent à la nouvelle JPC.

(c) En périménopause, la nouvelle JPC se situe au niveau de l’orifice externe.

(d) Après la ménopause, la nouvelle JPC n’est plus visible ; elle a disparu dans l’endocol. L’épithélium pavimenteux

métaplasique mature s’étend sur presque tout l’exocol.

Ectropion Orifice externe

Epithéliumcylindrique

JPC originelle

Epithéliumpavimenteuxoriginel

Epithéliumpavimenteuxmétaplasique

Nouvelle JPC

Epithéliumcylindrique

Orifice externe

Epithéliumpavimenteuxmétaplasique mature

Orifice externe Nouvelle JPC Orifice externe Epithélium pavimenteuxmétaplasique mature

a b

c d

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stratifié, non kératinisant, riche englycogène. Opaque, il est constitué deplusieurs couches de cellules (15-20)(Figure 1.2). A l'examen visuel, il apparaîtde couleur rose pâle. Son architecturehistologique révèle une couche inférieureconstituée d'une assise unique de cellulesbasales rondes dotées d'un noyau importantde couleur sombre à la coloration et d'uncytoplasme restreint. Cette coucheinférieure est fixée à la membrane basalequi sépare l'épithélium du stroma sous-jacent. Les cellules basales se divisent et sedifférencient pour former les couchescellulaires parabasales intermédiaire etsuperficielle. En allant de la couche basalevers la couche superficielle, les cellulesvoient la taille de leur cytoplasmeaugmenter tandis que celle de leur noyaudiminue. Sachant que l'iode réagit avec leglycogène que l'on trouve en abondancedans le cytoplasme des cellules des couchesintermédiaire et superficielle, l'applicationdu soluté de Lugol sur un épithéliumpavimenteux entraîne sa coloration en noirou en brun acajou. En revanche, après laménopause, les cellules de l'épithéliumpavimenteux ne subissent pas dematuration au-delà de la couche parabasaleet ne s'amoncellent pas en couchessuccessives de cellules superficielles etintermédiaires. Par conséquent,l'épithélium pavimenteux s'amincit ets'atrophie. Il apparaît alors pâle et sec,avec des pétéchies sub-épithéliales, car ilest fragilisé et facilement blessé.

EpithØlium cylindriqueL'épithélium cylindrique (égalementdésigné sous le nom d'épithéliumglandulaire) tapisse le canal endocervical. Ilest constitué d'une seule couche de celluleshautes aux noyaux de couleur sombre à lacoloration (Figure 1.3). A l'examen visuel, il

apparaît plus ou moins papillaire etnettement rouge à cause de sa finesse (uneseule couche cellulaire) qui laisseapparaître plus facilement la coloration dustroma sous-jacent. Il s'invagine dans lestroma cervical, provoquant la formationde cryptes endocervicales (égalementappelées glandes endocervicales). Lescellules de l'épithélium cylindriquesécrètent un mucus qui assure lalubrification du col et du vagin. Dans salimite supérieure, il fusionne avecl'épithélium endométrial du corps utérin, etdans sa limite inférieure, il rencontrel'épithélium pavimenteux de l'exocol : c'estce que l'on appelle la jonction pavimento-cylindrique. On observe parfois uneprolifération localisée de l'épithéliumcylindrique sous forme d'un polype :excroissance rougeâtre faisant saillie àpartir de l'orifice externe (Figure 2.2).L'épithélium cylindrique ne produit pas deglycogène, et ne change donc pas decouleur après l'application du soluté deLugol, ou apparaît seulement légèrementdécoloré sous un mince film de soluté iodé.

Jonction pavimento-cylindriqueLa jonction pavimento-cylindrique (Figure1.4) se présente sous l'aspect d'une ligneétroite. Sa localisation par rapport àl'orifice externe varie en fonction defacteurs tels que l'âge, le statut hormonal,le traumatisme entraîné parl'accouchement et certaines conditionsphysiologiques comme la grossesse (Figure1.4). Durant l'enfance et la prépuberté, lajonction pavimento-cylindrique se situe auniveau - ou très proche - de l'orificeexterne. Après la puberté et durant toute lapériode de reproduction, les organesgénitaux féminins se développent sousl'influence des œstrogènes. Ainsi, le cols'élargit et le canal endocervical s'allonge. Il

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Chapitre 1

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en résulte une éversion de l'épithéliumcylindrique sur l'exocol, plus particulière-ment sur les lèvres antérieure etpostérieure du col. On désigne ce processusd'éversion sous les termes d'ectropion oud'ectopie. La jonction pavimento-cylindrique se situe alors sur l'exocol, loinde l'orifice externe, pendant toute lapériode de reproduction et au cours de la

grossesse (Figure 1.4a). A l'examen visuel,l'ectropion se traduit par un exocold'apparence très rouge (Figure 1.4a).

L'action tampon du mucus tapissant lescellules cylindriques est contrariée quandl'éversion de l'épithélium cylindrique lorsde l'ectropion l'expose à l'acidité du vagin.Ce phénomène entraîne la destruction et leremplacement de l'épithélium cylindrique

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FIGURE 1.5 : Développement de l’épithélium pavimenteux métaplasique.(a) Les flèches signalent des cellules de réserve sous les cellules épithéliales cylindriques.

(b) Les cellules de réserve prolifèrent pour former deux couches d’hyperplasie cellulaire de réserve sous la couche

d’épithélium cylindrique.

(c) Les cellules de réserve poursuivent leur prolifération et leur différenciation pour former un épithélium

pavimenteux métaplasique immature qui ne produit pas de glycogène.

(d) L’épithélium pavimenteux métaplasique mature ressemble en tous points à l’épithélium pavimenteux originel.

Métaplasiepavimenteuse

immature

Epithéliumpavimenteuxmétaplasique

immature

Epithéliumpavimenteux

originel

a b

c d

(x40) (x20)

(x10) (x10)

Epithéliumpavimenteuxmétaplasique

mature

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par un épithélium pavimenteuxmétaplasique nouvellement formé. Lamétaplasie pavimenteuse désigne leremplacement d'un type d'épithélium parun autre. Quand la femme passe de lapériode reproductive à la périménopause,la localisation de la jonction pavimento-cylindrique commence progressivement àse rapprocher de l'orifice externe (Figures1.4b et c). Elle se situe donc à desdistances variables de l'orifice externe, àcause de la formation progressive dunouvel épithélium pavimenteuxmétaplasique à partir des régions exposéesde l'épithélium cylindrique sur l'exocol. Aucours de la périménopause et après ledébut de la ménopause, la diminution destaux d'œstrogènes entraîne une diminutionde la taille du col et, par conséquent, undéplacement plus rapide de la jonctionpavimento-cylindrique vers l'orificeexterne et dans le canal endocervical(Figure 1.4c). Après la ménopause, lajonction pavimento-cylindrique se situedans le canal endocervical, ce qui expliquequ'elle soit souvent invisible à l'examenvisuel (Figure 1.4d).

MØtaplasie pavimenteuseLa métaplasie pavimenteuse débute dansles régions exposées de l'épithéliumcylindrique par l'apparition de petitescellules rondes sub-cylindriques, appeléescellules de réserve, (Figure 1.5a). C'est àpartir de la prolifération (Figure 1.5b) et dela différenciation de ces cellules deréserve, que se forme un épithélium multi-cellulaire mince, peu stratifié, appeléépithélium pavimenteux métaplasiqueimmature (Figure 1.5c). Les cellules de cetépithélium pavimenteux métaplasiqueimmature ne produisent pas de glycogène,et par conséquent ne prennent pas lacoloration brune ou noire lorsqu'elles sont

exposées au soluté de Lugol. Plusieurs îlotsde métaplasie pavimenteuse immaturepeuvent apparaître en même temps.

Le développement de l'épithéliummétaplasique immature nouvellementformé peut se poursuivre selon une ou deuxvoies différentes (Figure 1.6). Chez lagrande majorité des femmes, il continuede se différencier pour constituer unépithélium métaplasique mature, bienstratifié, riche en glycogène, semblable entous points à l'épithélium pavimenteuxprésent sur l'exocol (Figure 1.5d). Dans cecas, il prendra la coloration à l'iode lors del'application du soluté de Lugol. Dans cetépithélium métaplasique mature, il estpossible d'observer des kystes, appeléskystes de Naboth (Figure 2.3). Il s'agit dekystes de rétention qui se développent à lasuite de l'occlusion d'une ouverture decrypte endocervicale par l'épithéliumpavimenteux métaplasique qui la recouvre.En effet, l'épithélium cylindrique restéenfermé dans la crypte continue parfois àsécréter du mucus qui finit par distendre

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Chapitre 1

FIGURE 1.6 : Progression de la maturationde la métaplasie pavimenteuse immature.

Epithélium cylindrique

Métaplasie pavimenteuse immature

Infectionpar des

HPVoncogènes

Epithéliumpavimenteuxmétaplasique

mature normalcontenant du

glycogène

Epithéliumpavimenteuxatypique oudysplasique

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les kystes. C'est ce mucus ainsi piégé quidonne au kyste une teinte blanc ivoire àl'examen visuel.

Chez une très petite minorité defemmes, la métaplasie pavimenteuseimmature se poursuit parfois par ledéveloppement d'un épithéliumdysplasique (épithélium anormalprésentant des modifications cellulairesprécancéreuses), suite à l'infection parcertains types de virus du papillomehumain (HPV) (Figure 1.6).

Zone de remaniementLa zone de remaniement correspond à larégion du col où l'épithélium cylindrique aété ou est remplacé par l'épithéliummétaplasique pavimenteux. Il est possibled'identifier à l'œil nu le bord interne de lazone de remaniement en suivant la jonction

pavimento-cylindrique, et son bord externeen repérant les kystes de Naboth (s'il y en a)ou les orifices glandulaires (généralementvisibles avec un grossissement) les pluséloignés. Avant la ménopause, la zone deremaniement est principalement située surl'exocol. Après la ménopause, avec l'âge, lestaux décroissants d'œstrogènes entraînantune diminution de la taille du col, il arriveque la zone de remaniement soit alorspartiellement, et plus tard, totalement,déplacée dans le canal endocervical.Presque toutes les néoplasies cervicalesdébutent dans cette zone, à proximité de lajonction pavimento-cylindrique.

Inflammation du col de l'utérus(Figure 1.7)L'inflammation constitue la pathologie laplus fréquente affectant le col de l'utérus.

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FIGURE 1.7 :(a) Inflammation du col accompagnée d’une ulcération, de saignements, d’une nécrose, de pertes jaune verdâtre et

d’un exsudat inflammatoire.

(b) Col enflammé, très rouge, ayant perdu ses villosités au niveau de l’épithélium cylindrique, et recouvert d’un

exsudat inflammatoire.

a b

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Le plus souvent, elle est la conséquenced'une infection (généralement à germesmultiples), mais de temps en temps, ellepeut également être causée par la présenced'un corps étranger (tampon oublié, etc.),un traumatisme ou des irritants chimiques(gels et crèmes). Les agents infectieux lesplus fréquemment mis en cause sont :Trichomonas vaginalis, Candida albicans ; laprolifération de bactéries anaérobies tellesque Gardnerella vaginalis, G. mobilluncuset peptostreptococcus ; d'autres infectionsbactériennes à Haemophilus ducreyi,Neisseria gonorrhoeae, Chlamydiatrachomatis, Escherichia coli,streptocoques, et staphylocoques ; et desinfections virales, par exemple avec le virusde l'Herpès simplex.

L'épithélium cylindrique étant plussensible aux infections que l'épithéliumpavimenteux, nous emploierons dans cetouvrage le terme de cervicite pourdésigner l'ensemble des conditionsinflammatoires cervico-vaginales. Au planclinique, une cervicite peut se traduire pardes pertes vaginales abondantes, desdémangeaisons au niveau de la vulve et duvagin, une douleur et une sensation debrûlure lors des rapports sexuels, et desdouleurs pelviennes. Les signes cliniques

d'une cervicite col sont : des pertesabondantes colorées (grisâtre, blancgrisâtre, blanc crémeux (dans le cas d'unecandidose), jaune ou jaune verdâtre),malodorantes ou inodores, d'aspectmousseux ou non, un col utérin sensible,rouge, présentant ou non des vésicules, desulcérations et/ou une fibrose ; l'épithéliumcylindrique peut paraître aplati ; et onpeut parfois observer un érythème vulvaireaccompagné d'un œdème, des tracesd'écorchures sur la vulve, le vagin,l'intérieur des cuisses et le périnée. D'unpoint de vue microscopique, une cervicitese caractérise par la présence de débriscellulaires et d'abondantes sécrétionsinflammatoires qui recouvrent la surfacede l'épithélium. On observe également descellules plus volumineuses et enflammées,une desquamation des cellules riches englycogène des couches intermédiaires etsuperficielles, une mise à nu del'épithélium, une ulcération superficielleou profonde et une congestion du stromacervical sous-jacent. Une inflammationchronique peut entraîner une ulcérationrécurrente à l'origine parfois d'une fibrosecicatricielle.

Il est possible d'établir un diagnostic decervicite à partir des signes cliniques. A

9

Chapitre 1

CIN 1

Dysplasie légère

Lésion intraépithélialeépidermoïde de bas grade(LIEBG)

CIN 2

Dysplasie modérée

Lésion intraépithélialeépidermoïde de haut grade(LIEHG)

CIN 3

Dysplasie sévèreCarcinome in situ

Lésion intraépithélialeépidermoïde de haut grade(LIEHG)

Tableau 1 : Corrélation entre les terminologies CIN, dysplasie etBethesda

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l'examen visuel, une cervicite due à uneinfection autre qu'une candidose peut secaractériser par un érythème et un œdèmede la vulve, des traces d'écorchures sur lavulve et le vagin, un col sensible et rouge,des pertes mucopurulentes blanc grisâtreou jaune verdâtre, malodorantes, laprésence ou non d'ulcérations. Dans le casd'une cervicite à gonocoques, la femmepeut se plaindre également d'unécoulement urétral douloureux. Lors d'unecandidose, la cervicite se caractérisegénéralement par un œdème et unérythème de la vulve, des tracesd'écorchures, et des pertes inodores d'unblanc crémeux et d'une consistanceépaisse. Lorsqu'il s'agit d'un herpès, onobserve la présence de vésicules etd'ulcérations sur la région génitale externe,le vagin et le col qui devient très sensible.Les cervicites d'origine autre qu'unecandidose, peuvent être traitées par l'ad-ministration simultanée par voie orale de400 mg de métronidazole et 100 mg dedoxycycline, deux fois par jour, pendantsept jours. S'il s'agit d'une cervicite àCandida, le traitement consistera en uneapplication quotidienne intravaginale de

200 mg de clotrimazole ou miconazole,pendant trois jours.

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FIGURE 1.9 : Histologie d’une CIN2. Laplupart des cellules atypiques s’observentdans les deux tiers inférieurs de l’épithélium(x10).

FIGURE 1.10 : Histologie d’une CIN3. Lescellules dysplasiques sont réparties sur toutel’épaisseur de l’épithélium, avec perte de lapolarité cellulaire (x20).

FIGURE 1.8 : Histologie d’une CIN. lescellules dysplasiques sont confinées au tiersinférieur de l’épithélium (x20).

a b

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Néoplasies cervicalesLes cancers invasifs du col sontgénéralement précédés d'une longuepériode de la maladie à l'état préinvasif,caractérisée d'un point de vuemicroscopique par un spectre de lésionsprécurseurs allant de l'atypie cellulaire auxdifférents degrés de néoplasie cervicaleintraépithéliale (CIN), avant d'évoluer versun carcinome invasif. Des études épidémi-ologiques ont permis d'identifier un certainnombre de facteurs de risque quicontribuent au développement des CIN etdu cancer du col : l'infection par certainstypes oncogènes de virus du papillomehumain (HPV), la précocité des rapportssexuels, la multiplicité des partenairessexuels, la multiparité, l'utilisation à longterme d'une contraception orale, letabagisme, un statut socio-écomiquementfaible, l'infection à Chlamydia trachomatis,les déficiences en micronutriments, et unealimentation pauvre en légumes et enfruits. Les types HPV 16, 18, 31, 33, 35, 39,45, 51, 52, 56, 58, 59 et 68 sont fortementassociés aux CIN et au cancer invasif. Onconsidère qu'une infection persistante avecl'un ou plusieurs d'entre eux est une causenécessaire à l'apparition de la néoplasiecervicale.

Au cours d'une infection par un ouplusieurs types oncogènes de HPV, il peut yavoir intégration du génome viral augénome de la cellule hôte, entraînant ainsila formation de cellules cervicalesnéoplasiques dont la prolifération est àl'origine des différents grades de CIN(synonymes : dysplasie ou lésions intraép-ithéliales épidermoïdes (LIE)) susceptiblesd'évoluer par la suite vers un cancer invasifdu col. Le Tableau 1 présente la corrélationentre la terminologie CIN utilisée dans cetouvrage, et les autres terminologiesexistantes.

NØoplasie cervicale intraØpithØlialeLa présence d'une CIN ne se manifeste paspar des symptômes spécifiques ou dessignes cliniques particuliers. Toutefois, ilest possible de suspecter la présence d'uneCIN quand, après l'application d'acideacétique à 3-5%, on repère à l'œil nu dansla zone de remaniement des zonesacidophiles parfaitement délimitées,proches ou accolées à la jonctionpavimento-cylindrique. De la même façon,on soupçonnera la présence d'une CIN, siaprès l'application du soluté de Lugol, onobserve à l'œil nu dans la zone deremaniement, des régions bien délimitéesiodo-négatives, jaune safran ou moutarde.

Cependant, seul l'examenhistopathologique des échantillons de tissucervical permet d'établir un diagnosticdéfinitif de CIN. En effet, une CIN présentedes cellules indifférenciées caractériséespar un noyau volumineux, une intensitéaccrue de la coloration nucléaire, unpolymorphisme nucléaire avec unevariation de la taille du noyau, et uncytoplasme restreint, ce qui se traduit parun rapport nucléo-cytoplasmique plusélevé. On détermine le grade de la CINd'après la proportion de l'épaisseur del'épithélium comportant des cellules indif-férenciées. Ainsi, dans le cas d'une CIN 1,les cellules indifférenciées sont confinéesaux couches les plus profondes del'épithélium (tiers inférieur) (Figure 1.8).On y observe des figures mitotiques, maisen très petit nombre. La CIN 2 secaractérise quant à elle par desmodifications cellulaires dysplasiquesconfinées, pour la plupart, à la moitiéinférieure ou aux deux tiers inférieurs del'épithélium, avec des anomalies nucléairesplus marquées que pour la CIN 1 (Figure1.9). On peut également observer desfigures mitotiques sur toute la moitié

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inférieure de l'épithélium. Dans le casd'une CIN 3, la différenciation et lastratification sont parfois totalementabsentes, ou uniquement présentes dans lequart supérieur de l'épithélium quicomporte de nombreuses figuresmitotiques (Figure 1.10). On distingue desanomalies nucléaires sur toute l'épaisseurde l'épithélium, et de nombreuses figuresmitotiques présentent des configurationsanormales.

Il a été parfaitement démontré que laplupart des lésions de type CIN 1 sontpassagères, c'est à dire qu'elles régressentvers la normale en relativement peu detemps, ou du moins, qu'elles n'évoluent pasvers des formes plus graves. En revanche,les CIN de haut grade (CIN 2-3), présententune plus forte probabilité d'évolution versun cancer invasif, même si une majoritéd'entre elles régressent également oupersistent sans évoluer. Il semble qu'ils'écoule entre 10 et 20 ans avant que deslésions précurseurs du col ne progressent

vers un cancer invasif.Les CIN sont traitées par cryothérapie,

électrorésection à l'anse diathermique(ERAD) ou conisation à froid. Lorsqu'ondiagnostique une CIN 1, il est possible deconseiller à la patiente, soit un traitementimmédiat (par exemple, dans descontextes où le suivi des femmes ne peutêtre assuré), soit un traitement ultérieur sila visite de contrôle, six à neuf mois plustard, révèle une persistance ou uneévolution de la maladie.

On appelle adénocarcinome in situ (AIS)une lésion précurseur qui se développe àpartir de l'épithélium cylindrique. Cedernier est alors remplacé par unépithélium anormal présentant des cellulesanormales disposées de façondésordonnée, une augmentation de lataille des cellules et des noyaux, un hyper-chromatisme nucléaire, une activitémitotique, une diminution de l'expressionde la mucine cytoplasmique, ainsi qu'unestratification cellulaire.

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FIGURE 1.11 : Cancer invasif débutant ducol. Noter sa surface nodulaire, irrégulière,granuleuse, et saignant au toucher.

FIGURE 1.12 : Cancer invasif du col à unstade avancé. Noter la tumeur ulcéropro-liférative protubérante, semblable à unchou-fleur, les saignements et la nécrose.

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Cancer invasifDans les stades très précoces de l'invasion,le cancer du col peut ne manifester aucunsymptôme ou signe cliniques évidents. Onparle alors de cancer invasif infraclinique.Les femmes atteintes d'un cancer invasif ducol à un stade modérément avancé ouavancé, se plaignent généralement d'un ouplusieurs des symptômes suivants :saignement intermenstruel, saignementpost-coïtal, pertes vaginales abondantesséropurulentes, cystite récurrente,douleurs dorsales et pelviennes, œdèmedes membres inférieurs, obstructionurétérale, occlusion intestinale, dyspnéedue à une forte anémie et à une cachexie.

Comme l'invasion du stroma se poursuit,les signes cliniques de la maladie semanifestent, avec notamment, la présencede plusieurs tumeurs visibles lors del'examen avec le spéculum. Des lésionsdébutantes peuvent se présenter sousforme de régions granuleuses, rougeâtreset rugueuses, saignant au toucher (Figure1.11). Les cancers plus avancés peuventparfois se manifester par la présence d'unetumeur proliférative, protubérante,semblable à un champignon ou à un chou-

fleur, des pertes vaginales nauséabondes etdes saignements (Figure 1.12). De temps entemps, ces cancers peuvent ne présenteraucune manifestation tumorale en surface,et se manifester seulement par unehypertrophie du col qui prend alors uneforme irrégulière avec une surfacegranuleuse et rugueuse.

Lorsque l'invasion se poursuit, elle peutaffecter le vagin, les paramètres, la paroipelvienne, la vessie et le rectum. Lacompression de l'uretère provoquée parune tumeur localisée peut entraîner uneobstruction urétérale responsable par lasuite d'une hydronéphrose, et pour finir,d'une insuffisance rénale. L'invasion loco-régionale s'accompagne d'une extensionmétastatique aux ganglions régionaux. Lesmétastases dans les ganglions para-aortiques peuvent parfois traverser lacapsule du ganglion pour aller directementenvahir les vertèbres et les terminaisonsnerveuses à l'origine de douleurs dorsales.Ainsi l'invasion directe des branches desterminaisons du nerf sciatique provoquedes douleurs dorso-lombaires et desdouleurs dans les membres inférieurs. De lamême façon, l'atteinte des veines de la

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FIGURE 1.13 : Histologie – Carcinomeépidermoïde invasif kératinisant biendifférencié (x10). Noter l’invasion du stromapar des groupes de cellules malignes.

FIGURE 1.14 : Histologie – Adénocarcinomeinvasif bien différencié. Noter les cellulesmalignes qui bordent les cryptes cervicales(x20).

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paroi pelvienne et du réseau lymphatiqueest parfois à l'origine d'un œdème desmembres inférieurs. La dissémination desmétastases à distance intervient de façontardive au cours de la maladie. Cesmétastases touchent généralement lesganglions para-aortiques, les poumons, lefoie, les os, ainsi que d'autres organes.

D'un point de vue histologique, environ90 à 95% des cancers invasifs du col dansles pays en développement sont descancers épidermoïdes (Figure 1.13), etseulement 2 à 8% correspondent à desadénocarcinomes (Figure 1.14). Tous lescancers invasifs doivent être obligatoire-ment classifiés selon leur stade clinique.Le système de classification du cancer ducol le plus utilisé est celui proposé par laFédération Internationale de Gynécologieet d'Obstétrique (FIGO) (confère Annexe 1).C'est un système essentiellement basé surune classification par stade en fonction dela taille de la tumeur et de l'étendue de lamaladie à la région pelvienne. L'étendue ducancer est déterminée par les examenscliniques et autres analyses diverses,permettant de classer la maladie du stadeI au stade IV. Le stade I représente unelésion localisée au col, tandis que le stadeIV correspond à la phase tumorale avecmétastases disséminées aux organesdistants.

Une chirurgie radicale associée ou non àune radiothérapie permet de traiter descancers invasifs débutants (stades I, IIA).Les cancers de stades IIB et III devront êtretraités par radiothérapie combinée ou nonavec une chimiothérapie au cysplatine. Lespatientes atteintes de cancer de stade IVsont généralement traitées de façonpalliative par radiothérapie et/ouchimiothérapie associée à des mesuresthérapeutiques symptomatiques.

Autres pathologies cervicalesLa leucoplasie (hyperkératose) correspondà une zone blanche bien délimitée sur le col(avant l'application d'acide acétique) quiest visible à l'œil nu. La couleur blanche estdue à la kératose. Habituellement, laleucoplasie est idiopathique, mais elle peutaussi être la conséquence d'une irritationchronique causée par un corps étranger,d'une infection à HPV, ou d'une néoplasieépidermoïde. Les condylomes, ou verruesgénitales, correspondent souvent à unensemble de multiples lésions exophytiquesrarement observées sur le col, et plusfréquemment présentes sur le vagin et lavulve. Leur présence est liée à l'infectionpar certains types de HPV, notamment lestypes 6 et 11. Les condylomes peuvent aussiapparaître comme une lésion diffuse, d'unblanc grisâtre, affectant des régions du colet du vagin. Ils peuvent être visibles à l'œilnu (avant l'application d'acide acétique).

Principe physiopathologique del'IVAOn pense que l'acide acétique à 5%provoque une coagulation ou uneprécipitation réversible des protéinescellulaires. Il provoque également ungonflement du tissu épithélial au niveau del'épithélium cylindrique et des régionsprésentant notamment des anomalies del'épithélium pavimenteux. Par ailleurs, ilentraîne une déshydratation des cellules etfacilite la coagulation et l'élimination dumucus sur le col. Avant l'application d'acideacétique, l'épithélium pavimenteux normalapparaît rose et l'épithélium cylindriquerouge, à cause de la réflexion de la lumièreà partir du stroma sous-jacent richementvascularisé. Lorsqu'on applique l'acideacétique sur un épithélium contenant defortes quantités de protéines cellulaires, la

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coagulation sera maximale et masquera lacouleur rouge du stroma. Cette réactionacidophile se traduit par un blanchimentnotable de l'épithélium comparé à lacouleur rosâtre habituelle de l'épithéliumcervical pavimenteux normal environnant.Cet effet, généralement visible à l'œil nu,dépend donc des taux de protéinescellulaires présents dans l'épithélium. Lesmodifications de coloration les plusspectaculaires s'observent dans les zonesqui sont le siège d'une intense activiténucléaire et dont les taux d'ADN sontélevés.

Ainsi, quand on badigeonne d'acideacétique un épithélium pavimenteuxnormal, l'acide ne provoque qu'une légèrecoagulation dans la couche cellulairesuperficielle, car l'activité nucléaire y estfaible. Et bien qu'en profondeur, lescellules contiennent plus de protéinesnucléaires, l'acide acétique ne peut ypénétrer suffisamment et la précipitationen résultant ne suffit pas à masquer lacouleur rose du stroma sous-jacent. Aucontraire, les CIN et les cancers invasifsprésentent de fortes quantités de protéinesnucléaires (étant donné le grand nombrede cellules indifférenciées), si bien que lacoagulation est maximale et empêche lalumière de passer à travers l'épithélium.Par conséquent, le réseau vasculaire sous-épithélial est masqué et l'épithéliumapparaît nettement blanc. Dans le casd'une CIN, la réaction acidophile estlimitée à la zone de remaniement, près dela jonction pavimento-cylindrique, tandisque dans le cas d'un cancer, cette réactionaffecte souvent la totalité du col.

L'apparition d'une réaction acidophilen'est pas uniquement réservée aux CIN etau cancer débutant. Il existe d'autressituations dans lesquelles les taux deprotéines nucléaires sont élevés :

métaplasie pavimenteuse immature,épithélium en cours de cicatrisation et derégénération (associé à une inflammation),leucoplasie (hyperkératose) et condylome.Alors que l'épithélium acidophile associé àune CIN et au cancer invasif infraclinique,apparaît dense, épais et opaque, avec desmarges bien délimitées par rapport àl'épithélium normal environnant,l'épithélium acidophile associé à unemétaplasie immature, une inflammation,ou une régénération, apparaît moins blanc,opalescent, plus mince et souventtranslucide, aux contours mal définis, avecune distribution inégale. En présence d'uneinflammation ou d'une cicatrisation, laréaction acidophile est largementrépandue sur tout le col et ne se limite pasà la zone de remaniement. D'autre part,l'effet de l'acide acétique se dissiperapidement dans le cas de la métaplasieimmature et de l'inflammation (en moinsd'une minute), tandis que les modificationsacidophiles associées aux lésions de CIN etaux stades précoces du cancer invasifinfraclinique, apparaissent rapidement etpersistent quelques minutes - entre 3 et 5minutes dans le cas des CIN de haut grade(2 et 3) et du cancer invasif. Sous l'effet del'acide acétique, la leucoplasie et lecondylome se manifestent par l'apparitiond'une zone blanc grisâtre bien nette.

Principe physiopathologique del'IVLL'épithélium métaplasique pavimenteux estriche en glycogène, tandis que les lésionsde CIN ou le cancer invasif ne contiennentpas de glycogène ou très peu. L'épithéliumcylindrique, lui aussi, ne contient pas deglycogène, de même que l'épithéliumpavimenteux métaplasique immature quin'est que rarement partiellementglycogéné. L'iode étant glycophile, une

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solution iodée sera donc absorbée par unépithélium riche en glycogène. Raison pourlaquelle, l'épithélium pavimenteux normalriche en glycogène prend une colorationnoire ou acajou après application d'iode. Enrevanche, l'épithélium cylindrique qui necontient pas de glycogène, ne prend pas lacoloration à l'iode, et peut même paraîtrelégèrement décoloré à cause de la finepellicule déposée par la solution iodée. Dela même façon, les zones tapissées par unépithélium pavimenteux métaplasiqueimmature restent iodo-négatives ou neprennent que partiellement la coloration àl'iode. En cas d'érosion des couches

cellulaires superficielles et intermédiairesassociée à une inflammation de l'épithéliumpavimenteux, ces zones ne prennent pas lacoloration à l'iode et apparaissentnettement décolorées sur un fond brun ounoir. Les zones affectées par une CIN ou uncancer invasif sont également iodo-négatives (puisqu'elles sont déficientes englycogène) et apparaissent sous l'aspect derégions jaune moutarde ou safran, épaisses.Les zones leucoplasiques (hyperkératose)sont elles aussi iodo-négatives. Quant auxcondylomes, ils peuvent occasionnellementprendre la coloration à l'iode de façonpartielle.

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