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DEUX « CAS » EXEMPLAIRES René Schérer ERES | Chimères 2008/1 - n° 66-67 pages 13 à 20 ISSN 0986-6035 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-chimeres-2008-1-page-13.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Schérer René, « Deux « cas » exemplaires », Chimères, 2008/1 n° 66-67, p. 13-20. DOI : 10.3917/chime.066.0013 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour ERES. © ERES. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 186.53.81.5 - 27/07/2013 07h25. © ERES Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 186.53.81.5 - 27/07/2013 07h25. © ERES

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  • DEUX CAS EXEMPLAIRES

    Ren Schrer

    ERES | Chimres

    2008/1 - n 66-67pages 13 20

    ISSN 0986-6035

    Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    http://www.cairn.info/revue-chimeres-2008-1-page-13.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Schrer Ren, Deux cas exemplaires , Chimres, 2008/1 n 66-67, p. 13-20. DOI : 10.3917/chime.066.0013--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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  • Ren Schrer estphilosophe. Il vient depublier Pour un nouvelanarchisme, aux di-tions Cartouche, 2008.

    ON SE SOUVIENT, et, si ce nest pas le cas, je la rappelle,de la rplique sur laquelle se termine un petit sketchde Pasolini crit et tourn en 1966 : Morte ou vivante,cest la mme chose , prononc par la pauvre et biennomme servante Assurdita, Silvana Mangano tenant lerle. Elle soccupe du mnage de Toto et de Ninetto envadrouille, jusqu ce quelle tombe accidentellement ou sesuicide du haut du Colise. Mais comme, ayant t specta-teurs impuissants de sa mort, ils rentrent tristement chezeux, voil quils la retrouvent en vie, la maison, toujourscomplaisante et serviable. Frapps de stupeur, ils se de-mandent sils sont en face dun fantme. Et cest alorsquelle leur sort ce morte ou vivante, cest la mme chose cit plus haut. Accordant au ou , conjonction de lalter-native, la fonction de marquer ici linclusion plutt quelexclusion : que je sois vivante ou morte, peu importe,cest du pareil au mme . Sous-entendu moi, femme,mnagre et servante . Mortes ou vives, nest-ce pas celanotre condition?

    La terre vue de la lune date de 1966, anne de bouillonne-ments latents, de fermentation et dattente. En exigence etpressentiment, peut-tre, dun soulvement gnralis qui

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    devait se produire, en bref feu de paille, deux ans plus tard.La terre frmit, est en gsine, malade de la socit actuelleet en espoir dune autre, plus harmonique, plus conformeaux attractions passionnelles, disait Fourier.

    Dans le foisonnement des visions et lectures possibles, ilnest pas interdit de regarder ce petit film comme unecharge humoristique contre ce quon appellera plus tard la condition de la femme . La femme asservie, la femmeau foyer, cette ternelle femme de chambre de tous lesmnages, et pas seulement de ceux de la socit bourgeoise.

    Serve de clochards minables, comme le fut dj Accattone(1961). Dans lattente improbable dune rvolution oudune rvolte, les uvres fulgurantes, les vrits foudre ducinaste parcourent la terre qui tremble comme les signesavant-coureurs de lannonce dune vraie vie encore absente.

    Si jcris cela, cest que le thme sous lequel est plac cenumro : Morts ou vifs me fait penser, et ce ou inclusif, et cet humour dcapant de Pasolini, et la vraievie est absente de Rimbaud.

    Mais aujourdhui, aprs tant despoirs dus, dillusionsperdues, de rengations et (ou?) de rcuprations hon-teuses, davilissements (le monde moderne avilit, disaitPguy) et de banalisation des revendications les plusvalables, il me semble voir se dresser, sinon comme la causeexacte de cette absence, du moins comme un frein gigan-tesque au centre du mouvement social (Fourier), unpivot (ou mieux, contre-pivot), un pilori auquel toutes lesliberts sont enchanes et sacrifies, une horrible pulsionjuridique gnralise, un dsir de lois. Un encadrement, unrpertoriage, une lgifration et judiciarisation de toutes lesactivits, les aspirations, de lenfant au vieillard, du berceau la tombe comme aimaient le dire nos pres. Tout se heurte ce poteau sinistre et drisoire de la loi. Ce qui nempche

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    1- Enleve lge de dixans et squestre, cettepetite fille autrichiennene parvint schapperquen 2005. Son ravis-seur se suicida. Je ren-voie, parmi une presseabondante, aunumro 2991 du 14 au20 septembre 2006 deParis-Match : Lessecrets de NataschaKampusch .

    lacclration de lemportement irrversible de notre moder-nit prsente : plus de lois, toujours plus de lois. Autour dequoi tourne en rond lalternative de la vie ou de la mort. Nos meilleures aspirations restent prises ce tourniquet.

    Que la loi soit toujours la raison du plus fort, nul nendoute, et personne ne veut le dire. Pas plus que lon noseadmettre quun enfant enlev puisse pleurer la mort de sonravisseur, et garder en lui-mme une parfaite lucidit, unserein quilibre. Nous lexigeons abattu, traumatis,dconstruit. La victime par principe, lternelle victime.

    Il faut quil ait se retrouver, se reconstruire. Telle est lavolont des psychiatres, telle est la Loi. L o elle a parl, laralit sefface. Ou elle sy conforme, ou elle est nie.Depuis quelque temps et de plus en plus, les psychologues,les psychanalystes imposent, toute occasion, ce dni; impo-sent leur loi, La Loi. Leurs diktats sur le rel, sur les videncesles plus sincrement prouves et affirmes, ont force de loi.

    La loi protge, la loi rpartit. Ceux qui sy conforment et ceuxqui la violent. Elle distingue les coupables et les victimes.

    Nagure car il y a peu de temps, en fait, que cela sestinflchi en ce sens, et la courbe na fait que saccentuer deplus en plus la loi sintressait surtout aux coupables. Ellea commenc se pencher sur les victimes. Depuis, quelleinflation, quel torrent !

    Remarquable illustration de cette existence non existanteentre vie et mort : la victime, tre en sursis, est la confirma-tion du bien-fond de la loi et de sa toute-puissance.

    Et puis, tout coup, Natascha Kampusch. Une victime vi-dente qui refuse de ltre1. Du moins de se reconnatre, dese proclamer telle. Qui, loin de chercher secours auprs dela Loi et de ses supporters, se maintient en elle-mme,garde son secret. Quelle stupeur universelle, quel scandale !

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    Cest tout juste si lon ne va pas crier Haro ! sur le baudet.Branle-bas de combat chez les paparazzi, rserve offusqueou pince des experts. Pas de transcendance de la Loi,voyons donc ! Ce nest pas tolrable. Elle est encore troptraumatise, a viendra.

    Mais non, a nest pas venu, et sans aucun doute, a neviendra pas.

    Pas de transcendance de la loi, comme on se plat dire etcomme on limpose. Pas de loi transcendante. Les lois,quand il en existe, ne sont toujours que les rapports (par-fois ncessaires, le plus souvent contingents) dcoulant dela nature des choses . On na jamais dit ni crit mieux queMontesquieu qui, on sen souvient, en avait tabli la for-mule. Et ce qui fait la beaut du cas de Natascha, cest queces rapports-l, en cette occasion, ne sont pas arrivs crerla victime tant attendue.

    Est-il permis dcrire sur Natascha Kampusch? Non, envrit ; ce droit nappartient qu elle-mme. La prudenceavec laquelle elle en a us laisse les journaux sur leur faim etleurs milliers de pages, gonfles de vent, scrouler commeun souffl qui retombe. peine est-il permis desprerquelle veuille bien crire, elle, quelque chose sur son extra-ordinaire aventure. Mais pourquoi, au fond? Par conve-nance, parce quon attend cela delle ? toute force, les psys , les mdias insistent : pour se rquilibrer, pour selibrer, pour sen sortir. Quand on en reparle, quand elleresurgit du silence, cest sans cesse la mme rengaine, et ilest possible quelle y cde. Elle aurait mme promis de lefaire pour venir en aide toutes les victimes passes, pr-sentes ou venir, dun tel sort.

    Quimporte ! Elle aura paru dans notre ciel comme unmtore, une toile filante. Seul restera son nom associ

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    2- Extraits de citationsprises larticle deClemens-Karl Hrle, Parmi les assassins ,Europe n 892-893,Aot-septembre 2003,p. 173. Extraits duntexte de IngeborgBachmann : Parmi lesfous et les assassins .

    cette nigme, cet cran souriant oppos une insistante, une obscne volont de savoir.

    Elle reprsente pour nous cest ainsi que je la veux, que jela proclame le refus de cder toutes les tentationsmdiatiques de lactualit. Lpaisseur, la profondeur, lesecret de la vie oppos aux marionnettes ou aux fantmes tl-visuels, ces images fragmentes ou floutes pour prserverun grotesque anonymat devant des confidences attendues.

    Je la dsire comme lemblme de la rsistance ces tru-quages, la complaisance abjecte, lme rcrite et impose.

    Me tromp-je? Peut-tre et sans doute, sil tait pour moiquestion de comprendre et dexprimer la vraie NataschaKampusch. Mais je ny prtends pas, justement. Je laprends comme un nom, Don Quichotte ou Pinocchio,propre nous rjouir, nous protger, contre la socitmenaante et en nous-mmes, contre les dangers et les ten-tations de ce monstre contemporain : ltre-victime.

    Je la prends comme la rare, quasiment miraculeuse excep-tion, lillustration ou lincarnation de ce quavait si bienproclam, peu avant sa mort tragique, et bien qucrit dansune intention et un contexte tout diffrent, IngeborgBachmann : Les victimes ne prouvent rien . De la victimenul na le droit de se rclamer . Ou la morale dbile des vic-times laisse peu esprer .

    Cest ce que, pour nous, pour moi, reprsente ce nom, arrach la prose sordide de lactualit, entrant dans lallgorse2.

    En regard, et pour complter, dans la mme veine, lallgo-risme du fait divers, et signant tout autant la droute despsychiatres, je choisis cette autre nouvelle plus rcenteconcernant le jeune tueur coren sur un campus deVirginie, en avril 2007. son propos, plus prcisment, laspculation trouve ses assises dans les crits mmes du

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    manieur darmes fanatis. Et il est combien remarquableque sa hargne, sa haine inexpiable contre la socit snoncecomme une vengeance lgard des pdophiles omnipr-sents ; coupables de transformer tous les enfants et adoles-cents en victimes. Je cite, daprs larticle que Libration luiconsacre, le 19 avril 2007. Ltudiant Cho-Seung-hui cri-vait des textes inquitants dit le journal ; textes qui, appa-remment, daprs ceux qui sont cits, taient des invectivesde thtre diriges contre des pdophiles imaginaires : unbeau-pre ( un vieux pdophile obse ), un enseignant qui a probablement viol la moiti des gosses de la classecomme le font tous les profs du secondaire . Une obsessionpour la pdophilie et la sodomie exprime en remarquesscatologiques , selon lauteur de larticle3.

    Certes, la lecture psychanalytique dun tel comportementsimpose, mme au plus profane. Mais il est important sur-tout de la renforcer par lemprise certaine des campagnesmdiatiques et dune lgislation qui partout dans le mondea rcemment tendu son filet, jusqu travailler les inti-mits mme, jusqu rcrire les mes, selon lexpression sifrappante de Ian Hacking.

    Ltudiant Cho-Seung-hui, dans son dlire de dnoncia-tion et de meurtre ne fait que traduire la flure qua opreen lui la Loi aussi meurtrire pour lui que pour ses vic-times. Sa monstruosit nest que lexaspration dune nor-malit, dun conformisme dautant plus redoutable, enloccurrence, quil sest couvert du masque de la rvolte.

    Doublement conformiste comme, ds 1975, peu avantson propre assassinat que commandait, au reste, sansdoute, des obsessions analogues, lcrivait Pasolini dans sesprophtiques Lettres luthriennes. Image de la jeunesseassassine et conforme, coupable de malheur , adonne la hargne et au ressentiment, Cho-Seung- hui est lenvers

    3- Philippe Grangereau,Libration, jeudi 19 avril

    2007, p. 8.

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    4- Pier Paolo Pasolini, Mais toi, Gennariello,rayonne , in Lettresluthriennes, traduit delitalien par Anna RocchiPullberg, Paris, Seuil,2000, p. 74.5- Le Monde, vendredi20 avril 2007, p. 4.

    de Natascha Kampusch dont limage respire la joie. Elle rayonne , selon les conseils donns par Pasolini au gracileGennariello4. Deux images complmentaires, deux orienta-tions possibles des forces autour de la flure, conduisant ladestruction ou la cration. Savoir tracer la voie de la joie, sur-monter le nihilisme qui se profile sous lgide effrayant de laLoi, pour notre jeunesse et pour nous tous, l est la question.

    Droute des psychiatres : du moins de ceux qui en sont opposer aux drives du dsir anarchique laction structu-rante de la Loi. Car cest bien la Loi, dans toute son outre-cuidance transcendante et son horreur assassine qui aguid, en son principe et son cur, le geste de Cho-Seung-hui. Loi divine et humaine, jugement de Dieu, nouveauChrist sacrifi qui encule la race maudite du mal. Jeninvente rien, la vrit tant, en loccurrence, plus belle etplus complte que toute fiction, que tout cas de figure .Elle en est un, et exemplaire. Grce vous je meurs commeJsus-Christ, pour inspirer des gnrations de personnes faibleset sans dfense , crit le jeune nergumne (ange ou dmon,quimporte?), dans son testament dont la presse vient desemparer. Avec, en prcision, ladresse de ceux et cellesquil allait revolveriser : Votre Mercedes ne suffisait pas,vous, les enfants gts. Vos colliers en or ne suffisaient pas, vous,les snobs. Vos fonds dinvestissement ne suffisaient pas. Votrevodka et votre cognac ne suffisaient pas. Toutes vos dbauchesne suffisaient pas. Cela ne suffisait-il pas pour satisfaire vosbesoins hdonistes. Vous aviez tout .5

    Le mme qui se plaisait crire, dans une des sayntes ga-lement publies : Pourquoi je suis en colre ? Parce que tu astu mon vrai pre pour pouvoir aller dans les jupons de mamre Tu veux que je tenfonce cette tlcommande dans lecul ? Ten es mme pas digne; elle vaut 5 dollars ; ou, par-lant dun enseignant : il ma viol le trou du cul . En

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    6- Dj mis contribu-tion avec la Neuvime

    symphonie, dansOrange mcanique, par

    Stanley Kubrick, lepauvre Beethoven nen

    peut mais dtre prispour le musicien des

    fous meurtriers!

    conformit aux fantasmes sociaux en cours, intriorissjusqu la mort, celle dautrui et la sienne propre.

    Non, ce nest plus la Loi oppose au dsir, mais la Loi ven-geresse devenue dsir. Vrifiant impeccablement la saisis-sante formule qui est au centre de Lanti-dipe, et dont jeme permets de rappeler ici lnonc : La production socialeest uniquement la production dsirante elle-mme dans desconditions dtermines . Chez cet gar si conforme, si nor-matif, le champ social et le dsir sont devenus coextensifs.Sa vengeance est la commune mesure de son intriorit etdu monde do elle a merg. Elle nest que lexpression deceux qui vont se complaire la condamner, la dplorer, en porter le deuil. Cest la mme. Lil embu, derrire lesverres de ses lunettes, que ce visage dange maudit porte surnous, lecteurs, est le regard de cette Amrique qui, combien plus vaste chelle, sest voulue, elle aussi, lexcu-trice du jugement de Dieu.

    Dans les deux cas, le criminel le voleur denfant et lefusilleur de 32 personnes sest donn la mort lui-mme, suicid de la socit . Il ny aura pas de procs. Restentseules nos lancinantes interrogations.

    Coda On songera, videmment, Elephant, le beau filmde Gus van Sant (USA, 2003), avec ses assassins ang-liques, tout en se demandant sil suffit, pour la prsentationplausible dun acte qui dfie tous les repres, de coudreensemble en un patchwork, jeux vidos, images des dliresnazis, trop grande facilit de commande et de livraisondarmes, une homosexualit pudique de collgiens, et lenostalgique pour Elise de Beethoven6, sans fouiller au curmme de la plus profonde collusion de la Loi avec le crime.

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