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Revue du rhumatisme monographies 80 (2013) 116–119 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Découverte d’une gammapathie monoclonale au cours d’une ostéoporose Detection of a monoclonal gammopathy in patients presenting an osteoporosis Rose-Marie Javier 1 Service de rhumatologie, hôpital de Hautepierre, avenue Molière, 67098 Strasbourg, France i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Accepté le 22 janvier 2013 Disponible sur Internet le 18 avril 2013 Mots clés : Ostéoporose Fractures Gammapathie monoclonale Gammapathie monoclonale de gravité indéterminée MGUS Myélome multiple r é s u m é Le rhumatologue sera souvent amené à découvrir une gammapathie monoclonale au cours du bilan d’une ostéopathie fragilisante et ce d’autant que le patient est plus âgé. La probabilité que le diagnostic de gammapathie monoclonale de gravité indéterminée ou MGUS soit retenu est bien supérieur à celle d’un myélome et la connaissance des critères justifiant un bilan initial approfondi est indispensable. Même si la physiopathologie de l’atteinte osseuse précoce au cours de la MGUS n’est pas encore clairement identifiée, l’augmentation des fractures en particulier vertébrales au cours des MGUS est établie et la prévalence de l’ostéoporose densitométrique est élevée au cours des MGUS par rapport aux sujets témoins. © 2013 Société franc ¸ aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Keywords: Osteoporosis Fractures Monoclonal gammopathy of undetermined significance MGUS Multiple myeloma a b s t r a c t Rheumatologists will often discover a monoclonal gammopathy during survey of osteoporosis and espe- cially in elderly patients. Probability that the diagnosis of monoclonal gammopathy of undetermined significance (MGUS) is held is much higher that of multiple myeloma and knowledge of features justi- fying a medullary assessment is fundamental. Even if pathophysiology of early bone loss associated with MGUS is not clearly explained, increase of fractures, especially vertebral fractures, is well established and prevalence of osteoporosis according to dual energy x-ray absorptiometry (DEXA) is higher in patients with MGUS compared to controls. © 2013 Société franc ¸ aise de rhumatologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. À une extrémité du spectre des gammapathies monoclonales, la gammapathie monoclonale de gravité indéterminée monoclonal gammopathy of undetermined significance (MGUS) est une affection prémaligne, définie par la présence d’une protéine monoclonale de moins de 3 g/dL, la présence de moins de 10 % de cellules clo- nales plasmocytaires dans la moelle osseuse et l’absence de lésion organique (donc pas d’atteinte osseuse liée à un envahissement médullaire) (Tableau 1) [1]. Le risque annuel de progression de la MGUS vers un myélome multiple est de 1 % par an [1,2]. La transfor- mation de 1 % des MGUS en myélome multiple tous les ans souligne l’importance d’une surveillance continue après diagnostic puisque 20 % des patients vont évoluer vers un myélome multiple. Adresse e-mail : [email protected] 1 Membre de la section os de la Société franc ¸ aise de rhumatologie. La MGUS est fréquente en pratique clinique : dans une étude de population du Comté de Rochester concernant 21,000 sujets de plus de 50 ans, sa prévalence a été estimée à environ 3,2 % des per- sonnes caucasoïdes de plus de 50 ans. Cette prévalence augmente avec l’âge et concerne environ 7,5 % des sujets âgés de plus de 85 ans [3]. L’incidence annuelle de MGUS chez l’homme a été estimée à 120 pour 100 000 personnes à l’âge de 50 ans, cette incidence aug- mentant jusqu’à 530/100 000 personnes à l’âge de 90 ans (chez les femmes, incidence annuelle de 60/100000 à l’âge de 50 ans et de 370/100 000 à l’âge de 90 ans). En plus de l’accumulation des cas liés à l’âge, l’augmentation de la prévalence de MGUS avec l’âge est à mettre en relation avec une vraie augmentation de l’incidence. Lorsque la MGUS est diagnostiquée pour la première fois, il est estimé qu’elle était présente à un état non détecté depuis une durée moyenne de plus de dix ans [4]. Lorsque l’on découvre une gam- mapathie monoclonale, la probabilité que le diagnostic de MGUS soit retenu est bien supérieure à celle d’un myélome : en effet, dans 1878-6227/$ see front matter © 2013 Société franc ¸ aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2013.01.007

Découverte d’une gammapathie monoclonale au cours d’une ostéoporose

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écouverte d’une gammapathie monoclonale au cours d’une ostéoporose

etection of a monoclonal gammopathy in patients presenting an osteoporosis

ose-Marie Javier1

ervice de rhumatologie, hôpital de Hautepierre, avenue Molière, 67098 Strasbourg, France

i n f o a r t i c l e

istorique de l’article :ccepté le 22 janvier 2013isponible sur Internet le 18 avril 2013

ots clés :stéoporoseracturesammapathie monoclonaleammapathie monoclonale de gravité

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r é s u m é

Le rhumatologue sera souvent amené à découvrir une gammapathie monoclonale au cours du bilan d’uneostéopathie fragilisante et ce d’autant que le patient est plus âgé. La probabilité que le diagnostic degammapathie monoclonale de gravité indéterminée ou MGUS soit retenu est bien supérieur à celle d’unmyélome et la connaissance des critères justifiant un bilan initial approfondi est indispensable. Même si laphysiopathologie de l’atteinte osseuse précoce au cours de la MGUS n’est pas encore clairement identifiée,l’augmentation des fractures en particulier vertébrales au cours des MGUS est établie et la prévalence del’ostéoporose densitométrique est élevée au cours des MGUS par rapport aux sujets témoins.

© 2013 Société franc aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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a b s t r a c t

Rheumatologists will often discover a monoclonal gammopathy during survey of osteoporosis and espe-

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cially in elderly patients. Probability that the diagnosis of monoclonal gammopathy of undeterminedsignificance (MGUS) is held is much higher that of multiple myeloma and knowledge of features justi-fying a medullary assessment is fundamental. Even if pathophysiology of early bone loss associated withMGUS is not clearly explained, increase of fractures, especially vertebral fractures, is well established andprevalence of osteoporosis according to dual energy x-ray absorptiometry (DEXA) is higher in patientswith MGUS compared to controls.

© 2013 Société franc aise de rhumatologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

À une extrémité du spectre des gammapathies monoclonales,a gammapathie monoclonale de gravité indéterminée monoclonalammopathy of undetermined significance (MGUS) est une affectionrémaligne, définie par la présence d’une protéine monoclonalee moins de 3 g/dL, la présence de moins de 10 % de cellules clo-ales plasmocytaires dans la moelle osseuse et l’absence de lésionrganique (donc pas d’atteinte osseuse liée à un envahissementédullaire) (Tableau 1) [1]. Le risque annuel de progression de laGUS vers un myélome multiple est de 1 % par an [1,2]. La transfor-

ation de 1 % des MGUS en myélome multiple tous les ans souligne

’importance d’une surveillance continue après diagnostic puisque0 % des patients vont évoluer vers un myélome multiple.

Adresse e-mail : [email protected] Membre de la section os de la Société franc aise de rhumatologie.

878-6227/$ – see front matter © 2013 Société franc aise de rhumatologie. Publié par Elsettp://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2013.01.007

La MGUS est fréquente en pratique clinique : dans une étudede population du Comté de Rochester concernant 21,000 sujets deplus de 50 ans, sa prévalence a été estimée à environ 3,2 % des per-sonnes caucasoïdes de plus de 50 ans. Cette prévalence augmenteavec l’âge et concerne environ 7,5 % des sujets âgés de plus de 85 ans[3]. L’incidence annuelle de MGUS chez l’homme a été estimée à120 pour 100 000 personnes à l’âge de 50 ans, cette incidence aug-mentant jusqu’à 530/100 000 personnes à l’âge de 90 ans (chez lesfemmes, incidence annuelle de 60/100000 à l’âge de 50 ans et de370/100 000 à l’âge de 90 ans). En plus de l’accumulation des casliés à l’âge, l’augmentation de la prévalence de MGUS avec l’âge està mettre en relation avec une vraie augmentation de l’incidence.Lorsque la MGUS est diagnostiquée pour la première fois, il est

estimé qu’elle était présente à un état non détecté depuis une duréemoyenne de plus de dix ans [4]. Lorsque l’on découvre une gam-mapathie monoclonale, la probabilité que le diagnostic de MGUSsoit retenu est bien supérieure à celle d’un myélome : en effet, dans

vier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Tableau 1Critères diagnostiques différenciant le myélome multiple symptomatique, le myé-lome multiple asymptomatique et la monoclonal gammopathy of undeterminedsignificance [MGUS].

Myélome multiple symptomatique Plasmocytose médullaire > 10 %ET présence dans le sérum ou dans lesurines d’une protéine monoclonale (saufdans le cas d’un myélome non sécrétant)ET présence d’un critère CRAB

Myélome multipleasymptomatique

Prolifération plasmocytaire > 10 %ET/OU présence d’une protéine sériquemonoclonale (IgG ou IgA) > 30 g/LET absence de critère CRAB

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ET protéine monoclonale < 30 g/LET absence de critère CRAB

a série de 1684 patients explorés à la Mayo Clinic pour la décou-erte d’une protéine monoclonale dans le sang ou dans les urines,e diagnostic de MGUS a été porté dans 55 % des cas et de myélome

ultiple dans 16,5 % des cas [2].De nombreuses données vont dans le sens d’une fragilisation

sseuse existant déjà au stade de MGUS et qui serait lié à cet étatathologique pré-malin et non à l’âge avec son corollaire de fra-ilisation osseuse de type ostéoporotique. Dans cet article, nousborderons les données épidémiologiques et physiopathologiquese cette fragilisation osseuse associée à la MGUS mais celle consé-utive au myélome « maladie », expansion clonale de plasmocytesalins dans la moelle osseuse, avec pour conséquence une maladie

sseuse quasi systématique et bien connue des rhumatologues, neera pas abordée.

. Prévalence importante de la gammapathie monoclonalehez les patients ostéoporotiques

L’ostéoporose confirmée est associée à une augmentation dea probabilité de trouver une gammapathie monoclonale : ainsi,ans une étude rétrospective transversale concernant 799 patientsxplorés pour une suspicion d’ostéoporose, 4,9 % des patients avecstéoporose confirmée ont un pic monoclonal comparé à seule-ent 2,2 % des patients non ostéoporotiques alors que pour rappel,

a prévalence de la MGUS en population générale de plus de 50 ans été estimée à environ 3,2 % [3,5]. La prévalence d’une MGUSst de 6 % dans une étude concernant 157 patients hospitalisésour fracture de hanche [6]. Très récemment, une étude observa-ionnelle rétrospective de 874 patients, consultant pour un bilannitial d’ostéoporose avec réalisation systématique électrophorèsees protéines et recherche de protéinurie de Bence Jones dans lesrines, a permis de découvrir une gammapathie monoclonale chez,7 % de ces patients. Dans cette étude, l’impact de l’âge est impor-ant puisque aucun sujet de moins de 55 ans (n = 165) n’avait ce type’anomalie et que les patients avec une gammapathie monoclonaletaient significativement plus âgés (p < 0,01) et avaient davantage’ostéoporose. C’est en particulier, dans la tranche d’âge 75 à 85 ansu’il y avait le plus de gammapathie, soit 7 % (13/186 patients)7].

. Impact osseux des gammapathies monoclonales deravité indéterminée

.1. Augmentation du risque fracturaire au cours desammapathies monoclonales de gravité indéterminée

Plusieurs études ont fait état d’une augmentation des frac-ures en particulier vertébrales au cours des MGUS [8–13]. Dansne étude rétrospective de cohorte américaine réalisée dans leinnesota et portant sur 488 patients avec MGUS suivis pendant

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3901 patient-années jusqu’à progression vers le myélome, Meltonet al. ont démontré qu’il y avait une augmentation de 2,7 du risquestandardisé de fracture axiale (risque de 6,3 pour les fracturesvertébrales ; IC 95 % : 5,2–7,5), sans augmentation statistiquementsignificative du risque de fracture périphérique (risque relatif[RR] standardisé pour toutes les fractures appendiculaires de 1,1 ;IC 95 % : 0,9–1,4) chez les patients atteints de MGUS. Dans cetteétude, la présence d’une gammapathie monoclonale IgG est protec-trice par rapport aux fractures, cette donnée n’étant pas retrouvéedans d’autres publications [8]. Une augmentation du risque fractu-raire est également constatée dans une étude cas-témoin danoisecomprenant 1535 patients avec MGUS comparés à une popula-tion témoin de 15 350 sujets appariés pour l’âge et le sexe. Le RRajusté de fractures est de 1,4 (IC 95 % : 1,2–1,6) chez les patientsavec MGUS en comparaison à la population témoin avec pour lesMGUS de type IgG un RR de 1,3 (IC 95 % : 1,1–1,6), pour les MGUSde type IgM un RR de 1,6 (IC 95 % : 1,1–2,2) et pour les MGUS detype chaîne légère kappa un RR de 1,4 (IC 95 % : 1,1–1,7). Cetteaugmentation du risque fracturaire n’est pas expliquée par lescomorbidités, l’âge, le sexe ou le risque de transformation maligneaprès un suivi de cinq ans [10]. Pour Kristinsson et al. [13], dans uneétude suédoise portant sur 5236 MGUS diagnostiquées de 1958 à2006 comparés à 20 161 sujets appariés, les patients avec MGUSont une augmentation du risque de fracture à dix ans de 1,6 avecune prédominance axiale (crâne, vertèbre, bassin, sternum et côtes)de ce sur risque. Aucune différence statistiquement significativen’a pu être démontrée entre type de gammapathie (IgG, IgA ouIgM) et risque fracturaire [13]. Ces différentes données fracturairesconfirment bien l’utilité de rechercher une gammapathie monoclo-nale lors d’un bilan d’ostéoporose et ce d’autant que le patient estplus âgé (la tranche d’âge élevé qui favorise le développement dela dysfonction médullaire ainsi que la fragilisation osseuse propreà la MGUS se combinent).

2.2. Anomalies densitométriques au cours des gammapathiesmonoclonales de gravité indéterminée

Plusieurs études avec de petits effectifs ont montré que la pré-valence de l’ostéoporose densitométrique était élevée au coursdes MGUS [9,10]. Ainsi dans l’étude de Pepe et al., comprenant65 femmes avec MGUS, seules 13 ont une DMO normale, 35 uneostéopénie et 17 une ostéoporose [10]. Dans cette étude, la DMOlombaire apparaît comme le meilleur prédicateur des fractures ver-tébrales.

Pour mieux comprendre l’augmentation du risque fracturaireau cours de la MGUS, une étude densitométrique classique maisaussi microstructurale par scanner périphérique à haute résolu-tion (HR pQCT) a été réalisée chez 50 patients atteints de MGUScomparés à des sujets normaux [14]. Les auteurs ont égalementmesuré les marqueurs du remodelage osseux. La DMO était signifi-cativement plus basse au fémur total chez les patients avec MGUScomparés aux sujets témoins, avec des différences proches de lasignificativité pour le col fémoral et le radius total. La DMO lom-baire est plus basse mais ne diffère pas statistiquement par rapportaux sujets témoins alors que dans la littérature la colonne lom-baire est le site où l’augmentation fracturaire est la plus nette.Il n’y a pas de différence en termes de DMO au corps entier. Lesmesures microstructurales scannographiques ont permis de mon-trer que les patients avec une MGUS ont une aire osseuse totaleau radius ultra distal plus importante avec une augmentation del’aire endocorticale par rapport aux témoins et une épaisseur corti-

cale plus fine avec une diminution du volume trabéculaire osseuxapprochant le seuil de significativité statistique. Une diminutionsignificative de l’épaisseur trabéculaire a été également notée alorsque l’homogénéité trabéculaire est conservée.
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Tableau 2Anomalies de la série CRAB.

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.3. Anomalies du remodelage osseux au cours des gammapathiesonoclonales de gravité indéterminée

Alors que les marqueurs osseux de résorption (en particulier leinked carboxy-terminal telopeptide of collagen type I [ICTP] sérique,es amino-terminal telopeptide of type 1 collagen [NTX] urinaires etes carboxy-terminal telopeptide of type 1 collagen [CTX] sériques)nt montré leur intérêt au cours du myélome multiple où ils sonte reflet de l’extension de la maladie, sont corrélés de fac on indé-endante au risque de développer un premier évènement osseuxt permettent de prédire la progression osseuse après chimio-hérapie conventionnelle, les études sont de plus petite taille etlus contradictoires au cours de la MGUS. Plusieurs études ontapporté une accélération du remodelage osseux avec une augmen-ation des marqueurs de résorption osseuse, mais pour d’autresquipes comme Laroche et al., le remodelage osseux est normal9,15–20]. Certains auteurs évoquent même l’intérêt des mar-ueurs de résorption pour aider au diagnostic différentiel entreGUS et myélome multiple [18,20]. Dans l’étude de Pepe et al.,

es taux sériques d’ostéocalcine sont plus bas et les taux de crossaps sériques plus élevés chez les patients avec fractures que chezes patients n’ayant pas fracturé mais ces différences n’atteignentas le seuil de significativité [9].

Les marqueurs de formation osseuse n’ont pas démontré leurntérêt clinique au cours du myélome multiple, et dans la MGUS,es quelques données disponibles ne sont pas probantes [15,17,19].

.4. Anomalies histologiques osseuses au cours desammapathies monoclonales de gravité indéterminée

L’analyse histomorphométrique de biopsies réalisées chez7 patients atteints de MGUS de type IgG ou IgA a permis d’observerne dégradation osseuse anormale avec en particulier une aug-entation de la résorption osseuse mais décelable seulement au

oisinage immédiat des cellules plasmocytaires [21]. Cette aug-entation limitée de la résorption osseuse (alors qu’elle est très

mportante au stade de myélome) est bien associée à la progressioners le myélome et constitue un marqueur précoce de malignitéétectable plusieurs années avant l’installation au stade de myé-

ome de la maladie mais peut ne pas être décelée sur des biopsiessseuses de petite taille [21,22]. En revanche, Laroche et al. neetrouvent aucune anomalie du remodelage osseux dans une étudeistomorphométrique comprenant 29 patients avec MGUS [15].

Lorsque les données histomorphométriques des MGUS sontomparées aux données histomorphométriques des patientstteints de myélome, de lymphome B ou à des sujets témoins, Jos-elin et al. ont mis en évidence une augmentation du nombre deellules dendritiques médullaires surtout chez les patients avecymphome cellulaire B, puis chez les patients avec MGUS, puis chezes myélomes, le tout supérieur aux patients témoins [23].

.5. Mécanismes physiopathologiques impliqués dans cetteragilisation osseuse

Au cours du myélome multiple existe un découplage majeurntre une formation et une activité ostéoclastique augmentéesliée à une amplification de la voie receptor activator of nuclearactor-kappaB [RANK] et à l’action de macrophage inflammatory 1

[MIP1�]) et une formation osseuse profondément inhibée (duait de la forte augmentation de dickkopf 1 [Dkk1], antagoniste dea voie Wnt). Ce découplage est la conséquence des interactionsellulaires entre cellules osseuses, cellules immunitaires, plasmo-

ytes activés et microenvironnement médullaire [24–26]. Or, ceécouplage n’est pas observé au stade précoce qu’est la MGUS. Desonnées contradictoires sont disponibles concernant la productione Dkk1 qui n’est pas toujours augmentée. Dans la récente étude

(> 2,65 mmol/L) (> 173 �mol/L) (Hb < 10 g/dL) osseuse

a Au moins une lésion lytique, ostéopénie sévère ou fracture pathologique.

de Ng et al., les marqueurs classiques de formation osseuse de typeamino pro-peptide of type 1 collagen (P1NP) et de résorption osseusede type cross laps sériques et Tartrate-resistant acid phosphatase 5b(TRAP5B) ne différent pas entre les MGUS et les sujets témoins. Enrevanche, les taux de macrophage inflammatory protein 1 cytokinepro-resoptive (MIP-1�) sont six fois plus élevés chez les patientsMGUS par rapport aux sujets témoins ; il existe aussi des taux deDKK1 deux fois plus élevés chez les patients MGUS par rapport auxsujets témoins suggérant que la diminution des paramètres cor-ticaux et trabéculaires mesurés par scanner haute résolution estplutôt le reflet d’une altération de la formation osseuse [14].

Des travaux récents démontrent la compétition progressive etle remplacement cellulaire des cellules de la moelle osseuse nor-male par les cellules plasmocytaires clonales au fur et à mesure del’avancée de la maladie de la MGUS vers le myélome indolent puisle myélome multiple [27]. Cette évolution progressive chez cer-tains patients pourrait expliquer les discordances observées et desétudes longitudinales paraissent nécessaires pour identifier préco-cement quels patients avec MGUS sont à risque osseux.

2.6. Prise en charge spécifique osseuse de cette fragilisationosseuse au cours des gammapathies monoclonales de gravitéindéterminée ?

La question thérapeutique en spécifique osseuse au cours desMGUS n’est pas actuellement clairement établie, même s’il existeune étude de phase 2 portant sur 54 patients avec une MGUS trai-tée par acide zolédronique en perfusion de 4 mg tous les six moispendant un an qui a démontré qu’il existait une augmentation signi-ficative de la DMO au rachis lombaire de 15 % pour l’ensembledes patients, cette augmentation étant de 6 % à la hanche. Cetteétude n’avait pas la puissance nécessaire pour évaluer l’effet anti-fracturaire ni l’effet antitumoral. Une confirmation de ces donnéespar d’autres essais contrôlés et randomisés avec évaluation de laréduction du risque fracturaire sur une plus longue période estindispensable [28].

3. Attitude pratique pour le rhumatologue

La probabilité de découvrir une gammapathie monoclonaleau cours d’une pathologie osseuse fragilisante est importante etl’ostéoporose peut être le premier signe de gammapathie mono-clonale pré-maligne ou de myélome multiple voire le seul signequi précède le diagnostic de myélome multiple [29]. La plupartdes patients qui vont développer un myélome multiple sympto-matique ont d’abord présenté une gammapathie monoclonale degravité indéterminée ; cependant, il convient de ne pas être iatro-gène ou pessimiste puisque seuls 15 % des MGUS vont développerun myélome multiple.

Une NFS est à réaliser. S’il n’y a pas de signe clinique, que le pic estminime, certains ne préconisent que le dosage sériques des chaîneslégères. En effet, le ratio kappa/lambda de ces chaînes légères libresest un indicateur de clonalité mais cet examen est hors nomencla-

ture et son coût est d’environ 40 euros. Alors que l’électrophorèsedes protéines sériques et urinaires reste la méthode standard descreening pour les MGUS et les myélomes multiples, l’analyse deschaînes légères sériques libres est d’un ajout important lorsque le
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R.-M. Javier / Revue du rhumatis

atient présente un des signes hypercalcémie, insuffisance rénale,némie et atteinte osseuse (CRAB) (Tableau 2) et elle peut éga-ement être utile lorsqu’on est en présence d’un patient avec un

yélome non sécrétant. Au diagnostic d’une MGUS, la présence’un ratio anormal de ces chaînes légères libres est un indicateur

mportant de risque de progression vers un myélome [30].L’exploration médullaire par ponction médullaire est indis-

ensable dès le bilan initial selon les critères de l’Internationalyeloma Working Group (IMWG) lorsque les patients chez les-

uels on vient de découvrir une gammapathie monoclonale sont risque intermédiaire ou élevé d’évolution vers un myélome, àavoir :

s’il existe un pic important (protéine monoclonale supérieure ouégale à 15 g/L et de type IgA ou IgM) ;si le ratio des chaînes légères est anormal (ratio Kappa/Lambdanormal entre 0,26 et 1,65) ou ;si les patients présentent un des signes présents dans l’acronymeCRAB et que ce signe n’est pas attribuable à une autre pathologie.

À l’inverse, lorsque les patients sont à bas risque d’évolutioners un myélome symptomatique, l’IMWG recommande de prati-uer une électrophorèse des protéines sériques six mois après leiagnostic, si l’examen clinique, la NFS, la calcémie, la créatininé-ie sont normaux, puis d’instaurer un suivi annuel sur toute la

urée de la vie [1]. Il n’y a pas de recommandation officielle pour leuivi densitométrique mais un contrôle à trois ans paraît judicieux.

Au total, la MGUS doit être parfaitement connue des rhuma-ologues puisque elle est indéniablement un facteur de risque deractures, en particulier vertébrales, qu’elle est fréquente chez leujet âgé et que, de ce fait, sa découverte au cours du bilan ini-ial d’un sujet ostéoporotique n’est pas anecdotique tant pour laréquence que pour les conséquences pour le suivi.

éclaration d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relationvec cet article.

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