Damien Theillier - Liberté et responsabilité

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  • 7/24/2019 Damien Theillier - Libert et responsabilit

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    Confrence au Cercle Frdric Bastiat

    Dax le 5 juillet 2013

    Week-end de la libert

    Responsabilit, initiative individuelle et prise de risque

    Par Damien Theillier, prsident de lInstitut Coppet

    La responsabilit, mais c'est tout pour l'homme : c'est son moteur, son professeur, sonrmunrateur et son vengeur. Sans elle, l'homme n'a plus de libre arbitre, il n'est plus perfectible,il n'est plus un tre moral, il n'apprend rien, il n'est rien. Il tombe dans l'inertie et ne compte plus

    que comme une unit dans un troupeau. Frdric Bastiat, Harmonies Economiques, Servicesprivs, Services publics

    Introduction .................................................................................................................... 2

    Plan ................................................................................................................................. 3

    I. La libert ngative. ...................................................................................................... 4

    Pas de libert sans proprit .......................................................................................... 4

    La libert ngative a pour rgle morale la responsabilit individuelle .......................... 4

    La gestion des risques : lassurance prive ..................................................................... 5

    Le rle de ltat est ngatif............................................................................................. 6

    Objection : la dfinition librale de la libert nest-elle pas la fois trop individualisteet trop optimiste ? ........................................................................................................... 6

    II. La libert positive ....................................................................................................... 7

    La libert positive a pour rgle la solidarit ................................................................... 8

    La gestion des risques : lassurance sociale et le principe de prcaution au nom de la

    solidarit ......................................................................................................................... 8

    Objection : le lgislateur est-il un tre suprieur, dou de lumires spciales ? ..... 9

    III. La responsabilit, cl du problme social pour Bastiat ......................................... 10

    La ralit du mal et la perfectibilit............................................................................... 11

    Le remde limperfection humaine............................................................................. 11

    La loi de solidarit et ses abus au nom dune fausse philanthropie ............................. 12

    Pour renforcer la responsabilit individuelle : les deux morales ................................. 13

    Conclusion ..................................................................................................................... 15

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    Introduction

    Le dfi auquel nous devons faire face aujourdhui nest plus seulement celui du

    socialisme, au sens traditionnel, justice sociale et galitarisme, cest celui dunenouvelle idologie : la socit sans risque. La bonne socit apparat de plus en pluscomme une socit stable, prvisible, transparente. Une vritable peur du progrstechnologique gnre une demande croissante de scurit et de protection. Et dans cecadre, le march est intolrable car il fonctionne selon une dynamique dinnovation, deprise de risque et dincertitude. Paradoxe de notre temps, lusage du terme responsable est omniprsent dans le discours social et politique alors que, dans lemme temps, lindividu se voit de plus en plus dessaisi de la matrise de son destin.

    Commenons donc par dfinir les termes. Quest-ce qutre responsable ? Cest

    tymologiquement rpondre de ses actes et de leurs consquences. La responsabilitconsiste donc pouvoir se dsigner soi-mme comme l'auteur de ses propres actes,comme la cause dune srie deffets.Ds lors que ces effets me sont imputables, je doisrendre des comptes, devant le tribunal de ma conscience ou bien devant le tribunal deshommes. Je dois assumer lloge ou le blme, lhonneur ou de dshonneur, la fiert oula honte.

    Par dfinition, toute action, tout choix sexpose au risque de lchec ou de lerreur. Cestpourquoi la responsabilit saccompagne galement de sanctions morales ou juridiquesquil appartient chacun danticiper.

    En dautres mots, la responsabilit est indissociable de la libert, cest--dire de lacapacit agir par soi-mme, de faon autonome. On ne peut blmer que celui qui aagi librement, cest--dire celui qui pouvait agir autrement quil na fait. Reconnaitreune faute morale, une culpabilit, cest reconnatre quon aurait pu agir autrement.

    Il ny a donc pas de vraie responsabilit sans une discipline morale personnelle quipasse par lexercice de vertus telles que la prudence ou la prvoyance, le courage ouleffort. Etre responsable, cest faire preuve de lucidit et de vigilance

    Cest pourquoi la responsabilit, en tant quobligation de rendre des comptes et en tantque risque de lchec, peut tre ressentie comme un poids lourd porter et parfoiscomme un poids crasant.

    C'est sans doute parce que la chance de btir sa propre vie implique une tche sansfin, une discipline qu'il faut s'imposer soi-mme si on veut atteindre ce qu'on vise, quebien des gens ont peur de la libert. F. A. Hayek,La Constitution de la libert, 5

    Mais il y a deux faons de concevoir la libert dont dcoulent deux conceptionsopposes de la responsabilit de lindividu et du rle de ltat.

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    Ainsi, dans Two Concepts of Liberty en 1958, Isaiah Berlin, philosophe anglaisdorigine russe,a propos de distinguer deux conceptions de la libert, dappeler lunela dfinition librale de la libert et l'autre la dfinition romantique. La libert libraleest dite ngative, alors que la libert romantique est dite positive. La libert ngative sersume une simple question qui met bien en valeur la proccupation permanente dulibralisme : Quel est le champ l'intrieur duquel un sujet devrait pouvoir faire outre ce qu'il veut, sans l'ingrence d'autrui ? Cest la libert non-ingrence.

    La libert positive, par contre, est lie l'individu en tant qu'tre agissant. Elle dcoule du dsir d'un individu d'tre son propre matre , cest--dire dtrecapabledagir avec sa propre raison, affranchi des limites de lignorance et des pulsionsirrationnelles. Cest la libert-capacit.

    Dans la philosophie politique classique, la libert ngative a eu des dfenseurs tels queLocke, Bentham et Mill en Angleterre, Montesquieu, Constant et Tocqueville en

    France, Jefferson et Paine en Amrique. Les partisans de la libert positive, par contre,sont Rousseau, Mably, Herder, Fichte, Hegel, Marx et les socialistes franais commeFourrier ou Jaurs.

    I. Berlin laisse entendre que la libert ngative est moderne et raisonnable, alors quela libert positive est ancienne et suspecte. Toutefois, selon certains penseurssolidaristes contemporains comme John Ralws, Ronald Dworkin, Philippe Van Parijs,la dfinition librale de la libert, procderait dune conception purement formelle dela libert, qui ignorerait les contraintes relles qui psent sur les individus. Cestpourquoi ils prnent une intervention de l'tat pour favoriser les possibilits rellesd'auto-accomplissement du sujet et pour rendre la rpartition des biens sociaux plus quitable : liberts de base, revenu et patrimoine, position sociale, etc.

    En effet, lhomme peut tre le jouet de forces internes ou externes qui conditionnentson intelligence et alinent sa volont : lappartenance une classe sociale, lhritageculturel, le patrimoine gntique, linconscient, les traumatismes en tout genre etc.Ds lors, notre autonomie nest-elle pas une illusion ? De quoi sommes-nous vraimentresponsables ? Si les choix humains sont dtermins d'une manire ou d'une autre,l'homme pourra-t-il tre entirement tenu pour responsable de lui-mme ? Ne faudra-

    t-il pas agir pour laider se librer, pour le rendre autonome, capable dexercer sonpropre jugement ? La solidarit ne doit-elle pas venir au secours dune responsabilitdfaillante et incertaine ?

    Plan

    Nousverrons tout dabord la conception ngative de la libert, cest--dire la dfinitionlibrale de la libert qui a pour corollaire le principe de responsabilit. Puis nous

    verrons la critique qui en est faite au nom de la libert positive et comment cettecritique conduit substituer le principe de la solidarit au principe de la responsabilit.

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    Enfin, nous verrons avec Frdric Bastiat comment la libert ngative, associe laresponsabilit individuelle est pour lui la cl du problme social, la seule organisationqui permet lmergence dune socit plus juste et plus prospre.

    I. La libert ngative.

    Selon Isaiah Berlin, la libert ngative consiste ne pas tre entrav dans ses choixpar dautres (loge de la libert, 1969, trad. J. Carnaud et J. Lahana, Paris, PressesPocket Agora, 1990). Elle peut s'noncer en termes de limites, comme par exempledans la Dclaration des Droits de lhomme: la libert consiste faire tout ce qui nenuit pas autrui (art. 4). Elle correspond donc l'absence d'ingrence, de contrainteextrieure. Elle se confond avec la garantie d'une sphre prive o chacun peut prendre

    des initiatives et dcider de son avenir en toute autonomie. Elle se contente dedlimiter un espace dans lequel chacun doit pouvoir agir sa guise, cest le droit de faire quelque chose sans contrainte.

    Pas de libert sans proprit

    Mais comment dfinir cet espace de libert ? Car la libert nest pas absolue. Il existetoute sorte de contraintes qui mempchent de faire tout ce que je veux, notamment du

    fait de la raret des ressources et de lincertitude de lavenir.

    Dans la tradition librale, cest le droit de proprit qui permet de le dfinir lespaceprcis de ma libert. Cest un point que Berlin a oubli de prciser. Je suis libre de fairece que je veux seulement avec ce qui mappartient.

    Et la justification du droit de proprit, cest la cration, linnovation qui rsulte dulibre usage de nos facults. Si l'on admet qu'un individu est propritaire de lui-mme,c'est--dire qu'il n'est pas esclave d'autrui, on doit dans le mme temps admettre qu'ilest propritaire des fruits de son activit, c'est--dire de ce qu'il a cr par l'exercice de

    sa raison. Dans la mesure o la cration des richesses n'est qu'un simple prolongementde l'exercice individuel de la raison, la reconnaissance de la libert individuelleimplique la reconnaissance du droit de proprit fond sur le travail et linnovation.

    Libert et proprit sont donc insparables. Or, l'existence d'un systme de droits deproprit privs dans une socit reprsente une limite laction humaine, que ce soitcelle des individus ou celle de ltat. Et cest ici quentre en jeu la responsabilit.

    La libert ngative a pour rgle la responsabilit individuelle

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    Dans ce cadre, la responsabilit nest que le versant positif, si je puis dire, de la libertngative, cest le fait que chacun a le devoir imprieux de respecter la libert dautruiau sens de ne pas exercer de coercition contre lui, de ne pas lui nuire. En effet, si laproprit confre son dtenteur le droit dutiliser une ressource et de lchanger, cedroit est logiquement limit par le droit que les autres exercent sur leur propreproprit.

    Cest l, dans cette pratique de la libert et du droit de proprit que se situe laresponsabilit. La responsabilit est une rgle morale qui comporte une doubleexigence morale :

    1 Je ne peux pas me dcharger sur les autres des consquences ngatives de mes actes.Autrement dit, la responsabilit est individuelle, cest lauteur de laction et lui seul quien assume les consquences.

    2 tre responsable c'est aussi ddommager autrui des atteintes ventuelles ses droitslgitimes.

    Il en rsulte galement que toute responsabilit doit tre limite. Il ny a pas deresponsabilit absolue dans le temps ou dans lespace. La responsabilit na de sensque par rapport des droits de proprit clairement dfinissables et dans le cadre decontrats volontaires.

    La responsabilit est donc indissociable de la proprit parce que dans ce systme lescots des actions et des absences d'action psent sur des personnes bien dtermines.

    Aussi, seule la reconnaissance prcise des droits de proprit permet d'attribuer chacun la responsabilit morale et juridique de ses choix.

    C'est grce ces trois lments indissociables : libert, proprit et responsabilit, quel'ordre social merge, c'est--dire que les actions individuelles se coordonnent entreelles au cours du temps.

    La gestion des risques : lassuranceprive

    Toute action suppose un choix et tout choix comporte une prise de risques. Le risqueest peut-tre plus ou moins grand mais il est irrductible. Lhomme tant imparfait, ilna pas la connaissance de lavenir et cette incertitude est facteur de risque.

    Dans un systme de libert ngative et de responsabilit individuelle, il existe unmoyen de minimiser ce cot par un mcanisme simple : le recours l'assurance.

    L'assurance nest pas un transfert de responsabilit car celui qui cause un dommage enreste le seul responsable. Elle permet au responsable de supporter les cots de cedommage pour lui-mme, ou pour autrui, en cas de ddommagement.

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    Lassurance nattnue pas la responsabilit de lassur. Au contraire, par desengagements contractuels, le principe de lassurance incite des comportementsprudents pour viter la multiplication des sinistres.

    De manire plus gnrale, le dveloppement de la connaissance des risques, et

    laugmentation des investissements permettent chaque individu une gestion efficacedes risques.

    Le rle de ltat est ngatif

    Une socit fonde sur la libert positive n'a pas besoin de beaucoup de lois maissimplement de quelques rgles de droit qui garantissent et protgent les trois lmentsque nous venons de citer.

    Les fonctions du gouvernement sont purement ngatives. Il doit rprimer lesdsordres, carter les obstacles, empcher en un mot que le mal nait lieu. On peutensuite se fier aux individus pour trouver le bien. (Benjamin Constant, Commentairesur louvrage de Filangieri)

    Dans ce cadre de la libert ngative, une frontire doit donc tre trace entre ledomaine de la vie prive et celui de l'autorit publique. Ltat na pas intervenir pourempcher les individus de sabrutir devant la tlvision ou de consommer de faonimmodre, tant que ces comportements ne nuisent pas autrui. Il doit sabstenir etrester neutre en tout ce qui ne relve pas de la protection des personnes et des biens.

    Benjamin Constant rsume bien lide dans une formule clbre: Que l'autorit seborne tre juste. Nous nous chargeons de notre bonheur (De la libert des Ancienscompare celle des Modernes). Ltat nest pas responsable de notre bonheur. Cest chacun de prendre ses responsabilits. Et le malheur ne donne aucun droit, ni aucunprivilge.

    Son rle positif consiste tout au plus reconnatre et protger le droit de propritde chacun, faire appliquer les contrats et donc faire en sorte que chacun puisseexercer sa responsabilit personnelle.

    Objection : la dfinition librale de la libert nest-elle pas la fois trop individualiste et trop optimiste ?

    La libert ngative, peut apparatre comme le triomphe de lindividualisme dominateuret donc de lingalit.

    Ainsi selon Marx, le pouvoir de faire tout ce qui ne nuit pas autrui, pilier des droitsde lhomme, ninstaure pas de relation entre les hommes mais favorise au contraireleur sparation, leur antagonisme et finalement leur servitude. La libert des droits de

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    lhomme est pour lui une libert formelle, non une libert relle. Cest la libert conuecomme indiffrence lgard des autres, le droit lgosme.

    Et si le libralisme tait un optimisme naf ? Et si les hommes taient des dmons ?Pourquoi auraient-ils envie de sentraider, de se cultiver, de se respecter? Une socit

    fonde sur la libert ngative serait peut-tre une socit de droit mais elle ne seraitpas une socit dcente, cest--dire harmonieuse, fraternelle et solidaire. Ce serait unesocit individualiste, fonde sur les eaux glaces du calcul goste (Marx), unesocit dans cur. La libert ngative serait utopique car elle ignorerait le mal et la

    violence inhrents lhomme. Si on laissait les intrts particuliers eux-mmes, ilstendraient vers la rivalit, la guerre de tous contre tous et donc loppression.

    Do la ncessit, pour toute une tradition philosophique et politique dinspirationanti-librale, dune organisation politique qui vienne rguler ces intrts pour lesorienter vers lintrt gnral. Seul le politique, par lintervention de la loi, serait en

    mesure dunifier et dharmoniser la socit.

    II. La libert positive

    Le second concept de libert selon Berlin est la libert positive qui consiste tre sonpropre matre . Cest la libert au sens de capacit sengager dans une action. Je suislibre si jai un minimum de biens garantis, par exemple si jai accs lemploi, si jai

    accs lducation, la sant, des lections libres etc. Elle s'nonce en termes de droit quelque chose qui augmente la capacit dagir. Elle est fonde sur une actioncollective destine affranchir les hommes de tout ce qui limite leurs capacits. Unhomme n'est pas libre s'il ne dispose pas d'un accs l'ducation gratuite ou d'unsalaire minimum, etc. Celui qui utilise son temps libre pour sabrutir devant latlvision ou pour jouer au loto et boire de lalcool, nest pas vraiment libre. Il est le

    jouet de forces qui lalinent, mme sil lignore.

    Si lon opte pour la dfinition positive de la libert, il est lgitime dagir pour aiderlhomme faire un meilleur usage de son temps disponible, mme sil faut le

    contraindre pour cela. La formule de Rousseau on le forcera tre libre nest pascontradictoire. Lutter pour la libert consiste largir le champ des droits positifs oudroits matriels. Le droit au logement, la sant, au crdit, par exemple, sont desliberts positives.

    Cest cette libert-capacit que Benjamin Constant appelle la libert des Anciens dansson clbre discours l'Athne royal en 1819. Chez les Anciens, lindividu estsouverain dans les affaires publiques, mais esclave dans tous ses rapports privs. Lesacrifice de la libert individuelle est compens par lusage des droits politiques: droitdexercer directement plusieurs parties de la souverainet, de dlibrer sur la place

    publique, de voter les lois, de prononcer les jugements, dvaluer et de juger les

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    magistrats. La libert des Anciens est une libert politique, compatible avec unecomplte subordination de lindividu la collectivit.

    Selon ce concept de libert-capacit, ltat a une mission de protection qui stend au-del de la scurit des biens et des personnes. Il sagit pour lui de dterminer comment

    il convient dagir pour agir librement, en tant son propre matre .

    La libert positive a pour rgle la solidarit

    On ne peut pas imputer quelquun les consquences dactes quil na pas commisvolontairement. Or la libert-capacit repose toujours sur lhypothse que les fautes oules checs personnels seraient imputables un dysfonctionnement global de la socit.Lhomme ne serait jamais vraiment responsable individuellement. Il serait dont fond

    se dcharger de sa responsabilit sur limperfection de lenvironnement politique,conomique et social qui la rendue possible. Parmi ces maux sociaux, on voquesouvent les crises conomiques et financires, les restructurations industrielles, lesdlocalisations, les discriminations en tout genre.

    A la base de cet nouvel idal politique, il y a donc le projet de supprimer les mauxconomiques et sociaux qui affectent la socit et rduisent les capacits de certainsmembres, crant ainsi des ingalits.

    Laction publique doit se donner alors pour fonction de transformer la socit

    dfaillante lorigine des fautes et des checs personnels, par le biais de la loi et dune fiscalit redistributive. Il sagit de prendre en charge par la loi un certain nombredobligations morales qui relevaient jusque-l de la responsabilit et de linitiativeprive : ducation, sant, chmage, environnement, retraite etc.

    Do linstauration dun partage des responsabilits, au nom de la solidarit et au nomde lgalit. La solidarit est lexercice pratique de la libert positive. Elle consiste faire porter lensemble des membres dun groupe la responsabilit des difficults oudes checs de certains dentre eux.

    Ainsi par exemple la France serait somme de reconnatre les crimes du pass et denassumer la responsabilit. Nous serions solidaires des fautes commises par nosanctres, comme lesclavage.

    La gestion des risques : lassurancesociale et le principe deprcaution au nom de la solidarit

    En matire de gestion des risques, il faudrait transfrer ltat la charge de lassurance.

    Le principe de scurit sociale se justifierait par le fait que seul ltat serait en mesure

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    de garantir quitablement tous une assurance contre les risques majeurs de la vie :maladie, chmage, retraite.

    Nous ne sommes pas tous galement libres et par consquent nous ne sommes pas tousgalement responsables devant les risques de la vie, en particulier la maladie. Le

    principe de solidarit nous imposerait de garantir un accs gal tous des soins dequalit. Or seul ltat serait en mesure dassurer cette quit.

    Cest dans ce cadre quest n le principe de prcaution qui prconise ladoption demesures de protection et dinterdiction avant quil y ait des preuves scientifiquescompltes dmontrant lexistence dun risque.

    Il remplace la responsabilit individuelle par une responsabilit collective puisquilrevient admettre que les gnrations actuelles ont une responsabilit collective lgard des gnrations futures, responsabilit qui ne pourrait tre organise que par

    l'intervention de l'tat.

    Objection : le lgislateur est-il un tre suprieur, dou delumires spciales ?

    La libert positive entraine de facto la promotion dune socit statique etbureaucratique, une socit close et hostile linitiative individuelle, au march, ladynamique de la concurrence et donc au risque.

    La libert-capacit ou la libert positive comme principe dorganisation sociale, celaconsiste transfrer la responsabilit individuelle la collectivit, cest--dire tendre indfiniment le domaine de la lgalit, aux dpens de celui de la moralit, desprincipes imposs par notre conscience ou par les codes non-crits de la civilit.

    Le pouvoir politique a alors toute lgitimit pour instaurer un nouvel ordre moral ,par le contrle social et normalisation des comportements, par la politisation de lamorale et de la vie prive.

    Or cette entreprise de rnovation du social par la libert positive repose sur unehypothse pour le moins discutable : lhypothse que les dcideurs publics (les publicistes , dont parle Bastiat) seraient plus clairs que nous.

    En ralit, ils se trompent plus facilement que nous car ils ne supportent pas eux-mmes les consquences ngatives de leurs dcisions. De fait, ils ne sont pas incits se corriger eux-mmes, faire preuve de vigilance et tirer les leons de leurs erreurs.

    Aux socialistes qui ont la prtention de substituer l'autorit la responsabilit, la mainvisible de ltat la main invisible du march, Bastiat a toujours object : Prouvez-

    moi que vous n'tes pas des hommes comme les autres .

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    Organiser la contrainte dans l'change, dtruire le libre arbitre sous prtexte que les hommespeuvent se tromper, ce ne serait rien amliorer; moins que l'on ne prouve que l'agent chargde contraindre ne participe pas l'imperfection de notre nature, n'est sujet ni aux passions niaux erreurs, et n'appartient pas l'humanit. (HE, Services privs, services publics)

    En dautres mots, lide que les lois pourraient rendre les gens responsables etraisonnables repose sur une fausse prmisse : lide que le lgislateur serait un tre part, un tre suprieur, naturellement dou de sagesse et de vertu.

    Cest un thme dveloppdansLa loide Bastiat (1850) mais dj trs prsent dans leCommentaire sur louvrage de Filangieride B. Constant (1822). Ce thme sera repriset dvelopp au XXe sicle dans lcole des Choix Publics de Virginie (notammentJames Buchanan, prix Nobel dconomie).

    III. La responsabilit, cl du problmesocial pour Bastiat

    La thse de Bastiat dans les Harmonies Economiquesest la suivante : cest la libertappuye sur la responsabilit individuelle qui permet seule, par un processus dedcouverte, de progresser et de rduire les maux sociaux. Pour lui la responsabilit estl'un des critres discriminants du libralisme et du socialisme.

    Dans une lettre Alphonse de Lamartine en 1845, il crit que toute sa philosophie tientdans un seul et unique principe : la libert est la meilleure des organisationssociales. Mais il ajoute cependant une condition : que la loi ne vienne pas supprimerles consquences, positives ou ngatives, des actions de chacun. Cest le principecorollaire de la responsabilit .

    Lhomme est faillible, il est sujet se tromper mconnatre le jeu des loisconomiques ou les dtourner de leur fin. Il est faible, imparfait et parfois mmepervers. Mais sil supporte les consquences, bonnes ou mauvaises, de ses dcisions, iltendra samliorer en tirant les leons de lexprience. Il faut donc laisser agir la

    responsabilit individuelle, qui est la grande ducatrice des peuples.

    Il y a dans lesHarmoniesune tentative pour largir le cadre de l'conomie politique lanthropologie et la morale. Dans une note trouve dans ses papiers, Bastiatexplique :

    J'avais d'abord pens commencer par l'exposition des Harmonies conomiqueset parconsquent ne traiter que des sujets purement conomiques : valeur, proprit, richesse,concurrence, salaire, population, monnaie, crdit, etc. Plus tard, si j'en avais eu le temps etla force, j'aurais appel l'attention du lecteur sur un sujet plus vaste : les Harmoniessociales. C'est l que j'aurais parl de la constitution humaine, du moteur social, de laresponsabilit, de la solidarit, etc. (Notice sur la vie et les crits de Frdric Bastiat, parRoger de Fontenay)

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    Il na pas eu le temps dcrire compltement cette seconde partie mais ses notes ont tretrouves et ajoutes ldition de ses uvres compltes quelques annes aprs samort.

    Dans cette seconde partie inacheve et posthume desHarmonies conomiques, Bastiatprocde lanalyse de laction humaine en tant quelle peut conduire au bien commeau mal. Lhomme est faillible, il est sujet se tromper mconnatre le jeu des loisconomiques ou les dtourner de leur fin. Mais sil supporte les consquences, bonnesou mauvaises, de ses dcisions, lhomme tendra samliorer, tirer les leons delexprience.

    La ralit du mal et la perfectibilit

    En ralit, Bastiat est loin dtre aveugle. Il ne nie pas l'existence du mal. A ses yeux,l'excellence du monde social ne consiste pas en ce qu'il est parfait, mais en ce qu'il estperfectible, ce qui signifie que lharmonisationdes intrts n'y est jamais acheve.

    Lharmoniene rpond pas l'ide de perfection absolue, crit Bastiat, mais celle deperfectionnement indfini. (HE, Responsabilit)

    Lintrt personnel laiss lui-mme peut conduire au pire comme au meilleur. Il peutconduire au travail et la proprit comme la spoliation. Pour spargner leffort et

    la peine, lhomme cherchera toujours vivre aux dpens des autres, par la spoliation.Mais cette tendance au mal nest pas non plus fatale. Elle peut diminuer sous leffetdune force contraire, la responsabilit, que Bastiat va appeler force progressive .

    En dautres mots, l'individu est imparfait mais perfectible, cest--dire capable decommettre des erreurs mais dot d'une raison qui lui permet, par un processus dedcouverte, d'en tirer les leons. Lerreur et lchec dcoulent de la libert mais laperfectibilit aussi.

    L'homme tant fait ainsi, dit trs bien Bastiat, il est impossible de ne pas reconnatre,

    dans la responsabilit, un ressort auquel est confi spcialement le progrs social. C'est lecreuset o s'labore l'exprience . (HE, Responsabilit)

    Le remde limperfection humaine

    Le principe de la responsabilit est le suivant : Tout homme qui agit reoit larcompense ou la punition de ses actes. Par cette sanction naturelle, lhommeapprend, dcouvre, se corrige, progresse et samliore. Autrement dit, la responsabilit

    est un principe de perfectibilit. Lhomme est faible, sujet lerreur et la faute. Maisle mal a sa mission, dit Bastiat, il engendre la souffrance et la souffrance nous fait

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    comprendre la faute ou lerreur, elle nous ramne dans le droit chemin. Cest par laconnaissance du mal que nous progressons vers le bien.

    Cest parce que lhomme risque de se tromper ou de mal agir et den subir lesconsquences, quil est incit tre responsable. Il sefforcera d'anticiper les alas qui

    pourront le frapper afin de sen prmunir.

    La seule manire d'anantir la cause (du mal), c'est d'clairer le libre arbitre, de rectifierle choix, de supprimer l'acte ou l'habitude vicieuse; et rien de cela ne se peut que par la loide Responsabilit. (HE, Responsabilit)

    Les notions de troc, change, apprciation, valeur, ne se peuvent donc concevoir sanslibert, non plus que celle-ci sans responsabilit. En recourant lchange, chaque partieconsulte, ses risques et prils, ses besoins, ses gots, ses dsirs, ses facults, sesaffections, ses convenances, lensemble de sa situation ; et nous navons ni nulle partqu lexercice du libre arbitre ne sattache la possibilit de lerreur, la possibilit dunchoix draisonnable ou insens. La faute nen est pas lchange, mais limperfection dela nature humaine ; et le remde ne saurait tre ailleurs que dans la responsabilit elle-mme (cest--dire dans la libert), puisquelle est la source de toute exprience. (HE,Services privs, Services publics)

    Ainsi la responsabilit est source de sagesse. Linitiative et la prise de risquedveloppent en chacun lautodiscipline et la vertu de prvoyance.

    La loi de solidarit et ses abus au nom dune fausse

    philanthropie

    Il y a nanmoins une seconde loi qui entre en jeu dans le mcanisme de la perfectibilit,que Bastiat appelle la loi de Solidarit. Il y a une solidarit incontestable entre leshommes, dit-il. Laction dun homme se rpercute toujours dune faon ou dune autre,en bien ou en mal, sur les autres.

    Le problme, cest que chacun sarrange pour que les consquences utiles de ses acteslui reviennent et que les consquences nuisibles retombent sur autrui.

    La loi de solidarit, selon Bastiat, cest la force de rsistance de la masse contre les actes

    qui lui nuisent. Elle agit par la rpulsion, la rprobation sociale, laversion publique.

    Prenons lexemple de la cigarette. Si un fumeur gne les autres, il sexpose larprobation. Un professeur qui enseigne le ngationnisme et lantismitisme,confront la critique des historiens, perdra son public. Mme chose pour la pollution.Celui qui rejette ses dchets dans la nature sera identifi et boycott par lesconsommateurs. Un exemple rcent cest laffaire Spanghero, cette entreprise franaisede conserverie qui commercialisait des lasagnes base de viande de cheval sousltiquette viande de buf. Lentreprise a subi une baisse de 50% de son chiffred'affaires en raison des rductions ou des suspensions de commandes de ses clients et

    distributeurs.

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    Ici la socit civile a un rle jouer selon Bastiat. Elle est linterface entre lindividu etltat et peut servir de contrepoids la fois aux comportements nuisibles de certainsindividus irresponsables et lemprise dun pouvoir centralisateuret bureaucratique,donc irresponsable lui aussi.

    Lerreurpar contre, serait de multiplier les interdits lgislatifs, chaque fois quil y a desvictimes. De mme, pour rpondre la misre, au chmage, on multiplie les droitsconomiques et sociaux : droit la sant, droit au logement, droit lducation etc.Cest ainsi quon en vient imposer la charit et institutionnaliser la solidarit.

    Il ne faut pas tendre artificiellement la Solidarit de manire dtruire laResponsabilit. Or, c'est prcisment l la tendance non-seulement de la plupart denos institutions gouvernementales, mais encore et surtout de celles qu'on cherche faire prvaloir comme remdes aux maux qui nous affligent. Sous le philanthropiqueprtexte de dvelopper entre les hommes une Solidarit factice, on rend laResponsabilit de plus en plus inerte et inefficace. On altre, par une intervention

    abusive de la force publique, le rapport du travail sa rcompense, on trouble les loisde l'industrie et de l'change, on violente le dveloppement naturel de l'instruction(HE, la jeunesse franaise)

    Laccroissement de laction collective, au nom dune fausse philanthropie, se traduitpar le dplacement de la responsabilit et son transfert de lindividu ltat. Le rsultatcest la perte dindpendance et dinitiative de la socit civile et lanantissement de laresponsabilit, du moins en ce qu'elle a de plus prcieux, dans son caractreexprimental, correctif et par consquent progressif .

    La charit gouvernementale indpendamment de ce qu'elle viole les principes de lalibert et de la proprit intervertit encore la loi de la responsabilit en ce qu'elle te l'aisance le caractre de rcompense, la misre le caractre de chtiment que lanature des choses leur avait impos. La loi ne doit donc pas dicter une solidaritobligatoire, car pour la raliser, il faudra disposer d'une partie de la fortune des uns enfaveur des autres. (Lettre M. de Lamartine, 1845).

    Autrement dit, il appartient la socit civile et non ltat dorganiser cette solidarit.

    Pour renforcer la responsabilit individuelle : les deux

    moralesLimperfection de la raison est lorigine du mauvais usage de la libert. Elle est laprincipale limite des hommes et la cause de beaucoup de maux. Il sagit doncdclairer les consciences sur le caractre utile ou nuisible, donc juste ou injuste, desactes humains, individuels ou collectifs.

    Pour Bastiat, nous lavons vu, la responsabilit est une force bnfique qui tend rduire progressivement la force malfique de la spoliation.

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    Or il y a deux manires complmentaires de renforcer laction de cette forceducative,que Bastiat expose dans un chapitre de la seconde srie des Sophismes conomiquesintitul Deux morales :

    1. une morale philosophique ou religieuse qui agit par purification etcorrection de laction humaine (lhomme en tant qu'agent)

    2. une morale conomique , qui agit en montrant l'homme les consquencesncessaires de ses actes (lhomme en tant que patient)

    Autrement dit il y a deux morales parfaitement complmentaires. Lune sadresse aucur et incite lhomme faire le bien, cest la morale religieuse. Cest la plus noble. Elleenracine dans le cur de lhomme la conscience de son devoir. Elle enseigne la vertu.

    Lautre contribue dnoncer et combattre le mal par la connaissance de ses effets,

    cest la morale conomique. Elle sadresse lintelligence, elle vise clairer la victimesur les effets ngatifs dun comportement. Elle vient renforcer les leons delexprience. Elle s'efforce de diffuser aux masses opprimes le bon sens, laconnaissance et la mfiance qui rend loppression plus rare.

    1 La morale religieuse, pour arriver la suppression de l'acte malfaisant, s'adresse son auteur, l'homme en tant qu'agent. Elle lui dit: Corrige-toi; pure-toi; cesse de fairele mal; fais le bien, dompte tes passions; sacrifie tes intrts; n'opprime pas ton prochainque ton devoir est d'aimer et soulager; sois juste d'abord et charitable ensuite. Cettemorale sera ternellement la plus belle, la plus touchante, celle qui montrera la racehumaine dans toute sa majest; qui se prtera le plus aux mouvements de l'loquence et

    excitera le plus l'admiration et la sympathie des hommes.

    2 La morale conomique aspire au mme rsultat, mais s'adresse surtout l'homme entant que patient. Elle lui montre les effets des actions humaines, et, par cette simpleexposition, elle le stimule ragir contre celles qui le blessent, honorer celles qui luisont utiles. Elle s'efforce de rpandre assez de bon sens, de lumire et de juste dfiancedans la masse opprime pour rendre de plus en plus l'oppression difficile et dangereuse.

    Bastiat remarque, que le rle de la science, quoique diffrent de celui de la moraletraditionnelle, n'en est pas moins utile pour combattre la spoliation. La morale attaquele vice dans son mobile, la science le discrdite dans nos convictions par le tableau de

    ses effets, et facilite ainsi le triomphe de la vertu.

    A la suite de J.-B. Say, il fait observer que, pour faire cesser le dsordre introduit parl'hypocrisie dans une famille honorable, il y a deux moyens : corriger Tartuffe oudniaiser Orgon. Dans la pice de Molire Tartuffe ou lImposteur, Tartuffe se rvleun hypocrite comploteur et Orgon un dupe bien intentionn. Il y aurait moins deTartuffe sil y avait moins dOrgon pour les couter.

    Que la morale religieuse touche donc le cur, si elle le peut, des Tartuffes, des Csars,des colonistes, des sincuristes, des monopolistes, etc. La tche de l'conomie politiqueest d'clairer leurs dupes. De ces deux procds, quel est celui qui travaille le plusefficacement au progrs social ? Faut-il le dire ? Je crois que c'est le second. Je crains quel'humanit ne puisse chapper la ncessit d'apprendre d'abord la morale dfensive.

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    La science conomique, qualifie par Bastiat de morale dfensive, consiste dnoncerles sophismes conomiques afin de les discrditer compltement, et ainsi dpouiller laclasse spoliatrice de sa justification et de son pouvoir : L'conomie politique a uneutilit pratique vidente. C'est le flambeau qui, dvoilant la Ruse et dissipant l'Erreur,dtruit ce dsordre social, la Spoliation. (Physiologie de la spoliation)

    On le voit, l'conomie politique nest pas la science universelle, elle nexclut paslapproche philosophique et religieuse. Mais qui donc a jamais affich, en son nom,une prtention aussi exorbitante ? se demande Bastiat.

    On trouvera la mme analyse chez Gustave de Molinari, le grand disciple de Bastiat :

    Pour remdier aux vices de ce double gouvernement (gouvernement de soi etgouvernement des autres) et aux maux qui en dcoulent, il faut clairer les consciences surle caractre d'utilit ou de nuisibilit, partant de moralit ou d'immoralit des actes du

    gouvernement individuel, des institutions et des pratiques du gouvernement collectif, ce quiest l'affaire de l'conomie politique ; il faut ensuite armer les consciences d'une force moraleassez grande pour dterminer la rforme de ces deux gouvernements, ce qui est l'uvredela religion [...] La religion apparat ainsi comme un agent ncessaire et comme le seul agentabsolument efficace du dveloppement et de la conservation du sens moral. (Gustave deMolinari,Religion, 1892)

    Une chose est sre, ce nest pas lepolitique qui peut changer le cours des choses, etperfectionner lhomme. Au contraire, il faut borner le politique et le cantonner au strictrle qui est le sien, la sret. Cest plutt dans le champ culturel, familial, religieux etassociatif, par le travail sur les ides, par lducation et linstruction, bref par la socit

    civile, quon peut renforcer la responsabilit et la solidarit.

    Conclusion

    Le philosophe Anthony de Jasay crivait : Un ordre libral est un terme quejinterprte de faon minimale comme prsentant le moins d'obstacles aux hommes etaux femmes qui veulent atteindre, avec les moyens disponibles, les fins qu'ils ont choisi

    pour eux-mmes. Un ordre libral n'est pas conu pour augmenter, transformer ouredistribuer les moyens, ni pour promouvoir la conqute maximale de certaines finsspcifies, que ce soit "la libert" ou tout autre but dsirable. (A. de Jasay, Choice,Contract, Consent : A Restatement of Liberalism, Institute of Economic Affairs, 1991.Traduction H. de Quengo.)

    Le remde l'imperfection de la nature humaine dans un ordre libral, ce n est doncpas lomnipotence de la loi, cestla responsabilitelle-mme puisqu'elle est la sourcede toute exprience. Si on laisse agir cette loi, cest--dire si on laisse retomber sur lesindividus les consquences, bonnes ou mauvaises, de leurs actes, alors lordre et

    lharmonie peuvent progresser dans la socit.

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    A linverse, si la loi humaine intervient et fait dvier les consquences des actions, detelle sorte quelles ne retombent pas sur ceux qui elles taient destines, nonseulement la libert nest plus une bonne organisation, mais elle nexiste pas. (Lettre M. de Lamartine, 1845)

    Lerreur et lchec dcoulent de la libert mais la perfectibilit aussi. La libert est lacl du problme social. Cest elle qui perturbe lharmonie mais cest aussi en elle que setrouve la solution. Comme le mal senracine dans limperfection humaine, danslignorance et les passions qui entrainent lemauvais usage de la libert, le remde estdans le perfectionnement du libre arbitre par la responsabilit mais aussi par la morale,la religion et la science conomique, qui sont les auxiliaires indispensables de la libertet de la responsabilit.

    Il y a donc de bonnes raisons de penser que les changes non entravs et fonds sur la

    responsabilit individuelle sont la meilleure faon de crer une socit plus humaineet plus prospre la fois.

    Damien Theillier, 5 juillet 2013

    Annexe :

    Les revendications pour les enfants de toutes les classes sociales d'une chance gale, donc dunepuissance gale, dentrer lEcole polytechnique, ou encore pour les femmes d'une libert-capacitde promotion gale celle des hommes, ces revendications, toujours insatisfaites et impossibles

    satisfaire, relvent de l'galitarisme doctrinaire et non du libralisme. Le libralisme (...) ne souscritpas la dfinition exclusive de la libert par la capacit ou la puissance, dfinition qui conduit l'assimilation de la libert et de l'galit. Il inscrit, au nombre des liberts fondamentales, cellesd'entreprendre parce que la socit progresse grce aux initiatives, aux innovations et que raressont les individus capables de sortir des chemins battus et de prendre des risques. Les socitssocialistes nont pas ralis lgalit quelles visaient mais elles ont limin toutes nos liberts,personnelles. Que leur exemple nous serve de leon : les hommes ont tous le mme droit au respect; ni la gntique ni la socit nassureront jamais tous la mme capacit datteindre lexcellenceou au premier rang. L'galitarisme doctrinaire s'efforce vainement de contraindre la nature,biologique et sociale, il ne parvient pas l'galit mais la tyrannie.

    Raymond Aron,Essai sur les liberts, Postface, d. Pluriel, 1976, p. 240