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Med Pal 2007; 6: 201 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 13 e CONGRÈS DE LA SFAP Médecine palliative 201 N° 3 – Juin 2007 Conception de la spiritualité chez les soignants Sylvie Scaon, Psychologue, Doctorante à l’École Pratique des Hautes Études, Paris. Les attitudes sociales envers la mort posent un défi. En effet aujourd’hui 70 % des personnes décèdent en structure, entourées de professionnels de soin. Par consé- quent, une interrogation émerge concernant la conception des besoins spirituels chez les soignants. En effet, la question des besoins spirituels est un élé- ment important des soins holistiques et de la qualité de vie des patients. Des modèles de soins infirmiers [1, 2] ont abordé la place des besoins spirituels du patient dans la prise en charge soignante. Cependant des travaux mettent en évidence des difficultés dans la prise en charge de cette dimension chez les soignants [3] dues en grande partie à la définition du spirituel. L’objectif de notre étude est de connaître la conception des besoins spirituels chez des médecins, infirmières, aides soignantes et agents hospitaliers, confrontés à des personnes atteintes de maladies graves. Nous avons élaboré un questionnaire constitué par : un ensemble de trois questions portant sur la capa- cité pour chaque soignant, d’identifier et assumer les be- soins spirituels ; un ensemble de 25 items (tirés de la littérature spé- cialisée) décrivant des besoins spirituels pour un patient atteint de maladie grave, puis des variables sociodémo- graphiques relatives au soignant. L’étude est réalisée auprès de 58 soignants de services de moyens séjours : 13 médecins, 20 infirmières, 18 aides soignantes, 7 agents des services hospitaliers qui occupent les mêmes fonctions que les aides-soignants. Chaque soi- gnant effectue une cotation des items relevés dans la lit- térature spécialisée selon le degré d’importance qu’ils ac- cordent à l’item. Nos résultats montrent que les soignants, médecins, infirmières, aides soignantes, agents hospita- liers, occupant différentes fonctions auprès de la personne malade, ont la même conception des besoins spirituels pour les personnes en fin de vie. Nous avons effectué une analyse factorielle qui permet d’isoler 8 items. Ces huit items se répartissent en deux groupes. Le premier groupe de 4 items correspond aux besoins individuels localisés dans la sphère réflexive et psychologique du patient (faire le point, relecture de sa vie, croyance en un « au-delà », quête de sens de sa vie). Le second groupe correspond aux besoins de relations de soin et de bien-être corporel (conservation d’une bonne image de soi, compréhension des soins, confort physique, qualité du sommeil). Nos résultats mettent en évidence que cette représen- tation varie selon l’âge du soignant. Plus le soignant est jeune, plus la représentation des besoins spirituels tend à s’axer vers les aspects corporels de la personne malade. Plus le soignant est âgé, plus il se représente les besoins spirituels comme des questionnements existentiels chez la personne atteinte de maladie grave. Cette étude permet de mettre en évidence des concep- tions différentes chez les soignants. Une dichotomie corpo- rel/existentiel existe dans la représentation des soignants et celle-ci n’est pas modulée par leur catégorie sociopro- fessionnelle. Elle varie selon l’âge du soignant. Le jeune soignant a une représentation plus axée sur le corps et les soins donnés au malade, ce qui va dans le sens de sa formation et de ses pratiques qui ont été ré- cemment acquises. Le soignant plus âgé fait plutôt réfé- rence aux questions existentielles du sujet malade. Notre pratique auprès des patients atteints de maladie grave est essentiellement interdisciplinaire. Dans cette op- tique, nos résultats sur les conceptions des besoins spirituels chez les différents professionnels du soin nous permettent d’apporter un éclairage intéressant sur le regard de chacun. Références 1. Roy C. Introduction to Nursing: An Adaptation Model. NJ, Englewood Cliffs ; 1976. 2. Neuman B. The Neuman Systems Model. Norwalk, CT, Ap- pleton & Lange. Prentice-Hall ; 1995. 3. Narayanasamy AM. Nurses’awarness and educationnal pre- paration in meeting their patients’ spiritual needs. Nurse Education Today 1993 ; 13 : 196-201. Scaon S. Conception de la spiritualité chez les soignants. Med Pal 2007; 6: 201. NDLR : Ce texte reprend une présentation faite lors de la séance plénière 3 « Place du spirituel dans les soins » du 13 e Congrès de la SFAP (Grenoble – 14 au 16 juin 2007). Adresse pour la correspondance : Sylvie Scaon, Centre Hospitalier Régional Universitaire Tours, Service d’Oncologie- Hématologie, 49, boulevard Béranger, 37044 Tours Cedex. e-mail : [email protected] Cette étude a fait l’objet d’un article intitulé : Scaon S., Chasseigne G., Colombat P. Health Care Professionals’ Perception of The Spiritual Needs of Patients with a Life-Threatening Illness. Europ J Palliat Care 2006 ; 13 : 39-40.

Conception de la spiritualité chez les soignants

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Med Pal 2007; 6: 201

© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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C O N G R È S D E L A S F A P

Médecine palliative

201

N° 3 – Juin 2007

Conception de la spiritualité chez les soignants

Sylvie Scaon, Psychologue, Doctorante à l’École Pratique des Hautes Études, Paris.

L

es attitudes sociales envers la mort posent un défi.En effet aujourd’hui 70 % des personnes décèdent enstructure, entourées de professionnels de soin. Par consé-quent, une interrogation émerge concernant la conceptiondes besoins spirituels chez les soignants.

En effet, la question des besoins spirituels est un élé-ment important des soins holistiques et de la qualité devie des patients. Des modèles de soins infirmiers [1, 2] ontabordé la place des besoins spirituels du patient dans laprise en charge soignante. Cependant des travaux mettenten évidence des difficultés dans la prise en charge de cettedimension chez les soignants [3] dues en grande partie àla définition du spirituel.

L’objectif de notre étude est de connaître la conceptiondes besoins spirituels chez des médecins, infirmières, aidessoignantes et agents hospitaliers, confrontés à des personnesatteintes de maladies graves.

Nous avons élaboré un questionnaire constitué par : – un ensemble de trois questions portant sur la capa-

cité pour chaque soignant, d’identifier et assumer les be-soins spirituels ;

– un ensemble de 25 items (tirés de la littérature spé-cialisée) décrivant des besoins spirituels pour un patientatteint de maladie grave, puis des variables sociodémo-graphiques relatives au soignant.

L’étude est réalisée auprès de 58 soignants de servicesde moyens séjours : 13 médecins, 20 infirmières, 18 aidessoignantes, 7 agents des services hospitaliers qui occupentles mêmes fonctions que les aides-soignants. Chaque soi-gnant effectue une cotation des items relevés dans la lit-térature spécialisée selon le degré d’importance qu’ils ac-cordent à l’item. Nos résultats montrent que les soignants,médecins, infirmières, aides soignantes, agents hospita-liers, occupant différentes fonctions auprès de la personnemalade, ont la même conception des besoins spirituelspour les personnes en fin de vie.

Nous avons effectué une analyse factorielle qui permetd’isoler 8 items. Ces huit items se répartissent en deuxgroupes. Le premier groupe de 4 items correspond auxbesoins individuels localisés dans la sphère réflexive et

psychologique du patient (faire le point, relecture de savie, croyance en un « au-delà », quête de sens de sa vie).Le second groupe correspond aux besoins de relations desoin et de bien-être corporel (conservation d’une bonneimage de soi, compréhension des soins, confort physique,qualité du sommeil).

Nos résultats mettent en évidence que cette représen-tation varie selon l’âge du soignant. Plus le soignant estjeune, plus la représentation des besoins spirituels tend às’axer vers les aspects corporels de la personne malade.Plus le soignant est âgé, plus il se représente les besoinsspirituels comme des questionnements existentiels chez lapersonne atteinte de maladie grave.

Cette étude permet de mettre en évidence des concep-tions différentes chez les soignants. Une dichotomie corpo-rel/existentiel existe dans la représentation des soignantset celle-ci n’est pas modulée par leur catégorie sociopro-fessionnelle. Elle varie selon l’âge du soignant.

Le jeune soignant a une représentation plus axée surle corps et les soins donnés au malade, ce qui va dans lesens de sa formation et de ses pratiques qui ont été ré-cemment acquises. Le soignant plus âgé fait plutôt réfé-rence aux questions existentielles du sujet malade.

Notre pratique auprès des patients atteints de maladiegrave est essentiellement interdisciplinaire. Dans cette op-tique, nos résultats sur les conceptions des besoins spirituelschez les différents professionnels du soin nous permettentd’apporter un éclairage intéressant sur le regard de chacun.

Références

1. Roy C. Introduction to Nursing: An Adaptation Model. NJ,Englewood Cliffs ; 1976.

2. Neuman B. The Neuman Systems Model. Norwalk, CT, Ap-pleton & Lange. Prentice-Hall ; 1995.

3. Narayanasamy AM. Nurses’awarness and educationnal pre-paration in meeting their patients’ spiritual needs. NurseEducation Today 1993 ; 13 : 196-201.

Scaon S. Conception de la spiritualité chez les soignants. Med Pal 2007; 6: 201.

NDLR : Ce texte reprend une présentation faite lors de la séance plénière 3« Place du spirituel dans les soins » du 13e Congrès de la SFAP (Grenoble –14 au 16 juin 2007).

Adresse pour la correspondance :

Sylvie Scaon, Centre Hospitalier Régional Universitaire Tours, Service d’Oncologie-

Hématologie, 49, boulevard Béranger, 37044 Tours Cedex.

e-mail : [email protected]

Cette étude a fait l’objet d’un article intitulé :Scaon S., Chasseigne G., Colombat P. Health Care Professionals’ Perception ofThe Spiritual Needs of Patients with a Life-Threatening Illness. Europ J PalliatCare 2006 ; 13 : 39-40.