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Filière directeur d’hôpital Promotion : 2011-2013 Date du Jury : Décembre 2012 Conflits de rôle des cadres de santé à l’hôpital: réflexions pour une amélioration de l’unité et de la performance managériale, le cas du CHU de Rennes Loïc DELASTRE

Conflits de rôle des cadres de santé à l'hôpital ... · l’unité et de la performance managériale, le cas du CHU de Rennes Loïc DELASTRE . ... inversement proportionnel au

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Filière directeur d’hôpital

Promotion : 2011-2013

Date du Jury : Décembre 2012

Conflits de rôle des cadres de santé à

l’hôpital: réflexions pour une amélioration de

l’unité et de la performance managériale,

le cas du CHU de Rennes

Loïc DELASTRE

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Loïc DELASTRE -- Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

R e m e r c i e m e n t s

Je souhaite ici, en premier lieu, exprimer mes remerciements aux cadres de

direction et aux cadres de santé du CHU de Rennes qui m’ont permis de réaliser cette

étude. Tous font un métier difficile avec une conscience professionnelle qui force

l’admiration. J’espère apporter un point de vue utile à leur métier par ma réflexion.

Madame Laëtitia Laude, comme directrice de mémoire, vous avez été de bon

conseil et d’une grande disponibilité. Vous cherchez en permanence à confronter vos

travaux universitaires à la réalité hospitalière, en particulier celle d’un établissement de

santé d’Ile-de-France, cela m’a été très précieux lors de la rédaction de ce mémoire

professionnel. Soyez-en vivement remerciée.

En dernier lieu, je souhaite remercier mon maître de stage, Patrick Plassais, dont

le passage récent du CHU de Rennes à l’EHESP illustre particulièrement l’enrichissement

mutuel que doivent avoir la réflexion théorique et la pratique professionnelle. Je lui

souhaite le meilleur accomplissement professionnel possible dans ses nouvelles

fonctions.

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

S o m m a i r e

Introduction .......................................................................................................... 1

Encadré 1 : La méthode des incidents critiques et les raisons de son utilisation ....... 7

1 Les récentes évolutions hospitalières favorisent le développement de

conflits de rôle chez les cadres de santé ........................................................... 9

1.1 L’apport de la notion de conflit de rôle pour décrire la situation des cadres

de santé à l’hôpital ..................................................................................................... 9

1.1.1 Une pluralité de conflits de rôle ...................................................................... 9

1.1.2 Réflexion sur l’origine des conflits de rôle des cadres de santé à l’hôpital ....14

1.2 Des conflits de rôle difficiles à surmonter et à l’origine d’une perte de sens

dans le travail chez les cadres ..................................................................................22

1.2.1 Les stratégies des cadres de santé pour faire face aux conflits de rôle ........22

1.2.2 Des modes de résolutions à l’origine d’une perte de sens dans le travail......27

2 La prévention et la gestion des conflits de rôle des cadres de santé, une

responsabilité commune des cadres et de l’encadrement de direction ........ 31

2.1 La prévention et la gestion des conflits de rôle par la réflexion sur la

formation et le positionnement opérationnel des cadres. ......................................31

2.1.1 Développer une réflexion stratégique sur les fonctions, la formation et les

parcours des cadres de santé ..................................................................................31

2.1.2 Promouvoir un positionnement opérationnel des cadres de santé et un

dialogue managérial permanent ...............................................................................37

2.2 La prévention et la gestion par l’encadrement de direction des conflits de

rôle des cadres de santé ...........................................................................................47

2.2.1 Encadrement de direction et principe de subsidiarité ....................................48

2.2.2 Management de la confiance : congruence, communication interne et

effectivité ..................................................................................................................50

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

Conclusion .......................................................................................................... 58

Bibliographie ....................................................................................................... 61

Liste des annexes .................................................................................................. I

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

L i s t e d e s s i g l e s u t i l i s é s

ADH : Association des Directeurs d’Hôpital

ANAP : Agence Nationale d’Appui à la Performance

ARH : Agence Régionale de l’Hospitalisation

ARS : Agence Régionale de Santé

CHU : Centre Hospitalier et Universitaire

CPOM : Contrat Pluriannuel d’Objectif et de Moyens

DQRU : Direction de la Qualité et des Relations avec les Usagers

EDH : Elève Directeur d’Hôpital

HPST : loi Hôpital, Patients Santé Territoires

IFSI : Institut de Formation aux Soins Infirmiers

ONDAM : Objectif National des Dépenses de l’Assurance Maladie

PRS : Programme Régional de Santé

T2A : Tarification A l’Activité

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Introduction

Les directeurs d’hôpital ont-ils encore le temps d’être managers ? De nombreuses

grèves des cadres relativement ces dernières années (Tours en 2010, Nantes en 2011,

Rennes en 2011 etc.) semblent montrer une carence managériale. De telles

manifestations de mécontentement venant de la part d’une partie de l’encadrement

préoccupent les directeurs d’établissement de santé.

Pourtant l’on constate ici un des nombreux paradoxes de l’hôpital public français

entre l’importance reconnue par les directeurs d’hôpital aux cadres de santé1 d’une part

et la focalisation concrète de l’action de la profession2, y compris les EDH3, sur d’autres

sujets d’autre part. Selon une étude de l’Association des Directeurs d’Hôpital (ADH) en

2010, les directeurs d’hôpital n’identifient pas le malaise des cadres de l’hôpital et plus

particulièrement des cadres de santé parmi les difficultés premières dans la mise en

œuvre de projets. Cette étude ne signifie évidemment pas qu’ils ignorent ce malaise mais

qu’ils ne le considèrent pas, en général, comme un obstacle majeur dans la poursuite de

leurs objectifs et la conduite de leurs établissements.

Les explications à ce paradoxe sont multifactorielles et nécessitent une grande

prudence vue la variété des situations particulières. Néanmoins, l’étude de l’ADH montre

que le degré de complexité perçu par les directeurs d’hôpital dans leurs missions est

inversement proportionnel au degré de maîtrise qu’ils ont sur les éléments considérés.

Les contraintes réglementaires et financières reconnues comme très délicates sont celles

sur lesquelles les directeurs ont le moins de prise tandis que les relations internes, sont

identifiées comme moins problématiques du fait de la maîtrise que les directeurs estiment

avoir sur ces sujets.

1 « Autant dire que leurs missions sont décisives et que leur préparation pour les exercer est capitale » in

Projet de management 2012-2016 du CHU de Rennes

2Interrogés sur plusieurs problématiques, les répondants jugent avant tout les « contraintes budgétaires » très

complexes (46 % des réponses et même 89 % si l’on additionne tous les indices positifs). On remarque une

forte polarisation (65 % de complexe) autour des contraintes réglementaires. En revanche, les situations où

entrent en jeu des interactions sociales et humaines (relations avec les partenaires, relations avec le corps

médical, climat social) sont rationalisées puisque plus du tiers (36 %) des répondants jugent notamment ces

deux derniers items peu ou pas complexes. Résultat quasi identique pour la gestion des risques. 3A titre d’illustration, en 50 ans, seulement 10 mémoires d’élèves directeur d’hôpital sur les 2535 publiés par

l’ENSP/EHESP ont porté sur les cadres de santé.

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- 2 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

Chantal de Singly, éclairée à n’en pas douter par son itinéraire professionnel,

constate dans son rapport de la mission Cadres Hospitaliers du 11 septembre 2009 :

« ‘Maillon central’, ‘pilier du service’, ‘clef du changement’, ‘référence permanente et

solide’… les mots ne manquent ni aux directeurs ni aux médecins pour souligner le rôle

essentiel que jouent les cadres à l’hôpital. Ces mots, les cadres les connaissent ; ils et

elles les ont tant entendus, eux qui ne comptent ni leurs heures ni leur énergie, pour

soutenir leurs équipes, repenser les organisations de travail autour de la qualité et de

l’efficience ou répondre aux nombreuses priorités qui s’imposent à eux. Mais au-delà des

mots, quelle place occupent réellement les cadres dans l’organisation hospitalière ?

Quelle confiance leur est-elle faite dans leur capacité à conduire leurs équipes ?

Comment sont-ils associés aux décisions stratégiques de l’établissement ? Quelle

reconnaissance reçoivent-ils et perçoivent-ils de ceux qui les encadrent et de ceux dont ils

sont partenaires ?4 »

Culturellement assez rare, les manifestations du malaise rencontré dans leur

métier par les cadres de santé semblent plus fréquentes ces dernières années (au CHU

de Rennes, des mouvements sociaux d’ampleur variable ont eu lieu en 2009, 2010 et

2011).

Il existe pourtant chez les cadres une difficulté consubstantielle à faire grève ou à

contester l’autorité. En effet, « les formes de contestation et de résistance des cadres sont

toujours ambivalentes comme l’est leur fonction même. S’ils contestent quelque chose, ce

qu’ils contestent est une partie d’eux-mêmes5 ». Ceci notamment parce qu’ils sont, selon

les mots du Directeur Général du CHU de Rennes à une Assemblée Générale des cadres

de santé du 6 avril 2012, « détenteurs d’une parcelle de l’autorité du chef

d’établissement ». Leur grève manifeste la contestation de ce qu’ils sont pour une part :

l’autorité de l’institution. Ceci est d’autant plus vrai depuis l’évolution de leur dénomination

de cadre infirmier vers celle de cadre de santé suivant ainsi une évolution plus

managériale que soignante6.

L’unité managériale entre cadres de direction et cadres de proximité des

établissements de santé est mise à mal par ces grèves. Ces dernières apparaissent

comme un dysfonctionnement entre cadres de santé et cadres de direction. La « question

des cadres » comme on l’entend souvent, est donc, une problématique de cadres mais

aussi de directeur d’hôpital.

4

SINGLY (de) C., Rapport de la mission Cadres Hospitaliers, 2009 5

MISPELBOM BEYER F., 12ème journée d'étude du GDR CADRES Lyon - 15 décembre 2006 6 DIVAY S., GADEA, C. Communication aux XIVème Journée d’études du GDR CADRES, "Encadrer sous

contrainte : les encadrants des organisations publiques" IMUS, institut du management de l’Université de

Savoie, Annecy , décembre 2007

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 3 -

Il faut, dès lors, renoncer à relier uniquement les difficultés rencontrées par les

cadre à leur formation, leurs capacités, bref leur responsabilité, exclusivement de celle du

management hospitalier.

L’expression d’un mécontentement par une catégorie de personnel culturellement

non coutumière du fait, interpelle. A quoi est donc dû ce malaise exprimé par des

contestations parfois importantes (la grève des cadres du CHU de Nantes a duré

plusieurs mois en 2011) ?

De toutes les hypothèses possibles, la plus invoquée pour expliquer ce

phénomène est la tension budgétaire devenue chronique dans le système de santé en

France. Le modèle social français, au regard de la conjoncture économique actuelle, ne

permet plus un financement aussi exhaustif de dépenses hospitalières en augmentation.

La réduction des coûts et l’amélioration des organisations sont devenues le leitmotiv des

établissements et aucun d’eux ne peut se passer pour cela d’un travail de management

de proximité. L’hypothèse la plus entendue est donc que ce management de proximité

subit la pression sociale accompagnant les décisions budgétaires difficiles.

Pourtant, les cadres savent que ce contexte budgétaire n’est que partiellement

contrôlé par les directeurs d’hôpital. Les entretiens réalisés pour cette étude montrent que

les cadres de santé peuvent être une force de proposition, qu’ils sont rarement dans une

position de demandeur systématique de moyens supplémentaires et qu’ils intègrent très

bien, au moins théoriquement, l’exigence de maîtrise budgétaire7.

Les grèves successives ne peuvent donc avoir pour seul motif la contestation

d’une tension budgétaire par des cadres de santé qui reconnaissent que cette tension

n’est pas principalement le fait du directeur de l’établissement.

En 2011, les cadres du CHU de Rennes, ont élaboré un document d’expression

destiné à la direction de l’hôpital. Ce « manifeste des cadres » montre plusieurs éléments.

Les cadres ne voulaient pas être associés à un mouvement syndical de contestation

(signe de leur loyauté consubstantielle). Ensuite, selon l’un des cadres de santé

représentant ses collègues à la suite du mouvement, les cadres souhaitaient proposer

une réflexion constructive portant plus sur leur condition d’exercice que sur le fond des

décisions qu’ils ont à porter.

Ce qui a généré la grève des cadres n’est donc pas une contestation sur l’action

de la direction et des cadres mais sur le mode d’action et de collaboration de la direction

et des cadres. Le document d’expression des cadres du CHU de Rennes en 2011 n’est

7 Document d’expression des cadres de santé du CHU de Rennes en 2011 : « Nous sommes

conscients que les orientations de la politique de santé actuelle conduisent les établissements à prendre des mesures stratégiques et économiques difficiles. »

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- 4 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

pas une succession de revendications liées à un contexte budgétaire mais un ensemble

de propositions de réflexion sur leur collaboration professionnelle avec la direction.

Ainsi, il s’agit d’étudier le rôle et les attentes à l’égard des cadres de santé, mais

également, les rôles et attentes des cadres eux-mêmes à l’égard de l’hôpital et de ses

acteurs notamment sa direction.

Ceci particulièrement parce que le métier de cadre est un métier de relation. Il

n’est pas un métier de production au sens industriel du terme, il est principalement un

métier de structuration des relations. Ainsi, le terme « cadre », du latin quadrum, carré8,

indique une notion de délimitation, de limite, de régularité, d’unité (quatre côtés identiques

et reliés entre eux). Comme pour un tableau, le cadre est à la fois distinct du sujet

encadré mais en prise et indissociable de ce dernier au risque de perdre son objet.

Sur le plan méthodologique, même s’il est très probable que d’autres cadres de

l’hôpital connaissent des situations similaires, la nécessité d’homogénéisation de l’étude

réalisée conduit à n’étudier que les cadres de santé. Ceci du fait de leur importance

numérique mais aussi parce qu’ils encadrent le cœur du métier de l’hôpital. Dans cette

étude, le terme de « cadre » renverra donc, systématiquement au métier de cadre

responsable d’unité de soins9 souvent dénommé également cadre de santé.

Le constat réalisé en stage, cause initiale de cette étude, porte sur le

positionnement des cadres. Les grèves montrent qu’ils ne trouvent pas leur

positionnement, ou le connaissent mais ne parviennent pas à le tenir, ou encore ne le

connaissent ni ne parviennent à le tenir. A ce titre, la grève des cadres du CHU de

Rennes en 2011 est une demande de réflexion sur leur positionnement face aux

contraintes qu’ils connaissent.

Le sentiment de solitude face aux équipes, à qui ils doivent expliquer des

décisions difficiles, interroge sur les conflits de rôle qu’ils connaissent et sur leur

prévention et leur gestion. L’hypothèse de départ de cette analyse est donc l’existence de

conflit de rôle chez les cadres perturbant leur travail.

8 A ce titre, la souplesse que le métier de cadre de santé implique selon les entretiens réalisés,

questionne singulièrement le terme de « cadre », donc de carré, qui renvoie plus à une certaine

rigidité… 9 Cf. Code métier 05U20 du référentiel des métiers de la fonction publique hospitalière.

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 5 -

Le Larousse définit le conflit comme « une opposition d’intérêt entre deux ou

plusieurs parties dont la solution peut être recherchée soit par des mesures de violence,

soit par des négociations, soit par l’appel à une tierce personne. »

Anne-Marie Rocheblave-Spenlé10 propose une définition du rôle comme « un

modèle organisé de conduites, relatif à une certaine position de l’individu dans un

ensemble interactionnel ». En 1964, Daniel Katz et Robert Kahn définissent les rôles

organisationnels comme « l’ensemble des activités, des comportements et des attentes

ou demandes communément associés à un poste de travail dans une organisation

donnée ».

La notion de conflit de rôle a été développée par ces deux psychologues sociaux

américains. Un conflit de rôle peut-être défini comme "l’occurrence simultanée de deux

(ou plus) transmissions de rôles tels que la prise de l'un ...rend difficile ...(voire totalement

impossible)...la prise de l'autre". Le conflit de rôle est donc la « perception de la présence

de deux ou plusieurs ensembles de pressions et/ou d’attentes relatives au travail, telle

que l’adaptation de l’une entrave celle des autres11 ».

Le conflit de rôle ne doit donc pas être confondu avec les conséquences d’une

incompétence ou d’une faute professionnelle. Il s’agit d’une situation dans laquelle les

acteurs tiennent, la plupart du temps, les rôles qui sont les leurs mais dont les contours se

heurtent. Par conséquent, il ne s’agit pas de désigner un individu incompétent et donc

responsable de l’émergence de conflits de rôle chez les cadres de santé, mais d’émettre

et de vérifier l’hypothèse qu’à l’hôpital, le travail des uns génère des conflits de rôles chez

les autres et d’envisager les actions possibles pour limiter ces conflits. L’hypothèse

formulée est donc que les acteurs de l’hôpital notamment les directeurs d’hôpital, les

médecins et les cadres de santé, prennent des décisions valables stricto sensu, mais qui

ont chacune des interactions mutuelles parfois néfastes du fait d’un travail trop

désynchronisé.

L’hypothèse des conflits de rôle implique donc que la difficulté des cadres de santé

n’est pas seulement d’obtenir un soutien managérial face à une tension budgétaire ou de

combler l’espace existant entre leur formation initiale et les exigences actuelles de leur

métier, même si cela est nécessaire.

Il s’agit de porter une réflexion sur le mode de fonctionnement et d’interactions

entre les cadres de santé et les autres acteurs, en particulier dans le cadre d’un mémoire

10

ROCHEBLAVE-SPENLE A-M., La notion de rôle en psychologie sociale, Paris, Presses Universitaires de France, 1962. 11

LOUBES A, Contribution à l'étude des tensions de rôle des agents de maîtrise en milieu industriel, Thèse de doctorat, Université de Montpellier II, 1997.

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- 6 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

professionnel d’élève-directeur d’hôpital, entre les cadres de santé et les cadres de

direction.

Aujourd’hui, dans les hôpitaux, les cadres de santé sont souvent sollicités pour

régler des problèmes très divers, de préférence en urgence, rarement pour participer à

une réflexion de plus long terme. De nombreuses questions découlent de ce constat. En

particulier, une telle situation n’aboutit-elle pas à se priver d’une compétence essentielle :

la connaissance du terrain ? N’est-ce pas se priver de la richesse du dialogue managérial

et de la variété des compétences des personnels d’encadrement hospitalier ?

Cette étude porte donc sur la possibilité de mieux faire travailler ensemble les

cadres de direction et les cadres de santé. Ceci parce que le management d’un hôpital

est un ensemble indivisible. Les difficultés d’un maillon de la chaîne managériale doivent

donc interpeler tous les autres. La question des conflits de rôles rencontrés par les cadres

de santé est donc éminemment un sujet de préoccupation d’un directeur d’hôpital qui y

voit l’affaiblissement chronique de son action.

Puisque les conflits de rôle perturbent autant l’organisation des structures de

soins, qu’ils pénalisent la performance globale de l’hôpital dans la poursuite du projet

d’établissement, l’ensemble des cadres de direction, direction des soins incluse, doit

s’interroger sur la réponse managériale à apporter à ces conflits de rôle.

L’évolution du métier de cadre de santé provoquée par les différentes réformes

hospitalières s’accompagne de conflits de rôles, importants en nombre et en intensité,

que les cadres de santé ne parviennent pas à gérer totalement et qui génèrent des

tensions professionnelles et des dysfonctionnements organisationnels (Partie 1). La

responsabilité des directeurs d’hôpital est de prévenir l’apparition de ces conflits de rôle et

de limiter leur impact par un travail concerté sur la fonction de cadre de santé et par une

réponse managériale fondée sur la confiance et l’effectivité (Partie 2).

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 7 -

Encadré 1 : La méthode des incidents critiques et les raisons de son utilisation

La méthode retenue pour documenter cette étude est celle des incidents critiques.

Cette méthode inventée par John C. Flanagan (A), présente l’avantage de décrire des

comportements et de les analyser alors qu’ils ne sont pas bien connus par l’enquêteur

comme par les personnes interrogées (B). Elle a été complétée dans cette étude par un

questionnaire par écrit.

A) La méthode des incidents critiques de Flanagan

La méthode des incidents critiques est une méthode d’observation des

comportements mise au point par John C. Flanagan en 195412. Elle consiste à soumettre

des situations à une personne dont on veut analyser le comportement. Ces situations

comportent toutes un incident auquel doivent réagir les personnes interrogées. Ces

dernières ne disposent donc d’aucune consigne, d’aucun éclaircissement sur les attentes

de la personne qui les interroge. La demande est donc neutre du type : Comment

réagissez-vous à cette situation ?

B) Les avantages de la méthode

La méthode permet d’éviter plusieurs biais d’un entretien classique.

En premier lieu, elle évite d’analyser uniquement les éléments retenus et donc

décrits dans un entretien classique par la personne interrogée. Cela permet d’éviter

« l’effet lampadaire » (on ne cherche que ce qui est mis en lumière par la question) induit

par une question. D’une part, inconsciemment, on répond en fonction de ce que l’on

identifie comme étant la demande. D’autre part, on pose une question qui très souvent

oriente la réponse. Par exemple : Connaissez-vous des conflits de rôle dans votre

métier ? La personne répondra en décrivant ce qu’elle identifie comme des conflits de

rôle…en omettant ce qu’elle ne considère pas comme un conflit de rôle. Ceci soit par

omission simple, soit par volonté de masquer un comportement dont elle pense qu’il sera

jugé par la personne l’interrogeant.

12

FLANAGAN J.C., The critical incident technique, Psychological bulletin, vol.51, 4, 1954

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- 8 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

Par exemple : Dans votre métier, intégrez-vous la dimension « établissement » ou

concentrez-vous votre action sur votre service ? Il est probable qu’un cadre affirmera

intégrer la notion d’établissement dans son travail, surtout si la personne qui l’interroge a,

dans son esprit, un lien avec la direction de l’hôpital. Elle répond ce qui est conforme à ce

qu’elle identifie comme l’attente de la personne l’interrogeant (effet de posture). La

méthode des incidents critiques permet de faire réagir une personne, ici un cadre de

santé, à une situation, de la façon la plus proche de ce qu’elle ferait en pratique et aussi

indépendamment que possible de la posture ou du discours qu’elle tiendrait dans un

entretien classique.

En deuxième lieu, la méthode est inductive. Elle limite le risque pour l’enquêteur

de n’analyser que ce qu’il a identifié. La méthode des incidents critiques révèle des

comportements que l’enquêteur n’avait pas identifiés comme hypothèses par oubli ou par

méconnaissance. Cela permet de chercher des comportements dont on sait qu’ils existent

mais que l’on ne connaît pas. A titre d’exemple, les cadres de santé connaissent des

conflits de rôle et adoptent de façon quasi certaine des modes de gestion de ces conflits.

L’enquêteur ne les connaît pas mais est quasi certain de leur existence : la méthode des

incidents critiques permet d’analyser les réactions des cadres de santé pour en extraire

les modes de gestion jusqu’alors inconnus de l’enquêteur.

Dernier élément, cette méthode nécessite de puiser dans l’expérience

professionnelle qu’est le stage. Elle ancre la réflexion dans l’activité de terrain puisque les

situations en sont tirées. Cela permet de relier plus fortement encore l’exercice

professionnel et la réflexion théorique dans le cadre d’un mémoire professionnel.

Pour résumer, la méthode des incidents critiques permet d’éviter la subjectivité de

la personne interrogée et de la personne interrogeant. Elle permet également de

préserver une ouverture maximale à toute les hypothèses sans en sélectionner

inconsciemment certaines avant ou pendant l’entretien ce qui réduirait le champ

d’investigation.

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 9 -

1 Les récentes évolutions hospitalières favorisent le

développement de conflits de rôle chez les cadres de santé

« Le rôle des cadres n'est plus le même. Il ne s'agit plus d'être les représentants

d'une profession technique, ils exercent un autre métier. La référence reste leur cœur de

métier, mais ils deviennent ‘manager ‘».13

Ce constat n’est pas uniquement le fruit d’une évolution trop lente des cadres de

santé par rapport aux exigences nouvelles du métier de cadre. En effet, le décalage

souvent constaté, entre un positionnement réel de représentant des équipes encadrées et

un rôle attendu de manager, est fortement lié à l’existence de conflits de rôle chez les

cadres de santé (1.1). Ce positionnement, trop indifférencié des équipes encadrées,

demeure car il apparaît comme un des modes de gestion des conflits de rôle rencontrés.

Or ces modes de gestion aboutissent trop souvent à un positionnement inapproprié de

cadres de santé (1.2).

1.1 L’apport de la notion de conflit de rôle pour décrire la situation

des cadres de santé à l’hôpital

La classification des types de conflits de rôle développée par Katz et Kahn est un

éclairage permettant d’analyser les difficultés que rencontrent les cadres de santé à

l’hôpital (1.1.1). Les raisons de l’existence de ces conflits de rôle sont notamment

décelables en reliant les évolutions structurantes de l’hôpital en France aux conflits

constatés dans les entretiens (1.1.2).

1.1.1 Une pluralité de conflits de rôle

En 1964, deux psychologues sociaux américains ont développé une nomenclature

des conflits de rôle. Daniel Katz et Robert Kahn tentent ainsi de systématiser les types de

conflits de rôle constatés dans les organisations humaines.

Par principe toute typologie est critiquable car il est pratiquement impossible

d’enfermer l’infinité des comportements particuliers dans des catégories fixes en nombres

limités. Cependant l’intérêt de ces typologies réside dans la simplification de la réalité

qu’elle propose afin de permettre l’analyse des comportements.

13

Op. cit.

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- 10 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

L’intérêt de la conception des conflits de rôle de Katz et Kahn est son aspect

dynamique. Un conflit de rôle est un conflit qui intervient dans une relation. Le fait que le

conflit de rôle existe dans une interaction implique que chaque tenant de rôle est

directement confronté à d’autres acteurs l’entourant dans son exercice professionnel et en

dehors (sa famille par exemple). Ces acteurs forment ce que Katz et Kahn appellent le

«role set » de la personne. Katz et Kahn définissent ainsi ce qu’ils nomment « la

séquence de rôle : « un émetteur de rôle (role sender) a des attentes explicites ou

implicites à l’égard du récepteur de rôle (focal person). L’expression de ces attentes

constitue le rôle transmis. Elle vise à influencer la personne cible afin qu’elle adopte un

comportement conforme aux attentes de l’émetteur. Le récepteur de rôle développe sa

propre perception et interprétation des signaux transmis par l’émetteur et en déduit un

rôle perçu. Enfin, le rôle exercé (role behavior) correspond aux comportements

observables du récepteur de rôle.14 »

Par exemple, un directeur demande aux cadres de santé d’adopter un

comportement. Le conflit de rôle n’est pas nécessairement un conflit objectif mais il est un

conflit perçu. Le récepteur de rôle réagit en fonction de sa perception des attentes de

l’émetteur. Par exemple, un directeur d’hôpital demande une hausse de l’activité d’un

service tout en réduisant ses moyens. Les entretiens réalisés montreront que le cadre de

santé verra cette double demande comme une injonction paradoxale générant un conflit

de rôle. Pourtant, le directeur voit dans cette double demande une véritable cohérence :

améliorer la productivité d’un service par réduction des charges et augmentation des

recettes. Les conflits de rôle ne sont pas des conflits de rationalités mais de relationnel.

La classification de Katz et Kahn comporte quatre catégories principales :

A) Conflit intra émetteur

La première catégorie est celle des « intrasender conflict » traduit en conflits intra-

émetteur. Dans ce cas, un émetteur de rôle formule des attentes de rôles contradictoires,

ou plus exactement, perçues comme contradictoires par le récepteur de rôle. Ce type de

conflit est très marqué par les limites de perception du receveur de rôle. C’est l’exemple

correspondant au dicton « De mémoire de rose, on n’a jamais vu mourir un jardinier ».

C’est donc le conflit de rôle le plus lié au niveau d’information du receveur.

14 BOLLECKER G., NOBRE T., XXème conférence de l’Association Internationale de management

stratégique (AIMS), 2011

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 11 -

Par conséquent, deux types de conflits de rôles intra émetteur peuvent être

distingués en pratique : des conflits apparents et des conflits réels. Si l’un est plus facile à

traiter que l’autre, les deux ont les mêmes conséquences chez le receveur de rôle. Les

conflits de rôle intra-émetteur apparents sont donc aussi nocifs que les conflits de rôle

intra-émetteur réels.

Par exemple, la double demande de hausse d’activité et de baisse d’effectif est

une injonction paradoxale apparente car il est possible de trouver une logique à cela. Une

injonction paradoxale provoquant un conflit de rôle intra émetteur réel consiste par

exemple pour un cadre à demander à un subordonné d’acquérir du matériel, en lui

demandant de respecter le circuit normal d’approvisionnement, sans savoir qu’il n’est pas

disponible par le circuit habituel. A l’hôpital, cela revient à exiger que le circuit du

médicament par dispensation nominative journalière soit respecté par méconnaissance

des dysfonctionnements majeurs qui affectent ce dernier.

B) Conflit inter émetteur

Le deuxième type de conflit est dit « intersenders conflict » ou conflit inter-

émetteurs. Ce type de conflit est probablement le plus fréquent pour un cadre de

proximité comme les cadres de santé. Il est en effet quasi consubstantiel à la fonction de

cadre de proximité. Dans son acception le plus classique, il s’agit d’une demande de rôle

faite par la direction et qui rentre en contradiction avec une demande de rôle de l’équipe

encadrée.

Par exemple, un cadre de santé est incité par la direction de l’hôpital à exercer un

contrôle plus étroit sur les membres de son équipe alors que ces derniers demandent une

plus grande liberté d’action.

Ce type de conflit est d’autant plus fréquent que la déconnexion entre la direction

d’un établissement et les aspirations des équipes de terrain, est grande. Les décisions

prises dans l’ignorance des aspirations des équipes de terrain sont donc les plus propices

à la création de conflits.

L’information ascendante doit être développée pour cela mais également

l’information descendante. Un cadre de santé peut se trouver en conflit de rôle quand son

équipe exige des informations sur une réorganisation alors que la direction ne lui a encore

rien dit, ou, plus rarement, lui a demandé de ne rien laisser filtrer.

Ce type de conflit de rôle est d’autant plus important que le nombre d’acteur ayant

des inter-actions avec la personne considérée est grand. L’exemple des cadres de santé

positionnés notamment entre la direction, la direction des soins, les cadres supérieurs de

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- 12 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

santé, le chef de pôle, le chef de service, les équipes soignantes, les médecins etc.

montre l’impact de la gouvernance hospitalière sur ces types de conflits.

C) Conflit inter rôle

Le troisième type de conflit de rôle définit par Katz et Kahn est le conflit dit

« interrole conflict » ou conflits inter-rôles. Ces types de conflits surviennent entre deux

rôles demandés à une personne.

Paradoxalement, les cadres de santé semblent peu les connaître dans leur

exercice professionnel strict. Ces conflits semblent exister plus fréquemment entre les

rôles personnels et les rôles professionnels demandés aux cadres.

Par exemple, un cadre de santé voit les réunions de service avoir lieu à des

horaires permettant de réunir les équipes de jour et de nuit soit en début de soirée alors

que sa famille lui demande d’être plus présente chez elle pour une période donnée.

Le faible nombre de conflit inter-rôle constaté indique que les cadres de santé n’en

rencontrent pas particulièrement. Les cadres ont en effet un rôle principal et sont associés

à des projets ou des missions mais sans en porter seuls la responsabilité. Par exemple,

les cadres ne vivent pas comme un conflit inter-rôle le fait d’être à la fois cadre de service

et notateur d’élève infirmier car ils indiquent être accompagnés dans ce dernier rôle par

une personne de l’Institut de Formation aux Soins Infirmiers (IFSI). Dans ce cas, la

collégialité permet la discussion et évite les conflits de rôle. Dans une certaine mesure, ce

constat interroge sur l’utilisation suffisante des cadres sur d’autres activités que celles

concernant leur service (fonctions transversales notamment).

D) Conflit personne-rôle

Le dernier type de conflit de rôle est le « person-role conflict » ou conflit personne-

rôle. Il s’agit d’un conflit ressenti entre les capacités d’une personne, ses compétences,

ses aspirations et le rôle qui lui est demandé.

Par exemple, un cadre peut ressentir un conflit entre ses aspirations personnelles,

son éthique et ce qui lui est demandé. Ou encore un cadre de santé peut se sentir

incompétent pour traiter une demande.

Il faut constater que ce dernier cas est favorisé par une conception large et

exigeante de son rôle. Là encore il s’agit d’un conflit entre ce qu’un cadre perçoit de lui-

même et ce qu’il perçoit comme étant le rôle qui lui est demandé.

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 13 -

Un cadre qui ne considère pas que l’élaboration de tableaux de bord relève de sa

fonction ne ressentira pas de conflit de rôle entre sa personne, ses capacités et ce qui lui

est demandé. Une telle exclusion de son champ de compétence pourra d’ailleurs être

analysée également comme un mode de gestion de ce type de conflit de rôle.

La difficulté réside dans le fait de savoir si cette attitude est naturelle et relève

d’une conception trop restrictive de son rôle, ou si elle est un mécanisme de gestion et de

défense contre le conflit de rôle du type : je prétends que ce n’est pas mon rôle, que cette

tâche doit être confiée à d’autres et que je suis donc compétent dans ma fonction, pas au-

delà.

Les entretiens réalisés montrent ainsi une forte prévalence de ce genre de

situation chez certains cadres, une très faible chez d’autres.

L’un des cadres interrogé décrit son sentiment de n’être pas suffisamment formé

« je fais le constat qu’en terme de compétences, pour gérer techniquement (ndlr : des

situations de gestion), je ne me sens pas armé » « je me sens complètement démuni » au

point d’envisager une formation universitaire à la gestion. « L’évolution de l’hôpital est

telle que l’on va être de plus en plus sollicité pour des demandes de ce type (ndlr :

tableau de bord…) ». « on nous a beaucoup fait travailler sur des concepts, à une prise

de recul par rapport à notre métier » « par contre, il me manque des outils techniques,

surtout en terme de gestion pour envisager mon métier dans sa globalité ».

La question de la définition du métier est donc essentielle. Il y a un lien fort entre la

conception personnelle de son métier d’un cadre et son parcours. Schématiquement, plus

la conception est exigeante et étendue, plus le nombre de formation est important afin de

compléter une formation initiale jugée insuffisante à un moment donné au regard des

exigences du métier.

La variété des situations particulières empêche une généralisation qui serait

forcément abusive mais deux points apparaissent clairement.

Premièrement, la conception exigeante et/ou extensive de son métier favorise

l’apparition de ce type de conflit de rôle. Les déclarations d’un cadre interrogé sont

éclairantes à ce sujet « je me sens de moins en moins isolé (ndlr : à penser cela) même si

certains ne sont pas du tout dans cette dimension là en considérant que ce n’est pas de

leur ressort, que ce n’est pas leur métier ».

Deuxièmement, la capacité à faire face à une évolution, un changement des

exigences de son propre métier par des formations ou une mobilité, est la meilleure arme

pour lutter contre ce type de conflit. (cf 2.1)

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- 14 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

A ce titre les réflexions portées par les groupements de cadres (collèges,

association etc.) sont utiles, notamment en ce qui concerne la définition des besoins

professionnels auprès des Instituts de Formation des Cadres de Santé (IFCS) et de

formations continues (Département de Formation Continue au CHU de Rennes).

Les difficultés des cadres de santé sont donc largement dues à des conflits de

rôle. Proposer une réponse managériale à ces obstacles, ce qui est l’objectif de cette

étude, nécessite une réflexion sur l’origine de ces conflits de rôle qui orientera les

propositions envisageables.

1.1.2 Réflexion sur l’origine des conflits de rôle des cadres de santé à l’hôpital

Le modèle de Kahn et Katz conceptualise des situations particulières. Une grande

prudence est de mise quant à l’explication des conflits de rôle. Ces derniers sont par

nature fortement dépendants des situations locales et des parcours personnels.

En dépit de ces limites méthodologiques, il est clair, dans les entretiens réalisés,

que des phénomènes systémiques rencontrés par l’hôpital favorisent l’apparition de

situations de conflits de rôle à l’hôpital.

Les entretiens réalisés et de nombreuses analyses15 montrent que les cadres

relient essentiellement leurs difficultés à la tension budgétaire actuelle. Cette dernière

apparaît comme la source de conflits de rôle au regard des restrictions en personnel

qu’elle suppose. Néanmoins, si les cadres doivent faire face aux résistances, aux

restructurations rendues nécessaires par la contrainte budgétaire, de nombreux conflits

de rôle peuvent avoir une autre origine.

Ainsi, il n’est pas inintéressant de constater par les entretiens, qu’en dehors de la

question budgétaire, la plupart des évolutions les plus structurantes de l’hôpital en France

ont un impact favorable à l’apparition des conflits de rôle.

Sans avoir la naïveté de penser que ces évolutions récentes ont créé des conflits

de rôle, par définition inhérents à toute structure humaine, il faut constater que leur

15

« C’est le contexte économique qui fait que l’hôpital change. C’est le contexte de crise économique, de consumérisme et d’augmentation des dépenses de santé qui a poussé le législateur à modifier les règles de fonctionnement des établissements de santé. La modification de ces règles, imposées de fait, a eu un impact sur les pratiques professionnelles hospitalières et sur celles de l’encadrement : il a été demandé aux professionnels de santé d’intégrer une dimension économique à leur pratique et de participer à la gestion de l’hôpital. », in CHAUVANCY M.C., Cadres de santé : une crise identitaire, 2008 disponible à http://www.carnetsdesante.fr/Cadres-de-sante-une-crise

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 15 -

présence nouvelle sont des facteurs potentiellement aggravants, en particulier pour ce qui

concerne la nouvelle gouvernance et son effectivité (A) et la complexification croissante

de l’hôpital en France notamment en matière financière (B).

A) L’effectivité partielle de la gouvernance hospitalière

La gouvernance hospitalière telle que définie par la loi Hôpital, Patients, Santé,

Territoires (HPST) du 21 juillet 2009, présente une cohérence mais la réalité de son

déploiement ne montre pas un tel équilibre. La gouvernance n’est pas pleinement mise en

œuvre16 dans de nombreux établissements du fait de résistances plus ou moins légitimes.

Aujourd’hui, les pôles ont encore une existence relativement incertaine sur le plan

managérial. Leur développement s’est pour le moment concentré sur le décloisonnement

médical mais les logiques financières et managériales peinent à y trouver place.

Sur ce dernier point, d’une part, le rattachement hiérarchique des cadres de santé

à la direction des soins n’est pas toujours évident sur le plan opérationnel, d’autre part, le

chef de pôle, le chef de service et les praticiens du service ont un ascendant culturel fort

rendant d’autant plus nombreux les conflits de rôle, en particulier les conflits inter-

émetteurs. A titre d’exemple, un chef de service peut vouloir augmenter son activité dans

un secteur particulier alors, d’une part, que les équipes soignantes estiment être au

maximum de leurs capacités et, d’autre part, que le directeur veut réduire le nombre de

postes infirmiers et augmenter l’activité sur l’ensemble du champ du service et non

seulement sur le segment voulu par le chef de service. Le positionnement du cadre ne

sera pas évident d’où la fréquence d’un alignement sur la position du chef de service

comme mode de gestion de ces conflits de rôle (cf. 1.2.)

Ensuite, la gouvernance, issue de la loi HPST, a organisé la représentation des

cadres de santé dans les instances. Le décret 2010-449 du 30 avril 2010 précise que la

Commission des Soins Infirmiers, de Rééducation et Médico-Techniques (CSIRMT) ne

sera plus obligatoirement consultée sur le projet d'établissement et l'organisation interne.

Elle "est consultée pour avis" sur "le projet de soins infirmiers, de rééducation et médico-

techniques élaboré par le coordonnateur général des soins", "l'organisation générale" de

ces soins et l'accompagnement des malades, "la politique d'amélioration continue de la

qualité, de la sécurité des soins et de la gestion des risques liés aux soins", "les

16

Rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, Bilan de l'organisation en pôles d'activité et des délégations de gestion mises en place dans les établissements de santé, ZEGGAR H.,VALLET G., TERCERIE O., Février 2010, p. 21 et s.

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- 16 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

conditions générales d'accueil et de prise en charge des usagers", "la recherche et

l'innovation dans le domaine des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques" et

"la politique de développement professionnel continu".

Cette représentation des cadres de santé dans les instances a une forte

importance en dépit de son caractère consultatif et restreint au champ professionnel qui la

concerne, mais elle ne remplace pas l’existence d’un dialogue managérial opérationnel.

Ce dernier seul permet d’assurer la cohérence et l’unité managériale. Le fait que les

cadres de santé ne soient plus consultés systématiquement au sujet de l’organisation

interne implique que ce dialogue managérial soit permanent pour maintenir une unité

managériale.

La gouvernance dans son état actuel est donc partiellement responsable de

l’émergence des conflits de rôle, ceci d’autant plus que l’hôpital connaît une complexité

croissante à laquelle il est difficile de faire face en limitant les conflits de rôle.

B) Une complexification hospitalière qui génère des conflits de rôle

La complexification entraine la dispersion par spécialisation des acteurs (a) mais

aussi le décalage entre les capacités et les rôles attendus en particulier chez les cadres

de santé (b).

a) Complexification hospitalière et dispersion

L’hôpital est un lieu de pouvoir17 dans lequel la notion de territoire (service de

soins, pôles, direction, etc.) et de concurrence pour la maîtrise de l’information

(communication interne, tableau de bord etc.) s’oppose en permanence à la nécessité de

travailler ensemble. Cet état de fait est largement dû à la complexité hospitalière.

Complexification des techniques médicales, des compétences, des

réglementations, des acteurs, l’hôpital est une ville dans la ville18. Songeons à l’hôpital d’il

y a trente ou quarante ans : peu ou pas de système informatique, d’imagerie

interventionnelle, d’activité ambulatoire, pas de Haute Autorité en Santé, pas de

certification, pas de tarification à l’activité ni de comptabilité analytique, pas de pôles, pas

de département d’information médicale ni de technicien d’information médicale, pas de

Groupements de Coopérations Sanitaires, pas de dossier patient informatisé, pas de

17

DUMONDJ-P., « Les conflits de pouvoir à l'hôpital », Les Tribunes de la santé, 2003/1 no 1, p. 71-81. DOI : 10.3917/seve.001.81 18

BUBIEN Y. L’hôpital, une ville dans la ville, Revue hospitalière de France nov/déc 1999.

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 17 -

codage, peu de bactéries multi-résistantes etc. Dans tous les domaines, organisationnels,

financiers, sanitaires, médicaux, l’hôpital se complexifie sans cesse.

Cette complexification gigantesque s’accompagne de contraintes grandissantes.

Le personnel hospitalier dans son ensemble rencontre une densification des contraintes.

S’il travaille moins, depuis l’avènement des 35 heures, il travaille de façon plus intense et

doit faire face à des contraintes toujours plus nombreuses et complexes. Ceci est

particulièrement valable pour l’encadrement de l’hôpital.

Or la complexité entraîne la spécialisation (qu’il suffise d’étudier l’évolution de la

médecine sur ce point). Devant cette complexité devenue insaisissable par une seule

personne, chacun est tenté de se cantonner à ses tâches et ses contraintes, de ne plus

prendre en compte les contraintes de ses collègues. Ceci est rarement le fait d’un

manque de curiosité mais simplement d’une ignorance progressive, du fait de sa

spécialisation, des contraintes des autres. Et chacun de créer ainsi, du fait de cet effet de

spécialisation, de nouvelles contraintes pour les autres par sa propre activité. Dans cet

immense télescopage des contraintes, les conflits de rôle se forment. Même quand

chacun fait parfaitement son travail, et parfois même, surtout quand chacun fait bien son

travail, des conflits de rôle demeurent (cf. concept de grève du zèle).

Là encore, il faut détacher la question des conflits de rôle, des conflits de

compétence ou d’incompétence. Les conflits de rôle ont cela de délicat, qu’ils ne sont pas,

en théorie, le résultat d’une faute ou d’une erreur quelconque. Chacun, en remplissant

correctement son rôle empêche parfois les autres de remplir correctement le sien.

Un moyen de lutte contre ce phénomène est évidemment une plus grande

communication mais celle-ci, par mail ou par réunion(-ite), embolise de plus en plus

l’activité et crée aussi des conflits de rôles : en particulier les conflits personne-rôle dans

la classification de Kahn et Katz, c’est à dire, schématiquement, l’écart entre les capacités

et les buts. Certains personnels d’encadrement ont ainsi une activité totalement saturée

par la coordination.

Le remède semble alors parfois pire que le mal. Il en résulte, de plus, une

impression de faible prise sur les événements alors que pour les cadres de santé

interrogés, le « pouvoir d’agir sur les choses » est la motivation principale pour devenir

cadre19.

A l’extrême, la faible prise sur les contraintes subies conduit à l’émergence du

burn out. Le temps que l’on passe désormais à gérer les interactions avec les autres est

plus important, au moins en énergie dépensée, que celui que l’on passe à travailler à sa

19

Cf. Annexe 3, Analyse des questionnaires question 3

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- 18 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

propre tâche. Qu’il suffise pour s’en convaincre d’écouter le personnel hospitalier

affirmer en substance: « pendant les vacances, on rattrape le retard chronique que l’on

a », « le matin et le soir, ce sont les seuls moments où l’on peut travailler sur les

dossiers ».

La complexité hospitalière et les exigences multiples (réglementaires, sanitaires,

éthiques etc.) crée parfois une dispersion alors qu’une priorisation serait nécessaire pour

éviter les conflits de rôle. Les conflits de rôle étant l’opposition entre deux rôles

d’impérativité perçue comme égale, un effort managérial de priorisation permanent est à

réaliser. Les cadres de santé du CHU de Rennes expriment cette nécessité en écrivant

dans leur « manifeste » de 2011: « Le deuxième défi à relever sera donc de répondre à la

nécessité pour les cadres de posséder un niveau d’information suffisant sur ce qui se

passe, se priorise dans l’ensemble de l’établissement 20»

Cette priorisation peut être affirmée dans un projet managérial et un projet

d’établissement mais doit aussi être présente quotidiennement. Lutter contre la dispersion

des forces de l’établissement vers des cibles de plus en plus nombreuses est du rôle de

l’encadrement de direction. C’est même là sa plus value face à la complexification des

activités et des contraintes, notamment médico-économiques.

b) Complexification médico économique et conflits personne-rôle : l’impact de la

T2A

L’inadéquation plus ou moins forte entre la compétence de gestion demandée au

cadre et leur formation initiale est une préoccupation ancienne. Ceci en dépit de l’effort

important d’appropriation réalisé par les cadres et des formations nombreuses qui leurs

sont dispensées.

Jean Le Camus, ancien directeur général du CHU d’Angers confirme21 que la

tentation de croire que ce phénomène est totalement nouveau, est illusoire. Pour lui, le

cadre de santé « s’est rapproché de l’administration par des connaissances de gestion

sans pour autant assumer les responsabilités ou du moins la force de conviction attachée

à une certaine maîtrise des données économiques22 ». La nécessité de maîtrise

économique et donc de compétences de gestion n’était pas beaucoup plus ancrée dans

la culture des cadres au début des années 80 qu’aujourd’hui. En témoignent, les termes

20

Manifeste de cadres du CHU de Rennes 2011 21

Entretien écrit 22

Entretien écrit

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 19 -

de « guerre économique » utilisés alors pour stimuler la vigilance en matière économique

des cadres de l’hôpital Avicenne qu’il dirigeait alors.

Cependant les entretiens montrent que les cadres ont le sentiment d’être de plus

en plus fortement confrontés à des problématiques nouvelles de gestion. Il ne s’agit pas,

ici, de difficultés d’adaptation de tel ou tel cadre à l’évolution du métier de cadre de santé

mais d’un constat fait avec la direction des soins du CHU de Rennes23, que les cadres ont

de plus en plus de mal à faire face à une gestion médico-économique de plus en plus

complexe.

Cette complexification des outils de gestion est confirmée par le rapport relatif à

l’évaluation de la T2A sur le management des établissements de santé24 qui mettait

notamment en évidence que la « T2A a servi de catalyseur pour accélérer la mise en

place d’outils de gestion jusqu’alors très inégalement développés, notamment dans le

secteur public », ainsi que le fait que la T2A avait « renouvelé le dialogue médico-

soignant, notamment dans les établissement publics de santé, via la contractualisation

avec les pôles et la plus grande implication des médecins dans la prise de décision. » Ce

rapport soulignait cependant l’écart entre ceux qui maitrisent la T2A (cadres de direction,

directoires, exécutifs de pôles) et le reste de la communauté hospitalière. Il recommandait

des formations adaptées aux différents personnels, un renforcement des cadres

intermédiaires et de la contractualisation, notamment via l’intéressement positif et négatif.

Ces préconisations se heurtent à de nombreux freins mais aussi à une limite managériale

qu’est la création de conflits personne-rôle chez les cadres de proximité.

Les entretiens montrent la conscience chez les cadres de santé que les enjeux

nationaux de maîtrise des dépenses passent par eux. L’un d’eux affirme « On ne peut

plus et on pourra de moins en moins se couper de cette vision globale des choses, de ces

sollicitations (ndlr : de gestion), de cette manière d’évoluer de l’hôpital, ce qui ne veut pas

dire, pour moi, que je mets dans un coin ma formation initiale de soignant »

Depuis presque dix ans, l’hôpital public en France connaît une profonde mutation

par la réforme radicale de son mode de financement. Initialement comprise comme une

question de technique financière, la tarification à l’activité (T2A) se révèle être une

problématique essentiellement managériale mais encore trop peu perçue comme telle.

Qu’on en juge par les difficultés rencontrées par les établissements de santé dans la

23

Séminaire de direction du CHU de Rennes du 27 septembre 2012 24

Rapport IGAS, Management et efficience hospitalière : une évaluation des déterminants, Avril 2012 – ACKER D., BENSADON A.C., LEGRAND P., MOUNIER C.

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- 20 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

codification, dans la comptabilité analytique, dans l’appropriation des logiciels de

description de l’activité etc.

Un rapide détour théorique permet d’expliquer l’impact de l’apparition de la T2A.

Cette dernière vise à garantir une ventilation adéquate entre établissements et une

utilisation des fonds de l’Assurance Maladie la plus efficiente possible.

En premier lieu, elle déconnecte de la décision politique l’attribution des

financements aux établissements en assurant une ventilation par une régulation

automatique du marché (l’activité hospitalière) jugée plus juste et plus liée à la demande.

En deuxième lieu, elle vise à assurer une utilisation plus efficiente (puisque la

régulation prix/volume contraint à des efforts de productivité : on baisse le tarif si l’activité

est trop importante) et adéquate des fonds publics en orientant, théoriquement, l’activité

médicale en fonction des progrès de la médecine (ex : ambulatoire plutôt

qu’hospitalisation complète, cœlioscopie plutôt que chirurgie classique).

Ainsi, alors que les efforts précédents relevaient des finances publiques, en

particulier par la restructuration du financement de la protection sociale (ex : la CSG), les

contraintes budgétaires sont affrontées désormais par une maîtrise dite médicalisée des

dépenses.

Or, cette connexion de la qualité du système hospitalier à son coût a un impact

majeur sur le management et sur les organisations. Toute la logique du système s’en est

trouvée modifiée. D’une logique de dépenses, l’on est passé à une logique de coûts (et

non pas de recettes comme trop souvent cru).

Auparavant, l’ordonnateur était à l’origine des recettes : il obtenait et gérait la

dotation globale indépendamment de l’activité soignante qu’il cherchait à réduire quand

les fonds venaient à manquer en fin d’exercice.

Aujourd’hui, les soignants sont l’origine des recettes. Etant payés par l’Assurance

Maladie à un tarif défini, les hôpitaux doivent se pencher sur la rationalité de leurs

pratiques. Rationalité qualitative pour améliorer les soins et les organisations pour un

même coût (d’où les démarches de certification et d’amélioration continue de la qualité),

mais aussi amélioration économique en maîtrisant les coûts voire en les diminuant.

Dès lors, un lien nouveau entre l’activité de soin et l’efficience est créé. La pratique

soignante doit désormais intégrer pleinement ces contraintes. L’activité de soins étant la

source de la rémunération de l’établissement mais aussi de ses coûts, elle doit être

contrôlée par les soignants qui doivent désormais peser les avantages et les

inconvénients économiques de leurs actes. C’est une véritable révolution culturelle à

opérer parfois dans la douleur. Un cadre indique ainsi qu’à l’IFCS de Rennes « on voulait

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 21 -

faire de nous des universitaires dans le soin » « on considérait l’évolution vers la gestion

comme la mort (de l’hôpital) »

Cette amélioration de l’efficience des organisations passe par une connaissance et

un travail sur les coûts (comptabilité analytique, performance des achats…) et les

organisations. Ces deux éléments relevaient auparavant quasi exclusivement des

fonctions supports. Le paradigme a totalement changé. Auparavant, l’activité de soins

nécessitait des financements gérés exclusivement par une administration, aujourd’hui, les

coûts orientent le mode d’activité et nécessitent donc la collaboration des professionnels

de santé et des fonctions supports.

Désormais les cadres de santé sont, avec les médecins en première ligne dans la

maîtrise médicalisée des coûts. Ils ont donc la responsabilité de porter, conjointement aux

directeurs d’hôpital, une activité de soins et d’en maîtriser les coûts. L’exercice

professionnel des soignants n’est donc plus seulement de soigner, il est aussi d’analyser

leurs comportements pour maîtriser des coûts (d’où la délégation de gestion). Pour cela,

des personnels de gestion et des personnels de management font fonction de supports

pour produire l’information nécessaire de façon fiable (indicateurs de qualité (ICALIN,

IPAQSS) certification des comptes, TIM pour aide au codage, SIH performant,

comptabilité analytique etc.) et coordonner l’action de tous. Aujourd’hui, le management

des hôpitaux ne peut se concevoir sans les créateurs principaux des coûts : les soignants.

Par conséquent, la collaboration des soignants et du management des fonctions

supports est l’enjeu unique et crucial du bon fonctionnement des hôpitaux, d’où la

gouvernance nouvelle. Interrogé, Jean-Claude Moisdon25, directeur de recherche à

l’Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris, confirme ce constat en écrivant : « ce

sont bien les professionnels eux mêmes, les plus proches de l'activité, qui sont les mieux

placés pour prendre en charge la question de l'efficience (d'où la nouvelle

gouvernance)26 ». Les cadres de santé se trouvent donc être une plaque tournante de ce

système mais cette évolution suscite chez eux de nombreux conflits de rôle, en particulier

des conflits personnes-rôles du fait du choc culturel qu’ils doivent surmonter. Avant

d’adopter une démarche d’adaptation à ce système, les cadres développent des modes

de gestion des conflits de rôle dont l’analyse révèle les insuffisances et les conséquences

néfastes sur le sens donné à leur travail par les cadres.

25

J-C. MOISDON est notamment l’auteur d’un ouvrage sur la régulation des dépenses de santé : « La démarche gestionnaire à l’hôpital » – 1 Recherches sur la gestion interne, J.C.Moisdon, D.Tonneau, – 2 La régulation du système hospitalier, F.Engel, F.Kletz, J.C.Moisdon, D.Tonneau, Seli Arslan, 1999 et 2000 26

Entretien écrit

Page 27: Conflits de rôle des cadres de santé à l'hôpital ... · l’unité et de la performance managériale, le cas du CHU de Rennes Loïc DELASTRE . ... inversement proportionnel au

- 22 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

1.2 Des conflits de rôle difficiles à surmonter et à l’origine d’une perte

de sens dans le travail chez les cadres

Les cadres de santé subissent donc des conflits de rôle importants. Face à cela, ils

développent des moyens de gestion de ces conflits (1.2.1)

Ces modes de gestion ne sont pas exclusifs les uns des autres. Ils présentent tous

des imperfections majeures et conduisent notamment à une perte de sens dans le travail

(1.2.2).

1.2.1 Les stratégies des cadres de santé pour faire face aux conflits de rôle

Les cadres développent face aux conflits de rôle, des modes de gestion

nombreux. Quelques-uns sont plus fréquents que d’autres et peuvent donc être recensés.

Il existe, bien entendu, en premier lieu, le choix de quitter les fonctions de cadre de

santé notamment par la prise de responsabilité plus large (devenir cadre supérieur de

santé). La focalisation sur les cadres de santé à l’exclusion des cadres supérieurs de

santé de l’étude empêche d’analyser ce mode de gestion qui n’en est pas moins

important.

De nombreux autres modes de gestions par évitement existent dont les principaux

sont l’alignement stratégique du cadre sur le chef de service (A), l’exclusion de son

champ de compétence du conflit (B), la désolidarisation de l’institution et la priorisation

des intérêts immédiats du service (C).

A) L’alignement stratégique des cadres sur les chefs de service

La gouvernance d’un service de soins consiste essentiellement en un duo chef de

service/cadre de santé qui rend nécessaire la bonne entente entre le chef de service et le

cadre de santé. Or cette entente est renforcée bien souvent par l’alignement, souvent

inconscient, du cadre sur la position du chef de service. Bien entendu l’entente du cadre

avec le chef de service est un élément primordial de sa nomination, mais il n’implique pas

en théorie, cet alignement quasi permanent.

Ce positionnement permet de bénéficier du « poids politique » du chef de service

dans l’établissement mais a aussi pour avantage de limiter les conflits de rôle entre le

cadre et le chef de service, notamment les conflits inter émetteurs. Un tel positionnement

produit donc nécessairement des interférences avec la ligne hiérarchique soignante.

Le stage court effectué en début de formation et les entretiens réalisés confirment

cet état de fait. Un cadre indique ainsi plusieurs fois sa parfaite entente et l’importance du

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 23 -

travail réalisé avec son chef de service alors que ce dernier se trouve en désaccord avec

l’encadrement de direction. Le cadre préfère un alignement stratégique sur la position du

chef de service qu’un alignement sur la position de la direction. Cela s’explique par le fait

qu’il est moins désagréable d’être en conflit de rôle avec la direction qu’avec la personne

avec laquelle on travaille au quotidien.

Ce constat est renforcé par la conception du rôle de cadre de santé des

responsables d’unités médicales. Un manifeste du Président de CME du CHU de Rennes

adressé au Directeur Général du même CHU en 2007, réitéré en 2012 par son

successeur, s’intitule « Rendez-nous nos cadres ». Au delà du slogan, ce manifeste

montre bien que la conception du positionnement des cadres de santé varie selon les

acteurs qui les entourent. Chacun voulant se les « approprier ». Il traduit également la

proximité forte entre les cadres et les chefs de service justifiant l’alignement stratégique

évoqué.

Le risque de blocage et de division managériale au sein de l’établissement est

grandi par ce positionnement. Il en résulte éventuellement un conflit de principe entre

un bloc « cadres de direction » et un bloc « service de soins » qui n’est pas souhaitable.

Ce mode de gestion des conflits apparaît comme une difficulté réelle pour l’ensemble de

l’établissement parce qu’il introduit un choix entre des positions qui devraient être

unifiées. Cette étude se limite aux cadres de santé mais il est bien évident que cette unité

managériale entre cadres de direction et médecins doit être forte, ceci pour que les

cadres de proximité n’aient pas à choisir entre deux blocs désunis.

B) L’exclusion de rôles de son champ de compétences

Les entretiens avec les cadres montrent quasi-systématiquement un même mode

de gestion de conflit personne-rôle. Face à une situation totalement bloquée, les cadres

font face à la situation en admettant le caractère choquant pour leur éthique de la

situation mais en excluant finalement la situation de leur responsabilité, ou de la

responsabilité de l’hôpital. Un cadre affirme ainsi qu’il est naturellement fortement touché

par la situation qui lui est soumise27 et qui interpelle son éthique mais il tient ensuite la

position suivante : « il faut que les gens comprennent qu’à l’hôpital on ne peut pas tout

régler ».

Un autre cadre affirme lors d’une mise en situation qu’il n’est pas à l’aise avec la

gestion médico-économique et qu’il ne se sent pas compétent en la matière. Puis il

complète en disant que, de son point de vue, ce n’est pas son rôle et qu’il est avant tout

un cadre soignant formé « plus dans la gestion du soin que dans la gestion financière. »

« C’est difficile, pour moi, d’entendre un discours de gestion pure ». 27

Situation n°5 en annexe 1

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- 24 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

Ainsi, les cadres indiquent souvent en entretien que nombre de leur collègues, ou

eux-mêmes, délaissent certaines fonctions de leur métier parce qu’elles ne correspondent

pas à leurs appétences mais aussi parce qu’elles ne correspondent par à leurs

compétences.

Il est de plus en plus demandé aux cadres de santé d’avoir un rôle de gestion qui

teinte de plus en plus leur rôle d’encadrement soignant strict.

Une part de cette déconnexion entre le rôle attendu actuellement et la conception

que les cadres ont de leur métier est due à l’inertie culturelle ; le refus de cette évolution

permettant aussi d’éviter une remise en question et donc le constat d’un écart entre ses

propres capacités et ce qui est demandé à un cadre de santé aujourd’hui. Un tel

positionnement permet au cadre d’assurer la déformation la moins forte possible de son

rôle par rapport à la conception qu’il en a et d’éviter ainsi de subir un conflit de type

personne-rôle permanent.

C) La désolidarisation de l’institution et la priorisation des intérêts immédiats du

service

Un signe montre la désolidarisation de l’institution et la focalisation des cadres de

santé sur leur seul service d’affectation : au CHU de Rennes, seul un cadre de santé est

responsable, en plus de sa fonction, d’une mission transversale. Même si ce constat

montre aussi une politique de transversalité historiquement faible, que l’action de la

direction des soins actuelle n’a pas encore modifié, il souligne le manque de

positionnement institutionnel de nombreux cadres. Plusieurs éléments favorisent ce

phénomène.

En premier lieu, la culture historique des cadres de santé favorise probablement

une certaine défiance à l’égard des cadres de direction d’un hôpital. Les cadres sont

culturellement plus proches du milieu soignant dont ils sont issus, que du milieu

administratif et institutionnel, souvent décrit comme éloigné du terrain et peu au fait des

réalités de la vie hospitalière. Les questionnaires montrent parmi les attentes des cadres

auprès des directeurs la « connaissance du terrain » ou encore la « cohérence avec le

terrain ». Les cadres ont vécu personnellement la fatigue des plannings intégrant le strict

minimum de repos et savent qu’il est difficile d’accepter une augmentation de sa charge

de travail sans savoir si les effectifs seront réévalués à la hausse si le besoin s’en faisait

ressentir. Le manque de confiance conduit à un comportement problématique pour

l’établissement, mais explicable pour le cadre de santé, du type « si je dis que j’ai trop

d’effectifs on me les enlèvera, or je sais qu’en cas de besoin futur, on ne me les rendrait

Page 30: Conflits de rôle des cadres de santé à l'hôpital ... · l’unité et de la performance managériale, le cas du CHU de Rennes Loïc DELASTRE . ... inversement proportionnel au

Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 25 -

pas, je préfère donc les garder et ne rien dire même si je sais que cela n’est pas bon pour

l’établissement ». Un cadre interrogé affirme ainsi « bon, ca reste entre nous

l’enregistrement…ca été un des seuls secteurs (de l’établissement) où on nous a laissé

notre effectif voire même augmenté un petit peu » et par ailleurs affirme « C’est normal

d’être rigoureux dans la gestion, vous n’avez pas intérêt à garder du monde en plus. Si

tout le monde n’est pas bien occupé ca ne fait pas du bon travail. […] Non si je n’ai pas

besoin de personnel, je ne vais pas le prendre (ndlr : si l’on m’en propose). C’est peut-

être aussi ca. Je ne suis pas constamment en train de demander donc je me rends

compte que peut-être, en effet, quand je demande on m’écoute plus».

La confiance est donc à créer mais reste très faible entre les cadres de direction

et les cadres de santé. Cette faiblesse de la confiance est encouragée par le mode de

gestion des conflits de rôle qu’est la priorisation des intérêts immédiats du service. Une

telle déclaration montre l’effet pervers d’un conflit de rôle. Pour gérer ce conflit, les cadres

développent un mécanisme de gestion permettant de limiter la pression qu’ils ressentent

de leur équipe mais ce mécanisme est très imparfait notamment parce qu’il décrédibilise

leurs demandes ultérieures auprès des cadres de direction. La confiance est un élément

décisif en la matière (cf. 2.2) mais elle ne se décrète pas, elle se gagne par des actions

concrètes.

Ceci d’autant plus qu’une telle défiance ne se rencontre pas uniquement à

l’hôpital. Dans toute organisation structurée, la base opérationnelle et les cadres de

proximité ressentent cette déconnexion (l’armée, les entrerises…)

A l’hôpital, ce phénomène de déconnexion de l’institution est renforcé par la nature

de l’activité de soins. L’intensité émotionnelle de cette activité tend à focaliser l’attention

des cadres au détriment d’un investissement institutionnel. Cette pression d’une activité

de soins a un impact sur les conflits de rôle. Un cadre passé par un service de soins

lourds avant d’être sur un service plus léger de consultation y voit une nette différence :

« On n’est pas ici (ndlr : en consultations) comme dans la situation d’un service de soins

(ndlr : hospitalisation classique), on n’est pas entre la vie, la mort, on n’a pas cette

pression là. Moi dans ma gestion cela a un impact : dans un service de soins lourd, s’il

vous manque quelque chose ou quelqu’un vous sentez tout de suite la difficulté. Alors que

moi en consultation c’est plus facile. ». Cette focalisation crée une distance entre le

management de direction de l’établissement et les cadres, distance propice aux conflits

de rôles par la trop faible prise en compte des contraintes de chacun.

Par ailleurs, cette pression accentue l’isolement par la suractivité tant sur le plan

professionnel que personnel. Des conflits de rôle apparaissent sur ce dernier point

notamment les conflits inter-rôle (entre les rôles personnels et familial et le rôle

Page 31: Conflits de rôle des cadres de santé à l'hôpital ... · l’unité et de la performance managériale, le cas du CHU de Rennes Loïc DELASTRE . ... inversement proportionnel au

- 26 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

professionnel). Le cadre cité plus haut ajoute ainsi : « Avec cette pression il y a des

moments où vous oubliez tout : les anniversaires des proches, tout… »

Cela peut paraître paradoxal au regard de la déclaration des cadres de santé du

CHU de Rennes en 201128 indiquant le souhait de ces derniers de travailler avec la

direction. En réalité, cette volonté d’avoir un comportement institutionnel n’est pas factice.

Les cadres souhaitent travailler avec la direction. Mais dans le quotidien, plus que les

déclarations d’intentions, l’urgence pour un cadre est de limiter un conflit de rôle, présent,

immédiat, frontal et personnel.

Par exemple dans le cadre d’une réduction de poste, l’objectif du cadre ne sera

pas de favoriser la conciliation avec ses collègues sous l’égide d’un cadre supérieur de

santé, mais de tenter de maximiser ses intérêts au détriment de celui des autres. Bien

entendu, cette action « anti-institutionnelle » n’est considérée pas comme satisfaisante

par les cadres de santé mais elle permet de limiter le conflit de rôle frontal auprès des

équipes.

Ainsi, un cadre affirme que son premier réflexe face à une double demande du

directeur d’augmentation de l’activité et de diminution de postes du pôle, serait de faire

une étude montrant la charge de travail. Ceci afin de « défendre » des effectifs. Le choix,

inconscient la plupart du temps, de l’intérêt immédiat du service permet au cadre de gérer

le conflit de rôles inter-émetteurs entre la direction et les équipes du service, mais aussi le

conflit de rôles intra-émetteur (les exigences apparemment contradictoires du directeur

d’augmentation de l’activité et de diminution du nombre de postes). Même si un cadre

interrogé reconnaît la nécessité d’une concertation avec les cadres du pôle dans une

situation de ce type, sa première intention est de gérer les conflits de rôle induits par la

situation, plutôt qu’une référence à l’intérêt de l’établissement. Cette position est

relativement symptomatique du positionnement des cadres de santé, dans des structures

importantes en particulier, qui se conçoivent plus comme appartenant à leur service que

comme représentant du management de l’établissement29.

Le cadre de santé cité plus haut dont l’unité a subi un traitement plus favorable

que d’autres lors d’une diminution de postes demande lors de l’entretien que ses propos

« restent entre nous ». Une telle réaction démontre le positionnement territorialisé des

cadres qui ne disposent pas d’une vision plus large qui donnerait du sens à des décisions

difficiles comme les restrictions de postes. Les cadres de santé cherchent ainsi à

préserver une qualité de soins par un nombre suffisant de personnel mais cela permet

aussi d’éviter un conflit de rôle entre une demande de la direction et une demande des

28

Op.cit 29

Cf. Annexe 3, analyse des questionnaires, question 2

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 27 -

équipes. La preuve en est qu’un cadre constatant que ses effectifs sont supérieurs aux

besoins réels du service ne va pas le signaler même s’il sait qu’il dégrade ainsi la situation

de l’établissement.

L’impact des conflits de rôle est donc réel entre cadres de direction et cadres de

santé. Ces conflits favorisent la méfiance, voire la défiance, des cadres de santé à l’égard

de l’encadrement de direction.

Soutenir les cadres de santé en donnant du sens aux décisions difficiles et en

maintenant une stratégie de la confiance vise à éviter ce mode de gestion des conflits de

rôle qui, peu à peu, désolidarisent les cadres de l’établissement et favorisent l’ilotage et le

développement de « républiques autonomes ». Cette désolidarisation de l’institution

présente un risque important pour l’établissement puisqu’elle désunit le management,

mais elle n’est pas sans risque aussi pour les cadres de santé.

En résumé, ce mode de gestion n’est pas souhaitable en lui-même parce qu’il

suppose un choix plus ou moins conscient de se désolidariser de l’institution pour éviter

d’être en position de conflit de rôle entre les cadres de direction et les équipes encadrées.

Il n’est pas souhaitable non plus parce que l’isolement auquel il conduit met finalement en

danger les cadres de santé, isolement largement favorisé par l’investissement important

que nécessite l’encadrement d’une activité de soins.

Les trois modes principaux de gestions conduisent assez largement à une

ambidextrie de rôle. Si cette ambidextrie permet au cadre de minimiser l’impact des

conflits de rôle, elle ne permet par, comme le ferait une hybridation parfaite entre des

tâches de nature différentes, de donner du sens à l’ensemble du travail réalisé par les

cadres. Ce dernier apparaît donc segmenté entre ce qui a du sens et ce qui n’en a pas

mais que l’on doit réaliser malgré tout.

1.2.2 Des modes de résolutions à l’origine d’une perte de sens dans le travail

Les entretiens menés montrent que des cadres interrogés adoptent l’ambidextrie

de rôle comme stratégie de résolution des conflits de rôle qu’ils rencontrent, notamment

les conflits les plus fréquents de type inter-émetteurs entre la direction et les équipes du

service.

Les entretiens réalisés traduisent la grande diversité des activités des cadres de

santé. L’un d’eux affirme ainsi que « l’on devrait noter pendant une journée l’ensemble

des tâches réalisées pour comprendre leur variété ». Un autre cadre indique dans le

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- 28 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

questionnaire que la multiplicité des tâches demandées conduit à un positionnement de

« cadre plombier » ou « cadre Mac Gyver ». La plupart du temps ces cadres considèrent

alors qu’ils sont dans leur fonction pour cette multitude de tâches mais qu’ils remplissent

ce rôle pour que l’hôpital ne connaisse pas de dysfonctionnement.

Par ailleurs, le questionnaire montre que les cadres de santé interrogés estiment

majoritairement qu’ils sont seulement utilisés « parfois » à des tâches qu’ils ne

considèrent pas comme relevant de leur métier. Dans un environnement aussi complexe

que l’hôpital, cette fréquence apparaît donc comme acceptable et faisant partie de la

souplesse nécessaire (même si ces tâches sont peut-être mal vécues par les cadres eux-

mêmes).

La difficulté majeure provient du fait que ces actions sont vues comme ne faisant

pas partie de la fonction de cadre de santé. Elles sont donc traitées par ambidextrie de

rôle et non par hybridation de rôle. L’ambidextrie peut se concevoir comme l’égale

habileté à gérer deux fonctionnements différents de façon parallèle tandis que

l’hybridation consiste à concevoir des tâches différentes comme un même rôle pour un

objectif unique.

Ainsi, les cadres ne considèrent pas les tâches annexes évoquées comme partie

intégrante de leur fonction même s’ils finissent par être aussi habiles à les traiter qu’à

remplir ce qu’ils considèrent comme leur cœur de métier.

Contrairement à l’hybridation de rôle, l’ambidextrie a l’inconvénient majeur de ne

pas être porteuse de sens. Les cadres n’effectuent pas ces tâches en considérant que

leur fonction est de créer du lien entre des logiques différentes (humaines, logistiques,

financières, médicales etc), ils cloisonnent ce qu’ils considèrent comme leur activité

principale et les tâches vues comme annexes qui « les empêchent de faire leur vrai

travail ». En quelque sorte, il y a le « dirty work » qui ne devrait pas exister mais que l’on

tente de réaliser en même temps que les missions que l’on estime prioritaires pour éviter

des dysfonctionnements trop importants.

Les cadres de santé ne perçoivent donc pas leur rôle comme un travail de lien et

d’hybridation permanente entre des logiques différentes mais qui poursuivent un même

but : le bon fonctionnement de l’hôpital pour le bien du patient. Schématiquement, ils se

conçoivent comme des soignants devenus encadrant de soignants afin de garantir la

qualité des soins et que l’on utilise régulièrement à mauvais escient pour des tâches

annexes.

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 29 -

Pour certains cadres il en est ainsi, pour les tâches ayant trait à la gestion médico-

économique. Ces tâches leurs sont « parfois30 » demandées mais sont en augmentation

et leur prennent beaucoup de temps (ex : la gestion des effectifs et donc des plannings),

en particulier quand ils ne sont pas formés à cela.

Un exemple d’ambidextrie plutôt que d’hybridation est le fait que, le plus souvent,

les cadres de santé d’une part gèrent les coûts en tentant de maîtriser les consommations

des soignants en matériel médical (rôle tenu parce que cela leur est demandé) et d’autre

part cherchent à assurer la qualité des soins maximale avec les moyens disponibles (rôle

de conviction parce qu’ils considèrent cela comme leur « vrai » métier). La baisse de

qualité par le manque de moyen est alors vue comme une difficulté et comme un conflit

personne-rôle. Le raisonnement est alors du type : « je ne suis pas capable avec les

moyens qui sont les miens d’assurer la qualité des soins maximale. Cela heurte mon

éthique et ma conscience professionnelle, je rencontre un conflit de rôle».

L’hybridation consisterait dans ce cas à s’interroger systématiquement sur l’apport

qualitatif dans la prise en charge de l’utilisation de tel ou tel matériel et de renoncer

parfois à l’utiliser en ayant conscience de libérer ainsi des ressources pour des actions

plus prioritaires au bénéfice de l’hôpital mais surtout des patients.

Aujourd’hui, le fait de confier au cadre des missions qui, au moins de leur point de

vue, ne sont pas les leurs, conduit donc généralement à une ambidextrie.

Malheureusement, cette ambidextrie plutôt que l’hybridation présente un risque.

Risque pour l’établissement de voir ses cadres fonctionner de façon cloisonnée. Risque

pour les cadres (et donc ensuite pour l’établissement) d’un sentiment d’embolisation par

des tâches considérées comme ne relevant pas de leur métier, embolisation limitant,

selon eux, leur capacité à remplir leurs vraies fonctions. Un tel sentiment de déconnexion

entre les attentes à l’égard des cadres et leurs capacités à faire face n’est pas sans

danger si l’on s’en réfère au schéma de Karazek31. Le cadre de santé n’a alors qu’une

faible latitude décisionnelle face à l’intensité des demandes ressenties, ce qui est

favorable à l’émergence de risques psychosociaux.

Une seule solution existe face à cette difficulté (outre une action de lean

management permettant de limiter les actions redondantes ou non productrices de valeur

ajoutée) : rendre du sens aux actions réalisées dans l’ombre par les cadres.

Communiquer sur ces sujets rend plus positif le regard porté sur ces tâches et

limite les conflits. Ainsi, pour un cadre interrogé, distribuer les fiches de paie au

30

Cf. Annexe 3, Analyse des questionnaires, question 11 31

Cf. Annexe 4, Schéma de Karazek

Page 35: Conflits de rôle des cadres de santé à l'hôpital ... · l’unité et de la performance managériale, le cas du CHU de Rennes Loïc DELASTRE . ... inversement proportionnel au

- 30 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

personnel de son service ne relève pas de son rôle. Réaffirmer que le fait de confier une

telle tâche aux cadres de santé, avec un impact minime sur leur travail, permet

d’économiser plusieurs centaines de milliers d’euros par an à l’échelle du CHU (sommes

qui ne rémunèrent pas des actionnaires mais qui seront forcément consacrées au soin)

et que cela permet subsidiairement de montrer la reconnaissance par le représentant de

l’institution dans le service, du travail effectué par la personne (et qui mérite salaire). Il

s’agit de donner du sens à des actions qui n’en ont pas automatiquement par nature.

En résumé, les réformes hospitalières et plus globalement l’évolution hospitalière

ne sont pas sans impacts sur l’émergence de conflits de rôle. Ceci d’autant plus que ces

derniers sont inhérents à la fonction d’encadrement de proximité. Les conflits de rôles

sont d’ailleurs considérés comme faisant partie de la fonction de cadres de santé32 par les

cadres eux-mêmes. Ils considèrent comme normal le fait de rencontrer des conflits de

rôles dans leur métier mais se plaignent, par des grèves notamment, de leur fréquence et

de leur importance trop grande.

Bien entendu, le fait de constater que les conflits de rôles sont un corollaire

systématique de la fonction de cadre de proximité n’implique pas de s’en satisfaire mais

nécessite une stratégie de prévention et de gestion de la prévalence et de l’intensité des

conflits. Ces derniers ne se concevant qu’entre deux personnes, la stratégie en question

doit concerner tant les cadres de santé que l’encadrement de direction.

32

Cf. Annexe 3, Analyse des questionnaires, question 12

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 31 -

2 La prévention et la gestion des conflits de rôle des cadres de

santé, une responsabilité commune des cadres et de

l’encadrement de direction

L’analyse du rapport de Singly33 concernant la formation et le positionnement des

cadres peut-être enrichie par celle des conflits de rôle rencontrés par les cadres (2.1). Il

paraît également fondamental, au regard de l’unité managériale nécessaire dans les

hôpitaux, d’intégrer la prévention et la gestion des conflits de rôle dans la réflexion sur le

mode de management des cadres de direction, en particulier dans les établissements de

grande taille (2.2).

2.1 La prévention et la gestion des conflits de rôle par la réflexion sur

la formation et le positionnement opérationnel des cadres.

La prévention et la gestion des conflits de rôle peuvent être réalisées par deux

approches complémentaires. La première est d’ordre réflexif et se positionne sur le long

terme en travaillant sur la formation et les parcours des cadres. Elle vise à opérer

progressivement un changement culturel chez les cadres tout en respectant leur

sensibilité soignante (2.1.1). La seconde est d’ordre opérationnel. Elle vise à assurer la

prévention et la gestion quotidienne des conflits de rôle rencontrés par les cadres, en

particulier dans les grands ensembles hospitaliers soumis à un « effet taille » aggravant.

(2.1.2)

2.1.1 Développer une réflexion stratégique sur les fonctions, la formation et les

parcours des cadres de santé

L’analyse exposée précédemment montre que les conflits de rôle des cadres de

santé résultent notamment d’une complexification hospitalière qui engendre une

déconnexion progressive entre la formation initiale des cadres et le travail qui leur est

demandé. Par conséquent, un programme de formation complémentaire intégrant ces

évolutions apparaît nécessaire (B). Un tel travail permet partiellement de répondre à

l’émergence de conflits personne-rôle. Il doit cependant s’accompagner d’un travail de

mobilité interne (A) afin de limiter le mode de gestion de conflit de rôle par défense des

33

Op.cit.

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- 32 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

intérêts immédiats du service évoqué plus haut. Un tel mouvement favorise un

positionnement d’encadrement de l’établissement au détriment du positionnement strict

de cadre de service. Il s’agit ici de réduire l’ilotage et de permettre aux cadres de prendre

de la distance face aux équipes qu’ils encadrent, leur permettant plus facilement de porter

les décisions de l’encadrement de direction.

A) Politique de mobilité interne

La mobilité interne permet de gérer la pression des équipes et de prendre de la

distance. Alors que la position de cadre de proximité est, par nature, une position difficile

du fait du contact immédiat avec les équipes, il apparaît nécessaire de favoriser cette

prise de distance.

Pour un des cadres interrogés, lorsqu’un cadre sent qu’il ne peut plus prendre les

décisions nécessaires envers son équipe car il est depuis trop longtemps dans le service,

la mobilité est une solution. Ce cadre resté sept ans dans son précédent poste affirme

que pour gérer la pression des conflits de rôle « finalement la solution c’est la mobilité. Ce

service était très intéressant, surtout avec l’équipe aide-soignante qui avait une

dynamique pas possible mais la mobilité permet de limiter la pression. Il ne faut pas rester

10 ou 15 ans dans un service. » « Les infirmières restées trop longtemps étaient

larmoyantes et même moi après ». Cette mobilité permet de maintenir une distance

nécessaire avec l’équipe du service.

Un cadre resté plusieurs dizaines d’années dans un service confirme implicitement

cette idée en disant qu’il n’est pas facile d’imposer des décisions difficiles à des

personnes avec qui l’on travaille depuis longtemps et avec qui l’on a évolué.

Le risque d’adopter un positionnement de défense des intérêts de l’équipe au

détriment d’un positionnement de cadre d’un établissement est grand par nature pour un

cadre de santé, mais il est encore renforcé par une présence trop longue dans un même

service de soins, ce que montrent les entretiens réalisés. Cette présence trop longue

conduit à renforcer le sentiment d’être titulaire de son emploi plutôt que de son grade,

d’être cadre de « son » service plutôt que de « son » établissement.

Organiser un roulement trop régulier et rigide des cadres de santé ne semble

pourtant pas pertinent. En effet, l’autorité d’un cadre de santé en « fin de mandat » serait

fortement atteinte. Cependant, porter attention à la durée d’exercice dans un service des

cadres de santé doit être une préoccupation.

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 33 -

Le CHU de Rennes a commencé selon le Directeur des Soins Coordonnateur

général des Soins à se préoccuper de la mobilité interne des cadres. S’il se heurte à une

résistance culturelle importante, il s’agit d’une préoccupation constante mais dont le

caractère récent empêche de mesurer les résultats. Le Directeur Général du CHU de

Rennes raconte ainsi les difficultés qu’il a lui-même rencontrées pour choisir d’affecter un

personnel à un poste sans procéder à une publication interne préalable.

Le CHU dispose d’outils permettant de mesurer l’ancienneté des cadres de santé

dans leur service d’affectation mais un travail reste à mener pour utiliser un tel outil et

faire connaître l’intérêt de sa pleine utilisation.

Bien entendu, des projets nécessitent une durée minimale pour être mis en place.

Il n’est pas question de procéder à une mobilité à marche forcée. Cependant, mettre en

œuvre une politique incitant les cadres de santé à une mobilité régulière permettrait

d’éviter les difficultés de positionnement que peuvent connaître certains cadres.

Aujourd’hui une telle mobilité relève simplement du souhait des cadres et se fonde

seulement sur leurs capacités et souhaits personnels. Certains cadres changent

régulièrement d’affectation, d’autres pas.

La personnalisation des fiches de poste permettrait probablement de positionner

les cadres de santé comme « cadres de missions et de projets » dont l’atteinte des

objectifs provoquerait l’affectation à un autre poste.

Parallèlement, il est nécessaire que l’encadrement de direction garantisse un

accompagnement en formation et en positionnement, pour aider à la prise de postes

nouveaux. Cela vise à éviter que des cadres de santé se sentent contraints à changer de

postes dans l’urgence parce que l’on a besoin d’eux ailleurs comme certains le déclarent

en entretien.

B) La formation

Adopter une stratégie de formation nécessite de connaître l’état de la formation

dans l’établissement au regard des besoins (a). Une telle réflexion sur les formations est

l’occasion de lutter contre leur cloisonnement pour favoriser une confiance et une culture

partagée (b). Le réalisme commande cependant, de reconnaître que la formation n’est

pas une solution universelle aux conflits de rôles (c).

Page 39: Conflits de rôle des cadres de santé à l'hôpital ... · l’unité et de la performance managériale, le cas du CHU de Rennes Loïc DELASTRE . ... inversement proportionnel au

- 34 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

a) Assurer une cartographie des cadres et de leur formation pour une meilleure

connaissance des cadres de santé

La réalisation d’une cartographie des cadres et de leurs formations permet un

diagnostic détaillé de l’état des formations reçues par les cadres de santé et une mesure

des progrès accomplis par l’établissement dans la couverture de l’ensemble des cadres. Il

permet enfin de mesurer les impacts de ces formations dans les services des cadres

formés (versus les services des cadres non formés) afin d’affiner le contenu de la

formation et d’en assurer l’adéquation avec les exigences professionnelles et leurs

évolutions.

La connexion d’un tel outil au bilan social ou baromètre social en cours de

réalisation par la direction des ressources humaines au CHU de Rennes, présenterait un

atout majeur dans la connaissance des professionnels d’encadrement, de leurs

contraintes et de leurs atouts. Ceci afin d’orienter l’action à mener notamment concernant

le contenu des formations.

b) Des formations décloisonnées pour lutter contre l’étanchéité des cultures

Ce nouveau positionnement nécessite un travail des établissements avec les

IFCS. Le CHU de Rennes a commencé ce travail en cherchant à assurer l’adéquation la

plus fine entre les exigences du terrain et la formation des cadres, notamment par un

partenariat avec l’Institut de Gestion de Rennes (IGR). Ce travail vise à former les cadres

en fonction des impératifs opérationnels qu'ils rencontrent, de les faire réfléchir sur leur

rôle et de les faire former leur personnel.

Cependant, un obstacle demeure tant dans les contacts entre IFCS et

établissement de santé que de manière opérationnelle entre les cadres et l’encadrement

de direction : celui de l’étanchéité des cultures.

Cette même étanchéité sert d’ailleurs souvent de moyen de décrédibilisation de

l’autre. Les cadres rappelant sans cesse une culture soignante dont ils estiment que les

directeurs sont dépourvus. Les directeurs déplorant régulièrement que les cadres ne font

aucun cas de la gestion financière et humaine nécessaire dans un hôpital.

La richesse de cultures différentes est donc plus vue au quotidien comme un

obstacle à l’efficience du fonctionnement de l’hôpital. Ceci est largement dû à une

méconnaissance, opérationnelle mutuelle, nous le verrons, mais aussi, initialement à un

cloisonnement fort des formations.

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 35 -

Ainsi les formations de cadres ne sont pratiquement jamais investies par des

directeurs d'hôpital. Une telle participation aurait pour avantage de positionner dès leur

formation, les cadres de santé comme des cadres d'établissement de santé et non

seulement comme des cadres de service de soins, mais aussi, au-delà du fond de la

formation d’assurer une connaissance et une reconnaissance mutuelle entre des

professionnel destinés à travailler ensemble.

Le Directeur Général du CHU de Rennes indique par exemple qu’il participait à

Strasbourg à la formation des cadres de santé et que ces enseignements étaient riches

pour les cadres comme pour lui dans son exercice professionnel.

De la même manière, une réflexion pourrait être entamée sur la présence de cadre

de santé dans la formation des directeurs. Ces derniers suivent le travail de cadres de

santé lors d’une semaine de leur stage d’observation mais aucun enseignement et

aucune réflexion ne vient compléter cette expérience du terrain avec les cadres, en

particulier en ce qui concerne le dialogue managérial en collaboration avec les directeurs

de soins. Ceci alors que les relations avec les médecins sont beaucoup plus développées

dans la formation de directeur d’hôpital.

Aujourd’hui, les différents membres de l’encadrement d’un hôpital ne se

rencontrent que très peu (seuls les directeurs de soins et les directeurs d’hôpital se

rencontrent à l’EHESP). Ils doivent pourtant ensuite former un bloc indivisible à l’intérieur

duquel un dialogue permanent est nécessaire. Ceux qui instiguent le changement doivent

rencontrer et connaître ceux qui le portent ensuite auprès du personnel. L’expérience de

l’élève-directeur d’hôpital que je suis, montre que ce dialogue est très riche avec les

directeurs de soins et les cadres non soignants que sont les Attachés d’Administration

Hospitalière (AAH) à l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP), il paraît

nécessaire de l’instaurer plus fortement avec les cadres de santé.

Ce qui vient d’être évoqué n’est pourtant pas suffisant. La formation des cadres

n’est pas une réponse à tous les conflits de rôles. La formation est parfois vue comme

une solution miracle mais elle n’est pas la panacée.

c) Une solution partielle qui ne répond qu’à certains conflits de rôle

Des cadres parfaitement formés peuvent avoir des difficultés à surmonter des

conflits de rôles.

En effet, la formation vise à permettre à des professionnels d’être de meilleurs

professionnels par des compétences améliorées mais deux personnes parfaitement

Page 41: Conflits de rôle des cadres de santé à l'hôpital ... · l’unité et de la performance managériale, le cas du CHU de Rennes Loïc DELASTRE . ... inversement proportionnel au

- 36 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

formées peuvent provoquer un conflit de rôle sur une troisième. Ainsi, une équipe

soignante parfaitement formée pourra demander plus d’autonomie alors que le directeur

voudra un plus grand contrôle du fait de la mise en place d’un projet. Le cadre est en

conflit de rôle alors que les acteurs qui l’entourent n’ont, chacun, commis aucune faute

professionnelle due à une incompétence.

De la même façon, un cadre formé correctement subit également des conflits de

rôle. Une formation en management permet d’atténuer l’importance de ces conflits par la

structuration du comportement à adopter mais cela n’est pas toujours suffisant. Les

entretiens montrent que des cadres formés au management subissent également des

conflits de rôle.

Certes, le fait de travailler sur la formation permet d’améliorer la perception et de

professionnaliser les codes entre émetteur et récepteur de rôles, mais cela ne permet pas

d'annihiler les variations personnelles, les manières de remplir et recevoir son rôle. Le fait

qu’existe une conception officielle du rôle de cadre, parfaitement transmise aux acteurs

par des formations, n’empêche pas le fait que chaque personne remplit son rôle de façon

spécifique. La codification des comportements par la formation est nécessaire mais doit

lutter contre des comportements et des situations particulières imprévisibles. Seul un

management adapté et adaptable permettra l’adéquation.

En résumé, la formation permet essentiellement de lutter contre le conflit de type

personne-rôle à savoir un écart entre les capacités de la personne et ce qui lui est

demandé. Elle est une donnée importante mais qui doit devenir le socle d’un

positionnement efficace. Le rapport de Singly34 présente un état des lieux très complet car

basé sur un travail très exhaustif notamment grâce à un forum internet dédiés aux

réflexions des cadres. Il ne se cantonne pas à proposer des formations aux cadres

indiquant qu’un effort de positionnement des cadres est nécessaire. En effet, les cadres

de santé sont à la croisée des chemins, souvent « entre l’enclume et le marteau ». Leur

travail n’est pratiquement que relation.

Or, sans excès de pessimisme pour autant, les relations professionnelles sont

parfois sources de conflits en particulier lorsque l’environnement est complexe et que

l’enjeu est important comme l’est le soin du patient35. La formation répond à un besoin de

compétences, le positionnement à un besoin de rôle.

34

Op. cit. 35

Cf. Les tensions pouvant exister dans les blocs opératoires

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 37 -

Le rapport de Singly36 décrit très bien un certain nombre de difficultés dans le

positionnement des cadres et constate l’importance d’un dialogue managérial, tout en

saisissant bien la distinction nécessaire entre représentation dans les instances et

dialogue opérationnel : « La participation aux processus de décision et la représentation

institutionnelle ne se confondent pas. Une implication active des cadres dans telle ou telle

instance de l’établissement ne garantit en rien leur réelle participation aux décisions

prises, notamment celles qui touchent à leur champ d’activité et de responsabilité. C’est

au demeurant une simple question de bonne gestion : comment un cadre peut-il

efficacement appliquer et expliquer une décision à laquelle il n’a pas participé? Au travers

d’une politique managériale propre à l’établissement, les cadres doivent être associés, à

tous les échelons de la structure, aux décisions les plus importantes. Un mode organisé

de participation des cadres aux décisions est indispensable. C’est vrai partout, et

particulièrement dans les grands hôpitaux : plus la ligne hiérarchique est longue, plus la

lisibilité et la cohérence managériales sont nécessaires. »

En réponse à ce questionnement, le rapport envisage cependant essentiellement

sous l’angle de la gouvernance institutionnelle « para-réglementaire » la question du

dialogue managérial, notamment en appelant à la création d’un « espace cadre ». Ceci

notamment parce que la réponse à ces interrogations ne peut-être uniforme sur

l’ensemble des établissements.

Si l’avis des cadres sur leur positionnement doit être recueilli dans ce type

d’instances « para-réglementaires », les conflits de rôle exigent un dialogue managérial

opérationnel qui ne peut se concevoir au cœur d’une instance mais seulement sous une

forme moins solennelle car permanente.

Une réflexion s’impose donc au sujet du positionnement des cadres et de

l’organisation de leur dialogue avec le reste de l’encadrement, notamment les cadres de

direction.

2.1.2 Promouvoir un positionnement opérationnel des cadres de santé et un

dialogue managérial permanent

Les conflits de rôle décrits précédemment impliquent une réponse managériale par

deux mouvements parallèles mais qui ne doivent pas être confondus au sujet du

positionnement des cadres de santé. Ce positionnement est décrit de façon théorique par

de nombreux documents qui permettent de définir ce qu’est un cadre de santé en

particulier le référentiel métier37. Au niveau de l’établissement, les fiches de poste

36

Ibid. 37

Op. cit.

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- 38 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

permettent une déclinaison enrichie par une réflexion de l’ensemble du management sur

les cadres (B). Il importe de ne pas confondre cette réflexion de moyen et long terme avec

un dialogue opérationnel essentiel pour assurer le positionnement des cadres. Il s’agit

plus de permettre, concrètement, à des cadres de santé de tenir le rôle opérationnel qui

est le leur. (A)

A) Assurer un positionnement opérationnel d’encadrement des cadres de santé

Le positionnement d’encadrement des cadres de santé est un sujet complexe mais

récurrent dans les établissements de santé. Dans de nombreux cas, les cadres

n’adoptent pas un positionnement d’encadrement. Certains signes sont éloquents sur

cette difficulté de positionnement.

De nombreux cadres adoptent un tutoiement à l’égard de leurs équipes. Si ce

tutoiement n’est pas rédhibitoire dans la fonction de cadre, il fait « courir un risque » et

« fragilise » le cadre dans son positionnement lorsqu’il a à prendre des décisions difficiles

car il entretient une proximité et affaiblit le rapport hiérarchique38 entre encadrant et

encadré au regard de la culture française. La métaphore faite en introduction entre la

notion de cadre et le cadre d’un tableau semble ici très utile : le cadre est en prise mais

différent du sujet qui est encadré.

Ainsi, le positionnement d’un cadre de santé interroge lorsque ce dernier défend

un personnel infirmier en situation de faute professionnelle, au lieu d’instruire et d’informer

la direction des soins pour lui permettre de prendre la décision adéquate39.

Dernier exemple, l’analyse de plusieurs rapports de garde de l’établissement

étudié, montre que de très nombreux recours au directeur de garde n’auraient pas lieu

d’être. Il en est ainsi pour réaliser simplement un état des lits disponibles à l’aval des

urgences alors que cette disponibilité ne pose aucune difficulté ce jour là.

Or il est difficile de savoir qui « de la poule ou de l’œuf » est apparu en premier.

Cette situation s’explique-t-elle par le manque de « positionnement cadre » des cadres de

santé du fait de la faible autonomie qui leur est donnée ou s’explique-t-elle par une

volonté de contrôle des directeurs au regard de la faible autonomie des cadres ?

Probablement les deux.

38

Entretien avec le Directeur des soins coordonnateur général des soins du CHU de Rennes 39

Idem

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 39 -

a) Des cadres en difficulté de positionnement d’encadrement

Les entretiens réalisés montrent que certains cadres peinent à se positionner

comme cadre. Ainsi, plusieurs tiennent des propos relativement contradictoires.

Face à une situation de réduction de poste, un cadre affirme ainsi « A nous, en

tant que cadre, de défendre ces postes ». Ce qui tend à montrer une conception de son

rôle très centrée sur le service à cause des conflits de rôle et des modes de gestion qu’ils

impliquent. Mais le cadre affirme plus tard à propos d’une augmentation d’activité avec

une création de postes limitée : « L’équipe n’est pas d’accord, moi je suis plutôt d’accord

avec les effectifs annoncés par la direction ». Défenseurs de service ou cadres

d’établissement en charge d’un service de soins, les cadres peinent à se positionner.

Dans une telle situation, la méthode des incidents critiques a montré tout son

intérêt puisque le positionnement de la très grande majorité des cadres dans une situation

de demande de réduction de poste s’apparente plus à celui d’un représentant du

personnel qu’à un cadre au sens générique du terme (cf. définition en introduction). Ceci

alors que les cadres déclarent dans les questionnaires que leur positionnement est

principalement celui d’un cadre de proximité40. La méthode illustre donc l’écart entre la

conception que les cadres ont de leur rôle et la réalité de leur comportement.

En effet, la quasi-unanimité des cadres interrogés a répondu à cette situation de

conflit de rôles inter-rôle (entre la demande de la direction et la résistance de l’équipe

soignante) de façon similaire. La réponse classique peut être résumée dans la phrase de

l'un des cadres interrogé « mon positionnement va être de défendre mon unité ». Ce

positionnement est parfois nuancé mais il demeure principal (un cadre seulement précise

« on représente une unité ou un service, mais il ne faut pas oublier l'appartenance à un

pôle d'activité puis à l'institution »)

De multiples facteurs peuvent conduire à ce type de positionnement. Parmi eux il

existe des facteurs dus à l’établissement : une taille de l'hôpital telle que l'on ne connaît

pas ceux à qui l'on « porte préjudice » en ayant un comportement « individualiste » ou la

complexité des rapports interpersonnels dans l'hôpital.

Mais l’on peut aussi envisager des facteurs liés aux cadres de santé eux-mêmes :

la formation des cadres, le « deuil » non réalisé de la fonction soignante conduisant à

prendre fait et cause pour l’équipe encadrée, l’attachement du cadre à « ses » équipes et

« son » service en raison de l'intensité émotionnelle inséparable de l'activité d'un service

de soins hospitalier mais aussi difficultés de positionnement et façon de gérer la tension

de la proximité de l'équipe...

40

Cf. Annexe 3, Analyse des questionnaires, question 2

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- 40 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

Ce dernier élément est clairement la difficulté principale des cadres rencontrés.

Lorsque l’on analyse leurs réactions aux mises en situations, cette « défense » du service

apparaît comme un mécanisme de gestion de leur relation avec l’équipe. La pression

entre les deux parties exerçant une pression sur les cadres est parfois telle, qu’elle

contraint ces derniers à « choisir leur camp ». Or, comme décrit précédemment, il est plus

facile de ne pas être en conflit avec ceux avec qui l’on travaille tous les jours. Cette

défense du service apparaît comme un mode de gestion des conflits de rôle.

Les facteurs évoqués plus haut conduisent à un déplacement de la zone de

conflits potentiels qui se situe entre les cadres de santé et le bloc formé par la direction, la

direction des soins et les cadres supérieur de santé. Ceci alors que la zone de conflits

potentiels devrait logiquement se situer entre l’encadrement et les équipes encadrés,

notamment si l’on s’en réfère à la définition du terme conflit conçu comme« une

opposition d’intérêt entre deux ou plusieurs parties ».

Un effort majeur d'appui managérial est donc nécessaire pour lutter contre une

culture historique, d'une part, et lutter contre la pression psychologique très forte qui pèse

sur les cadres du fait de leur statut de cadre de proximité, d’autre part.

Il s’agit de lutter contre une culture historique, non par principe, mais parce que

cette culture contrevient à l'impératif, de plus en plus fort, d'efficience, donc de partage

des ressources entre services et entre pôles. Les cadres doivent pouvoir assumer leur

rôle de cadre de proximité et ont besoin pour cela d’un soutien important. Le fait que de

nombreux cadres se sentent isolés doit interpeler. « Il y des moments où je me sens

seul » dit un cadre. Or un cadre isolé est un cadre fragilisé et qui ne peut plus tenir son

rôle de cadre de proximité, notamment parce que ce rôle est par nature difficile du fait de

la confrontation permanente avec le terrain. Un cadre isolé optera quasi-

systématiquement pour un positionnement de représentant de son équipe car il ne pourra

pas tenir seul le rôle difficile de cadre-détenteur d’une parcelle d’autorité de la direction.

Dans ce travail, l’atout majeur pour les cadres de direction, est qu’un soutien

managérial permet de poursuivre des objectifs tout en réduisant le conflit de rôle inter

émetteur entre la direction et les équipes. Un cadre soutenu ne se trouve plus entre ces

deux éléments, il se trouve avec l’émetteur de rôle, porteur d’un projet auprès du

récepteur de rôle. Il devient co-émetteur de rôle et non pas récepteur de rôles

contradictoires. Il adopte donc un réel positionnement de cadre. Mais ce positionnement

n’est possible que si le cadre n’est pas absorbé par des tâches qui ne relèvent pas son

métier d’encadrement. Une conception claire et affirmée du rôle d’encadrement du cadre

doit accompagner le soutien managérial apporté aux cadres.

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 41 -

b) Développer la réflexion et la communication interne sur le rôle des cadres de

santé

Une interrogation fréquente existe au sujet de ce que doit faire ou ne pas faire un

cadre de santé. Il est certain que certaines tâches sont réalisées par les cadres pour

combler des incompétences internes ou des dysfonctionnements, alors qu’elles ne

relèvent pas de leur rôle. Une des difficultés est que la définition de leur rôle n’est pas

claire en particulier pour les cadres de santé et pour les acteurs qui les entourent. Par

ailleurs, les cadres de santé sont régulièrement utilisés à des tâches très diverses mais

dont ils ignorent la plupart du temps, si elles relèvent de leur rôle.

Plusieurs situations sont alors possibles. En premier, celle dans laquelle le cadre

exécute une tâche qui relève effectivement du cadre (selon le référentiel métier par

exemple) et en a connaissance. Cette situation ne pose aucune difficulté.

En deuxième, la situation dans laquelle le cadre exécute une tâche qu’il considère

comme le rôle du cadre mais qui ne l’est pas (ex : défendre les intérêts du service). Il

s’agit alors d’un risque pour l’établissement.

Un troisième cas est celui dans lequel le cadre exécute une tâche qu’il considère

comme ne faisant pas partie du rôle du cadre alors que cela en fait partie (ex : distribuer

une fiche de paie). Cela introduit une difficulté pour le cadre, et, s’il remplit mal cette

mission, un problème pour l’établissement.

En dernier lieu, existe la situation dans laquelle le cadre exécute une tâche qu’il ne

considère pas comme le rôle du cadre et qui n’est pas effectivement du rôle du cadre (ex :

tâches réalisées pour combler un dysfonctionnement : réalisation d’un appel d’offre par un

cadre interrogé). Cela pose des difficultés pour le cadre comme pour l’établissement.

Ces écarts entre perceptions, rôles attendus et rôles effectifs sont fréquents à

l’hôpital. La Direction Générale et la Direction des Soins du CHU de Rennes portent une

réflexion sur la formation des cadres du fait de l’écart constaté entre ce que les cadres

font et ce qui est attendu d’eux. Or, les cadres interrogés ne pensent être utilisés que

« parfois » à des tâches qui ne sont pas les leurs41. La plupart du temps, ils pensent donc

être dans leur rôle. Par conséquent, il est clair qu’un certain nombre d’attentes de la

direction à leur égard ne sont donc pas connues d’eux.

En résumé, il faut faire coïncider les tâches qui relèvent du métier de cadre, les

tâches remplies par les cadres effectivement et la conception des cadres de leur métier.

41

Cf. Annexe 3, Analyse des questionnaires, question 11.

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- 42 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

Cela suppose de définir ce que l’on attend d’un cadre de santé (direction, direction

des soins, médecins, cadres de santé), notamment grâce aux groupements de cadres

(voir B), de faire connaître ce que l’on attend et de contrôler que les cadres remplissent

bien ce rôle (formation si nécessaire, procédure d’évènement indésirable en cas

d’utilisation des cadres pour des missions qui ne sont pas leur rôle etc).

Le CHU de Rennes a élaboré une fiche de poste très complète pour les cadres de

santé. Cependant, les compétences et le positionnement qu’elle décrit ne seront connus

que par une forte communication interne. Actuellement, un cadre de santé sur le même

poste depuis plusieurs années ne connaît pas les évolutions de cette fiche qui le

concerne autant que les cadres appelés à être recrutés.

En premier lieu, une telle communication vise à briser un cercle vicieux42

désormais bien établi. Ce cercle vicieux reliera une décision brutale qui déclenchera un

sentiment de manque de reconnaissance et de prise en compte des cadres entrainant

des conflits de rôle pour le cadre positionné entre direction et équipes de soins. Un tel

conflit de rôle nécessitera un mode de gestion par le cadre de santé notamment le

positionnement comme représentant d’une équipe, plus que comme encadrant. Ce

positionnement induira un manque de confiance des cadres de direction à l’endroit des

cadres de santé, accentuant la tentation de décision unilatérale etc.

En deuxième lieu, la réflexion sur le rôle des cadres permet de structurer leur

action et d’affirmer leur positionnement d’encadrement. Une telle réflexion trouve toute sa

place au sein des groupements de cadres demandés par les cadres de santé de plusieurs

établissements ces dernières années.

La préoccupation des hôpitaux, notamment ceux de grande taille, à propos d’une

représentation des cadres de santé n’est pas nouvelle (par exemple le CHU de Rouen en

2006).

Néanmoins, plusieurs difficultés freinent ce genre de démarche notamment la

crainte de la création d’une instance supplémentaire alors que l’hôpital semble parfois

souffrir d’une surabondance de commission (la loi HPST avait voulu y remédier via la

création des sous-commissions de la CME en remplacement de commissions

hétéroclites). Le positionnement d’une telle représentation des cadres par rapport à la

CME ou aux représentations syndicales n’est pas évident. En 2011, le CHU de Rennes

s’est trouvé devant cette problématique et devant les questions qui y sont liées. Faut-il

organiser la représentation des cadres par une élection professionnelle ? Une telle

instance ne remplace-t-elle pas un syndicat ?

42

Cf. Annexe 4

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 43 -

En réalité, tout dépend des objectifs assignés à ce groupement. Cherche-t-on une

instance de réflexion sur un métier, la formation qui y conduit, le statut de cadre de santé

ou tout autre sujet se rapportant aux cadres de santé, voulons nous assurer une

représentation professionnelle des cadres ou souhaitons nous améliorer le

fonctionnement opérationnel de l’encadrement de l’hôpital pour une meilleure efficacité et

pour un bien-être plus grand au travail pour les cadres ? Chaque objectif commande une

structuration spécifique.

A ce titre, les collèges de cadres sont souvent cantonnés à la réflexion sur les

cadres eux-mêmes et peinent à trouver leur forme mais aussi leur fond. Ils ne répondent

pas pleinement à la question des conflits de rôle. Ils répondent aux préoccupations d’une

profession qui subit une forte évolution de son métier (définition d’un cadre de santé,

formations, statut etc.). Bien que très utiles, ces réflexions ne permettent d’affronter que

les difficultés quotidiennes des cadres.

En plus de cette limite, les collèges cadres formés dans différents établissements

sont exclusivement monoprofessionnels. Il apparaît très difficile de définir ainsi

précisément les attentes relatives aux cadres sans le concours des acteurs qui les

entourent. Aujourd’hui la définition du rôle d’un cadre dans un établissement doit être

travaillée mais cela exige d’intégrer à la réflexion les directeurs d’hôpital, les médecins,

les soignants etc.

Ces deux limites de conception et d’objectifs des « espaces cadres », pour

reprendre la terminologie du rapport de Singly n’ont pas de vocation opérationnelle

directe.

B) Assurer un dialogue managérial permanent en dépit des contraintes de taille

des grands établissements de santé

Or ce dont souffre l’hôpital, et avec lui les cadres de santé, c’est le manque

important de dialogue managérial43 dans un univers pourtant complexe qui nécessite des

adaptations permanentes. La seule réponse envisageable à cette complexité reste la

création d’un système souple et pragmatique parce qu’il intègre les préoccupations

quotidiennes ultra-locales (à l’échelle du service et du pôle) tout en assurant la

transmission d’une vision stratégique de long terme et à l’échelle d’un établissement,

voire d’un territoire.

43

« On ne peut pas diriger cette maison si ce relai (ndlr. avec les cadres) n’existe pas […]. Il faut

que ca monte et que ce descende en permanence sinon nous serons coupés (ndlr de la réalité) et

vous, vous n’aurez pas d’éclairage », A. FRITZ – Directeur Général du CHU de Rennes en

Assemblée Générale des cadres le 6 avril 2012

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- 44 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

Par conséquent, les collèges de cadres peuvent être des lieux de réflexion

principalement, mais il doit exister, par ailleurs, des lieux opérationnels de transmission

des informations dans le sens ascendant et descendant.

Les grèves des cadres traduisent le sentiment chez les cadres de manque de

prise en compte des situations concrètes quotidiennes et le manque de « communication

soutenante » accompagnant les décisions prises. Nul ne conteste qu’il est très difficile de

prendre une décision générale pertinente s’appliquant à des situations particulières si

aucune remontée d’information n’est organisée pour appuyer et fonder cette décision. Le

parallèle avec l’idée de base du toyotisme n’est pas sans intérêt. Bien entendu, une

grande prudence doit être de mise concernant les transpositions d’éléments de ce type de

management par ailleurs largement critiquable. Néanmoins, la confiance qu’il suppose de

la part du « top management » dans les équipes de terrain dans la remontée d’information

et dans la proposition de solutions aux problèmes de terrain, peut être une source

d’inspiration pour toute organisation complexe, dont l’hôpital.

Le défi que représente cette transmission d’information dans un établissement de

grande taille contraint à un découpage plus fin. L’idée du découpage en pôle n’a d’autre

fonction que de proposer une masse critique permettant une prise en charge moins

cloisonnée, une gestion financière optimisée et un dialogue managérial plus fin,

notamment dans les grandes structures. Un tel dialogue permet de favoriser la prise en

compte des spécificités de chaque pôle ou service mais aussi favoriser le vrai rôle des

cadres.

Une piste d’action est de faire participer, sur invitation du cadre supérieur de santé

(pour éviter le danger de le délégitimer), et sur les questions mises à l’ordre du jour par

les cadres du pôle exclusivement, un membre de la direction des soins et éventuellement

un directeur adjoint, à une partie de la réunion des cadres du pôle. Il ne s’agit pas de

délégitimer l’encadrement intermédiaire mais d’éviter le filtre d’une retransmission qui doit

avoir lieu par ailleurs (réunion de Cadres Supérieurs de Santé), et la méconnaissance

donc la perte de confiance entre l’encadrement de proximité et l’encadrement de

direction.

Le CHU de Rennes compte 16 pôles et 3 directeurs de soins. En considérant que

chacun travaille, hypothèse basse, 10 heures par jour, soit 200 heures par mois, participer

pendant 1 heure à la réunion de 6 pôles chacun une fois par mois (il faut une fréquence

relativement dense pour assurer une connaissance donc une confiance mutuelle), soit 6

heures de réunion par mois, revient à 3% du temps de travail d’un directeur de soins.

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 45 -

L’argument selon lequel il est très difficile de réaliser ces réunions en assurant une

information identique et simultanée pour chaque pôle ne tient pas puisqu’il s’agit de faire

remonter des informations et non pas principalement d’en faire descendre.

Faire le pari de ce dialogue sur les difficultés rencontrées par les équipes de

terrain, présente des avantages multiples : faire traiter ensemble des situations aux

cadres et cadres de direction avant que celle-ci ne dégénèrent et ne demandent un

investissement encore plus chronophage de chacun, supprimer l’argument selon lequel

les cadres de direction ne connaissent pas le terrain et celui selon lequel les cadres de

santé ne se préoccupent pas de l’efficience, intégrer en permanence les considérations

du terrain dans les décisions, assurer la communication tout au long du murissement

d’une décision, assurer l’unité managériale par la confiance, utiliser pleinement les

ressources et compétences de chacun etc.

L’avantage majeur de cette réunion réside dans la connaissance mutuelle des

cadres de direction et des cadres de santé favorisant une confiance mutuelle. L’autre

avantage de ces échanges permanents est d’éviter ce qui pourrait être appelé

« l’étanchéité des buts ».

L’échange des informations permet une vision unifiée (et non pas unique) de la

situation et donc un partage des solutions à adopter. L’ignorance crée la division. C’est ce

dont se plaignent les cadres de santé : une information-simultanée à la décision,

« hachée » selon un cadre interrogé, « impérative » et nécessitant un traitement « dans

l’urgence » selon un autre.

En théorie, en matière opérationnelle quotidienne, l’idée même de pédagogie de la

direction envers les cadres peut susciter la réflexion. La pédagogie sert à instruire, elle

permet de transmettre un savoir à quelqu’un qui ne l’a pas. Cela se conçoit dans le rôle

propre stratégique de la direction d’un établissement. Pour ce qui concerne le

fonctionnement opérationnel, les cadres ayant normalement été impliqués dans

l’élaboration de la décision (pas dans la décision elle-même), ils connaissent les

impératifs ayant conduit à la décision : nul besoin de pédagogie, fort besoin de soutien à

la mise en place de la décision.

Or c’est à ce niveau que le bât blesse. Peu informés et informant peu, les cadres

demandent un dialogue managérial plus fort très bien décrit dans le rapport de Singly44.

Cela leur permettrait de prendre pleinement leur rôle de cadre de proximité. De nombreux

cadres décrivent leurs difficultés à asseoir leur légitimité quand ils ignorent à la fois ce que

44

Op. cit.

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- 46 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

va décider la direction et le sens de ce qu’elle va décider. Leur crédibilité est fortement

entamée lorsque les équipes demandent des éléments d’information sur un changement

de service un mois avant la date dudit changement et que les cadres ne savent pas

répondre par manque d’information.

Aujourd’hui, les directions d’établissement regrettent que les syndicats déforment

dans leurs tracts et informations les projets qu’elles mettent en place. En réalité, les

syndicats occupent un terrain vide car les cadres ne l’occupent pas, trop peu informés et

trop peu informants, à cause d’un dialogue managérial trop réduit. Rééquilibrer des

modes d’information différents par nature, mais complémentaires, que sont les cadres et

les représentants du personnel est donc aussi un enjeu de cette communication

opérationnelle. La Directrice de la Communication du CHU de Rennes confirme d’ailleurs

cette idée en souhaitant planifier l’information plutôt que de devoir réagir à des situations

de crise ou d’inquiétude.

En résumé, les collèges de cadres créés dans plusieurs établissements répondent

à une problématique : celle d’avoir un lieu de dialogue et de réflexion entre les cadres et

la direction sur les orientations à donner à la formation des cadres de l’établissement en

intégrant les évolutions de leur métier dans l’établissement, le statut des cadres ou tout

autre sujet de long terme.

Sur le plan opérationnel, seul un dialogue managérial plus intense et plus direct

permettra d’éviter l’étanchéité des buts et de positionner les cadres comme tels. Le rôle

de l’association des cadres de santé du CHU de Rennes ne peut avoir ce rôle

opérationnel. Il peut nourrir la réflexion notamment par des enquêtes via intranet sur les

besoins et le positionnement des cadres et gagnerait d’ailleurs à être pluriprofessionnel, la

question des cadres concernant l’ensemble du management hospitalier.

Un travail important est donc nécessaire sur les cadres afin de les positionner

comme cadres là où ils sont parfois cantonnés à des rôles de représentants des équipes

de service de soins. Un tel mouvement présente deux difficultés majeures. En premier

lieu, il est un travail de longue haleine nécessitant de multiples actions complémentaires,

dont les effets ne sont pas visibles rapidement, ce qui n’est guère compatible avec

l’urgence chronique du temps de l’hôpital. En deuxième lieu, il suppose autant

d’investissement des cadres que du management de direction de l’hôpital, ce qui suppose

pour ce dernier d’abandonner parfois l’urgence de la réaction pour la lenteur de l’action.

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 47 -

2.2 La prévention et la gestion par l’encadrement de direction des

conflits de rôle des cadres de santé

Les difficultés rencontrées par les cadres de santé préoccupent nécessairement les

cadres de direction de l’hôpital. En premier parce que ces difficultés pénalisent le

fonctionnement de l’établissement, mais en deuxième lieu aussi, parce que ces conflits de

rôle interrogent le management des cadres de direction. Ils affectent l’unité managériale

et affaiblissent l’action des cadres de direction.

Les directeurs d’hôpital sont généralement bien conscients de l’existence de ces

conflits inhérents aux structures complexes. Ceci d’autant plus qu’ils en font aussi les

frais. En effet, de nombreux directeurs décrivent leur exercice professionnel comme très

marqué par injonctions paradoxales des acteurs internes ou externes à l’hôpital. Ils sont

également nombreux à réclamer une plus grande autonomie, notamment depuis la

création d’Agences Régionales de Santé (ARS) plus directives que leurs ancêtres

Agences Régionale de l’Hospitalisation (ARH). De leur point de vue, de nombreuses

injonctions paradoxales pourraient être évitées grâce à cette autonomie reconnaissant

leur compétence opérationnelle de terrain. En somme ils appellent à l’application du

principe de subsidiarité à leur endroit en raison de l’adaptation permanente aux situations

locales qu’exige une politique nationale de santé.

Or à un niveau infra-établissement, ce principe de subsidiarité trouverait

pleinement sa place entre l’encadrement de direction et les cadres de proximité. Un tel

fonctionnement suppose de surmonter la méfiance culturelle existant entre cet

encadrement de direction et les cadres de santé. Un management de la confiance

apparaît donc essentiel à l’application du principe de subsidiarité.

Ceci est d’autant plus difficile que l’hôpital n’est pas organisé historiquement sur la

base du principe de subsidiarité. Pourtant la complexité de son organisation étant très

difficile à appréhender au niveau de l’établissement dans son ensemble, un tel principe de

rapprochement du centre de décision vers le terrain peut trouver une justification malgré

les freins nombreux à un tel fonctionnement (A). En particulier, cela suppose un

management de la confiance qui n’est pas simple à mettre en place, notamment en

période de tension financière (B).

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- 48 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

2.2.1 Encadrement de direction et principe de subsidiarité

Le principe de subsidiarité se définit comme le fait d’attribuer à l’entité la plus

proche du problème le soin de le résoudre. Ce principe ne se conçoit pas sans le principe

de suppléance, c'est-à-dire le devoir pour l’entité de l’échelon supérieur de soutenir l’entité

inférieure lorsque celle-ci peine à résoudre le problème.

Plusieurs obstacles existent dans la mise en œuvre de ce principe.

En premier, dans une période de tension budgétaire la tentation de la direction

d’un établissement peut-être grande de passer outre ce principe en imposant notamment

les décisions difficiles qui s’imposent et donc en centralisant la décision.

Sur ce point, il faut alors éviter tout angélisme. Les tensions budgétaires

rencontrées par les hôpitaux nécessitent parfois des décisions difficiles et relativement

rapides qu’il est difficile, si ce n’est impossible, d’obtenir par la négociation interne. « Le

fait de passer de 19 à 14 RTT, ca ne se négocie pas » affirme ainsi le Directeur Général

du CHU de Rennes.

Ensuite, la limite du principe de subsidiarité réside dans la capacité du cadre de

proximité à faire face aux difficultés rencontrées.

Certes, il paraît nécessaire d’accroître le rôle des cadres de santé dans la

résolution des problèmes, notamment parce qu’ils sont les plus à même de juger finement

la situation et parce que ce travail est trop largement réalisé par les échelons supérieurs.

L’embolisation des échelons supérieurs et la déresponsabilisation des cadres sont les

deux conséquences néfastes de ce fonctionnement.

Cependant, dans un établissement habitué à ne pas utiliser ce principe, la période

de transition est difficile parce qu’elle nécessite de faire confiance à des cadres qui n’ont

pas l’habitude d’avoir autant de latitude et de responsabilité. C’est donc prendre le risque

d’un mauvais traitement des problèmes et d’un manque de cohérence à l’échelle de

l’établissement.

Deux éléments permettent d’accompagner cette transition. A court terme, par la

formation afin de faire monter en compétence permettant l’application du principe de

subsidiarité. A terme immédiat, par l’amélioration de la qualité du reporting et du dialogue

managérial (qui ne sont que les traductions concrètes du principe de suppléance)

permettant d’être informé et d’agir rapidement en cas de défaillance du cadre (cf. 2.2.2).

Cette double action permet un rehaussement progressif de chacun des

positionnements des niveaux hiérarchiques. Plus de confiance et plus de contrôle

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 49 -

conduisent à augmenter la prise des cadres de santé sur les événements (ce qu’ils

recherchent en devenant cadre de santé45). Parallèlement, cela évite la saturation

opérationnelle pour les cadres de direction.

Pour les cadres de direction, l’évolution vers un tel positionnement nécessite de

renoncer à la tentation de s’occuper de tout. Cela est d’autant plus difficile que cette

tentation est en réalité le plus souvent une hyper sollicitation. L’envahissement

réglementaire, qualitatif, financier au quotidien est souvent décrit comme une difficulté

pour exercer son métier. Le Directeur Général du CHU de Rennes déclare ainsi : « nous

dépensons de l’argent public et il est normal d’en rendre compte mais cette ingérence de

l’ARS et ses demandes multiples deviennent difficilement gérables 46».

Le fait d’être en permanence confronté à des stimuli de toute sorte, contraint le

directeur d’hôpital à réagir pratiquement plus qu’à agir. L’énergie considérable dépensée

dans ces réactions est décrite comme une gêne importante dans le management d’un

établissement. Or cette énergie n’est donc plus consacrée à la conduite du changement.

C’est, en particulier, le cas du directeur de type « héros47 » qui sait tout faire et

porte l’hôpital à lui tout seul.

Se repositionner sur des fonctions de contrôle, d’arbitrage et d’orientation

stratégique nécessite probablement une réflexion régulière des cadres de direction sur

leur exercice professionnel. Or la dictature de l’urgence de l’hôpital ne favorise pas, voir

empêche, une telle réflexion. Celle-ci devrait pourtant régulièrement avoir lieu au sein de

l’équipe de direction mais aussi pour chaque directeur adjoint ou directeur des soins, avec

ses équipes, notamment d’attachés d’administration hospitalière. A ce titre, les directeurs

adjoints et directeurs de soins ayant participé à une réflexion sur le projet d’établissement

du CHU de Rennes le 27 septembre 2012 apprécient le fait de pouvoir prendre le temps

du recul et de la réflexion.

Néanmoins, une telle hyper sollicitation ne peut que conduire à une interrogation

sur la confiance faite au reste de l’encadrement. D’une part, l’encadrement de direction

constate sa propre saturation, et d’autre part il regrette d’avoir à réaliser lui-même

certaines tâches de crainte d’une perte de contrôle de la situation.

Comment lutter contre ce phénomène sinon par la priorisation et le management

par le sens48 ? Comment ne pas comprendre le rôle des managers, et donc des cadres

45

Cf. Annexe 3, Analyse des questionnaires, question 3 46

Réunion de direction du CHU de Rennes du 6 septembre 2012 47

LAUDE L., Diriger, à paraître dans Revue Décision Santé 48

TROSA S. et BARTOLI A., Le management par le sens au service du bien public, Coll. « Profession cadre Service public, 2011

Page 55: Conflits de rôle des cadres de santé à l'hôpital ... · l’unité et de la performance managériale, le cas du CHU de Rennes Loïc DELASTRE . ... inversement proportionnel au

- 50 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

de direction, comme l’art de conduire ces priorisations et cette communication sur le sens.

C’est à dire comme l’art de permettre au personnel de travailler ensemble dans un

environnement complexe par des arbitrages permanents sur les priorités.

Ce management par la priorisation et par le sens, découle certes d’un projet

d’établissement, d’un projet médical, d’un projet managérial, mais aussi, quotidiennement

par la transmission, claire, structurée et synthétique de l’information.

Ceci est valable dans les sens « top-down » et « bottom-up ». Ce mode de

fonctionnement n’est pas simple à mettre en place car le non partage d’information est

parfois confortable. Il permet d’éviter d’être remis en question, d’avoir à changer ses

pratiques en ressortant l’argument courant du type « le directeur ne connaît pas le

terrain » ou « les cadres et les médecins ne suivent pas mes directives ». En d’autre

terme, ce non partage d’information limite la remise en question et ne favorise pas la

confiance entre les membres de l’encadrement.

Le rapport IGAS précédemment évoqué sur le management hospitalier indique

que « Cette confiance entre managers et collaborateurs a pu être présentée comme un

des fondements du « lean management » qui sous-tend que les collaborateurs sont les

mieux placés pour trouver les sources d’inefficacité et que pour les trouver, c’est bien un

travail sur le terrain qu’il convient de réaliser. De même que pour les hôpitaux

magnétiques, le sentiment de proximité et d’écoute entre les personnels et la direction,

d’écoute et de respect, constitue un élément incontournable de la réussite de ces

démarches. »49

2.2.2 Management de la confiance : congruence, communication interne et

effectivité

Un tel principe de subsidiarité nécessite de gagner la confiance des cadres et de

s’assurer que l’on puisse leur faire confiance. Cela passe nécessairement par une

communication renforcée mais aussi par un management de l’effectivité qui restaure la

confiance des cadres dans les cadres de direction. Schématiquement, il s’agit de dire ce

que l’on fait et de faire ce que l’on dit.

Un cadre décrit ainsi parmi les attentes les plus importantes qu’il formule à l’égard

de la direction le fait d’avoir une « politique claire » nécessitant donc « transparence et

communication » pour atteindre des « objectifs raisonnables ».

49

Op. cit.

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 51 -

A) Dire ce que l’on fait ou l’amélioration de la communication interne

La communication interne est souvent réduite à la communication interne descendante

(b). Or il est sans doute, encore plus important d’assurer et de structurer la

communication ascendante notamment dans les établissements de grande taille (a).

a) Codification et systématisation du reporting

Les réunions de cadres dans un CHU ne permettent pas d’assurer la remontée de

l’information. Au CHU de Rennes, les 130 cadres de santé finissent pas se lasser de ce

type de réunion qui ne répond que partiellement à leur attentes du fait de son caractère

« descendant ». Dans ces assemblées, l’information ne peut être que descendante ce qui

convient bien pour une information solennelle. Cependant l’idée qu’une information puisse

être remontée par une réunion de 150 personnes est illusoire. Ceci d’autant que les

remontées d’information peuvent être la source de décrédibilisation et donc de « guerre

de position » du type : « ce que vous affirmez n’est pas vrai » « mais si venez voir, vous

êtes trop éloigné du terrain ».

Pourtant le principe de subsidiarité évoqué plus haut nécessite une telle remontée.

L’amélioration du reporting nécessite, outre la mise en place de réunion de cadres de

pôle, la codification des procédures et des documents de reporting via les cadres

supérieurs de santé (ce qui, au CHU de Rennes, est fait pour les événements

indésirables seulement pour le moment).

Cette amélioration du reporting est une des actions majeures d’une procédure

qualité. La création en 2008 de la Direction de la Qualité et des Relations avec les

Usagers (DQRU) au CHU de Rennes a permis une structuration de modes de

communication mais qui demeure restreinte à certaines situations.

La structuration de la communication interne relative aux gardes est un exemple à

suivre. Chaque acteur sait à qui il doit transmettre les informations et selon quel support.

Ces procédures ayant tendance à être déformées ou moins respectées au fil du temps, il

convient de contrôler régulièrement leur application et d’interroger régulièrement leur

pertinence.

A titre d’exemple, une difficulté de transmission des informations entre directeurs

de garde a conduit au rétablissement d’une réunion de transmission en début de

semaine, réunion qui avait disparu au fil du temps.

A fortiori, il paraît nécessaire de codifier la communication entre le management

intermédiaire et de direction et les quelques 130 cadres du CHU.

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- 52 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

Cette information ascendante permet de nourrir les décisions prises par la

direction, décisions qui doivent faire l’objet d’une communication permanente.

b) Mise en place d’une communication permanente et plus exhaustive envers les

cadres

En 2011, suite à leur grève, les cadres de santé du CHU ont exprimé leurs

revendications et notamment le fait « de comprendre l’organisation de la démarche

décisionnelle du CHU, et d’être au fait des latitudes d’action que vous avez (ndlr : la

direction). Cela pour faire évoluer nos propres fonctionnements face aux réalités du

quotidien et d’éviter l’apparition dramatique d’un abysse entre l’administration et les soins

dont les répercussions auraient inévitablement des conséquences non moins dramatiques

sur les patients. »

Cela est confirmé par les déclarations des cadres interrogés. L’un d’eux évoque la

nécessité d’une « politique claire, de la transparence dans la communication sur les

projets ».

Ce dialogue peut être descendant par note interne, par réunion des cadres mais il

doit aussi laisser une place au dialogue et à l’explication (même si en théorie nul besoin

de pédagogie pour les décisions opérationnelles envers un encadrement qui doit être

associé et qui doit connaître les raisons d’une décision non stratégique). Les cadres de

direction évoquent souvent le fait que ce dialogue est bloqué par les cadres qui freinent

les projets en invoquant leurs contraintes. Il est vrai que les cadres déclarent souvent que

leurs attentes de la direction sont « la prise en compte des contraintes », la

« compréhension ».

Cependant, l’encadrement de direction répond trop souvent par une négation de

ces contraintes, ou par une minimisation. Ne serait-il pas envisageable d’axer la

communication de l’encadrement de direction sur ses propres contraintes ? En plus

d’informer les cadres sur les contraintes qui pèsent sur l’encadrement et qu’ils

connaissent mal ou dont ils saisissent mal l’ampleur, cela permet de mettre en balance

les contraintes de chacun et d’arbitrer en connaissance de cause.

Il est toujours plus facile de nier la contrainte des autres quand on la minimise. Il

est intéressant de constater en immersion par le stage, la méconnaissance importante

chez les cadres de santé des pouvoirs réels du directeur de l’hôpital face à des

mouvements structurels d’ampleur. Cela est largement dû à une information descendante

qui n’existe que pour transmettre une décision. Il paraît pourtant nécessaire d’informer

régulièrement de l’évolution de la réflexion.

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 53 -

A titre d’exemple, un directeur d’établissement explique que pendant longtemps, il

a voulu attendre d’être certain que les outils de comptabilité analytique qu’il mettait en

place soient parfaitement fiables avant de les diffuser. N’arrivant pas à cette parfaite

fiabilité, il a finit par les communiquer en l’état. Cette diffusion a permis la critique

constructive et ainsi la fiabilisation des outils.

Par conséquent, les directeurs doivent informer de leurs vraies contraintes…Ceci

n’est pas une simple question de respect des cadres ou d’outil de conviction, c’est aussi

une question d’efficacité managériale. Des cadres informés du sens, des contraintes et du

contenu de l’action de la direction sont des cadres plus efficaces. Frédérik Mispelblom

Beyer écrit ainsi : « Les cadres […] ont pour tâche de représenter l’entreprise auprès des

salariés encadrés, de la mettre en forme, d’en expliquer les stratégies, de dire en quoi

telle décision est inévitable si l’on veut garantir la survie de l’entreprise. » « Les cadres

détiennent certaines parcelles de pouvoir qui, bien que toujours déléguées, ne leur en

donnent pas moins des moyens supplémentaires par rapport aux salariés qu’ils

encadrent. »50

Une difficulté importante dans cette communication des contraintes mais aussi des

intentions et des projets, réside dans la crainte majeure pour les cadres de direction d’un

manque de contrôle de l’information. La tentation d’avancer masqué est donc importante.

Il est vrai que la communication transparente envers les cadres de santé nécessite

que ces derniers soient conscients du caractère stratégique de la maîtrise de l’information

dans la conduite du changement. Il est certain que tout ne doit pas être dit tout de suite et

n’importe comment, mais une politique de communication fondée sur la transparence

maximale (et non pas exhaustive) permettrait de favoriser l’adhésion des cadres en

informant de l’état de la réflexion et en indiquant le sens de l’action ; ceci afin de limiter les

résistances des cadres eux-mêmes en mettant en regard les contraintes d’un service et

celles d’un établissement. Un cadre pleinement informé des contraintes de l’établissement

et des contraintes subies par ses collègues intègre d’autant plus facilement les

contraintes qui lui sont imposées.

Mieux, cette transparence permet d’utiliser pleinement le levier de l’encadrement.

L’exemple constaté au CHU de Rennes de l’information permanente par l’encadrement de

direction d’un cadre de proximité non cadre de santé sur une réorganisation de son

service a permis à ce dernier d’accompagner le changement en court. Aucune difficulté

n’a été constatée sur ce secteur pourtant réputé socialement sensible.

50

MISPELBLOM BEYER F., 12ème journée d'étude du GDR CADRES Lyon - 15 décembre 2006

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- 54 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

Le choix d’une telle stratégie suppose de limiter les conflits intra émetteurs et inter-

émetteurs par une réflexion sur l’organisation du travail en équipe de direction et du travail

avec la communauté médicale. Cela permet d’introduire plus fortement dans le mode de

travail des cadres de direction, la préoccupation des conséquences des orientations

prises sur le reste de l’encadrement.

Le rapport récent de l’IGAS sur le management est d’ailleurs strictement sur cette

ligne. « Nous avons décrit précédemment les différents leviers mobilisés par les

établissements pour améliorer notamment leur situation financière. Toutefois, le risque

d’une juxtaposition d’actions dont la cohérence serait difficile à saisir pour les acteurs

hospitaliers donne tout son sens à l’effort de management réalisé pour faire partager des

objectifs qui ne peuvent se limiter à la seule contrainte financière. Le management à la

confiance apparaît dans le domaine de l’entreprise comme un moyen d’insuffler de la

souplesse dans les organisations pyramidales de façon à multiplier les intelligences

interactives. Cette idée a été exprimée de façon très claire par un de nos interlocuteurs du

champ hospitalier : « On n’exploite pas assez la capacité des gens sur le terrain à activer

une vraie démarche efficiente»51.

Or la méfiance culturelle entre cadres de direction et cadre de santé doit être

surmontée par une communication permanente sur l’action menée mais aussi par un

management de l’effectivité, notamment en optant pour une stratégie d’actions réactives,

sensibles et mesurables par les cadres de santé.

B) Faire ce que l’on dit ou le management de l’effectivité

Un tel management par la confiance accompagné d’un principe de subsidiarité

nécessite de provoquer l’adhésion des cadres de santé. Or ces cadres ont le sentiment

que se succèdent indéfiniment les réformes et réorganisation dans un sens unique :

toujours plus d’effort. Le management des cadres suppose pourtant de susciter l’adhésion

de ces derniers.

La difficulté est que les cadres n’ont rien à gagner à rentrer dans le « système de

la direction ». Dans le contexte de restriction actuel, il apparaît important d’organiser la

satisfaction des cadres et leur bien être au travail. Cela passe notamment par des actions

ponctuelles, concrètes, mesurables52 et dont l’impact sur le travail des cadres et des

51

Op. cit. 52

Le CHU de Rennes est en cours de réalisation d’un baromètre social dont l’utilité serait grande pour mesurer la satisfaction des cadres de santé

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 55 -

services est perceptible. Or, les caractéristiques des projets hospitaliers sont souvent

diamétralement opposées à ces préoccupations. Ils sont souvent de grande envergure,

longs, et leur utilité directe pour le travail des cadres est parfois peu lisible.

Il faut reconnaître que ces projets hospitaliers se concentrent sur l’amélioration de

la performance des établissements, moins sur la facilitation du travail de leur personnel.

La aussi, le dossier patient informatisé est un exemple. Si les objectifs sous-tendant sa

mise en place sont évidents, il n’est pas certain qu’il facilite le travail des cadres

(formations à organiser, remplacement à prévoir pendant les formations, bugs

informatiques à gérer etc.). Susciter l’adhésion de ces derniers, en ne proposant que des

projets pour lesquels ils n’ont pas d’intérêt direct à agir, s’avère difficile à long terme.

Par ailleurs, des cycles courts de projets correspondent mieux aux cycles

individuels : les gens ne restent plus quarante ans dans un même établissement. Susciter

l’adhésion des cadres et plus encore des équipes de soins sur des projets à 25 ans est

une gageure.

Bien entendu, le but de la direction d’un établissement de santé n’est pas

premièrement de satisfaire ses cadres. Cependant, il faut bien remarquer que les projets,

simples, concrets et qui aboutissent ont un effet positif sur la confiance entre cadres et

cadres de direction, elle même nécessaire à la réalisation des projets plus importants.

Les attentes des cadres, souvent moins difficiles à combler, sont peu prises en

compte (par exemple la réactivité des fonctions logistiques et des fonctions support pour

des travaux d’entretien dans un service). Favoriser la réalisation de ces mini-projets

permettrait d’une part d’améliorer le quotidien des cadres mais également de favoriser

leur confiance dans les cadres de direction. Ces derniers en ont bien besoin pour porter

des projets de plus grande envergure. Or susciter l’adhésion pour des projets de grande

ampleur alors que l’on peine à assurer l’effectivité d’un fonctionnement pour des micro-

projets apparaît difficile.

C’est ce qui conduit un cadre interrogé à affirmer qu’il attend de la direction des

« projets qui aboutissent concrets atteignables » ou un autre cadre à décrire ses attentes

de l’encadrement de direction comme un « accompagnement pour la mise en application

des décisions ».

Un cadre sera probablement plus convaincu par la réactivité et le soutien de cadre

de direction pour l’aider à organiser sa réserve de solutés et de médicaments qui lui pose

quotidiennement des problèmes de sécurité, que par une réunion détaillant des projets de

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- 56 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

grande ampleur à vingt-cinq ans. L’un des cadres interrogé estime ainsi que l’une des

principales attentes qu’il formule auprès de la direction est « la réactivité ».

Il faut bien convenir que, là encore, la pression budgétaire a un effet majeur de

structuration de plus en plus forte de l’offre de soins. La nécessité de contenir les

dépenses tout en offrant une qualité forte des soins a conduit à la création de démarches

qualité très structurantes par la standardisation des pratiques et à la mise en place d’une

cohérence systémique forte via les ARH puis les ARS. Cette approche extrêmement

descendante par la déclinaison d’orientations nationales (ONDAM, Plan Cancer, Plans

Hôpital 2007 et 2012 etc) en orientations régionales (PRS) puis locales (CPOM, en

cohérence avec projet d’établissement) conduit à une vision très systémique.

Ces grands projets absorbent une énergie considérable des cadres et leurs

difficultés de mises en place laissent souvent un sentiment de frustration : celui du grand

soir inachevé au pire, celui de la réalisation d’un projet qui ne les sert pas pleinement au

mieux.

La succession de projets de grande ampleur laisse peu de place à des projets

concrets et liés au travail des cadres. Or ces projet sont certes moins ambitieux mais

nécessaires à la motivation et donc à la performance de l’encadrement de proximité de

l’hôpital.

En d’autres termes, l’action des cadres de direction doit intégrer à la fois les

objectifs à atteindre sur le plan stratégique mais aussi les moyens en encadrement

nécessaires pour y parvenir. Ces moyens sont à la fois quantitatifs mais aussi qualitatifs

par le niveau d’implication et de motivation qu’un établissement parvient à susciter chez

ses cadres de santé.

En résumé, il faut savoir « prendre soin » des cadres pour profiter pleinement de

l’effet de levier qu’ils sont pour un directeur.

Le double mouvement de communication interne et d’effectivité permet le

rétablissement d’une confiance nécessaire. Or une telle confiance est indispensable pour

la mise en œuvre d’un principe de subsidiarité lui-même essentiel pour faire face à la

complexité hospitalière grandissante. Sur ce point, il n’est pas inintéressant de constater

que des entreprises privées à but lucratif fondent leur stratégie sur cette confiance et cette

subsidiarité.

Le récent décès du fondateur d’une enseigne de grande distribution, a été

l’occasion pour les médias de souligner l’importance et l’efficacité de ces fondements pour

cette entreprise.

Les adhérents à l’enseigne en question sont propriétaires de leur magasin pour

assurer l’investissement personnel et la responsabilité de chacun mais aussi pour garantir

une adéquation forte entre les exigences commerciales locales et la stratégie adoptée par

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 57 -

chaque magasin. Cette subsidiarité se double d’un principe de suppléance pour ce qui ne

peut être effectué par un magasin…par exemple la communication commerciale en temps

de crise sur la vente de carburant à prix coûtant.

Le cahier des charges d’adhésion définit le rôle attendu. Il est ratifié par la marque

et par l’adhérent et stipule des engagements de solidarité (cautionnement des nouveaux

adhérents, participation à la vie collective, etc.) qui garantissent l’unité managériale du

groupe.

Le fait que cette entreprise soit une entreprise commerciale, et même

particulièrement commerciale, n’interdit pas de constater qu’elle connaît des contraintes

comparables sur certains points à celle d’un hôpital, au moins pour ce qui concerne la

complexité, la grande taille, la nécessité de répondre à une demande ou encore

l’exigence de qualité53.

Ces principes de confiance, de subsidiarité et d’effectivité ne sont donc pas des

vœux pieux qui n’auraient de place que dans une réflexion théorique, ils sont les leviers

adoptés par des organisations complexes parce qu’ils sont efficaces et efficients.

Dans un établissement de santé, leur place essentielle, dans un projet managérial

autant qu’au quotidien, doit donc être développée.

53

Un constat identique peut être réalisé dans des entreprises comme le Crédit Agricole ou le Crédit Mutuel.

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- 58 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

Conclusion

La première conclusion de cette étude, la seule qui soit certaine, est la mesure de

l’humilité nécessaire à toute analyse d’un monde hospitalier de plus en plus complexe. La

conscience que « la critique est aisée mais l’art difficile » pousse à la modération face à la

forte imbrication des problématiques financières, organisationnelles ou managériales à

l’hôpital.

La modestie tient donc lieu de guide d’élaboration de ce mémoire qui se fonde sur

l’atout d’un œil neuf et trouve sa limite dans l’expérience professionnelle restreinte de son

auteur. Dès lors, si les pistes d’améliorations évoquées favorisent chez l’encadrement de

direction et les cadres de santé en fonction, une réflexion et des intuitions à explorer, le

but de ce travail sera probablement atteint. En tout état de cause, cette étude a permis au

jeune directeur d’hôpital que je serai, une réflexion sur son futur métier.

Sur le fond du sujet, il est évident que la qualité des soins dispensés par un hôpital

est largement corrélée à la performance managériale de l’établissement. Or le personnel

hospitalier est parfois lui-même un frein à cette performance notamment quand il subit

des conflits de rôle. Ceci d’autant plus que le management d’un hôpital ne se fait jamais

ex nihilo mais sur la base sédimentaire de comportements antérieurs parfois peu

orthodoxes, voire anormaux. Cependant, chaque directeur sait aussi que la plus grande

force de l’hôpital pour affronter les difficultés sera toujours son personnel, notamment ses

cadres de santé et que toute solution passe par eux.

L’intérêt pour un directeur d’hôpital de prendre en compte les conditions d’exercice

du métier de cadre de santé apparaît donc clairement. L’intégration de ces conditions de

travail, notamment les conflits de rôle, dans le type de management adopté permet

l’efficacité managériale sur le long terme. Le principe de subsidiarité et le travail de

communication managériale permettent de développer l’utilisation de la richesse des

compétences et des cultures des personnels hospitaliers.

Néanmoins, les bases d’un tel management sont exigeantes. La confiance et la

subsidiarité ne se décrètent pas, elles se conquièrent. L’effectivité nécessite une

implication de tous les instants de l’encadrement. Ces fondements permettent d’utiliser

pleinement le potentiel des cadres de santé, trop souvent sous-estimé et sous-utilisé

parce que sous-développé. Or ce sous-développement n’est pas imputable à des cadres

de santé trop peu professionnels ou à des cadres de direction trop peu soucieux des

cadres de santé.

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 59 -

Cette étude montre, en effet, que la complexité hospitalière, la gestion médico-

économique ou encore une gouvernance en cours de mise en place, génèrent d’elles-

mêmes des conflits de rôle. Or les modes de gestion développés en réaction à ces

conflits gênent le développement par les cadres de leur positionnement d’encadrement.

Répondre à ce mouvement, permanent et inévitable, de création des conflits de

rôle, par la seule formation en management des cadres n’est donc pas suffisant. Cette

dernière permet, certes, de développer des capacités comportementales – tout à fait

nécessaires - mais ne garantie pas que ces capacités soient utilisées face aux conflits de

rôle.

Le développement de ces conflits de rôle mais aussi l’évolution générale de la

société et de la culture du personnel hospitalier exigent désormais un management plus

interactif à défaut d’être participatif. Ceci en dépit de la structuration historique de l’hôpital

sur un modèle administratif et médical descendant et pyramidal qui rend ce changement

culturel difficile pour tous.

La prise en compte des conditions d’exercice du métier de cadre de santé par

l’encadrement de direction permet à ce dernier de développer une confiance mutuelle

avec les cadres de santé. Ce développement de la confiance apparaît donc comme un

fondement essentiel du projet managérial d’un établissement.

Ceci d’autant plus qu’un tel mouvement n’est pas sans favoriser le développement

de l’autorité des cadres de direction. Autorité non pas vécue comme autoritarisme mais

selon la définition d’Hannah Arendt54, « comme la capacité d’obtenir l’obéissance sans

recours à la contrainte par la force ou à la persuasion par arguments ». Cette autorité

implique une obéissance dans laquelle les cadres de santé gardent leur liberté et leur

créativité pour le meilleur fonctionnement de l’hôpital.

54

ARENDT H., La crise de la culture, 1962

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - 61 -

Bibliographie

Ouvrages

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LARCHER, Avril 2008

VALLANCIEN G., Rapport public, Réflexions et propositions sur la gouvernance hospitalière et le

poste de président du directoire, Juillet 2008

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - 63 -

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l’exemple des hôpitaux du Nord, Mémoire ENSP, 2003

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - I -

Liste des annexes

ANNEXE 1 - Situations soumises aux cadres de santé

ANNEXE 2 - Questionnaire adressé aux cadres de santé

ANNEXE 3 – Analyse des résultats du questionnaire

ANNEXE 4 - Schémas explicatifs

ANNEXE 5 – Schémas explicatifs

ANNEXE 6 - Fiche de poste de cadre de santé du CHU de Rennes

ANNEXE 7 – Extrait du projet de management du CHU de Rennes

ANNEXE 8 - Proposition de structuration des réunions des cadres de santé d’un pôle

ANNEXE 9 – Entretiens complémentaires réalisés

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II Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

ANNEXE 1

ENTRETIEN CADRE DE SANTE

Que feriez-vous dans chaque situation décrite ?

Situation 1

Le cadre supérieur de santé de pôle vous demande de surveiller vos effectifs pour l’équilibre

financier du pôle et de l’établissement. Votre service de maternité a une activité de plus en

plus forte ce qui est conforme à ce que demande le directeur. Ce matin, vous apprenez que

ce dernier demande aussi à l’ensemble des pôles de rendre des postes dans le cadre du

contrat de retour à l’équilibre.

Situation 2

Vous êtes cadre de garde aux urgences et des lits vous sont cachés par les services (vous-

même, dans votre service, il vous arrive de ne pas déclarer un lit le vendredi soir en

prévision d’une entrée le lundi). Or vous peinez à trouver des lits disponibles pour les

patients des urgences ce qui vous pousse à demander l’ouverture de lits supplémentaires au

directeur de garde. Celui-ci vous demande de trouver des lits disponibles coûte que coûte

pour éviter l’ouverture de lits supplémentaires.

Situation 2 bis

Vous êtes cadre d’un service de soins et vous apprenez ce lundi matin que la direction

souhaite faire passer en 12 heures les équipes de votre service. Ces dernières sont très

opposées à cette évolution.

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - III -

Situation 3

Après une expérience de cadre depuis 1 an dans un CH. Vous êtes depuis 2 mois devenu

cadre dans un service de réanimation d’un autre établissement. Vous êtes content car vous

étiez en concurrence avec d’autres cadres de ce nouvel établissement pour ce poste et vous

avez été choisi. Vous sentez que vous devez faire vos preuves vis-à-vis de vos collègues.

Ce service accueille des élèves infirmiers régulièrement. Ce matin, vous êtes chargé de la

notation du stage de l’un d’eux. Cette mise en situation professionnelle est très complexe car

l’un des patients confié à l’élève infirmier est dans un état préoccupant. L’élève infirmier fait

un geste que vous considérez comme invalide. Vous le lui dites mais il vous répond qu’il a

appris comme cela car un nouveau protocole est désormais en vigueur.

Situation 4

Vous venez d’être désigné par l’ensemble des cadres comme leur représentant à la suite

d’une grève des cadres. Les attentes sont importantes de la part des cadres mais vous

sentez que la direction n’est pas favorable à la formation d’un organe de représentation des

cadres. Vous avez envie de faire avancer les choses mais vous êtes parallèlement dans

l’attente d’un renouvellement complet du matériel de service que vous ne souhaitez pas

compromettre.

Situation 6

Vous êtes récent membre de la cellule organisation de l’établissement que vous avez intégré

dans le but d’apporter votre vision et votre expérience du terrain. Vous n’avez pas encore eu

de formation spécifique à cette nouvelle fonction.

La direction des soins vous demande dans une fonction transversale de créer un outil de

gestion de la disponibilité des lits. Pour des raisons budgétaires, vous n’avez pas la

possibilité d’utiliser un logiciel dédié pour cela. L’attente est très forte de la part des services

qui voient en cet outil une transparence dans la gestion des lits mais aussi de la part des

urgences.

Situation 5

Vous êtes cadre dans un service d’hématologie pédiatrique. Les enfants restent ici

longtemps et les parents ont de grosses difficultés à rester auprès de leur enfant (obligations

professionnelles mais surtout coût de l’hôtel). Un couple vient d’apprendre la leucémie de

leur garçon de 6 ans. Cette famille est en grande difficulté sociale et ne peut pas payer un

hôtel. L’enfant est très inquiet et les parents aussi. Vous ne pouvez leur proposer une

chambre dans une maison des parents avant une semaine. Aucune solution n’est possible.

Les parents vous disent qu’ils se relaieront pour dormir dans leur voiture sur le parking de

l’hôpital.

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IV Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

ANNEXE 2

QUESTIONNAIRE CADRES DE SANTE

Age :

Sexe : M F

Parcours antérieur (avec dates) :

Formation (dates):

1) Quelles sont les formations professionnelles qui vous semblent les plus utiles pour un cadre :

Classez les réponses par ordre décroissant

A formations informatiques

B formations en organisation (de sa propre activité)

C formations en organisation (de son service)

D formations de management et gestion des conflits

E Autres : …………………………………………………….

2) Pour vous la fonction de cadre de santé est une fonction :

Classez les réponses par ordre décroissant (de la plus importante à la moins importante), cochez celles qui ne conviennent pas.

A De cadre de proximité, de terrain

B De cadre intermédiaire

C De « tampon » entre la direction, les médecins, les équipes etc.

D De manager de la santé

E De garant de la qualité des soins

F De garant de la formation des équipes

G De représentant de la direction auprès des équipes

H De représentant des équipes auprès de la direction

3) Quelle sont les raisons pour lesquelles vous avez souhaité devenir cadre :

Classez les réponses par ordre décroissant (de la plus importante à la moins importante)

A L’évolution de votre métier

B La progression salariale

C Les horaires plus compatibles avec une vie personnelle

D Le hasard (opportunité au sein de l’hôpital)

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - V -

E La diminution de la pression du soin (inquiétude pour le malade, tension de l’erreur de soins etc.)

F Le pouvoir d’agir sur les choses

G Autres :……………………………….

4) Quelles sont les caractéristiques les plus nécessaires selon vous pour être cadre de santé

Classez les réponses par ordre décroissant (de la plus importante à la moins importante), rayez celles qui ne correspondent pas à la fonction de cadre de santé

A Autorité

B Sympathie

C Relationnel avec les équipes

D Relationnel avec les médecins

E Relationnel avec le personnel administratif

F Compréhension

G Compétence soignante

H Adaptabilité

I Loyauté

J Rigueur

K Compétence de gestion

L Souplesse

M Ténacité

N Compétence informatique

5) Quel terme résume le mieux la fonction de cadre de santé au regard de ce que vous faite concrètement au quotidien (pas de ce que vous souhaiteriez faire) ?

Classez les réponses par ordre décroissant (du plus représentatif au moins représentatif)

A Encadrement

B Gestion de ressources (humaines, financières, matérielles, planning)

C Management

D Formation professionnelle

E Autre :……………………………………………..

6) D’une façon générale, dans votre exercice professionnel, qu’attendez-vous principalement de :

Vos collègues cadres de santé :

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

La direction

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Votre chef de pôle

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

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VI Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

Votre chef de service

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Vos équipes

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Direction des soins

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

7) Quelle est la situation qui vous est la plus difficile dans votre exercice professionnel ?

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

8) Quelles est la situation que vous préférez dans votre exercice professionnel ?

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

9) Quelles sont les situations que vous connaissez le plus de votre métier ?

Classez les réponses par ordre décroissant (de la situation la plus rencontrée à celle le moins rencontrée)

A Un conflit entre deux exigences de la direction

B Un conflit entre deux exigences d’un médecin

C Un conflit entre la direction et votre équipe

D Un conflit entre votre vie professionnelle et votre vie personnelle

E Un conflit entre votre éthique et votre travail

F Autres:……………………………………………

10) Quelles sont les situations qui sont les plus perturbantes pour vous dans votre métier?

Classez les réponses par ordre décroissant (de la plus perturbante à la moins perturbante)

A Un conflit entre deux exigences de la direction

B Un conflit entre deux exigences d’un médecin

C Un conflit entre la direction et votre équipe

D Un conflit entre votre vie professionnelle et votre vie personnelle

E Un conflit entre votre éthique et votre travail

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - VII -

11) Vous demande-t-on des tâches qui ne relèvent pas de votre métier selon vous?

A Rarement

B Parfois

C Souvent

D Tous les jours

Lesquelles en particulier : ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

12) Pour vous les conflits de rôle, c’est à dire les conflits entre les différentes attentes que

l’on a de vous (la direction, vos équipes, les médecins etc) ou les conflits entre les attentes

que l’on a de vous et votre façon de concevoir votre métier (ex : attentes qui heurtent votre

éthique), sont (plusieurs réponses possibles) :

A des éléments normaux dans le métier de cadre. Un cadre est fait pour gérer ces situations.

B des éléments non souhaitables mais normaux. Un cadre doit savoir gérer ces situations

C des éléments de plus en plus fréquents

D des éléments anormaux

Sept cadres, hommes et femmes, ont été interrogés provenant de services de médecine

et de chirurgie (adultes et pédiatriques), d’âges variables, de site d’exercice différents,

formés au CHU de Rennes ou non et ayant reçu une formation managériale et de gestion

ou non.

L’objet de cet échantillonnage est plus d’éviter un biais quelconque que de produire une

représentativité exacte des cadres du CHU de Rennes.

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VIII Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

ANNEXE 3

Analyse des résultats du questionnaire

Six questionnaires ont été analysés.

Question 1

Très majoritairement, les cadres considèrent les formations managériales et de gestion de

conflits comme les plus utiles. Viennent ensuite les formations en organisation de son

service et ensuite les formations en organisation de sa propre activité. Les formations

informatiques sont jugées les moins utiles.

Question 2

La fonction de cadre de santé est qualifiée majoritairement de « garant de la qualité des

soins » puis de « cadre de proximité, de terrain ». Viennent en dernier lieu les qualificatifs

de « représentant de la direction auprès des équipes » et de « représentants des équipes

auprès de la direction ». Ce dernier item est donc le moins relevé alors que les entretiens

montrent relativement massivement que les cadres adoptent un tel comportement pour

gérer les conflits de rôle. A noter : la « fonction » de « tampon entre la direction, les

médecins et les équipes » n’est pas si importante aux yeux des cadres pour qualifier leur

fonction.

Question 3

Le « pouvoir d’agir sur les choses » et « l’évolution du métier » arrive massivement en

tête des choix fait par les cadres de santé pour expliquer les raisons de leur souhait de

devenir cadre.

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - IX -

Question 4

« Rigueur » et « adaptabilité » sont les caractéristiques les plus nécessaires pour être

cadre de santé selon ces derniers. La compétence informatique étant très largement

rejetée, beaucoup plus que « la sympathie ».

Question 5

L’item résumant le mieux l’action concrète quotidienne des cadres et non pas ce qu’ils

souhaiteraient faire, est la « gestion de ressources humaines et financière ». Un cadre

rajoute un item en indiquant faire de « l’articulation ».

Question 6

Les cadres de santé interrogés attendent principalement :

- de leurs collègues : du soutien et de la collaboration - de la direction : une écoute, du soutien et une politique claire - de leur chef de pôle : de l’écoute et du soutien - de leur chef de service : travail avec une même ligne de conduite, facilitant

l’expression, disponible, un partenaire de terrain, un partage de valeurs - de la direction des soins : de l’accompagnement pour la mise en application des

décisions, une feuille de route, le partage des valeurs et le soutien des projets - de leurs équipes : compétence, force de proposition, respect, implication,

responsabilisation, rigueur, autonomie

Question 7

Les situations les plus difficiles pour les cadres de santé interrogés sont les conflits de

rôle les plus « impliquants » personnellement : les conflits entre éthique et vie

professionnelle, demander à une personne de revenir sur son temps de repos, ou encore

la gestion des agents en difficulté, en burn out. Il faut noter que dans toutes ces

situations, l’unité managériale et le dialogue managérial sont nécessaires. Ils dépendent

fortement de la confiance entre les membres de l’encadrement.

Question 8

La situation préférée des cadres est souvent la conduite de projet au niveau du service.

Cela renforce l’idée de soutenir leur confiance par le management de l’effectivité. Un

cadre précise qu’il préfère ainsi le « montage de projets avec l’équipe, d’amélioration des

conditions de travail »

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X Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

Question 9

Les situations les plus rencontrées par les cadres de santé interrogés, selon eux, est un

conflit entre la direction et leur équipe, suivi d’un conflit entre deux exigences de la

direction ou deux exigences d’un médecin. Peu de conflits entre vie personnelle et vie

professionnelle ou entre éthique et vie professionnelle sont recensés.

Question 10

Peu rencontrées, les situations de conflits entre éthique et travail sont en revanche les

plus perturbantes selon les cadres interrogés. Cela n’est pas sans intérêt lorsque l’on

constate que les restrictions budgétaires sont parfois vécues comme des conflits

éthiques. Viennent ensuite les conflits entre deux exigences de la direction ou entre une

exigence de la direction et une exigence de l’équipe encadrée.

Question 11

Les cadres de santé estiment qu’il leur est seulement « parfois » demandé des tâches qui

ne relèvent pas selon eux de leur métier.

Question 12)

Les conflits de rôle sont, pour les cadres interrogés : des évènements non souhaitables

mais normaux, qu’un cadre doit savoir gérer, ainsi que des « éléments de plus en plus

fréquents ».

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - XI -

ANNEXE 4

Décision non concertée

Conflits de rôle entre équipes de

service de soins et cadres de direction

Sentiment de manque de

reconnaissance et perte de confiance des cadres de santé

envers les cadres de direction

Mode de gestion du conflit de rôle :

positionnement non comme cadre

mais comme représentant du service de soins

Manque de confiance des

cadres de direction dans les cadres

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XII Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

ANNEXE 5

Schéma de Karazek

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - XIII -

ANNEXE 6

DIRECTION DES SOINS

PROFIL DE POSTE

CADRE DE SANTE EN PEDIATRIE MEDICOCHIRURGICALE ET GENETIQUE CLINIQUE

Codification du

document : Rédacteur(s) : M. X, Cadre Supérieure de santé

Date d’application : 2012

Approbateur(s Pr Y chef du pôle

M. Z directeur des soins

Gestionnaire : M.X

LOCALISATION ET RATTACHEMENT

PRESENTATION GENERALE DU SECTEUR D’ACTIVITE

Pôle de pédiatrie médicochirurgicale et génétique clinique –

Service de pédiatrie générale et de spécialité :

Service d’onco-hématologie pédiatrique :

Service de néonatalogie :

Service de génétique médicale :

Service de chirurgie pédiatrique et de spécialité :

LIEU D’EXERCICE :

a) RATTACHEMENT HIERARCHIQUE : positionnement du poste dans l’organigramme

Le chef du pôle de pédiatrie

Le Directeur délégué du pôle de pédiatrie

Le Directeur des soins délégué du pôle de pédiatrie

Le Cadre Supérieur de santé du pôle de pédiatrie

b) RELATIONS FONCTIONNELLES PRINCIPALES

Responsables médicaux

Encadrement

Les directions (DSCG, DRH, etc …)

Services prestataires

Réseaux de soins

Les écoles

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XIV Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

ACTIVITES

MISSIONS

Animer une équipe pluridisciplinaire en garantissant la sécurité et la qualité, dans les soins dispensés aux enfants.

Développer et maintenir un esprit de service, permettant l’investissement des soignants dans le cadre du projet de service et de pôle et en lien avec le projet d’établissement.

Assurer la cohésion de l'équipe soignante et la dynamiser autour de protocoles formalisés, en lien étroit avec l'équipe médicale.

Développer une culture d’évaluation des pratiques soignantes en collaboration avec les équipes médicales.

Favoriser l’émergence de projets spécifiques à l’unité Favoriser le partenariat à l’intérieur du pôle entre les services Contribuer aux évolutions structurelles et économiques du service et du pôle.

ACTIVITES PRINCIPALES

I – FONCTION D'ORGANISATION

Il initie et adapte des procédures et protocoles d'organisation, s'assure de leur application et de leur évaluation, tient à jour l'ensemble de ces protocoles et procédures, notamment pour faciliter l'insertion dans l'équipe des nouveaux professionnels ou remplaçants temporaires.

Il favorise et développe une culture d'auto-évaluation individuelle et collective. Il organise et répartit l'activité en fonction d'un cadre défini dans un souci d'optimisation des

ressources humaines et des divers moyens. Il élabore et propose des organisations adaptées aux évolutions des besoins et des attentes

de la population accueillie, de la technique, de l'organisation générale de l'hôpital et des réseaux.

Il coordonne la réalisation des différentes prescriptions médicales en intra et extra hospitalier.

Il favorise la collaboration entre les professionnels des unités du pôle. Il anime des réunions d'équipe régulières avec le chef de service.

II – FONCTION DE GESTION

2-1 : Gestion des prestations aux enfants et leurs parents

Il veille à la fiabilité et à la conformité des éléments administratifs du dossier. Il valide des organisations de production d'actes avec les différents partenaires : bloc

opératoire, urgences, unité de diététique et de nutrition, imagerie, transport, PMI, plateau de consultations et d'explorations.

Il assure l'interface avec le secrétariat en lien avec la secrétaire référente. Il veille à la traçabilité de la réalisation des actes et à leur conformité. Il veille au contrôle des éléments d'information à l'usager (cadre réglementaire) et à leur

enregistrement. Il accompagne et encadre les professionnels dans l'application du respect des bonnes

pratiques : prévention des AES, soins techniques, soins relationnels et éducatifs, soins d'éveil et de confort, prévention des risques infectieux, hémovigilance et matériovigilance

Il veille sur les droits de l’enfant hospitalisé, et s'assure du respect des règles par les familles.

Il s’implique dans la mise au point et l'application de protocoles de soins (douleur, hypnose, … etc.)

Il travaille en coordination avec le cadre de nuit qu’il tient informé sur les situations qui le nécessitent.

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2-2 : Gestion des ressources humaines

En regard des projets du pôle, de l'unité et des projets individuels :

Il participe à la sélection, l'intégration et la promotion des professionnels. Il réalise des évaluations individuelles. Il apprécie quotidiennement l'activité de l'unité et réajuste les effectifs en prenant en compte

les moyens alloués et compétences nécessaires. Il planifie et prévoit à court, moyen et long terme les besoins en personnel. Il repère et dynamise les potentialités de l'équipe, il repère et accompagne les éventuels

personnels en difficulté professionnelle. Il participe à la démarche de choix de poste.

Il planifie avec le cadre chargé des étudiants et stagiaires la présence de ceux-ci, et

définit les modalités d'encadrement des différents étudiants et stagiaires.

Au niveau institutionnel :

Il participe aux recrutements des nouveaux professionnels en lien avec la DRH

2-3 : Gestion des locaux et du matériel et des consommables

Il participe à l'évaluation et à l'élaboration des cahiers des charges. Il élabore les fiches de vie des différents équipements. Il met en place des procédures et protocoles d'entretien en référence au guide de l'hygiène. Il met en place une planification d'entretien et de suivi des températures des appareils

réfrigérés Il met en place une gestion optimale des stocks et favorise les délégations. Il veille au respect des règles d’hygiène, en assure une traçabilité et mobilise le CPM de

l’unité

2-4 : Gestion économique

Il est acteur dans le suivi de la tarification à l'activité (T2A). Il élabore, met en place et assure le suivi des indicateurs d'activité en partenariat avec le

chef de service, le DIFSI et le contrôle de gestion : dimension quantitative et qualitative. Il élabore un rapport annuel d'activité et le rend significatif. Il est partie prenante dans l’économie du soin Il veille à la transmission administrative des éléments de facturation des repas et des

chambres.

III – FONCTION D'ANIMATION

Il élabore le projet de service en concertation avec le chef de service, les personnels et les différents partenaires en cohérence avec le projet du pôle et le projet d'établissement.

Il anime le projet de soins de l'unité.

IV – FONCTION DE COMMUNICATION ET D'INFORMATION

Il est garant de l'information donnée aux usagers par les professionnels dont il a la responsabilité, dans le respect de la confidentialité.

Il relaie l'information descendante, ascendante et transversale auprès des agents, des services, des médecins et de la direction administrative et de soins.

Il participe aux réflexions sur les évolutions en lien avec le projet d'établissement et facilite la participation des professionnels.

Il met en œuvre des échanges avec les professionnels de l'unité et du pôle, de la PMI et des différents services prestataires.

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XVI Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

Il communique avec ses différents collègues cadres de santé du pôle et du CHU. Il utilise les outils informatiques Il participe aux staffs du pôle Il anime avec le chef de service le staff médico-soignant Il donne au cadre supérieur toutes les informations nécessaires sur les situations à risque

ou inhabituelles et en fait un rapport

V – FONCTION DE FORMATION

Il initie, accompagne et valorise le développement professionnel des membres de l'équipe. Il favorise le réinvestissement des formations au bénéfice des enfants et de leurs familles. Il assure une mission d'encadrement et d'enseignement. Il accompagne dans son domaine d'expertise, des projets, travaux ou actions de formation. Il veille à développer son niveau de compétences. Il instruit la fiche descriptive d'une action de formation avec la cadre supérieure du pôle. Il élabore et tient à jour son fichier de suivi individuel de départ en formation.

VI – FONCTION DE SOINS ET DE RECHERCHE

Il collabore dans la mise en œuvre des axes de recherche pour améliorer le niveau de prestations et des activités du service.

EXIGENCES DU POSTE

DIPLÔME(S) PROFESSIONNEL(S) REQUIS

Etre titulaire du diplôme de cadre de santé.

FORMATION(S) SOUHAITEE(S)

Etre titulaire du diplôme d'état de puéricultrice Avoir des expériences professionnelles dans des services de soins aux enfants. Connaître les principes de la T2A

QUALITES REQUISES

Aptitude à communiquer et à animer des équipes pluridisciplinaires. Aptitude à véhiculer les valeurs soignantes. Aptitude à susciter et à proposer des organisations innovantes en réponse aux attentes de la

population accueillie et en lien avec les réalités structurelles et économiques du pôle et du CHU.

Capacité à fédérer les professionnels de l'unité. Capacité à rendre compte. Capacité d'analyse et de synthèse de situations. Capacité à se positionner en qualité de cadre. Capacité à travailler en réseau.

CONDITIONS D’EXERCICE

Temps à 100% Participation aux gardes d'établissement des samedis, dimanches et fériés sur site. Planification de ses congés en collaboration avec le cadre binôme du pôle. Gestion de son temps de travail avec modification de son horaire de travail pour rencontrer

les équipes de nuit.

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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - XVII -

CE PROFIL DE POSTE PEUT ETRE MODIFIE EN

FONCTION

DES EVOLUTIONS DU POLE OU INSTITUTIONNELLES

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XVIII Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

ANNEXE 7

Extrait du projet de management, Projet d’établissement 2012-

2016 du CHU de Rennes, pages 174 à 176

« Partage d’expériences et accompagnement individuel pour des cadres en

responsabilité

Concernant les cadres, l’orientation majeure est celle qui consiste à leur donner les

moyens et leur conférer les capacités d’exercer la part d’autorité qu’ils détiennent pour

accomplir leur mission.

Pleinement conscients et informés des orientations et des projets de leur établissement,

de leur pôle, de leur service, de leur unité, ils doivent tout à la fois faire respecter les

règles quotidiennes du travail collectif, s’assurer du bon fonctionnement des équipes et de

la qualité de leur travail au services des patients, mais aussi les aider à accomplir leurs

tâches, être soucieux de ce qui ne va pas, les accompagner pour dépasser les difficultés.

Cela ne peut se faire sans permettre aux professionnels placés sous leur autorité de

comprendre les enjeux, de donner du sens aux changements. Ils doivent aussi prendre la

distance nécessaire à l’analyse, préparer, mettre en application et contribuer à

l’évaluation des projets de leurs unités, proposer les organisations performantes,

renforcer les collaborations médico-soignantes.

Autant dire que leurs missions sont décisives et que leur préparation pour les exercer est

capitale. Le CHU poursuivra les actions de formation continue au management initiées en

2010 en les inscrivant dans la durée, et en ouvrant la possibilité d’espaces d’échanges,

de partage d’expériences et de pratiques. Complémentairement, des ateliers proposeront

un accompagnement externe permettant d’analyser les situations professionnelles

rencontrées par les participants et de déboucher sur des préconisations. Ces ateliers,

ouverts aux cadres et médecins, seront proposés aux personnes s’étant déjà engagées

dans la formation au management. Une attention particulière sera portée au soutien du

binôme médecin-cadre, à la valorisation des projets créatifs et des initiatives réussies afin

de capitaliser et déployer des démarches d’excellence dans tous les pôles.

Au-delà de la promotion des compétences collectives, l’accompagnement individuel des

cadres sera organisé pour guider les parcours de mobilité et repérer les nouveaux

potentiels. La participation à des groupes de travail, l’acceptation de responsabilités de

dossiers transversaux, l’implication dans la représentation institutionnelle interne ou

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externe, le goût de l’autorité mais aussi de l’écoute seront autant de critères aidant à la

détection de ces potentiels. Une attention particulière sera portée aux (professionnels)

médecins et cadres en nouvelle situation d’encadrement ou de responsabilité d’unité. La

prise de fonction d’une première ou nouvelle responsabilité managériale est une période

de repositionnement, d’analyse d’un nouvel environnement, de questionnement sur les

organisations à mettre en oeuvre, les conduites à tenir. Il est de l’intérêt et de la

responsabilité de l’établissement d’initier des actions d’accompagnement facilitant une

prise de fonction sécurisée et rapidement effective en termes d’appropriation et de

maîtrise. Plusieurs dimensions d’appui seront mises à disposition en fonction des besoins

du professionnel, des particularités des missions ou des organisations. Elles pourront aller

du compagnonnage par un pair confirmé à l’appui méthodologique externe ou le

coaching.

Par ailleurs, le partenariat avec les instituts de formation des cadres de santé et les

universités sera renforcé pour garantir une parfaite adéquation entre le projet

pédagogique et les exigences, notamment en terme de compétences à acquérir. Les

cadres supérieurs de santé seront particulièrement associés et impliqués dans toutes ces

démarches.

Enfin le CHU maintiendra les journées d’accueil des nouveaux cadres. Elles facilitent une

plus rapide appropriation des structures du CHU et le repérage des interlocuteurs clés.

Elles sont aussi l’occasion d’échanges privilégiés avec la direction du CHU afin de

connaître les orientations de l’institution, les qualités managériales attendues des

professionnels les mettant en œuvre et faciliter ainsi la prise de poste et l’intégration. Elles

sont l’une de premières étapes d’une démarche d’accompagnement des cadres par la

présentation du plan management et de ses outils. »

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XX Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

ANNEXE 8

Proposition de structuration des réunions des cadres de santé d’un pôle

Proposition d’intitulé : Groupe de travail d’encadrement

But :

Favoriser la cohésion managériale et la remontée d’information pour cultiver une

confiance mutuelle en cadres de directions, intermédiaires et de proximité

Statut des participants :

Cadre supérieur de santé : Président de réunion

Directeur de soin : invité

Cadres de santé du pôle : membres de droit

Cadre de santé d’autres pôles : invité (par exemple pour dossier transversal)

Lieu : Salle de réunion dans les locaux du pôle

Organisateur de la réunion : Le cadre supérieur de santé du pôle

Durée : 1 heure

Fréquence : Suffisante pour permettre une vraie connaissance mutuelle

Ordre du jour :

Proposé par les cadres de santé du pôle, validé par le cadre supérieur de santé et

transmis à l’ensemble des participants deux jours avant la réunion. Le refus de

mettre un sujet à l’ordre du jour par le cadre supérieur doit être signifié au directeur

de soins.

Compte rendu :

Dans la semaine de la réunion par le cadre supérieur de santé. Transmis à tous

les participants

Difficultés à éviter :

- se servir de cette réunion pour transmettre de l’information aux cadres du pôle

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- respecter la durée prévue

- « court-circuiter » le cadre supérieur de santé

- positionner physiquement les gens dans la salle de réunion de façon hiérarchique

(en U, en face à face etc)

A promouvoir:

- faire « monter en positionnement » les cadres de santé en leur faisant trouver les

solutions par eux-mêmes

- ne pas chercher à répondre systématiquement immédiatement

- répondre systématiquement et concrètement (immédiatement ou ultérieurement)

- faire répondre le cadre supérieur de santé autant que possible

- favoriser la cohésion d’ensemble : les acteurs de la réunion ont le même but

- favoriser le développement d’une vision « établissement » et non seulement

polaire

Faire une présentation de cette partie de réunion aux cadres supérieurs de santé en

réunion d’encadrement supérieur.

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XXII Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012

ANNEXE 9

Entretiens complémentaires réalisés Entretien avec le Directeur Général du CHU de Rennes Entretien avec la Directrice des Soins, Coordonnatrice Générale des Soins du CHU.

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DELASTRE Loïc Décembre 2012

Filière directeur d’hôpital

Promotion 2011-2013

Conflits de rôle des cadres de santé à l’hôpital: réflexions pour une

amélioration de l’unité et de la performance managériale, le cas du CHU de

Rennes

Résumé :

Il existe un « problème cadre de santé » que reconnaissent de nombreux cadres de direction des hôpitaux publics. Les cadres de santé en particulier peinent à trouver leur place alors qu’ils sont au centre de contraintes grandissantes en nombre et en intensité. Depuis les années 2000 en particulier, les cadres connaissent une nouvelle gouvernance encore trop partiellement mise en place, ce qui favorise des conflits de rôle entre les acteurs administratifs, soignants et médicaux. Dans cette même période, la culture soignante des cadres de santé est heurtée par les impératifs de plus en plus forts d’efficience budgétaire. Ainsi, la tarification à l’activité les contraint à adopter un positionnement de gestionnaire qu’ils peinent ou répugnent à assumer. En dernier lieu, la complexification grandissante des hôpitaux publics introduit une spécialisation des acteurs et donc une négation des contraintes de chacun propice au développement des conflits de rôle. Ces évolutions aboutissent à l’émergence de plus en plus forte de conflits de rôle chez les cadres de santé, qu’il s’agisse d’injonctions paradoxales ou d’écart perçus entre les compétences des cadres et ce qui leur est demandé. Le présent mémoire propose une réflexion destinée à limiter l’apparition de ces conflits en adoptant une réponse managériale adéquate. Cette réponse cherche à développer, en particulier dans les grands hôpitaux, une confiance entre cadres de direction et cadres de santé souvent altérée par une méconnaissance mutuelle. Pour cela, la réponse managériale proposée se fonde sur les principes de subsidiarité et d’effectivité du management, associés à un effort de formation des cadres et de communication opérationnelle ascendante et descendante plus efficace car plus intense.

Mots clés :

Cadres de santé, conflits de rôle, management de la confiance, principe de subsidiarité, effectivité, communication interne, mode de gestion des conflits de rôle

L'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions

émises dans les mémoires : ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.