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Marie-Claude Bérot CLARA ET MARTIN Extrait de la publication

Clara et Martin

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Marie-Claude Bérot

CLARAET MARTIN

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CLARAET MARTIN

Marie-Claude Bérot

ILLUSTRATION : Daphné COLLIGNON

Je savais que la chimiothérapie pouvait faire tomber

les cheveux. Mais il y avait des choses que je ne

voulais pas entendre. J’ai posé ma main sur ma tête et je l’ai

laissée descendre comme une longue caresse. J’ai recom-

mencé, et la main de Martin s’est posée sur la mienne. »

lara a onze ans quand sa vie de casse-cou s’arrête

brusquement. Elle apprend qu’elle est atteinte

d’une leucémie, une maladie grave qui l’oblige à passer

beaucoup de temps à l’hôpital. Elle découvre un nouveau

monde, de nouveaux mots, et surtout rencontre un nouvel

ami, Martin. Avec lui, Clara peut partager les moments de

joie et les périodes d’abattement. Avec lui, Clara se sent

plus forte.

C

DÈS 11 ANS

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CLARA ET MARTIN

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© Castor Poche Flammarion, 2004© Flammarion pour la présente édition, 2011

87, quai Panhard-et-Levassor – 75647 Paris Cedex 13ISBNþ: 978-2-0812- 93489

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MARIE-CLAUDE BÉROT

CLARA ET MARTIN

Flammarion Jeunesse

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Aux enfants malades et à ceux qui les soignent.

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CHAPITREÞ1

a sale maladie avait commencé un 3þmai.Je me souviens bien de la date parce quela veille c’était l’anniversaire d’Aurélie.

Ses parents qui sont trop gentils nous avaient laisséleur maison tout entière jusqu’à dix heures du soir.Et tout ça sans nous surveiller, ni rien. En nous fai-sant complètement confiance.

M

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Les onze ans de ma meilleure copine, j’étaissûre, ce jour-là, qu’ils resteraient dans ma mémoirejusqu’à la fin de ma vie tellement je m’étais bienamusée. Julien s’était fait plus beau que jamaispour l’occasion. Il avait mis une telle couche de gelsur ses cheveux que même le vent qui soufflait detoutes ses forces n’avait pas réussi à en soulever unseulþ! On avait tous dansé ensemble en faisant unsacré raffut. Une soirée passée à rigolerþ! Vraimentune jolie fêteþ! Et puis, c’est ce soir-là que Julienavait choisi pour me faire un bisou derrière

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l’oreille, à l’endroit où ça donne plein de petitsfrissons.

J’avais de bonnes raisons de me souvenir de cetanniversaire… J’avais onze ans, comme Aurélie, etje ne pouvais pas deviner que ma vie de fille plutôtcasse-cou allait s’arrêter brusquement.

Après cette belle soirée je m’étais endormiecomme une masse. Le lendemain, mercredi, jedevrais passer ma journée au centre aéré. J’étaisplutôt contente d’y aller, surtout depuis que nousavions formé une équipe de rugby féminine dontj’étais le capitaine. Il faut dire que dans le Sud-Oueston est tous des fous de rugbyþ! Ce n’est pas pourrien que notre ville a été, je ne sais plus combien defois, championne de France. Ma grand-mère metrouvait un peu garçon manqué. Julien n’avait pas

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l’air de penser la même chose, ou alors c’était juste-ment pour ça qu’il m’aimait, parce que j’étaiscapable de jouer aux mêmes jeux que les garçonsþ!

Le mercredi matin, encore à moitié endormie,j’avais laissé couler l’eau dans la salle de bains sansprendre la peine d’entrer dans la baignoire. Etj’avais enfilé mes vêtements machinalement, saufmon short que je bichonnais parce que c’était celuide l’équipeþ: violet et rose – les deux couleurs quireprésentent le mieux notre ville.

C’est au moment où j’ai remonté ce short rose etviolet que je les ai remarquées…

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Mes jambes étaient couvertes de taches bleuescomme si on m’avait donné de grands coups debâton. D’abord ça m’a fait rireþ: des bleus, tout lemonde en a.þEt puis je me suis souvenue que j’avaissauté depuis la branche du cerisier chez Aurélie,juste à l’instant où Julien passait dessous, et qu’onavait roulé tous les deux dans l’herbe en rigolant.Julien disait à tout le monde que je n’étais pas unefroussarde, mais il fallait de temps en temps que jele lui prouve.

Maman est entrée à ce moment-là dans ma chambreet ses yeux se sont dirigés sur le bas de mon corpscomme si les taches bleues avaient attiré son regard.

—þMais ce n’est pas possible une fille pareilleþ!Tu as dégringolé les escaliers ou quoiþ?

—þNonþ! j’ai répondu calmement, j’ai sauté d’un

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arbre.—þTu as eu très malþ?—þPas du toutþ!Que je n’aie pas eu mal du tout a eu l’air d’alar-

mer maman bien plus que si je lui avais annoncéque je m’étais tordue de douleur.

—þTu ne vas pas aller au centre aéré avec çaþ!Je me suis mise en rogneþ:—þJe peux pas manquer aujourd’hui, on a entraî-

nementþ!—þJe vais d’abord t’emmener chez le docteur, on

verra ensuite.

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—þChez le docteur, pour des bleusþ? Il va semoquer de nousþ!

—þOn verra bien.Elle est sortie de ma chambre pour aller préparer

mon petit déjeuner et celui de ma sœur que j’enten-dais rire dans la cuisine.

Je me souviens exactement de tout ce qui s’estpassé ce matin-là, du plus petit geste, de la moindreparole, comme si depuis je n’avais plus cessé de mepasser le film.

Après avoir ri, Justine a pleurniché parce qu’ellea la frousse dès que l’on franchit la porte d’un cabi-net de médecin.

—þArrête, a dit maman, sur le ton de l’énerve-ment le plus grand, ce n’est pas pour toiþ!

Et moi je lui ai flanqué une petite baffe en douceparce que je n’étais pas de bonne humeur non plus.

Ça l’a calmée aussitôt.
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CHAPITREÞ2

ustine feuilletait un livre, assise par terre dansun coin du cabinet médical, sans dire un mot.On entendait parfois un soupir, mais c’était un

soupir de satisfaction. Elle savait que si on ne l’avaitpas hissée sur la table on ne se mêlerait pas de l’exa-miner. Et elle faisait le moins de bruit possible pourse faire complètement oublier.

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Le docteur n’avait même pas levé les yeux surelle. Mes jambes paraissaient l’intéresser biendavantage. Il ne ressemblait pas au médecin qu’ilétait d’habitude. Il ne me taquinait pas. Je le trou-vais vraiment bizarre. Maman se taisait et suivaittous ses mouvements avec inquiétude. Ce silencecommençait à me flanquer la trouille à moiaussi.

Au bout d’un long moment, il a décidé qu’onallait me faire des analyses de sang dès le lende-main matin.

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Maman a demandé doucement, avec la voix queje prends lorsque je veux que l’on cède à mescapricesþ:

—þVous pensez à quoi, docteurþ?Il a souri – en principe il fait ça pour rassurer

Justine lorsqu’il s’approche d’elle une seringue à lamain – et il a ditþ:

—þAttendons le résultat des analyses, nousl’aurons très vite.

Il a ouvert la porte de son cabinet et nous a pré-cipitamment poussées dehors comme si la visiteavait trop duré.

On s’est retrouvées sur le trottoir toutes les troisun peu ahuries. Justine continuait à se taire etmaman aussi. Alors j’ai lancéþ:

—þJ’y vais au centre, oui ou nonþ?

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—þTu n’y vas pas, a répondu maman en mepassant très lentement la main dans les cheveux.

J’ai râlé pour la forme, je me sentais brusque-ment fatiguée, à croire que la visite chez le médecinm’avait rendue malade.

C’est le moment qu’a choisi Justine pour se casserla figure en marchant dans le caniveau. Maman l’arelevée d’un coup sec sans un mot de consolationpour son bébé chéri… c’est le nom qu’elle donne àma sœur, qui est encore toute petite, lorsqu’elle mecroit assez loin, sans se douter que j’entends quandmême. Cette Justine m’embêtait. Le plus souvent, elle

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m’embêtait. Il fallait que je la garde, quand j’auraispréféré aller jouer avec mes copines… Je devaissouvent me taire la première quand on se disputait,parce que j’étais la plus grande… Bref, elle m’agaçaitþ!J’aurais aimé avoir un grand frère, ou être filleunique comme Aurélie. Je pensais que c’était biend’être fille unique et forcément la préféréeþ: c’est unechose que j’ai pensée pendant cinq ans…

Je ne sais pas ce que maman a raconté à papa,mais c’est lui qui m’a conduite au laboratoire pourla prise de sang.

Dès le lendemain soir, mes parents sont partisensemble chez le médecin chercher les résultats, enme laissant la garde de Justine sans me faire leshabituelles recommandations.

À leur retour, avant même qu’ils ouvrent labouche, j’ai senti que je basculais, comme lorsqu’en

rêve on tombe dans un trou. Leur visage avaitchangé. Ils se ressemblaient tous les deux pour lapremière fois de leur vie à cause de la couleur blan-châtre de leur visage.

J’ai compris sans avoir besoin des mots que ceque j’avais attrapé était une maladie grave. Et demoi-même je me suis éloignée de ma petite sœurpour ne pas la lui passer.

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CHAPITREÞ3

avais une leucémie. Mes parents m’ont dit cequ’ils savaient de cette maladie sans que j’aieà les supplier. J’ai retenu d’abord que ce n’était

pas une maladie contagieuse. Ça m’a rassurée pourJustine. Moi qui croyais ne pas trop aimer masœur… moi qui rouspétais tout le temps après elleparce qu’elle me cassait les pieds avec ses jeux de

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bébé… voilà que je me mettais à vouloir la protéger.Et puis elle avait tellement peur des docteurs et despiqûresþ!

Dès le lendemain, j’étais à l’hôpital. Et là, j’aidécouvert un pays inconnu. Je n’exagère pas. Onaurait pu se croire sur la planète Mars. Tous ceuxqui entraient dans ma chambre ressemblaient à desastronautes. Papa et maman s’étaient sûrementtrompés en assurant que ma maladie n’était pascontagieuse, et j’avais peut-être la lèpre ou la pestecomme au Moyen Âgeþ! Mais on m’a vite expliqué

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que c’était moi que l’on préservait et non les autres.Je ne devais pas attraper le moindre microbe.Maman et papa, qui entraient dans ma chambred’hôpital, avaient droit au même déguisement queles infirmières. Et ce qui a été le plus dur au début,c’était de ne plus sentir les lèvres de mes parentssur mes joues. Leur bouche était bâillonnée par unmasque. Il n’était pas question de voir Justine, niAurélie, ni Julien. Les enfants, comme les chats,donnent plus de maladies que les adultes.

J’allais apprendre un tas de mots nouveaux queje n’oublierais plusþ: asepsie, cathéter, ponctionsternale… et tellement d’autres qu’il me faudraitplusieurs pages pour les écrire. Même mon vieuxnounours avait dû être aseptisé pour arriver jusqu’àmoi. Impossible de retrouver son odeur. Je l’avais

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gardé sans crainte que l’on se moque de moi. Ici, aupays des astronautes, personne n’était moqueur, niméchant, ni triste. Les yeux des infirmières, desaides-soignantes, des médecins riaient tout letemps. Bien sûr, on ne pouvait pas voir ce que fai-sait leur bouche puisqu’elle était cachée, mais leursyeux, eux, riaient.

Les premiers jours ont été un peu pénibles, àcause des piqûres de toutes sortes. Je commençaisà comprendre la peur de Justine. Il valait tout demême mieux que ce soit moi qu’elle… encore que

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certains jours, les mauvais jours, je l’enviais telle-ment de ne pas être à ma place.

Et puis il a bien fallu commencer la chimioþ!Parce que si la leucémie n’est pas vraiment un can-cer, ça lui ressemble beaucoup. C’est pas marrant lachimio, ça rend un peu patraque, mais ce qu’il y ade bien dans ce traitement, c’est qu’une fois termi-née la séance on m’avait promis que je rentrerais àla maison jusqu’à la prochaine.

Je n’aurais jamais cru, moi qui aimais tant partiren vacances, que revenir dans sa maison pouvaitprocurer un tel bonheur. Et puis il n’était plus ques-tion d’asepsie. À condition de ne pas trop fréquen-ter les gens enrhumés. Mais ça, tous mes copainsl’avaient compris ou on le leur avait expliqué.

Justine me regardait, et ses grands yeux gris

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étaient comme extasiés. Ses grands yeux gris sibeaux qui me faisaient tellement envieþ! Je n’admet-tais pas facilement que les lois du sort m’aient attri-bué les yeux sombres de mon pèreþ! Pour ma petitesœur, j’étais devenue une sorte d’ange ou de sor-cière qui pouvait vivre, sans pleurer jamais, aumilieu de ces redoutables docteurs… Elle restait desheures à me contempler et elle me parlait tout bas,comme au cinéma quand le film est commencé.Je ne savais pas ce que mes parents lui avaientraconté, mais cela me plaisait assez de l’impression-ner à ce point.

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Aurélie était venue la première. Elle aussi avaitchangé, plus du tout la même. Pas un mot pour mefaire enrager, rien que de la douceur. Au bout dedeux heures, je l’avais trouvée horripilante cettenouvelle Aurélie. Avant on était de vraies copinesqui nous chamaillions tout le temps en essayantchacune d’avoir le dernier mot. Si j’avais tous lesdroits, ce n’était plus amusant du tout. Alors, jem’étais allongée sur mon lit, et tant qu’à être consi-dérée comme une grande malade, j’avais joué lagrosse fatigue pour qu’elle s’en aille, oui, pourqu’Aurélie s’en ailleþ! Moi non plus je n’étais pluscomme avant.

Il a fallu que j’attende toute une semaine pourque Julien se décide à venir me voir. J’en rêvais nuitet jour mais je n’osais rien dire. Ça fait toujours un

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peu honte quand ceux que l’on aime vous oublientþ:surtout lorsqu’il s’agit de votre premier vrai amou-reuxþ! Mais quand il a été là, tous mes rêves se sontenvolés. Disparu le Julien de l’anniversaire. Il n’étaitmême plus beau. Pour être beau, il fallait qu’il rie,Julien. Et là, pendant tout le temps passé avec moi,je ne l’avais pas vu sourire une seule fois. Il avait latête de celui qui s’ennuie terriblement et qui ne saitque faire de ses dix doigts, sinon les regarder àl’endroit et à l’envers.

Très vite, il était reparti comme si je lui faisaispeur. Et pour la première fois depuis le début de ma

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TABLE DES MATIÈRES

Chapitreþ1................................................................... 9Chapitreþ2................................................................... 13Chapitreþ3................................................................... 17Chapitreþ4................................................................... 23Chapitreþ5................................................................... 29Chapitreþ6................................................................... 33

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Chapitreþ7................................................................... 37Chapitreþ8................................................................... 41Chapitreþ9................................................................... 45Chapitreþ10 ................................................................ 49Chapitreþ11 ................................................................ 53Chapitreþ12 ................................................................ 57Chapitreþ13 ................................................................ 61Chapitreþ14 ................................................................ 65Chapitreþ15 ................................................................ 71Chapitreþ16 ................................................................ 75Chapitreþ17 ................................................................ 79Chapitreþ18 ................................................................ 83

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Chapitreþ19................................................................. 87

Marie-Claude Bérot.................................................. 91Daphné Collignon.................................................... 93

Dépôt légalþ: octobre 2011N°þd’éditionþ: L.01EJEN000707.N001

Loi n°þ49-956 du 16þjuillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse

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