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Pharm Hosp 2008; 43 (172) : 11-17 © 2008. Elsevier Masson SAS. 11 ARTICLE ORIGINAL Contamination microbiologique en radiopharmacie : problématiques et mise en œuvre de contrôles dans le cadre d’une démarche qualité Microbiological contamination in radiopharmacy: problems and implementation of controls in a step quality MAIA Serge 1 , NICOL Benoît 2 , ROULEAU Annick 3 , GUILLOTEAU Denis 4 , VAN DER MEE-MARQUET Nathalie 5 1. Radiopharmacien, assistant spécialiste des hôpitaux, 2. Radiopharmacien, praticien hospitalier, 3. Chef de service de pharmacie, praticien hospitalier, 4. Professeur des universités, radiopharmacien, praticien hospitalier, service de pharmacie, unité de radiopharmacie, hôpital Bretonneau – CHU de Tours, France. 5. Pharmacien biologiste, praticien hospitalier, service de bactériologie et d’hygiène hospitalière, hôpital Trousseau – CHU de Tours, France. Auteur correspondant : MAIA Serge, CHU, Service de pharmacie, 2 boulevard Tonnellé, 37044 Tours Cedex 9. [email protected] Article reçu le 29/03/07 Accepté le 9/12/07 Résumé Introduction : La maîtrise de la contamination microbiologique (bio-conta- mination) du local de préparation des médicaments radiopharmaceutiques injectables est essentielle pour garantir leur stérilité mais se révèle difficile à obtenir, du fait des principes liés à la radioprotection du personnel. Afin de répondre aux deux exigences (stérilité et radioprotection), l’unité fonc- tionnelle de radiopharmacie du CHU de Tours a mis en œuvre, en 2004, une démarche qualité incluant un système de contrôle-qualité. Matériel et méthodes : Ce système comprend d’une part un contrôle de stérilité des préparations par ensemencement direct de milieux de culture et d’autre part un contrôle de bio-contamination des surfaces du local de préparation par l’application de géloses de contact sur des points représentatifs. Résul- tats : La bio-contamination des surfaces entre 2004 et 2005 était fréquente et n’a cessé d’augmenter. Après analyse des causes probables, de nouveaux moyens de prévention sont venus compléter cette démarche qualité : appli- cation de nouveaux protocoles de bio-nettoyage des surfaces ; respect de règles décrites dans les Bonnes pratiques de préparation ; formation conti- nue des préparateurs sur les principes d’hygiène. Ainsi, entre 2005 et 2006, une baisse significative du nombre de colonies bactériennes (α < 0,05) et la disparition des champignons filamenteux sur les géloses ont été obtenues. Discussion/Conclusion : Ce travail montre donc l’impact de la mise en œuvre de ces contrôles sur la diminution de la contamination microbiologique en radiopharmacie et sur l’amélioration d’une démarche qualité. Mots-clés : Médicament radiopharmaceutique, Contamination microbiologique, Bonnes pratiques de préparation, Stérilité, Radioprotection, Contrôle-qualité, Surfaces. Summary Introduction: Microbiological contamination (bio-contamination) of the preparation room of injectable radiopharmaceutical drugs must be control- led to guarantee their sterility, but appears difficult to be obtained because of the principles related to the radioprotection of the staff. In order to fulfil the two requirements (sterility and radioprotection), the Radiopharmacy

Contamination microbiologique en radiopharmacie : problématiques et mise en œuvre de contrôles dans le cadre d’une démarche qualité

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Pharm Hosp 2008; 43 (172) : 11-17© 2008. Elsevier Masson SAS. 11

A R T I C L E O R I G I N A L

Contamination microbiologique en radiopharmacie : problématiques et mise en œuvre de contrôles dans le cadre d’une démarche qualité

Microbiological contamination in radiopharmacy: problems and implementation of controls in a step quality

MAIA Serge1,NICOL Benoît2,ROULEAU Annick3,GUILLOTEAU Denis4,VAN DER MEE-MARQUET Nathalie5

1. Radiopharmacien, assistant spécialiste des hôpitaux,2. Radiopharmacien, praticien hospitalier,3. Chef de service de pharmacie, praticien hospitalier,4. Professeur des universités, radiopharmacien, praticien hospitalier, service de pharmacie, unité de radiopharmacie, hôpital Bretonneau – CHU de Tours, France.5. Pharmacien biologiste, praticien hospitalier, service de bactériologie et d’hygiène hospitalière, hôpital Trousseau – CHU de Tours, France.

Auteur correspondant :MAIA Serge,CHU, Service de pharmacie, 2 boulevard Tonnellé, 37044 Tours Cedex 9.

[email protected]

Article reçu le 29/03/07Accepté le 9/12/07

RésuméIntroduction : La maîtrise de la contamination microbiologique (bio-conta-mination) du local de préparation des médicaments radiopharmaceutiquesinjectables est essentielle pour garantir leur stérilité mais se révèle difficileà obtenir, du fait des principes liés à la radioprotection du personnel. Afinde répondre aux deux exigences (stérilité et radioprotection), l’unité fonc-tionnelle de radiopharmacie du CHU de Tours a mis en œuvre, en 2004,une démarche qualité incluant un système de contrôle-qualité. Matériel etméthodes : Ce système comprend d’une part un contrôle de stérilité despréparations par ensemencement direct de milieux de culture et d’autrepart un contrôle de bio-contamination des surfaces du local de préparationpar l’application de géloses de contact sur des points représentatifs. Résul-tats : La bio-contamination des surfaces entre 2004 et 2005 était fréquenteet n’a cessé d’augmenter. Après analyse des causes probables, de nouveauxmoyens de prévention sont venus compléter cette démarche qualité : appli-cation de nouveaux protocoles de bio-nettoyage des surfaces ; respect derègles décrites dans les Bonnes pratiques de préparation ; formation conti-nue des préparateurs sur les principes d’hygiène. Ainsi, entre 2005et 2006, une baisse significative du nombre de colonies bactériennes(α < 0,05) et la disparition des champignons filamenteux sur les gélosesont été obtenues. Discussion/Conclusion : Ce travail montre donc l’impactde la mise en œuvre de ces contrôles sur la diminution de la contaminationmicrobiologique en radiopharmacie et sur l’amélioration d’une démarchequalité.

Mots-clés : Médicament radiopharmaceutique, Contamination microbiologique, Bonnes pratiques de préparation, Stérilité, Radioprotection, Contrôle-qualité, Surfaces.

SummaryIntroduction: Microbiological contamination (bio-contamination) of thepreparation room of injectable radiopharmaceutical drugs must be control-led to guarantee their sterility, but appears difficult to be obtained becauseof the principles related to the radioprotection of the staff. In order to fulfilthe two requirements (sterility and radioprotection), the Radiopharmacy

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Unit of the University Hospital of Tours implemented a step qualityincluding a system of Quality-Control, in 2004. Material and methods: Thissystem contains, on the one hand, control of the sterility of preparations bydirect sowing within culture mediums and, on the other hand, control of thebio-contamination of surfaces of the preparation room by tacking a swab onseveral representative points. Results: The bio-contamination of surfacesbetween 2004 and 2005 was frequent and did not stop increasing. Afteranalysis of probable causes, new means of prevention came to supplementthis step quality: application of new protocols for the bio-cleaning of sur-faces; compliance with rules described in the Good Manufacturing Prac-tices; a continuous formation of the personnel on the principles of hygiene.Thus, between 2005 and 2006, a significant fall of the bacterial coloniesnumber (α < 0.05) and the disappearance of filamentous fungi wereobtained. Discussion/Conclusion: This work shows the impact of theimplementation of these controls on the microbiological contaminationreduction in Radiopharmacy and on the improvement of a step quality.

Key-words: Radiopharmaceutical drugs, Microbiological contamination, Good Manufacturing Practices, Sterility, Radioprotection, Quality-Control, Surfaces.

INTRODUCTION

Depuis que les produits radiopharmaceutiques sontdéfinis comme des médicaments (art. L.5121-1 duCode de la Santé publique (CSP) ; 8 décembre 1992)et que la radiopharmacie est rattachée aux Pharma-cies à usage intérieur (PUI) (décret 2000-1316 du26 décembre 2000), l’activité de préparation desmédicaments radiopharmaceutiques (MRP) est sou-mise à autorisation (art. R.5126-9 du CSP) condition-née par les moyens en locaux, personnel et équipe-ments nécessaires à son bon déroulement.L’expérience du pharmacien acquise au traversd’autres activités de production telles que la prépara-tion des cytotoxiques peut faire bénéficier la prépara-tion des MRP d’une rigueur semblable, afin que lesmédicaments préparés répondent à des critères dequalité visant à assurer l’efficacité et l’innocuité aupatient.Les MRP, utilisés pour la plupart sous forme injecta-ble, doivent obligatoirement répondre aux critères des pro-duits stériles selon la Pharmacopée européenne, Ve édi-tion [1], les Bonnes Pratiques de Fabrication (BPF) [2]et le projet de Bonnes Pratiques de Préparation (BPPr)[3]. Leur préparation doit notamment être réaliséedans une zone à atmosphère contrôlée (ZAC). Pour-tant, en pratique, la maîtrise de la bio-contaminationde la ZAC, donc du risque microbiologique, se révèlecompliquée du fait des exigences nécessaires pourassurer le confinement de la radioactivité et la radio-protection de l’environnement (locaux en dépression)qui sont parfois difficilement compatibles avec lesrecommandations préconisées par le projet de BPPr

pour la réalisation des préparations stériles injecta-bles. Une démarche qualité rigoureuse et adaptéeincluant la mise en place de contrôles permet cepen-dant la diminution du risque de contaminationmicrobioloqique (bio-contamination) des prépara-tions de MRP injectables et sa prévention.Après un état des lieux du risque microbiologique liéà l’injection de MRP, la réglementation concernant lapréparation des médicaments stériles et radiopharmaceu-tiques sera passée en revue en commentant plus parti-culièrement les difficultés auxquelles doit faire facel’unité de production de radiopharmacie ; enfinl’expérience de l’Unité fonctionnelle (UF) de radio-pharmacie du Centre hospitalier universitaire (CHU)de Tours qui, dans le cadre d’une démarche qualité amis en place depuis deux ans un système de contrôle-qualité de la contamination microbiologique, seradécrite.L’objectif de ce travail pour le CHU de Tours est double :– d’une part maintenir une dynamique permanenteconcernant la vigilance et la prévention de la contamina-tion microbiologique en radiopharmacie ;– d’autre part participer à l’amélioration de la qualitéd’une activité pharmaceutique récente et donc perfectibleen partageant son expérience avec d’autres établisse-ments de santé.

RISQUE MICROBIOLOGIQUE LIÉ AUX RADIOPHARMACEUTIQUES

En dehors du risque de contamination virale (VHC,VIH), issue des produits nécessitant le radio-mar-

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quage de cellules sanguines et décrite dans de rarescas [4], le risque infectieux d’origine bactérien ou fon-gique, pour le patient, associé à l’injection des MRPpréparés en routine est mal connu et n’a fait l’objetd’aucune publication récente. Cette méconnaissances’explique, en partie, par le statut ambulatoire de lamajorité des patients de Médecine nucléaire qui renddifficiles le suivi et la déclaration de réactions infec-tieuses différées dans le temps. Néanmoins, le risqueinfectieux ne doit pas être négligé du fait de la conta-mination possible des préparations injectables pardes germes de l’environnement (Acinetobacter sp,Bacillus sp, Pseudomonas sp, champignons filamen-teux) et/ou par les germes de la peau des préparateurs(staphylocoques, corynébactéries, streptocoques). Parailleurs, l’effet potentiellement inhibiteur de laradioactivité sur la prolifération de certains germes n’apas, à ce jour, été réellement démontré et n’a fait l’objetque d’études isolées, anciennes et dotées de conclusionsdivergentes selon les observateurs, dépendant en partie dela taille de l’inoculum testé ou de la quantité de radioactivitéemployée [5-6].

RÉGLEMENTATION DES PRÉPARATIONS STÉRILES ET RADIOPHARMACEUTIQUES

Les préparations de MRP doivent répondre aux critères dequalité radiochimique mais aussi, comme tout médica-ment injectable, microbiologique [7].Les produits radiopharmaceutiques injectables doiventêtre stériles (monographies relatives aux médicamentsinjectables et aux MRP, Pharmacopée européenne,Ve édition). Ils doivent donc être préparés selon lesrecommandations de réalisation des préparations stéri-les édictées :– au niveau français par l’Agence française de sécurité sani-taire des produits de santé (AFSSAPS) à travers les BonnesPratiques de Fabrication (BPF) et le projet de BPPr ;– au niveau européen par les recommandations del’Agence européenne du médicament (EMeA) à traversles Good Manufacturing Practices (GMP) [8] et le Guide debonnes pratiques en radiopharmacie [9].Le chapitre IX du projet de BPPr introduit la notion depréparation aseptique : « Les préparations radiopharma-ceutiques stériles n’étant pas stérilisées dans leur récipientfinal, toutes les opérations sont conduites de façon aseptique ».La qualité microbiologique des préparations de MRPrelève alors de bonnes pratiques permettant d’assurer lamaîtrise de la bio-contamination, bactérienne et fon-gique, de la zone de fabrication.Les lignes directrices particulières des BPF ainsi que leprojet de BPPr décrivent la zone à atmosphère contrôlée(ZAC) dans laquelle s’effectuent ces préparations stériles

comme : « Zone constituée de locaux et d’équipements dontles qualités microbiologiques et particulaires sont maîtrisées etclassées selon leur niveau de contamination », les caractéris-tiques essentielles dont doit être dotée une ZAC y sontlistées :– un renouvellement suffisant de l’air avec des arrivéesmunies de filtre de haute efficacité pour les particules del’air (HEPA) ;– une atmosphère en surpression par rapport à l’environ-nement extérieur ;– une stérilisation et une introduction des accessoires,récipients et matériels dans la ZAC selon un système detransfert validé ;– un bio-nettoyage par désinfection régulièrementaccompagné d’une surveillance par des contrôles micro-biologiques et particulaires appropriés.La conception de la ZAC (local de préparation) utiliséepour la préparation des radiopharmaceutiques est donccelle d’une salle propre (parois lisses et imperméables,angles arrondis, peintures lessivables, système derenouvellement de l'air fréquent…) nécessitant un accèsréglementé (sas d’entrée), un vestiaire avec tenuesdédiées (blouses, gants, sur-chaussures), une hygiènede haut niveau du personnel et une alimentation en airfiltré (filtre HEPA) pour le poste de travail sousl’enceinte plombée.Enfin, les BPPr et BPF relèvent l’importance de la forma-tion initiale et continue du personnel en charge de lamanipulation et de la mise en place d’un système decontrôles microbiologiques de l’environnement afin degarantir la stérilité des préparations.

PROBLÉMATIQUES EN RADIOPHARMACIE

Les règles d’aménagement d’une radiopharmacie sontdécrites dans l’arrêté du 30 octobre 1981 et sont repri-ses dans les BPPr et le Référentiel de radiopharmacie[10]. Elles conditionnent l’organisation et l’équipe-ment des locaux de préparation des MRP. Certainesexigences, notamment la mise en dépression de ceslocaux et l’application d’un gradient de pressionsdécroissantes allant de l’extérieur vers le poste de tra-vail, sont nécessaires pour assurer le confinement dela radioactivité et la radioprotection de l’environne-ment extérieur. Néanmoins, elles vont à l’encontre decelles nécessaires pour garantir la stérilité des prépara-tions injectables. En effet, le local de préparation setrouve en dépression par rapport aux pièces environ-nantes alors que la surpression est la règle pour lesautres ZAC. Dès lors, l’ouverture du guichet transmu-ral entre salle d’injection et local de préparation ainsique celle de la porte du sas-vestiaire facilite l’introduc-tion de l’air extérieur, bio-contaminé.

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La qualité microbiologique des préparations de MRPs’effectue donc dans un environnement peu propice, leprincipe de radioprotection environnementale étant prio-ritaire sur le principe de maîtrise du risque microbio-logique.Par ailleurs, d’un point de vue pratique lors de la prépara-tion, certaines particularités en radiopharmacie rendentégalement difficile la garantie de la stérilité :– l’utilisation d’équipements en plomb pour la radio-protection du personnel rend le bio-nettoyage del’enceinte blindée et du matériel spécifique de prépa-ration (protège-flacons, protège-seringues) compli-qué du fait du matériau utilisé, microbiologiquementdifficile à décontaminer d’une part, et de la nécessaireprise en compte de l’étape de décontaminationradioactive de ce matériel incompatible d’autre part,pour des raisons de radioprotection, avec un bio-net-toyage immédiat ;– l’impossibilité d’utiliser de l’alcool éthylique avec letechnétium pour la décontamination des bouchons desflacons et des consommables (oxydation du pertechnétatedonc risque d’échec du radio-marquage), ce qui oblige àutiliser des produits présentant un spectre d’action bacté-ricide moins large comme la chlorhexidine aqueuse ;– le type de préparations, souvent effectuées en plusieursétapes, ayant pour conséquence un temps de manipula-tion assez long et donc propice aux fautes d’asepsie ;– la manipulation des produits effectuée à l’aide des gantsnon stériles de l’enceinte plombée ;– la préparation des MRP pour chaque patient à partir deflacons multidoses qui peuvent être contaminés suite auxmultiples repiquages de la préparation initiale qui, elle,est stérile.Une organisation coordonnée de contrôles des prépara-tions de MRP doit donc être mise en place pour tenter deconcilier à la fois les recommandations concernant la réa-lisation des préparations stériles injectables et celles rela-tives à l’emploi des radioéléments artificiels à des finsmédicales [11].

MISE EN ŒUVRE ET IMPACT DE CONTRÔLES DANS LE CADRE D’UNE DÉMARCHE QUALITÉ : MATÉRIEL ET MÉTHODES

Afin de répondre au mieux aux exigences réglementairesvues précédemment, le CHU de Tours a mis en place, en2004, un système d’assurance-qualité rigoureux concer-nant la contamination microbiologique au sein de l’UF deradiopharmacie. Ce système, basé sur la documentation,comporte des procédures ainsi que des modes opératoiresévalués puis validés par le radiopharmacien en collabora-

tion avec l’équipe opérationnelle en hygiène hospitalière(EOHH) et concerne trois domaines :– les différentes préparations ;– le bio-nettoyage du local de préparation notammentl’enceinte blindée et celui du matériel ;– les principes d’hygiène lors de l’entrée et de la sortie dulocal de préparation.Pour compléter ce système qualité, deux méthodes decontrôle-qualité concernant d’une part la stérilité des pré-parations et d’autre part la bio-contamination des surfacesdu local de préparation, ont été mises en œuvre.Concernant le contrôle de stérilité des préparations, laméthode employée a été validée auparavant par uneétude faite au CHU de Tours montrant l’absence d’acti-vité antimicrobienne des produits radiopharmaceuti-ques [12]. En pratique, il s’agit d’un ensemencementdirect de différents milieux de culture comme décritdans la Pharmacopée européenne Ve édition (monogra-phie 2.6.1 Méthode générale de l’essai de stérilité). Ilconsiste en un ensemencement de trois milieux de cul-tures liquides, deux Trypcase soja (TS) et un Thioglyco-late (TG), par un volume d’une préparation sélectionnéede façon aléatoire compris entre 1 et 3 mL, ce volume nedevant pas dépasser 10 % du volume du milieu ense-mencé. Puis, ces milieux sont mis à incuber soit à tem-pérature ambiante pour un TS soit dans une étuve à37 °C pour un TS et un TG, pendant 14 jours. Pour lamajorité des MRP utilisés, contenant des radioélémentsavec des demi-vies (T1/2) courtes comme le technétium99m (T1/2 = 6 h) ou l’iode 123 (T1/2 = 13 h), ce délaiimposé par la monographie permet de garantir, aprèsdécroissance radioactive, l’absence de radioactivité dansles milieux de culture lors de leur lecture par une per-sonne du Laboratoire d’hygiène. Cependant, ce délaireste insuffisant lorsqu’il s’agit de radioéléments avecdes T1/2 plus longues comme l’iode 131 (T1/2 = 8 j), une acti-vité résiduelle non négligeable rendant impossible la priseen charge de ces milieux par les personnels extérieurs. Cecontrôle permet la recherche des germes aérobies, anaéro-bies et des champignons filamenteux. Il est réalisé 2 foispar mois et concerne environ 1 préparation sur 50.Concernant le contrôle de bio-contamination des surfacesdu local de préparation, il est effectué par l’application desgéloses de contact1 (temps de contact de 10 s et pressionde 500 g normalisés), sur 10 points constants et représen-tatifs de l’ensemble des surfaces du local de préparation (5sur le plan de travail de l’enceinte plombée et 5 sur lespaillasses de la pièce environnante). Les géloses sontensuite incubées pendant 5 jours à 37 °C. Ces contrôlessont réalisés de façon trimestrielle, en activité, par le Labo-ratoire d’hygiène. L’analyse des cultures obtenues sur lesgéloses est réalisée en se basant sur les recommandations

1 Gélose Count-tact™, bioMérieux, France.

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des BPF ainsi que du projet de BPPr (tableau I) pour lespréparations stériles en système clos :– absence de bactéries pathogènes et de champignonsfilamenteux ;– classe ISO 8 soit < 50 UFC/25 cm2 en chaque point dela pièce environnante ;– classe ISO 5 soit < 5 UFC/25 cm2 en chaque point duplan de travail de l’enceinte plombée.Au CHU de Tours, le Comité de lutte contre les infec-tions nosocomiales (CLIN) par analogie avec ce qui sefait dans d’autres environnements maîtrisés et parmesure de précaution, a choisi de placer la pièce envi-ronnante à un niveau de bio-contamination répondant àla classe ISO 7 soit < 25 UFC/25 cm2 en chaque pointde contrôle.

RÉSULTATS

Aucune culture microbienne n’a été obtenue à partir des50 contrôles réalisés sur les préparations radiopharma-ceutiques depuis la mise en place des contrôles en 2004,signifiant que toutes les préparations étaient stériles.Pour les contrôles microbiologiques des surfaces du localde préparation, de 2004 à 2005, une contaminationmicrobiologique bactérienne croissante (Alternaria, Bacil-lus sp) associée à la présence fréquente de champignonsfilamenteux (Aspergillus) (n = 3) a été constatée. Fin 2005,4 des 10 points contrôlés présentaient des numérationsde cultures microbiennes excessives par rapport aux limi-tes fixées (avec nombreux germes de l’air tels que Bacillussp) ne répondant plus à la classe ISO 7.Les causes probables de cette bio-contamination ont étéalors recherchées, en collaboration avec le Laboratoired’hygiène, puis analysées en se basant sur les spécificitésde manipulation de la radioactivité mais également enaméliorant le respect de certaines règles décrites dans leprojet de BPPr. Ainsi, de nouveaux moyens de préventionde la bio-contamination du local de préparation ontcomplété le système qualité.1) L’élaboration de nouveaux protocoles de bio-nettoyagetenant compte des contraintes de manipulation ainsi que

le renforcement des protocoles habituels de bio-net-toyage, tels que :– le bio-nettoyage quotidien avec un détergent-désinfec-tant de surface2 en alternance avec un décontaminant desurface3 pour l’enceinte plombée ;– le bio-nettoyage hebdomadaire avec un détergent de sur-face4 et une solution d’eau de Javel utilisée à une concen-tration fongicide définie (250 mL d’eau de Javel à 2,6 %dans 1 L d’eau, puis reprise de 100 mL de cette solutiondans 1 L d’eau) pour l’enceinte plombée et la pièce envi-ronnante.2) Un contrôle des principes d’hygiène de la part desmanipulateurs lors de l’entrée et de la sortie du local depréparation se traduisant en pratique par le respect desrègles d’habillage (tenue dédiée au local de préparation,sur-chaussures, charlotte si cheveux longs) et par unebonne hygiène des mains à travers un lavage simple desmains. Un suivi mensuel de la consommation de savonliquide pour le lavage des mains au niveau du poste depréparation est d’ailleurs effectué en rapport à la quan-tité d’utilisation estimée (> 1 L/mois).3) Un meilleur suivi de la circulation de l’air dans le localde préparation en réalisant tous les six mois des contrôlesinternes au CHU du nombre de renouvellements d’air/h.4) Un meilleur suivi et une maîtrise des différentiels depressions par un relevé hebdomadaire des différentesvaleurs entre l’extérieur, le sas-vestiaire et le local depréparation.5) Un respect plus rigoureux de l’asservissement desportes entre extérieur et sas, entre sas et local de prépara-tion ainsi que celles du guichet transmural.6) Une interdiction d’introduire dans le local de prépara-tion cartons ou papiers.7) Une limitation du nombre de personnes dans le local depréparation grâce à la mise en place d’interphones permet-tant de communiquer de l’extérieur avec le manipulateur.8) Un suivi du bio-nettoyage quotidien du local de prépa-ration et du matériel plombé par des fiches techniques et

Tableau I. Recommandations pour la surveillance microbiologique des zones d’atmosphère contrôlée en activité, projet de BPPr, mai 2007.Table I. Recommendations for microbiological monitoring of controlled atmosphere areas during an activity, BPPr draft, May 2007.

Limites recommandées de contamination microbiologique (valeurs moyennes)

Classe Échantillon d’airUFC/m3

Boîtes de Pétri(diamètre : 90 mm)

UFC/4 h

Géloses de contact(diamètre : 55 mm)

UFC/plaque

Empreintes de gant (5 doigts)UFC/gant

A = ISO 5 < 1 < 1 < 1 < 1

B = ISO 5 10 5 5 5

C = ISO 7 100 50 25 –

D = ISO 8 200 100 50 –

2 Surfanios®, Laboratoire ANIOS, France.3 RBS®, Laboratoire Chemical Products Borghgraef, Belgique.4 Deterg’anios®, Laboratoire ANIOS, France.

Contamination microbiologique en radiopharmacie

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l’acquisition de matériel dédié à ce bio-nettoyage (bac,égouttoir).9) Une formation continue interne, renouvelée tous lesdeux ans, afin de sensibiliser les manipulateurs à la pré-vention de la contamination microbiologique de l’environ-nement.Des résultats rapides ont été observés après la mise enœuvre de l’ensemble des mesures décrites ci-dessus.Depuis fin 2005, le nombre de points non-conformes,c'est-à-dire ne répondant pas au moins à la classe ISO 7de contamination microbiologique pour les contrôlesde surface, a fortement diminué, passant en moyennede 4/10 fin 2005 à 1/10 fin 2006. Un test statistique duchi2 à été réalisé sur un échantillon de n = 30 points(3 contrôles successifs), il a permis de définir cette dimi-nution comme significative (α = 0,05), traduisant uneffet positif du changement des protocoles de bio-net-toyage et des mesures prises complémentaires sur ladiminution de la bio-contamination des surfaces. Deplus, aucune culture de champignon filamenteux n’aété retrouvée pour les points de contrôle. Par ailleurs,les contrôles de contamination microbiologique despréparations radiopharmaceutiques restent négatifs,validant l’efficacité de ce nouveau système qualité.

DISCUSSION – CONCLUSION

Cette expérience, conduite par le CHU de Toursentre 2004 et 2006 a permis d’évaluer l’impact de lamise en place d’un système de contrôle-qualité sur ladiminution de la contamination microbiologique enradiopharmacie [13-14]. En effet, ces contrôles permettentde caractériser, de quantifier et de suivre dans le tempscette bio-contamination. Une recherche d’améliorationdes résultats de ces contrôles peut alors avoir lieu.Des seuils d’action sont définis en rapport à la classe decontamination microbiologique. Par exemple, concer-nant les surfaces de la pièce environnante du local depréparation (classe ISO 7), ce seuil d’action se déclen-che dès que l’on a un des points de contrôle présentantune contamination ≥25 UFC/25 cm2 ou des champi-gnons filamenteux. L’action consiste en un bio-net-toyage renforcé et immédiat des surfaces, d’après les

nouveaux protocoles, suivi par un contrôle par le Labo-ratoire d’hygiène.Par ailleurs, cette expérience montre également que la bio-contamination environnementale n’implique pas forcé-ment celle des préparations. En effet, l’ensemble descontrôles décrits s’inscrit dans un système d’assurance-qualité avec des protocoles de manipulation validés par lepersonnel ainsi que l’utilisation de matériel stérile à usageunique et la formation continue du personnel affecté à lapréparation des MRP concourant à l’absence de bio-conta-mination des préparations.D’autres types de contrôles, envisagés à Tours, commel’aérobio-contamination, permettraient de compléter cetravail en recherchant les micro-organismes présentsdans l’air du local de préparation par l’utilisation d’un bio-collecteur à impaction [14].Ce travail valorise aussi la collaboration entre l’Unitéfonctionnelle de radiopharmacie et l’EOHH qui, parl’échange d’expériences, a permis d’accroître les moyensde prévention de la bio-contamination des préparationsde MRP, en dépit des limites pratiques liées au caractèreradioactif des produits utilisés.Pourtant, en radiopharmacie l’ensemble du matériel uti-lisé étant clairement un vecteur de bio-contaminationenvironnementale, ces différentes démarches n’aurontune véritable utilité dans l’avenir qu’en développant unpartenariat avec les industriels :1) en recherchant des matériaux de radioprotection plusfaciles à nettoyer que le plomb ;2) en concevant des enceintes blindées munies de sas dedécontamination microbiologique des produits et detransfert des consommables ;3) en réalisant des sets de transfert pour les mélangestrousses-radioéléments, permettant d’être en strict sys-tème clos.La radiopharmacie est un domaine récent et dynamiqueau sein d’un secteur médical, la médecine nucléaire, enplein essor utilisant des techniques d’imagerie de plusen plus perfectionnées. Le radiopharmacien doit doncavoir conscience de son rôle déterminant, pour qu’enpratique cette discipline médicale atteigne l’excellence,à travers la mise en œuvre de contrôles de qualité néces-saires pour garantir au patient la sécurité lors d’injec-tion de médicaments radiopharmaceutiques.

RÉFÉRENCES

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MAIA Serge, NICOL Benoît, ROULEAU Annick et al. A R T I C L E O R I G I N A L

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