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Filière directeur d’hôpital
Promotion : 2011-2013
Date du Jury : Décembre 2012
Conflits de rôle des cadres de santé à
l’hôpital: réflexions pour une amélioration de
l’unité et de la performance managériale,
le cas du CHU de Rennes
Loïc DELASTRE
Loïc DELASTRE -- Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
R e m e r c i e m e n t s
Je souhaite ici, en premier lieu, exprimer mes remerciements aux cadres de
direction et aux cadres de santé du CHU de Rennes qui m’ont permis de réaliser cette
étude. Tous font un métier difficile avec une conscience professionnelle qui force
l’admiration. J’espère apporter un point de vue utile à leur métier par ma réflexion.
Madame Laëtitia Laude, comme directrice de mémoire, vous avez été de bon
conseil et d’une grande disponibilité. Vous cherchez en permanence à confronter vos
travaux universitaires à la réalité hospitalière, en particulier celle d’un établissement de
santé d’Ile-de-France, cela m’a été très précieux lors de la rédaction de ce mémoire
professionnel. Soyez-en vivement remerciée.
En dernier lieu, je souhaite remercier mon maître de stage, Patrick Plassais, dont
le passage récent du CHU de Rennes à l’EHESP illustre particulièrement l’enrichissement
mutuel que doivent avoir la réflexion théorique et la pratique professionnelle. Je lui
souhaite le meilleur accomplissement professionnel possible dans ses nouvelles
fonctions.
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
S o m m a i r e
Introduction .......................................................................................................... 1
Encadré 1 : La méthode des incidents critiques et les raisons de son utilisation ....... 7
1 Les récentes évolutions hospitalières favorisent le développement de
conflits de rôle chez les cadres de santé ........................................................... 9
1.1 L’apport de la notion de conflit de rôle pour décrire la situation des cadres
de santé à l’hôpital ..................................................................................................... 9
1.1.1 Une pluralité de conflits de rôle ...................................................................... 9
1.1.2 Réflexion sur l’origine des conflits de rôle des cadres de santé à l’hôpital ....14
1.2 Des conflits de rôle difficiles à surmonter et à l’origine d’une perte de sens
dans le travail chez les cadres ..................................................................................22
1.2.1 Les stratégies des cadres de santé pour faire face aux conflits de rôle ........22
1.2.2 Des modes de résolutions à l’origine d’une perte de sens dans le travail......27
2 La prévention et la gestion des conflits de rôle des cadres de santé, une
responsabilité commune des cadres et de l’encadrement de direction ........ 31
2.1 La prévention et la gestion des conflits de rôle par la réflexion sur la
formation et le positionnement opérationnel des cadres. ......................................31
2.1.1 Développer une réflexion stratégique sur les fonctions, la formation et les
parcours des cadres de santé ..................................................................................31
2.1.2 Promouvoir un positionnement opérationnel des cadres de santé et un
dialogue managérial permanent ...............................................................................37
2.2 La prévention et la gestion par l’encadrement de direction des conflits de
rôle des cadres de santé ...........................................................................................47
2.2.1 Encadrement de direction et principe de subsidiarité ....................................48
2.2.2 Management de la confiance : congruence, communication interne et
effectivité ..................................................................................................................50
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
Conclusion .......................................................................................................... 58
Bibliographie ....................................................................................................... 61
Liste des annexes .................................................................................................. I
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
L i s t e d e s s i g l e s u t i l i s é s
ADH : Association des Directeurs d’Hôpital
ANAP : Agence Nationale d’Appui à la Performance
ARH : Agence Régionale de l’Hospitalisation
ARS : Agence Régionale de Santé
CHU : Centre Hospitalier et Universitaire
CPOM : Contrat Pluriannuel d’Objectif et de Moyens
DQRU : Direction de la Qualité et des Relations avec les Usagers
EDH : Elève Directeur d’Hôpital
HPST : loi Hôpital, Patients Santé Territoires
IFSI : Institut de Formation aux Soins Infirmiers
ONDAM : Objectif National des Dépenses de l’Assurance Maladie
PRS : Programme Régional de Santé
T2A : Tarification A l’Activité
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 1 -
Introduction
Les directeurs d’hôpital ont-ils encore le temps d’être managers ? De nombreuses
grèves des cadres relativement ces dernières années (Tours en 2010, Nantes en 2011,
Rennes en 2011 etc.) semblent montrer une carence managériale. De telles
manifestations de mécontentement venant de la part d’une partie de l’encadrement
préoccupent les directeurs d’établissement de santé.
Pourtant l’on constate ici un des nombreux paradoxes de l’hôpital public français
entre l’importance reconnue par les directeurs d’hôpital aux cadres de santé1 d’une part
et la focalisation concrète de l’action de la profession2, y compris les EDH3, sur d’autres
sujets d’autre part. Selon une étude de l’Association des Directeurs d’Hôpital (ADH) en
2010, les directeurs d’hôpital n’identifient pas le malaise des cadres de l’hôpital et plus
particulièrement des cadres de santé parmi les difficultés premières dans la mise en
œuvre de projets. Cette étude ne signifie évidemment pas qu’ils ignorent ce malaise mais
qu’ils ne le considèrent pas, en général, comme un obstacle majeur dans la poursuite de
leurs objectifs et la conduite de leurs établissements.
Les explications à ce paradoxe sont multifactorielles et nécessitent une grande
prudence vue la variété des situations particulières. Néanmoins, l’étude de l’ADH montre
que le degré de complexité perçu par les directeurs d’hôpital dans leurs missions est
inversement proportionnel au degré de maîtrise qu’ils ont sur les éléments considérés.
Les contraintes réglementaires et financières reconnues comme très délicates sont celles
sur lesquelles les directeurs ont le moins de prise tandis que les relations internes, sont
identifiées comme moins problématiques du fait de la maîtrise que les directeurs estiment
avoir sur ces sujets.
1 « Autant dire que leurs missions sont décisives et que leur préparation pour les exercer est capitale » in
Projet de management 2012-2016 du CHU de Rennes
2Interrogés sur plusieurs problématiques, les répondants jugent avant tout les « contraintes budgétaires » très
complexes (46 % des réponses et même 89 % si l’on additionne tous les indices positifs). On remarque une
forte polarisation (65 % de complexe) autour des contraintes réglementaires. En revanche, les situations où
entrent en jeu des interactions sociales et humaines (relations avec les partenaires, relations avec le corps
médical, climat social) sont rationalisées puisque plus du tiers (36 %) des répondants jugent notamment ces
deux derniers items peu ou pas complexes. Résultat quasi identique pour la gestion des risques. 3A titre d’illustration, en 50 ans, seulement 10 mémoires d’élèves directeur d’hôpital sur les 2535 publiés par
l’ENSP/EHESP ont porté sur les cadres de santé.
- 2 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
Chantal de Singly, éclairée à n’en pas douter par son itinéraire professionnel,
constate dans son rapport de la mission Cadres Hospitaliers du 11 septembre 2009 :
« ‘Maillon central’, ‘pilier du service’, ‘clef du changement’, ‘référence permanente et
solide’… les mots ne manquent ni aux directeurs ni aux médecins pour souligner le rôle
essentiel que jouent les cadres à l’hôpital. Ces mots, les cadres les connaissent ; ils et
elles les ont tant entendus, eux qui ne comptent ni leurs heures ni leur énergie, pour
soutenir leurs équipes, repenser les organisations de travail autour de la qualité et de
l’efficience ou répondre aux nombreuses priorités qui s’imposent à eux. Mais au-delà des
mots, quelle place occupent réellement les cadres dans l’organisation hospitalière ?
Quelle confiance leur est-elle faite dans leur capacité à conduire leurs équipes ?
Comment sont-ils associés aux décisions stratégiques de l’établissement ? Quelle
reconnaissance reçoivent-ils et perçoivent-ils de ceux qui les encadrent et de ceux dont ils
sont partenaires ?4 »
Culturellement assez rare, les manifestations du malaise rencontré dans leur
métier par les cadres de santé semblent plus fréquentes ces dernières années (au CHU
de Rennes, des mouvements sociaux d’ampleur variable ont eu lieu en 2009, 2010 et
2011).
Il existe pourtant chez les cadres une difficulté consubstantielle à faire grève ou à
contester l’autorité. En effet, « les formes de contestation et de résistance des cadres sont
toujours ambivalentes comme l’est leur fonction même. S’ils contestent quelque chose, ce
qu’ils contestent est une partie d’eux-mêmes5 ». Ceci notamment parce qu’ils sont, selon
les mots du Directeur Général du CHU de Rennes à une Assemblée Générale des cadres
de santé du 6 avril 2012, « détenteurs d’une parcelle de l’autorité du chef
d’établissement ». Leur grève manifeste la contestation de ce qu’ils sont pour une part :
l’autorité de l’institution. Ceci est d’autant plus vrai depuis l’évolution de leur dénomination
de cadre infirmier vers celle de cadre de santé suivant ainsi une évolution plus
managériale que soignante6.
L’unité managériale entre cadres de direction et cadres de proximité des
établissements de santé est mise à mal par ces grèves. Ces dernières apparaissent
comme un dysfonctionnement entre cadres de santé et cadres de direction. La « question
des cadres » comme on l’entend souvent, est donc, une problématique de cadres mais
aussi de directeur d’hôpital.
4
SINGLY (de) C., Rapport de la mission Cadres Hospitaliers, 2009 5
MISPELBOM BEYER F., 12ème journée d'étude du GDR CADRES Lyon - 15 décembre 2006 6 DIVAY S., GADEA, C. Communication aux XIVème Journée d’études du GDR CADRES, "Encadrer sous
contrainte : les encadrants des organisations publiques" IMUS, institut du management de l’Université de
Savoie, Annecy , décembre 2007
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 3 -
Il faut, dès lors, renoncer à relier uniquement les difficultés rencontrées par les
cadre à leur formation, leurs capacités, bref leur responsabilité, exclusivement de celle du
management hospitalier.
L’expression d’un mécontentement par une catégorie de personnel culturellement
non coutumière du fait, interpelle. A quoi est donc dû ce malaise exprimé par des
contestations parfois importantes (la grève des cadres du CHU de Nantes a duré
plusieurs mois en 2011) ?
De toutes les hypothèses possibles, la plus invoquée pour expliquer ce
phénomène est la tension budgétaire devenue chronique dans le système de santé en
France. Le modèle social français, au regard de la conjoncture économique actuelle, ne
permet plus un financement aussi exhaustif de dépenses hospitalières en augmentation.
La réduction des coûts et l’amélioration des organisations sont devenues le leitmotiv des
établissements et aucun d’eux ne peut se passer pour cela d’un travail de management
de proximité. L’hypothèse la plus entendue est donc que ce management de proximité
subit la pression sociale accompagnant les décisions budgétaires difficiles.
Pourtant, les cadres savent que ce contexte budgétaire n’est que partiellement
contrôlé par les directeurs d’hôpital. Les entretiens réalisés pour cette étude montrent que
les cadres de santé peuvent être une force de proposition, qu’ils sont rarement dans une
position de demandeur systématique de moyens supplémentaires et qu’ils intègrent très
bien, au moins théoriquement, l’exigence de maîtrise budgétaire7.
Les grèves successives ne peuvent donc avoir pour seul motif la contestation
d’une tension budgétaire par des cadres de santé qui reconnaissent que cette tension
n’est pas principalement le fait du directeur de l’établissement.
En 2011, les cadres du CHU de Rennes, ont élaboré un document d’expression
destiné à la direction de l’hôpital. Ce « manifeste des cadres » montre plusieurs éléments.
Les cadres ne voulaient pas être associés à un mouvement syndical de contestation
(signe de leur loyauté consubstantielle). Ensuite, selon l’un des cadres de santé
représentant ses collègues à la suite du mouvement, les cadres souhaitaient proposer
une réflexion constructive portant plus sur leur condition d’exercice que sur le fond des
décisions qu’ils ont à porter.
Ce qui a généré la grève des cadres n’est donc pas une contestation sur l’action
de la direction et des cadres mais sur le mode d’action et de collaboration de la direction
et des cadres. Le document d’expression des cadres du CHU de Rennes en 2011 n’est
7 Document d’expression des cadres de santé du CHU de Rennes en 2011 : « Nous sommes
conscients que les orientations de la politique de santé actuelle conduisent les établissements à prendre des mesures stratégiques et économiques difficiles. »
- 4 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
pas une succession de revendications liées à un contexte budgétaire mais un ensemble
de propositions de réflexion sur leur collaboration professionnelle avec la direction.
Ainsi, il s’agit d’étudier le rôle et les attentes à l’égard des cadres de santé, mais
également, les rôles et attentes des cadres eux-mêmes à l’égard de l’hôpital et de ses
acteurs notamment sa direction.
Ceci particulièrement parce que le métier de cadre est un métier de relation. Il
n’est pas un métier de production au sens industriel du terme, il est principalement un
métier de structuration des relations. Ainsi, le terme « cadre », du latin quadrum, carré8,
indique une notion de délimitation, de limite, de régularité, d’unité (quatre côtés identiques
et reliés entre eux). Comme pour un tableau, le cadre est à la fois distinct du sujet
encadré mais en prise et indissociable de ce dernier au risque de perdre son objet.
Sur le plan méthodologique, même s’il est très probable que d’autres cadres de
l’hôpital connaissent des situations similaires, la nécessité d’homogénéisation de l’étude
réalisée conduit à n’étudier que les cadres de santé. Ceci du fait de leur importance
numérique mais aussi parce qu’ils encadrent le cœur du métier de l’hôpital. Dans cette
étude, le terme de « cadre » renverra donc, systématiquement au métier de cadre
responsable d’unité de soins9 souvent dénommé également cadre de santé.
Le constat réalisé en stage, cause initiale de cette étude, porte sur le
positionnement des cadres. Les grèves montrent qu’ils ne trouvent pas leur
positionnement, ou le connaissent mais ne parviennent pas à le tenir, ou encore ne le
connaissent ni ne parviennent à le tenir. A ce titre, la grève des cadres du CHU de
Rennes en 2011 est une demande de réflexion sur leur positionnement face aux
contraintes qu’ils connaissent.
Le sentiment de solitude face aux équipes, à qui ils doivent expliquer des
décisions difficiles, interroge sur les conflits de rôle qu’ils connaissent et sur leur
prévention et leur gestion. L’hypothèse de départ de cette analyse est donc l’existence de
conflit de rôle chez les cadres perturbant leur travail.
8 A ce titre, la souplesse que le métier de cadre de santé implique selon les entretiens réalisés,
questionne singulièrement le terme de « cadre », donc de carré, qui renvoie plus à une certaine
rigidité… 9 Cf. Code métier 05U20 du référentiel des métiers de la fonction publique hospitalière.
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 5 -
Le Larousse définit le conflit comme « une opposition d’intérêt entre deux ou
plusieurs parties dont la solution peut être recherchée soit par des mesures de violence,
soit par des négociations, soit par l’appel à une tierce personne. »
Anne-Marie Rocheblave-Spenlé10 propose une définition du rôle comme « un
modèle organisé de conduites, relatif à une certaine position de l’individu dans un
ensemble interactionnel ». En 1964, Daniel Katz et Robert Kahn définissent les rôles
organisationnels comme « l’ensemble des activités, des comportements et des attentes
ou demandes communément associés à un poste de travail dans une organisation
donnée ».
La notion de conflit de rôle a été développée par ces deux psychologues sociaux
américains. Un conflit de rôle peut-être défini comme "l’occurrence simultanée de deux
(ou plus) transmissions de rôles tels que la prise de l'un ...rend difficile ...(voire totalement
impossible)...la prise de l'autre". Le conflit de rôle est donc la « perception de la présence
de deux ou plusieurs ensembles de pressions et/ou d’attentes relatives au travail, telle
que l’adaptation de l’une entrave celle des autres11 ».
Le conflit de rôle ne doit donc pas être confondu avec les conséquences d’une
incompétence ou d’une faute professionnelle. Il s’agit d’une situation dans laquelle les
acteurs tiennent, la plupart du temps, les rôles qui sont les leurs mais dont les contours se
heurtent. Par conséquent, il ne s’agit pas de désigner un individu incompétent et donc
responsable de l’émergence de conflits de rôle chez les cadres de santé, mais d’émettre
et de vérifier l’hypothèse qu’à l’hôpital, le travail des uns génère des conflits de rôles chez
les autres et d’envisager les actions possibles pour limiter ces conflits. L’hypothèse
formulée est donc que les acteurs de l’hôpital notamment les directeurs d’hôpital, les
médecins et les cadres de santé, prennent des décisions valables stricto sensu, mais qui
ont chacune des interactions mutuelles parfois néfastes du fait d’un travail trop
désynchronisé.
L’hypothèse des conflits de rôle implique donc que la difficulté des cadres de santé
n’est pas seulement d’obtenir un soutien managérial face à une tension budgétaire ou de
combler l’espace existant entre leur formation initiale et les exigences actuelles de leur
métier, même si cela est nécessaire.
Il s’agit de porter une réflexion sur le mode de fonctionnement et d’interactions
entre les cadres de santé et les autres acteurs, en particulier dans le cadre d’un mémoire
10
ROCHEBLAVE-SPENLE A-M., La notion de rôle en psychologie sociale, Paris, Presses Universitaires de France, 1962. 11
LOUBES A, Contribution à l'étude des tensions de rôle des agents de maîtrise en milieu industriel, Thèse de doctorat, Université de Montpellier II, 1997.
- 6 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
professionnel d’élève-directeur d’hôpital, entre les cadres de santé et les cadres de
direction.
Aujourd’hui, dans les hôpitaux, les cadres de santé sont souvent sollicités pour
régler des problèmes très divers, de préférence en urgence, rarement pour participer à
une réflexion de plus long terme. De nombreuses questions découlent de ce constat. En
particulier, une telle situation n’aboutit-elle pas à se priver d’une compétence essentielle :
la connaissance du terrain ? N’est-ce pas se priver de la richesse du dialogue managérial
et de la variété des compétences des personnels d’encadrement hospitalier ?
Cette étude porte donc sur la possibilité de mieux faire travailler ensemble les
cadres de direction et les cadres de santé. Ceci parce que le management d’un hôpital
est un ensemble indivisible. Les difficultés d’un maillon de la chaîne managériale doivent
donc interpeler tous les autres. La question des conflits de rôles rencontrés par les cadres
de santé est donc éminemment un sujet de préoccupation d’un directeur d’hôpital qui y
voit l’affaiblissement chronique de son action.
Puisque les conflits de rôle perturbent autant l’organisation des structures de
soins, qu’ils pénalisent la performance globale de l’hôpital dans la poursuite du projet
d’établissement, l’ensemble des cadres de direction, direction des soins incluse, doit
s’interroger sur la réponse managériale à apporter à ces conflits de rôle.
L’évolution du métier de cadre de santé provoquée par les différentes réformes
hospitalières s’accompagne de conflits de rôles, importants en nombre et en intensité,
que les cadres de santé ne parviennent pas à gérer totalement et qui génèrent des
tensions professionnelles et des dysfonctionnements organisationnels (Partie 1). La
responsabilité des directeurs d’hôpital est de prévenir l’apparition de ces conflits de rôle et
de limiter leur impact par un travail concerté sur la fonction de cadre de santé et par une
réponse managériale fondée sur la confiance et l’effectivité (Partie 2).
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 7 -
Encadré 1 : La méthode des incidents critiques et les raisons de son utilisation
La méthode retenue pour documenter cette étude est celle des incidents critiques.
Cette méthode inventée par John C. Flanagan (A), présente l’avantage de décrire des
comportements et de les analyser alors qu’ils ne sont pas bien connus par l’enquêteur
comme par les personnes interrogées (B). Elle a été complétée dans cette étude par un
questionnaire par écrit.
A) La méthode des incidents critiques de Flanagan
La méthode des incidents critiques est une méthode d’observation des
comportements mise au point par John C. Flanagan en 195412. Elle consiste à soumettre
des situations à une personne dont on veut analyser le comportement. Ces situations
comportent toutes un incident auquel doivent réagir les personnes interrogées. Ces
dernières ne disposent donc d’aucune consigne, d’aucun éclaircissement sur les attentes
de la personne qui les interroge. La demande est donc neutre du type : Comment
réagissez-vous à cette situation ?
B) Les avantages de la méthode
La méthode permet d’éviter plusieurs biais d’un entretien classique.
En premier lieu, elle évite d’analyser uniquement les éléments retenus et donc
décrits dans un entretien classique par la personne interrogée. Cela permet d’éviter
« l’effet lampadaire » (on ne cherche que ce qui est mis en lumière par la question) induit
par une question. D’une part, inconsciemment, on répond en fonction de ce que l’on
identifie comme étant la demande. D’autre part, on pose une question qui très souvent
oriente la réponse. Par exemple : Connaissez-vous des conflits de rôle dans votre
métier ? La personne répondra en décrivant ce qu’elle identifie comme des conflits de
rôle…en omettant ce qu’elle ne considère pas comme un conflit de rôle. Ceci soit par
omission simple, soit par volonté de masquer un comportement dont elle pense qu’il sera
jugé par la personne l’interrogeant.
12
FLANAGAN J.C., The critical incident technique, Psychological bulletin, vol.51, 4, 1954
- 8 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
Par exemple : Dans votre métier, intégrez-vous la dimension « établissement » ou
concentrez-vous votre action sur votre service ? Il est probable qu’un cadre affirmera
intégrer la notion d’établissement dans son travail, surtout si la personne qui l’interroge a,
dans son esprit, un lien avec la direction de l’hôpital. Elle répond ce qui est conforme à ce
qu’elle identifie comme l’attente de la personne l’interrogeant (effet de posture). La
méthode des incidents critiques permet de faire réagir une personne, ici un cadre de
santé, à une situation, de la façon la plus proche de ce qu’elle ferait en pratique et aussi
indépendamment que possible de la posture ou du discours qu’elle tiendrait dans un
entretien classique.
En deuxième lieu, la méthode est inductive. Elle limite le risque pour l’enquêteur
de n’analyser que ce qu’il a identifié. La méthode des incidents critiques révèle des
comportements que l’enquêteur n’avait pas identifiés comme hypothèses par oubli ou par
méconnaissance. Cela permet de chercher des comportements dont on sait qu’ils existent
mais que l’on ne connaît pas. A titre d’exemple, les cadres de santé connaissent des
conflits de rôle et adoptent de façon quasi certaine des modes de gestion de ces conflits.
L’enquêteur ne les connaît pas mais est quasi certain de leur existence : la méthode des
incidents critiques permet d’analyser les réactions des cadres de santé pour en extraire
les modes de gestion jusqu’alors inconnus de l’enquêteur.
Dernier élément, cette méthode nécessite de puiser dans l’expérience
professionnelle qu’est le stage. Elle ancre la réflexion dans l’activité de terrain puisque les
situations en sont tirées. Cela permet de relier plus fortement encore l’exercice
professionnel et la réflexion théorique dans le cadre d’un mémoire professionnel.
Pour résumer, la méthode des incidents critiques permet d’éviter la subjectivité de
la personne interrogée et de la personne interrogeant. Elle permet également de
préserver une ouverture maximale à toute les hypothèses sans en sélectionner
inconsciemment certaines avant ou pendant l’entretien ce qui réduirait le champ
d’investigation.
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 9 -
1 Les récentes évolutions hospitalières favorisent le
développement de conflits de rôle chez les cadres de santé
« Le rôle des cadres n'est plus le même. Il ne s'agit plus d'être les représentants
d'une profession technique, ils exercent un autre métier. La référence reste leur cœur de
métier, mais ils deviennent ‘manager ‘».13
Ce constat n’est pas uniquement le fruit d’une évolution trop lente des cadres de
santé par rapport aux exigences nouvelles du métier de cadre. En effet, le décalage
souvent constaté, entre un positionnement réel de représentant des équipes encadrées et
un rôle attendu de manager, est fortement lié à l’existence de conflits de rôle chez les
cadres de santé (1.1). Ce positionnement, trop indifférencié des équipes encadrées,
demeure car il apparaît comme un des modes de gestion des conflits de rôle rencontrés.
Or ces modes de gestion aboutissent trop souvent à un positionnement inapproprié de
cadres de santé (1.2).
1.1 L’apport de la notion de conflit de rôle pour décrire la situation
des cadres de santé à l’hôpital
La classification des types de conflits de rôle développée par Katz et Kahn est un
éclairage permettant d’analyser les difficultés que rencontrent les cadres de santé à
l’hôpital (1.1.1). Les raisons de l’existence de ces conflits de rôle sont notamment
décelables en reliant les évolutions structurantes de l’hôpital en France aux conflits
constatés dans les entretiens (1.1.2).
1.1.1 Une pluralité de conflits de rôle
En 1964, deux psychologues sociaux américains ont développé une nomenclature
des conflits de rôle. Daniel Katz et Robert Kahn tentent ainsi de systématiser les types de
conflits de rôle constatés dans les organisations humaines.
Par principe toute typologie est critiquable car il est pratiquement impossible
d’enfermer l’infinité des comportements particuliers dans des catégories fixes en nombres
limités. Cependant l’intérêt de ces typologies réside dans la simplification de la réalité
qu’elle propose afin de permettre l’analyse des comportements.
13
Op. cit.
- 10 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
L’intérêt de la conception des conflits de rôle de Katz et Kahn est son aspect
dynamique. Un conflit de rôle est un conflit qui intervient dans une relation. Le fait que le
conflit de rôle existe dans une interaction implique que chaque tenant de rôle est
directement confronté à d’autres acteurs l’entourant dans son exercice professionnel et en
dehors (sa famille par exemple). Ces acteurs forment ce que Katz et Kahn appellent le
«role set » de la personne. Katz et Kahn définissent ainsi ce qu’ils nomment « la
séquence de rôle : « un émetteur de rôle (role sender) a des attentes explicites ou
implicites à l’égard du récepteur de rôle (focal person). L’expression de ces attentes
constitue le rôle transmis. Elle vise à influencer la personne cible afin qu’elle adopte un
comportement conforme aux attentes de l’émetteur. Le récepteur de rôle développe sa
propre perception et interprétation des signaux transmis par l’émetteur et en déduit un
rôle perçu. Enfin, le rôle exercé (role behavior) correspond aux comportements
observables du récepteur de rôle.14 »
Par exemple, un directeur demande aux cadres de santé d’adopter un
comportement. Le conflit de rôle n’est pas nécessairement un conflit objectif mais il est un
conflit perçu. Le récepteur de rôle réagit en fonction de sa perception des attentes de
l’émetteur. Par exemple, un directeur d’hôpital demande une hausse de l’activité d’un
service tout en réduisant ses moyens. Les entretiens réalisés montreront que le cadre de
santé verra cette double demande comme une injonction paradoxale générant un conflit
de rôle. Pourtant, le directeur voit dans cette double demande une véritable cohérence :
améliorer la productivité d’un service par réduction des charges et augmentation des
recettes. Les conflits de rôle ne sont pas des conflits de rationalités mais de relationnel.
La classification de Katz et Kahn comporte quatre catégories principales :
A) Conflit intra émetteur
La première catégorie est celle des « intrasender conflict » traduit en conflits intra-
émetteur. Dans ce cas, un émetteur de rôle formule des attentes de rôles contradictoires,
ou plus exactement, perçues comme contradictoires par le récepteur de rôle. Ce type de
conflit est très marqué par les limites de perception du receveur de rôle. C’est l’exemple
correspondant au dicton « De mémoire de rose, on n’a jamais vu mourir un jardinier ».
C’est donc le conflit de rôle le plus lié au niveau d’information du receveur.
14 BOLLECKER G., NOBRE T., XXème conférence de l’Association Internationale de management
stratégique (AIMS), 2011
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 11 -
Par conséquent, deux types de conflits de rôles intra émetteur peuvent être
distingués en pratique : des conflits apparents et des conflits réels. Si l’un est plus facile à
traiter que l’autre, les deux ont les mêmes conséquences chez le receveur de rôle. Les
conflits de rôle intra-émetteur apparents sont donc aussi nocifs que les conflits de rôle
intra-émetteur réels.
Par exemple, la double demande de hausse d’activité et de baisse d’effectif est
une injonction paradoxale apparente car il est possible de trouver une logique à cela. Une
injonction paradoxale provoquant un conflit de rôle intra émetteur réel consiste par
exemple pour un cadre à demander à un subordonné d’acquérir du matériel, en lui
demandant de respecter le circuit normal d’approvisionnement, sans savoir qu’il n’est pas
disponible par le circuit habituel. A l’hôpital, cela revient à exiger que le circuit du
médicament par dispensation nominative journalière soit respecté par méconnaissance
des dysfonctionnements majeurs qui affectent ce dernier.
B) Conflit inter émetteur
Le deuxième type de conflit est dit « intersenders conflict » ou conflit inter-
émetteurs. Ce type de conflit est probablement le plus fréquent pour un cadre de
proximité comme les cadres de santé. Il est en effet quasi consubstantiel à la fonction de
cadre de proximité. Dans son acception le plus classique, il s’agit d’une demande de rôle
faite par la direction et qui rentre en contradiction avec une demande de rôle de l’équipe
encadrée.
Par exemple, un cadre de santé est incité par la direction de l’hôpital à exercer un
contrôle plus étroit sur les membres de son équipe alors que ces derniers demandent une
plus grande liberté d’action.
Ce type de conflit est d’autant plus fréquent que la déconnexion entre la direction
d’un établissement et les aspirations des équipes de terrain, est grande. Les décisions
prises dans l’ignorance des aspirations des équipes de terrain sont donc les plus propices
à la création de conflits.
L’information ascendante doit être développée pour cela mais également
l’information descendante. Un cadre de santé peut se trouver en conflit de rôle quand son
équipe exige des informations sur une réorganisation alors que la direction ne lui a encore
rien dit, ou, plus rarement, lui a demandé de ne rien laisser filtrer.
Ce type de conflit de rôle est d’autant plus important que le nombre d’acteur ayant
des inter-actions avec la personne considérée est grand. L’exemple des cadres de santé
positionnés notamment entre la direction, la direction des soins, les cadres supérieurs de
- 12 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
santé, le chef de pôle, le chef de service, les équipes soignantes, les médecins etc.
montre l’impact de la gouvernance hospitalière sur ces types de conflits.
C) Conflit inter rôle
Le troisième type de conflit de rôle définit par Katz et Kahn est le conflit dit
« interrole conflict » ou conflits inter-rôles. Ces types de conflits surviennent entre deux
rôles demandés à une personne.
Paradoxalement, les cadres de santé semblent peu les connaître dans leur
exercice professionnel strict. Ces conflits semblent exister plus fréquemment entre les
rôles personnels et les rôles professionnels demandés aux cadres.
Par exemple, un cadre de santé voit les réunions de service avoir lieu à des
horaires permettant de réunir les équipes de jour et de nuit soit en début de soirée alors
que sa famille lui demande d’être plus présente chez elle pour une période donnée.
Le faible nombre de conflit inter-rôle constaté indique que les cadres de santé n’en
rencontrent pas particulièrement. Les cadres ont en effet un rôle principal et sont associés
à des projets ou des missions mais sans en porter seuls la responsabilité. Par exemple,
les cadres ne vivent pas comme un conflit inter-rôle le fait d’être à la fois cadre de service
et notateur d’élève infirmier car ils indiquent être accompagnés dans ce dernier rôle par
une personne de l’Institut de Formation aux Soins Infirmiers (IFSI). Dans ce cas, la
collégialité permet la discussion et évite les conflits de rôle. Dans une certaine mesure, ce
constat interroge sur l’utilisation suffisante des cadres sur d’autres activités que celles
concernant leur service (fonctions transversales notamment).
D) Conflit personne-rôle
Le dernier type de conflit de rôle est le « person-role conflict » ou conflit personne-
rôle. Il s’agit d’un conflit ressenti entre les capacités d’une personne, ses compétences,
ses aspirations et le rôle qui lui est demandé.
Par exemple, un cadre peut ressentir un conflit entre ses aspirations personnelles,
son éthique et ce qui lui est demandé. Ou encore un cadre de santé peut se sentir
incompétent pour traiter une demande.
Il faut constater que ce dernier cas est favorisé par une conception large et
exigeante de son rôle. Là encore il s’agit d’un conflit entre ce qu’un cadre perçoit de lui-
même et ce qu’il perçoit comme étant le rôle qui lui est demandé.
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 13 -
Un cadre qui ne considère pas que l’élaboration de tableaux de bord relève de sa
fonction ne ressentira pas de conflit de rôle entre sa personne, ses capacités et ce qui lui
est demandé. Une telle exclusion de son champ de compétence pourra d’ailleurs être
analysée également comme un mode de gestion de ce type de conflit de rôle.
La difficulté réside dans le fait de savoir si cette attitude est naturelle et relève
d’une conception trop restrictive de son rôle, ou si elle est un mécanisme de gestion et de
défense contre le conflit de rôle du type : je prétends que ce n’est pas mon rôle, que cette
tâche doit être confiée à d’autres et que je suis donc compétent dans ma fonction, pas au-
delà.
Les entretiens réalisés montrent ainsi une forte prévalence de ce genre de
situation chez certains cadres, une très faible chez d’autres.
L’un des cadres interrogé décrit son sentiment de n’être pas suffisamment formé
« je fais le constat qu’en terme de compétences, pour gérer techniquement (ndlr : des
situations de gestion), je ne me sens pas armé » « je me sens complètement démuni » au
point d’envisager une formation universitaire à la gestion. « L’évolution de l’hôpital est
telle que l’on va être de plus en plus sollicité pour des demandes de ce type (ndlr :
tableau de bord…) ». « on nous a beaucoup fait travailler sur des concepts, à une prise
de recul par rapport à notre métier » « par contre, il me manque des outils techniques,
surtout en terme de gestion pour envisager mon métier dans sa globalité ».
La question de la définition du métier est donc essentielle. Il y a un lien fort entre la
conception personnelle de son métier d’un cadre et son parcours. Schématiquement, plus
la conception est exigeante et étendue, plus le nombre de formation est important afin de
compléter une formation initiale jugée insuffisante à un moment donné au regard des
exigences du métier.
La variété des situations particulières empêche une généralisation qui serait
forcément abusive mais deux points apparaissent clairement.
Premièrement, la conception exigeante et/ou extensive de son métier favorise
l’apparition de ce type de conflit de rôle. Les déclarations d’un cadre interrogé sont
éclairantes à ce sujet « je me sens de moins en moins isolé (ndlr : à penser cela) même si
certains ne sont pas du tout dans cette dimension là en considérant que ce n’est pas de
leur ressort, que ce n’est pas leur métier ».
Deuxièmement, la capacité à faire face à une évolution, un changement des
exigences de son propre métier par des formations ou une mobilité, est la meilleure arme
pour lutter contre ce type de conflit. (cf 2.1)
- 14 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
A ce titre les réflexions portées par les groupements de cadres (collèges,
association etc.) sont utiles, notamment en ce qui concerne la définition des besoins
professionnels auprès des Instituts de Formation des Cadres de Santé (IFCS) et de
formations continues (Département de Formation Continue au CHU de Rennes).
Les difficultés des cadres de santé sont donc largement dues à des conflits de
rôle. Proposer une réponse managériale à ces obstacles, ce qui est l’objectif de cette
étude, nécessite une réflexion sur l’origine de ces conflits de rôle qui orientera les
propositions envisageables.
1.1.2 Réflexion sur l’origine des conflits de rôle des cadres de santé à l’hôpital
Le modèle de Kahn et Katz conceptualise des situations particulières. Une grande
prudence est de mise quant à l’explication des conflits de rôle. Ces derniers sont par
nature fortement dépendants des situations locales et des parcours personnels.
En dépit de ces limites méthodologiques, il est clair, dans les entretiens réalisés,
que des phénomènes systémiques rencontrés par l’hôpital favorisent l’apparition de
situations de conflits de rôle à l’hôpital.
Les entretiens réalisés et de nombreuses analyses15 montrent que les cadres
relient essentiellement leurs difficultés à la tension budgétaire actuelle. Cette dernière
apparaît comme la source de conflits de rôle au regard des restrictions en personnel
qu’elle suppose. Néanmoins, si les cadres doivent faire face aux résistances, aux
restructurations rendues nécessaires par la contrainte budgétaire, de nombreux conflits
de rôle peuvent avoir une autre origine.
Ainsi, il n’est pas inintéressant de constater par les entretiens, qu’en dehors de la
question budgétaire, la plupart des évolutions les plus structurantes de l’hôpital en France
ont un impact favorable à l’apparition des conflits de rôle.
Sans avoir la naïveté de penser que ces évolutions récentes ont créé des conflits
de rôle, par définition inhérents à toute structure humaine, il faut constater que leur
15
« C’est le contexte économique qui fait que l’hôpital change. C’est le contexte de crise économique, de consumérisme et d’augmentation des dépenses de santé qui a poussé le législateur à modifier les règles de fonctionnement des établissements de santé. La modification de ces règles, imposées de fait, a eu un impact sur les pratiques professionnelles hospitalières et sur celles de l’encadrement : il a été demandé aux professionnels de santé d’intégrer une dimension économique à leur pratique et de participer à la gestion de l’hôpital. », in CHAUVANCY M.C., Cadres de santé : une crise identitaire, 2008 disponible à http://www.carnetsdesante.fr/Cadres-de-sante-une-crise
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 15 -
présence nouvelle sont des facteurs potentiellement aggravants, en particulier pour ce qui
concerne la nouvelle gouvernance et son effectivité (A) et la complexification croissante
de l’hôpital en France notamment en matière financière (B).
A) L’effectivité partielle de la gouvernance hospitalière
La gouvernance hospitalière telle que définie par la loi Hôpital, Patients, Santé,
Territoires (HPST) du 21 juillet 2009, présente une cohérence mais la réalité de son
déploiement ne montre pas un tel équilibre. La gouvernance n’est pas pleinement mise en
œuvre16 dans de nombreux établissements du fait de résistances plus ou moins légitimes.
Aujourd’hui, les pôles ont encore une existence relativement incertaine sur le plan
managérial. Leur développement s’est pour le moment concentré sur le décloisonnement
médical mais les logiques financières et managériales peinent à y trouver place.
Sur ce dernier point, d’une part, le rattachement hiérarchique des cadres de santé
à la direction des soins n’est pas toujours évident sur le plan opérationnel, d’autre part, le
chef de pôle, le chef de service et les praticiens du service ont un ascendant culturel fort
rendant d’autant plus nombreux les conflits de rôle, en particulier les conflits inter-
émetteurs. A titre d’exemple, un chef de service peut vouloir augmenter son activité dans
un secteur particulier alors, d’une part, que les équipes soignantes estiment être au
maximum de leurs capacités et, d’autre part, que le directeur veut réduire le nombre de
postes infirmiers et augmenter l’activité sur l’ensemble du champ du service et non
seulement sur le segment voulu par le chef de service. Le positionnement du cadre ne
sera pas évident d’où la fréquence d’un alignement sur la position du chef de service
comme mode de gestion de ces conflits de rôle (cf. 1.2.)
Ensuite, la gouvernance, issue de la loi HPST, a organisé la représentation des
cadres de santé dans les instances. Le décret 2010-449 du 30 avril 2010 précise que la
Commission des Soins Infirmiers, de Rééducation et Médico-Techniques (CSIRMT) ne
sera plus obligatoirement consultée sur le projet d'établissement et l'organisation interne.
Elle "est consultée pour avis" sur "le projet de soins infirmiers, de rééducation et médico-
techniques élaboré par le coordonnateur général des soins", "l'organisation générale" de
ces soins et l'accompagnement des malades, "la politique d'amélioration continue de la
qualité, de la sécurité des soins et de la gestion des risques liés aux soins", "les
16
Rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, Bilan de l'organisation en pôles d'activité et des délégations de gestion mises en place dans les établissements de santé, ZEGGAR H.,VALLET G., TERCERIE O., Février 2010, p. 21 et s.
- 16 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
conditions générales d'accueil et de prise en charge des usagers", "la recherche et
l'innovation dans le domaine des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques" et
"la politique de développement professionnel continu".
Cette représentation des cadres de santé dans les instances a une forte
importance en dépit de son caractère consultatif et restreint au champ professionnel qui la
concerne, mais elle ne remplace pas l’existence d’un dialogue managérial opérationnel.
Ce dernier seul permet d’assurer la cohérence et l’unité managériale. Le fait que les
cadres de santé ne soient plus consultés systématiquement au sujet de l’organisation
interne implique que ce dialogue managérial soit permanent pour maintenir une unité
managériale.
La gouvernance dans son état actuel est donc partiellement responsable de
l’émergence des conflits de rôle, ceci d’autant plus que l’hôpital connaît une complexité
croissante à laquelle il est difficile de faire face en limitant les conflits de rôle.
B) Une complexification hospitalière qui génère des conflits de rôle
La complexification entraine la dispersion par spécialisation des acteurs (a) mais
aussi le décalage entre les capacités et les rôles attendus en particulier chez les cadres
de santé (b).
a) Complexification hospitalière et dispersion
L’hôpital est un lieu de pouvoir17 dans lequel la notion de territoire (service de
soins, pôles, direction, etc.) et de concurrence pour la maîtrise de l’information
(communication interne, tableau de bord etc.) s’oppose en permanence à la nécessité de
travailler ensemble. Cet état de fait est largement dû à la complexité hospitalière.
Complexification des techniques médicales, des compétences, des
réglementations, des acteurs, l’hôpital est une ville dans la ville18. Songeons à l’hôpital d’il
y a trente ou quarante ans : peu ou pas de système informatique, d’imagerie
interventionnelle, d’activité ambulatoire, pas de Haute Autorité en Santé, pas de
certification, pas de tarification à l’activité ni de comptabilité analytique, pas de pôles, pas
de département d’information médicale ni de technicien d’information médicale, pas de
Groupements de Coopérations Sanitaires, pas de dossier patient informatisé, pas de
17
DUMONDJ-P., « Les conflits de pouvoir à l'hôpital », Les Tribunes de la santé, 2003/1 no 1, p. 71-81. DOI : 10.3917/seve.001.81 18
BUBIEN Y. L’hôpital, une ville dans la ville, Revue hospitalière de France nov/déc 1999.
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 17 -
codage, peu de bactéries multi-résistantes etc. Dans tous les domaines, organisationnels,
financiers, sanitaires, médicaux, l’hôpital se complexifie sans cesse.
Cette complexification gigantesque s’accompagne de contraintes grandissantes.
Le personnel hospitalier dans son ensemble rencontre une densification des contraintes.
S’il travaille moins, depuis l’avènement des 35 heures, il travaille de façon plus intense et
doit faire face à des contraintes toujours plus nombreuses et complexes. Ceci est
particulièrement valable pour l’encadrement de l’hôpital.
Or la complexité entraîne la spécialisation (qu’il suffise d’étudier l’évolution de la
médecine sur ce point). Devant cette complexité devenue insaisissable par une seule
personne, chacun est tenté de se cantonner à ses tâches et ses contraintes, de ne plus
prendre en compte les contraintes de ses collègues. Ceci est rarement le fait d’un
manque de curiosité mais simplement d’une ignorance progressive, du fait de sa
spécialisation, des contraintes des autres. Et chacun de créer ainsi, du fait de cet effet de
spécialisation, de nouvelles contraintes pour les autres par sa propre activité. Dans cet
immense télescopage des contraintes, les conflits de rôle se forment. Même quand
chacun fait parfaitement son travail, et parfois même, surtout quand chacun fait bien son
travail, des conflits de rôle demeurent (cf. concept de grève du zèle).
Là encore, il faut détacher la question des conflits de rôle, des conflits de
compétence ou d’incompétence. Les conflits de rôle ont cela de délicat, qu’ils ne sont pas,
en théorie, le résultat d’une faute ou d’une erreur quelconque. Chacun, en remplissant
correctement son rôle empêche parfois les autres de remplir correctement le sien.
Un moyen de lutte contre ce phénomène est évidemment une plus grande
communication mais celle-ci, par mail ou par réunion(-ite), embolise de plus en plus
l’activité et crée aussi des conflits de rôles : en particulier les conflits personne-rôle dans
la classification de Kahn et Katz, c’est à dire, schématiquement, l’écart entre les capacités
et les buts. Certains personnels d’encadrement ont ainsi une activité totalement saturée
par la coordination.
Le remède semble alors parfois pire que le mal. Il en résulte, de plus, une
impression de faible prise sur les événements alors que pour les cadres de santé
interrogés, le « pouvoir d’agir sur les choses » est la motivation principale pour devenir
cadre19.
A l’extrême, la faible prise sur les contraintes subies conduit à l’émergence du
burn out. Le temps que l’on passe désormais à gérer les interactions avec les autres est
plus important, au moins en énergie dépensée, que celui que l’on passe à travailler à sa
19
Cf. Annexe 3, Analyse des questionnaires question 3
- 18 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
propre tâche. Qu’il suffise pour s’en convaincre d’écouter le personnel hospitalier
affirmer en substance: « pendant les vacances, on rattrape le retard chronique que l’on
a », « le matin et le soir, ce sont les seuls moments où l’on peut travailler sur les
dossiers ».
La complexité hospitalière et les exigences multiples (réglementaires, sanitaires,
éthiques etc.) crée parfois une dispersion alors qu’une priorisation serait nécessaire pour
éviter les conflits de rôle. Les conflits de rôle étant l’opposition entre deux rôles
d’impérativité perçue comme égale, un effort managérial de priorisation permanent est à
réaliser. Les cadres de santé du CHU de Rennes expriment cette nécessité en écrivant
dans leur « manifeste » de 2011: « Le deuxième défi à relever sera donc de répondre à la
nécessité pour les cadres de posséder un niveau d’information suffisant sur ce qui se
passe, se priorise dans l’ensemble de l’établissement 20»
Cette priorisation peut être affirmée dans un projet managérial et un projet
d’établissement mais doit aussi être présente quotidiennement. Lutter contre la dispersion
des forces de l’établissement vers des cibles de plus en plus nombreuses est du rôle de
l’encadrement de direction. C’est même là sa plus value face à la complexification des
activités et des contraintes, notamment médico-économiques.
b) Complexification médico économique et conflits personne-rôle : l’impact de la
T2A
L’inadéquation plus ou moins forte entre la compétence de gestion demandée au
cadre et leur formation initiale est une préoccupation ancienne. Ceci en dépit de l’effort
important d’appropriation réalisé par les cadres et des formations nombreuses qui leurs
sont dispensées.
Jean Le Camus, ancien directeur général du CHU d’Angers confirme21 que la
tentation de croire que ce phénomène est totalement nouveau, est illusoire. Pour lui, le
cadre de santé « s’est rapproché de l’administration par des connaissances de gestion
sans pour autant assumer les responsabilités ou du moins la force de conviction attachée
à une certaine maîtrise des données économiques22 ». La nécessité de maîtrise
économique et donc de compétences de gestion n’était pas beaucoup plus ancrée dans
la culture des cadres au début des années 80 qu’aujourd’hui. En témoignent, les termes
20
Manifeste de cadres du CHU de Rennes 2011 21
Entretien écrit 22
Entretien écrit
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 19 -
de « guerre économique » utilisés alors pour stimuler la vigilance en matière économique
des cadres de l’hôpital Avicenne qu’il dirigeait alors.
Cependant les entretiens montrent que les cadres ont le sentiment d’être de plus
en plus fortement confrontés à des problématiques nouvelles de gestion. Il ne s’agit pas,
ici, de difficultés d’adaptation de tel ou tel cadre à l’évolution du métier de cadre de santé
mais d’un constat fait avec la direction des soins du CHU de Rennes23, que les cadres ont
de plus en plus de mal à faire face à une gestion médico-économique de plus en plus
complexe.
Cette complexification des outils de gestion est confirmée par le rapport relatif à
l’évaluation de la T2A sur le management des établissements de santé24 qui mettait
notamment en évidence que la « T2A a servi de catalyseur pour accélérer la mise en
place d’outils de gestion jusqu’alors très inégalement développés, notamment dans le
secteur public », ainsi que le fait que la T2A avait « renouvelé le dialogue médico-
soignant, notamment dans les établissement publics de santé, via la contractualisation
avec les pôles et la plus grande implication des médecins dans la prise de décision. » Ce
rapport soulignait cependant l’écart entre ceux qui maitrisent la T2A (cadres de direction,
directoires, exécutifs de pôles) et le reste de la communauté hospitalière. Il recommandait
des formations adaptées aux différents personnels, un renforcement des cadres
intermédiaires et de la contractualisation, notamment via l’intéressement positif et négatif.
Ces préconisations se heurtent à de nombreux freins mais aussi à une limite managériale
qu’est la création de conflits personne-rôle chez les cadres de proximité.
Les entretiens montrent la conscience chez les cadres de santé que les enjeux
nationaux de maîtrise des dépenses passent par eux. L’un d’eux affirme « On ne peut
plus et on pourra de moins en moins se couper de cette vision globale des choses, de ces
sollicitations (ndlr : de gestion), de cette manière d’évoluer de l’hôpital, ce qui ne veut pas
dire, pour moi, que je mets dans un coin ma formation initiale de soignant »
Depuis presque dix ans, l’hôpital public en France connaît une profonde mutation
par la réforme radicale de son mode de financement. Initialement comprise comme une
question de technique financière, la tarification à l’activité (T2A) se révèle être une
problématique essentiellement managériale mais encore trop peu perçue comme telle.
Qu’on en juge par les difficultés rencontrées par les établissements de santé dans la
23
Séminaire de direction du CHU de Rennes du 27 septembre 2012 24
Rapport IGAS, Management et efficience hospitalière : une évaluation des déterminants, Avril 2012 – ACKER D., BENSADON A.C., LEGRAND P., MOUNIER C.
- 20 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
codification, dans la comptabilité analytique, dans l’appropriation des logiciels de
description de l’activité etc.
Un rapide détour théorique permet d’expliquer l’impact de l’apparition de la T2A.
Cette dernière vise à garantir une ventilation adéquate entre établissements et une
utilisation des fonds de l’Assurance Maladie la plus efficiente possible.
En premier lieu, elle déconnecte de la décision politique l’attribution des
financements aux établissements en assurant une ventilation par une régulation
automatique du marché (l’activité hospitalière) jugée plus juste et plus liée à la demande.
En deuxième lieu, elle vise à assurer une utilisation plus efficiente (puisque la
régulation prix/volume contraint à des efforts de productivité : on baisse le tarif si l’activité
est trop importante) et adéquate des fonds publics en orientant, théoriquement, l’activité
médicale en fonction des progrès de la médecine (ex : ambulatoire plutôt
qu’hospitalisation complète, cœlioscopie plutôt que chirurgie classique).
Ainsi, alors que les efforts précédents relevaient des finances publiques, en
particulier par la restructuration du financement de la protection sociale (ex : la CSG), les
contraintes budgétaires sont affrontées désormais par une maîtrise dite médicalisée des
dépenses.
Or, cette connexion de la qualité du système hospitalier à son coût a un impact
majeur sur le management et sur les organisations. Toute la logique du système s’en est
trouvée modifiée. D’une logique de dépenses, l’on est passé à une logique de coûts (et
non pas de recettes comme trop souvent cru).
Auparavant, l’ordonnateur était à l’origine des recettes : il obtenait et gérait la
dotation globale indépendamment de l’activité soignante qu’il cherchait à réduire quand
les fonds venaient à manquer en fin d’exercice.
Aujourd’hui, les soignants sont l’origine des recettes. Etant payés par l’Assurance
Maladie à un tarif défini, les hôpitaux doivent se pencher sur la rationalité de leurs
pratiques. Rationalité qualitative pour améliorer les soins et les organisations pour un
même coût (d’où les démarches de certification et d’amélioration continue de la qualité),
mais aussi amélioration économique en maîtrisant les coûts voire en les diminuant.
Dès lors, un lien nouveau entre l’activité de soin et l’efficience est créé. La pratique
soignante doit désormais intégrer pleinement ces contraintes. L’activité de soins étant la
source de la rémunération de l’établissement mais aussi de ses coûts, elle doit être
contrôlée par les soignants qui doivent désormais peser les avantages et les
inconvénients économiques de leurs actes. C’est une véritable révolution culturelle à
opérer parfois dans la douleur. Un cadre indique ainsi qu’à l’IFCS de Rennes « on voulait
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 21 -
faire de nous des universitaires dans le soin » « on considérait l’évolution vers la gestion
comme la mort (de l’hôpital) »
Cette amélioration de l’efficience des organisations passe par une connaissance et
un travail sur les coûts (comptabilité analytique, performance des achats…) et les
organisations. Ces deux éléments relevaient auparavant quasi exclusivement des
fonctions supports. Le paradigme a totalement changé. Auparavant, l’activité de soins
nécessitait des financements gérés exclusivement par une administration, aujourd’hui, les
coûts orientent le mode d’activité et nécessitent donc la collaboration des professionnels
de santé et des fonctions supports.
Désormais les cadres de santé sont, avec les médecins en première ligne dans la
maîtrise médicalisée des coûts. Ils ont donc la responsabilité de porter, conjointement aux
directeurs d’hôpital, une activité de soins et d’en maîtriser les coûts. L’exercice
professionnel des soignants n’est donc plus seulement de soigner, il est aussi d’analyser
leurs comportements pour maîtriser des coûts (d’où la délégation de gestion). Pour cela,
des personnels de gestion et des personnels de management font fonction de supports
pour produire l’information nécessaire de façon fiable (indicateurs de qualité (ICALIN,
IPAQSS) certification des comptes, TIM pour aide au codage, SIH performant,
comptabilité analytique etc.) et coordonner l’action de tous. Aujourd’hui, le management
des hôpitaux ne peut se concevoir sans les créateurs principaux des coûts : les soignants.
Par conséquent, la collaboration des soignants et du management des fonctions
supports est l’enjeu unique et crucial du bon fonctionnement des hôpitaux, d’où la
gouvernance nouvelle. Interrogé, Jean-Claude Moisdon25, directeur de recherche à
l’Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris, confirme ce constat en écrivant : « ce
sont bien les professionnels eux mêmes, les plus proches de l'activité, qui sont les mieux
placés pour prendre en charge la question de l'efficience (d'où la nouvelle
gouvernance)26 ». Les cadres de santé se trouvent donc être une plaque tournante de ce
système mais cette évolution suscite chez eux de nombreux conflits de rôle, en particulier
des conflits personnes-rôles du fait du choc culturel qu’ils doivent surmonter. Avant
d’adopter une démarche d’adaptation à ce système, les cadres développent des modes
de gestion des conflits de rôle dont l’analyse révèle les insuffisances et les conséquences
néfastes sur le sens donné à leur travail par les cadres.
25
J-C. MOISDON est notamment l’auteur d’un ouvrage sur la régulation des dépenses de santé : « La démarche gestionnaire à l’hôpital » – 1 Recherches sur la gestion interne, J.C.Moisdon, D.Tonneau, – 2 La régulation du système hospitalier, F.Engel, F.Kletz, J.C.Moisdon, D.Tonneau, Seli Arslan, 1999 et 2000 26
Entretien écrit
- 22 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
1.2 Des conflits de rôle difficiles à surmonter et à l’origine d’une perte
de sens dans le travail chez les cadres
Les cadres de santé subissent donc des conflits de rôle importants. Face à cela, ils
développent des moyens de gestion de ces conflits (1.2.1)
Ces modes de gestion ne sont pas exclusifs les uns des autres. Ils présentent tous
des imperfections majeures et conduisent notamment à une perte de sens dans le travail
(1.2.2).
1.2.1 Les stratégies des cadres de santé pour faire face aux conflits de rôle
Les cadres développent face aux conflits de rôle, des modes de gestion
nombreux. Quelques-uns sont plus fréquents que d’autres et peuvent donc être recensés.
Il existe, bien entendu, en premier lieu, le choix de quitter les fonctions de cadre de
santé notamment par la prise de responsabilité plus large (devenir cadre supérieur de
santé). La focalisation sur les cadres de santé à l’exclusion des cadres supérieurs de
santé de l’étude empêche d’analyser ce mode de gestion qui n’en est pas moins
important.
De nombreux autres modes de gestions par évitement existent dont les principaux
sont l’alignement stratégique du cadre sur le chef de service (A), l’exclusion de son
champ de compétence du conflit (B), la désolidarisation de l’institution et la priorisation
des intérêts immédiats du service (C).
A) L’alignement stratégique des cadres sur les chefs de service
La gouvernance d’un service de soins consiste essentiellement en un duo chef de
service/cadre de santé qui rend nécessaire la bonne entente entre le chef de service et le
cadre de santé. Or cette entente est renforcée bien souvent par l’alignement, souvent
inconscient, du cadre sur la position du chef de service. Bien entendu l’entente du cadre
avec le chef de service est un élément primordial de sa nomination, mais il n’implique pas
en théorie, cet alignement quasi permanent.
Ce positionnement permet de bénéficier du « poids politique » du chef de service
dans l’établissement mais a aussi pour avantage de limiter les conflits de rôle entre le
cadre et le chef de service, notamment les conflits inter émetteurs. Un tel positionnement
produit donc nécessairement des interférences avec la ligne hiérarchique soignante.
Le stage court effectué en début de formation et les entretiens réalisés confirment
cet état de fait. Un cadre indique ainsi plusieurs fois sa parfaite entente et l’importance du
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 23 -
travail réalisé avec son chef de service alors que ce dernier se trouve en désaccord avec
l’encadrement de direction. Le cadre préfère un alignement stratégique sur la position du
chef de service qu’un alignement sur la position de la direction. Cela s’explique par le fait
qu’il est moins désagréable d’être en conflit de rôle avec la direction qu’avec la personne
avec laquelle on travaille au quotidien.
Ce constat est renforcé par la conception du rôle de cadre de santé des
responsables d’unités médicales. Un manifeste du Président de CME du CHU de Rennes
adressé au Directeur Général du même CHU en 2007, réitéré en 2012 par son
successeur, s’intitule « Rendez-nous nos cadres ». Au delà du slogan, ce manifeste
montre bien que la conception du positionnement des cadres de santé varie selon les
acteurs qui les entourent. Chacun voulant se les « approprier ». Il traduit également la
proximité forte entre les cadres et les chefs de service justifiant l’alignement stratégique
évoqué.
Le risque de blocage et de division managériale au sein de l’établissement est
grandi par ce positionnement. Il en résulte éventuellement un conflit de principe entre
un bloc « cadres de direction » et un bloc « service de soins » qui n’est pas souhaitable.
Ce mode de gestion des conflits apparaît comme une difficulté réelle pour l’ensemble de
l’établissement parce qu’il introduit un choix entre des positions qui devraient être
unifiées. Cette étude se limite aux cadres de santé mais il est bien évident que cette unité
managériale entre cadres de direction et médecins doit être forte, ceci pour que les
cadres de proximité n’aient pas à choisir entre deux blocs désunis.
B) L’exclusion de rôles de son champ de compétences
Les entretiens avec les cadres montrent quasi-systématiquement un même mode
de gestion de conflit personne-rôle. Face à une situation totalement bloquée, les cadres
font face à la situation en admettant le caractère choquant pour leur éthique de la
situation mais en excluant finalement la situation de leur responsabilité, ou de la
responsabilité de l’hôpital. Un cadre affirme ainsi qu’il est naturellement fortement touché
par la situation qui lui est soumise27 et qui interpelle son éthique mais il tient ensuite la
position suivante : « il faut que les gens comprennent qu’à l’hôpital on ne peut pas tout
régler ».
Un autre cadre affirme lors d’une mise en situation qu’il n’est pas à l’aise avec la
gestion médico-économique et qu’il ne se sent pas compétent en la matière. Puis il
complète en disant que, de son point de vue, ce n’est pas son rôle et qu’il est avant tout
un cadre soignant formé « plus dans la gestion du soin que dans la gestion financière. »
« C’est difficile, pour moi, d’entendre un discours de gestion pure ». 27
Situation n°5 en annexe 1
- 24 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
Ainsi, les cadres indiquent souvent en entretien que nombre de leur collègues, ou
eux-mêmes, délaissent certaines fonctions de leur métier parce qu’elles ne correspondent
pas à leurs appétences mais aussi parce qu’elles ne correspondent par à leurs
compétences.
Il est de plus en plus demandé aux cadres de santé d’avoir un rôle de gestion qui
teinte de plus en plus leur rôle d’encadrement soignant strict.
Une part de cette déconnexion entre le rôle attendu actuellement et la conception
que les cadres ont de leur métier est due à l’inertie culturelle ; le refus de cette évolution
permettant aussi d’éviter une remise en question et donc le constat d’un écart entre ses
propres capacités et ce qui est demandé à un cadre de santé aujourd’hui. Un tel
positionnement permet au cadre d’assurer la déformation la moins forte possible de son
rôle par rapport à la conception qu’il en a et d’éviter ainsi de subir un conflit de type
personne-rôle permanent.
C) La désolidarisation de l’institution et la priorisation des intérêts immédiats du
service
Un signe montre la désolidarisation de l’institution et la focalisation des cadres de
santé sur leur seul service d’affectation : au CHU de Rennes, seul un cadre de santé est
responsable, en plus de sa fonction, d’une mission transversale. Même si ce constat
montre aussi une politique de transversalité historiquement faible, que l’action de la
direction des soins actuelle n’a pas encore modifié, il souligne le manque de
positionnement institutionnel de nombreux cadres. Plusieurs éléments favorisent ce
phénomène.
En premier lieu, la culture historique des cadres de santé favorise probablement
une certaine défiance à l’égard des cadres de direction d’un hôpital. Les cadres sont
culturellement plus proches du milieu soignant dont ils sont issus, que du milieu
administratif et institutionnel, souvent décrit comme éloigné du terrain et peu au fait des
réalités de la vie hospitalière. Les questionnaires montrent parmi les attentes des cadres
auprès des directeurs la « connaissance du terrain » ou encore la « cohérence avec le
terrain ». Les cadres ont vécu personnellement la fatigue des plannings intégrant le strict
minimum de repos et savent qu’il est difficile d’accepter une augmentation de sa charge
de travail sans savoir si les effectifs seront réévalués à la hausse si le besoin s’en faisait
ressentir. Le manque de confiance conduit à un comportement problématique pour
l’établissement, mais explicable pour le cadre de santé, du type « si je dis que j’ai trop
d’effectifs on me les enlèvera, or je sais qu’en cas de besoin futur, on ne me les rendrait
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 25 -
pas, je préfère donc les garder et ne rien dire même si je sais que cela n’est pas bon pour
l’établissement ». Un cadre interrogé affirme ainsi « bon, ca reste entre nous
l’enregistrement…ca été un des seuls secteurs (de l’établissement) où on nous a laissé
notre effectif voire même augmenté un petit peu » et par ailleurs affirme « C’est normal
d’être rigoureux dans la gestion, vous n’avez pas intérêt à garder du monde en plus. Si
tout le monde n’est pas bien occupé ca ne fait pas du bon travail. […] Non si je n’ai pas
besoin de personnel, je ne vais pas le prendre (ndlr : si l’on m’en propose). C’est peut-
être aussi ca. Je ne suis pas constamment en train de demander donc je me rends
compte que peut-être, en effet, quand je demande on m’écoute plus».
La confiance est donc à créer mais reste très faible entre les cadres de direction
et les cadres de santé. Cette faiblesse de la confiance est encouragée par le mode de
gestion des conflits de rôle qu’est la priorisation des intérêts immédiats du service. Une
telle déclaration montre l’effet pervers d’un conflit de rôle. Pour gérer ce conflit, les cadres
développent un mécanisme de gestion permettant de limiter la pression qu’ils ressentent
de leur équipe mais ce mécanisme est très imparfait notamment parce qu’il décrédibilise
leurs demandes ultérieures auprès des cadres de direction. La confiance est un élément
décisif en la matière (cf. 2.2) mais elle ne se décrète pas, elle se gagne par des actions
concrètes.
Ceci d’autant plus qu’une telle défiance ne se rencontre pas uniquement à
l’hôpital. Dans toute organisation structurée, la base opérationnelle et les cadres de
proximité ressentent cette déconnexion (l’armée, les entrerises…)
A l’hôpital, ce phénomène de déconnexion de l’institution est renforcé par la nature
de l’activité de soins. L’intensité émotionnelle de cette activité tend à focaliser l’attention
des cadres au détriment d’un investissement institutionnel. Cette pression d’une activité
de soins a un impact sur les conflits de rôle. Un cadre passé par un service de soins
lourds avant d’être sur un service plus léger de consultation y voit une nette différence :
« On n’est pas ici (ndlr : en consultations) comme dans la situation d’un service de soins
(ndlr : hospitalisation classique), on n’est pas entre la vie, la mort, on n’a pas cette
pression là. Moi dans ma gestion cela a un impact : dans un service de soins lourd, s’il
vous manque quelque chose ou quelqu’un vous sentez tout de suite la difficulté. Alors que
moi en consultation c’est plus facile. ». Cette focalisation crée une distance entre le
management de direction de l’établissement et les cadres, distance propice aux conflits
de rôles par la trop faible prise en compte des contraintes de chacun.
Par ailleurs, cette pression accentue l’isolement par la suractivité tant sur le plan
professionnel que personnel. Des conflits de rôle apparaissent sur ce dernier point
notamment les conflits inter-rôle (entre les rôles personnels et familial et le rôle
- 26 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
professionnel). Le cadre cité plus haut ajoute ainsi : « Avec cette pression il y a des
moments où vous oubliez tout : les anniversaires des proches, tout… »
Cela peut paraître paradoxal au regard de la déclaration des cadres de santé du
CHU de Rennes en 201128 indiquant le souhait de ces derniers de travailler avec la
direction. En réalité, cette volonté d’avoir un comportement institutionnel n’est pas factice.
Les cadres souhaitent travailler avec la direction. Mais dans le quotidien, plus que les
déclarations d’intentions, l’urgence pour un cadre est de limiter un conflit de rôle, présent,
immédiat, frontal et personnel.
Par exemple dans le cadre d’une réduction de poste, l’objectif du cadre ne sera
pas de favoriser la conciliation avec ses collègues sous l’égide d’un cadre supérieur de
santé, mais de tenter de maximiser ses intérêts au détriment de celui des autres. Bien
entendu, cette action « anti-institutionnelle » n’est considérée pas comme satisfaisante
par les cadres de santé mais elle permet de limiter le conflit de rôle frontal auprès des
équipes.
Ainsi, un cadre affirme que son premier réflexe face à une double demande du
directeur d’augmentation de l’activité et de diminution de postes du pôle, serait de faire
une étude montrant la charge de travail. Ceci afin de « défendre » des effectifs. Le choix,
inconscient la plupart du temps, de l’intérêt immédiat du service permet au cadre de gérer
le conflit de rôles inter-émetteurs entre la direction et les équipes du service, mais aussi le
conflit de rôles intra-émetteur (les exigences apparemment contradictoires du directeur
d’augmentation de l’activité et de diminution du nombre de postes). Même si un cadre
interrogé reconnaît la nécessité d’une concertation avec les cadres du pôle dans une
situation de ce type, sa première intention est de gérer les conflits de rôle induits par la
situation, plutôt qu’une référence à l’intérêt de l’établissement. Cette position est
relativement symptomatique du positionnement des cadres de santé, dans des structures
importantes en particulier, qui se conçoivent plus comme appartenant à leur service que
comme représentant du management de l’établissement29.
Le cadre de santé cité plus haut dont l’unité a subi un traitement plus favorable
que d’autres lors d’une diminution de postes demande lors de l’entretien que ses propos
« restent entre nous ». Une telle réaction démontre le positionnement territorialisé des
cadres qui ne disposent pas d’une vision plus large qui donnerait du sens à des décisions
difficiles comme les restrictions de postes. Les cadres de santé cherchent ainsi à
préserver une qualité de soins par un nombre suffisant de personnel mais cela permet
aussi d’éviter un conflit de rôle entre une demande de la direction et une demande des
28
Op.cit 29
Cf. Annexe 3, analyse des questionnaires, question 2
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 27 -
équipes. La preuve en est qu’un cadre constatant que ses effectifs sont supérieurs aux
besoins réels du service ne va pas le signaler même s’il sait qu’il dégrade ainsi la situation
de l’établissement.
L’impact des conflits de rôle est donc réel entre cadres de direction et cadres de
santé. Ces conflits favorisent la méfiance, voire la défiance, des cadres de santé à l’égard
de l’encadrement de direction.
Soutenir les cadres de santé en donnant du sens aux décisions difficiles et en
maintenant une stratégie de la confiance vise à éviter ce mode de gestion des conflits de
rôle qui, peu à peu, désolidarisent les cadres de l’établissement et favorisent l’ilotage et le
développement de « républiques autonomes ». Cette désolidarisation de l’institution
présente un risque important pour l’établissement puisqu’elle désunit le management,
mais elle n’est pas sans risque aussi pour les cadres de santé.
En résumé, ce mode de gestion n’est pas souhaitable en lui-même parce qu’il
suppose un choix plus ou moins conscient de se désolidariser de l’institution pour éviter
d’être en position de conflit de rôle entre les cadres de direction et les équipes encadrées.
Il n’est pas souhaitable non plus parce que l’isolement auquel il conduit met finalement en
danger les cadres de santé, isolement largement favorisé par l’investissement important
que nécessite l’encadrement d’une activité de soins.
Les trois modes principaux de gestions conduisent assez largement à une
ambidextrie de rôle. Si cette ambidextrie permet au cadre de minimiser l’impact des
conflits de rôle, elle ne permet par, comme le ferait une hybridation parfaite entre des
tâches de nature différentes, de donner du sens à l’ensemble du travail réalisé par les
cadres. Ce dernier apparaît donc segmenté entre ce qui a du sens et ce qui n’en a pas
mais que l’on doit réaliser malgré tout.
1.2.2 Des modes de résolutions à l’origine d’une perte de sens dans le travail
Les entretiens menés montrent que des cadres interrogés adoptent l’ambidextrie
de rôle comme stratégie de résolution des conflits de rôle qu’ils rencontrent, notamment
les conflits les plus fréquents de type inter-émetteurs entre la direction et les équipes du
service.
Les entretiens réalisés traduisent la grande diversité des activités des cadres de
santé. L’un d’eux affirme ainsi que « l’on devrait noter pendant une journée l’ensemble
des tâches réalisées pour comprendre leur variété ». Un autre cadre indique dans le
- 28 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
questionnaire que la multiplicité des tâches demandées conduit à un positionnement de
« cadre plombier » ou « cadre Mac Gyver ». La plupart du temps ces cadres considèrent
alors qu’ils sont dans leur fonction pour cette multitude de tâches mais qu’ils remplissent
ce rôle pour que l’hôpital ne connaisse pas de dysfonctionnement.
Par ailleurs, le questionnaire montre que les cadres de santé interrogés estiment
majoritairement qu’ils sont seulement utilisés « parfois » à des tâches qu’ils ne
considèrent pas comme relevant de leur métier. Dans un environnement aussi complexe
que l’hôpital, cette fréquence apparaît donc comme acceptable et faisant partie de la
souplesse nécessaire (même si ces tâches sont peut-être mal vécues par les cadres eux-
mêmes).
La difficulté majeure provient du fait que ces actions sont vues comme ne faisant
pas partie de la fonction de cadre de santé. Elles sont donc traitées par ambidextrie de
rôle et non par hybridation de rôle. L’ambidextrie peut se concevoir comme l’égale
habileté à gérer deux fonctionnements différents de façon parallèle tandis que
l’hybridation consiste à concevoir des tâches différentes comme un même rôle pour un
objectif unique.
Ainsi, les cadres ne considèrent pas les tâches annexes évoquées comme partie
intégrante de leur fonction même s’ils finissent par être aussi habiles à les traiter qu’à
remplir ce qu’ils considèrent comme leur cœur de métier.
Contrairement à l’hybridation de rôle, l’ambidextrie a l’inconvénient majeur de ne
pas être porteuse de sens. Les cadres n’effectuent pas ces tâches en considérant que
leur fonction est de créer du lien entre des logiques différentes (humaines, logistiques,
financières, médicales etc), ils cloisonnent ce qu’ils considèrent comme leur activité
principale et les tâches vues comme annexes qui « les empêchent de faire leur vrai
travail ». En quelque sorte, il y a le « dirty work » qui ne devrait pas exister mais que l’on
tente de réaliser en même temps que les missions que l’on estime prioritaires pour éviter
des dysfonctionnements trop importants.
Les cadres de santé ne perçoivent donc pas leur rôle comme un travail de lien et
d’hybridation permanente entre des logiques différentes mais qui poursuivent un même
but : le bon fonctionnement de l’hôpital pour le bien du patient. Schématiquement, ils se
conçoivent comme des soignants devenus encadrant de soignants afin de garantir la
qualité des soins et que l’on utilise régulièrement à mauvais escient pour des tâches
annexes.
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 29 -
Pour certains cadres il en est ainsi, pour les tâches ayant trait à la gestion médico-
économique. Ces tâches leurs sont « parfois30 » demandées mais sont en augmentation
et leur prennent beaucoup de temps (ex : la gestion des effectifs et donc des plannings),
en particulier quand ils ne sont pas formés à cela.
Un exemple d’ambidextrie plutôt que d’hybridation est le fait que, le plus souvent,
les cadres de santé d’une part gèrent les coûts en tentant de maîtriser les consommations
des soignants en matériel médical (rôle tenu parce que cela leur est demandé) et d’autre
part cherchent à assurer la qualité des soins maximale avec les moyens disponibles (rôle
de conviction parce qu’ils considèrent cela comme leur « vrai » métier). La baisse de
qualité par le manque de moyen est alors vue comme une difficulté et comme un conflit
personne-rôle. Le raisonnement est alors du type : « je ne suis pas capable avec les
moyens qui sont les miens d’assurer la qualité des soins maximale. Cela heurte mon
éthique et ma conscience professionnelle, je rencontre un conflit de rôle».
L’hybridation consisterait dans ce cas à s’interroger systématiquement sur l’apport
qualitatif dans la prise en charge de l’utilisation de tel ou tel matériel et de renoncer
parfois à l’utiliser en ayant conscience de libérer ainsi des ressources pour des actions
plus prioritaires au bénéfice de l’hôpital mais surtout des patients.
Aujourd’hui, le fait de confier au cadre des missions qui, au moins de leur point de
vue, ne sont pas les leurs, conduit donc généralement à une ambidextrie.
Malheureusement, cette ambidextrie plutôt que l’hybridation présente un risque.
Risque pour l’établissement de voir ses cadres fonctionner de façon cloisonnée. Risque
pour les cadres (et donc ensuite pour l’établissement) d’un sentiment d’embolisation par
des tâches considérées comme ne relevant pas de leur métier, embolisation limitant,
selon eux, leur capacité à remplir leurs vraies fonctions. Un tel sentiment de déconnexion
entre les attentes à l’égard des cadres et leurs capacités à faire face n’est pas sans
danger si l’on s’en réfère au schéma de Karazek31. Le cadre de santé n’a alors qu’une
faible latitude décisionnelle face à l’intensité des demandes ressenties, ce qui est
favorable à l’émergence de risques psychosociaux.
Une seule solution existe face à cette difficulté (outre une action de lean
management permettant de limiter les actions redondantes ou non productrices de valeur
ajoutée) : rendre du sens aux actions réalisées dans l’ombre par les cadres.
Communiquer sur ces sujets rend plus positif le regard porté sur ces tâches et
limite les conflits. Ainsi, pour un cadre interrogé, distribuer les fiches de paie au
30
Cf. Annexe 3, Analyse des questionnaires, question 11 31
Cf. Annexe 4, Schéma de Karazek
- 30 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
personnel de son service ne relève pas de son rôle. Réaffirmer que le fait de confier une
telle tâche aux cadres de santé, avec un impact minime sur leur travail, permet
d’économiser plusieurs centaines de milliers d’euros par an à l’échelle du CHU (sommes
qui ne rémunèrent pas des actionnaires mais qui seront forcément consacrées au soin)
et que cela permet subsidiairement de montrer la reconnaissance par le représentant de
l’institution dans le service, du travail effectué par la personne (et qui mérite salaire). Il
s’agit de donner du sens à des actions qui n’en ont pas automatiquement par nature.
En résumé, les réformes hospitalières et plus globalement l’évolution hospitalière
ne sont pas sans impacts sur l’émergence de conflits de rôle. Ceci d’autant plus que ces
derniers sont inhérents à la fonction d’encadrement de proximité. Les conflits de rôles
sont d’ailleurs considérés comme faisant partie de la fonction de cadres de santé32 par les
cadres eux-mêmes. Ils considèrent comme normal le fait de rencontrer des conflits de
rôles dans leur métier mais se plaignent, par des grèves notamment, de leur fréquence et
de leur importance trop grande.
Bien entendu, le fait de constater que les conflits de rôles sont un corollaire
systématique de la fonction de cadre de proximité n’implique pas de s’en satisfaire mais
nécessite une stratégie de prévention et de gestion de la prévalence et de l’intensité des
conflits. Ces derniers ne se concevant qu’entre deux personnes, la stratégie en question
doit concerner tant les cadres de santé que l’encadrement de direction.
32
Cf. Annexe 3, Analyse des questionnaires, question 12
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 31 -
2 La prévention et la gestion des conflits de rôle des cadres de
santé, une responsabilité commune des cadres et de
l’encadrement de direction
L’analyse du rapport de Singly33 concernant la formation et le positionnement des
cadres peut-être enrichie par celle des conflits de rôle rencontrés par les cadres (2.1). Il
paraît également fondamental, au regard de l’unité managériale nécessaire dans les
hôpitaux, d’intégrer la prévention et la gestion des conflits de rôle dans la réflexion sur le
mode de management des cadres de direction, en particulier dans les établissements de
grande taille (2.2).
2.1 La prévention et la gestion des conflits de rôle par la réflexion sur
la formation et le positionnement opérationnel des cadres.
La prévention et la gestion des conflits de rôle peuvent être réalisées par deux
approches complémentaires. La première est d’ordre réflexif et se positionne sur le long
terme en travaillant sur la formation et les parcours des cadres. Elle vise à opérer
progressivement un changement culturel chez les cadres tout en respectant leur
sensibilité soignante (2.1.1). La seconde est d’ordre opérationnel. Elle vise à assurer la
prévention et la gestion quotidienne des conflits de rôle rencontrés par les cadres, en
particulier dans les grands ensembles hospitaliers soumis à un « effet taille » aggravant.
(2.1.2)
2.1.1 Développer une réflexion stratégique sur les fonctions, la formation et les
parcours des cadres de santé
L’analyse exposée précédemment montre que les conflits de rôle des cadres de
santé résultent notamment d’une complexification hospitalière qui engendre une
déconnexion progressive entre la formation initiale des cadres et le travail qui leur est
demandé. Par conséquent, un programme de formation complémentaire intégrant ces
évolutions apparaît nécessaire (B). Un tel travail permet partiellement de répondre à
l’émergence de conflits personne-rôle. Il doit cependant s’accompagner d’un travail de
mobilité interne (A) afin de limiter le mode de gestion de conflit de rôle par défense des
33
Op.cit.
- 32 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
intérêts immédiats du service évoqué plus haut. Un tel mouvement favorise un
positionnement d’encadrement de l’établissement au détriment du positionnement strict
de cadre de service. Il s’agit ici de réduire l’ilotage et de permettre aux cadres de prendre
de la distance face aux équipes qu’ils encadrent, leur permettant plus facilement de porter
les décisions de l’encadrement de direction.
A) Politique de mobilité interne
La mobilité interne permet de gérer la pression des équipes et de prendre de la
distance. Alors que la position de cadre de proximité est, par nature, une position difficile
du fait du contact immédiat avec les équipes, il apparaît nécessaire de favoriser cette
prise de distance.
Pour un des cadres interrogés, lorsqu’un cadre sent qu’il ne peut plus prendre les
décisions nécessaires envers son équipe car il est depuis trop longtemps dans le service,
la mobilité est une solution. Ce cadre resté sept ans dans son précédent poste affirme
que pour gérer la pression des conflits de rôle « finalement la solution c’est la mobilité. Ce
service était très intéressant, surtout avec l’équipe aide-soignante qui avait une
dynamique pas possible mais la mobilité permet de limiter la pression. Il ne faut pas rester
10 ou 15 ans dans un service. » « Les infirmières restées trop longtemps étaient
larmoyantes et même moi après ». Cette mobilité permet de maintenir une distance
nécessaire avec l’équipe du service.
Un cadre resté plusieurs dizaines d’années dans un service confirme implicitement
cette idée en disant qu’il n’est pas facile d’imposer des décisions difficiles à des
personnes avec qui l’on travaille depuis longtemps et avec qui l’on a évolué.
Le risque d’adopter un positionnement de défense des intérêts de l’équipe au
détriment d’un positionnement de cadre d’un établissement est grand par nature pour un
cadre de santé, mais il est encore renforcé par une présence trop longue dans un même
service de soins, ce que montrent les entretiens réalisés. Cette présence trop longue
conduit à renforcer le sentiment d’être titulaire de son emploi plutôt que de son grade,
d’être cadre de « son » service plutôt que de « son » établissement.
Organiser un roulement trop régulier et rigide des cadres de santé ne semble
pourtant pas pertinent. En effet, l’autorité d’un cadre de santé en « fin de mandat » serait
fortement atteinte. Cependant, porter attention à la durée d’exercice dans un service des
cadres de santé doit être une préoccupation.
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 33 -
Le CHU de Rennes a commencé selon le Directeur des Soins Coordonnateur
général des Soins à se préoccuper de la mobilité interne des cadres. S’il se heurte à une
résistance culturelle importante, il s’agit d’une préoccupation constante mais dont le
caractère récent empêche de mesurer les résultats. Le Directeur Général du CHU de
Rennes raconte ainsi les difficultés qu’il a lui-même rencontrées pour choisir d’affecter un
personnel à un poste sans procéder à une publication interne préalable.
Le CHU dispose d’outils permettant de mesurer l’ancienneté des cadres de santé
dans leur service d’affectation mais un travail reste à mener pour utiliser un tel outil et
faire connaître l’intérêt de sa pleine utilisation.
Bien entendu, des projets nécessitent une durée minimale pour être mis en place.
Il n’est pas question de procéder à une mobilité à marche forcée. Cependant, mettre en
œuvre une politique incitant les cadres de santé à une mobilité régulière permettrait
d’éviter les difficultés de positionnement que peuvent connaître certains cadres.
Aujourd’hui une telle mobilité relève simplement du souhait des cadres et se fonde
seulement sur leurs capacités et souhaits personnels. Certains cadres changent
régulièrement d’affectation, d’autres pas.
La personnalisation des fiches de poste permettrait probablement de positionner
les cadres de santé comme « cadres de missions et de projets » dont l’atteinte des
objectifs provoquerait l’affectation à un autre poste.
Parallèlement, il est nécessaire que l’encadrement de direction garantisse un
accompagnement en formation et en positionnement, pour aider à la prise de postes
nouveaux. Cela vise à éviter que des cadres de santé se sentent contraints à changer de
postes dans l’urgence parce que l’on a besoin d’eux ailleurs comme certains le déclarent
en entretien.
B) La formation
Adopter une stratégie de formation nécessite de connaître l’état de la formation
dans l’établissement au regard des besoins (a). Une telle réflexion sur les formations est
l’occasion de lutter contre leur cloisonnement pour favoriser une confiance et une culture
partagée (b). Le réalisme commande cependant, de reconnaître que la formation n’est
pas une solution universelle aux conflits de rôles (c).
- 34 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
a) Assurer une cartographie des cadres et de leur formation pour une meilleure
connaissance des cadres de santé
La réalisation d’une cartographie des cadres et de leurs formations permet un
diagnostic détaillé de l’état des formations reçues par les cadres de santé et une mesure
des progrès accomplis par l’établissement dans la couverture de l’ensemble des cadres. Il
permet enfin de mesurer les impacts de ces formations dans les services des cadres
formés (versus les services des cadres non formés) afin d’affiner le contenu de la
formation et d’en assurer l’adéquation avec les exigences professionnelles et leurs
évolutions.
La connexion d’un tel outil au bilan social ou baromètre social en cours de
réalisation par la direction des ressources humaines au CHU de Rennes, présenterait un
atout majeur dans la connaissance des professionnels d’encadrement, de leurs
contraintes et de leurs atouts. Ceci afin d’orienter l’action à mener notamment concernant
le contenu des formations.
b) Des formations décloisonnées pour lutter contre l’étanchéité des cultures
Ce nouveau positionnement nécessite un travail des établissements avec les
IFCS. Le CHU de Rennes a commencé ce travail en cherchant à assurer l’adéquation la
plus fine entre les exigences du terrain et la formation des cadres, notamment par un
partenariat avec l’Institut de Gestion de Rennes (IGR). Ce travail vise à former les cadres
en fonction des impératifs opérationnels qu'ils rencontrent, de les faire réfléchir sur leur
rôle et de les faire former leur personnel.
Cependant, un obstacle demeure tant dans les contacts entre IFCS et
établissement de santé que de manière opérationnelle entre les cadres et l’encadrement
de direction : celui de l’étanchéité des cultures.
Cette même étanchéité sert d’ailleurs souvent de moyen de décrédibilisation de
l’autre. Les cadres rappelant sans cesse une culture soignante dont ils estiment que les
directeurs sont dépourvus. Les directeurs déplorant régulièrement que les cadres ne font
aucun cas de la gestion financière et humaine nécessaire dans un hôpital.
La richesse de cultures différentes est donc plus vue au quotidien comme un
obstacle à l’efficience du fonctionnement de l’hôpital. Ceci est largement dû à une
méconnaissance, opérationnelle mutuelle, nous le verrons, mais aussi, initialement à un
cloisonnement fort des formations.
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 35 -
Ainsi les formations de cadres ne sont pratiquement jamais investies par des
directeurs d'hôpital. Une telle participation aurait pour avantage de positionner dès leur
formation, les cadres de santé comme des cadres d'établissement de santé et non
seulement comme des cadres de service de soins, mais aussi, au-delà du fond de la
formation d’assurer une connaissance et une reconnaissance mutuelle entre des
professionnel destinés à travailler ensemble.
Le Directeur Général du CHU de Rennes indique par exemple qu’il participait à
Strasbourg à la formation des cadres de santé et que ces enseignements étaient riches
pour les cadres comme pour lui dans son exercice professionnel.
De la même manière, une réflexion pourrait être entamée sur la présence de cadre
de santé dans la formation des directeurs. Ces derniers suivent le travail de cadres de
santé lors d’une semaine de leur stage d’observation mais aucun enseignement et
aucune réflexion ne vient compléter cette expérience du terrain avec les cadres, en
particulier en ce qui concerne le dialogue managérial en collaboration avec les directeurs
de soins. Ceci alors que les relations avec les médecins sont beaucoup plus développées
dans la formation de directeur d’hôpital.
Aujourd’hui, les différents membres de l’encadrement d’un hôpital ne se
rencontrent que très peu (seuls les directeurs de soins et les directeurs d’hôpital se
rencontrent à l’EHESP). Ils doivent pourtant ensuite former un bloc indivisible à l’intérieur
duquel un dialogue permanent est nécessaire. Ceux qui instiguent le changement doivent
rencontrer et connaître ceux qui le portent ensuite auprès du personnel. L’expérience de
l’élève-directeur d’hôpital que je suis, montre que ce dialogue est très riche avec les
directeurs de soins et les cadres non soignants que sont les Attachés d’Administration
Hospitalière (AAH) à l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP), il paraît
nécessaire de l’instaurer plus fortement avec les cadres de santé.
Ce qui vient d’être évoqué n’est pourtant pas suffisant. La formation des cadres
n’est pas une réponse à tous les conflits de rôles. La formation est parfois vue comme
une solution miracle mais elle n’est pas la panacée.
c) Une solution partielle qui ne répond qu’à certains conflits de rôle
Des cadres parfaitement formés peuvent avoir des difficultés à surmonter des
conflits de rôles.
En effet, la formation vise à permettre à des professionnels d’être de meilleurs
professionnels par des compétences améliorées mais deux personnes parfaitement
- 36 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
formées peuvent provoquer un conflit de rôle sur une troisième. Ainsi, une équipe
soignante parfaitement formée pourra demander plus d’autonomie alors que le directeur
voudra un plus grand contrôle du fait de la mise en place d’un projet. Le cadre est en
conflit de rôle alors que les acteurs qui l’entourent n’ont, chacun, commis aucune faute
professionnelle due à une incompétence.
De la même façon, un cadre formé correctement subit également des conflits de
rôle. Une formation en management permet d’atténuer l’importance de ces conflits par la
structuration du comportement à adopter mais cela n’est pas toujours suffisant. Les
entretiens montrent que des cadres formés au management subissent également des
conflits de rôle.
Certes, le fait de travailler sur la formation permet d’améliorer la perception et de
professionnaliser les codes entre émetteur et récepteur de rôles, mais cela ne permet pas
d'annihiler les variations personnelles, les manières de remplir et recevoir son rôle. Le fait
qu’existe une conception officielle du rôle de cadre, parfaitement transmise aux acteurs
par des formations, n’empêche pas le fait que chaque personne remplit son rôle de façon
spécifique. La codification des comportements par la formation est nécessaire mais doit
lutter contre des comportements et des situations particulières imprévisibles. Seul un
management adapté et adaptable permettra l’adéquation.
En résumé, la formation permet essentiellement de lutter contre le conflit de type
personne-rôle à savoir un écart entre les capacités de la personne et ce qui lui est
demandé. Elle est une donnée importante mais qui doit devenir le socle d’un
positionnement efficace. Le rapport de Singly34 présente un état des lieux très complet car
basé sur un travail très exhaustif notamment grâce à un forum internet dédiés aux
réflexions des cadres. Il ne se cantonne pas à proposer des formations aux cadres
indiquant qu’un effort de positionnement des cadres est nécessaire. En effet, les cadres
de santé sont à la croisée des chemins, souvent « entre l’enclume et le marteau ». Leur
travail n’est pratiquement que relation.
Or, sans excès de pessimisme pour autant, les relations professionnelles sont
parfois sources de conflits en particulier lorsque l’environnement est complexe et que
l’enjeu est important comme l’est le soin du patient35. La formation répond à un besoin de
compétences, le positionnement à un besoin de rôle.
34
Op. cit. 35
Cf. Les tensions pouvant exister dans les blocs opératoires
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 37 -
Le rapport de Singly36 décrit très bien un certain nombre de difficultés dans le
positionnement des cadres et constate l’importance d’un dialogue managérial, tout en
saisissant bien la distinction nécessaire entre représentation dans les instances et
dialogue opérationnel : « La participation aux processus de décision et la représentation
institutionnelle ne se confondent pas. Une implication active des cadres dans telle ou telle
instance de l’établissement ne garantit en rien leur réelle participation aux décisions
prises, notamment celles qui touchent à leur champ d’activité et de responsabilité. C’est
au demeurant une simple question de bonne gestion : comment un cadre peut-il
efficacement appliquer et expliquer une décision à laquelle il n’a pas participé? Au travers
d’une politique managériale propre à l’établissement, les cadres doivent être associés, à
tous les échelons de la structure, aux décisions les plus importantes. Un mode organisé
de participation des cadres aux décisions est indispensable. C’est vrai partout, et
particulièrement dans les grands hôpitaux : plus la ligne hiérarchique est longue, plus la
lisibilité et la cohérence managériales sont nécessaires. »
En réponse à ce questionnement, le rapport envisage cependant essentiellement
sous l’angle de la gouvernance institutionnelle « para-réglementaire » la question du
dialogue managérial, notamment en appelant à la création d’un « espace cadre ». Ceci
notamment parce que la réponse à ces interrogations ne peut-être uniforme sur
l’ensemble des établissements.
Si l’avis des cadres sur leur positionnement doit être recueilli dans ce type
d’instances « para-réglementaires », les conflits de rôle exigent un dialogue managérial
opérationnel qui ne peut se concevoir au cœur d’une instance mais seulement sous une
forme moins solennelle car permanente.
Une réflexion s’impose donc au sujet du positionnement des cadres et de
l’organisation de leur dialogue avec le reste de l’encadrement, notamment les cadres de
direction.
2.1.2 Promouvoir un positionnement opérationnel des cadres de santé et un
dialogue managérial permanent
Les conflits de rôle décrits précédemment impliquent une réponse managériale par
deux mouvements parallèles mais qui ne doivent pas être confondus au sujet du
positionnement des cadres de santé. Ce positionnement est décrit de façon théorique par
de nombreux documents qui permettent de définir ce qu’est un cadre de santé en
particulier le référentiel métier37. Au niveau de l’établissement, les fiches de poste
36
Ibid. 37
Op. cit.
- 38 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
permettent une déclinaison enrichie par une réflexion de l’ensemble du management sur
les cadres (B). Il importe de ne pas confondre cette réflexion de moyen et long terme avec
un dialogue opérationnel essentiel pour assurer le positionnement des cadres. Il s’agit
plus de permettre, concrètement, à des cadres de santé de tenir le rôle opérationnel qui
est le leur. (A)
A) Assurer un positionnement opérationnel d’encadrement des cadres de santé
Le positionnement d’encadrement des cadres de santé est un sujet complexe mais
récurrent dans les établissements de santé. Dans de nombreux cas, les cadres
n’adoptent pas un positionnement d’encadrement. Certains signes sont éloquents sur
cette difficulté de positionnement.
De nombreux cadres adoptent un tutoiement à l’égard de leurs équipes. Si ce
tutoiement n’est pas rédhibitoire dans la fonction de cadre, il fait « courir un risque » et
« fragilise » le cadre dans son positionnement lorsqu’il a à prendre des décisions difficiles
car il entretient une proximité et affaiblit le rapport hiérarchique38 entre encadrant et
encadré au regard de la culture française. La métaphore faite en introduction entre la
notion de cadre et le cadre d’un tableau semble ici très utile : le cadre est en prise mais
différent du sujet qui est encadré.
Ainsi, le positionnement d’un cadre de santé interroge lorsque ce dernier défend
un personnel infirmier en situation de faute professionnelle, au lieu d’instruire et d’informer
la direction des soins pour lui permettre de prendre la décision adéquate39.
Dernier exemple, l’analyse de plusieurs rapports de garde de l’établissement
étudié, montre que de très nombreux recours au directeur de garde n’auraient pas lieu
d’être. Il en est ainsi pour réaliser simplement un état des lits disponibles à l’aval des
urgences alors que cette disponibilité ne pose aucune difficulté ce jour là.
Or il est difficile de savoir qui « de la poule ou de l’œuf » est apparu en premier.
Cette situation s’explique-t-elle par le manque de « positionnement cadre » des cadres de
santé du fait de la faible autonomie qui leur est donnée ou s’explique-t-elle par une
volonté de contrôle des directeurs au regard de la faible autonomie des cadres ?
Probablement les deux.
38
Entretien avec le Directeur des soins coordonnateur général des soins du CHU de Rennes 39
Idem
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 39 -
a) Des cadres en difficulté de positionnement d’encadrement
Les entretiens réalisés montrent que certains cadres peinent à se positionner
comme cadre. Ainsi, plusieurs tiennent des propos relativement contradictoires.
Face à une situation de réduction de poste, un cadre affirme ainsi « A nous, en
tant que cadre, de défendre ces postes ». Ce qui tend à montrer une conception de son
rôle très centrée sur le service à cause des conflits de rôle et des modes de gestion qu’ils
impliquent. Mais le cadre affirme plus tard à propos d’une augmentation d’activité avec
une création de postes limitée : « L’équipe n’est pas d’accord, moi je suis plutôt d’accord
avec les effectifs annoncés par la direction ». Défenseurs de service ou cadres
d’établissement en charge d’un service de soins, les cadres peinent à se positionner.
Dans une telle situation, la méthode des incidents critiques a montré tout son
intérêt puisque le positionnement de la très grande majorité des cadres dans une situation
de demande de réduction de poste s’apparente plus à celui d’un représentant du
personnel qu’à un cadre au sens générique du terme (cf. définition en introduction). Ceci
alors que les cadres déclarent dans les questionnaires que leur positionnement est
principalement celui d’un cadre de proximité40. La méthode illustre donc l’écart entre la
conception que les cadres ont de leur rôle et la réalité de leur comportement.
En effet, la quasi-unanimité des cadres interrogés a répondu à cette situation de
conflit de rôles inter-rôle (entre la demande de la direction et la résistance de l’équipe
soignante) de façon similaire. La réponse classique peut être résumée dans la phrase de
l'un des cadres interrogé « mon positionnement va être de défendre mon unité ». Ce
positionnement est parfois nuancé mais il demeure principal (un cadre seulement précise
« on représente une unité ou un service, mais il ne faut pas oublier l'appartenance à un
pôle d'activité puis à l'institution »)
De multiples facteurs peuvent conduire à ce type de positionnement. Parmi eux il
existe des facteurs dus à l’établissement : une taille de l'hôpital telle que l'on ne connaît
pas ceux à qui l'on « porte préjudice » en ayant un comportement « individualiste » ou la
complexité des rapports interpersonnels dans l'hôpital.
Mais l’on peut aussi envisager des facteurs liés aux cadres de santé eux-mêmes :
la formation des cadres, le « deuil » non réalisé de la fonction soignante conduisant à
prendre fait et cause pour l’équipe encadrée, l’attachement du cadre à « ses » équipes et
« son » service en raison de l'intensité émotionnelle inséparable de l'activité d'un service
de soins hospitalier mais aussi difficultés de positionnement et façon de gérer la tension
de la proximité de l'équipe...
40
Cf. Annexe 3, Analyse des questionnaires, question 2
- 40 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
Ce dernier élément est clairement la difficulté principale des cadres rencontrés.
Lorsque l’on analyse leurs réactions aux mises en situations, cette « défense » du service
apparaît comme un mécanisme de gestion de leur relation avec l’équipe. La pression
entre les deux parties exerçant une pression sur les cadres est parfois telle, qu’elle
contraint ces derniers à « choisir leur camp ». Or, comme décrit précédemment, il est plus
facile de ne pas être en conflit avec ceux avec qui l’on travaille tous les jours. Cette
défense du service apparaît comme un mode de gestion des conflits de rôle.
Les facteurs évoqués plus haut conduisent à un déplacement de la zone de
conflits potentiels qui se situe entre les cadres de santé et le bloc formé par la direction, la
direction des soins et les cadres supérieur de santé. Ceci alors que la zone de conflits
potentiels devrait logiquement se situer entre l’encadrement et les équipes encadrés,
notamment si l’on s’en réfère à la définition du terme conflit conçu comme« une
opposition d’intérêt entre deux ou plusieurs parties ».
Un effort majeur d'appui managérial est donc nécessaire pour lutter contre une
culture historique, d'une part, et lutter contre la pression psychologique très forte qui pèse
sur les cadres du fait de leur statut de cadre de proximité, d’autre part.
Il s’agit de lutter contre une culture historique, non par principe, mais parce que
cette culture contrevient à l'impératif, de plus en plus fort, d'efficience, donc de partage
des ressources entre services et entre pôles. Les cadres doivent pouvoir assumer leur
rôle de cadre de proximité et ont besoin pour cela d’un soutien important. Le fait que de
nombreux cadres se sentent isolés doit interpeler. « Il y des moments où je me sens
seul » dit un cadre. Or un cadre isolé est un cadre fragilisé et qui ne peut plus tenir son
rôle de cadre de proximité, notamment parce que ce rôle est par nature difficile du fait de
la confrontation permanente avec le terrain. Un cadre isolé optera quasi-
systématiquement pour un positionnement de représentant de son équipe car il ne pourra
pas tenir seul le rôle difficile de cadre-détenteur d’une parcelle d’autorité de la direction.
Dans ce travail, l’atout majeur pour les cadres de direction, est qu’un soutien
managérial permet de poursuivre des objectifs tout en réduisant le conflit de rôle inter
émetteur entre la direction et les équipes. Un cadre soutenu ne se trouve plus entre ces
deux éléments, il se trouve avec l’émetteur de rôle, porteur d’un projet auprès du
récepteur de rôle. Il devient co-émetteur de rôle et non pas récepteur de rôles
contradictoires. Il adopte donc un réel positionnement de cadre. Mais ce positionnement
n’est possible que si le cadre n’est pas absorbé par des tâches qui ne relèvent pas son
métier d’encadrement. Une conception claire et affirmée du rôle d’encadrement du cadre
doit accompagner le soutien managérial apporté aux cadres.
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 41 -
b) Développer la réflexion et la communication interne sur le rôle des cadres de
santé
Une interrogation fréquente existe au sujet de ce que doit faire ou ne pas faire un
cadre de santé. Il est certain que certaines tâches sont réalisées par les cadres pour
combler des incompétences internes ou des dysfonctionnements, alors qu’elles ne
relèvent pas de leur rôle. Une des difficultés est que la définition de leur rôle n’est pas
claire en particulier pour les cadres de santé et pour les acteurs qui les entourent. Par
ailleurs, les cadres de santé sont régulièrement utilisés à des tâches très diverses mais
dont ils ignorent la plupart du temps, si elles relèvent de leur rôle.
Plusieurs situations sont alors possibles. En premier, celle dans laquelle le cadre
exécute une tâche qui relève effectivement du cadre (selon le référentiel métier par
exemple) et en a connaissance. Cette situation ne pose aucune difficulté.
En deuxième, la situation dans laquelle le cadre exécute une tâche qu’il considère
comme le rôle du cadre mais qui ne l’est pas (ex : défendre les intérêts du service). Il
s’agit alors d’un risque pour l’établissement.
Un troisième cas est celui dans lequel le cadre exécute une tâche qu’il considère
comme ne faisant pas partie du rôle du cadre alors que cela en fait partie (ex : distribuer
une fiche de paie). Cela introduit une difficulté pour le cadre, et, s’il remplit mal cette
mission, un problème pour l’établissement.
En dernier lieu, existe la situation dans laquelle le cadre exécute une tâche qu’il ne
considère pas comme le rôle du cadre et qui n’est pas effectivement du rôle du cadre (ex :
tâches réalisées pour combler un dysfonctionnement : réalisation d’un appel d’offre par un
cadre interrogé). Cela pose des difficultés pour le cadre comme pour l’établissement.
Ces écarts entre perceptions, rôles attendus et rôles effectifs sont fréquents à
l’hôpital. La Direction Générale et la Direction des Soins du CHU de Rennes portent une
réflexion sur la formation des cadres du fait de l’écart constaté entre ce que les cadres
font et ce qui est attendu d’eux. Or, les cadres interrogés ne pensent être utilisés que
« parfois » à des tâches qui ne sont pas les leurs41. La plupart du temps, ils pensent donc
être dans leur rôle. Par conséquent, il est clair qu’un certain nombre d’attentes de la
direction à leur égard ne sont donc pas connues d’eux.
En résumé, il faut faire coïncider les tâches qui relèvent du métier de cadre, les
tâches remplies par les cadres effectivement et la conception des cadres de leur métier.
41
Cf. Annexe 3, Analyse des questionnaires, question 11.
- 42 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
Cela suppose de définir ce que l’on attend d’un cadre de santé (direction, direction
des soins, médecins, cadres de santé), notamment grâce aux groupements de cadres
(voir B), de faire connaître ce que l’on attend et de contrôler que les cadres remplissent
bien ce rôle (formation si nécessaire, procédure d’évènement indésirable en cas
d’utilisation des cadres pour des missions qui ne sont pas leur rôle etc).
Le CHU de Rennes a élaboré une fiche de poste très complète pour les cadres de
santé. Cependant, les compétences et le positionnement qu’elle décrit ne seront connus
que par une forte communication interne. Actuellement, un cadre de santé sur le même
poste depuis plusieurs années ne connaît pas les évolutions de cette fiche qui le
concerne autant que les cadres appelés à être recrutés.
En premier lieu, une telle communication vise à briser un cercle vicieux42
désormais bien établi. Ce cercle vicieux reliera une décision brutale qui déclenchera un
sentiment de manque de reconnaissance et de prise en compte des cadres entrainant
des conflits de rôle pour le cadre positionné entre direction et équipes de soins. Un tel
conflit de rôle nécessitera un mode de gestion par le cadre de santé notamment le
positionnement comme représentant d’une équipe, plus que comme encadrant. Ce
positionnement induira un manque de confiance des cadres de direction à l’endroit des
cadres de santé, accentuant la tentation de décision unilatérale etc.
En deuxième lieu, la réflexion sur le rôle des cadres permet de structurer leur
action et d’affirmer leur positionnement d’encadrement. Une telle réflexion trouve toute sa
place au sein des groupements de cadres demandés par les cadres de santé de plusieurs
établissements ces dernières années.
La préoccupation des hôpitaux, notamment ceux de grande taille, à propos d’une
représentation des cadres de santé n’est pas nouvelle (par exemple le CHU de Rouen en
2006).
Néanmoins, plusieurs difficultés freinent ce genre de démarche notamment la
crainte de la création d’une instance supplémentaire alors que l’hôpital semble parfois
souffrir d’une surabondance de commission (la loi HPST avait voulu y remédier via la
création des sous-commissions de la CME en remplacement de commissions
hétéroclites). Le positionnement d’une telle représentation des cadres par rapport à la
CME ou aux représentations syndicales n’est pas évident. En 2011, le CHU de Rennes
s’est trouvé devant cette problématique et devant les questions qui y sont liées. Faut-il
organiser la représentation des cadres par une élection professionnelle ? Une telle
instance ne remplace-t-elle pas un syndicat ?
42
Cf. Annexe 4
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 43 -
En réalité, tout dépend des objectifs assignés à ce groupement. Cherche-t-on une
instance de réflexion sur un métier, la formation qui y conduit, le statut de cadre de santé
ou tout autre sujet se rapportant aux cadres de santé, voulons nous assurer une
représentation professionnelle des cadres ou souhaitons nous améliorer le
fonctionnement opérationnel de l’encadrement de l’hôpital pour une meilleure efficacité et
pour un bien-être plus grand au travail pour les cadres ? Chaque objectif commande une
structuration spécifique.
A ce titre, les collèges de cadres sont souvent cantonnés à la réflexion sur les
cadres eux-mêmes et peinent à trouver leur forme mais aussi leur fond. Ils ne répondent
pas pleinement à la question des conflits de rôle. Ils répondent aux préoccupations d’une
profession qui subit une forte évolution de son métier (définition d’un cadre de santé,
formations, statut etc.). Bien que très utiles, ces réflexions ne permettent d’affronter que
les difficultés quotidiennes des cadres.
En plus de cette limite, les collèges cadres formés dans différents établissements
sont exclusivement monoprofessionnels. Il apparaît très difficile de définir ainsi
précisément les attentes relatives aux cadres sans le concours des acteurs qui les
entourent. Aujourd’hui la définition du rôle d’un cadre dans un établissement doit être
travaillée mais cela exige d’intégrer à la réflexion les directeurs d’hôpital, les médecins,
les soignants etc.
Ces deux limites de conception et d’objectifs des « espaces cadres », pour
reprendre la terminologie du rapport de Singly n’ont pas de vocation opérationnelle
directe.
B) Assurer un dialogue managérial permanent en dépit des contraintes de taille
des grands établissements de santé
Or ce dont souffre l’hôpital, et avec lui les cadres de santé, c’est le manque
important de dialogue managérial43 dans un univers pourtant complexe qui nécessite des
adaptations permanentes. La seule réponse envisageable à cette complexité reste la
création d’un système souple et pragmatique parce qu’il intègre les préoccupations
quotidiennes ultra-locales (à l’échelle du service et du pôle) tout en assurant la
transmission d’une vision stratégique de long terme et à l’échelle d’un établissement,
voire d’un territoire.
43
« On ne peut pas diriger cette maison si ce relai (ndlr. avec les cadres) n’existe pas […]. Il faut
que ca monte et que ce descende en permanence sinon nous serons coupés (ndlr de la réalité) et
vous, vous n’aurez pas d’éclairage », A. FRITZ – Directeur Général du CHU de Rennes en
Assemblée Générale des cadres le 6 avril 2012
- 44 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
Par conséquent, les collèges de cadres peuvent être des lieux de réflexion
principalement, mais il doit exister, par ailleurs, des lieux opérationnels de transmission
des informations dans le sens ascendant et descendant.
Les grèves des cadres traduisent le sentiment chez les cadres de manque de
prise en compte des situations concrètes quotidiennes et le manque de « communication
soutenante » accompagnant les décisions prises. Nul ne conteste qu’il est très difficile de
prendre une décision générale pertinente s’appliquant à des situations particulières si
aucune remontée d’information n’est organisée pour appuyer et fonder cette décision. Le
parallèle avec l’idée de base du toyotisme n’est pas sans intérêt. Bien entendu, une
grande prudence doit être de mise concernant les transpositions d’éléments de ce type de
management par ailleurs largement critiquable. Néanmoins, la confiance qu’il suppose de
la part du « top management » dans les équipes de terrain dans la remontée d’information
et dans la proposition de solutions aux problèmes de terrain, peut être une source
d’inspiration pour toute organisation complexe, dont l’hôpital.
Le défi que représente cette transmission d’information dans un établissement de
grande taille contraint à un découpage plus fin. L’idée du découpage en pôle n’a d’autre
fonction que de proposer une masse critique permettant une prise en charge moins
cloisonnée, une gestion financière optimisée et un dialogue managérial plus fin,
notamment dans les grandes structures. Un tel dialogue permet de favoriser la prise en
compte des spécificités de chaque pôle ou service mais aussi favoriser le vrai rôle des
cadres.
Une piste d’action est de faire participer, sur invitation du cadre supérieur de santé
(pour éviter le danger de le délégitimer), et sur les questions mises à l’ordre du jour par
les cadres du pôle exclusivement, un membre de la direction des soins et éventuellement
un directeur adjoint, à une partie de la réunion des cadres du pôle. Il ne s’agit pas de
délégitimer l’encadrement intermédiaire mais d’éviter le filtre d’une retransmission qui doit
avoir lieu par ailleurs (réunion de Cadres Supérieurs de Santé), et la méconnaissance
donc la perte de confiance entre l’encadrement de proximité et l’encadrement de
direction.
Le CHU de Rennes compte 16 pôles et 3 directeurs de soins. En considérant que
chacun travaille, hypothèse basse, 10 heures par jour, soit 200 heures par mois, participer
pendant 1 heure à la réunion de 6 pôles chacun une fois par mois (il faut une fréquence
relativement dense pour assurer une connaissance donc une confiance mutuelle), soit 6
heures de réunion par mois, revient à 3% du temps de travail d’un directeur de soins.
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 45 -
L’argument selon lequel il est très difficile de réaliser ces réunions en assurant une
information identique et simultanée pour chaque pôle ne tient pas puisqu’il s’agit de faire
remonter des informations et non pas principalement d’en faire descendre.
Faire le pari de ce dialogue sur les difficultés rencontrées par les équipes de
terrain, présente des avantages multiples : faire traiter ensemble des situations aux
cadres et cadres de direction avant que celle-ci ne dégénèrent et ne demandent un
investissement encore plus chronophage de chacun, supprimer l’argument selon lequel
les cadres de direction ne connaissent pas le terrain et celui selon lequel les cadres de
santé ne se préoccupent pas de l’efficience, intégrer en permanence les considérations
du terrain dans les décisions, assurer la communication tout au long du murissement
d’une décision, assurer l’unité managériale par la confiance, utiliser pleinement les
ressources et compétences de chacun etc.
L’avantage majeur de cette réunion réside dans la connaissance mutuelle des
cadres de direction et des cadres de santé favorisant une confiance mutuelle. L’autre
avantage de ces échanges permanents est d’éviter ce qui pourrait être appelé
« l’étanchéité des buts ».
L’échange des informations permet une vision unifiée (et non pas unique) de la
situation et donc un partage des solutions à adopter. L’ignorance crée la division. C’est ce
dont se plaignent les cadres de santé : une information-simultanée à la décision,
« hachée » selon un cadre interrogé, « impérative » et nécessitant un traitement « dans
l’urgence » selon un autre.
En théorie, en matière opérationnelle quotidienne, l’idée même de pédagogie de la
direction envers les cadres peut susciter la réflexion. La pédagogie sert à instruire, elle
permet de transmettre un savoir à quelqu’un qui ne l’a pas. Cela se conçoit dans le rôle
propre stratégique de la direction d’un établissement. Pour ce qui concerne le
fonctionnement opérationnel, les cadres ayant normalement été impliqués dans
l’élaboration de la décision (pas dans la décision elle-même), ils connaissent les
impératifs ayant conduit à la décision : nul besoin de pédagogie, fort besoin de soutien à
la mise en place de la décision.
Or c’est à ce niveau que le bât blesse. Peu informés et informant peu, les cadres
demandent un dialogue managérial plus fort très bien décrit dans le rapport de Singly44.
Cela leur permettrait de prendre pleinement leur rôle de cadre de proximité. De nombreux
cadres décrivent leurs difficultés à asseoir leur légitimité quand ils ignorent à la fois ce que
44
Op. cit.
- 46 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
va décider la direction et le sens de ce qu’elle va décider. Leur crédibilité est fortement
entamée lorsque les équipes demandent des éléments d’information sur un changement
de service un mois avant la date dudit changement et que les cadres ne savent pas
répondre par manque d’information.
Aujourd’hui, les directions d’établissement regrettent que les syndicats déforment
dans leurs tracts et informations les projets qu’elles mettent en place. En réalité, les
syndicats occupent un terrain vide car les cadres ne l’occupent pas, trop peu informés et
trop peu informants, à cause d’un dialogue managérial trop réduit. Rééquilibrer des
modes d’information différents par nature, mais complémentaires, que sont les cadres et
les représentants du personnel est donc aussi un enjeu de cette communication
opérationnelle. La Directrice de la Communication du CHU de Rennes confirme d’ailleurs
cette idée en souhaitant planifier l’information plutôt que de devoir réagir à des situations
de crise ou d’inquiétude.
En résumé, les collèges de cadres créés dans plusieurs établissements répondent
à une problématique : celle d’avoir un lieu de dialogue et de réflexion entre les cadres et
la direction sur les orientations à donner à la formation des cadres de l’établissement en
intégrant les évolutions de leur métier dans l’établissement, le statut des cadres ou tout
autre sujet de long terme.
Sur le plan opérationnel, seul un dialogue managérial plus intense et plus direct
permettra d’éviter l’étanchéité des buts et de positionner les cadres comme tels. Le rôle
de l’association des cadres de santé du CHU de Rennes ne peut avoir ce rôle
opérationnel. Il peut nourrir la réflexion notamment par des enquêtes via intranet sur les
besoins et le positionnement des cadres et gagnerait d’ailleurs à être pluriprofessionnel, la
question des cadres concernant l’ensemble du management hospitalier.
Un travail important est donc nécessaire sur les cadres afin de les positionner
comme cadres là où ils sont parfois cantonnés à des rôles de représentants des équipes
de service de soins. Un tel mouvement présente deux difficultés majeures. En premier
lieu, il est un travail de longue haleine nécessitant de multiples actions complémentaires,
dont les effets ne sont pas visibles rapidement, ce qui n’est guère compatible avec
l’urgence chronique du temps de l’hôpital. En deuxième lieu, il suppose autant
d’investissement des cadres que du management de direction de l’hôpital, ce qui suppose
pour ce dernier d’abandonner parfois l’urgence de la réaction pour la lenteur de l’action.
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 47 -
2.2 La prévention et la gestion par l’encadrement de direction des
conflits de rôle des cadres de santé
Les difficultés rencontrées par les cadres de santé préoccupent nécessairement les
cadres de direction de l’hôpital. En premier parce que ces difficultés pénalisent le
fonctionnement de l’établissement, mais en deuxième lieu aussi, parce que ces conflits de
rôle interrogent le management des cadres de direction. Ils affectent l’unité managériale
et affaiblissent l’action des cadres de direction.
Les directeurs d’hôpital sont généralement bien conscients de l’existence de ces
conflits inhérents aux structures complexes. Ceci d’autant plus qu’ils en font aussi les
frais. En effet, de nombreux directeurs décrivent leur exercice professionnel comme très
marqué par injonctions paradoxales des acteurs internes ou externes à l’hôpital. Ils sont
également nombreux à réclamer une plus grande autonomie, notamment depuis la
création d’Agences Régionales de Santé (ARS) plus directives que leurs ancêtres
Agences Régionale de l’Hospitalisation (ARH). De leur point de vue, de nombreuses
injonctions paradoxales pourraient être évitées grâce à cette autonomie reconnaissant
leur compétence opérationnelle de terrain. En somme ils appellent à l’application du
principe de subsidiarité à leur endroit en raison de l’adaptation permanente aux situations
locales qu’exige une politique nationale de santé.
Or à un niveau infra-établissement, ce principe de subsidiarité trouverait
pleinement sa place entre l’encadrement de direction et les cadres de proximité. Un tel
fonctionnement suppose de surmonter la méfiance culturelle existant entre cet
encadrement de direction et les cadres de santé. Un management de la confiance
apparaît donc essentiel à l’application du principe de subsidiarité.
Ceci est d’autant plus difficile que l’hôpital n’est pas organisé historiquement sur la
base du principe de subsidiarité. Pourtant la complexité de son organisation étant très
difficile à appréhender au niveau de l’établissement dans son ensemble, un tel principe de
rapprochement du centre de décision vers le terrain peut trouver une justification malgré
les freins nombreux à un tel fonctionnement (A). En particulier, cela suppose un
management de la confiance qui n’est pas simple à mettre en place, notamment en
période de tension financière (B).
- 48 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
2.2.1 Encadrement de direction et principe de subsidiarité
Le principe de subsidiarité se définit comme le fait d’attribuer à l’entité la plus
proche du problème le soin de le résoudre. Ce principe ne se conçoit pas sans le principe
de suppléance, c'est-à-dire le devoir pour l’entité de l’échelon supérieur de soutenir l’entité
inférieure lorsque celle-ci peine à résoudre le problème.
Plusieurs obstacles existent dans la mise en œuvre de ce principe.
En premier, dans une période de tension budgétaire la tentation de la direction
d’un établissement peut-être grande de passer outre ce principe en imposant notamment
les décisions difficiles qui s’imposent et donc en centralisant la décision.
Sur ce point, il faut alors éviter tout angélisme. Les tensions budgétaires
rencontrées par les hôpitaux nécessitent parfois des décisions difficiles et relativement
rapides qu’il est difficile, si ce n’est impossible, d’obtenir par la négociation interne. « Le
fait de passer de 19 à 14 RTT, ca ne se négocie pas » affirme ainsi le Directeur Général
du CHU de Rennes.
Ensuite, la limite du principe de subsidiarité réside dans la capacité du cadre de
proximité à faire face aux difficultés rencontrées.
Certes, il paraît nécessaire d’accroître le rôle des cadres de santé dans la
résolution des problèmes, notamment parce qu’ils sont les plus à même de juger finement
la situation et parce que ce travail est trop largement réalisé par les échelons supérieurs.
L’embolisation des échelons supérieurs et la déresponsabilisation des cadres sont les
deux conséquences néfastes de ce fonctionnement.
Cependant, dans un établissement habitué à ne pas utiliser ce principe, la période
de transition est difficile parce qu’elle nécessite de faire confiance à des cadres qui n’ont
pas l’habitude d’avoir autant de latitude et de responsabilité. C’est donc prendre le risque
d’un mauvais traitement des problèmes et d’un manque de cohérence à l’échelle de
l’établissement.
Deux éléments permettent d’accompagner cette transition. A court terme, par la
formation afin de faire monter en compétence permettant l’application du principe de
subsidiarité. A terme immédiat, par l’amélioration de la qualité du reporting et du dialogue
managérial (qui ne sont que les traductions concrètes du principe de suppléance)
permettant d’être informé et d’agir rapidement en cas de défaillance du cadre (cf. 2.2.2).
Cette double action permet un rehaussement progressif de chacun des
positionnements des niveaux hiérarchiques. Plus de confiance et plus de contrôle
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 49 -
conduisent à augmenter la prise des cadres de santé sur les événements (ce qu’ils
recherchent en devenant cadre de santé45). Parallèlement, cela évite la saturation
opérationnelle pour les cadres de direction.
Pour les cadres de direction, l’évolution vers un tel positionnement nécessite de
renoncer à la tentation de s’occuper de tout. Cela est d’autant plus difficile que cette
tentation est en réalité le plus souvent une hyper sollicitation. L’envahissement
réglementaire, qualitatif, financier au quotidien est souvent décrit comme une difficulté
pour exercer son métier. Le Directeur Général du CHU de Rennes déclare ainsi : « nous
dépensons de l’argent public et il est normal d’en rendre compte mais cette ingérence de
l’ARS et ses demandes multiples deviennent difficilement gérables 46».
Le fait d’être en permanence confronté à des stimuli de toute sorte, contraint le
directeur d’hôpital à réagir pratiquement plus qu’à agir. L’énergie considérable dépensée
dans ces réactions est décrite comme une gêne importante dans le management d’un
établissement. Or cette énergie n’est donc plus consacrée à la conduite du changement.
C’est, en particulier, le cas du directeur de type « héros47 » qui sait tout faire et
porte l’hôpital à lui tout seul.
Se repositionner sur des fonctions de contrôle, d’arbitrage et d’orientation
stratégique nécessite probablement une réflexion régulière des cadres de direction sur
leur exercice professionnel. Or la dictature de l’urgence de l’hôpital ne favorise pas, voir
empêche, une telle réflexion. Celle-ci devrait pourtant régulièrement avoir lieu au sein de
l’équipe de direction mais aussi pour chaque directeur adjoint ou directeur des soins, avec
ses équipes, notamment d’attachés d’administration hospitalière. A ce titre, les directeurs
adjoints et directeurs de soins ayant participé à une réflexion sur le projet d’établissement
du CHU de Rennes le 27 septembre 2012 apprécient le fait de pouvoir prendre le temps
du recul et de la réflexion.
Néanmoins, une telle hyper sollicitation ne peut que conduire à une interrogation
sur la confiance faite au reste de l’encadrement. D’une part, l’encadrement de direction
constate sa propre saturation, et d’autre part il regrette d’avoir à réaliser lui-même
certaines tâches de crainte d’une perte de contrôle de la situation.
Comment lutter contre ce phénomène sinon par la priorisation et le management
par le sens48 ? Comment ne pas comprendre le rôle des managers, et donc des cadres
45
Cf. Annexe 3, Analyse des questionnaires, question 3 46
Réunion de direction du CHU de Rennes du 6 septembre 2012 47
LAUDE L., Diriger, à paraître dans Revue Décision Santé 48
TROSA S. et BARTOLI A., Le management par le sens au service du bien public, Coll. « Profession cadre Service public, 2011
- 50 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
de direction, comme l’art de conduire ces priorisations et cette communication sur le sens.
C’est à dire comme l’art de permettre au personnel de travailler ensemble dans un
environnement complexe par des arbitrages permanents sur les priorités.
Ce management par la priorisation et par le sens, découle certes d’un projet
d’établissement, d’un projet médical, d’un projet managérial, mais aussi, quotidiennement
par la transmission, claire, structurée et synthétique de l’information.
Ceci est valable dans les sens « top-down » et « bottom-up ». Ce mode de
fonctionnement n’est pas simple à mettre en place car le non partage d’information est
parfois confortable. Il permet d’éviter d’être remis en question, d’avoir à changer ses
pratiques en ressortant l’argument courant du type « le directeur ne connaît pas le
terrain » ou « les cadres et les médecins ne suivent pas mes directives ». En d’autre
terme, ce non partage d’information limite la remise en question et ne favorise pas la
confiance entre les membres de l’encadrement.
Le rapport IGAS précédemment évoqué sur le management hospitalier indique
que « Cette confiance entre managers et collaborateurs a pu être présentée comme un
des fondements du « lean management » qui sous-tend que les collaborateurs sont les
mieux placés pour trouver les sources d’inefficacité et que pour les trouver, c’est bien un
travail sur le terrain qu’il convient de réaliser. De même que pour les hôpitaux
magnétiques, le sentiment de proximité et d’écoute entre les personnels et la direction,
d’écoute et de respect, constitue un élément incontournable de la réussite de ces
démarches. »49
2.2.2 Management de la confiance : congruence, communication interne et
effectivité
Un tel principe de subsidiarité nécessite de gagner la confiance des cadres et de
s’assurer que l’on puisse leur faire confiance. Cela passe nécessairement par une
communication renforcée mais aussi par un management de l’effectivité qui restaure la
confiance des cadres dans les cadres de direction. Schématiquement, il s’agit de dire ce
que l’on fait et de faire ce que l’on dit.
Un cadre décrit ainsi parmi les attentes les plus importantes qu’il formule à l’égard
de la direction le fait d’avoir une « politique claire » nécessitant donc « transparence et
communication » pour atteindre des « objectifs raisonnables ».
49
Op. cit.
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 51 -
A) Dire ce que l’on fait ou l’amélioration de la communication interne
La communication interne est souvent réduite à la communication interne descendante
(b). Or il est sans doute, encore plus important d’assurer et de structurer la
communication ascendante notamment dans les établissements de grande taille (a).
a) Codification et systématisation du reporting
Les réunions de cadres dans un CHU ne permettent pas d’assurer la remontée de
l’information. Au CHU de Rennes, les 130 cadres de santé finissent pas se lasser de ce
type de réunion qui ne répond que partiellement à leur attentes du fait de son caractère
« descendant ». Dans ces assemblées, l’information ne peut être que descendante ce qui
convient bien pour une information solennelle. Cependant l’idée qu’une information puisse
être remontée par une réunion de 150 personnes est illusoire. Ceci d’autant que les
remontées d’information peuvent être la source de décrédibilisation et donc de « guerre
de position » du type : « ce que vous affirmez n’est pas vrai » « mais si venez voir, vous
êtes trop éloigné du terrain ».
Pourtant le principe de subsidiarité évoqué plus haut nécessite une telle remontée.
L’amélioration du reporting nécessite, outre la mise en place de réunion de cadres de
pôle, la codification des procédures et des documents de reporting via les cadres
supérieurs de santé (ce qui, au CHU de Rennes, est fait pour les événements
indésirables seulement pour le moment).
Cette amélioration du reporting est une des actions majeures d’une procédure
qualité. La création en 2008 de la Direction de la Qualité et des Relations avec les
Usagers (DQRU) au CHU de Rennes a permis une structuration de modes de
communication mais qui demeure restreinte à certaines situations.
La structuration de la communication interne relative aux gardes est un exemple à
suivre. Chaque acteur sait à qui il doit transmettre les informations et selon quel support.
Ces procédures ayant tendance à être déformées ou moins respectées au fil du temps, il
convient de contrôler régulièrement leur application et d’interroger régulièrement leur
pertinence.
A titre d’exemple, une difficulté de transmission des informations entre directeurs
de garde a conduit au rétablissement d’une réunion de transmission en début de
semaine, réunion qui avait disparu au fil du temps.
A fortiori, il paraît nécessaire de codifier la communication entre le management
intermédiaire et de direction et les quelques 130 cadres du CHU.
- 52 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
Cette information ascendante permet de nourrir les décisions prises par la
direction, décisions qui doivent faire l’objet d’une communication permanente.
b) Mise en place d’une communication permanente et plus exhaustive envers les
cadres
En 2011, suite à leur grève, les cadres de santé du CHU ont exprimé leurs
revendications et notamment le fait « de comprendre l’organisation de la démarche
décisionnelle du CHU, et d’être au fait des latitudes d’action que vous avez (ndlr : la
direction). Cela pour faire évoluer nos propres fonctionnements face aux réalités du
quotidien et d’éviter l’apparition dramatique d’un abysse entre l’administration et les soins
dont les répercussions auraient inévitablement des conséquences non moins dramatiques
sur les patients. »
Cela est confirmé par les déclarations des cadres interrogés. L’un d’eux évoque la
nécessité d’une « politique claire, de la transparence dans la communication sur les
projets ».
Ce dialogue peut être descendant par note interne, par réunion des cadres mais il
doit aussi laisser une place au dialogue et à l’explication (même si en théorie nul besoin
de pédagogie pour les décisions opérationnelles envers un encadrement qui doit être
associé et qui doit connaître les raisons d’une décision non stratégique). Les cadres de
direction évoquent souvent le fait que ce dialogue est bloqué par les cadres qui freinent
les projets en invoquant leurs contraintes. Il est vrai que les cadres déclarent souvent que
leurs attentes de la direction sont « la prise en compte des contraintes », la
« compréhension ».
Cependant, l’encadrement de direction répond trop souvent par une négation de
ces contraintes, ou par une minimisation. Ne serait-il pas envisageable d’axer la
communication de l’encadrement de direction sur ses propres contraintes ? En plus
d’informer les cadres sur les contraintes qui pèsent sur l’encadrement et qu’ils
connaissent mal ou dont ils saisissent mal l’ampleur, cela permet de mettre en balance
les contraintes de chacun et d’arbitrer en connaissance de cause.
Il est toujours plus facile de nier la contrainte des autres quand on la minimise. Il
est intéressant de constater en immersion par le stage, la méconnaissance importante
chez les cadres de santé des pouvoirs réels du directeur de l’hôpital face à des
mouvements structurels d’ampleur. Cela est largement dû à une information descendante
qui n’existe que pour transmettre une décision. Il paraît pourtant nécessaire d’informer
régulièrement de l’évolution de la réflexion.
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 53 -
A titre d’exemple, un directeur d’établissement explique que pendant longtemps, il
a voulu attendre d’être certain que les outils de comptabilité analytique qu’il mettait en
place soient parfaitement fiables avant de les diffuser. N’arrivant pas à cette parfaite
fiabilité, il a finit par les communiquer en l’état. Cette diffusion a permis la critique
constructive et ainsi la fiabilisation des outils.
Par conséquent, les directeurs doivent informer de leurs vraies contraintes…Ceci
n’est pas une simple question de respect des cadres ou d’outil de conviction, c’est aussi
une question d’efficacité managériale. Des cadres informés du sens, des contraintes et du
contenu de l’action de la direction sont des cadres plus efficaces. Frédérik Mispelblom
Beyer écrit ainsi : « Les cadres […] ont pour tâche de représenter l’entreprise auprès des
salariés encadrés, de la mettre en forme, d’en expliquer les stratégies, de dire en quoi
telle décision est inévitable si l’on veut garantir la survie de l’entreprise. » « Les cadres
détiennent certaines parcelles de pouvoir qui, bien que toujours déléguées, ne leur en
donnent pas moins des moyens supplémentaires par rapport aux salariés qu’ils
encadrent. »50
Une difficulté importante dans cette communication des contraintes mais aussi des
intentions et des projets, réside dans la crainte majeure pour les cadres de direction d’un
manque de contrôle de l’information. La tentation d’avancer masqué est donc importante.
Il est vrai que la communication transparente envers les cadres de santé nécessite
que ces derniers soient conscients du caractère stratégique de la maîtrise de l’information
dans la conduite du changement. Il est certain que tout ne doit pas être dit tout de suite et
n’importe comment, mais une politique de communication fondée sur la transparence
maximale (et non pas exhaustive) permettrait de favoriser l’adhésion des cadres en
informant de l’état de la réflexion et en indiquant le sens de l’action ; ceci afin de limiter les
résistances des cadres eux-mêmes en mettant en regard les contraintes d’un service et
celles d’un établissement. Un cadre pleinement informé des contraintes de l’établissement
et des contraintes subies par ses collègues intègre d’autant plus facilement les
contraintes qui lui sont imposées.
Mieux, cette transparence permet d’utiliser pleinement le levier de l’encadrement.
L’exemple constaté au CHU de Rennes de l’information permanente par l’encadrement de
direction d’un cadre de proximité non cadre de santé sur une réorganisation de son
service a permis à ce dernier d’accompagner le changement en court. Aucune difficulté
n’a été constatée sur ce secteur pourtant réputé socialement sensible.
50
MISPELBLOM BEYER F., 12ème journée d'étude du GDR CADRES Lyon - 15 décembre 2006
- 54 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
Le choix d’une telle stratégie suppose de limiter les conflits intra émetteurs et inter-
émetteurs par une réflexion sur l’organisation du travail en équipe de direction et du travail
avec la communauté médicale. Cela permet d’introduire plus fortement dans le mode de
travail des cadres de direction, la préoccupation des conséquences des orientations
prises sur le reste de l’encadrement.
Le rapport récent de l’IGAS sur le management est d’ailleurs strictement sur cette
ligne. « Nous avons décrit précédemment les différents leviers mobilisés par les
établissements pour améliorer notamment leur situation financière. Toutefois, le risque
d’une juxtaposition d’actions dont la cohérence serait difficile à saisir pour les acteurs
hospitaliers donne tout son sens à l’effort de management réalisé pour faire partager des
objectifs qui ne peuvent se limiter à la seule contrainte financière. Le management à la
confiance apparaît dans le domaine de l’entreprise comme un moyen d’insuffler de la
souplesse dans les organisations pyramidales de façon à multiplier les intelligences
interactives. Cette idée a été exprimée de façon très claire par un de nos interlocuteurs du
champ hospitalier : « On n’exploite pas assez la capacité des gens sur le terrain à activer
une vraie démarche efficiente»51.
Or la méfiance culturelle entre cadres de direction et cadre de santé doit être
surmontée par une communication permanente sur l’action menée mais aussi par un
management de l’effectivité, notamment en optant pour une stratégie d’actions réactives,
sensibles et mesurables par les cadres de santé.
B) Faire ce que l’on dit ou le management de l’effectivité
Un tel management par la confiance accompagné d’un principe de subsidiarité
nécessite de provoquer l’adhésion des cadres de santé. Or ces cadres ont le sentiment
que se succèdent indéfiniment les réformes et réorganisation dans un sens unique :
toujours plus d’effort. Le management des cadres suppose pourtant de susciter l’adhésion
de ces derniers.
La difficulté est que les cadres n’ont rien à gagner à rentrer dans le « système de
la direction ». Dans le contexte de restriction actuel, il apparaît important d’organiser la
satisfaction des cadres et leur bien être au travail. Cela passe notamment par des actions
ponctuelles, concrètes, mesurables52 et dont l’impact sur le travail des cadres et des
51
Op. cit. 52
Le CHU de Rennes est en cours de réalisation d’un baromètre social dont l’utilité serait grande pour mesurer la satisfaction des cadres de santé
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 55 -
services est perceptible. Or, les caractéristiques des projets hospitaliers sont souvent
diamétralement opposées à ces préoccupations. Ils sont souvent de grande envergure,
longs, et leur utilité directe pour le travail des cadres est parfois peu lisible.
Il faut reconnaître que ces projets hospitaliers se concentrent sur l’amélioration de
la performance des établissements, moins sur la facilitation du travail de leur personnel.
La aussi, le dossier patient informatisé est un exemple. Si les objectifs sous-tendant sa
mise en place sont évidents, il n’est pas certain qu’il facilite le travail des cadres
(formations à organiser, remplacement à prévoir pendant les formations, bugs
informatiques à gérer etc.). Susciter l’adhésion de ces derniers, en ne proposant que des
projets pour lesquels ils n’ont pas d’intérêt direct à agir, s’avère difficile à long terme.
Par ailleurs, des cycles courts de projets correspondent mieux aux cycles
individuels : les gens ne restent plus quarante ans dans un même établissement. Susciter
l’adhésion des cadres et plus encore des équipes de soins sur des projets à 25 ans est
une gageure.
Bien entendu, le but de la direction d’un établissement de santé n’est pas
premièrement de satisfaire ses cadres. Cependant, il faut bien remarquer que les projets,
simples, concrets et qui aboutissent ont un effet positif sur la confiance entre cadres et
cadres de direction, elle même nécessaire à la réalisation des projets plus importants.
Les attentes des cadres, souvent moins difficiles à combler, sont peu prises en
compte (par exemple la réactivité des fonctions logistiques et des fonctions support pour
des travaux d’entretien dans un service). Favoriser la réalisation de ces mini-projets
permettrait d’une part d’améliorer le quotidien des cadres mais également de favoriser
leur confiance dans les cadres de direction. Ces derniers en ont bien besoin pour porter
des projets de plus grande envergure. Or susciter l’adhésion pour des projets de grande
ampleur alors que l’on peine à assurer l’effectivité d’un fonctionnement pour des micro-
projets apparaît difficile.
C’est ce qui conduit un cadre interrogé à affirmer qu’il attend de la direction des
« projets qui aboutissent concrets atteignables » ou un autre cadre à décrire ses attentes
de l’encadrement de direction comme un « accompagnement pour la mise en application
des décisions ».
Un cadre sera probablement plus convaincu par la réactivité et le soutien de cadre
de direction pour l’aider à organiser sa réserve de solutés et de médicaments qui lui pose
quotidiennement des problèmes de sécurité, que par une réunion détaillant des projets de
- 56 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
grande ampleur à vingt-cinq ans. L’un des cadres interrogé estime ainsi que l’une des
principales attentes qu’il formule auprès de la direction est « la réactivité ».
Il faut bien convenir que, là encore, la pression budgétaire a un effet majeur de
structuration de plus en plus forte de l’offre de soins. La nécessité de contenir les
dépenses tout en offrant une qualité forte des soins a conduit à la création de démarches
qualité très structurantes par la standardisation des pratiques et à la mise en place d’une
cohérence systémique forte via les ARH puis les ARS. Cette approche extrêmement
descendante par la déclinaison d’orientations nationales (ONDAM, Plan Cancer, Plans
Hôpital 2007 et 2012 etc) en orientations régionales (PRS) puis locales (CPOM, en
cohérence avec projet d’établissement) conduit à une vision très systémique.
Ces grands projets absorbent une énergie considérable des cadres et leurs
difficultés de mises en place laissent souvent un sentiment de frustration : celui du grand
soir inachevé au pire, celui de la réalisation d’un projet qui ne les sert pas pleinement au
mieux.
La succession de projets de grande ampleur laisse peu de place à des projets
concrets et liés au travail des cadres. Or ces projet sont certes moins ambitieux mais
nécessaires à la motivation et donc à la performance de l’encadrement de proximité de
l’hôpital.
En d’autres termes, l’action des cadres de direction doit intégrer à la fois les
objectifs à atteindre sur le plan stratégique mais aussi les moyens en encadrement
nécessaires pour y parvenir. Ces moyens sont à la fois quantitatifs mais aussi qualitatifs
par le niveau d’implication et de motivation qu’un établissement parvient à susciter chez
ses cadres de santé.
En résumé, il faut savoir « prendre soin » des cadres pour profiter pleinement de
l’effet de levier qu’ils sont pour un directeur.
Le double mouvement de communication interne et d’effectivité permet le
rétablissement d’une confiance nécessaire. Or une telle confiance est indispensable pour
la mise en œuvre d’un principe de subsidiarité lui-même essentiel pour faire face à la
complexité hospitalière grandissante. Sur ce point, il n’est pas inintéressant de constater
que des entreprises privées à but lucratif fondent leur stratégie sur cette confiance et cette
subsidiarité.
Le récent décès du fondateur d’une enseigne de grande distribution, a été
l’occasion pour les médias de souligner l’importance et l’efficacité de ces fondements pour
cette entreprise.
Les adhérents à l’enseigne en question sont propriétaires de leur magasin pour
assurer l’investissement personnel et la responsabilité de chacun mais aussi pour garantir
une adéquation forte entre les exigences commerciales locales et la stratégie adoptée par
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 57 -
chaque magasin. Cette subsidiarité se double d’un principe de suppléance pour ce qui ne
peut être effectué par un magasin…par exemple la communication commerciale en temps
de crise sur la vente de carburant à prix coûtant.
Le cahier des charges d’adhésion définit le rôle attendu. Il est ratifié par la marque
et par l’adhérent et stipule des engagements de solidarité (cautionnement des nouveaux
adhérents, participation à la vie collective, etc.) qui garantissent l’unité managériale du
groupe.
Le fait que cette entreprise soit une entreprise commerciale, et même
particulièrement commerciale, n’interdit pas de constater qu’elle connaît des contraintes
comparables sur certains points à celle d’un hôpital, au moins pour ce qui concerne la
complexité, la grande taille, la nécessité de répondre à une demande ou encore
l’exigence de qualité53.
Ces principes de confiance, de subsidiarité et d’effectivité ne sont donc pas des
vœux pieux qui n’auraient de place que dans une réflexion théorique, ils sont les leviers
adoptés par des organisations complexes parce qu’ils sont efficaces et efficients.
Dans un établissement de santé, leur place essentielle, dans un projet managérial
autant qu’au quotidien, doit donc être développée.
53
Un constat identique peut être réalisé dans des entreprises comme le Crédit Agricole ou le Crédit Mutuel.
- 58 - Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
Conclusion
La première conclusion de cette étude, la seule qui soit certaine, est la mesure de
l’humilité nécessaire à toute analyse d’un monde hospitalier de plus en plus complexe. La
conscience que « la critique est aisée mais l’art difficile » pousse à la modération face à la
forte imbrication des problématiques financières, organisationnelles ou managériales à
l’hôpital.
La modestie tient donc lieu de guide d’élaboration de ce mémoire qui se fonde sur
l’atout d’un œil neuf et trouve sa limite dans l’expérience professionnelle restreinte de son
auteur. Dès lors, si les pistes d’améliorations évoquées favorisent chez l’encadrement de
direction et les cadres de santé en fonction, une réflexion et des intuitions à explorer, le
but de ce travail sera probablement atteint. En tout état de cause, cette étude a permis au
jeune directeur d’hôpital que je serai, une réflexion sur son futur métier.
Sur le fond du sujet, il est évident que la qualité des soins dispensés par un hôpital
est largement corrélée à la performance managériale de l’établissement. Or le personnel
hospitalier est parfois lui-même un frein à cette performance notamment quand il subit
des conflits de rôle. Ceci d’autant plus que le management d’un hôpital ne se fait jamais
ex nihilo mais sur la base sédimentaire de comportements antérieurs parfois peu
orthodoxes, voire anormaux. Cependant, chaque directeur sait aussi que la plus grande
force de l’hôpital pour affronter les difficultés sera toujours son personnel, notamment ses
cadres de santé et que toute solution passe par eux.
L’intérêt pour un directeur d’hôpital de prendre en compte les conditions d’exercice
du métier de cadre de santé apparaît donc clairement. L’intégration de ces conditions de
travail, notamment les conflits de rôle, dans le type de management adopté permet
l’efficacité managériale sur le long terme. Le principe de subsidiarité et le travail de
communication managériale permettent de développer l’utilisation de la richesse des
compétences et des cultures des personnels hospitaliers.
Néanmoins, les bases d’un tel management sont exigeantes. La confiance et la
subsidiarité ne se décrètent pas, elles se conquièrent. L’effectivité nécessite une
implication de tous les instants de l’encadrement. Ces fondements permettent d’utiliser
pleinement le potentiel des cadres de santé, trop souvent sous-estimé et sous-utilisé
parce que sous-développé. Or ce sous-développement n’est pas imputable à des cadres
de santé trop peu professionnels ou à des cadres de direction trop peu soucieux des
cadres de santé.
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2012 - 59 -
Cette étude montre, en effet, que la complexité hospitalière, la gestion médico-
économique ou encore une gouvernance en cours de mise en place, génèrent d’elles-
mêmes des conflits de rôle. Or les modes de gestion développés en réaction à ces
conflits gênent le développement par les cadres de leur positionnement d’encadrement.
Répondre à ce mouvement, permanent et inévitable, de création des conflits de
rôle, par la seule formation en management des cadres n’est donc pas suffisant. Cette
dernière permet, certes, de développer des capacités comportementales – tout à fait
nécessaires - mais ne garantie pas que ces capacités soient utilisées face aux conflits de
rôle.
Le développement de ces conflits de rôle mais aussi l’évolution générale de la
société et de la culture du personnel hospitalier exigent désormais un management plus
interactif à défaut d’être participatif. Ceci en dépit de la structuration historique de l’hôpital
sur un modèle administratif et médical descendant et pyramidal qui rend ce changement
culturel difficile pour tous.
La prise en compte des conditions d’exercice du métier de cadre de santé par
l’encadrement de direction permet à ce dernier de développer une confiance mutuelle
avec les cadres de santé. Ce développement de la confiance apparaît donc comme un
fondement essentiel du projet managérial d’un établissement.
Ceci d’autant plus qu’un tel mouvement n’est pas sans favoriser le développement
de l’autorité des cadres de direction. Autorité non pas vécue comme autoritarisme mais
selon la définition d’Hannah Arendt54, « comme la capacité d’obtenir l’obéissance sans
recours à la contrainte par la force ou à la persuasion par arguments ». Cette autorité
implique une obéissance dans laquelle les cadres de santé gardent leur liberté et leur
créativité pour le meilleur fonctionnement de l’hôpital.
54
ARENDT H., La crise de la culture, 1962
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - 61 -
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Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - I -
Liste des annexes
ANNEXE 1 - Situations soumises aux cadres de santé
ANNEXE 2 - Questionnaire adressé aux cadres de santé
ANNEXE 3 – Analyse des résultats du questionnaire
ANNEXE 4 - Schémas explicatifs
ANNEXE 5 – Schémas explicatifs
ANNEXE 6 - Fiche de poste de cadre de santé du CHU de Rennes
ANNEXE 7 – Extrait du projet de management du CHU de Rennes
ANNEXE 8 - Proposition de structuration des réunions des cadres de santé d’un pôle
ANNEXE 9 – Entretiens complémentaires réalisés
II Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
ANNEXE 1
ENTRETIEN CADRE DE SANTE
Que feriez-vous dans chaque situation décrite ?
Situation 1
Le cadre supérieur de santé de pôle vous demande de surveiller vos effectifs pour l’équilibre
financier du pôle et de l’établissement. Votre service de maternité a une activité de plus en
plus forte ce qui est conforme à ce que demande le directeur. Ce matin, vous apprenez que
ce dernier demande aussi à l’ensemble des pôles de rendre des postes dans le cadre du
contrat de retour à l’équilibre.
Situation 2
Vous êtes cadre de garde aux urgences et des lits vous sont cachés par les services (vous-
même, dans votre service, il vous arrive de ne pas déclarer un lit le vendredi soir en
prévision d’une entrée le lundi). Or vous peinez à trouver des lits disponibles pour les
patients des urgences ce qui vous pousse à demander l’ouverture de lits supplémentaires au
directeur de garde. Celui-ci vous demande de trouver des lits disponibles coûte que coûte
pour éviter l’ouverture de lits supplémentaires.
Situation 2 bis
Vous êtes cadre d’un service de soins et vous apprenez ce lundi matin que la direction
souhaite faire passer en 12 heures les équipes de votre service. Ces dernières sont très
opposées à cette évolution.
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - III -
Situation 3
Après une expérience de cadre depuis 1 an dans un CH. Vous êtes depuis 2 mois devenu
cadre dans un service de réanimation d’un autre établissement. Vous êtes content car vous
étiez en concurrence avec d’autres cadres de ce nouvel établissement pour ce poste et vous
avez été choisi. Vous sentez que vous devez faire vos preuves vis-à-vis de vos collègues.
Ce service accueille des élèves infirmiers régulièrement. Ce matin, vous êtes chargé de la
notation du stage de l’un d’eux. Cette mise en situation professionnelle est très complexe car
l’un des patients confié à l’élève infirmier est dans un état préoccupant. L’élève infirmier fait
un geste que vous considérez comme invalide. Vous le lui dites mais il vous répond qu’il a
appris comme cela car un nouveau protocole est désormais en vigueur.
Situation 4
Vous venez d’être désigné par l’ensemble des cadres comme leur représentant à la suite
d’une grève des cadres. Les attentes sont importantes de la part des cadres mais vous
sentez que la direction n’est pas favorable à la formation d’un organe de représentation des
cadres. Vous avez envie de faire avancer les choses mais vous êtes parallèlement dans
l’attente d’un renouvellement complet du matériel de service que vous ne souhaitez pas
compromettre.
Situation 6
Vous êtes récent membre de la cellule organisation de l’établissement que vous avez intégré
dans le but d’apporter votre vision et votre expérience du terrain. Vous n’avez pas encore eu
de formation spécifique à cette nouvelle fonction.
La direction des soins vous demande dans une fonction transversale de créer un outil de
gestion de la disponibilité des lits. Pour des raisons budgétaires, vous n’avez pas la
possibilité d’utiliser un logiciel dédié pour cela. L’attente est très forte de la part des services
qui voient en cet outil une transparence dans la gestion des lits mais aussi de la part des
urgences.
Situation 5
Vous êtes cadre dans un service d’hématologie pédiatrique. Les enfants restent ici
longtemps et les parents ont de grosses difficultés à rester auprès de leur enfant (obligations
professionnelles mais surtout coût de l’hôtel). Un couple vient d’apprendre la leucémie de
leur garçon de 6 ans. Cette famille est en grande difficulté sociale et ne peut pas payer un
hôtel. L’enfant est très inquiet et les parents aussi. Vous ne pouvez leur proposer une
chambre dans une maison des parents avant une semaine. Aucune solution n’est possible.
Les parents vous disent qu’ils se relaieront pour dormir dans leur voiture sur le parking de
l’hôpital.
IV Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
ANNEXE 2
QUESTIONNAIRE CADRES DE SANTE
Age :
Sexe : M F
Parcours antérieur (avec dates) :
Formation (dates):
1) Quelles sont les formations professionnelles qui vous semblent les plus utiles pour un cadre :
Classez les réponses par ordre décroissant
A formations informatiques
B formations en organisation (de sa propre activité)
C formations en organisation (de son service)
D formations de management et gestion des conflits
E Autres : …………………………………………………….
2) Pour vous la fonction de cadre de santé est une fonction :
Classez les réponses par ordre décroissant (de la plus importante à la moins importante), cochez celles qui ne conviennent pas.
A De cadre de proximité, de terrain
B De cadre intermédiaire
C De « tampon » entre la direction, les médecins, les équipes etc.
D De manager de la santé
E De garant de la qualité des soins
F De garant de la formation des équipes
G De représentant de la direction auprès des équipes
H De représentant des équipes auprès de la direction
3) Quelle sont les raisons pour lesquelles vous avez souhaité devenir cadre :
Classez les réponses par ordre décroissant (de la plus importante à la moins importante)
A L’évolution de votre métier
B La progression salariale
C Les horaires plus compatibles avec une vie personnelle
D Le hasard (opportunité au sein de l’hôpital)
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - V -
E La diminution de la pression du soin (inquiétude pour le malade, tension de l’erreur de soins etc.)
F Le pouvoir d’agir sur les choses
G Autres :……………………………….
4) Quelles sont les caractéristiques les plus nécessaires selon vous pour être cadre de santé
Classez les réponses par ordre décroissant (de la plus importante à la moins importante), rayez celles qui ne correspondent pas à la fonction de cadre de santé
A Autorité
B Sympathie
C Relationnel avec les équipes
D Relationnel avec les médecins
E Relationnel avec le personnel administratif
F Compréhension
G Compétence soignante
H Adaptabilité
I Loyauté
J Rigueur
K Compétence de gestion
L Souplesse
M Ténacité
N Compétence informatique
5) Quel terme résume le mieux la fonction de cadre de santé au regard de ce que vous faite concrètement au quotidien (pas de ce que vous souhaiteriez faire) ?
Classez les réponses par ordre décroissant (du plus représentatif au moins représentatif)
A Encadrement
B Gestion de ressources (humaines, financières, matérielles, planning)
C Management
D Formation professionnelle
E Autre :……………………………………………..
6) D’une façon générale, dans votre exercice professionnel, qu’attendez-vous principalement de :
Vos collègues cadres de santé :
………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
La direction
………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
Votre chef de pôle
………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
VI Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
Votre chef de service
………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
Vos équipes
………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
Direction des soins
………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
7) Quelle est la situation qui vous est la plus difficile dans votre exercice professionnel ?
………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
8) Quelles est la situation que vous préférez dans votre exercice professionnel ?
………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
9) Quelles sont les situations que vous connaissez le plus de votre métier ?
Classez les réponses par ordre décroissant (de la situation la plus rencontrée à celle le moins rencontrée)
A Un conflit entre deux exigences de la direction
B Un conflit entre deux exigences d’un médecin
C Un conflit entre la direction et votre équipe
D Un conflit entre votre vie professionnelle et votre vie personnelle
E Un conflit entre votre éthique et votre travail
F Autres:……………………………………………
10) Quelles sont les situations qui sont les plus perturbantes pour vous dans votre métier?
Classez les réponses par ordre décroissant (de la plus perturbante à la moins perturbante)
A Un conflit entre deux exigences de la direction
B Un conflit entre deux exigences d’un médecin
C Un conflit entre la direction et votre équipe
D Un conflit entre votre vie professionnelle et votre vie personnelle
E Un conflit entre votre éthique et votre travail
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - VII -
11) Vous demande-t-on des tâches qui ne relèvent pas de votre métier selon vous?
A Rarement
B Parfois
C Souvent
D Tous les jours
Lesquelles en particulier : ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
12) Pour vous les conflits de rôle, c’est à dire les conflits entre les différentes attentes que
l’on a de vous (la direction, vos équipes, les médecins etc) ou les conflits entre les attentes
que l’on a de vous et votre façon de concevoir votre métier (ex : attentes qui heurtent votre
éthique), sont (plusieurs réponses possibles) :
A des éléments normaux dans le métier de cadre. Un cadre est fait pour gérer ces situations.
B des éléments non souhaitables mais normaux. Un cadre doit savoir gérer ces situations
C des éléments de plus en plus fréquents
D des éléments anormaux
Sept cadres, hommes et femmes, ont été interrogés provenant de services de médecine
et de chirurgie (adultes et pédiatriques), d’âges variables, de site d’exercice différents,
formés au CHU de Rennes ou non et ayant reçu une formation managériale et de gestion
ou non.
L’objet de cet échantillonnage est plus d’éviter un biais quelconque que de produire une
représentativité exacte des cadres du CHU de Rennes.
VIII Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
ANNEXE 3
Analyse des résultats du questionnaire
Six questionnaires ont été analysés.
Question 1
Très majoritairement, les cadres considèrent les formations managériales et de gestion de
conflits comme les plus utiles. Viennent ensuite les formations en organisation de son
service et ensuite les formations en organisation de sa propre activité. Les formations
informatiques sont jugées les moins utiles.
Question 2
La fonction de cadre de santé est qualifiée majoritairement de « garant de la qualité des
soins » puis de « cadre de proximité, de terrain ». Viennent en dernier lieu les qualificatifs
de « représentant de la direction auprès des équipes » et de « représentants des équipes
auprès de la direction ». Ce dernier item est donc le moins relevé alors que les entretiens
montrent relativement massivement que les cadres adoptent un tel comportement pour
gérer les conflits de rôle. A noter : la « fonction » de « tampon entre la direction, les
médecins et les équipes » n’est pas si importante aux yeux des cadres pour qualifier leur
fonction.
Question 3
Le « pouvoir d’agir sur les choses » et « l’évolution du métier » arrive massivement en
tête des choix fait par les cadres de santé pour expliquer les raisons de leur souhait de
devenir cadre.
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - IX -
Question 4
« Rigueur » et « adaptabilité » sont les caractéristiques les plus nécessaires pour être
cadre de santé selon ces derniers. La compétence informatique étant très largement
rejetée, beaucoup plus que « la sympathie ».
Question 5
L’item résumant le mieux l’action concrète quotidienne des cadres et non pas ce qu’ils
souhaiteraient faire, est la « gestion de ressources humaines et financière ». Un cadre
rajoute un item en indiquant faire de « l’articulation ».
Question 6
Les cadres de santé interrogés attendent principalement :
- de leurs collègues : du soutien et de la collaboration - de la direction : une écoute, du soutien et une politique claire - de leur chef de pôle : de l’écoute et du soutien - de leur chef de service : travail avec une même ligne de conduite, facilitant
l’expression, disponible, un partenaire de terrain, un partage de valeurs - de la direction des soins : de l’accompagnement pour la mise en application des
décisions, une feuille de route, le partage des valeurs et le soutien des projets - de leurs équipes : compétence, force de proposition, respect, implication,
responsabilisation, rigueur, autonomie
Question 7
Les situations les plus difficiles pour les cadres de santé interrogés sont les conflits de
rôle les plus « impliquants » personnellement : les conflits entre éthique et vie
professionnelle, demander à une personne de revenir sur son temps de repos, ou encore
la gestion des agents en difficulté, en burn out. Il faut noter que dans toutes ces
situations, l’unité managériale et le dialogue managérial sont nécessaires. Ils dépendent
fortement de la confiance entre les membres de l’encadrement.
Question 8
La situation préférée des cadres est souvent la conduite de projet au niveau du service.
Cela renforce l’idée de soutenir leur confiance par le management de l’effectivité. Un
cadre précise qu’il préfère ainsi le « montage de projets avec l’équipe, d’amélioration des
conditions de travail »
X Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
Question 9
Les situations les plus rencontrées par les cadres de santé interrogés, selon eux, est un
conflit entre la direction et leur équipe, suivi d’un conflit entre deux exigences de la
direction ou deux exigences d’un médecin. Peu de conflits entre vie personnelle et vie
professionnelle ou entre éthique et vie professionnelle sont recensés.
Question 10
Peu rencontrées, les situations de conflits entre éthique et travail sont en revanche les
plus perturbantes selon les cadres interrogés. Cela n’est pas sans intérêt lorsque l’on
constate que les restrictions budgétaires sont parfois vécues comme des conflits
éthiques. Viennent ensuite les conflits entre deux exigences de la direction ou entre une
exigence de la direction et une exigence de l’équipe encadrée.
Question 11
Les cadres de santé estiment qu’il leur est seulement « parfois » demandé des tâches qui
ne relèvent pas selon eux de leur métier.
Question 12)
Les conflits de rôle sont, pour les cadres interrogés : des évènements non souhaitables
mais normaux, qu’un cadre doit savoir gérer, ainsi que des « éléments de plus en plus
fréquents ».
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - XI -
ANNEXE 4
Décision non concertée
Conflits de rôle entre équipes de
service de soins et cadres de direction
Sentiment de manque de
reconnaissance et perte de confiance des cadres de santé
envers les cadres de direction
Mode de gestion du conflit de rôle :
positionnement non comme cadre
mais comme représentant du service de soins
Manque de confiance des
cadres de direction dans les cadres
XII Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
ANNEXE 5
Schéma de Karazek
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - XIII -
ANNEXE 6
DIRECTION DES SOINS
PROFIL DE POSTE
CADRE DE SANTE EN PEDIATRIE MEDICOCHIRURGICALE ET GENETIQUE CLINIQUE
Codification du
document : Rédacteur(s) : M. X, Cadre Supérieure de santé
Date d’application : 2012
Approbateur(s Pr Y chef du pôle
M. Z directeur des soins
Gestionnaire : M.X
LOCALISATION ET RATTACHEMENT
PRESENTATION GENERALE DU SECTEUR D’ACTIVITE
Pôle de pédiatrie médicochirurgicale et génétique clinique –
Service de pédiatrie générale et de spécialité :
Service d’onco-hématologie pédiatrique :
Service de néonatalogie :
Service de génétique médicale :
Service de chirurgie pédiatrique et de spécialité :
LIEU D’EXERCICE :
a) RATTACHEMENT HIERARCHIQUE : positionnement du poste dans l’organigramme
Le chef du pôle de pédiatrie
Le Directeur délégué du pôle de pédiatrie
Le Directeur des soins délégué du pôle de pédiatrie
Le Cadre Supérieur de santé du pôle de pédiatrie
b) RELATIONS FONCTIONNELLES PRINCIPALES
Responsables médicaux
Encadrement
Les directions (DSCG, DRH, etc …)
Services prestataires
Réseaux de soins
Les écoles
XIV Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
ACTIVITES
MISSIONS
Animer une équipe pluridisciplinaire en garantissant la sécurité et la qualité, dans les soins dispensés aux enfants.
Développer et maintenir un esprit de service, permettant l’investissement des soignants dans le cadre du projet de service et de pôle et en lien avec le projet d’établissement.
Assurer la cohésion de l'équipe soignante et la dynamiser autour de protocoles formalisés, en lien étroit avec l'équipe médicale.
Développer une culture d’évaluation des pratiques soignantes en collaboration avec les équipes médicales.
Favoriser l’émergence de projets spécifiques à l’unité Favoriser le partenariat à l’intérieur du pôle entre les services Contribuer aux évolutions structurelles et économiques du service et du pôle.
ACTIVITES PRINCIPALES
I – FONCTION D'ORGANISATION
Il initie et adapte des procédures et protocoles d'organisation, s'assure de leur application et de leur évaluation, tient à jour l'ensemble de ces protocoles et procédures, notamment pour faciliter l'insertion dans l'équipe des nouveaux professionnels ou remplaçants temporaires.
Il favorise et développe une culture d'auto-évaluation individuelle et collective. Il organise et répartit l'activité en fonction d'un cadre défini dans un souci d'optimisation des
ressources humaines et des divers moyens. Il élabore et propose des organisations adaptées aux évolutions des besoins et des attentes
de la population accueillie, de la technique, de l'organisation générale de l'hôpital et des réseaux.
Il coordonne la réalisation des différentes prescriptions médicales en intra et extra hospitalier.
Il favorise la collaboration entre les professionnels des unités du pôle. Il anime des réunions d'équipe régulières avec le chef de service.
II – FONCTION DE GESTION
2-1 : Gestion des prestations aux enfants et leurs parents
Il veille à la fiabilité et à la conformité des éléments administratifs du dossier. Il valide des organisations de production d'actes avec les différents partenaires : bloc
opératoire, urgences, unité de diététique et de nutrition, imagerie, transport, PMI, plateau de consultations et d'explorations.
Il assure l'interface avec le secrétariat en lien avec la secrétaire référente. Il veille à la traçabilité de la réalisation des actes et à leur conformité. Il veille au contrôle des éléments d'information à l'usager (cadre réglementaire) et à leur
enregistrement. Il accompagne et encadre les professionnels dans l'application du respect des bonnes
pratiques : prévention des AES, soins techniques, soins relationnels et éducatifs, soins d'éveil et de confort, prévention des risques infectieux, hémovigilance et matériovigilance
Il veille sur les droits de l’enfant hospitalisé, et s'assure du respect des règles par les familles.
Il s’implique dans la mise au point et l'application de protocoles de soins (douleur, hypnose, … etc.)
Il travaille en coordination avec le cadre de nuit qu’il tient informé sur les situations qui le nécessitent.
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - XV -
2-2 : Gestion des ressources humaines
En regard des projets du pôle, de l'unité et des projets individuels :
Il participe à la sélection, l'intégration et la promotion des professionnels. Il réalise des évaluations individuelles. Il apprécie quotidiennement l'activité de l'unité et réajuste les effectifs en prenant en compte
les moyens alloués et compétences nécessaires. Il planifie et prévoit à court, moyen et long terme les besoins en personnel. Il repère et dynamise les potentialités de l'équipe, il repère et accompagne les éventuels
personnels en difficulté professionnelle. Il participe à la démarche de choix de poste.
Il planifie avec le cadre chargé des étudiants et stagiaires la présence de ceux-ci, et
définit les modalités d'encadrement des différents étudiants et stagiaires.
Au niveau institutionnel :
Il participe aux recrutements des nouveaux professionnels en lien avec la DRH
2-3 : Gestion des locaux et du matériel et des consommables
Il participe à l'évaluation et à l'élaboration des cahiers des charges. Il élabore les fiches de vie des différents équipements. Il met en place des procédures et protocoles d'entretien en référence au guide de l'hygiène. Il met en place une planification d'entretien et de suivi des températures des appareils
réfrigérés Il met en place une gestion optimale des stocks et favorise les délégations. Il veille au respect des règles d’hygiène, en assure une traçabilité et mobilise le CPM de
l’unité
2-4 : Gestion économique
Il est acteur dans le suivi de la tarification à l'activité (T2A). Il élabore, met en place et assure le suivi des indicateurs d'activité en partenariat avec le
chef de service, le DIFSI et le contrôle de gestion : dimension quantitative et qualitative. Il élabore un rapport annuel d'activité et le rend significatif. Il est partie prenante dans l’économie du soin Il veille à la transmission administrative des éléments de facturation des repas et des
chambres.
III – FONCTION D'ANIMATION
Il élabore le projet de service en concertation avec le chef de service, les personnels et les différents partenaires en cohérence avec le projet du pôle et le projet d'établissement.
Il anime le projet de soins de l'unité.
IV – FONCTION DE COMMUNICATION ET D'INFORMATION
Il est garant de l'information donnée aux usagers par les professionnels dont il a la responsabilité, dans le respect de la confidentialité.
Il relaie l'information descendante, ascendante et transversale auprès des agents, des services, des médecins et de la direction administrative et de soins.
Il participe aux réflexions sur les évolutions en lien avec le projet d'établissement et facilite la participation des professionnels.
Il met en œuvre des échanges avec les professionnels de l'unité et du pôle, de la PMI et des différents services prestataires.
XVI Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
Il communique avec ses différents collègues cadres de santé du pôle et du CHU. Il utilise les outils informatiques Il participe aux staffs du pôle Il anime avec le chef de service le staff médico-soignant Il donne au cadre supérieur toutes les informations nécessaires sur les situations à risque
ou inhabituelles et en fait un rapport
V – FONCTION DE FORMATION
Il initie, accompagne et valorise le développement professionnel des membres de l'équipe. Il favorise le réinvestissement des formations au bénéfice des enfants et de leurs familles. Il assure une mission d'encadrement et d'enseignement. Il accompagne dans son domaine d'expertise, des projets, travaux ou actions de formation. Il veille à développer son niveau de compétences. Il instruit la fiche descriptive d'une action de formation avec la cadre supérieure du pôle. Il élabore et tient à jour son fichier de suivi individuel de départ en formation.
VI – FONCTION DE SOINS ET DE RECHERCHE
Il collabore dans la mise en œuvre des axes de recherche pour améliorer le niveau de prestations et des activités du service.
EXIGENCES DU POSTE
DIPLÔME(S) PROFESSIONNEL(S) REQUIS
Etre titulaire du diplôme de cadre de santé.
FORMATION(S) SOUHAITEE(S)
Etre titulaire du diplôme d'état de puéricultrice Avoir des expériences professionnelles dans des services de soins aux enfants. Connaître les principes de la T2A
QUALITES REQUISES
Aptitude à communiquer et à animer des équipes pluridisciplinaires. Aptitude à véhiculer les valeurs soignantes. Aptitude à susciter et à proposer des organisations innovantes en réponse aux attentes de la
population accueillie et en lien avec les réalités structurelles et économiques du pôle et du CHU.
Capacité à fédérer les professionnels de l'unité. Capacité à rendre compte. Capacité d'analyse et de synthèse de situations. Capacité à se positionner en qualité de cadre. Capacité à travailler en réseau.
CONDITIONS D’EXERCICE
Temps à 100% Participation aux gardes d'établissement des samedis, dimanches et fériés sur site. Planification de ses congés en collaboration avec le cadre binôme du pôle. Gestion de son temps de travail avec modification de son horaire de travail pour rencontrer
les équipes de nuit.
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - XVII -
CE PROFIL DE POSTE PEUT ETRE MODIFIE EN
FONCTION
DES EVOLUTIONS DU POLE OU INSTITUTIONNELLES
XVIII Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
ANNEXE 7
Extrait du projet de management, Projet d’établissement 2012-
2016 du CHU de Rennes, pages 174 à 176
« Partage d’expériences et accompagnement individuel pour des cadres en
responsabilité
Concernant les cadres, l’orientation majeure est celle qui consiste à leur donner les
moyens et leur conférer les capacités d’exercer la part d’autorité qu’ils détiennent pour
accomplir leur mission.
Pleinement conscients et informés des orientations et des projets de leur établissement,
de leur pôle, de leur service, de leur unité, ils doivent tout à la fois faire respecter les
règles quotidiennes du travail collectif, s’assurer du bon fonctionnement des équipes et de
la qualité de leur travail au services des patients, mais aussi les aider à accomplir leurs
tâches, être soucieux de ce qui ne va pas, les accompagner pour dépasser les difficultés.
Cela ne peut se faire sans permettre aux professionnels placés sous leur autorité de
comprendre les enjeux, de donner du sens aux changements. Ils doivent aussi prendre la
distance nécessaire à l’analyse, préparer, mettre en application et contribuer à
l’évaluation des projets de leurs unités, proposer les organisations performantes,
renforcer les collaborations médico-soignantes.
Autant dire que leurs missions sont décisives et que leur préparation pour les exercer est
capitale. Le CHU poursuivra les actions de formation continue au management initiées en
2010 en les inscrivant dans la durée, et en ouvrant la possibilité d’espaces d’échanges,
de partage d’expériences et de pratiques. Complémentairement, des ateliers proposeront
un accompagnement externe permettant d’analyser les situations professionnelles
rencontrées par les participants et de déboucher sur des préconisations. Ces ateliers,
ouverts aux cadres et médecins, seront proposés aux personnes s’étant déjà engagées
dans la formation au management. Une attention particulière sera portée au soutien du
binôme médecin-cadre, à la valorisation des projets créatifs et des initiatives réussies afin
de capitaliser et déployer des démarches d’excellence dans tous les pôles.
Au-delà de la promotion des compétences collectives, l’accompagnement individuel des
cadres sera organisé pour guider les parcours de mobilité et repérer les nouveaux
potentiels. La participation à des groupes de travail, l’acceptation de responsabilités de
dossiers transversaux, l’implication dans la représentation institutionnelle interne ou
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - XIX -
externe, le goût de l’autorité mais aussi de l’écoute seront autant de critères aidant à la
détection de ces potentiels. Une attention particulière sera portée aux (professionnels)
médecins et cadres en nouvelle situation d’encadrement ou de responsabilité d’unité. La
prise de fonction d’une première ou nouvelle responsabilité managériale est une période
de repositionnement, d’analyse d’un nouvel environnement, de questionnement sur les
organisations à mettre en oeuvre, les conduites à tenir. Il est de l’intérêt et de la
responsabilité de l’établissement d’initier des actions d’accompagnement facilitant une
prise de fonction sécurisée et rapidement effective en termes d’appropriation et de
maîtrise. Plusieurs dimensions d’appui seront mises à disposition en fonction des besoins
du professionnel, des particularités des missions ou des organisations. Elles pourront aller
du compagnonnage par un pair confirmé à l’appui méthodologique externe ou le
coaching.
Par ailleurs, le partenariat avec les instituts de formation des cadres de santé et les
universités sera renforcé pour garantir une parfaite adéquation entre le projet
pédagogique et les exigences, notamment en terme de compétences à acquérir. Les
cadres supérieurs de santé seront particulièrement associés et impliqués dans toutes ces
démarches.
Enfin le CHU maintiendra les journées d’accueil des nouveaux cadres. Elles facilitent une
plus rapide appropriation des structures du CHU et le repérage des interlocuteurs clés.
Elles sont aussi l’occasion d’échanges privilégiés avec la direction du CHU afin de
connaître les orientations de l’institution, les qualités managériales attendues des
professionnels les mettant en œuvre et faciliter ainsi la prise de poste et l’intégration. Elles
sont l’une de premières étapes d’une démarche d’accompagnement des cadres par la
présentation du plan management et de ses outils. »
XX Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
ANNEXE 8
Proposition de structuration des réunions des cadres de santé d’un pôle
Proposition d’intitulé : Groupe de travail d’encadrement
But :
Favoriser la cohésion managériale et la remontée d’information pour cultiver une
confiance mutuelle en cadres de directions, intermédiaires et de proximité
Statut des participants :
Cadre supérieur de santé : Président de réunion
Directeur de soin : invité
Cadres de santé du pôle : membres de droit
Cadre de santé d’autres pôles : invité (par exemple pour dossier transversal)
Lieu : Salle de réunion dans les locaux du pôle
Organisateur de la réunion : Le cadre supérieur de santé du pôle
Durée : 1 heure
Fréquence : Suffisante pour permettre une vraie connaissance mutuelle
Ordre du jour :
Proposé par les cadres de santé du pôle, validé par le cadre supérieur de santé et
transmis à l’ensemble des participants deux jours avant la réunion. Le refus de
mettre un sujet à l’ordre du jour par le cadre supérieur doit être signifié au directeur
de soins.
Compte rendu :
Dans la semaine de la réunion par le cadre supérieur de santé. Transmis à tous
les participants
Difficultés à éviter :
- se servir de cette réunion pour transmettre de l’information aux cadres du pôle
Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012 - XXI -
- respecter la durée prévue
- « court-circuiter » le cadre supérieur de santé
- positionner physiquement les gens dans la salle de réunion de façon hiérarchique
(en U, en face à face etc)
A promouvoir:
- faire « monter en positionnement » les cadres de santé en leur faisant trouver les
solutions par eux-mêmes
- ne pas chercher à répondre systématiquement immédiatement
- répondre systématiquement et concrètement (immédiatement ou ultérieurement)
- faire répondre le cadre supérieur de santé autant que possible
- favoriser la cohésion d’ensemble : les acteurs de la réunion ont le même but
- favoriser le développement d’une vision « établissement » et non seulement
polaire
Faire une présentation de cette partie de réunion aux cadres supérieurs de santé en
réunion d’encadrement supérieur.
XXII Loïc DELASTRE - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2012
ANNEXE 9
Entretiens complémentaires réalisés Entretien avec le Directeur Général du CHU de Rennes Entretien avec la Directrice des Soins, Coordonnatrice Générale des Soins du CHU.
DELASTRE Loïc Décembre 2012
Filière directeur d’hôpital
Promotion 2011-2013
Conflits de rôle des cadres de santé à l’hôpital: réflexions pour une
amélioration de l’unité et de la performance managériale, le cas du CHU de
Rennes
Résumé :
Il existe un « problème cadre de santé » que reconnaissent de nombreux cadres de direction des hôpitaux publics. Les cadres de santé en particulier peinent à trouver leur place alors qu’ils sont au centre de contraintes grandissantes en nombre et en intensité. Depuis les années 2000 en particulier, les cadres connaissent une nouvelle gouvernance encore trop partiellement mise en place, ce qui favorise des conflits de rôle entre les acteurs administratifs, soignants et médicaux. Dans cette même période, la culture soignante des cadres de santé est heurtée par les impératifs de plus en plus forts d’efficience budgétaire. Ainsi, la tarification à l’activité les contraint à adopter un positionnement de gestionnaire qu’ils peinent ou répugnent à assumer. En dernier lieu, la complexification grandissante des hôpitaux publics introduit une spécialisation des acteurs et donc une négation des contraintes de chacun propice au développement des conflits de rôle. Ces évolutions aboutissent à l’émergence de plus en plus forte de conflits de rôle chez les cadres de santé, qu’il s’agisse d’injonctions paradoxales ou d’écart perçus entre les compétences des cadres et ce qui leur est demandé. Le présent mémoire propose une réflexion destinée à limiter l’apparition de ces conflits en adoptant une réponse managériale adéquate. Cette réponse cherche à développer, en particulier dans les grands hôpitaux, une confiance entre cadres de direction et cadres de santé souvent altérée par une méconnaissance mutuelle. Pour cela, la réponse managériale proposée se fonde sur les principes de subsidiarité et d’effectivité du management, associés à un effort de formation des cadres et de communication opérationnelle ascendante et descendante plus efficace car plus intense.
Mots clés :
Cadres de santé, conflits de rôle, management de la confiance, principe de subsidiarité, effectivité, communication interne, mode de gestion des conflits de rôle
L'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions
émises dans les mémoires : ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.