39
Journée d’étude de la DGAFP - DIRE du 27 novembre 1998 Comment piloter le changement dans l’administration ? - Compte-rendu - SOMMAIRE Présentation de la journée, par Geneviève Jestin Première partie : le contexte et les enjeux 1.Les éléments de contexte du changement de l’administration Exposés de : - Jean-Michel Charpin - Dominique Genelot - Pierre Calame 2. Les enjeux de l’adaptation du rôle et des modes d’intervention de l’État Exposés de : - Jean-Baptiste de Foucauld - Gilbert Santel Deuxième partie : éléments pour l’action (échanges en ateliers) La pression de l’environnement comme déclencheur du changement Le portage du changement Les réseaux d’intelligence au service du changement La communication au service du changement La formation au service du changement

Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

Journée d’étude de la DGAFP - DIRE

du 27 novembre 1998

Comment piloter le changement dans l’administration ?

- Compte-rendu -

SOMMAIRE Présentation de la journée, par Geneviève Jestin Première partie : le contexte et les enjeux 1.Les éléments de contexte du changement de l’administration

Exposés de :

- Jean-Michel Charpin

- Dominique Genelot

- Pierre Calame 2. Les enjeux de l’adaptation du rôle et des modes d’intervention de l’État

Exposés de :

- Jean-Baptiste de Foucauld

- Gilbert Santel Deuxième partie : éléments pour l’action (échanges en ateliers)

La pression de l’environnement comme déclencheur du changement

Le portage du changement

Les réseaux d’intelligence au service du changement

La communication au service du changement

La formation au service du changement

Page 2: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

Les outils de pilotage et les systèmes d’information et de suivi au service des objectifs stratégiques du changement

Conclusions de la journée Mise en perspective des conclusions des ateliers, par Jacky Richard

Conclusion générale, par Marc Cabane Annexes

Note de problématique

Biographie des intervenants

Bibliographie

Fiches techniques d’atelier

PRESENTATION DE LA JOURNEE

par Geneviève Jestin (chargée de mission à la DIRE, administrateur civil hors classe)

De nouveaux objectifs assignés aux journées d’étude

Cette journée d’étude sur le pilotage du changement dans l’administration est la première à s’inscrire dans la nouvelle dynamique d’animation de la réforme. Elle correspond à une conception plus globale et plus harmonisée des divers aspects du changement.

Ces objectifs, quels sont-ils ?

procurer des éclairages et des informations de haut niveau sur les grands thèmes et les chantiers de la réforme de l’État ;

faire connaître et comprendre plus largement le sens, les initiatives et les actions en cours dans le champ de la réforme de l’administration et plus largement des services publics ;

ouvrir à cette occasion le débat et la réflexion sur les problématiques de fond et les démarches de mise en œuvre de la modernisation ;

être un lieu d’élaboration d’une culture partagée, à travers les interventions et le travail en ateliers ;

Page 3: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

contribuer à la consolidation de la communauté professionnelle des acteurs du changement dans les administrations.

En 1999, la DIRE s’efforcera d’aller plus loin, en ouvrant la voie à des comparaisons et des échanges internationaux sur les différents thèmes abordés, en associant aux débats des représentants du monde de la recherche et en ouvrant plus largement la possibilité de participation à ces journées à des représentants d’établissements et d’entreprises publics, de collectivités locales, d’associations concourant au service public...

Le programme de la journée

Cette journée a suscité le plus grand intérêt dès la diffusion du programme détaillé. C’est ainsi que près de 200 personnes ont manifesté leur souhait d’y participer (ce qui est une première).

Quelle est la philosophie qui a inspiré le déroulement de cette journée d’étude consacrée au pilotage du changement ?

La matinée a pour objet tout d’abord d’apporter différents éclairages sur le contexte et les enjeux du changement selon deux grands axes :

le premier va de la mondialisation et des grands phénomènes économiques, sociologiques et technologiques au sens que peut revêtir le changement de l’administration en termes de cohésion sociale et de citoyenneté, en cohérence avec les valeurs du service public (Jean-Baptiste de Foucauld, Michel Charpin) ;

le deuxième axe, transversal, aborde d’une part le thème de la complexité (Dominique Génelot), d’autre part celui de la relation entre les diverses logiques de territoire et les modes d’action publique (Pierre Calame).

C’est Gilbert Santel, directeur général de l’administration et de la fonction publique et délégué interministériel à la réforme de l’État, qui resitue ensuite ces éléments de réflexion dans la perspective et les orientations de la réforme de l'État.

Les ateliers de l’après-midi répondent à la préoccupation de concilier l’analyse et la synthèse des " ingrédients " et des ressorts du changement :

la définition et la conduite des démarches de changement dans l’administration, comme dans toute structure, touche à toutes les composantes des organisations concernées, ainsi qu’à plusieurs disciplines professionnelles. La difficulté consistait donc à approfondir chacun des aspects essentiels qui concourent à la réussite de la modernisation, sans perdre de vue la nécessité de créer une dynamique d’ensemble ;

les 6 ateliers retenus sont des moments d’échanges, contribuant à dégager des éléments de réflexion susceptibles d’être utiles à tous dans la conduite des actions.

Jacky Richard met en perspective les réflexions issues des ateliers. Marc Cabane, chef de mission à la DIRE, conclut la journée en tirant les enseignements généraux.

Page 4: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

PREMIERE PARTIE DE LA JOURNEE

LE CONTEXTE ET LES ENJEUX DU CHANGEMENT DANS L'ADMINISTRATION

1. Les éléments de contexte du changement de l’administration

Jean-Michel Charpin

La mondialisation, les évolutions sociologiques, les changements dans l’organisation du travail

L’économie mondiale est devenue au cours de ces dernières années plus compétitive, plus sélective, voire à certains égards plus élitiste. A l’exemple de Microsoft, des entreprises ont conquis des positions dominantes au niveau mondial. La comparaison avec les tournois de tennis vient à l’esprit, il n’y a plus de championnat local qui récompense les champions locaux, ce sont les meilleurs joueurs mondiaux qui raflent partout la mise.

L’impératif de la compétitivité s’impose d’autant plus aux acteurs économiques que de nouveaux concurrents sont apparus (les pays émergents) et que les évolutions technologiques introduisent de nouvelles logiques, remettant en cause des positions acquises, accélérant le transfert de l’information. L’une des premières conséquences observables est l’accentuation des écarts de revenus entre catégories et entre individus.

Si on accepte cette vue que la principale évolution qui s’est produite dans l’économie mondiale tient en l’accentuation considérable de la concurrence sur l’ensemble des marchés, il est clair que l’administration s’est trouvée en porte-à-faux. L’administration a ses propres qualités mais elle n’a jamais eu les qualités pour survivre dans un monde concurrentiel : elle n’a pas d’avantages particuliers quand il s’agit de réduire les coûts, de s’adapter au changement ou d’avoir des capacités d’initiative.

Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en tirer les enseignements utiles pour le pilotage du changement dans l’administration.

Deux exemples :

Dans le cas des nouvelles technologies de l’information, l’administration peut rapidement rattraper son retard. Les évolutions allant tellement vite, le secteur privé ne peut consolider son avance. Les grandes bases de données ont fait des progrès considérables qui ont un impact sur toute la chaîne de production, la réorganisation du travail s’est effectuée autour de la messagerie électronique ..., l’administration doit pouvoir s’inspirer pour beaucoup de ce qui s’est fait.

En matière de contrôle de gestion, le pilotage du changement suppose la connaissance des coûts internes, l’administration française est encore loin de cette connaissance.

La réforme administrative est en Europe comme en Amérique un chantier extrêmement actif. Partout, l’administration est confrontée à l’exigence plus forte des usagers. On voit poindre la menace du refus de l’impôt. Un constat : la réforme est généralement plus tonique dans les pays étrangers qu’en France,

Page 5: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

pays où elle donne l’impression d’être lente et triste. Il est très difficile de faire bouger quoi que ce soit (et l’Etat en particulier) sur le mode de la prescription d’huile de foie de morue ; des exemples étrangers montrent au contraire que le côté tonique joue beaucoup dans le succès (sans pour autant chercher à masquer l’aspect douloureux de la réforme, ainsi au Canada, où une réforme ambitieuse et dynamique s’est traduite par la suppression de postes de fonctionnaires).

La réforme de l’administration, par rapport au contexte décrit de compétition mondiale, apparaît comme absolument décisive, pour plusieurs raisons :

les charges financières que l’administration entraîne pour le reste de l’économie ;

l’importance pour la compétitivité globale des prestations que l’administration fournit aux citoyens et aux entreprises ;

le rôle déterminant des administrations centrales dans la qualité de la réglementation et plus généralement dans l’environnement juridique et institutionnel des acteurs économiques.

Le problème de fond du pilotage du changement dans l’administration ne semble relever ni complètement de l’ordre du comment, ni de celui du pourquoi. Il tient des deux à la fois. Comment créer les incitations des acteurs pour qu’ils prennent en charge ce pilotage du changement dans l’administration ?

Dominique Genelot

La complexité, opportunité et défi

L’incertitude est le lot commun de tous les domaines d’activité. La complexité (qui est à définir comme la difficulté à maîtriser quelque chose de façon volontariste), a toujours existé, mais dans notre monde elle ne fait que croître sous l’effet de quatre impacts : la mondialisation, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, l’ensemble des phénomènes de dérégulation et plus globalement la crise des modèles. Tous ces modèles (modèles économiques, sociétaux, politiques etc.) que les hommes avaient imaginés pour organiser leur société et pour travailler entre eux sont en train de craquer et nous n’en avons pas encore réinventés.

Complexité et systèmes complexes

La complexité, c’est ce qui relève de l’imprévisible, du non-maîtrisable, de ces systèmes de causalité multiples et rétroactifs ... qui font qu’il est très difficile d’agir. Cette notion est à distinguer de la complication : les systèmes compliqués sont faits de nombreux paramètres (ex. système de navigation aérienne, une centrale nucléaire ...), les systèmes technologiques sont compliqués mais on arrive à les maîtriser avec du temps, des moyens ... A titre d’exemple, l’administration réussit à maîtriser des systèmes compliqués tels que le Code des impôts ou les technologies nouvelles.

Le paradoxe est que dans le même temps que notre société met au point des systèmes de plus en plus compliqués mais maîtrisés, se développe cette complexité dans des pans entiers de notre vie que nous n’arrivons pas à maîtriser. L’administration n’y échappe pas.

Comme dans les autres organisations, l’imprévisible, le non maîtrisable doivent être saisis comme une opportunité, une chance. Il devrait en découler de grandes possibilités pour construire. Imaginons un seul moment que le monde est prévisible, ce serait la définition de l’enfer ! Nous n’arriverions plus à poser aucun acte humain pour construire.

Page 6: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

L’incertitude est donc une grande chance à saisir. En même temps c’est un défi.

Premier défi : prendre conscience de nos systèmes de représentation

La réalité qui nous environne, nous la percevons à travers nos représentations mentales individuelles puis progressivement elles sont partagées et collectives. Ces représentations mentales ne sont pas la réalité, elles ne sont même pas le reflet de la réalité. Or toutes nos actions, nos décisions pour orienter un changement, pour prendre en charge un problème, pour orienter une nouvelle politique, nous les prenons sur la base de ce que nous pensons être la réalité.

Une illustration scientifique : des chercheurs en neuroscience (Francisco Varela) ont mesuré les signaux qui se transmettent dans le cerveau lorsque nous regardons, 20% des signaux viennent de la rétine, 80% viennent du cortex, c’est-à-dire d’une zone d’intelligence déjà construite. La représentation d’une image que je me fais est déjà à 80 % construite, réinterprétée par des modèles que j’ai déjà en moi-même. Il est bien évident que dans la perception des phénomènes sociaux, c’est encore pire. Tous, nous voyons ces phénomènes à travers nos propres systèmes d’interprétation.

Trois éléments de conditionnement viennent se combiner pour former notre système d’interprétation :

Le premier, c’est tout ce qui est déjà inclus en nous par notre culture ou notre formation, ce sont tous les paradigmes culturels sous-jacents que nous avons intégrés et qui nous préconditionnent ; nos actions, nos choix sont ainsi en grande partie préformatés par tout cet ensemble culturel ... Nous sommes des machines à produire du non-changement.

Ce sont les contextes dans lesquels nous vivons au jour le jour. Un élément de tonicité (Pierre Charpin l’a suggéré) serait d’aller voir à l’extérieur, non pas pour copier et singer ce qui se fait dans le privé mais pour élargir le cadre de notre vision et nous rendre compte de ce qui nous entoure.

C’est la vision des enjeux que nous nous faisons, des finalités poursuivies, du futur désirable ; les psychanalystes nous parleraient du désir, c’est-à-dire de tout ce qui nous anime vers le futur ; nous parlerons en ce qui nous concerne de projet commun, d’enjeux du changement ... Il est très important de parler ensemble de ce futur qui nous anime, une nation qui ne sait plus le faire est une nation éteinte.

Deuxième défi : changer de paradigme, changer les références de base de nos systèmes de pensée

Nos organisations ont été construites sur les croyances du positivisme. Tous les systèmes issus de cette philosophie ont échoué. Les choix pré-formatés sont à bannir. La logique d’invention doit au contraire se substituer à celle de planification, la logique de processus à celle de cible.

Troisième défi : organiser la délibération commune, construire ensemble

La première thérapeutique est d’aller voir ce qui se fait ailleurs, la deuxième est de construire de l’intersubjectivité en cherchant à faire partager la vision, en développant les réseaux.

Par subjectivité, j’entends que le sujet est capable de dire "je actif" (je fais ceci, je constate cela ...). Le changement ne peut se faire que si les sujets (les personnes qui disent "je") sont partie prenante.

Page 7: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

Toute la difficulté est de construire des processus de délibération collective entre les agents, le responsable ... Il faut construire des systèmes pour que les différents sujets voient qu’ils sont porteurs d’un désir mais aussi d’un contexte qui leur est propre.

Aujourd’hui, jour de grève, le contexte de celui qui habite en banlieue et qui doit se rendre à son travail n’est pas le même que celui de l’agent SNCF qui se met en grève. Comment organiser la délibération entre ces gens-là pour inventer autre chose, c’est cela la grande difficulté.

Alors qui doit piloter la démarche ? Evidemment, les responsables du plus haut niveau ont à assumer une partie de cette responsabilité, ils n’ont surtout pas à le faire dans une logique de cible mais dans une logique de processus. Ce n’est pas en effet à eux de dire quelle est la bonne cible : " voilà ce qui est bon pour vous parce que moi qui ai le pouvoir je le sais pour vous ". Après l’on dit que les gens résistent au changement ! Nous résistons tous au changement qui est décidé par d’autres.

Conclusion La responsabilité majeure des dirigeants dans la conduite du changement est d’organiser les processus de délibération et non pas de décider à la place des agents.

Pierre Calame

l’appartenance des citoyens à divers espaces et réseaux et ses conséquences sur les formes, les niveaux et les conditions d’exercice de l’action publique

Comment conduire le changement dans l’action publique ?

Débattre du comment suppose que l’on sache quel changement conduire.

Face aux bouleversements sociaux de cette fin de siècle, on voit se développer des processus en réseaux, fondés sur l’échange, reliant très puissamment le local et le global. Le Forum de Davos qui est une initiative complètement privée en est l’une des illustrations. En Afrique francophone, on assiste à des modalités de négociation qui se basent sur des chartes de concertation, les quartiers pauvres se connectent entre eux. Des appels au boycott de produits ou de firmes se concrétisent ; des firmes se plient aux demandes d’organisations écologiques (exemple de la plate-forme Shell) quand bien même la campagne d’opinion se base sur de fausses informations.

Les citoyens sont dans plusieurs réseaux à la fois. Ils comprennent bien qu’ils sont dans plusieurs espaces à la fois.

On assiste à la sortie rapide des systèmes pyramidaux. Dans l’exemple de la France, l’effritement des corps intermédiaires est important.

L’action publique a pris un retard conceptuel phénoménal. Elle continue à établir une coupure radicale entre le " politique " supposé détenir le monopole du sens et " l’administratif ". La situation est celle de crise : crise des échelles, crise des formes d’action, crise dans la nature des objectifs. On ne traite pas les problèmes de demain avec les idées d’hier et les institutions d’avant-hier. La crise politique est aussi profonde que la crise administrative. Le système public n’a jamais été aussi illisible. Chacun fait campagne sur des sujets dont il n’est pas maître, tous les niveaux s’intéressent à la même chose. L’exemple le plus patent est celui de la décentralisation.

Page 8: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

La conception de l’État est une exception française. Cette construction historique aboutit à confondre étatisme et gestion publique. L’idée d’une fonction publique de carrière est perçue de l’étranger comme une anomalie.

Il y a nécessité d’un double réinvestissement des individus. Comment retrouver une capacité de gestion de la complexité si l’on n’accepte pas de considérer les gens comme des sujets ?

Le changement de référentiel implique les acteurs eux-mêmes. Comment répondre au désir de sens de l’agent de base du service public ? Cela n’a rien à voir avec la modernisation instrumentale. On doit penser l’administration comme un élément plus vaste de la gouvernance. La notion de partage des compétences est à remplacer par celle de compétences partagées.

Trois pistes de fond constituent le Meccano de la gouvernance :

plus de diversité, plus d’unité à la fois ;

les solutions sont uniques, les questions sont constantes ;

aucun problème vrai de la société ne peut être résolu à un seul niveau.

Il en résulte un grand besoin d’articulation, par obligation de résultats. Il est indispensable que l’État apprenne à dialoguer et à travailler en partenariat. L’intersubjectivité nécessite de construire des processus délibératifs.

2. Les enjeux de l’adaptation du rôle et des modes d’intervention de l’État

Jean-Baptiste de Foucauld

le renouvellement du contrat social entre l’État et la société (cohésion sociale et sens du changement de l’administration, notion de responsabilisation et rééquilibrage des droits et des devoirs, ...)

"La réforme de l’État est à l’ordre du jour et le restera". Pourquoi veut-on changer ? Tant que cela reste une volonté de la caste dirigeante, la réforme a peu de chances d’aboutir. Il faut que cela vienne de la base. Or cette base éprouve une grande méfiance, parce que le sens de la réforme n’est pas suffisamment partagé.

Les Français ont une propension naturelle à tout déprécier et à ne pas reconnaître les éléments positifs qui existent dans les évolutions de l’administration. Les changements qui ont eu lieu touchent des activités ou des domaines aussi variés que l’informatique, l’accueil, la décentralisation, l’équipement, la Défense ou les grands services publics (tels que La Poste ou France Telecom). Il y a par conséquent des éléments positifs. Mais ceux-ci ne sont pas suffisants. On doit aller plus loin.

On peut dire qu’aujourd’hui l’État français est l’homme malade de l’Europe. Il a beaucoup moins évolué que les autres États en Europe, et c’est devenu un problème pas seulement pour la France mais pour l’ensemble de l’Europe. Le rythme de changement est insuffisant. La lourdeur de l’État est bien là, et la réforme s’y empêtre. Le principal problème réside dans le décalage de rythme. A titre d’exemple, alors que la politique des effectifs est à construire, on gère

Page 9: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

au court terme ; les façons de réduire les effectifs sur injonction budgétaire sont d’un autre âge ; les effectifs ne sont pas déployés au bon endroit, voilà le problème principal.

Quelles sont les raisons profondes de changer ? Elles sont à la fois sociétales, économiques et morales.

Des raisons sociétales

Nous devons éviter d’avoir une administration qui ait un mode de fonctionnement étranger à la société, une administration qui fonctionnerait ‘hors-sol’. Or, le risque de divorce existe.

Les difficultés de la société doivent être équitablement partagées par tous. Il existe un contrat social de fait entre l’État et la société. Or face aux excès de précarité dans le secteur privé, les fonctionnaires ne donnent pas de contrepartie suffisante à la sécurité légitime dont ils bénéficient, par exemple l’acceptation de plus de flexibilité, de plus de mobilité ... Le statut se mue en corporatisme. Autre exemple, des services qui sont au contact des publics les plus en difficulté manquent cruellement de moyens qui n’ont pas été ajustés pour faire face à la demande. L’administration joue le jeu de l’insertion des handicapés dans ses rangs mais a fait peu de choses pour les chômeurs de longue durée. La Fonction publique citoyenne reste donc à créer ! Autre exemple, le régime de retraite ne peut sans danger rester en décalage par rapport aux nouvelles règles instituées pour les salariés du privé. Le risque encouru, si ces adaptations ne se font pas, est de nourrir un procès antiétatique simpliste.

Dans le cadre du statut, il devient important de revoir les droits et les devoirs pour qu’ils soient davantage en phase avec la société.

Des raisons économiques

L’efficacité de l’État est une condition de la justice sociale. Inversement, lorsque l’État est inefficace, il y a de l’injustice. L’État représente un capital public, il est producteur de biens collectifs, d’externalités (à l’exemple de l’éducation, de la recherche ...). Chaque fois, que l’on gaspille du capital, on crée du chômage et de l’exclusion. S’il est souvent question de coût du travail non qualifié, le gaspillage de capital est tout aussi pénalisant.

Les biens collectifs évoqués sont aujourd’hui plus difficiles à produire, parce que la société est plus exigeante, que les usagers/citoyens demandent plus, que les problèmes sont plus ardus. En même temps, on les produit en faisant des prélèvements obligatoires. La hausse des prélèvements accroît la nécessité de mieux satisfaire les exigences de qualité et d’efficacité.

On doit prendre en compte cette dialectique : la production sociale marginale d’externalités provenant de la dépense publique risque d’être en situation de rendement décroissant alors que les aspects désincitatifs des prélèvements vont, eux, croissants. Plus les prélèvements augmentent, plus les aspects négatifs risquent d’être forts.

Par ailleurs, le coût du travail des personnes peu qualifiées a besoin d’être réduit, mais comme il est inconcevable de réduire les rémunérations (et on a raison, c’est notre modèle social), il faut réduire les charges pesant sur les bas salaires. Mais comment redistribuer les charges quand les prélèvements augmentent ? Il faut donc les maîtriser, voire les réduire, et donc rendre l’Etat plus efficace.

Page 10: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

Rétablissement de la cohésion sociale et réforme de l’Etat sont désormais liés. Aller jusqu’au bout de la réforme passe par une gestion extrêmement vigilante de l’État. L’idée centrale, c’est de dire que la Fonction publique est productrice de fonctions de base. Chaque fonctionnaire doit contribuer à produire des biens pour une valeur au moins égale aux prélèvements dont il bénéficie et se sentir personnellement responsable de cet équilibre.

Des raisons d’ordre moral

Plus on croit à l’État, plus on doit être exigeant et vigilant à son égard. On ne doit ni l’hypostasier, ni le banaliser. Si l’État est bien une spécificité française, cette singularité ne se justifie que par le fait que l’État est au service de la société. L’État représente une contre-culture dans un monde individualiste. Cette assertion implique que l’État donne l’exemple lui-même.

Des fonctions nouvelles de type éthique apparaissent :

assurer le lien social, c’est bien le sentiment qu’ont une bonne partie des agents de La Poste ;

aider à la constitution de sens, ce qui passe par la prise en charge des problèmes difficiles par les acteurs au plan local.

Si l’État doit changer, ce n’est pas pour changer de rôle, mais pour mieux remplir son rôle dans une société qui change. Cela implique du courage, un engagement (parce qu’il y a des risques, mais il y a plus de risques à ne pas changer) et de la méthode.

Gilbert Santel

Le changement dans l’administration : les grandes orientations de la réforme de l’Etat

La règle des 3 R :

La Rupture n’est pas possible (et même pas souhaitable). Quand on regarde comment les organisations administratives évoluent, les scénarios de rupture sont l’exception, parce qu’ils nécessitent des conditions politiques et sociales tout à fait particulières. La Réforme est particulièrement urgente, elle doit être menée à un rythme accéléré, sinon nous aurons une Réaction. On encourt le risque de procès en privilégiature (procès qui nous est fait dans notre hexagone) ou en ringardise (un procès fait par nombre de pays européens à l’encontre de l’administration française).

4 observations :

De quel changement parle-t-on ? La situation n’est pas figée. Le constat général est que le contenu des politiques publiques évolue (taxe professionnelle, aménagement du territoire, déconcentration ...). La taille du secteur public évolue ainsi que ses modalités de pilotage. Même dans leur appellation, les choses évoluent, modernisation, renouveau du service public, réforme de l’État ...

C’est un changement de nature. Pendant très longtemps, il s’agissait d’améliorer l’efficacité de l’État et de ses services administratifs. Si aujourd’hui, cette question reste pleinement d’actualité (en termes de qualité de service, de recherche d’efficacité), deux autres questions sont à poser : 1) quel est le rôle de l’État aujourd’hui et que doit-on attendre des services administratifs ? ; 2) quels doivent être les modes d’intervention de l’État ?

Page 11: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

La loi contre l’exclusion, la déconcentration ... sont des actions fondamentales de la réforme de l’État. Il y a une interaction étroite, une relation dialectique entre les évolutions institutionnelles, le contenu des politiques publiques et les actions de modernisation de l’administration.

On ne conduira pas de changement sans tenir compte de la tradition française (fonctionnement vertical, prééminence ministérielle). Cette organisation a présenté beaucoup d’avantages, elle a garanti la qualité du service public et les compétences des agents, elle a fait de la fonction publique une référence. Pour autant, l’intervention de l’État ne peut pas résulter de la simple juxtaposition sur le terrain de multiples services déconcentrés. Nous touchons les limites du fonctionnement, on aurait besoin de plus d’horizontalité, d’interministérialité. Actuellement, quelles que soient les politiques ministérielles mises en œuvre (emploi, exclusion, aménagement du territoire), entre 5 et 15 services départementaux sont concernés !

Si le changement est affaire d’orientations données par des textes, il est d’abord une affaire de pratiques. On sait que les meilleurs textes et les meilleures organisations peuvent être pervertis par leur application. Le meilleur exemple est celui du statut général de la fonction publique. Ce statut n’interdit en rien une gestion dynamique des ressources humaines : différencier les carrières, différencier les rémunérations, donner la possibilité de choisir ses collaborateurs, etc. A-t-on envie de la mettre en pratique ? Telle est la véritable question à se poser ... C’est beaucoup plus facile de changer les lois que de remettre en cause les habitudes.

4 pistes pour la conduite du changement :

Donner du sens à l’action collective, développer la vision stratégique, y compris au niveau infradépartemental ; cela passe par les programmes pluriannuels de modernisation (PPM), la recherche d’une stratégie d’action locale. Nous insistons à chaque fois sur le fait qu’il convient de partir des missions et des politiques mises en œuvre dans les ministères ou les services pour donner le cadre général de l’intervention des agents et définir la stratégie d’action. Les actions entreprises depuis 18 mois vont dans ce sens (PPM, rapport sur la modernisation de l’administration territoriale ...).

Positiver les contraintes, celles qui sont imposées ou celles que l’on se fixe. Premier exemple, la contrainte de décentralisation a été intégrée de façon très différente par les ministères, certains s’en sont servi pour enclencher une véritable dynamique du changement, d’autres l’ont complètement subie faute de s’interroger sur le service rendu. Deuxième exemple, la qualité du service est un très bon levier du changement, forçant à rechercher une meilleure adéquation service / bénéficiaire et donc à objectiver le service rendu. L’on doit sortir de la logique évoquée par Dominique Genelot, qui dit que "nous sommes des machines à produire le non-changement".

Porter le changement à tous les niveaux. Le projet a besoin d’être partagé par la communauté professionnelle des hauts fonctionnaires mais aussi par tous les niveaux d’encadrement. C’est également tout à fait impératif en ce qui concerne les agents. On se reportera utilement au point de vue exprimé par un consultant, Xavier Pette, qui insiste beaucoup sur le rôle de l’agent dans le changement et qui essaie d’en définir les modalités pratiques.

Affirmer la nécessité que le temps est le principal levier du changement, se situer dans un scénario d’évolution. Puisque l’on travaille sur le temps long, c’est une raison de plus pour commencer tout de suite.

Page 12: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

Beaucoup de progrès est à faire en matière de gestion des ressources humaines (professionnalisation des recrutements, évaluation individuelle des agents, développement de la mobilité entre administrations, transparence et déontologie, etc.). Les modes opératoires peuvent être définis concrètement, mais on ne peut pas décréter que le jour J, on engage toutes ces évolutions. A un moment donné, certaines mesures font sens plus particulièrement. Les modes d’action ne sont pas non plus univoques, les ministères utiliseront des leviers différents (exemple : un ministère pourra décider de déconcentrer sa gestion et en aura pour 2 ans au moins , tel autre mettra l’accent sur la

meilleure évaluation des agents, etc.). Ce qui est vrai en matière de GRH s’applique aux autres domaines (management, fonctionnement des services, etc.).

Il est possible de lister tous les éléments constitutifs d’une bonne gestion publique : la contractualisation, le développement de l’autonomie de gestion, du contrôle de gestion, de l’évaluation, de la pluriannualité... Là encore, compte tenu du niveau d’où nous partons, il est exclu de dire à chaque ministère de mettre tout cela en œuvre du jour au lendemain. Il est clair qu’en fonction des acquis, des insuffisances, des réalités professionnelles et du contenu des politiques, certaines actions sont à un moment donné plus opportunes et plus pertinentes à conduire. Il est très important d’être capable de les identifier et de les mettre en œuvre jusqu’au bout.

DEUXIEME PARTIE DE LA JOURNEE

ELEMENTS POUR L’ACTION

(Ateliers thématiques)

Atelier 1 : La pression de l’environnement comme déclencheur du changement

Comment bien caractériser et transformer utilement, pour en faire un levier et un atout pour le changement, divers facteurs contextuels : exigences manifestées par les usagers et les partenaires, contraintes budgétaires, mutations liées aux nouvelles technologies de l’information et de la communication ... ?

Président : Bernard Coquet, Préfet, Président de la mission interministérielle des délocalisations publiques

Rapporteur : Danièle Le Mée, chargée de mission à la sous-direction de l’informatique, Ministère de la Défense

Les pressions de l’environnement ont plusieurs sources, elles revêtent plusieurs formes. Certaines ont un poids plus important que d’autres. Les pressions peuvent jouer de façon contradictoire. En se conjuguant, elles forment un environnement qu’il n’est pas forcément facile d’intégrer. A la pression de proximité (usagers, élus, associations...), se rajoute celle issue de la sphère centrale au sens large (gouvernement, administration centrale, media...)... De ce point de vue, la distinction entre services centraux et services déconcentrés semble opératoire (types et degrés de pression diffèrent). Il ne faut pas non plus omettre la pression entre services, qui joue dans les deux sens ; ainsi, les services déconcentrés subissent la pression du ‘centre’ et, de leur côté, les services centraux sont fortement sollicités par les services déconcentrés.

Page 13: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

Qu’est ce qui provoque le changement ? La prise de conscience de l’environnement (à titre d’exemple, les usagers et leurs exigences …) peut être un facteur puissant de changement en renvoyant aux agents une image décalée par rapport aux habitudes de travail. L’intervention de facteurs extérieurs ne suffit cependant pas à déclencher le changement, dans la mesure où il faut compter avec la ‘résistance de la cuirasse’. La propension de toute organisation est au maintien du statu quo. C’est un déséquilibre soudain (ou plutôt la prise de conscience de ce déséquilibre) qui rend inéluctable le changement (ou donne une acuité à la nécessité du changement). C’est à partir de l’atteinte de ce seuil critique que la capacité de résistance bascule et que le changement acquiert une légitimité.

Le mot même de ‘changement’ recouvre des réalités et des acceptions très différentes. L’atelier a ainsi estimé nécessaire de revenir à une définition plus stricte du changement, car si l’administration s’adapte tous les jours, si elle évolue au quotidien, elle change peu. Les ‘adaptations’ ont ainsi été distingués des véritables changements qui, en terme d’impact, d’initialisation et de déploiement, sont bien plus difficiles à gérer. A titre d’exemple, l’équipement progressif des services en informatique est évoqué comme relevant d’une adaptation somme toute naturelle, imposée par l’ère du temps. De même, l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication représente un effort d’adaptation, sans relever d’une gestion de crise.

L’adaptation est du ressort de la hiérarchie (à l’exemple des démarches qualité ou de la formation aux nouveaux outils). Le changement part d’une réflexion stratégique (capacité à anticiper), il suppose une impulsion politique, un effort de planification, la recherche de l’adhésion des personnels. Dans tous les cas de figure, le changement pour s’opérer a besoin de ‘sens’ (direction à suivre et signification). C’est a priori le rôle du politique que de le donner.

Sans l’adhésion des personnels, le déploiement du changement se heurtera à de nombreuses difficultés. L’obtention de cette adhésion suppose que les personnels perçoivent l’intérêt du changement pour eux-mêmes, qu’ils aient acquis la conviction que leurs propres contraintes ont été prises en compte. Elle passe par l’écoute réciproque, la communication, l’information.

Atelier 2 : Le portage du changement

Le rôle des managers dans l’impulsion et l’orientation du changement, la motivation des agents et de l’encadrement, l’animation et le suivi du processus d’adaptation de la culture, des missions et de l’organisation, l’évolution des méthodes ; le rôle des consultants internes et externes dans les phases de diagnostic et de définition des objectifs et de la stratégie de changement puis dans l’animation des processus de changement

Président : Hervé Serieyx, Président de Quaternaire, ancien délégué interministériel à l’insertion des jeunes

Rapporteur : Francine Mariani-Ducray, Chef du service de l’inspection générale de l’administration, Ministère de la Culture et de la Communication

Différentes conditions de réussite ont été identifiées, les plus importantes étant certainement que la nécessité de changer soit partagée par les collaborateurs, que son origine soit interne ou externe, et que l’ensemble de la démarche se situe dans le cadre d’une vision stratégique claire. Il est très important, au fur et à mesure de l’avancée du projet, de communiquer en interne comme en externe sur les progrès réalisés, en jouant sur l’effet miroir (" pour que les gens de mon service se voient beaux à l’extérieur "), en comptant sur l’exemplarité.

Comment conduire le changement ? Quatre types de stratégies sont à mettre en œuvre simultanément :

les orientations institutionnelles (donner un but clair) ;

Page 14: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

les stratégies d’organisation, si les éléments constitutifs du processus sont suffisamment engagés (un nouvel organigramme transforme les rapports de pouvoir) ;

les stratégies d’animation, dans le but de développer les réseaux, de valoriser les innovations, d’encourager les petites expérimentations, de fonder les opérations pilotes (tout en préservant la règle du jeu) ;

les stratégies de communication, pour faire savoir et faire bénéficier des retours l’ensemble des acteurs.

Quel profil pour le ‘Manager’ ? Beaucoup est exigé de lui, en compétences comme en savoir-être. Des qualités sont requises : un fort investissement personnel (l’exemplarité) ; l’écoute (poser collectivement les problèmes avant de chercher les solutions) ; l’enthousiasme (vendre du désir de réussir, de l’envie d’aller plus loin, "un manager importe de l’angoisse et exporte de l’énergie") ; l’endurance (les échecs sont source de progrès) ; le sens du travail en équipe et en réseaux (l’empathie, faire ensemble).

On attend de lui qu’il donne du sens, qu’il ouvre sa propre structure sur l’extérieur (en s’inspirant de ce qui a réussi ailleurs) et sur l’intérieur (en faisant bénéficier chacun de l’apport des autres). Il doit rendre les agents acteurs sur l’immédiat, en instituant des objectifs négociés et l’évaluation périodique de leur réalisation.

Quel rôle pour le consultant ? Le consultant nourrit l’organisation d’apports culturels extérieurs, enrichit les comparaisons pour l’amener à porter un regard différent sur elle-même. C’est d’abord un facilitateur (aider l’organisation à reformuler les problèmes, à faire émerger une solution qu’elle porte en elle-même, à identifier les étapes d’avancement…). Son rôle doit rester modeste. Ce n’est pas à lui de communiquer sur le projet ou de diffuser les informations sur les réussites. Son rôle est temporaire, il doit préparer le transfert des compétences ou des savoir-faire utiles.

Le positionnement du consultant interne est plus difficile, étant à la fois dedans et en dehors de l’organisation : interlocuteur privilégié du consultant externe, il doit cadrer l’action de celui-ci et s’imprégner de ses méthodes. L’appel à des personnes ressources (sur des points précis) est jugée être une réponse plus intéressante pour les progrès de l’organisation que l’institutionnalisation de consultants internes qui aient une vocation générale.

La bonne gestion du temps tout au long des phases de réflexion et de mise en œuvre conditionne la pérennité du projet, il s’agit en effet d’amener le projet à maturité. Des ajustements permanents sont rendus nécessaires. A un moment donné, il faut savoir arrêter l’animation et passer à autre chose. L’objectif final est de rendre l’organisation apprenante et apte aux changements futurs.

Atelier 3 : Les réseaux d’intelligence au service du changement

Comment les définir et les articuler ? comment les faire vivre dans la durée ? comment organiser la restitution vers les niveaux stratégiques de décision ? faut-il et comment les utiliser pour la mise en œuvre du changement ?

Présidente : Agnès Denis, Directrice générale de l’ARC

Rapporteur : Dominique Pelissié, Chef de la mission de coordination et de prospective, Ministère de l’Agriculture

Page 15: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

Qu’entend-on par réseau ? Il n’existe pas en effet un seul type de réseau mais une multiplicité. Certains des réseaux ont un caractère conjoncturel, d’autres sont pleinement reconnus et intégrés dans l’institution. Ce qui réunit tous ces réseaux, c’est la transversalité. Mais si, à titre d’exemple, les filières professionnelles ont leur propre utilité, la finalité d’un réseau d’intelligence est différente, elle est d’encourager les échanges d’idées et l’enrichissement mutuel des pratiques autour du processus même de changement.

La notion même d’intelligence a besoin d’être précisée pour ne pas susciter de rejet. L’intelligence suppose des références communes, des complicités, du plaisir d’être ensemble, une cooptation mutuelle ... Il doit en découler de la synergie. Le résultat de la somme des individus est plus important que la somme des compétences réunies. Les échanges, cela rend intelligent. La qualité d’un réseau ne se limite donc pas à des outils de structuration.

Pourquoi susciter ou encourager la constitution d’un réseau d’intelligence ? Pour débloquer des lourdeurs, promouvoir des innovations ou les expérimentations, aider à leur diffusion, en faciliter l’appropriation collective.

Comment mettre le réseau au service de l’action collective ? Un juste équilibre est à trouver entre la pleine intégration du réseau dans l’organisation et son autonomie pour ne pas mettre en péril sa vitalité créatrice. Mais si le réseau peut faire bouger les pratiques, alimenter les idées, il ne doit pas être un élément perturbateur venant court-circuiter le bon fonctionnement de la structure et des services. Il s’agit de jouer sur la juxtaposition des réseaux et leur diversité sans mettre en cause l’unité qui fait le fondement d’une organisation. Il s’agit également de concilier l’affinité (qui réunit les membres du réseau) et la recherche d’opérationnalité (au service de l’organisation et de ses finalités).

Quels sont les principes de fonctionnement à retenir pour un réseau d’intelligence ?

Un réseau a besoin d’être animé. Soit la capacité d’animation émerge du réseau, soit elle est assurée par un membre extérieur jouant le rôle de facilitateur. La seconde modalité permet de pallier des insuffisances internes d’animation, notamment dans le cas de réseaux à consolider.

Le bon fonctionnement du réseau nécessite que ses membres apprennent des nouvelles techniques, s’approprient collectivement de nouveaux outils, de nouvelles façons de faire. Un minimum de travail en commun est rendu indispensable.

Le recours à des apports internes ou externes (métiers, usagers ...) est important.

Est-ce que le réseau a besoin d’outils spécifiques ? La définition d’objectifs, l’évaluation périodique sont des éléments importants dans la recherche d’une plus grande efficacité. Les nouvelles technologies de l’information ont un effet de levier important sur la constitution du réseau (telles que boîte électronique, Intranet, forums de discussion...). Outre les réunions formelles de travail qui sont incontournables, il ne faut pas négliger les supports les plus simples, les plus accessibles qui favorisent la convivialité : la machine à café, la cantine ...

En quoi voit-on qu’un réseau fonctionne bien ? Différents indices ont été relevés : la production du réseau est copiée ; le réseau apporte de la valeur ajoutée (changements de comportement, d’état d’esprit, de méthodes de travail) ; il nourrit les échanges ; le réseau est reconnu ; il finit par être intégré par l’organisation. Le réseau performant est celui qui transfère ses effets dans l’organisation.

Atelier 4 : La communication au service du changement

Page 16: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

Comment la communication peut-elle contribuer en amont, au cours et en aval du processus de changement ? sur quoi faut-il communiquer exactement ? à quels moments-clés ?

Président : Jean-Pierre Guillemot, administrateur de l’association Communication publique

Rapporteur : Sandrine Echaroux-Brulois, Service de l’information et de la communication, Ministère de l’Equipement, des Transports et du Logement

Quelle contribution attendre de la communication ? A priori, la communication est destinée à faciliter l’acceptation du changement dans le cadre d’une stratégie élaborée. En expliquant et clarifiant, elle permet aux acteurs de se situer dans le processus de changement, d’en comprendre les enjeux (et les limites). Elle dédramatise, elle positive, elle amplifie la dynamique collective. Elle fait apprécier le sens du changement au-delà des aspects organisationnels et statutaires. Elle contribue donc à mettre les personnels concernés au cœur du système et en relation entre eux. Sa fonction est d’abord transversale : créer un état d’esprit.

Des réserves ont été exprimées sur la communication comme vecteur du changement, dans la mesure où, selon l’expérience, elle ne peut suffire à créer du sens, du lien. Elle ne remplace pas la prise en compte des interlocuteurs (l’écoute interne) et ne dispense pas d’un diagnostic préalable. Elle ne peut non plus remplacer l’absence de réflexion globale (la conscience claire de la stratégie et aussi des limites). La communication instrumentalisée au service du changement est donc délicate à manier. Si elle peut contribuer à la réussite du projet, elle peut aussi glisser vers la démagogie ou la manipulation.

Des participants à l’atelier ont fait remarquer que l’adhésion au projet pouvait ressortir du militantisme. L’exemple évoqué est celui de projets dérangeants qui, parce qu’ils demandent une profonde remise en cause, suscitent difficilement l’adhésion. S’il faut communiquer sur la réalité du changement (ex : communiquer sur les enjeux identitaires, les risques de perte de métier ...), la communication ne suffit pas toujours pour faire baisser les résistances ou atténuer les crispations. De même, la communication ne peut pallier l’absence de négociation sur un changement, lorsqu’il n’y a rien à négocier.

De façon plus générale, la communication dans le cadre d’un projet a ses propres limites, elle ne rend ni tout possible, ni tout acceptable. Elle n’a pas de vertu miraculeuse. Tout miser sur la communication, comme on a trop souvent tendance à le faire à l’heure du "tout communication", ne peut que conduire à l’échec.

Quelles sont les conditions de la réussite ? La communication doit être intégrée au pilotage du changement bien en amont. Ouverte, elle ne dissimule pas la réalité. Elle ne saurait non plus être univoque, en ne donnant qu’un son de cloche, elle suppose au contraire des échanges permanents avec le terrain. Toute communication "langue de bois" est à proscrire. Les agents attendent que l’on communique de façon claire et authentique, sans chercher à imposer des modèles de pensée ou des systèmes préformatés.

Différents écueils ont été évoqués : S’il est important d’annoncer le changement le plus en amont possible pour ne pas donner prise aux rumeurs, comment communiquer alors que tout n’est pas sûr ?

Autre difficulté à gérer en permanence, les messages au fur et à mesure risquent d’être en décalage par rapport aux réalités du terrain ou aux avancées des travaux.

Page 17: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

Comment communiquer de manière claire et authentique pour se caler avec la réalité qu’on ne peut maîtriser ? Les discours sont perçus comme démagogiques car les agents ressentent déjà les inconvénients avant les avantages. Les résultats positifs à attendre ne sont pas perceptibles rapidement. Pourquoi dès lors ne pas être plus clair sur les difficultés ? Dans tous les cas, la transparence est une exigence, elle conditionne l’implication.

La démultiplication de l’information ne prend du sens pour chacun que dans sa propre dimension, son propre territoire. L’impact du changement va dépendre pour une part de la qualité de la communication de proximité qui passe par le niveau managérial. L’effort de communication a ainsi besoin d’intégrer le fait que les responsables hiérarchiques sont loin d’avoir tous les mêmes sensibilités, les mêmes démarches.

Atelier 5 : La formation au service du changement

Quels types de formation pour favoriser le diagnostic des situations et l’émergence de projets de changement ? contribuer à la formalisation et la mise en œuvre des démarches de changement ? acculturer à une dynamique permanente d’adaptation ? apprendre à suivre et évaluer pour ajuster les objectifs et les modalités de conduite du changement ?

Président : Jean-Pierre Biarrotte-Sorin, rédacteur en chef de la revue CIVIC (Ministère de l’Intérieur)

Rapporteur : François Thomas, chef du bureau SRH8, Ministère de l’Emploi et de la Solidarité

La formation doit s’intégrer dans une stratégie de changement, ce n’est surtout pas un cataplasme, elle a un rôle décisif à jouer pour professionnaliser et développer une nouvelle culture. Différents principes ont été ainsi posés :

Dans un premier temps, face aux inquiétudes, au mal-être que génère l’amorce du processus de changement, la formation peut contribuer à en faciliter l’acceptabilité en atténuant les réticences ou les appréhensions.

La dimension du temps est importante, les besoins de formation évoluent selon que l’on est tout au début du processus ou dans la période de mise en œuvre.

L’ensemble des actions de formation doit être coordonné et bien articulé par rapport au processus de changement à conduire.

La formation est une réussite si elle contribue à créer une dynamique : les formés d’un moment sont appelés à devenir les formateurs d’un autre moment ou au moins agents de leur propre formation.

Un consensus s’est dégagé pour écarter a priori les formations pré-construites de type catalogue. L’atelier a ainsi jugé que tout processus de formation devait partir des besoins exprimés et tenir compte des situations locales. C’est un processus itératif qui doit se nourrir des problèmes rencontrés par les agents, des événements concrets, des retours d’expérience. Il implique des échanges permanents entre les agents, leur encadrement et les formateurs pour adapter la formation et ajuster les méthodes ou les contenus aux besoins.

Page 18: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

Faut-il du collectif, de l’individuel …. ? Les solutions de formation seront à chaque fois adaptées. A titre d’exemple, l’introduction d’une évolution technique importante peut nécessiter de préparer les personnels aux nouveaux métiers, elle aura intérêt à s’effectuer dans le cadre d’une équipe plutôt qu’au niveau individuel. Dans d’autres cas, le niveau individuel devra être privilégié.

Deux points ont été jugés déterminants : la formation doit réellement faire envie aux agents concernés pour les motiver à y participer de façon active ; une formation doit commencer par l’encadrement.

La formation doit bien intégrer l’évolution des métiers, notamment sous l’angle de la qualité de fonctionnaire. Des échanges sur la place de l’État et des fonctionnaires devraient être un préalable à toute action lourde de formation. Globalement, il a été jugé essentiel d’aider les fonctionnaires à intégrer les changements de la société (et ce que ces changements impliquent en retour dans leurs comportements et leurs pratiques). Pour changer, ils ont besoin de mieux s’approprier le sujet, et devenir des agents-citoyens.

L’atelier a en conclusion fait un certain nombre de suggestions :

capitaliser les expériences innovantes, les méthodes les plus efficaces, institutionnaliser les échanges entre ministères, le Ministère de la Fonction Publique pourrait initier cette bourse d’échanges,

sensibiliser et former les directions de personnel appelées à devenir de véritables directions de ressources humaines sur tous les aspects touchant la gestion et la motivation des personnels,

les former à l’évaluation des formations et les aider à mettre en place des outils de régulation,

tirer parti des expériences de formation du secteur privé mais aussi s’inspirer des exemples des administrations d’autres pays.

Atelier 6 : Les outils de pilotage et les systèmes d’information et de suivi au service des objectifs stratégiques du changement

Diagnostic des situations et prospective, définition et cohérence des indicateurs de perception et de suivi

Présidente : Nathalie Homobono, Secrétaire générale adjointe des DRIRE, Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie

Rapporteur : Françoise Bouygard, Sous-directrice du suivi et de l’évaluation des politiques de l’emploi et de la formation professionnelle (DARES), Ministère de l’Emploi et de la Solidarité

Piloter le changement revient à piloter un processus. Le système de pilotage ne saurait donc être conçu à part, il est partie intégrante de la stratégie de changement. Dans cette optique, un objectif n’est vraiment un objectif que s’il est quantifié et quantifiable.

Un certain nombre de carences ou de dysfonctionnements ont été évoqués. Si la nécessité s’impose qu’il faut mesurer l’activité, les produits, les services rendus ..., cette nécessité reste souvent théorique. D’une part, mesurer fidèlement l’activité, ce n’est pas simple (qu’est-ce qu’un indicateur pertinent ?), d’autre part, la question des moyens alloués est trop souvent négligée (le temps supplémentaire demandé aux agents, les compétences pour organiser et piloter les indicateurs ...), enfin les tableaux de bord ne sont pas partout renseignés de façon homogène, chacun ne mettant pas la même chose derrière les

Page 19: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

concepts (ce qui complique les tâches d’agrégation et d’interprétation des données). Le défaut de transparence des outils (faute d’un retour organisé) trop souvent constaté nuit à l’implication des agents et à la crédibilité du système d’information.

Comment remédier à cette situation ? Le système d’information n’est pas une fin en soi, il est au service des politiques nationales et locales, il est conçu pour bien articuler les fonctions de pilotage et de mise en oeuvre, mais il n’est viable que si les contraintes (renseignement de la base des données, traitement et utilisation des données) sont réduites. L’expérience enseigne ainsi un certain nombre de principes à respecter :

La question du "sens" est très importante. Il faut être en mesure d’expliciter à quoi peut servir l’outil et de démontrer aux agents qu’ils gagnent quelque chose à renseigner le système. Le surcroît éventuel de travail sera accepté si le collectif des agents se sent gagnant et acteur, dans le cadre d’un système compréhensible par tous.

Le bon fonctionnement du système d’information repose sur les agents qui vont le mettre en œuvre. La clé se situe dans la construction avec les agents des indicateurs à bâtir : partir d’un diagnostic partagé, faire simple, être sélectif, faire progressif, travailler sur ce que l’on va en faire collectivement ... La pertinence doit prévaloir sur la recherche contre-productive d’exhaustivité.

La mise en place de tableaux de bord à renseigner débouche sur une exigence de retour au niveau local. Cette relation est évidente dans le cas d’une démarche qualité, elle devrait l’être de façon générale. Cela implique que les responsables aient la préoccupation de montrer que l’organisation est modifiée par le pilotage de changement.

Chaque niveau (service déconcentré / administration centrale) a besoin de tableaux de bord et d’outils de pilotage en relation avec ses propres objectifs. L’articulation qui est à décider renvoie à l’application des principes de subsidiarité et de pertinence.

Quatre conditions de réussite ont ainsi été distinguées :

Transparence : le système d’information concourt à la transparence dans la circulation de l’information.

Amélioration de l’intérêt du travail : le système d’information éclaire sur le sens du travail, favorise l’échange sur ce que l’on sait et sur l’atteinte des résultats, dans le cadre d’objectifs précis et pragmatiques.

Responsabilisation : le système d’information ne déresponsabilise pas les agents, il les implique dans le suivi.

Amélioration des services rendus par l’administration.

Le système d’information ne peut être figé. Il est important que les référentiels soient prévus pour intégrer l’instabilité relative des objectifs. Le contre-exemple est donné par les systèmes de pilotage qui varient d’une année sur l’autre du fait de changements brusques de politiques ou d’abandon de mesures d’aide (cas des politiques de l’emploi). La mise en place d’un système d’information ne peut non plus être déconnectée du système de gestion des ressources humaines. Ce qui revient à s’interroger sur la façon dont la ressource humaine est gérée et formée au plan local comme au niveau central. La fonction d’administrateur de données a été jugée stratégique .

Page 20: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

CONCLUSIONS DE LA JOURNEE

1. Mise en perspective des conclusions des ateliers

par Jacky Richard, (Chef du service de l’Inspection générale de l’administration de l’Education nationale)

Deux sentiments ont été exprimés au cours de cette journée :

le changement reste un sujet d’actualité permanente ;

les acteurs concernés entendent les discours mais n’ont pas l’impression d’avancer ; ils éprouvent de la difficulté à percevoir les progrès réels réalisés.

Les modes d’animation ou de pilotage qui ont préexisté jusqu'à maintenant n’ont pas démontré leur efficacité. L’approche trop instrumentale nous a peut-être tous fourvoyés. Que faire maintenant ?

L’échelon local, niveau effectif de la modernisation

C’est dans les services déconcentrés que l’essentiel se passe. Il faut trouver le levier, le " truc " ou créer l’événement qui permette de s’en sortir. Le changement viendra par là où la pression de l’usager est la plus forte, c’est-à-dire du niveau local.

Les enjeux ont besoin d’être clarifiés, les objectifs et les mesures seront ensuite plus aisés à arrêter. C’est au niveau local que " l’effectivité " se fait sentir le plus fortement. Pierre Calame a montré, ce matin, que l’articulation des compétences devait être repensée au niveau du territoire, l’échec de la décentralisation par bloc de compétences en est une illustration.

Les perspectives

La modernisation, c’est la production de sens ; or, c’est l’usager qui donne le sens, parce qu’il est au cœur du processus de changement.

La modernisation, c’est l’engagement des hommes, des femmes, des chefs, des agents et des services. La haute administration se trouve interpellée : ne pas oublier que l’incitation à organiser le changement dans la haute fonction publique est très faible, presque " ludique ", pour reprendre l’expression employée par M. Charpin ce matin.

Le projet des projets est le projet territorial qui repose sur le préfet. Cela suppose une autre gestion de ce corps.

La modernisation, c’est la responsabilisation. Dans la mise à disposition des crédits, des personnels, il convient de rompre avec la logique verticale habituelle qui aboutit à l’éclatement des politiques publiques. On est encore loin de la situation optimale. Les outils de coopération entre les services déconcentrés (chefs de projet, pôles de compétence, regroupements fonctionnels...) sont intéressants mais insuffisants : il faut aller un cran plus loin (la délégation inter-services).

Page 21: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

La modernisation, c’est l’obligation à la communication. La diffusion des nouvelles technologies est là pour le rappeler. Là encore, la logique verticale est rendue désuète. Nos administrations sont des fossoyeurs de données, le niveau local le sait trop. Beaucoup reste à faire dans la mise en réseau des données.

La modernisation, c’est aussi celle de la gestion des personnes. Constat général, sur la gestion des ressources humaines, l’administration n’a pas beaucoup progressé depuis dix ans. Le rapport Vallemont en préparation sur ce sujet devrait contenir un certain nombre de propositions concrètes pour débloquer la situation (formation de gestionnaires RH, de généralistes ...).

Quelques chiffres en guise de conclusion :

95 % des 2 millions d’agents travaillent dans des services déconcentrés ;

2/3 des crédits de l’Etat sont des crédits déconcentrés ;

¾ des décisions de l’administration concernant les usagers sont prises au niveau local.

Il faut considérer que le niveau local est ainsi très stratégique pour le pilotage du changement et que c’est par un phénomène de capillarité, de " pyramide inversée " que doit remonter cette exigence du changement.

Une remarque finale : les liens entre administration centrale et services déconcentrés ont besoin d’être redéfinis. Que chacun fasse son travail ; au niveau central : la définition des politiques publiques, au niveau local : leur mise en œuvre mais globale et non sectorielle.

2. Conclusion générale

par Marc Cabane, (Préfet, Chef de mission à la délégation interministérielle à la réforme de l’État)

C’est autour des thèmes dont la DIRE a la charge que cette journée s’est déroulée. Il faut souligner le caractère extrêmement lié des deux institutions, DIRE et DGAFP.

Jacky Richard a très largement traité le sujet sur lequel la DIRE va travailler, c’est-à-dire le sujet de la réorganisation des services déconcentrés. Il a rappelé le caractère stratégique de ces services. Il est dommage que les circonstances (grève des transports) aient fait que nos collègues des services déconcentrés aient été moins nombreux que prévu. Un grand merci à tous les participants à cette journée qui, malgré ces difficultés, ont tenu à apporter leur contribution.

Nous avions deux objectifs :

Le premier était de faire en sorte que l’on puisse capitaliser un certain nombre de savoirs, de réflexions sur les sujets du changement. Les praticiens, les acteurs que nous sommes avons besoin périodiquement de mettre en perspective ce que nous faisons. Il semble que les

Page 22: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

débats de ce matin, avec la mise en évidence des dimensions sociétale, internationale ... et des problèmes de diverse nature aient été utiles. On a parlé de la notion de sens, de perspective, de stratégie : il est en effet important de comprendre quels sont les éléments qui affectent les réalités auxquelles nous nous affrontons.

Le deuxième était, comme Gilbert Santel l’a rappelé, de renforcer la communauté professionnelle des acteurs du changement. Il a insisté sur l’importance du réseau des hauts fonctionnaires de la modernisation qu’il anime autour de lui. Nous avons l’attention de revifier le réseau de modernisateurs (c’est Geneviève Jestin qui en a la charge), de telle façon que l’action puisse se développer efficacement dans les ministères. Développer partout des réseaux, l’atelier qui a été consacré à ce thème a montré combien c’était un aspect fort pour que les idées nouvelles puissent prendre corps. L’attention est à porter sur la vision stratégique, les relais qui la soutiennent.

Ces objectifs ont été atteints. L’importance numérique de la participation, la qualité des interventions de la matinée, les questions qu’elles ont suscitées ont lancé sur d’excellentes bases les discussions de l’après-midi. Nous nous sentons confortés dans cette voie du changement et je tenais à en remercier tous les acteurs.

ANNEXES

LA PROBLEMATIQUE DU CHANGEMENT DANS L’ADMINISTRATION

CONTRIBUTION D’UN CONSULTANT

(Texte de Xavier Pette, Coaching Group) La politique de modernisation s’inscrit dans un souci d’utilité collective, d’évolution de la relation au citoyen et d’efficacité dans l’utilisation des moyens. Elle concerne les activités régaliennes comme les activités de services aux usagers. La question du rythme de changement par rapport aux évolutions des attentes sociales reste essentielle.

Le thème "récurrent" de la modernisation En s’intéressant à l’évolution des pratiques du terrain, l’observateur attentif conclura que les acteurs administratifs, même s’ils minorent l’impact des changements déjà intervenus, sont engagés dans un processus de modernisation continu et ponctué par des "moments" plus intenses. D’importants efforts collectifs ont ainsi été accomplis aussi bien dans l’intégration de nouveaux outils que dans l’amélioration des compétences, la qualité de service ou la mise en œuvre de changements de structure. Le rythme de modernisation est cependant très divers, étant fortement dépendant des dynamiques qui s’instaurent au plan local, de la capacité d’assimilation des changements par l’organisation et de l’évolution rapide des attentes sociales envers les services.

Page 23: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

Le changement est consubstantiel à l’administration comme à toute organisation. Il peut s’opérer dans un cadre plus ou moins précis et plus ou moins piloté. La politique de modernisation est destinée à poser des balises et des repères, à orienter les efforts dans le temps.

La "spécificité culturelle" de l’administration

Le changement dans l’administration peut susciter de la crispation chez les personnels (et leur encadrement). Celle-ci va bien au-delà des craintes habituelles liées à une remise en cause de positions acquises ou de façons de faire (elles existent mais ni plus, ni moins que dans une autre organisation). "L’action de moderniser" est en effet productrice de sens sur le rôle de l’État, le devenir des missions de service public, et plus globalement sur la place accordée à la fonction publique dans le développement du pays et le maintien du lien social. Le changement tire sa légitimité de valeurs qui sont perçues comme adaptées à la culture et aux objectifs du service public.

De ce qui précède, il résulte un certain nombre de points :

Les agents sont tout à fait disponibles pour intégrer les éléments de modernité et souscrire aux objectifs opérationnels mais pas dans un sens qui irait à l’encontre des valeurs dans lesquelles ils se reconnaissent.

Les actions ont besoin de s’inscrire dans la durée pour ne pas privilégier la forme sur le contenu, pour ne pas être perçues comme déconnectées des exigences du terrain ou être suspectées de tomber dans l’effet de mode.

Les "emprunts" à l’arsenal des méthodes et concepts développés dans la sphère privée ont besoin d’être adaptés au contexte du service public, pour ne pas devenir contre-productifs.

Les contraintes de gestion

Les règles particulières s’appliquant à la gestion des ressources humaines dans l’administration sont souvent évoquées comme une importante contrainte qui vient entraver la marge de manoeuvre des décideurs et la capacité d’évolution de l’organisation (statut et règles de gestion de la fonction publique, possibilités limitées de reconnaître les mérites, de gérer les agents non productifs, de recruter des collaborateurs au profil le plus adapté possible, de réguler les problèmes internes en sanctionnant ou en jouant sur la mobilité). De même, les règles de l’annualité budgétaire et les procédures d’exécution de la dépense publique imposent un cadre qui peut être perçu comme restrictif.

Des solutions existent et ont déjà été mises en pratique (centres de responsabilité, programmation pluriannuelle, contractualisation), permettant en partie de gagner des marges de manœuvre pour mieux adapter le volume, l’organisation et l’utilisation des ressources aux caractéristiques du contexte local, avec un objectif de plus grande efficacité des politiques publiques. L’acquisition de cette flexibilité est étroitement lié au processus de modernisation.

Deux enseignements issus de l’observation :

Un surcroît de visibilité atténue le poids des contraintes. Si le futur n’est jamais complètement maîtrisable, toute organisation a besoin de s’interroger sur l’évolution de ses missions et sur ce qu’il en résulte en termes d’adaptation de ses ressources, de son organisation, de ses processus opérationnels.

Page 24: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

L’autonomie de gestion est un jeu à somme gagnante pour l’ensemble des parties contractantes, sous réserve d’accepter un certain nombre de règles et de s’y conformer

La stabilité des moyens mis à la disposition des services de l’État ne peut être absolument garantie (pas plus qu’une entreprise privée soumise à la conjoncture du marché ne peut garantir qu’elle ne remettra pas en cause certains de ses programmes). Les choix budgétaires sont d’abord des choix politiques devant arbitrer entre différentes priorités.

Les conditions requises pour un bon pilotage du changement

Au-delà même des objectifs d’amélioration de l’efficience ou de l’efficacité, les enjeux résident dans les changements durables des pratiques. La modernisation ne se réduit pas à la définition d’objectifs ciblés et à l’application de solutions techniques même novatrices (outils, processus, gestion, organisation), elle conduit à des remises en cause importantes (priorités d’action, style hiérarchique, conception du travail, relations avec l’environnement), dont certaines n’auront pas été prévues au départ. Il s’agit d’un processus complexe et incertain. Sa réussite se joue à plusieurs niveaux.

La conduite du changement a besoin d’être organisée et animée dans le temps. La première question qui se pose est d’assurer la crédibilité du projet auprès des acteurs internes et externes ainsi que la capacité de mise en œuvre par l’organisation. L’expérience enseigne que la qualité de la démarche déterminera en grande partie l’atteinte des résultats.

De l’avis des experts, un certain nombre de conditions ressortent comme essentielles.

Affirmer le référentiel, donner du sens

La référence au service public et à ses valeurs est clairement affirmée, on n’est pas dans une stratégie de rupture culturelle (par rapport aux missions de service public), même si les ambitions sont élevées, même si les remises en cause sont fortes.

Développer la vision stratégique

On ne réalise pas seulement le changement avec de la méthode. L’esprit de finesse est requis : capacité à intégrer les évolutions de l’environnement, capacité à comprendre ce qui se passe dans son organisation, capacité à saisir les opportunités, à choisir le bon point d’impact, à fixer des ambitions élevées et adaptées aux attentes. L’analyse stratégique met en perspective les forces et les faiblesses de l’organisation avec les attentes internes (les autres services) et externes (les usagers, les partenaires).

Assurer la continuité Le changement s’inscrit dans la durée, il ne peut s’agir ni d’un "coup" sacrifiant à une mode, ni d’un effet d’affichage, ni d’une action momentanée valorisant une équipe de direction. Des règles, des procédures de travail sont structurées et intégrées aux processus courants de gestion.

Définir un mode opératoire associant en amont les personnels

Il n’existe pas en la matière de recette miracle : il faut nécessairement un pilote, des objectifs clairs, un plan de mise en œuvre (allocation de ressources, programmation ...), un suivi des résultats, une prise en compte des retours de terrain, etc. Les personnels sont associés le plus en amont possible. Une démarche se fondant sur l’écoute et la confiance est en effet toujours largement préférable à la directivité. Elle conduit à reformuler le

Page 25: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

problème, à tenir compte des suggestions, à encourager les initiatives et à adapter les façons de faire.

Donner de la légitimité au pilotage

Prendre appui sur des éléments moteurs ("les militants", "les innovateurs") est nécessaire mais non suffisant. Les véritables pilotes tirent leur légitimité de leur place hiérarchique dans l’organisation (et non pas seulement de la pertinence de leur apport dans l’élaboration des orientations ou de leur capacité à mobiliser). La responsabilité du changement ne peut être ainsi sans risque découplée de la responsabilité décisionnelle.

Ce qui n’exclut pas une phase d’expérimentation, mais celle-ci reçoit l’appui de la hiérarchie supérieure. Les initiatives locales sont encouragées même si, après évaluation collective, elles ne seront pas retenues pour la suite de la démarche.

Faciliter l’appropriation par les agents

La qualité de l’appropriation par les agents conditionne pour une large part la qualité de la mise en œuvre opérationnelle, ce qui signifie :

l’énoncé des objectifs poursuivis,

le recours à des méthodes participatives, à la concertation,

l’accompagnement du processus par une communication axée non seulement sur les objectifs mais aussi sur les changements de pratiques.

L’encadrement est responsable de la qualité de la motivation et de la mobilisation de son personnel. Il doit s’interroger sur les moyens d’associer, de convaincre et d’inciter de la façon plus efficace : qu’est-ce qui va pousser les agents dans le sens désiré ? ont-ils intérêt à le faire ? comment encourager et valoriser les initiatives ? comment développer à bon escient l’autonomie ?

Tout au long du processus, les représentants du personnel sont systématiquement informés, le dialogue social est de mise.

Se donner une capacité de mise en œuvre

L’avenir par définition n’est jamais sûr. Mais sans visibilité sur les ressources mobilisables à horizon pluriannuel, on affaiblit d’emblée la capacité de réalisation et la mobilisation des équipes. Les moyens ne peuvent être traités à part des politiques. Le plan d’évolution, les règles de répartition des moyens, les retours collectifs sur performances ... sont au cœur des plans de changement.

Accompagner les évolutions, mettre en cohérence

La bonne utilisation des ressources existantes est déterminante dans la réussite.

Ces évolutions (compétences à développer, besoins nouveaux d’expertise, parcours professionnels et formations à mettre en place ...) sont à mener en parallèle avec les évolutions touchant l’organisation.

Les systèmes de gestion ont aussi besoin d’être mis en cohérence. Les priorités données à la

Page 26: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

qualité de la gestion des ressources humaines et du management ne sont pas un effet d’affichage. A titre d’exemple, les managers, les agents sont évalués et jugés sur des critères cohérents avec les nouveaux comportements que l’on attend d’eux.

Évaluer pour progresser

L’évaluation porte tant sur les processus de mise en œuvre de la modernisation que sur ses résultats. Elle implique si possible les partenaires et les usagers. Elle a besoin d’être partagée. Elle doit être une source de progrès collectif (aidant à la reformulation des objectifs, à l’ajustement des façons de faire, à la recherche de plus d’efficience et d’efficacité ...)

Les embûches de la conduite du changement

La gestion du temps est capitale dans la conduite du changement. Tout processus de changement est à la merci de trois effets bien connus :

La déception qui naît du décalage entre l’expression de la volonté de changement (la promesse de résultats) et la capacité à le rendre perceptible et effectif sur le court terme (les retombées immédiates).

L’élévation du niveau d’exigence qui découle des changements en cours (plus grande sensibilité aux dysfonctionnements, attente d’un engagement plus fort de la part de l’encadrement, demande plus grande d’autonomie, exigence montante de transparence et d’information etc.).

La surcharge de travail qui peut en résulter, même provisoirement, pour les agents ; l’adaptation au changement est en effet consommatrice d’énergie et de ressources supplémentaires.

Cette situation d’interactivité est à prendre en compte dans la communication comme dans la gestion au quotidien. Elle nécessite de bien distinguer les différentes phases (préparation, expérimentation, extension, institutionnalisation) et de ne rien précipiter, tout en progressant avec détermination vers l’atteinte de l’objectif.

Ce qui conduit à formuler deux autres points clés, qui soulignent combien on n’est pas dans un système clos et figé, dès que l’on s’intéresse au pilotage du changement.

Intégrer l’incertitude On n’est pas dans une logique définie une fois pour toutes. Les processus auront besoin de s’adapter aux situations inattendues et aux initiatives. Ce qui signifie l’acceptation de l’erreur, des tâtonnements, des remises en cause au travers des expériences.

Jouer sur l’apprentissage On est attentif aux remontées et aux suggestions du terrain. On compte sur l’appropriation progressive des constats et des propositions collectives, on fait un large recours aux formations de type action. On vise la

Page 27: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

diffusion des bonnes pratiques émergentes, la mutualisation des acquis.

*

* *

Le processus de changement est par nature continu, il ne s’arrête pas à la fin de l’opération qui aura été menée avec succès. Bien au contraire, l’organisation doit tirer parti des façons de faire qui auront été initiées et les reprendre dans son fonctionnement habituel.

Une conduite de changement réussie, ce n’est pas seulement l’atteinte d’un objectif repéré et circonscrit dans le temps ; c’est aussi l’intégration de façon durable des modes de conduite du changement aux processus de management quotidien. En d’autres termes, il s’agit de faire place à une logique d’organisation "apprenante" et "évolutive".

LES INTERVENANTS

Pierre Calame

Ancien élève de l’École polytechnique et ingénieur des Ponts et Chaussées, Pierre Calame a occupé différents postes de responsabilité au sein du ministère de l’Equipement. Il a également été secrétaire général du groupe Usinor. Il est, depuis 1986, président de la Fondation Charles-Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme (fondation internationale de droit suisse intervenant sur le champ des droits de l’Homme et de l’aide au développement). Son dernier ouvrage, écrit en collaboration avec André Talmant, traite de la gouvernance, ou comment mieux articuler les compétences et les actions des différents niveaux et territoires ("L’État au cœur, le meccano de la gouvernance", éditions Desclée de Brouwer, 1997).

Jean-Michel Charpin

Commissaire au Plan depuis janvier 1998, Jean-Michel Charpin occupait auparavant des fonctions de direction à la BNP. Inspecteur général de l’INSEE et ancien élève de l’École polytechnique, il a notamment dirigé le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII). Spécialiste de l’économie internationale, il est l’auteur de nombreux articles, portant notamment sur les enjeux et les conséquences de l’intégration européenne. Il a présidé à l’élaboration du rapport pour la préparation du XIe Plan "L’économie française en perspective" (éditions La Découverte, 1993).

Jean-Baptiste de Foucauld

Inspecteur général des finances, ancien commissaire au Plan (1992-1995), il préside le comité de recherche et de prospective de la DGAFP. Jean-Baptiste de Foucauld développe une réflexion sur les évolutions sociales et notamment sur le chômage. Président de "Solidarités nouvelles face au chômage", il est l’auteur de différents ouvrages, "La France en prospectives" (1995, en collaboration avec R. Fraisse, éditions Odile Jacob), "Une société en quête de sens"(1995, en collaboration avec D. Piveteau, éditions Odile Jacob).

Page 28: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

Dominique Genelot

Président d’INSEP CONSULTING, cabinet de conseil auprès des entreprises et des administrations, Dominique Genelot est impliqué dans la recherche en gestion. Son dernier ouvrage, "Manager dans la complexité" (INSEP Editions), propose aux dirigeants, confrontés au défi d’un univers complexe, de nouvelles conceptions et méthodes dans le domaine de l’organisation et du pilotage du changement.

Jacky Richard

Professeur agrégé de géographie et ancien élève de l’ENA, Jacky Richard est le chef du service de l’Inspection générale de l’administration de l’Education nationale, après avoir successivement été, notamment, secrétaire général de l’Académie de Toulouse (1986-88), directeur des personnels ATOS (1988-95), directeur de l’administration et du personnel (1995-96) au ministère de l’Education nationale. Il a présidé le groupe de travail "modalités de fonctionnement et d’organisation des services déconcentrés de l’État", mission qui lui a été confiée par le ministre de la Fonction publique dans le cadre de la réflexion relative à la modernisation de l’administration territoriale de l’État (avril-juillet 1998).

Gilbert Santel

Ingénieur général des ponts et chaussées, il a été successivement directeur de la construction au ministère de l’Equipement, du logement et des transports (1991-92), directeur du cabinet du ministre de la Fonction publique et des réformes administratives, puis directeur du personnel et des services (1992-97) et délégué à la modernisation et à la déconcentration (1997-98) au ministère de l’Equipement. Nommé en mars 1998 directeur général de l’administration et de la fonction publique, Gilbert Santel est également, depuis juillet 1998, délégué interministériel à la réforme de l’État.

BIBLIOGRAPHIE

Serge Alécian, Dominique Foucher Guide du management dans le service public - Paris, Les éditions d’organisation, 1994, 430 pages

Philippe Amouroux, Laurent Fraisse Politiques publiques et citoyenneté face aux nouvelles formes d’exclusion - Paris, Fondation Charles-Léopold Mayer, la librairie FPH, coll. dossier pour un débat n°65, 105 p., dossier collectif

Pierre Bauby Reconstruire l’action publique : services publics au service de qui? - Paris, Syros, 1998, 200 p.

Paul Bernard Esprit de la réforme de l’État : faire face aux maladies de la société, donner sa place à l’homme-citoyen - in : La revue administrative, n°301, janvier-février 1998

Paul Bernard (***) L’administration du territoire - in : A propos de l’administration française, La Documentation française, 1998 (pp. 67-82).

Jean-Michel Belorgey Vous avez dit " gestion publique " ? in : La revue administrative, n°301, janvier-février 1998 Armand Bizaguet La mutation complexe du secteur public français (1992-1997) - La revue du Trésor (1), n°5,

mai 1997

Page 29: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

La revue du Trésor (2), n°6, juin 1997

Christian Blanc Pour un État stratège, garant de l’intérêt général - Paris, La Documentation française, 1993, commission " État, administration et services publics de l’an 2000 " présidée par Christian Blanc, dans le cadre de la préparation du XIeplan

Pierre Calame, André Talmant L’État au cœur, le meccano de la gouvernance - Paris, Desclée de Brouwer, 1997, 224 pages

Véronique Chanut La formation continue de l’encadrement supérieur de l’État, Paris, La Documentation française, 1998, 121 p., coll. Rapports DGAFP

Lionel Chaty L’administration face au changement : projets de service et centres de responsabilité dans l’administration française - Paris, l’Harmattan, 1997, 288 p., coll. Logiques politiques

Jacques Chevallier Régulation et polycentrisme dans l’administration française - in : La revue administrative, n°301, janvier-février 1998

Jacques Chevallier (*) La réforme de l’État et la conception française de service public - in : Revue française d’administration publique, n°77, janvier-mars 1996

Jacques Chevallier, Ambroise Laurent, Françoise Milewski, Pierre Velz

La mondialisation - Paris, La Documentation française, Regards sur l’actualité, n°234, sept. - oct. 1997

François de Closets Le pari de la responsabilité - Paris, Payot / La Documentation française, 1989, 403 p., rapport de la commission efficacité de l’État, Commissariat général au Plan

Elie Cohen, Claude Henry Service public, Secteur public, Paris, La Documentation française, 1997, 105 p., commentaires de François Morin et Paul Champsaur, annexes préparés par la Direction de la prévision et Dominique Bureau, coll. rapports du Conseil d’analyse économique auprès du Premier ministre

Michel Crozier État moderne, État modeste. Stratégies pour un autre changement - Paris, Fayard, 1987, 320 p.

Michel Crozier La crise de l’intelligence. Essai sur l’impuissance des élites à se réformer - Paris, Interéditions, 1995, 200 p.

Renaud Denoix de Saint-Marc Rapport à Monsieur le Premier ministre sur le secteur public - Paris, mars 1996, 41 p., mission présidée par M. Renaud de Saint-Marc

Jacques Ferstenberg (*) Une troisième catégorie de services de l’État - in :Actualité juridique - Droit administratif (ADJA), 20 avril 1997, pp. 315-332

Jean-Baptiste de Foucauld (*) Le statut, les missions de l’État et l’évolution de la société - in : La revue administrative, numéro spécial 1996, pp. 63-66

Jean-Baptiste de Foucauld, Denis Pivoteau Une société en quête de sens - Paris, Odile Jacob, 1996, 300 p.

Robert Fraisse (sous la direction) L’État dans tous ses projets. Un bilan des projets de service dans l’administration - Paris, La Documentation française, novembre 1994, 294 p., Ministère de la Fonction publique, Commissariat général du Plan, rapport du groupe présidé par Hervé Serieyx.

Page 30: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

Robert Fraisse, Jean-Baptiste de Foucauld La France en prospectives - Paris, Odile Jacob, 1996, 402 p. Françoise Gallouédec-Genuys A propos de l’administration française - Paris, La Documentation française, 1998, 246 p.

(***) Dominique Genelot Manager dans la complexité, réflexions à l’usage des dirigeants - Paris, 1998, INSEP

éditions, 388 p.

Catherine Gremion, Robert Fraisse Le service public en recherche : quelle modernisation ? - Paris, juin 1996, Secrétariat d’État à la recherche, Commissariat général du plan, publié par La Documentation française, sous la direction de Catherine Gremion et Robert Fraisse, 405 pages, index

Christian Guyon Moderniser les services publics, mission possible : guide méthodologique pour la conduite du changement dans les services publics - Paris, Les éditions d’organisation, 1998, 280 p., coll. Services publics

C. Henry Concurrence et services publics dans l’union européenne - Paris, PUF, 1997

François Lacasse, Jean-Claude Thoenig L’action publique - Paris, l’Harmattan, 1997, 402 p., sous la responsabilité de François Lacasse et Jean-Claude Thoenig, coll. Logiques politiques, articles de la revue Politique et Management Public

Jean Michel Lemoyne de Forges, Jacques Chevallier, et al.

Réformer les administrations, le dilemme entre unité et diversité - Paris, La Documentation française, 1998, 154 p., coll. Perspectives DGAFP, articles parus dans la Revue administrative, la Revue d’administration publique, AJDA, la Revue française de droit administratif (*)

Franck Lemercier La modernisation de la fonction publique. Le rôle de la formation au management des cadres supérieurs - rapport DGAFP, octobre 1995

Jean-Michel Lemoyne de Forges (*) Le modèle français de fonction publique a-t-il un avenir ? - in : Revue administrative, n°288, 1996, pp. 584-590

Gérard Marcou (***) L’administration française face à l’Europe et à la mondialisation - in : A propos de l’administration française, La Documentation française, 1998 (pp. 83-94).

Anne Marguet, Jean-Marc Berthet Les agents des services publics dans les quartiers difficiles. Entre performance et justice sociale - Paris, La Documentation française, 1997, 130 p., coll. Rapports DGAFP

Ferdinand Mélin-Soucramanien (*) Adaptations du principe d’égalité à la diversité du territoire - in : Revue française de droit administratif, n°5, septembre-octobre 1997

Alain-Serge Mescheriakoff (*) Ordre intérieur administratif et contrat - in : Revue française de droit administratif, numéro spécial, 1996, pp. 63-66

OCDE Audit des performances et modernisation de l’administration - Paris, éditions de l’OCDE, PUMA

OCDE En quête de résultats : pratiques de gestion des performances - Paris, éditions de l’OCDE, PUMA, pp. 73-80

OCDE Gestion du capital humain et réforme de la fonction publique - Paris, éditions de l’OCDE, 1996

OCDE L’administration à l’écoute du public : initiatives relatives à la qualité du service - Paris, éditions de l’OCDE, PUMA, 1996

Page 31: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

Isabelle Orgogozo, Hervé Serieyx Changer le changement, on peut abolir les bureaucraties - Paris, Seuil, 1989, 217 p. Petit guide de l’évaluation des politiques publiques - Paris, La Documentation française,

Conseil scientifique d’évaluation, 1996, 123p

Jean Picq L’État en France : servir une nation ouverte sur le monde - Paris, La Documentation française, 1995, 218 p., Mission sur les responsabilités et l’organisation de l’État présidée par Jean Picq

Marcel Pochard (***) Réforme de l’État et modernisation de la gestion publique - in : A propos de l’administration française, La Documentation française, 1998 (pp. 61-66).

Marcel Pochard (*) La modernisation du service public - in : Actualité juridique / Droit administratif (ADJA), numéro spécial du 20 juin 1997, pp. 123-127

Jean-Marie Pontier Territorialisation et derritorialisation de l’action publique - in : Actualité juridique / Droit administratif (ADJA), n°10, octobre 1997

Jean Prada L’administré au centre du débat : l’Administration ou les administrations - in : La revue administrative, n°301, janvier-février 1998

B. de Quatrebarbes Usagers ou clients , Marketing et qualité dans les services public Paris, Les éditions d’organisation, coll. services publics

Jacky Richard (***) Le regard des inspections générales - in : A propos de l’administration française, La Documentation française, 1998 (pp. 165-172).

Jacky Richard Les conditions d’une implantation réussie des technologies de l’information au sein de l’administration - Actes du colloque IIAP-ENAP, mars 1996

Hervé Sérieyx L’effet Guliver : quand les institutions se figent dans un monde tourbillonnaire - Paris, Calman-Levy, 1994, 252 p.

Hervé Sérieyx Le big-bang des organisations : quand l’entreprise, l’État, les régions entrent en mutation - Paris, Calman-Lévy, 1993, 342 p.

Christian Stoffaës Services publics, questions d’avenir - Paris, éditions Odile Jacob, La Documentation française, 1995, 473 p., rapport de la commission présidée par Christian Stoffaës, Commissariat général au Plan

Jean-Claude Thoenig Performance publique : faut-il vraiment en faire une affaire ? - La lettre du management public, n°11, septembre / octobre 1997, réponses à un questionnaire adressé à des dirigeants et cadres supérieurs des services centraux des ministères et des entreprises publiques commentées par Jean-Claude Thoenig

Sylvie Trosa Moderniser l’administration. Comment font les autres ? - Paris, Les éditions d’organisation, 1995, 316 p., préface de Serge Vallemont

Serge Vallemont Modernisation de l’État : le social et le territoire - Paris, REVUE française des affaires sociales, n°1, janvier-mars 1996

Serge Vallemont (**) Les stratégies autour de la modernisation des services : comment désamorcer les réticences ? - in : Revue française d’administration publique, n°80, octobre-décembre 1996

Page 32: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

Serge Vallemont Moderniser l’administration, gestion stratégique et valorisation des ressources humaines, Paris, Nathan, 1991

Notes bleues de Bercy Enjeux juridiques et financiers de l’appartenance européenne - Les notes bleues de Bercy, n°121, 1997

Revue française des finances publiques La modernisation des ad+ministrations financières, n°54, 1996 Revue française d’administration publique Les relations sociales dans le secteur public - octobre-décembre 1996, n°80, avec

notamment des contributions de chercheurs et des principaux responsables syndicaux (**)

Sites Internet : www.fonction-publique.gouv.fr et http://www.oecd.org/puma pour les données comparatives de PUMA-OCDE

Minitel : la base de données bibliographiques du réseau SIBIL-FR (bibliothèques universitaires), 3615 SF

FICHE TECHNIQUE D’ATELIER : LES POINTS-CLES

La pression de l’environnement comme déclencheur du changement

L’interdépendance de l’administration avec son environnement ne cesse de croître et de se complexifier. Elle est pour partie liée aux évolutions sociales et technologiques. L’administration peut faire de moins en moins abstraction de normes qui lui sont extérieures aussi bien en termes de management, d’utilisation des nouvelles technologies que de qualité de service rendu ...

Un trop grand décalage (par rapport à l’image que renvoie l’environnement) représente toujours un risque de perte de crédibilité ou de considération pour l’action publique. D’un autre côté, il ne peut s’agir de reproduire purement et simplement des modèles extérieurs, la spécificité des missions du service public impose un mode et un rythme différent d’intégration.

Des éléments pour éclairer la discussion :

la prise en compte de l’environnement et de ses évolutions : quand et comment faire un diagnostic en situation ? quelles sont les conditions à réunir ? comment faire partager le diagnostic par les agents ? comment rendre les agents acteurs de l’évaluation de leur propre action ?

l’élévation du niveau d’exigence, la construction de l’action collective : comment faire de ces facteurs externes une source de progrès individuel et collectif ? quelle stratégie construire ? qu’est-ce qu’un plan d’action réaliste et ambitieux ? comment le promouvoir et en faire un objectif de réalisation partagé ? quel équilibre trouver entre les nécessaires remises en cause et le maintien des bonnes pratiques ?

Page 33: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

la gestion dans la durée du projet : comment ne pas générer de la frustration ? comment désamorcer les faux débat sur le respect des missions ou les valeurs de service public ? comment développer les nouveaux comportements recherchés ? comment jouer sur la reconnaissance et susciter l’adhésion ?

l’intégration de l’usager dans les logiques d’action : comment mettre l’usager au centre des problématiques ? comment initier des démarches de qualité de service ou d’écoute qui soient productrices de sens ?

l’intégration des nouvelles technologies : quel processus d’accompagnement mettre en place ? comment faciliter l’appropriation ? comment anticiper les problèmes et les effets induits (mise à niveau, déphasage, inadaptation de formes d’organisation, développement des échanges, développement de l’autonomie ...) ? comment dans le même temps s’en servir pour faire évoluer les styles d’encadrement et l’organisation du travail ? Comment exploiter les potentialités des nouveaux outils de communication (susciter les échanges, constituer des réseaux informels ... dans le cas d’Intranet, développer les relations avec les usagers, apporter transparence et rapidité du service dans le cas d’Internet ...) ?

L’évaluation : quels indicateurs de qualité / satisfaction mettre en place ? comment les utiliser pour éclairer l’action collective ? faut-il et comment impliquer les usagers et les partenaires ?

FICHE TECHNIQUE D’ATELIER : LES POINTS-CLES

Le portage du changement

S’entendre sur la conduite du changement : une multiplicité de situations appelant une multiplicité de réponses. Bien distinguer notamment les pratiques de changement qui intéressent le niveau "micro" (l’échelon local, l’équipe, le service ...) de celles qui ont une ambition institutionnelle (une administration dans son ensemble).Le changement peut être progressif ou être opéré d’un coup. Si l’on ne peut convenir d’un processus unique, certains principes généraux se dégagent.

Des éléments pour éclairer la discussion :

l’initiative du changement : elle ne part pas nécessairement de la hiérarchie, mais celle-ci a la capacité de saisir les opportunités, de valoriser les initiatives ...

l’impulsion des managers : elle implique une vision stratégique, une connaissance du terrain et de ses contraintes, une capacité d’écoute, une optique de responsabilisation ...

le pilotage du changement : d’un côté, la responsabilité du changement ne peut sans risque être découplée de la responsabilité décisionnelle (elle perdrait toute légitimité), de l’autre, le pilotage du changement a besoin de conserver sa propre dynamique (rythme qui lui est propre, jeu des acteurs différent ...) ...

Page 34: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

l’extension donnée au changement : la prise en charge par l’organisation peut être progressive (phase d’expérimentation), la décision de généraliser est un stade du processus (phase de consolidation) ...

l’articulation entre le management au jour le jour et le management de projet : l’encadrement est par définition responsable de la qualité de la motivation et de la mobilisation de son équipe, il arbitre au niveau de ses ressources entre la marche quotidienne du service et l’intégration des changements dans le fonctionnement ... Les rythmes sont différents, les logiques (court-terme / long-terme) sont à articuler ...

le statut du consultant dans le processus de changement : expert, facilitateur, formateur, transfert de compétences ... Interne ou externe ? un rôle différent, un impact escompté différent ...

l’organisation des processus d’apprentissage ou d’appropriation : la mise en œuvre doit tabler sur des rythmes différents, la démultiplication nécessite l’appui de l’échelon managérial local (capacité à diffuser des nouvelles normes, capacité à infléchir les pratiques, capacité d’écoute et à la prise d’initiative, capacité à assurer la remontée d’information vers l’échelon pilote) ...

les conditions de réussite : une démarche fondée sur la transparence, la confiance, le droit à l’erreur et l’exemplarité des responsables ; l’adaptation du style de management local (et central) au processus de changement ; la mise en cohérence en final des pratiques et processus de gestion avec les principes initiés (ex : les agents, leurs managers sont nommés, évalués, jugés sur des critères en cohérence avec les nouveaux comportements) ; une exigence de continuité ...

FICHE TECHNIQUE D’ATELIER : LES POINTS-CLES

Les réseaux d’intelligence au service du changement

A l’initiative du changement, on trouve souvent des "innovations locales". L’institution gagne à prendre appui sur ces innovateurs pour développer les idées nouvelles et faire évoluer les pratiques. Ce qui implique qu’elle soit en mesure de repérer et de valoriser les initiatives locales (et leurs acteurs). Son optique (dans le cadre de projets d’ampleur) peut être également d’instiller le changement en favorisant la constitution d’un réseau d’échanges qui ait un rôle actif. Autre facteur de progrès : les "trublions" sont toujours utiles, dans la mesure où ils portent un regard différent sur le fonctionnement de l’organisation et qu’ils préconisent des solutions dérangeantes ; une institution qui les marginalise perd de la vitalité, se privant d’idées innovantes et de sources de renouvellement. Comment bien utiliser ces ressources ?

Les filières professionnelles ont leur propre utilité, la finalité d’un réseau d’intelligence est différente, il s’agit d’encourager les échanges d’idées et l’enrichissement mutuel des pratiques autour du processus même du changement.

Des éléments pour éclairer la discussion :

la constitution d’un réseau : comment repérer les compétences utiles ? doit-on privilégier l’expertise (savoir technique) ou les comportements (aptitudes, capacité d’entraînement ...) ? l’homogénéité ou la diversité ? doit-on être entre pairs ? faut-il rechercher la représentativité institutionnelle (notamment hiérarchique) ? quand et comment ? quel est le bon équilibre ?

Page 35: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

l’animation du réseau : faut-il formaliser et jusqu'à quel point ? quels sont les bons principes d’animation d’un réseau ? comment maintenir la créativité et la liberté de parole ? comment entretenir l’expertise ? comment jouer sur les principes de l’exemplarité et de la capillarité ? comment en faire un vecteur de l’innovation ? quelle est la logique d’échanges à développer (ascendante, descendante, collatérale) ? quels sont les outils du réseau (mode de réunion, boîte électronique, Intranet, forums de discussion ...) ?

le statut du réseau : est-on dans une problématique de mission ou d’intégration à une structure existante ? quelle sorte de légitimité est à rechercher ? comment assurer le branchement du réseau avec l’institution tout en lui reconnaissant une marge d’autonomie ?

la contribution attendue du réseau : force de proposition ? structure d’appui opérationnel ? structure de pilotage ? coaching des managers ? quels sont les critères d’efficacité d’un réseau (production ...) à faire valoir ?

l’articulation avec l’organisation formelle : comment organiser la remontée des propositions vers le niveau décisionnel ? comment assurer la crédibilité vers le niveau local ? comment faire en sorte que la bonne idée ne soit pas seulement l’apanage de ce réseau ?

la durée de vie du réseau : quelle pérennité donner au réseau ? comment renouveler le réseau ? comment lui conserver sa dynamique ? comment se prémunir des effets contre-productifs (institutionnalisation, confiscation des idées par le réseau, trop forte professionnalisation ...) ? quand mettre fin au réseau ?

l’apport des compétences externes : quel système de veille mettre en place ? quel rôle donner aux experts externes ? comment faire en sorte que les échanges soient productifs ?

Fiche technique D’ATELIER : LES POINTS-CLES

La communication interne et externe au service du changement

Bien cerner au départ les différentes acceptions de la communication : communication institutionnelle / managériale ; communication interne / externe ; communication centrale / de proximité. S’entendre sur la conduite du changement : chaque situation appelle une communication appropriée. S’il n’y a pas de recette, certains principes sont à respecter.

Des éléments pour éclairer la discussion :

stratégie et pilotage de la communication sur le changement : une stratégie à bâtir (prise en compte de la multiplicité des acteurs, mesure des enjeux, explicitation des objectifs, choix des cibles, choix des moments-clés, anticipation des difficultés, scénarios ...) ; des exigences fortes et multiples à satisfaire (cohérence, transparence, pertinence, accessibilité, réactivité, feed-back ...) ; des choix en termes de rythme, d’intensité, de montée en charge, de dosage (modestie / ambition), de démultiplication ...

le statut de la communication sur le changement : quelle différenciation par rapport à la communication habituelle (émetteur, message, canal, registre, cible) ? quelle articulation avec la communication au jour le jour ? comment assurer sa légitimité dans l’organisation ?

Page 36: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

comment assurer sa crédibilité auprès des personnels et des usagers ? quels sont les bons relais ? comment gérer la multiplicité des acteurs et des sources ?

les liens entre communication interne et communication externe : il y a interaction mais pas forcément superposition, les deux facettes ont leur propre rôle à jouer, leur propre temporalité, leurs objectifs spécifiques mais ont une cohérence à respecter (fonction de miroir, effets qui se renforcent) ...

des fonctions qui évoluent dans le temps : lancement (informer, situer le cadre, préparer les esprits) ; appropriation (informer sur le processus, susciter l’intérêt, diffuser les premiers résultats) ; mobilisation (donner du sens, susciter et organiser les échanges, créer de la cohérence) ; exemplarité (valoriser les innovateurs, mettre en exergue les réussites) ; accompagnement (capitaliser les remontées du terrain, maintenir l’intérêt, ...) ; consolidation (diffuser le mode d’emploi du changement, valoriser les résultats, informer les usagers des changements, rehausser l’image externe) ...

les principaux écueils : mauvais choix des relais ; mauvaise gestion des cibles (multiplicité des acteurs) ; dissonances (discours / ressenti) ; tentation hiérarchique (communication voix de son maître) ; lissage (communication cosmétique) ou décalage par rapport au processus effectif (communication minorant ou au contraire embellissant les changements)

les conditions d’une communication performante : des principes de base à respecter (cohérence, transparence, honnêteté, débat ...) ; qualité et densité du management de projet (la communication ne peut être un substitut à l’absence d’objectifs, elle ne peut combler les lacunes du pilotage) ; capacité à tenir compte de la complexité ; évaluation de la communication

FICHE TECHNIQUE D’ATELIER : LES POINTS-CLES

La formation au service du changement

Bien distinguer l’apport attendu de la formation dans les différentes phases de la conduite du changement (préparation / réflexion, expérimentation, consolidation / extension, généralisation). S’intéresser au contenu à donner à une formation axée sur la dynamique de changement, notamment à destination de l’encadrement (comment le rendre moteur ?).

Des éléments pour éclairer la discussion :

La construction de la formation

exemples d’attributs de la formation, dans le cadre d’une démarche de changement : orientation (donner de la méthode, fournir une clé de compréhension, créer un état d’esprit, donner de l’appétence, susciter l’innovation ...) ; mobilisation (donner du sens, créer de la cohérence, communiquer , infléchir les pratiques...) ; accompagnement (donner des outils, élever le niveau d’expertise, consolider les acquis, capitaliser les remontées du terrain ...) ; développement (diffuser les bonnes pratiques, adapter les compétences, préparer les futurs métiers, anticiper les besoins...)

Page 37: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

Penser à intégrer :

- l’extension à donner à la formation (quelles cibles ? quel rythme de progression ? ...) ;

- la logique retenue (formation individuelle ou collective, tutorat, monitorat) ;

- logique de processus (la formation comme action de management ...) plutôt que de catalogue ;

- l’articulation de cette formation avec la formation habituelle et les processus de gestion des ressources humaines ;

- l’articulation avec les autres outils ou processus mis en œuvre dans le cadre de la démarche de changement ;

- les ressources à utiliser (internes / externes, avantages et inconvénients respectifs) ;

- les moyens de pérenniser dans le temps (transfert des compétences, des savoir-faire acquis durant la démarche ...) ;

- les modalités et le rôle de l’évaluation.

Interrogations centrales sur la formation elle-même :

comment identifier les besoins spécifiques liés à la démarche de changement ?

comment sortir des sentiers battus et faire de la formation un véritable levier sur la durée ?

quel rôle faire jouer à la formation de type action ? comment est organisé le retour du terrain ?

qui pilote les actions de formation liées à la démarche de changement ?

quelle serait une formation qui développerait l’aptitude à l’innovation ? à la conduite du changement ?

FICHE TECHNIQUE D’ATELIER : LES POINTS-CLES

Les outils de pilotage et les systèmes d’information et de suivi au service des objectifs stratégiques du changement

Le diagnostic de situation aide à mettre en perspective les forces et faiblesses de l’organisation avec les attentes externes (les usagers, les opérateurs, les partenaires ...) et internes (les autres services, les autres administrations ...).

Page 38: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

Sa réalisation débouche sur une obligation d’action pour le responsable, elle implique la définition d’objectifs, la construction de plans d’action, l’élaboration d’un mode opératoire pour le pilotage et d’indicateurs pour le suivi. La mise en place d’outils de pilotage et de suivi est au service d’objectifs d’amélioration, elle ne peut être déconnectée de son utilisation locale.

Question centrale : comment assurer la cohérence entre la définition des objectifs (les choix qui résultent de la réflexion stratégique), le pilotage (la mise en œuvre des plans d’action) et le système d’information et de suivi ?

Des éléments pour éclairer la discussion :

les finalités d’un diagnostic : développer la vision stratégique en intégrant l’ensemble des enjeux internes et externes ; initier d’autres modes de représentation ; replacer les usagers, les partenaires, les opérateurs au centre de la réflexion et rebâtir une logique d’action appropriée ; assurer la pertinence de l’allocation des moyens ; construire une méthodologie du changement ; définir des objectifs au niveau du service ...

les conditions de réussite du pilotage : faire partager la vision ; responsabiliser au niveau le plus proche du terrain ; connaître et prendre en compte les contraintes du terrain ; concevoir les outils au service de la démarche ; rendre les agents acteurs de l’évaluation de leur propre action ...

la construction et l’utilisation des systèmes d’information et de suivi : comment bien définir les besoins de pilotage et de suivi ? comment en faire un processus partagé ? comment en faire une source permanente du progrès individuel et collectif ? quel équilibre trouver entre la recherche d’une logique institutionnelle (besoins de cohérence, de suivi, d’agrégation) et l’adaptation aux besoins locaux ?

Page 39: Comment piloter le changement dans l’administration · Dans cet environnement nouveau, le secteur privé a pris une avance sur un certain nombre de sujets. Il faut accepter d’en

l’utilisation d’indicateurs : quel est l’apport attendu des indicateurs ? quelles sont les qualités recherchées (pertinence, simplicité d’utilisation, pérennité ...) ? quelles sont les conditions requises d’une bonne appropriation au niveau local ? comment aider à la réévaluation

des façons de faire ? quels sont les écueils à éviter ?