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CONCEPT BOBATHS Ahmad RIFAII SARRAJ Doctorant en STAPS Chef de service de Physiothérapie – Hôpital Rahmeh de Réhabilitation INTRODUCTION Le concept Bobath représente la formation de base en neurologie même dans le monde entier. L’association internationale des instructeurs Bobath décrivent le concept Bobath dans des termes très générales: une approche du traitement des patients présentant des troubles du tonus, du mouvement et de la fonction. Ils veulent peut-être insister que le concept ne s’agisse ni d’une méthode ni d’une technique spécifique, mais plutôt d’une manière d’aborder la hémiplégie Le concept se caractérise par une interaction permanente entre l’évaluation et le traitement et a comme objectif principal de retrouver le mouvement normal. Le concept Bobath est l’approche le plus utilisée dans la rééducation des patients présentant une atteinte neurologique. Un sondage réalisé par Davidson et Waters en 2000 auprès de 1000 kinésithérapeutes travaillant en neurologie en Grande Bretagne, a montré que 88% l’utilisent pour leurs traitements. Pourtant, seulement 1% d’entre eux l’emploient de manière exclusive, sans recours à d’autres méthodes, ce qui signifie que 87% emploient une approche éclectique.

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CONCEPT BOBATHS

Ahmad RIFAII SARRAJDoctorant en STAPSChef de service de Physiothérapie – Hôpital Rahmeh de Réhabilitation

INTRODUCTION

Le concept Bobath représente la formation de base en neurologie même dans le monde entier.

L’association internationale des instructeurs Bobath décrivent le concept Bobath dans des termes très générales: une approche du traitement des patients présentant des troubles du tonus, du mouvement et de la fonction.

Ils veulent peut-être insister que le concept ne s’agisse ni d’une méthode ni d’une technique spécifique, mais plutôt d’une manière d’aborder la hémiplégie Le concept se caractérise par une interaction permanente entre l’évaluation et le traitement et a comme objectif principal de retrouver le mouvement normal.

Le concept Bobath est l’approche le plus utilisée dans la rééducation des patients présentant une atteinte neurologique.

Un sondage réalisé par Davidson et Waters en 2000 auprès de 1000 kinésithérapeutes travaillant en neurologie en Grande Bretagne, a montré que 88% l’utilisent pour leurs traitements.

Pourtant, seulement 1% d’entre eux l’emploient de manière exclusive, sans recours à d’autres méthodes, ce qui signifie que 87% emploient une approche éclectique.

Etant donne cette diversité des pratiques et des interprétations individuelles, des questions légitimes se posent :

• Actuellement, que fait-on sous le nom de “Bobath”?• Qu’est devenu le concept de Bobath ?

Le concept a évolué avec les progrès des connaissances dans les domaines de la neurophysiologie et de la kinésithérapie. Cependant cette évolution n’a pas été toujours bien reconnue, et les instructeurs et les thérapeutes Bobaths peuvent être reproches pour ne pas l’avoir mentionné dans leurs publications.

Donc, il persiste des idées fausses et dépassées dans la profession.

Récemment, d’importantes publications comme celles de Margaret Mayston, directrice de L’Institut Bobath, et celle de Susan Edwards, auteur et praticienne reconnue, ont justifié les bases théoriques et les pratiques actuelles :

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• Margaret Mayston, Directrice du Centre Bobath (2000 & 2002) “Physiotherapy”Journal

• Susan Edwards (2002) “Neurological Physiotherapy” Churchill-Livingstone: London

HISTOIRE

Berta Bobath a élaboré son concept de traitement en 1943 à partir des observations cliniques des enfants infirmes moteurs cérébraux. Plus tard elle l’a appliqué aux adultes hémiplégiques. Son mari, le docteur Karl Bobath en a développé le cadre théorique sur la base d’une organisation hiérarchique du système nerveux central.

BASES THEORIQUES

Une atteinte centrale comme un accident vasculaire cérébral, libère les réflexes spinaux à caractère tonique du contrôle des centres suprasegmentaires. Bobath postulait que ces réflexes dominaient le mouvement du patient et a développé des techniques manuelles spécifiques: les “reflex inhibiting postures”. La progression du traitement suivait la séquence du développement psychomoteur de l’enfant.

Les Bobaths avaient toujours dit que ce support neurologique n’était qu’une hypothèse provisoire du travail. Déjà en 1984, ils insistaient beaucoup moins sur l’importance de ces réflexes et ont progressivement abandonne l’utilisation des “reflex inhibiting postures” et le traitement suivant la séquence du développement.

Berta Bobath considérait que les principaux problèmes rencontrés dans l’hémiplégie étaient: un tonus postural et une coordination des mouvements anormaux.

Le déficit de la force musculaire avait, a ses yeux, moins importance que les anomalies du tonus conséquent de la perte de l’inhibition par des centres suprasegmentaires. Le rôle de la kinésithérapie était donc de rééquilibrer le tonus et de faciliter des mouvements plus sélectifs de manière soit automatique soit volontaire, pour préparer aux activités fonctionnelles.

Aujourd’hui, grâce à une meilleure compréhension du contrôle de la motricité, l’organisation hiérarchique du système nerveux central n’est plus acceptée comme la base théorique de l’approche thérapeutique, ce qui a eu pour conséquence de faire évoluer la prise en charge.

EVALUATION DU PATIENT EN BOBATH

Dans le concept classique ce qui est évalué chez le patient ce sont:

- la qualité des séquences de ses mouvements ;- sa façon de bouger et les compensations qui lui sont nécessaires ;

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- son aptitude à bouger sans compensations ;- les causes de son dysfonctionnement moteur.

Bobath n’attachait aucune valeur au bilan de la force musculaire ni a celui de l’amplitude articulaire. Pour elle l’évaluation était qualitative et non quantitative.

Durant la dernière décennie, l’importance accordée au système des recommandations professionnelles (Evidence Based Practice), a mis l’accent sur les résultats quantitatifs de la rééducation. Des outils de mesure et des échelles d’évaluation objectives, validées, fiables, sensibles, ont été validées et largement utilisées. Pourtant, apprécier la qualité du mouvement bien que subjectif, reste au coeur de l’évaluation dans le concept Bobath

THEURAPEUTIQUE DE BOBATH

Les propositions thérapeutiques du concept actuel reposent sur les points suivants :- Contrôle postural- Normalisation du tonus (spasticité)- Activité musculaire- Activités fonctionnelles- « Apprentissage moteur »- Qualité du mouvement.

a) Contrôle postural

L’importance accordée au contrôle postural est l’une des caractéristiques du concept. Bobath croyait qu’un mécanisme central du contrôle postural (Central Postural Control Mechanism) réglait les mouvements du tronc et des membres sans et contre pesanteur. Ce mécanisme ajuste le tonus musculaire, l’innervation réciproque et les synergies musculaires.

Un tonus normal veut dire: un tonus suffisamment haut pour permettre le mouvement contre pesanteur mais pas haut au point d’empêcher le mouvement. L’innervation réciproque normale implique l’interaction entre les groupes musculaires pour la stabilité posturale, pour la réalisation d’un mouvement sélectif et pour l’équilibre

Les synergies musculaires assurent les réactions automatiques pour le maintien de l’équilibre aussi bien que pour la réalisation de l’activité volontaire.

Dans le concept actuel on considère toujours qu’un mouvement normal nécessite un bon contrôle postural. La commande centrale pour un geste déterminé comprend aussi bien les commandes posturales que les commandes liées à ce geste.

- Postural sets : des adaptations posturales ont lieu avant, pendant et après un geste, pour assurer la stabilité du corps et l’équilibre. Bobath appelait ces adaptations “postural sets”. Elles précédent et facilitent chaque mouvement volontaire. Par exemple, dans la position (ou postural set) de décubitus dorsal, le corps est si bien soutenu par le support que le tonus postural est généralement bas et il est difficile de recruter de l’activité musculaire (du tonus). Donc on ne

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choisirait pas cette position pour rééduquer un patient très hypotonique. Par contre, s’il est placé en position assise au bord de la table, il peut recruter plus d’activité posturale pour maintenir la position, et pour effectuer un geste.

- Key Points : les points clés sont des régions ou des parties du corps permettant de contrôler plus facilement le mouvement. Les points clés les plus importants se trouvent au niveau proximal (le tronc, la ceinture scapulaire, le bassin), mais ils sont également situés au niveau distal (la main, le pied, une articulation distale). Le choix d’un point clé pour faciliter un mouvement dépend de la capacité du patient à répondre à cette facilitation.

Pour faciliter un mouvement avec le point clé de la main, le tonus postural du tronc doit être adaptée pour permettre la réponse motrice attendue. Il est préférable d’utiliser les points clés proximaux avant de rechercher le mouvement des membres.

Bobath a insisté sur l’approche bilatérale de son concept et ceci s’applique par la dominance des compensations du côté sain qui gênent le retour de la motricité du coté hémiplégique, l’approche est toujours bilatérale, l’objectif étant d’équilibrer l’activité des deux hémicorps.

Dans le concept classique beaucoup de temps de la séance était consacré à la facilitation des réactions d’équilibre. Maintenant l’entraînement de l’équilibre dans un contexte fonctionnel approprié est conseillé.

b) La spasticité

Bobath considérait qu’elle s’agissait d’une hyperactivité musculaire due à l’augmentation des réflexes toniques. Elle postulait que les techniques manuelles inhibaient la spasticité et rendaient possible la réalisation d’un mouvement normal.

Le concept Bobath a été beaucoup critiqué sur ce point. On l’a beaucoup reproché de passer des séances entières à inhiber le tonus anormal sans stimuler l’activité volontaire ou fonctionnelle.

Il faut dire qu’il n’était jamais l’intention de Bobath de transformer le patient en un objet passif de soins. Elle avait clairement déclaré “unless you have made the person active you have done nothing at all” (si on ne rend pas le patient actif, on n’a rien fait).

Aujourd’hui nous comprenons que la spasticité a des dimensions non-neurologiques aussi que neurologiques.

La sous-utilisation des muscles est à l’origine de raideurs et de rétractions musculaires contribuant à la résistance du muscle à l’étirement passif.

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La perte d’extensibilité des tissus conjonctifs, musculaires et peri-articulaires participe également au mauvais alignement articulaire qui diminue l’efficacité de la contraction des muscles.

Les techniques manuelles du concept Bobath ne peuvent pas modifier les aspects neurologiques de la spasticité, mais peuvent améliorer l’extensibilité des muscles et l’amplitude articulaire au profit de la fonction musculaire résiduelle.

c) Activité musculaire - débat tonus/force

Bobath pensait que le déficit musculaire des patients hémiplégiques s’expliquait par le défaut d’inhibition réciproque. Si la spasticité des muscles antagonistes était diminuée, la force des agonistes s’exprimerait.

Dans le concept actuel on reconnaît qu’il y a un déficit de la commande volontaire centrale.

Les thérapeutes Bobath ont longtemps affirmé que l’effort et le renforcement musculaire augmentaient la spasticité. Des études récentes ont montré que ce n’est pas le cas, que l’exercice et sa répétition peuvent améliorer la force musculaire et l’adaptation à l’effort du patient.

Maintenant les exercices pour augmenter la force musculaire sont conseillés, mais en évitant un effort maximal.

d) Activités fonctionnelles

Le traitement du tonus et du mouvement anormal dans le concept Bobath a évolué grâce à ces nouvelles théories. On sait diminuer la spasticité par l’étirement des muscles et la mobilisation des articulations. Cependant, malgré l’importance des techniques manuelles, l’acquisition permanente du contrôle du mouvement n’est obtenue que lorsqu’il est effectif dans les gestes usuels.

Un geste réalisé correctement élimine les informations sensitives parasites et aide au rétablissement d’un contrôle plus physiologique et mieux adapté.

e) Apprentissage moteur

Dans la littérature anglophone, le concept Bobath a été critiqué pour ne pas avoir intégrer les théories de l’apprentissage moteur. L’apprentissage est décrit comme un processus cognitif pour lequel l’attention, la pratique, la rétroaction et la résolution de problèmes sont importantes. La participation active du patient est essentielle dans les situations fonctionnelles et dans l’environnement quotidien.

Traditionnellement, les thérapeutes Bobath passaient trop de temps à la préparation du mouvement et à la réalisation des phases du geste, au lieu d’entraîner le geste spécifique lui-même.

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Maintenant, l’intérêt de laisser le patient s’entraîner hors de la présence du thérapeute est reconnu. Mayston et Edwards affirment qu’il faut intégrer dans les traitements les 3 principes majeurs de l’apprentissage: la participation active, la pratique et la recherche d’objectifs significatifs.

f) Qualité du mouvement

Dans le concept classique on croyait qu’un mouvement de meilleure qualité favorise une meilleure aptitude fonctionnelle.

Dans leur sondage auprès de 1000 kinésithérapeutes en Grande Bretagne, Davidson et Waters ont trouve que cette conviction était accepte par 56% des sondes. Pourtant 73% d’entre eux pensaient qu’il vaut mieux empêcher un patient de marcher s’il ne marche pas bien.

Il n’existe aucune preuve scientifique pour cette conviction. Bien au contraire, différentes études ont montré l’efficacité de l’entraînement à la marche sur un tapis roulant.

VALIDATION DU CONCEPT

Les propositions actuelles du concept Bobath sont beaucoup plus pragmatique qu’avant. On reconnaît que le retour d’une activité “normale” est conditionné par l’état neurologique. Susan Edwards parle des avantages d’une ambulation précoce pour les systèmes cardio-vasculaire, rénal, pulmonaire et locomoteur. En plus elle ne voit pas de justification à la réticence des kinésithérapeutes à la prescription des appareillages et des aides de marche.

Dans le domaine de la rééducation neurologique il existe peu de publications scientifiques. Il n’existe pas en particulier de preuve d’une meilleure efficacité d’une méthode par rapport à une autre.

Mais si aucune étude n’a montré de manière significative l’efficacité du concept, c’est probablement à cause des défauts méthodologiques. Et cela ne signifie pas pour autant que les aspects spécifiques de la rééducation sont inefficaces.

Dans la littérature anglophone différents auteurs suggèrent qu’il serait plus utile d’évaluer les interventions spécifiques et de déterminer les patients auxquels elles conviennent le mieux. Ils conseillent d’utiliser des groupes homogènes de patients en tenant compte des déficiences et des incapacités, car les différences peuvent influencer les résultats de la recherche.

Il n’existe pas une seule approche thérapeutique qui puisse convenir à chaque patient hémiplégique. Une évaluation précise des déficits du patient est nécessaire afin de choisir le traitement le plus adapté.

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CONCLUSION

La version actualisée de l’approche Bobath n’est pas l’abandon du concept classique et de ce que Berta et Karl Bobath ont apporté a la rééducation neurologique.

Bien que les bases théoriques aient change, les points spécifiques de la rééducation restent dans bien des cas pertinents.

L’essentiel de l’approche thérapeutique conserve son efficacité.

L’approche Bobath s’est ouverte aux nouvelles connaissances et se nourrit désormais de l’apport des autres méthodes de rééducation: ce qui est une évolution positive.

Cette évolution du concept est a l’origine d’un débat interne sur la nécessite d’en changer le nom. Mais quelque soit son nom, le concept Bobath continue à apporter beaucoup à la rééducation des patients hémiplégiques.