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Derrière l’information officielle 1950 - 2000 Claude Jean Devirieux Septentrion Extrait de la publication

Derrière l’information officielle 1950 - 2000 · 2018-04-13 · au second plan les faits et gestes ainsi que les états d’âme de l’auteur. Donc, sans cependant me priver

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Claude Jean Devirieux

SeptentrionExtrait de la publication

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du même auteur

Manifeste pour la liberté de l’information, Éditions du Jour, 1971.

Pour une communication efficace, Presses de l’Université du Québec, 2007.

Manifeste pour le droit à l’information, Presses de l’Université du Québec, 2009.

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Derrière l’information

officielle1950 - 2000

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Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la Société de dévelop pement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordé à leur programme d’édition, ainsi que le gouvernement du Québec pour son Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres. Nous reconnaissons éga lement l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

Mise en pages et maquette de couverture : Pierre-Louis Cauchon

Si vous désirez être tenu au courant des publicationsdes ÉDITIONS DU SEPTENTRIONvous pouvez nous écrire par courrier,par courriel à [email protected],par télécopieur au 418 527-4978ou consulter notre catalogue sur Internet :www.septentrion.qc.ca

© Les éditions du Septentrion Diffusion au Canada :1300, av. Maguire Diffusion DimediaQuébec (Québec) 539, boul. LebeauG1T 1Z3 Saint-Laurent (Québec) H4N 1S2Dépôt légal :Bibliothèque et Archivesnationales du Québec, 2012 Ventes en Europe :ISBN papier : 978-2-89448-706-8 Distribution du Nouveau MondeISBN PDF : 978-2-89664-723-1 30, rue Gay-LussacISBN EPUB : 978-2-89664-724-8 75005 Paris

Pour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous sur notre site Internet au www.septentrion.qc.ca

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Avant-propos

En trente-trois ans de journalisme, dont plus de trente ans à Radio-Canada, on amasse une foule

d’informations. Certaines sont publiables, d’autres non. Les informations publiables ne sont pas tou-jours publiées. Pourquoi ?

Voici ce qu’en dit l’article 2 de la Charte de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec : « La vérification de l’authenticité des sources d’information et de la véracité des faits constitue une obligation. Il ne doit exister aucun doute raisonnable sur la crédibilité des sources ni sur l’exactitude des faits alimentant l’information. Toute information incertaine doit être identifiée comme telle. »

Or, assez souvent, il n’est pas possible de vérifier. Les événements se bousculent, les preuves n’existent pas ou disparaissent, les témoins se défilent. Les médias reculent. Leur crédibilité pourrait être mise en doute ; ils obéissent parfois à des impératifs poli-tiques ; ils craignent les poursuites judiciaires.

Assez souvent aussi, des informations sont confiées à un journaliste sous le sceau du secret. Les

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informateurs ne veulent pas être cités parce qu’ils craignent pour leur carrière, parfois pour leur vie. Sur le coup, le journaliste n’ose pas ou ne peut pas briser son engagement de confidentialité de peur de voir se tarir une source de renseignements ou dans l’attente d’une preuve documentaire. Une preuve documentaire qui souvent ne vient pas ou qui vient trop tard, alors que l’opinion publique se passionne déjà pour autre chose.

Quoi qu’il en soit, en 33 ans, j’ai pour ma part accumulé une masse d’informations dont certaines ont peut-être été publiées mais vite oubliées, sub-mergées par le flot des informations officielles politiquement correctes. Avec cette nuance que la rectitude politique repose aussi sur le public qui n’est pas prêt à accepter comme crédible une information a priori incroyable, même si elle est fondée. Certaines des informations dont je suis le dépositaire n’ont jamais été publiées pour les raisons que je viens brièvement d’énumérer.

Contrairement à ce que s’imaginent les gens qui se souviennent de moi, je n’ai jamais été un bon journaliste. Un bon communicateur, oui. Un bon journaliste, non. Travaillant généralement dans le quotidien, je n’ai jamais vraiment eu le temps de fouiner pour trouver les faits cachés, les acteurs et les témoins. En outre, surveillé comme je l’ai été, je n’en ai jamais eu vraiment la liberté. Mais, je ne sais pourquoi, les gens venaient me faire des confidences, sous le sceau du secret que je respectais, bien

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entendu. Je n’ai jamais été un « fouille-merde », comme on appelle parfois les journalistes d’enquête, mais la nature m’avait cependant doté du don de faire parler les gens. J’ai donc appris bien des choses. Chaque fois que je ne suis par sûr de l’exactitude des faits dans les pages qui vont suivre, je vous prévien-drai et j’emploierai les précautions d’usage. Pour le reste, j’affirme.

Mes sources sont ma mémoire d’abord, et mes archives personnelles, précieusement conservées depuis 1956 (sauf celles qui m’ont été dérobées), des souvenirs d’anciens confrères, ceux qui se sou-viennent encore, les ouvrages que l’on trouve en bibliothèque ainsi que les études publiées sur Internet et qui n’ont généralement jamais été démenties.

Vous allez me dire : pourquoi avoir attendu si longtemps pour parler ? J’ai attendu longtemps parce que, en moi, je n’en ressentais pas encore l’urgence. Vous allez aussi me dire : la plupart des protagonistes des faits rapportés sont morts ou si vieux que nous n’avons plus comme garantie de l’authenticité de ces faits que votre parole. Mais j’ai vécu certains de ces faits ; je peux donc en témoigner. Et c’est ma parole que je vous donne, parole que je répéterais devant n’importe quel tribunal.

J’aurais pu écrire mes mémoires. Mais, excepté celles de personnages célèbres ayant joué un rôle important dans la société contemporaine, les mémoires n’intéressent guère que quelques curieux

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ou désœuvrés. Même pas les proches qui ont déjà entendu cent fois le récit des exploits personnels du patriarche. C’est l’écrivain Dany Laferrière, ren-contré chez des amis communs, qui m’a conseillé d’écrire un abécédaire. Entre autres avantages, l’abécédaire a celui de faire porter l’intérêt sur les événements, classés par rubriques, en faisant passer au second plan les faits et gestes ainsi que les états d’âme de l’auteur. Donc, sans cependant me priver d’exprimer mes opinions, j’ai essayé de faire un ouvrage qui aura une valeur historique.

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A

ACCUSATION

Un proverbe dit : Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage.

Le gouvernement canadien, quel que soit le parti au pouvoir, n’a jamais compris ni admis que, nonobstant les dispositions de la loi, la Société Radio-Canada n’était pas à son service et se permet-tait, dans ses émissions d’information, de diffuser des nouvelles contenant des critiques de ses poli-tiques. Du plus loin que je me souvienne…

Au cours de l’été 1959, alors que les progressistes-conservateurs de John Diefenbaker étaient au pou-voir, l’émission Preview Commentary énervait les membres du gouvernement. Le ministre du Revenu, M. Knowlan, avait même proféré des menaces voi-lées du genre ( je cite et je fais une traduction libre des documents que j’ai conservés) : « Il y a des choses qui ne sont pas administrées correctement [à CBC]… et il y a des programmes qui déplaisent à un grand

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nombre de gens au gouvernement et ailleurs. » À la suite de cela, le vice-président de CBC–Radio-Canada, M. Bushnell, avait déclaré ( je cite encore, traduction libre) : « Il y a des têtes qui vont tomber ! » (« Heads will roll »).

Mais nous sommes en des temps reculés et ça concerne le réseau anglais de Radio-Canada. Plus près de nous, les membres du gouvernement fédéral ont multiplié les accusations de séparatisme à l’en-droit des journalistes de Radio-Canada. En 1969, le premier ministre Pierre Elliott Trudeau menace publiquement de « mettre la clé dans la porte » de Radio-Canada. Les plus virulentes accusations ont été proférées par les ministres André Ouellet et Jean Marchand. Pierre Elliott Trudeau reprend ces accu-sations lors d’un important discours à Québec. Dans la salle de rédaction de Radio-Canada, un employé avait été affecté spécialement pour compter combien de lignes et de minutes étaient consacrées à chaque parti politique, à chaque organisation ou groupe-ment contestant le pouvoir établi, la Société Saint-Jean-Baptiste par exemple. Finalement, en 1978, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunica-tions canadiennes (CRTC) ouvre une enquête offi-cielle dont la conclusion était que l’information à Radio-Canada respectait tous les critères d’objecti-vité. Mais, pendant tout ce temps, les patrons de l’information étaient d’une fébrilité extraordinaire et nous, les journalistes, pratiquions instinctivement l’autocensure.

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Je ne peux résister à la tentation de vous raconter une anecdote savoureuse. Jean Marchand avait un faible pour l’alcool dont il usait et abusait dès le matin. Je l’avais surpris à Ottawa un jour vers 9 h du matin, complètement ivre et essayant de rejoindre son bureau en s’accrochant à la grille du parlement, le long de la rue Wellington. Il avait été arrêté plusieurs fois pour « conduite avec facultés affaiblies ». Trudeau a fini par le nommer au Sénat et, le jour de son discours inaugural (« maiden speech ») à la Chambre haute, Marchand improvise une violente diatribe contre les « séparatistes de Radio-Canada ». Et il ajoute ( je résume, mais c’est authentique) : « Il y en a un dont je ne donnerai pas le nom… c’est un Belge, c’est Claude Jean Devirieux ! ». Émoi parmi mes patrons de Radio-Canada, mouvement de sympathie parmi mes confrères et collègues journalistes qui viennent m’interviewer. Je leur déclare que je ne suis ni séparatiste ni Belge. Et comme, pour les Français, les Belges tiennent un peu la place des Newfies pour les Canadiens, je menace à la blague de porter plainte contre Jean Marchand pour libelle diffama-toire. Mais, le plus fort, c’est que Jean Marchand, interviewé à son tour, s’est excusé ! Le pauvre homme est mort en 1988 bien tristement : en tom-bant d’une échelle alors qu’il bricolait autour de sa maison de Cap-Rouge, en banlieue de Québec.

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AGENCE CANADIENNE DE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL (ACDI)

Sauf dans les cas de catastrophes naturelles nécessi-tant de débloquer des fonds pour envoyer des secours d’urgence et nous permettant d’écouler les surplus alimentaires qui encombrent nos entrepôts, l’aide internationale est en général une manière détournée de favoriser le commerce extérieur des pays dits riches. Le Canada comme les autres. Nous offrons aux pays en voie de développement, non pas de l’argent, mais un crédit qui servira à l’achat de biens et de services fournis par le Canada.

Parmi ces biens et services, il y a aussi l’envoi d’experts canadiens qui supervisent sur place la réalisation du programme d’aide. Avec, bien sûr, le risque que ces programmes d’aide ne correspondent pas aux besoins réels des populations concernées. Je donne un seul exemple, révélé par de hauts fonc-tionnaires. Dans un pays d’Afrique couvert de savane sur laquelle vivaient des bergers semi-nomades poussant leurs troupeaux devant eux, l’ACDI a décidé que, pour améliorer le niveau de vie de ces gens, il fallait transformer la savane en terres à blé. Le Canada a fourni les experts, la machinerie agri-cole et les semences. Il y a eu plusieurs effets non prévus. D’abord, le climat étant peu propice, les céréales sont mal venues. Ensuite, les champs labourés ont pris la place des pâturages et les bergers ont liquidé leurs troupeaux. Enfin, ces mêmes

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bergers, après des siècles de nomadisme, ne se sont pas habitués à la vie sédentaire des travailleurs agricoles et, mourant de faim et en chômage, ils sont allés grossir les rangs de la rébellion d’obédience marxiste.

On pourrait évoquer aussi tel ensemble d’édifices multilogements d’Afrique noire dont les occupants, n’ayant jamais vécu dans des appartements unifami-liaux mal isolés contre la chaleur, sont descendus vivre dans la cour. Les hommes, se protégeant du soleil avec les portes arrachées, ont pu reprendre leurs palabres, les femmes ont pu recommencer à effectuer les travaux domestiques en équipe et dans la joie tandis que les enfants élevés en troupe pou-vaient courir partout librement comme autrefois. Il y a eu aussi, construite par le Canada, cette usine de transformation de poissons d’Amérique du Sud qui, faute de marché pour le poisson préparé, a fini par servir d’entrepôt. Mais bon, on s’arrête.

ASSIMILATION-ANGLICISATION

Exemple vécu.Le quartier montréalais de Saint-Michel était

autrefois une municipalité distincte. En 1960, cette municipalité comptait environ 60 000 habitants dont 65 % étaient des Canadiens français. Bien qu’étant une municipalité distincte, bizarrement, sur le plan scolaire, elle relevait de la Commission des écoles

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catholiques de Montréal. Comme il n’y avait pas d’école secondaire à Ville Saint-Michel ( je répète : en 1960, il n’y avait pas d’école secondaire dans cette ville de 60 000 habitants), les adolescents étaient obligés de prendre l’autobus de ce qu’on appelait la Commission des transports de Montréal et de fré-quenter l’école secondaire de leur choix, à Montréal. C’était une situation ubuesque qui mécontentait grandement les familles francophones dont les enfants étaient forcés de voyager par eux-mêmes matin et soir. Pour mettre fin à ce qui commençait à être considéré comme un scandale, les dirigeants de la Commission des écoles catholiques de Montréal ont accepté de faire construire une école secondaire à Saint-Michel, l’école Joseph-François-Perrault qui a ouvert ses portes en 1961, dans un terrain vague assez loin du boulevard Saint-Michel, donc des autobus, et qui a commencé modestement à accueillir des élèves francophones. Seulement cinq cents la première année.

Par contre, la Kennedy High School, ainsi nommée en hommage au président américain qui venait d’être assassiné, a été mise à la disposition des anglophones dès 1963. Quelle différence ! C’était un magnifique et vaste établissement situé à l’angle du boulevard Saint-Michel et de la rue Villeray (où elle est toujours), juste à un arrêt d’autobus et facile d’accès. Je sais que l’école Joseph-François-Perrault s’est bien développée mais, au départ, la compa-raison entre les deux faisait rager.

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AUTOROUTE

La première autoroute québécoise a été le tronçon de la « Quinze », reliant Montréal à Saint-Jérôme. Appelée pompeusement l’autoroute des Laurentides bien que n’ayant que 30 kilomètres, elle était à péage. Mon Dieu qu’on était contents ! Nous avions 30 kilomètres d’autoroute alors que la France n’en avait que 15, entre Paris et l’aéroport d’Orly.

L’autoroute des Laurentides a été inaugurée en 1959 par le premier ministre Maurice Duplessis qui, pour l’occasion, avait prononcé un vibrant discours sur la modernité du Québec et l’action de son gou-vernement. Quel événement ! Radio-Canada avait dépêché à la cérémonie traditionnelle du coupage de ruban une équipe radio et une équipe télévision. Mais la technique de l’époque était aléatoire et le caméraman était revenu avec un film… dont le son était totalement absent ! Erreur du caméraman, mauvaise qualité du film, erreur au laboratoire de développement ? On n’en a jamais rien su, mais la consternation régnait dans la salle de rédaction car nous savions que monsieur Duplessis haïssait Radio-Canada. Si son discours n’était pas diffusé, il ne manquerait pas d’en rajouter sur ses griefs contre la société d’État (une création du gouvernement fédéral, pensez donc !). Pour éviter les ennuis, nous avons utilisé un subterfuge. L’équipe radio ayant enregistré tout le discours, nous avons passé sur le film muet des passages de l’enregistrement radio.

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Évidemment, le mouvement des lèvres de Maurice Duplessis et les mots entendus par les téléspecta-teurs étaient complètement désynchronisés mais personne, sauf les gens du métier, ne s’en est rendu compte.

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