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Diagnostic agraire de la région de Yavi Une région isolée en déprise Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention du diplôme d’ingénieur agronome Sibylle Paris Encadrement : Hubert Cochet (AgroParisTech) Décembre 2015

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Diagnostic agraire de la région de Yavi

Une région isolée en déprise

Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention du diplôme d’ingénieur agronome

Sibylle Paris

Encadrement : Hubert Cochet (AgroParisTech) Décembre 2015

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Remerciements

Yavi. Des plateaux immenses interrompus par des chaînes de montagnes lointaines. Un

ciel bleu immaculé, des rayons du soleil qui cognent sur le chapeau et les vêtements. Le silence,

interrompu par les frissons des buissons sous le vent et le crissement du sable sous les pas. En

contrebas, des hommes et des femmes travaillent dans les champs, silencieux eux aussi, sauf

pour crier des ordres à leurs chiens, particulièrement hardis au passage d’un étranger. Inquiète ?

Non. Car là, tout près, dans le village, il y a une maison spéciale. Dans cette maison il y a un

soleil. C’est le soleil de Marisol, mon amie, ma mère, qui m’a ouvert son foyer, m’a

accompagnée tout au long de mon travail avec ses sourires et ses rires, et m’a entourée de ses

précieux conseils lors des moments difficiles.

Merci à toutes les personnes de Yavi qui m’ont ouvert leurs portes, ont accepté de

répondre à mes questions, de partager avec moi leur quotidien pour me montrer comment ils

vivent et travaillent. Un immense merci à Doña Maxima pour son accueil, les repas partagés,

la cuisine faite au lance-pierre sous le soleil ardent, les fous rires suite à des quiproquos et les

courses poursuites après ses brebis indisciplinées.

Merci à la famille Moreau pour son soutien et son accueil chaleureux à Tilcara, merci

Roger pour les longues discussions à l’improviste autour d’un maté, merci Susana et Radek

pour les discussions passionnées à propos de la société argentine.

Merci aux agronomes et chercheurs de l’INTA, de l’IPAF et de la Subsecretaria de

Agricultura Familiar qui m’ont soutenu dans mon travail : Hugo Lamas et Mariana Quiroga

Mendiola pour leurs conseils avisés lorsque j’ai eu à choisir ma région d’étude et pour leur

accompagnement tout au long de mon travail de terrain, Omar Galian et Hugo Sanchez pour le

temps passé à répondre à mes questions.

Merci à Hubert Cochet, Professeur à AgroParisTech, pour son encadrement : présence

et disponibilité pour répondre aux questions, distance pour laisser place à l’autonomie, un

équilibre mesuré et pédagogique.

Merci à ma famille pour sa présence et son soutien à distance et lors de mon retour en

France.

Merci à Juan, Marjolaine, Hugo, Marie et Léo, mes compagnons d’abord d’agronomie,

mais finalement et surtout compagnons de vie, d’excursions, de randonnées, de soirées,

d’asados ou de gastronomie française, de discussions altermondialistes ou pas…

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Résumé

La région de Yavi est une région andine de l’Argentine où prédomine une polyculture-élevage

vivrière associée à des sources de revenu extérieur. Dans un milieu difficile où les productions

sont limitées, diversifier ses sources de revenu est nécessaire. Mais la mise en concurrence sur

les marchés nationaux et internationaux rend la vie dans cette région plus difficile et celle-ci se

dépeuple. Les changements climatiques récents se font particulièrement bien sentir dans ce type

d’environnement très sensible et accentuent les tendances déjà à l’œuvre. Le travail a pour but

de comprendre comment les conditions du milieu et l’histoire de la région ont abouti au paysage

agraire actuel. Cette compréhension est une base nécessaire pour appréhender les logiques des

économies familiales de cette région et donc les dynamiques agraires à venir.

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Table des matières Remerciements ........................................................................................................................... 1

Résumé ....................................................................................................................................... 2

I. Introduction ......................................................................................................................... 6

II. Méthodologie du diagnostic agraire et application à la région d’étude ......................... 7

A- Objectif et concepts ................................................................................................................... 7

B- Choix de la région d’étude et difficultés rencontrées ................................................................. 8

C- Méthodologie ............................................................................................................................ 9

1- Lecture de paysage ................................................................................................................ 9

2- Etude de l’histoire et des dynamiques agraires ...................................................................... 9

3- Typologie des unités de production et modélisation des systèmes de production actuels ...... 9

III. Etude du milieu ............................................................................................................ 11

A- Localisation géographique et spécificité au sein de la Puna .................................................... 11

B- Eléments du milieu qui contribuent à expliquer le paysage ..................................................... 13

1- Une géologie qui détermine la localisation des activités humaines ..................................... 13

2- Un climat contraignant et en évolution................................................................................ 14

a. Un climat d’altitude semi-aride à aride .............................................................. 14

b. Evolution récente du climat ................................................................................ 15

3- Un réseau hydrographique à forte puissance érosive ........................................................... 16

4- Une végétation limitée ........................................................................................................ 18

5- Un relief marqué par l’érosion ............................................................................................ 19

6- Des sols localisés ................................................................................................................ 21

C- Structuration du paysage et utilisation de l’espace .................................................................. 21

D- Zonage de la région d’étude .................................................................................................... 22

IV. Histoire de la région ..................................................................................................... 29

A- De la colonisation espagnole à la fin du XIXe siècle : les habitants de la Puna sont dépossédés

de leurs terres ................................................................................................................................... 29

B- Début XXe s – 1944 : une population sous le joug des entreprises capitalistes ....................... 29

1- Des agro-industries sucrières toutes-puissantes ................................................................... 29

2- Des économies familiales basées sur la polyculture-polyélevage de subsistance ................ 30

3- Une population pauvre mais nombreuse ............................................................................. 33

C- 1944 - 1976 : « Perón ha libertado » (Perón a libéré) ............................................................. 35

1- 1944-1960’s : une réforme agraire sans heurts .................................................................... 35

2- 1960’s – 1976 : émigrations vers les villes .......................................................................... 39

D- 1976 – 2001 : une situation politico-économique qui force au repli dans les campagnes ........ 39

1- 1976-1990 : un pays qui s’endette et un climat local plus clément ...................................... 39

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2- 1990-2001 : les années libérales de l’Argentine .................................................................. 41

3- Evolutions dans la région de Yavi ....................................................................................... 41

E- 2001 - aujourd'hui : une forte déprise agricole ....................................................................... 43

1- De la crise de 2001 à l’ « Etat-providence » ........................................................................ 43

2- Une évolution récente du climat n’améliorant pas le contexte économique difficile ........... 45

V. Le système agraire actuel .................................................................................................. 46

A- Mode d’exploitation du milieu ................................................................................................ 46

1- Structure des exploitations agricoles ................................................................................... 46

a. Terre et foncier ................................................................................................... 46

b. Capital ................................................................................................................ 47

c. Travail................................................................................................................. 47

2- Pratiques et calendriers de travail ........................................................................................ 48

a. Pratiques d’élevage et calendrier d’élevage pour les ovins ................................ 48

Races et gestion de la reproduction .......................................................................... 48

Calendrier fourrager ................................................................................................. 48

Santé et soins aux ovins et caprins ........................................................................... 49

Renouvellement de la fertilité ................................................................................. 50

Productions du troupeau ovin-caprin ....................................................................... 51

Impact du changement climatique sur les troupeaux et les pratiques d’élevage ...... 51

Autres types d’élevage ............................................................................................. 52

b. Gestion sociale de l’eau ...................................................................................... 53

La ressource en eau .................................................................................................. 53

Répartition de la ressource en eau ............................................................................ 53

Entretien des canaux d’irrigation collectifs .............................................................. 54

Irrigation dans les parcelles ...................................................................................... 54

c. Pratiques culturales et calendrier cultural .......................................................... 54

Travail du sol ............................................................................................................ 56

Semences .................................................................................................................. 56

Rotations et assolements .......................................................................................... 57

Ravageurs des cultures ............................................................................................. 57

Itinéraires techniques par culture, et variétés cultivées ............................................ 58

Calendrier cultural, valeurs ajoutées des cultures et logiques d’assolement ............ 61

Impact du changement climatique sur les productions et les pratiques agricoles .... 62

3- Débouchés et description du marché ................................................................................... 64

B- Diversité des systèmes de production et systèmes d’activité rencontrés .................................. 66

1- Eléments d’explication concernant la modélisation économique ........................................ 66

2- Description et analyse des systèmes observés ..................................................................... 68

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a. Système de production en polycluture-polyélevage très diversifié (SP1) .......... 68

Proportion de l’assolement en maïs importante (SP1a) ........................................... 70

Assolement plus diversifié (SP1b) ........................................................................... 70

b. Système de production en polyculture et vaches laitières (SP2) ........................ 72

c. Systèmes d’activité associant polyculture et travail salarié (SA1)..................... 73

Superficie cultivée en maïs importante (SA1a) ........................................................ 73

Superficie cultivée en maïs moyenne (SA1b) .......................................................... 73

Superficie cultivée en maïs mineure (SA1c) ............................................................ 75

d. Système de production en polyculture-polyélevage associé à la retraite des

entreprises sucrières (SP3) ........................................................................................... 75

e. Système de production en polyculture associé à la retraite d’un emploi en ville

(SP4) 76

f. Système de production en polyculture-polyélevage avec valorisation de la laine

(SP5) ............................................................................................................................. 76

g. Système d’activité associant polyculture et travail agricole journalier (SA2) ... 77

h. Système de production en polyculture-élevage avec production d'une culture de

rente : le Quinoa (SP6) ................................................................................................. 79

C- Comparaison de l’efficacité économique des différents systèmes de production et d’activité . 79

1- Produits bruts ...................................................................................................................... 79

2- Revenu agricole et revenu total ........................................................................................... 80

VI. Bilan, perspectives et discussion .................................................................................. 81

A- Bilan : Yavi, une région isolée en déprise ............................................................................... 81

B- Perspectives d’évolution .......................................................................................................... 82

1- Quels changements sont à venir ? Comment vont-ils impacter la région de Yavi? ............. 82

2- Quels sont les systèmes de production les plus résilients face à ces évolutions ? ................ 82

3- Quels systèmes d’élevage pourraient représenter une alternative à l’élevage ovin en

déprise? ........................................................................................................................................ 83

C- Propositions : Comment améliorer la situation ? Quelles interventions seraient possibles ? ... 84

1- Donner accès à des formes de capital .................................................................................. 84

2- Augmenter la valeur ajoutée des productions ...................................................................... 84

3- Accéder à des marchés plus spécifiques .............................................................................. 85

D- Freins au développement de la région ..................................................................................... 85

1- Divisions au sein de la communauté ................................................................................... 85

2- Manque de politiques publiques .......................................................................................... 85

VII. Conclusion .................................................................................................................... 86

VIII. Bibliographie ................................................................................................................ 87

IX. Table des figures ........................................................................................................... 89

X. Annexes ........................................................................................................................ 90

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I. Introduction

Figure 1: Localisation de

la province de Jujuy en

Argentine (source :

Wikipédia)

La région d’étude se situe dans la province de Jujuy, au Nord-Ouest de l’Argentine au

niveau de la Cordillère des Andes (figure 1). Cette province couvre des milieux très variés : les

hauts plateaux arides de la Cordillère à l’Ouest, dénommés Puna (figure 2), les vallées et chaînes

de montagne de la Cordillère au centre, et les terres dites « basses » et humides à l’Est. La Puna

se situe à une altitude moyenne de 3500 à 4500 m, avec des sommets culminant à 5000-6000

m. La capitale de la province, San Salvador de Jujuy, se situe dans les terres basses, sur des

plaines au pied de la Cordillère, à environ 1300 m d’altitude (figure 2). La province de Jujuy

est très distante géographiquement de la capitale de l’Argentine, Buenos Aires, et de sa région

pampéenne. Elle est aussi très différente de par son histoire et sa population, les Andes sont une

région de peuplement ancien, pré-colombien ; la plaine pampéenne quant à elle s’est peuplée à

partir du 19e siècle avec l’immigration européenne. Sur ces aspects, la province de Jujuy est

plus proche de la Bolivie, elle en est proche géographiquement, la population de part et d’autre

de la frontière a une origine commune, a eu la même langue, le quechua, la même organisation

sociale et a mis en place le même mode d’exploitation du milieu. Depuis l’indépendance de

l’Argentine acquise en 1816, tiraillée entre ses origines et son appartenance récente à cette

nouvelle nation, Jujuy a du mal à faire entendre ses revendications à une capitale peu intéressée

Buenos

Aires

Jujuy

(1300 m)

(3440 m)

Figure 2: Situation de la région d’étude au sein de la province de Jujuy (source S.Paris,

fond de carte : http://www.scielo.org.ar/)

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par cette région peu productive et peu peuplée. En 2010, l’Argentine est peuplée d’environ 40

millions d’habitants (Encyclopédie Universalis), et la province de Jujuy en compte 675 000

(DIPEC, 2012), soit moins de 2% de la population totale argentine. La Puna de Jujuy (figure 2)

abrite 42 500 habitants en 2010 (DIPEC, 2012), soit 6% de la population totale de la province

de Jujuy.

La Puna est un milieu aride, isolé, aux ressources naturelles limitées, où une population

peu nombreuse et dispersée vit essentiellement de l’élevage. Dans ce type de milieu difficile,

particulièrement sensible à toute variation climatique, il a paru intéressant d’étudier les

évolutions récentes du climat et leur impact sur les pratiques des producteurs. Ceci afin de

rendre compte des marges de manœuvre existantes permettant de s’adapter à un potentiel

changement climatique. L’influence des variations climatiques seront replacées dans le contexte

économique et social puisque c’est bien cet ensemble de facteurs qui détermine les choix des

producteurs.

II. Méthodologie du diagnostic agraire et application à la région d’étude

A- Objectif et concepts

L’objectif du diagnostic agraire est d’étudier les évolutions passées et la situation

agricole actuelle d’une région afin d’en comprendre les dynamiques, d’identifier les facteurs de

différenciation des exploitations et de formuler des projets ou des politiques de développement

agricole adaptés.

Défini à l’échelle de la microrégion, le système agraire englobe un mode d’exploitation

du milieu caractérisé par un bagage technique, des formes de mise en valeur du milieu issues

de l’histoire et le paysage qui en résulte, des relations spécifiques entre les différentes parties

des écosystèmes utilisés et des mécanismes de reproduction de la fertilité des terres cultivées.

Il inclue également les rapports sociaux qui ont mené à son développement et aux conditions

de répartition de la valeur ajoutée. Il comprend un certain nombre de systèmes de production et

leurs mécanismes de différenciation ainsi que les conditions économiques, politiques et sociales

qui règlent l’intégration des agriculteurs au marché mondial (Cochet H., 2011).

Le système de production regroupe un ensemble d’exploitations agricoles qui

disposent d’un accès équivalent au foncier, au capital et à la main d’œuvre. Ses ressources sont

associées à un système d’élevage et/ou de culture qui fonctionne selon des choix techniques

similaires. Le système de production ne représente pas un cas particulier, mais un ensemble

d’exploitations au fonctionnement semblable et aux logiques de développement similaires.

On parle de système d’activité lorsqu’un système de production est combiné à une

activité non-agricole.

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B- Choix de la région d’étude et difficultés rencontrées

Le diagnostic agraire s’effectue à partir d’un travail de terrain complété par des lectures

bibliographiques. S’ensuit une analyse des informations collectées avant de rédiger le

diagnostic. Le travail de terrain dure plusieurs mois et est basé sur une étude du paysage ainsi

que sur des enquêtes historiques et des enquêtes sur les pratiques agricoles et d’élevage

actuelles. La phase de terrain s’est déroulée de mars à septembre 2015.

La région d’étude choisie a été celle de Yavi, pour plusieurs raisons, essentiellement

pratiques. La Puna de Jujuy est loin d’être uniforme et un gradient de sécheresse la parcourt

selon un axe Nord-Est – Sud-Ouest, le Nord-Est correspondant à la Puna humide et le Sud-

Ouest à la Puna aride. La région d’étude se situe dans la Puna humide. Du fait de conditions du

milieu moins difficiles, l’hiver est moins rude – saison durant laquelle a été réalisée la phase de

terrain – et la population est moins dispersée que sur le reste de la Puna. Or la question des

déplacements était importante : il n’était pas envisageable de se déplacer seule en voiture pour

aller de hameau isolé en hameau isolé dans la mesure où la couverture téléphonique est

inexistante et les conditions sont hostiles : une tempête de sable peut survenir, un petit cours

d’eau peut devenir un torrent puissant en très peu de temps et emporter un véhicule de type 4*4.

Une région à l’habitat relativement groupé permettait de réaliser la majorité des déplacements à pied en restant toujours près des zones habitées. De plus, la région est une des moins isolée

de la Puna par sa localisation près de la deuxième ville de la province, La Quiaca, elle est donc

facilement accessible et les déplacements au sein de la région ont été réalisables grâce à

quelques véhicules de transport en commun pour les distances plus importantes. Par ailleurs la

ville de La Quiaca abrite un des centres du Service Météorologique National, ce qui représentait

une source de données très importante étant donné la problématique du diagnostic. Enfin, le

travail du diagnostic étant basé sur la réalisation d’enquêtes auprès des agriculteurs et éleveurs,

il m’a été indiqué que les habitants de cette région étaient un peu plus ouverts que dans le reste

de la Puna, ce qui me faciliterait les enquêtes.

Malgré cela, les enquêtes ont été difficiles à réaliser car les habitants de la Puna se

montrent particulièrement méfiants à l’égard des personnes non natives de la région qui ont un

physique de « touriste » ou de « gringo », qui sont donc de la culture dite occidentale. Ceci peut

s’expliquer par l’histoire de la Puna comme nous allons le détailler par la suite. Les

communautés indiennes de la Puna ont subi la domination et le mépris de l’ « homme blanc »,

que cela soit le colon espagnol ou les autorités gouvernementales de la nation argentine. Encore

aujourd’hui, malgré une reconnaissance du statut des communautés indiennes dans la

Constitution argentine de 1994, le gouvernement national reste indifférent à cette partie de la

population.

Les habitants de la Puna sont donc réticents à parler, à raconter leur histoire à des

étrangers. Il y a une volonté de protéger leur culture et leur savoir-faire, à la fois dans le sens

d’une non diffusion mais aussi dans le sens d’une non introduction de la culture occidentale

dans leur lieu de vie. Réaliser une enquête nécessitait donc d’instaurer une réelle confiance avec

la personne. Pour cela il était nécessaire de rencontrer chaque personne plusieurs fois et donc

de réaliser l’enquête en deux ou trois fois. De plus, le fait que la région soit peu peuplée et que

les déplacements aient été faits à pieds, sans possibilité de prendre de rendez-vous téléphonique

puisqu’il n’y a pas de réseau n’a pas facilité la rencontre de personnes.

Ma logeuse, originaire de Yavi mais ayant grandi à San Salvador de Jujuy m’a beaucoup

aidé dans mes difficultés. Elle connaissait les habitants de la région et leurs réactions et ayant

vécu à la ville et travaillé dans le tourisme elle savait que le comportement des habitants de la

Puna est différent de celui des argentins des villes ou des européens et pouvait me l’expliquer.

J’ai pu ainsi comprendre les réactions des personnes que je rencontrais, les respecter et modifier

ma façon de les aborder et de les questionner. Elle m’a aussi indiqué des personnes qu’elle

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connaissait et qu’elle estimait plus ouvertes ou plus faciles d’accès. Le diagnostic qui suit

n’aurait donc pas été le même sans ses conseils avisés.

C- Méthodologie

1- Lecture de paysage

Cette étape, qui a duré environ un mois, a pour but d’étudier les conditions

pédoclimatiques de la région et leur variation géographique. Pour cela, la région a été sillonnée

à pied, observée grâce aux prises de vue satellitales de Google Earth et étudiée grâce à certaines

cartes. Ce travail permet d’identifier des variations dans les modes de mise en valeur de

l’écosystème et mène à formuler des hypothèses pouvant expliquer ces variations. On aboutit à

un zonage de la région d’étude : les différentes zones sont modélisées par des schémas mettant

en valeur le lien entre les conditions pédo-climatiques et l’exploitation du milieu.

2- Etude de l’histoire et des dynamiques agraires

Les dynamiques agraires de la région sont reconstituées grâce à une étude

bibliographique et à des entretiens avec des personnes âgées qui sont les témoins l’agriculture

passée. Les entretiens permettent de caractériser une situation de départ et de retracer les

trajectoires d’évolutions des systèmes de production identifiés, jusqu’à la période actuelle. La

bibliographie permet de comprendre les évolutions du contexte politico-économique et social

expliquant les dynamiques agraires.

Cette étape a été la plus difficile à réaliser car les personnes âgées étaient les personnes

les plus réticentes à parler. Elle a donc été particulièrement longue, deux mois environ, et ce

aux dépends des enquêtes suivantes. Une dizaine d’entretiens historiques ont été réalisés,

permettant de reconstituer l’histoire de l’agriculture de la région à partir du début du XXe siècle.

3- Typologie des unités de production et modélisation des systèmes de production actuels

Cette troisième étape s’appuie sur la réalisation d’entretiens semi-directifs auprès des

familles visant à comprendre le fonctionnement technique et économique de leurs exploitations.

Un échantillonnage raisonné d’agriculteurs à enquêter est normalement réalisé à partir de la

typologie établie grâce à l’étude historique afin que chaque système de production identifié soit

représenté par un nombre de familles suffisant. Etant donné la réalité du terrain, les entretiens

ont été réalisés avec les familles qui le voulaient bien. Ainsi, la typologie des systèmes de

production n’est certainement pas exhaustive, et certains systèmes de production n’ont pas été

enquêtés, ils ont simplement pu être identifiés à partir des discussions réalisées avec les familles

enquêtées.

La compréhension du fonctionnement technique de l’exploitation nécessite de faire

l’inventaire des ressources disponibles sur l’exploitation (terre, main d’œuvre et capital) et

d’expliciter les choix des pratiques des familles concernant la conduite des cultures et la

conduite de l’élevage. Outre les éléments techniques, les entretiens auprès des agriculteurs

portent également sur des éléments économiques qui permettent de calculer différents

indicateurs. L’évaluation des performances économiques des différents systèmes de production

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permet de les comparer et d’émettre des hypothèses quant à l’évolution probable de chacun

d’entre eux.

Les principaux indicateurs économiques utilisés pour la comparaison des systèmes de

production sont la Valeur Ajoutée Nette (VAN) et le Revenu Agricole (RA).

La VAN représente la richesse créée par le système de production :

VAN = PB – CI – DépK

Avec :

PB : le Produit Brut du système de production, il représente la création totale de richesse du

système.

CI : les consommations intermédiaires, ce sont l’ensemble des biens et services utilisés et

détruits lors du processus de production, ces consommations sont annuelles.

DépK : la dépréciation du capital, qui représente la consommation de biens et services de durée

pluri-annuelle.

Si on veut s’intéresser à la valeur ajoutée créée par un élément du système de production,

par exemple une culture, alors on peut calculer la Valeur Ajoutée Brute (VAB) qui vaut :

VAB = PB – CI

PB est alors le Produit Brut créé par la culture en question, et CI sont les consommations

intermédiaires utilisées lors du processus de production correspondant à la culture.

Le RA représente ce qui revient à la famille après redistribution de la VAN entre les

différents agents qui ont participé au processus de production et après réception d’éventuelles

subventions.

RA = VAN – Salaires – Intérêts des emprunts – Rente foncière – Impôts +

Subventions

Pour comparer systèmes de production et systèmes d’activité, on calcule le Revenu

Total de la famille, correspondant à la somme du Revenu Agricole avec le revenu extra-

agricole.

Ces entretiens ont été plus faciles à réaliser que les entretiens historiques car les

personnes étaient moins réticentes à parler, ce qui peut être dû à leur plus jeune âge. Une dizaine

d’entretiens ont été réalisés durant un mois et demi environ. Certains ont pu être

particulièrement longs et détaillés ce qui a permis une compréhension assez fine des pratiques

des agriculteurs malgré un échantillon très réduit.

Rétrospectivement, il apparaît qu’il aurait peut-être été plus facile de passer moins de

temps sur les entretiens historiques dans un premier temps pour y revenir après avoir fait des

entretiens technico-économiques. Car le fait d’avoir déjà rencontré et discuté avec plusieurs

familles aurait peut-être rassuré certaines personnes âgées qui auraient accepté plus facilement

de réaliser l’entretien.

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III. Etude du milieu

A- Localisation géographique et spécificité au sein de la Puna

La région d'étude se situe à l'extrême Nord de la province de Jujuy, au Nord-Est de

l'ensemble de la Puna de Jujuy, à la frontière avec la Bolivie, à 15km à l'Est des villes de La

Quiaca en Argentine, et Villazón en Bolivie (figure 3). Ces deux villes forment une zone urbaine

continue et leur population se consacre essentiellement au commerce transfrontalier. La région

d’étude est une zone de transition entre le bord oriental de la Puna et le bord occidental de la

Cordillère orientale, en l'occurrence la chaîne de montagnes de Santa-Victoria située dans la

province limitrophe de Salta. Le plateau de Yavi (figure 3) s'étend de part et d’autre de la région

d’étude et est caractérisé par une légère pente : son altitude varie entre 3520 m au Nord-Ouest

vers La Quiaca et 3590 m au Sud-Ouest vers les montagnes de Santa-Victoria. Des cours d'eau

provenant de ces mêmes montagnes ont creusé le plateau de Yavi, formant un ensemble de

vallées, et se déversent dans le bassin versant du fleuve Paraná qui lui-même débouche dans le

Rio de la Plata. La région d’étude correspond à cette tête de bassin versant (figure 3).

Figure 3: Localisation de la région d'étude (source : S.Paris, sur un fond Google Earth)

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La vallée principale, creusée par la rivière Yavi, orientée Sud-Est – Nord-Nord-Est, est

rejointe par deux affluents principaux, le ruisseau de Lecho à l'Ouest, et la rivière de Yavi Chico

au Nord-Est (figure 4). Le village de Yavi se situe à la confluence des rivières Yavi et Lecho, à

une altitude de 3440 m. A l'Ouest du village de Yavi se dresse le Cordon de los Siete Hermanos,

dont l’altitude varie entre 3650 et 3730 m environ. Nous noterons 7 communautés principales :

Yavi, San José, Casti, Lecho, Yavi Chico, El Portillos, et La Falda (figure 4).

Ces communautés sont installées dans les vallées et pratiquent une agriculture irriguée associée

à de l'élevage. La présence de cours d’eau permanents qui permettent d’avoir accès à l’eau

d’irrigation toute l’année ainsi que les conditions pédo-climatiques de ces vallées plus

favorables aux cultures que les régions voisines ont fait de Yavi une région particulière de la

Puna : des populations plus importantes ont pu s’y installer, et ce depuis l’époque pré-

colombienne. Actuellement, la région d’étude abrite environ 800 habitants dont 600 y vivent de

façon permanente (Microregión de Yavi, 2013).

Figure 4: Image de la région de Yavi, vue du ciel (source : S.Paris, fond Google Earth)

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13

B- Eléments du milieu qui contribuent à expliquer le paysage

1- Une géologie qui détermine la localisation des activités humaines

Les formations anciennes de la région correspondent à des dépôts sédimentaires

lacustres datant du crétacé et du début de l’ère tertiaire. Ce sont des roches sédimentaires à grain

fin : grès, argilites, argilites limoneuses, pélites. Les couches sédimentaires ont été plissées et

soulevées lors de la formation de la Cordillère des Andes au cours du Tertiaire. Les roches les

composant sont dures et ont résisté à l'érosion. Elles forment aujourd'hui le Cordon de los Siete

Hermanos (figure 5), ainsi qu'une vallée encaissée entre Yavi et La Falda (Kulemeyer, 1988).

Ces deux structures anciennes sont recouvertes par une vaste couche de dépôts sédimentaires

correspondant au plateau de Yavi, datant de la fin du Tertaire - début du Quaternaire. Ce sont

des dépôts alluviaux, lacustres et palustres composés d'éléments très variés : graviers, sables,

limons argileux, argiles, éléments grossiers, diatomites, roches pyroclastiques et tourbes. La

roche est composée d'une matrice très friable de nature sablo-argileuse et d'abondants éléments

grossiers de taille, de nature et de forme extrêmement variées. Ces sédiments proviennent

essentiellement de l'érosion des montagnes de Santa-Victoria, formant un glacis d'accumulation

(figure 5). Ce glacis a été fortement érodé lors du quaternaire par le climat aride qui caractérise

cette région (Kulemeyer, 1988). Sur cet ensemble se développe une végétation rare qui est

pâturée.

Enfin, dans les fonds des vallées (figure 5) et sur les lits des rivières, on trouve une couche

de sédiments sableux, limoneux, argileux et tourbeux, avec des graviers. Ce sont des formations

fluviales post-glaciaires datant du quaternaire récent formant des terrasses alluviales. La

présence de matière organique y est caractéristique (Kulemeyer, 1988). Ce sont sur ces

formations que l’on trouve les terres cultivées.

Figure 5: Structures géologiques de la région de Yavi (source : S.Paris sur un cliché Google Earth)

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14

2- Un climat contraignant et en évolution

a. Un climat d’altitude semi-aride à aride

Les données climatiques proviennent de la station du Service Météorologique National

(SMN) de La Quiaca. Etant donné que La Quiaca et Yavi sont proches géographiquement et

situées à la même altitude, on peut supposer que le climat de ces deux régions est semblable.

Toutefois, d’après la carte des isohyètes du Nord-Ouest argentin réalisée par l’INTA, la région

de Yavi reçoit un peu moins de précipitations que la région de La Quiaca. Le climat actuel a été

identifié comme celui correspondant à la période 1994-2014. Les années précédentes sont

caractérisées par d’autres conditions de précipitations et températures.

La région est sous régime tropical sec d’altitude, il y a une saison des pluies estivale, et

une saison sèche hivernale. La saison des pluies s'étend du mois d’octobre au mois de mars,

mais la majorité des pluies tombent entre décembre et mars, qui sont les seuls mois humides

d’après le diagramme ombrothermique (figure 6). En saison sèche, d’avril à septembre, les

précipitations sont quasi nulles, et les nuages sont exceptionnels. La Quiaca reçoit environ 335

mm de pluies par an. Les précipitations tombent de manière violente et soudaine, souvent sous

la forme d'orages, et par périodes de quelques jours.

Les températures moyennes mensuelles varient entre 10 et 15°C en saison des pluies, et

entre 4 et 10°C en saison sèche. Les variations de températures entre les saisons sont donc assez

faibles. En revanche les variations de température journalières sont beaucoup plus marquées,

notamment en hiver du fait de la sécheresse de l’air. En hiver, les températures minimales

moyennes oscillent entre -8 et -5°C, et les températures maximales moyennes entre 14 et 18°C,

l’amplitude thermique est donc de 19 à 26°C environ. Les gelées sont ainsi quotidiennes durant

toute la saison sèche. En été, les températures minimales moyennes oscillent entre 5 et 8°C, et

les températures maximales entre 20 et 24°C. L’amplitude thermique est donc de 12 à 19°C

environ.

Le rayonnement solaire est très intense du fait de l'altitude. De plus, étant donnée la

sécheresse de la région, l’évaporation est très faible, ainsi la quasi-totalité de l’énergie du

rayonnement solaire réchauffe l’atmosphère (Bianchi, Yañez et Acuña 2005). D’où des

températures élevées malgré l’altitude et même en hiver malgré des nuits très froides.

Le vent est particulièrement fort en hiver et est un agent érosif non négligeable. Il soulève la

terre et le sable en un nuage qui opacifie le ciel. Le vent enlève les éléments meubles et fins, il

ne reste que des éléments grossiers. Les vents dominants sont d'orientation Nord-Sud.

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15

Figure 6: Diagramme ombrothermique (données: Servicio Meteorológico Nacional (SMN))

b. Evolution récente du climat

Afin de voir si le climat a évolué récemment, on compare les périodes de 1994-2014 et

1951-1993. 1951 correspond aux premiers relevés de températures réalisés par le SMN, et

l’année 1993 a été identifiée comme distinguant deux périodes de climat différent. Le total des

précipitations annuelles est de 334 mm pour la période 1951-1993 et de 336 mm pour la période

1994-2014. On peut donc considérer que la quantité de précipitations annuelles a peu évolué

depuis les années 1950. Toutefois le diagramme ombrothermique comparatif (figure 7) met en

évidence une variation dans la répartition des pluies au cours de l’année. Dans la période

actuelle, la saison des pluies est raccourcie et son début est décalé, pour une même quantité de

précipitations totales : les mois d’octobre, novembre et décembre reçoivent moins de pluies

qu’avant, alors que les mois de janvier, février et mars en reçoivent plus, surtout le mois de

janvier. Les pluies arrivent donc plus tard, faisant apparaître un déficit hydrique au mois de

novembre qui n’existait pas auparavant, et se concentrent autour du mois de janvier. L’évolution

des températures moyennes mensuelles entre les deux périodes est moins marquée mais tout de

même présente : les températures actuelles sont plus élevées, surtout lors des mois de printemps,

octobre, novembre et décembre. Ceci accentue le déficit hydrique printanier, alors que les

besoins des cultures et de la végétation dans les parcours sont élevés. Les agriculteurs constatent

aussi cette arrivée tardive de la saison des pluies et témoignent de températures moins basses

en hiver. Ils insistent de plus sur l’imprévisibilité du climat : les gelées peuvent survenir sur une

période de l’année beaucoup plus large, notamment tardivement au printemps, de même pour

la grêle. Si le climat est moins froid, il semble malgré tout être plus contraignant et aléatoire

qu’auparavant.

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10,0

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Tem

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mo

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C)

Pré

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itat

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oye

nn

es

(mm

)La Quiaca

Climat de la période 1994-2014

Précipitations moyennes (mm) Températures moyennes (°C)

total précipitations annuelles :

335 mm

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16

Figure 7: Diagramme ombrothermique comparatif (données précipitations: Bianchi, Yañez et Acuña pour la

période 1951-1987, SMN pour la période 1980-2014; données températures : SMN)

3- Un réseau hydrographique à forte puissance érosive

Les lits majeurs des cours d'eau permanents Yavi et Yavi Chico sont très larges, encombrés

de rochers et forment de nombreux méandres. Les cours d'eau quant à eux sont beaucoup moins

larges que leur lit majeur, en saison sèche. En saison des pluies, suite à une forte pluie en amont,

le débit et le volume des cours d'eau peuvent augmenter de façon très importante sur un temps

très court. Ceux-ci ont alors une puissance érosive telle qu'ils creusent les rives concaves de

façon intense, formant des berges abruptes (figure 8). En revanche au niveau des rives convexes,

les sédiments qu’ils transportent se déposent, formant des zones de dépôts alluvionnaires

(Derruau 2002). Les bas des versants sont ponctués de sources permanentes qui peuvent créer

des zones humides à leurs abords. Ces sources contribuent à alimenter les cours d’eau.

Il existe aussi des cours d'eau temporaires, les affluents des cours d'eau principaux, qui ont

un régime torrentiel. Ils sont en eau en saison des pluies, et approvisionnés seulement par les

eaux de pluie, ce qui leur donne un débit très variable. Ils ont creusé les dépôts sédimentaires

du glacis d'accumulation, correspondant à des terrains très affouillables, et ont modelé les

versants des vallées principales. L'eau ruisselle sur les versants sans s'infiltrer. Ce ruissellement

est agressif et ravine les versants, il forme des griffes d’érosion, des talwegs profonds (figure

9), ainsi que des escarpements en haut de certains versants (figure 8, Derruau, 2002).

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(mm

)

Evolution des précipitations et de la température entre les périodes 1951-1993 et 1994-2014 à La Quiaca

Précipitations moyennes 1951-1993 Précipitations moyennes 1994-2014

Températures moyennes 1951-1993 Températures moyennes 1994-2014

total précipitations annuelles :

1951 – 1993 : 334 mm 1994 – 2014 : 336 mm

un nouveau mois

en déficit hydrique

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17

1

écoulement laminaire de l’eau

2

concentration du ruissellement

3

creusement d’un talweg

Figure 8: Berge abrupte à La Falda et escarpement à Yavi Chico (source : S.Paris)

Figure 9: Formation d’un talweg sur un versant (source : S.Paris)

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18

4- Une végétation limitée

Deux types de peuplements végétaux se distinguent selon les milieux. Sur le substrat

sédimentaire datant de la fin du Tertiaire-début du Quaternaire, la formation végétale dominante

est de type steppe arbustive. La couverture végétale est largement discontinue. Les espèces

arbustives présentes sont adaptées à la sécheresse et à l’altitude, ce sont des espèces de petite

taille, souvent épineuses, aux feuilles petites et à la cuticule épaisse. Le buisson le plus fréquent

est le tola (figure 13), terme qui désigne plusieurs espèces à l’aspect similaire. Le churqui

(Acacia caven) est un arbuste épineux qui se développe dans les endroits plus chauds,

notamment les versants plus exposés, tout comme le cactus (Trichocereus atacamensis). Les

graminées, particulièrement bien adaptées à ce type d'environnement sont quant à elles plus

présentes sur les versants exposés au Sud, plus froids (figure 10, Elhai, 1968).

Dans les fonds de vallée cultivés (figure 12), on observe une présence beaucoup plus

importante de graminées, et des arbres sont plantés : saules pleureurs, ormes et peupliers

essentiellement ainsi que quelques molle (Schinus molle), eucalyptus et pins.

churquis et cactus sur le versant nord

graminées sur le versant sud

saules pleure

graminées

Figure 10: Communautés végétales distinctes

selon l’exposition des versants, à La Falda

(source : S.Paris)

Figure 12: Vallée de Yavi, terrasse alluviale à

faible pente (source : S.Paris)

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19

5- Un relief marqué par l’érosion

Le climat de La Quiaca est considéré comme aride en saison sèche, et semi-aride en saison

des pluies (Kulemeyer, 1988). Sous ces conditions climatiques, les processus

géomorphologiques dominants observés sont : l'érosion éolienne et l'érosion hydrique, déjà

décrites précédemment, ainsi que l’altération mécanique. Celle-ci supplante l'altération

chimique du fait de la faible couverture végétale et de la sécheresse du substrat. Cette altération

se manifeste essentiellement sous la forme de glissements de terrain.

Ces processus géomorphologiques agissent surtout sur le substrat sédimentaire tertiaire. En

effet, l'absence de sol et de couverture végétale continue laissent ce substrat à nu. Il est de plus

très meuble, il est donc à la merci du vent, des pluies et cours d'eau violents et des variations de

température conséquentes. Sur les bords de la région s'étend le glacis d'accumulation (figure

13), vaste espace plan correspondant au plateau de Yavi à l'Ouest et au plateau s'étendant

jusqu'aux montagnes de Santa Victoria à l'Est. A l'Ouest de la région se dresse le Cordon de los

Siete Hermanos. Ces deux éléments sont particulièrement exposés à l'érosion éolienne. On y

observe une surface sableuse parsemée de blocs et cailloux, la couverture végétale et le sol sont

quasi absents (figure 13). La limite entre le glacis d'accumulation et les vallées prend souvent

la forme d'un escarpement ou d'un talus (figure 13) qui sont dus aux glissements de terrain,

facilités ou non par la présence de petites failles (Kulemeyer, 1988). Entre Yavi et Yavi Chico,

la vallée est constituée d’un ensemble de versants de même substrat que le glacis et dont la

forme provient de l'action de l'érosion. Le ruissellement y prédomine sur l'infiltration, l'érosion

emporte le substrat et forme des ravins de type bad lands, à petite échelle. Ces versants forment

des vallées en V, des talwegs très affouillés (Kulemeyer, 1988).

Les vallées principales de Yavi, Lecho et Yavi Chico sont des vallées à fond plat (figure 13),

asymétriques pour celles de Yavi et Yavi Chico, symétrique pour celle de Lecho. Les fonds de

vallée sont moins exposés à l’érosion, notamment grâce à la couverture végétale qui y est

beaucoup plus développée. Ils abritent les terrasses alluviales composées de matériel à

granulométrie fine, correspondant aux sédiments datant du quaternaire récent. Ceux-ci sont plus

consolidés que les sédiments tertiaires, il y a donc moins de ruissellement (Kulemeyer, 1988).

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20

Figure 14 :

Montagnes de Santa Victoria

plateau

talus avec talwegs

tolas

sol squelettique

fond de vallée plat

glissement de terrain

Vallée de Yavi, vue vers l’est (source : S.Paris)

Figure 13 : Toposéquence caractéristique de la région d'étude

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21

6- Des sols localisés

En dehors de l'espace aménagé (figure 13), le sol est quasiment absent, squelettique, car

continuellement arraché par les processus érosifs qui agissent sur un substrat non consolidé, de

texture fine.

Sur les terrasses alluviales cultivées (figure 13) cependant, un sol se maintient, assez riche

en matière organique. À Yavi et Yavi Chico, sur les larges terrasses à faible pente, le sol est noir

et peu caillouteux, et d'autant plus noir et peu caillouteux qu'on est proche du lit du cours d'eau.

À La Falda et à El Portillos, où les terrasses sont moins larges et plus pentues, le sol est plus

clair et plus caillouteux.

C- Structuration du paysage et utilisation de l’espace

Trois espaces structurent le paysage : les espaces communs, l'espace aménagé et l'habitat (figure

14).

Les espaces communs regroupent les parcours situés en haut de versant et sur les

plateaux, sur substrat sédimentaire tertiaire (« el campo »), ainsi que les lits des rivières. Chaque

communauté a son territoire délimité par des tas de pierres et au sein de chaque territoire

l'espace est commun. Les familles y font pâturer brebis, chèvres, lamas et ânes et y prélèvent

du bois de chauffe (tolas et churquis) pour la cuisine. Des estancias ont été construites par les

éleveurs dans les parcours pour suivre leurs troupeaux pendant la saison des pluies. Ce sont des

maisons rudimentaires accompagnées d’un corral dans lesquelles les femmes et souvent les

enfants vivaient en été pour garder les animaux. Aujourd’hui la plupart des estancias ne sont

plus utilisées. Les eaux de pluie estivales s’accumulent dans de petites dépressions, formant des

mares dans lesquelles s’abreuvent les troupeaux. Les lits de rivières comportent aussi des

espaces de pâturage valorisés par les bovins et équins au piquet ou gardés.

L'espace aménagé coïncide avec les zones de terrasses, là où un sol limono-argileux

riche en matière organique se maintient. Sur chaque versant cultivé il y a en général deux canaux

d'irrigation principaux et collectifs, un situé juste sous les habitations, et un plus bas sur le

versant. La prise de ces canaux est une dérivation du cours d’eau située en amont. Les canaux

suivent les courbes de niveau et desservent de petits canaux qui irriguent les parcelles

particulières de façon gravitaire. L'espace aménagé s’étend du canal d'irrigation supérieur à la

rivière, entouré par des murets de terre crue, de pierre sèche ou de pierre et terre. L'espace est

enclos afin d'être protégé des animaux qui pâturent librement et pourraient dégrader les cultures.

Les murets sont de plus en plus souvent remplacés par des clôtures de fil de fer.

Au sein de l'espace aménagé on trouve les cultures, des zones de pâturage et des arbres

plantés. Les espèces cultivées pour l’autoconsommation sont le maïs, la pomme de terre, la fève

et l'ail, essentiellement, mais aussi un peu de blé et des légumes : des courges, oignons, petits

pois, blettes, salades, betteraves, choux, persil, céleri, oca (Oxalis tuberosa, un tubercule). Les

cultures fourragères sont la luzerne et l'orge. Quatre espèces végétales peuvent être cultivées

sur une surface plus importante afin de pouvoir en faire aussi une culture destinée à la vente :

ce sont le maïs, la pomme de terre, la fève et l’ail.

Les arbres sont le plus souvent des saules pleureurs mais aussi des ormes, peupliers et

parfois arbres fruitiers. Les saules pleureurs, exigeants en eau, sont plantés en grande majorité

au bord des canaux d'irrigation, sur les limites de parcelles près des murets et sur les bords des

rivières. Les ormes et peupliers sont plantés sur les limites des parcelles. Cette localisation des

arbres en bord de parcelle permet, d’après les agriculteurs, d’abriter du vent, de faire de l'ombre

et d’atténuer les gelées. Les arbres sont aussi source de bois d’œuvre, bois de chauffe, et de

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22

fourrage pour les animaux en période de soudure.

Sur certaines parties de versant se trouvent des zones humides qui sont alors réservées

au pâturage.

Une part importante de l’espace cultivé est aujourd’hui laissée en friche, les familles qui

les cultivaient sont parties.

L'habitat, en dehors des villages de Yavi, Yavi Chico et Casti est dispersé, aligné le

long de la voie de communication suivant l'axe de la vallée. Généralement les corps de ferme

comprennent plusieurs bâtiments de vie entourant une cour carrée, et un ou plusieurs corrals à

côté. Les bâtiments sont faits de briques de terre crue et paille. Les murets des corrals sont de

même type que ceux délimitant les espaces cultivés. Aujourd'hui de plus en plus de murets sont

remplacés par des clôtures en fil de fer. Beaucoup d'habitations sont en ruine, beaucoup de

murets et corrals s'effondrent et ne sont pas remplacés par des clôtures. Ceci, associé à la

diminution de la superficie cultivée, suggère bien un exode rural et une déprise agricole

marqués.

D- Zonage de la région d’étude

Six zones peuvent être identifiées, correspondant approximativement aux territoires des

différentes communautés. Trois zones se situent au Nord de la région d’étude, celles de La

Falda, Yavi Chico et El Portillos (figure 15). Trois autres se situent au Sud de la région : Yavi,

Casti et Lecho (figure 19). Ces zones se distinguent par la topographie des versants, l’altitude,

l’orientation et la largeur des vallées ainsi que les types de sols qui forment des conditions pédo-

climatiques particulières.

Figure 15: Zonage de la partie nord de la région d'étude (source : S.Paris, sur un fond Google Earth)

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Dans la zone de La Falda (figures 15 et 16), la proximité du socle sédimentaire datant

du début du tertiaire fait apparaître des affleurements de grès rouge qui forment des versants

plus abrupts, les sols sont aussi plus caillouteux. La vallée est plus encaissée et étroite, elle est

donc souvent à l’abri des vents froids et l’air s’y réchauffe plus vite. C’est aussi la vallée de

plus basse altitude, La Falda est donc la zone où le climat est le plus clément. Ces conditions

pédoclimatiques sont favorables à la culture du maïs, majoritaire dans cette zone, au détriment

des autres cultures. Les churquis sont nombreux, notamment aux abords des hameaux et des

sentiers et forment une barrière entre les parcours et l’espace aménagé. C’est ainsi la seule zone

dont l’espace aménagé n’est pas enclos par des murets : les animaux ne traversent pas la ligne

de churquis. C’est aussi la zone la plus difficile d’accès, la piste carrossable qui y mène s’arrête

à l’est de la zone. Les habitants habitant sur les versants opposés doivent descendre dans le lit

du cours d’eau, le traverser et remonter. En saison des pluies, traverser la rivière est dangereux,

son niveau peut augmenter de façon brutale et imprévisible comme nous avons pu le voir

précédemment. La puissance du cours d’eau peut être suffisante pour emporter une personne,

voire une voiture. L’habitat est groupé et situé sur les parties de versant concaves, donc près des

talwegs. Beaucoup de maisons sont en ruine, certaines étaient localisées très près des cours

d’eau temporaires, donc sur des terrains instables. Un hameau entier est abandonné.

Aujourd’hui les familles qui habitent cette zone sont peu nombreuses : environ sept dont la

majorité sont des couples âgés.

Figure 16: Schéma de versant de la zone de La Falda

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Dans la zone de Yavi Chico (figures 15 et 17), la vallée est très large et le versant exposé

au Nord, donc exposé au soleil, porte de larges terrasses à faible pente. La largeur de la vallée

en fait une zone moins chaude que La Falda et surtout plus ouverte aux courants d'air froids et

aux gelées, mais les sols sont peu caillouteux et les pentes sont faibles. Ces conditions sont donc

moins favorables au maïs, très sensible aux gelées et préférant les sols drainants. Celui-ci

occupe donc une part moins importante des superficies cultivées que dans la zone de La Falda.

Mais les conditions pédo-climatiques de cette zone sont inversement plus propices à la culture

de la pomme de terre et de la fève qui de plus résistent mieux aux gelées. Les assolements sont

donc plus diversifiés à Yavi Chico. Beaucoup d’espace est laissé en pâturage du fait de zones

humides. Cette zone est desservie par la piste carrossable, et l’habitat est groupé autour d’un

petit centre comprenant l’école primaire, la chapelle et un centre de premiers soins. La plupart

des habitations sont récentes, construites en briques de terre crue avec un toit de zinc, et en un

seul bâtiment, il n’y a plus de cour au centre. Le versant exposé au Sud est très peu ensoleillé

du fait de son orientation et de la hauteur du talus. De plus, il n’est accessible qu’à pied en

traversant le cours d’eau. Sept maisons sont dispersées le long d’un sentier, une seulement est

encore habitée. En contrebas de ces maisons, quelques parcelles anciennement cultivées dont

le canal d’irrigation ne fonctionne plus sont encore visibles. L’accessibilité semble donc être un

facteur déterminant la localisation actuelle de l’habitat. Sur ce même versant, des sentiers

permettent de monter sur le plateau où sont situées les estancias. En 2013, environ 120

personnes habitent cette zone de façon permanente et une vingtaine de famille y cultivent leurs

terres, d’après les recensements effectués par la municipalité (Microregion de Yavi, 2013). Sur

les zones de La Falda et Yavi Chico, la superficie cultivée totale est d’un peu plus de 53 ha

(Microregion de Yavi, 2013). Ce sont les zones les plus cultivées de la région d’étude.

Figure 17: Schéma de vallée de la zone de Yavi Chico

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25

A l’amont de la vallée, la zone d’El Portillos (figure 15 et 18) est caractérisée par un

espace aménagé beaucoup plus restreint que la zone de Yavi Chico et un climat un peu plus

clément du fait du resserrement de la vallée. Le sol y est aussi assez caillouteux. Les conditions

pédo-climatiques en font une zone intermédiaire entre celles de Yavi Chico et La Falda pour la

culture du maïs. L’habitat est dispersé tout au long de la piste qui suit la vallée. Les anciennes

maisons sont situées en dessous de la route, chacune est accompagnée d’un corral. Mais la

majorité de ces constructions sont abandonnées. De nouvelles maisons ont été construites au-

dessus de la route, du même type qu’à Yavi Chico. Toutefois le nombre de nouvelles maisons

est inférieur à celui des anciennes. Très peu de corrals sont utilisés pour les animaux. Onze

familles cultivent leurs terres et une soixantaine de personnes vivent dans cette zone

(Microregion de Yavi, 2013). La superficie cultivée totale est de 6,5 ha environ (Microregion

de Yavi, 2013).

Autour de Yavi (figures 19 et 20), la vallée, orientée nord-sud, est large, à une altitude

supérieure aux zones précédentes, et les pentes sont très faibles. Cette zone se réchauffe donc

moins facilement et est plus exposée aux vents. Les gelées y sont plus fortes, la culture du maïs

y est donc mineure car beaucoup trop risquée, ce sont la pomme de terre et la fève qui occupent

la majeure partie de l’espace cultivé. Cette zone abrite le village de Yavi, et le hameau de San

José, composés d’habitat traditionnel abandonné et d’habitat récent, le tout groupé autour de la

route menant à La Quiaca. Trois cent personnes environ y habitent de façon permanente, et une

vingtaine de familles y cultivent 25 ha environ (Microregion de Yavi, 2013).

Figure 18 : Schéma de vallée de la zone d'El Portillos

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26

Figure 19 : Zonage de la partie sud de la région d'étude

Figure 20: Schéma de versant de la zone de Yavi

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27

En amont de Yavi, la zone de Casti (figures 19 et 21) présente un espace aménagé plus

restreint car les terrasses sont moins étendues qu’en aval. La zone est aussi plus élevée et la

vallée est très ouverte, sans abri. Les arbres sont nombreux dans l’espace aménagé, peut-être

pour mieux protéger des gelées ou du vent. Les cultures majoritaires sont la pomme de terre et

la fève, comme à Yavi. L’habitat est groupé autour de l’école primaire, la chapelle et du centre

de premiers soins. Une soixantaine de personnes y vivent de façon permanente et 16 familles

cultivent environ 13 ha (Microregion de Yavi, 2013).

Au Sud-Ouest, la zone de Lecho (figures 19 et 22) se situe dans une vallée peu large

mais longue et assez encaissée, aux pentes douces. Son altitude est proche de celle de la zone

de Casti. Le fond de vallée est une zone humide d’où provient l’eau des canaux d’irrigation.

Les parcelles cultivées sont très peu nombreuses et situées en haut de l’espace aménagé car les

bas de versants sont trop humides. L’habitat y est très dispersé tout au long de la vallée et la

majorité des maisons ne sont pas occupées. C’est une vallée isolée où la piste carrossable, l’eau

courante et l’électricité ont été mis en place récemment, au début des années 2000.Un peu moins

de dix familles y vivent, et seulement un hectare est cultivé au total (Microregion de Yavi,

2013).

Figure 21: Schéma de vallée de la zone de Casti

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28

Figure 22: Schéma de versant de la zone de Lecho

Plantations de canne à sucre

Forêts humides

Forêts sèches

San Martin del Tabacal

Ledesma

La Mendieta et La Esperanza

Yavi

Ligne de chemin de fer

Figure 23: Localisation des plantations de canne à sucre

dans les provinces de Jujuy et

Salta

(source : S.Paris, fond de carte

http://p9000296.ferozo.com/wp-

content/uploads/2015/05/Ca--

a_NOA.jpg)

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29

IV. Histoire de la région

A- De la colonisation espagnole à la fin du XIXe siècle : les habitants de la Puna sont dépossédés de leurs terres

Au cours de la seconde moitié du XVIIe siècle Don Pablo Bernardez de Ovando hérite

de terres de son père dans la région de Tarija en Bolivie, juste au Nord de la région de Yavi, et

acquiert des terres à Yavi ainsi que dans la région de Santa-Victoria et dans l’Ouest de la Puna

de Jujuy. Sur ces terres, les indiens travaillent et lui payent un tribut. Les produits agricoles et

surtout les animaux sont emmenés pour approvisionner les mines du Haut Pérou, en particulier

celles de Potosí. Dans ces mines travaillent un nombre très important d’indiens qu’il faut

nourrir, et Yavi est situé sur la route commerciale qui mène des terres basses d’Argentine vers

le Haut-Pérou. En 1708, l’héritier d’Ovando, Juan José Campero, reçoit de la Couronne

d’Espagne le titre de Marquis de la Vallée de Tojo. Il agrandit son emprise territoriale et devient

une personnalité au pouvoir important dans la région (Madrazo, 1982). Vers 1780, la région de

Yavi compte 2700 personnes dont environ 40 espagnols. La ville de San Salvador de Jujuy

quant à elle contient 2000 habitants1. Yavi est donc à cette époque d’égale importance avec la

capitale de la province, par sa population et par le Marquis qui y vit et tient tête au gouvernement

provincial (Madrazo, 1982). Au début du XIXe siècle, la Puna est le lieu de nombreuses

batailles des guerres d’indépendance de l’Argentine. En 1810 l’armée libère la région, c’est la fin de l’époque coloniale. Le dernier Marquis de Tojo perd son titre, mais la famille Campero

reste propriétaire des terres, et les indiens continuent à lui payer un tribut, appelé arriendo, pour

pouvoir rester sur leurs terres (Quiroga Mendiola M., Ramisch G., 2013). Cet arriendo était

payé pour partie en argent, pour partie en « service personnel » qui consistait en journées de

travail. Cette situation perdure tout au long du XIXe siècle malgré les nombreuses révoltes

organisées par les indiens dans toute la Puna (Teruel A., Lagos M., 2006).

B- Début XXe s – 1944 : une population sous le joug des entreprises capitalistes

1- Des agro-industries sucrières toutes-puissantes

Au début du XXe siècle le gouvernement national soutient le développement des

industries et des mines par des entreprises privées (Weinberg et Mercolli, 2014). Dans les

plaines à l'Est de la Cordillère dans les provinces de Jujuy et Salta, d'immenses plantations de

canne à sucre avec raffinerie se créent : San Martin del Tabacal dans la province de Salta,

Ledesma, La Mendieta et La Esperanza dans la province de Jujuy (figure 23). La plantation de

San Martin, créée en 1920, est propriété de Patron Costas. En 1930, celui-ci prend en location

la Finca Yavi (Quiroga Mendiola M., Ramisch G., 2013) ainsi que d'autres terres des provinces

de Jujuy et Salta. Il contrôle alors, en tant que propriétaire et locataire, presque 1 million

d’hectares (Weinberg et Mercolli, 2014). La location des terres dites « hautes » lui permet de

mettre en place un recrutement forcé de main d’œuvre, celle-ci étant indispensable pour réaliser

la récolte de la canne à sucre (figure 24). Les habitants ne payent plus l’arriendo à la famille

Campero mais à Patron Costas qui l’exige en monnaie. Or jusqu’alors le travail salarié est quasi

inexistant sur la Puna et les échanges ne sont pas ou peu monétarisés (Weinberg et Mercolli,

2014). Les habitants n’ont donc pas d’autre choix que d'aller travailler à la récolte de canne à

1 Informations présentées dans le musée de Yavi, d’après le recensement général de 1778 ordonné par le roi

Charles III.

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30

sucre, la zafra, six mois par an, de Mai à Octobre, pour toucher un salaire permettant de payer

l’arriendo. De plus, cette récolte se fait pendant la saison sèche, époque où il n’y a pas ou peu

de travaux agricoles à réaliser sur la Puna. Le coût d’opportunité de la main d’œuvre est très

faible, les entreprises sucrières délivrent donc des payes minimales. Parallèlement le chemin de

fer est mis en place, il arrive à La Quiaca en 1908 et à la plantation de San Martin en 1916

(Tabacal Agroindustria). Le recrutement et le voyage de la main d’œuvre jusqu'à la plantation

est organisé et surveillé. Les hommes, et parfois toute la famille, montent dans le train à La

Quiaca pour arriver directement à la plantation. Le travail est très dur et dangereux, les blessures

sont courantes, les journées de travail durent plus de 15 heures, les conditions de vie sont

précaires et les contremaîtres traitent les travailleurs comme des esclaves (Weinberg et Mercolli,

2014). Les entreprises sucrières ont un pouvoir économique et politique majeur dans la province

de Jujuy puisque d’une part leurs membres dirigeants sont impliqués dans la politique

gouvernementale, et d’autre part leurs impôts prennent la forme d’emprunts accordés au

gouvernement provincial pour qu’il réalise ses dépenses publiques. Les années vingt voient se

promulguer des lois pour améliorer les conditions de travail des ouvriers mais elles ne sont pas

appliquées (Teruel A., Lagos M., 2006). Le gouvernement national soutient aussi les entreprises

sucrières. Dans les années trente, alors que l’Argentine est en crise économique, la production

sucrière augmente de 70% (Weinberg et Mercolli, 2014).

2- Des économies familiales basées sur la polyculture-polyélevage de subsistance

Si les calendriers de travail des travaux agricoles des familles et de la récolte de canne

à sucre sont complémentaires, les économies familiales se trouvent tout de même modifiées.

En été, les familles sont au complet pour les travaux agricoles et la surveillance des animaux.

En hiver, les hommes partent dans les plantations, parfois c’est toute la famille qui part. Quand

les femmes et enfants restent à Yavi, la femme doit s'occuper des animaux, et les enfants l'aident

de façon indispensable dans toutes les tâches quotidiennes : corvée d'eau, de bois, garde des

animaux... Les enfants fréquentent donc très peu l'école, elle-même peu efficace et peu adaptée

aux populations locales (Moreno Chá E., 1969).

Les familles vivent d'une économie de subsistance, cultivant de très petites surfaces, et

faisant pâturer leurs troupeaux sur les grands espaces de parcours. Le climat était beaucoup plus

Figure 24: Récolte dans les plantations de canne à sucre (source:Tabacal agroindustria)

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31

froid qu'aujourd'hui (témoignages) et les gelées étaient probablement plus fréquentes et plus

fortes. De plus les précipitations étaient peu importantes : sur la période 1908-1944, leur volume

annuel est inférieur à la moyenne des précipitations sur la période 1908-2013 (figure 25). Par

conséquent les cultures sont peu diversifiées et doivent résister au froid : blé, orge, fève

majoritairement, et un peu de pomme de terre. Le travail du sol s’effectue en traction attelée à

l’araire (figure 26) avec une paire de bœufs, la charrue à un soc est peut-être aussi utilisée.

Le troupeau forme le capital de la famille et est une source de revenu mobilisable tout

au long de l’année, contrairement aux productions agricoles qui sont saisonnières (Quiroga

Mendiola M. 2004). L’élevage dans la région est surtout ovin, les troupeaux dépassent

probablement rarement la centaine de têtes. La race locale élevée à cette époque est une race

issue des brebis mérinos apportées par les colons espagnols. Elle est de petite taille, produit une

viande maigre et a de faibles rendements en laine. En revanche elle est très rustique et résiste

bien aux conditions rudes de la Puna (Lamas H., 2011). La brebis, en comparaison avec le lama

et la chèvre, est moins résistante à un manque ou à une mauvaise qualité de la ressource

fourragère. La production de viande et de laine ainsi que sa survie s’en trouvent affectés. De

plus sa conduite demande beaucoup de travail puisque le troupeau est sorti, gardé et rentré tous

les jours. Malgré cela c’est l’animal le plus représenté sur la Puna car il a un cycle de production

très court. Le troupeau s’agrandit vite avec deux périodes de mises-bas par an, et il fournit de

la viande pour l’autoconsommation ou le troc tous les mois. Les chèvres, minoritaires, sont

conduites avec les brebis et produisent du lait pour l’autoconsommation (Paz R., Sosa Valdez

F., Lamas H., Echazú F., Califano L., 2011).

100

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Pré

cip

itat

ion

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elle

s (m

m)

Evolution des volumes de précipitations annuels à La Quiaca depuis 1908

valeurs annuelles moyenne depuis 1908

Figure 25 : Evolution des précipitations annuelles au cours du XXe siècle (données : Bianchi, Yañez et Acuña

2005 ; et SMN)

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32

En saison des pluies, les brebis et chèvres sont menées dans les parcours par la femme

et les enfants qui restent vivre dans les estancias. La poudrette2 accumulée dans les corrals des

estancias n’est pas récupérée, elle est évacuée du corral et laissée sur place. En saison sèche,

les brebis et chèvres pâturent dans l’espace aménagé, la poudrette accumulée dans les corrals

situés près des maisons est récupérée pour amender les parcelles.

Les troupeaux de lamas sont rares malgré leur bonne adaptation aux conditions de la

Puna, ils passent toute l’année dans les parcours. Certaines familles ont quelques vaches.

D’autres ont un cheptel plus important, une vingtaine ou plus, les vaches sont alors emmenées

dans les vallées plus basses et humides des montagnes de Santa Victoria pour y être gardées

toutes l’année. Seules quelques-unes restent sur place pour être traites. Chaque famille a

plusieurs ânes comme animal de bât.

L'alimentation est à base de farine de blé, de gras d'agneau ou de porc, et de viande

fraîche ou séchée. Les habits, couvertures, sacs et autres tissus sont tissés avec la laine des

brebis et lamas. Les lits sont faits de peaux lainées. Pour avoir accès à d'autres produits, les

familles troquent viande et tissus, parfois des poteries, contre de la coca, du maïs, du bois, du

piment et des fruits qui viennent des vallées plus humides du département de Santa-Victoria, et

de Bolivie (Teruel A., Lagos M., 2006, et témoignages).

L'habitat est dispersé, le seul village est Yavi. Les maisons sont réparties le long du

sentier et juste au-dessus du canal d'irrigation supérieur (figure 27), pour avoir un accès à l'eau

plus facilement. Les maisons sont toutes conçues selon un plan carré (figure 28), quatre parties

totalement indépendantes donnant sur une cour intérieure où se fait la cuisine. Ce plan permet

de se protéger du vent. Les maisons étaient entièrement de terre crue, et le toit de terre crue et

paille (Moreno Chá E., 1969).

2 Les fèces des animaux s’accumulent dans les corrals tout en étant exposés aux précipitations et au soleil. Ce

mélange de terre et de fèces est non fermenté, possiblement lessivé, et contient souvent beaucoup de graines

d’adventices viables. La poudrette est à distinguer du fumier, qui est un mélange de fèces et de litière fermentés

dont les graines d’adventices ne sont plus viables grâce à la montée en température qui s’effectue lors de la

fermentation.

Figure 26: Araire (source: S.Paris)

Page 34: Diagnostic agraire de la région de Yavi Une région …...Diagnostic agraire de la région de Yavi Une région isolée en déprise Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention

33

3- Une population pauvre mais nombreuse

La plupart des familles vivent dans une grande pauvreté et souffrent régulièrement de la

faim. Aucune part de la production n’est vendue, tout est gardé pour la consommation, et les

éventuels surplus sont stockés en prévision d'une mauvaise récolte (témoignages).

Au début du XXe siècle, la population de la province de Jujuy est majoritairement rurale.

Avec l’arrivée du chemin de fer, La Quiaca qui était un hameau devient à la fin des années 1940

la deuxième ville de la province, du fait des activités de commerce et de douane liées à la

frontière, et elle remplace Yavi à la tête du département (Teruel A., Lagos M., 2006). La

population du département de Yavi – contenant donc celle de La Quiaca – augmente fortement

à la fin des années 1940 selon les recensements nationaux de population (figure 29). Au même

moment on observe un pic dans la proportion d’étrangers dans la population du département

(figure 30) qui pourrait s’expliquer par des migrants boliviens ayant fui la guerre du Chaco,

opposant la Bolivie et le Paraguay au début des années 1930. Enfin, c’est aussi à la fin des

années 1940 que la population rurale du département de Yavi est la plus élevée de la période

1869-2001 (Gil Montero R., Morales M., Quiroga Mendiola M., 2007, figure 31).

Sur le terrain, on voit des habitations et corrals en ruine au Nord de la zone de Yavi, à

l’endroit où le cours d’eau de Yavi passe au pied du Cordon de los Siete Hermanos : la vallée

devient très encaissée, elle reçoit donc peu de lumière et les terrasses alluviales cultivées ont

une superficie très réduite. D’après les témoignages, quelques-unes de ces constructions

correspondaient à des habitations permanentes d’après leur taille et leur forme et étaient déjà

abandonnées dans les années 1950-60. A côté de ces habitations isolées d’autres constructions

encore utilisées à cette époque correspondaient à des abris et corrals servant seulement une

partie de l’année. Cela confirmerait bien l’idée d’une région relativement densément peuplée

lors de la première moitié du XXe siècle, occupant les moindres espaces habitables, même dans

des conditions difficiles. Et déjà à partir des années 1950 ces endroits les plus isolés se

dépeuplent.

Figure 27: Canal d'irrigation principal avec saules

pleureurs (S.Paris) Figure 28: Habitat traditionnel en ruine (S.Paris)

Page 35: Diagnostic agraire de la région de Yavi Une région …...Diagnostic agraire de la région de Yavi Une région isolée en déprise Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention

34

Figure 29: Evolution

de la population du

département de Yavi

depuis 1869

(données :

recensements

nationaux du DIPEC,

Anuario Estadistico

2012)

Figure 31: Evolution

de la population

rurale des

départements de Yavi

et Humahuaca

(source : GIL

MONTERO R.,

MORALES M.,

QUIROGA

MENDIOLA M.,

2007)

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Evolution du nombre d'habitants du département de Yavi

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1869 1895 1914 1947 1960 1980 1991

Evolution du pourcentage de la population née à l'étranger dans le département de Yavi

Figure 30:

Population étrangère

dans le département

(données : INDEC,

recensements

nationaux dans GIL

MONTERO R.,

MORALES M.,

QUIROGA

MENDIOLA M.,

2007)

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35

C- 1944 - 1976 : « Perón ha libertado » (Perón a libéré)

1- 1944-1960’s : une réforme agraire sans heurts

En 1944, Perón est au Ministère du Travail, et crée le Statut du Peón qui améliore les

conditions de travail et d'emploi. Le travail dans les plantations de canne à sucre n'est plus

obligatoire, il devient un emploi avec de véritables contrats, qui donnent droit à une retraite et

une couverture santé. Les ouvriers ont le droit de se syndiquer et ont le droit de grève (Weinberg

et Mercolli, 2014).

En 1946, Perón est élu président de la nation, promettant des mesures dans le sens de la

« justice sociale » ainsi que « la terre à celui qui la travaille ». Dans la province de Jujuy, le

mouvement péroniste dirigé par Tanco gagne largement face au parti conservateur

anciennement au pouvoir. Tanco fait partie de la scène politique depuis le début du siècle et se

fait proche de l’électorat paysan et prolétaire dont il connaît les revendications par des voyages

dans les différentes régions de la province, dont la Puna. Une fois élu gouverneur de Jujuy et

sénateur, il présente un projet de réforme agraire des terres de Jujuy au Sénat en 1947 qui sera

réalisé dans les années qui suivent. L’Etat provincial prend aussi soin de faire appliquer les

règlements concernant le travail malgré les protestations des entreprises sucrières (Teruel A.,

Lagos M., 2006). En 1949 les propriétaires terriens de Yavi, la famille Campero, sont

expropriés, cela devient effectif en 1952. La terre prend alors le statut de terre publique, elle

appartient d'abord à l'Etat national puis à la province de Jujuy, et est redistribuée aux paysans

(Quiroga Mendiola M., Ramisch G., 2013). Chaque famille a donc récupéré la ou les parcelle(s)

qu'elle cultivait et n’a plus eu à payer de loyer.

Toutefois, les économies familiales étant adaptées à l'absence des hommes pendant une

partie de l'année et à l'entrée d'un salaire régulier, les hommes ont continué à aller travailler

dans les plantations sucrières chaque année. Au cours des années 1940, certains commencent à

aller travailler de façon saisonnière pendant l’été aux récoltes de tabac près de Jujuy, de fruits

à noyaux et de raisin à Mendoza, ou permanente dans une usine sidérurgique située près de San

Salvador de Jujuy (Gil Montero R., Morales M., Quiroga Mendiola M., 2007 ; Quiroga

Mendiola M., Ramisch G., 2013). Pour les familles de la Puna, c’était l’unique moyen d'avoir

de l'argent, argent qui permettait d'acheter des habits et de la nourriture plus variée à La Quiaca.

Ces migrations sont rendues possibles grâce à la proximité du train.

Lors de la redistribution des terres, certaines familles, par leur position sociale, ont pu

récupérer une plus grande superficie que celle qu'elles cultivaient réellement. Par ailleurs,

même si les habitants n'avaient pas de titre de propriété, la terre se vendait entre les membres

des communautés, de façon informelle (témoignages). Il semblerait que par la possibilité

d'étendre sa surface cultivée en achetant des terres qui ont été libérées par les familles ayant

émigré définitivement et par la possibilité d'avoir un plus grand revenu monétaire, il y ait eu

lors de cette période une accentuation de la différenciation des systèmes de production ainsi

que des catégories sociales.

Page 37: Diagnostic agraire de la région de Yavi Une région …...Diagnostic agraire de la région de Yavi Une région isolée en déprise Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention

36

Figure 32: Frise retraçant les trajectoires des systèmes de production

au cours de la seconde moitié du XXe siècle

Page 38: Diagnostic agraire de la région de Yavi Une région …...Diagnostic agraire de la région de Yavi Une région isolée en déprise Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention

37

Au début de la seconde moitié du XXe siècle (figure 32), il existe encore des familles

vivant sans travail salarié. Les familles les plus pauvres s’emploient chez des familles ayant de

grandes surfaces ou grands troupeau et récupèrent une partie de la récolte, ou survivent tant

bien que mal sur de très petites surfaces. D’autres ont plus de terres et ont pu se constituer un

troupeau d’environ 400 brebis, elles vivent de l'autoconsommation des produits agricoles et

d’élevage ainsi qu’avec la vente et le troc des produits issus de l’élevage : viande, tissus et

fromages. D’autres familles continuent à aller travailler dans les plantations sucrières et ne

nécessitent pas autant d’animaux, le troupeau se limite alors à environ 100-200 têtes d’ovins-

caprins. D’autres encore introduisent une part plus importante de travail salarié dans leur

économie, que ce soit du travail saisonnier dans les provinces voisines ou du travail sur place

par exemple dans la maçonnerie. Ceux-ci ont soit un grand troupeau, ce qui leur confère un

statut social élevé, soit un troupeau plus restreint majoritairement destiné à

l’autoconsommation, voire pas de troupeau, par exemple si toute la famille va travailler dans

les plantations de sucre. On observe donc une introduction du travail salarié plus importante

dans les économies familiales, et une diminution de la vente des produits de l’élevage dont les

tissus. Il apparaît plus avantageux d’avoir un revenu global issu d’une combinaison travail

salarié-travail agricole plutôt que d’avoir un revenu uniquement agricole. Les tailles de

troupeaux sont supérieures à celles de la période précédente. Pourtant le nombre de brebis sur

l’ensemble du département de Yavi est resté quasiment constant entre les années quarante et la

fin des années soixante-dix (Gil Montero R., Morales M., Quiroga Mendiola M., 2007). Cela

pourrait confirmer l’idée d’un nombre décroissant de familles se consacrant à l’activité

d’élevage au sein d’une population elle-même en diminution, mais avec des troupeaux plus

importants.

Après une courte période où les précipitations sont supérieures à la moyenne, de 1944 à

1951 (figure 33), celles-ci diminuent et entre 1951 et 1976 ont tendance à être de nouveau

inférieures à la moyenne. Sur cette même période, les températures moyennes annuelles,

mesurées depuis 1951, sont elles aussi inférieures à la moyenne. Le nombre de jours de gelées

par an est quant à lui supérieur à la moyenne sur la période 1956-1976 (figure 33). Les

témoignages confirment le fait que le climat était plus froid, les gelées plus fortes et plus

fréquentes. En revanche ils n’évoquent pas de période de faibles précipitations. Ces conditions

climatiques limitant la production fourragère ont peut-être contribué à inciter les familles à

délaisser l’activité d’élevage et à trouver d’autres sources de revenu. C’est à partir des années

1950-1960 que le maïs et les cultures maraîchères commencent à être introduites peu à peu dans

les espèces cultivées, mais le maïs parvient encore difficilement à maturité. Ce seraient peut-

être les migrants boliviens venus s’installer dans la région qui auraient apporté ces plantes et

leur savoir-faire.

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38

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pér

atu

res

mo

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nes

an

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elle

s (°

C)

Evolution des températures à La Quiaca depuis 1951 moyennes annuelles

moyennes annuelles moyenne depuis 1951

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170

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190

no

mb

re d

e jo

urs

Evolution du nombre de jours de gelées par an à La Quiaca depuis 1956

valeurs annuelles

moyenne depuis 1956

100

150

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valeurs annuelles moyenne depuis 1908

Figure 33: Evolution des conditions climatiques annuelles au cours du XXe siècle (données :

Bianchi, Yañez et Acuña 2005 ; et SMN)

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39

2- 1960’s – 1976 : émigrations vers les villes

Les nombreuses revendications et grèves ouvrières ponctuant le milieu du siècle portent

leur fruit et les salaires sont augmentés, notamment en 1959 ou les ouvriers des entreprises

sucrières obtiennent une augmentation salariale de 60%. Au cours des années 1960, sous un

nouveau gouvernement provincial qui cherche à développer les infrastructures, l’offre en

emploi augmente, notamment dans le bâtiment (Teruel A., Lagos M., 2006). Entre la fin des

années 1940 et les années 1960, la population totale du département de Yavi ainsi que sa part

rurale ont diminué (figures 29 et 31, Gil Montero R., Morales M., Quiroga Mendiola M., 2007).

C'est à cette période qu'on observe de nombreuses migrations définitives pour la ville

(figure 32). Les familles les plus pauvres, avec très peu de ressources, que ce soit la terre ou les

animaux, envoient leurs enfants à la ville pour y travailler ou étudier, et ceux-ci y restent. Dans

les familles moins pauvres, généralement les fils suivent la totalité du cursus scolaire et

beaucoup poursuivent par des études à la ville et y restent. Les filles quant à elles restent à la

maison pour s'occuper des brebis et apprendre à travailler la laine. Elles n'ont donc pas d'autre

choix que de rester sur place et poursuivre l'activité familiale. Souvent elles ont à charge de

garder le troupeau des frères, ou de cultiver leurs terres en échange d'une rémunération et/ou

d'habits ou autres bien de consommation difficilement accessibles à Yavi. Les familles les plus

riches partent aussi avec leurs enfants pour avoir accès à des conditions de vie plus aisées et

afin qu'ils suivent des études. Souvent ils gardent leurs terres et une partie de leur troupeau et

emploient des gens des communautés pour cultiver leurs terres et garder le troupeau. Dans la

majorité des cas, les familles conservent leurs terres et leur maison dans l'idée de revenir y

passer leur retraite, ou en cas de difficulté économique du pays.

Ce sont les zones les plus isolées ou aux conditions pédo-climatiques les moins

favorables qui sont dépeuplées en premier : La Falda, aux terrasses pentues et caillouteuses et

aux canaux d’irrigation incertains voit ses hameaux se vider, de même pour les maisons de

Lecho, aux parcelles trop petites et trop humides.

D- 1976 – 2001 : une situation politico-économique qui force au repli dans les campagnes

1- 1976-1990 : un pays qui s’endette et un climat local plus clément

En 1976 un coup d’Etat militaire installe la dictature en Argentine. Les luttes et

revendications ouvrières ne sont plus d’actualité. L’Argentine entre dans une période libérale

jusqu’à la fin des années 1990. La situation économique du pays dans les années 1980-90 est

caractérisée par une diminution générale de l’offre d’emplois, des licenciements massifs dans

le secteur industriel, et une hyperinflation qui ne s’enraye pas (Quiroga Mendiola M., Ramisch

G., 2013 ; Teruel A., Lagos M., 2006 ; Encyclopédie Universalis). A partir des années 1970, la

récolte de la canne à sucre est mécanisée, la demande en main d’œuvre dans les plantations de

canne à sucre chute jusqu’à devenir quasi nulle au tout début des années 1990 (Quiroga

Mendiola M., Ramisch G., 2013). Sur la Puna, le chômage et la pauvreté augmentent, ceux qui

étaient partis vivre à la ville sont contraint de rentrer au pays, des parcelles agricoles en friches

sont remises en culture. L’Etat pourvoit des emplois publics et des aides, le revenu des familles

est donc maintenant basé sur une combinaison revenu agricole – revenu issu de l’Etat, que cela

soit sous la forme d’un emploi public ou d’aides sociales (Teruel A., Lagos M., 2006).

Par ailleurs, depuis la fin des années 1970 et jusqu’au début des années 1990, le climat

de la région de Yavi change : les précipitations sont supérieures à la moyenne, les températures

moyennes diminuent un peu par rapport à la période précédente et le nombre de jours de gelée

par an aussi (figure 34). Les enquêtes confirment le fait que les pluies sont abondantes à cette

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Evolution du nombre de jours de gelées par an à La Quiaca depuis 1956

valeurs annuelles

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Figure 34: Evolution des conditions climatiques annuelles au cours du XXe siècle (données : Bianchi, Yañez et

Acuña 2005 ; et SMN)

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période et arrivent dès le mois de Novembre. Les mares dans les parcours sont pleines durant

toute la saison des pluies, la végétation est abondante dans les pâturages. C’est aussi une période

où il fait froid, les gelées sont fortes mais se restreignent à la période hivernale sans survenir

très souvent au printemps. Ce climat offre des conditions favorables à la croissance des cultures

maraîchères et du maïs ainsi qu’à celle de la végétation dans les parcours. Ceci a peut-être rendu

plus facile le « retour au pays » des migrants en évitant une concurrence au niveau des

ressources. Le nombre de brebis dans le département de Yavi augmente entre 1977 et 1988 (Gil

Montero R., Morales M., Quiroga Mendiola M., 2007) et le maïs devient une culture majeure,

notamment dans les zones de La Falda, Yavi Chico et El Portillos. Le maïs remplace le blé, et

l'orge devient une culture uniquement fourragère. Les espèces principales cultivées dans ces

zones deviennent donc le maïs, la pomme de terre et la fève, dans les zones du Sud de la région

ce sont essentiellement la pomme de terre et la fève, le maïs remplace aussi le blé mais reste

une culture mineure. Les légumes destinés à l’autoconsommation sont cultivés dans une

parcelle à part, des courges sont semées entre les rangs de maïs, des petits pois sont cultivés

pour la vente, de la luzerne pour l’alimentation des animaux. C’est aussi à cette époque que les

première brebis locales seraient croisées avec la race Corridale qui a une meilleure production

de laine et a des agneaux plus lourds et qui reste très rustique (Lamas H., 2011).

2- 1990-2001 : les années libérales de l’Argentine

Après la destitution du régime militaire en 1983, la décennie 80-90 voit l’économie

générale de l’Argentine s’aggraver, l’hyperinflation continue, le chômage augmente, la dette

extérieure est l’une des plus importantes des pays du sud. En1991, l’ère libérale du pays s’ouvre

avec l’application du Currency board : un peso argentin vaut un dollar étasunien. Le taux de

change est donc fixé artificiellement, ce qui permet de limiter la création monétaire et donc

l’inflation. Une forte discipline budgétaire, une libéralisation financière et une ouverture

commerciale vont réinstaurer la confiance sur les marchés et les investissements vont reprendre,

relançant ainsi l’économie argentine pour quelques années (Encyclopédie Universalis). Cette

stabilité se retrouve dans les prix à la production sur la période 1991 – 2000 (figure 35) période

durant laquelle ces prix varient peu.

3- Evolutions dans la région de Yavi

Les familles restant dans la région conservent toutes un revenu extérieur (figure 32), que

cela soit celui issu de travail saisonnier agricole, celui d'un travail salarié permanent local, ou

la retraite du travail dans les plantations de canne à sucre. On observe donc bien une

diversification des sources de travail du fait de la diminution de la demande en main d’œuvre

de la part des entreprises sucrières, mais pas vraiment d’augmentation de la part de travail

salarié dans les économies familiales. Il y a encore de grands troupeaux qui se maintiennent.

Seules les rares familles qui ont accès à un revenu extérieur important peuvent se permettre de

diminuer ou supprimer l'activité d'élevage. La garde quotidienne des brebis ainsi que le tissage

sont des activités chronophages et fatigantes, il est moins coûteux en énergie et plus rentable

d'avoir un travail salarié, d’où une tendance à l’abandon de ces activités lorsque cela en est possible. Les enquêtes ont mis en évidence d’une part certaines personnes originaires de Yavi

qui ont émigré et qui sont revenues à cette période, et d’autre part des familles de régions

voisines isolées et vivant surtout de l’élevage sont venues s’installer dans la région d’étude au

début des années 1980 et à la fin des années 1990. Elles y ont trouvé des terres à cultiver,

produisant ainsi au moins une partie de leur alimentation, et un marché proche, celui de La

Quiaca.

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Evolution générale des prix à la production des produits agricoles,

prix en indice base 100 en 2001, déflatés avec l'Indice des Prix à la Consommation (IPC)

salaires

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Evolution générale des prix à la production des produits d'élevage,

prix en indice base 100 en 2001, déflatés avec l'Indice des Prix à la Consommation (IPC)

salaires

viande ovine pv

laine en suint (brute)

viande bovine pv

Figure 35: Evolution générale des prix agricoles à la production (sources prix à la production : FAOstat, source IPC

et indice des salaires : INDEC)

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Globalement, et malgré ce « retour » de personnes, la population rurale du département

de Yavi diminue par rapport à la période des années 1940 (figure 31). L'habitat change : les

anciennes habitations traditionnelles et dispersées sont abandonnées, et de nouvelles sont

construites aux abords des voies de communication carrossables. Les zones de La Falda et

Lecho continuent de se dépeupler. Les nouvelles maisons ne suivent plus le plan carré

traditionnel, elles sont généralement d'un seul bloc. Les toits sont en zinc, matériau qui malgré

son isolation thermique nulle a une durée de vie plus longue et nécessite moins d'entretien que

le toit en terre et paille.

E- 2001 - aujourd'hui : une forte déprise agricole

1- De la crise de 2001 à l’ « Etat-providence »

La situation économique chancelante de l’Argentine a été aggravée par la politique

d’austérité mise en place par le FMI à la fin des années 1990. En 2001, la crise explose, les

dépôts bancaires sont gelés, une partie du prêt accordé par le FMI est suspendue, le pays est en

défaut de paiement de la dette publique extérieure, les gouvernements démissionnent les uns

après les autres dans un climat de graves troubles sociaux. Le taux de change fixe est

abandonné, le peso se déprécie brutalement et l’inflation repart avec un taux de 70%, le

chômage augmente, les recettes de l’Etat et le PIB diminuent. C’est un véritable « choc de

pauvreté » auquel ont affaire les argentins (Encyclopédie Universalis). Cette crise apparaît

clairement sur les courbes des prix à la production (figure 35) : les prix, bien que déflatés avec

l’indice des prix à la consommation, augmentent brutalement, ce qui signifie que les prix payés

au producteur sont beaucoup plus élevés que les prix généraux à la consommation, entraînant

une diminution brutale du pouvoir d’achat des argentins, en particulier des citadins. De plus,

les salaires diminuent en termes constants.

Puis, en 2003 est élu le président Nestor Kirchner. Il réussit à restructurer la dette

publique et à la rembourser ses emprunts au FMI. La politique monétaire repose sur un peso

faible, le taux de change en termes nominaux est fixe mais le peso en termes réels se déprécie.

La croissance reprend, le taux de chômage et la pauvreté diminuent, l’inflation est en partie

maîtrisée. De 2004 à 2006 les prix à la production en pesos constants diminuent effectivement

(figure 35) tandis que les salaires remontent. La situation s’inverse donc.

La crise a définitivement mis un coup d'arrêt au travail salarié saisonnier dans les

provinces voisines. Les prix à la consommation ont tant augmenté que certaines familles sont

revenues vivre à Yavi, contraintes de cultiver à nouveau pour pouvoir manger. Les sources

d'emploi continuent d’être quasi inexistantes, l'Etat a donc commencé à fournir des emplois à

travers les municipalités. C'est le cas du Plan Jefe de Hogar (Chef de Foyer) qui contre quelques

heures quotidiennes de travail au service de la municipalité fournissait un petit revenu aux

familles, mais l’offre d’emploi continue d’être inférieure à la demande. Aujourd'hui ce plan

n'existe plus, mais des aides sociales ont été mises en place à destination des familles : la

Asignación Universal qui correspond à 500 pesos/mois/enfant (environ 35 euros), et le Plan

Madre de Siete Hijos, qui correspond à 3500 pesos/ mois (environ 250 euros). Ces aides

publiques sont une entrée d'argent importante dans le revenu familial. Comme le Plan Jefe de

Hogar, ces aides permettent aux familles à faible revenu de survivre sur place, et l’émigration

diminue dans le département de Yavi sur cette période (Gil Montero R., Morales M., Quiroga

Mendiola M., 2007).

En 1994, la Réforme Constitutionnelle introduit un changement majeur pour les

communautés indiennes : on reconnaît leur préexistence, leur droit concernant leurs terres et

leurs ressources naturelles. En 2000, les communautés indiennes de la région de Yavi

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Evolution du nombre de jours de gelées par an à La Quiaca depuis 1956

valeurs annuelles

moyenne depuis 1956

Figure 36:Evolution des conditions climatiques annuelles au cours du XXe siècle (données : Bianchi, Yañez et

Acuña 2005 ; et SMN)

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s’organisent, on leur reconnaît un statut juridique. Chaque communauté détient maintenant le

titre de propriété de l’ensemble des terres de la communauté et gère leur attribution. Les familles

luttent actuellement pour l'attribution de titres de propriété personnels, mais le processus est

très lent (Teruel A., Lagos M., 2006).

2- Une évolution récente du climat n’améliorant pas le contexte économique difficile

Depuis les années 1994, le climat change de nouveau, comme nous avons pu le voir

dans l’étude du milieu. Les précipitations annuelles ont diminué par rapport à la période 1977-

1993, elles sont de nouveau proche de la moyenne (figure 36) et l’arrivée de la saison des pluies

se décale (figure 7 et partie I, B, 2). De ce fait, la ressource fourragère dans les parcours diminue

de façon notoire, la période de soudure est plus longue et plus dure à passer pour les animaux

(figure 37). De plus, le début de la saison culturale dépend maintenant uniquement de l’eau

d’irrigation, augmentant la concurrence sur cette ressource (figure 37). Enfin, l’arrivée tardive

des pluies augmente l’occurrence d’une maladie sur la pomme de terre et la fève. Les

températures moyennes annuelles augmentent (figure 37), les hivers sont moins froids et les

cours d'eau ne gèlent plus (témoignages). Ceci, associé à une alimentation moins fournie

pourrait expliquer l’augmentation des parasites observés chez les animaux. Le climat est

globalement ressenti comme plus imprévisible et aléatoire qu’auparavant. Par conséquent,

même si une augmentation des températures pourrait être favorable à certaines cultures comme

le maïs, le fait que les gelées soient plus aléatoires annule cet effet positif. Le climat paraît donc

être plus contraignant pour la production agricole et l’élevage, ce qui ne contribue pas à

améliorer la situation économique déjà difficile de la région.

Figure 37: évolution du cycle des pluies entre les périodes 1977-1993 et 1994-2014

(source : S.Paris, données climatiques : SMN)

1977-1993 1994-2014

Total précipitations (mm) 385 335

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nombre de jours

de gelées

moyen, période

1977-1993

nombre de jours

de gelées

moyen, période

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précipitations

moyennes,

période 1977-

1993

précipitations

moyennes,

période 1994-

2014

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Aujourd'hui, rares sont les familles qui combinent travail agricole et travail salarié non

public (figure 32), en revanche, toutes perçoivent des aides ou un revenu de l’Etat. Les rares

sources d'emplois non publics sont locales : maçonnerie, écoles primaires et collèges, services

de transport pour aller à La Quiaca, tourisme et magasin d'alimentation essentiellement. Les

familles bénéficiant d’un emploi salarié permanent n’ont pas de troupeau (figure 32, SA1). Les

familles n’ayant plus de troupeau, survivent grâce à l’activité agricole, grâce aux aides de l’Etat

et en allant s’employer à la journée chez les autres personnes de la communauté (figure 32,

SA2). D'autres familles ont maintenu la logique de diversification de l’élevage et des cultures

dans un but d’autonomie maximale (figure 32, SP1). La majorité des couples âgés voient leurs

enfants et petits-enfants partir à la ville et n'ont donc plus d'aide pour les travaux agricoles et de

garde des troupeaux, ou seulement ponctuellement par exemple pour les semis et les récoltes.

Ces couples réduisent donc la taille de leur troupeau, notamment le nombre de brebis, et

bénéficient de la retraite de leur travail dans les plantations de canne à sucre (figure 32, SP3).

Enfin, certaines personnes reviennent de la ville où ils avaient fait leur vie pour passer leur

retraite sur les terres de leur famille. Le revenu agricole complète la retraite, et ils apprécient le

climat et l'environnement sain de la puna avec lequel ils ont peu de problème de santé (figure

32, SP4).

V. Le système agraire actuel

A- Mode d’exploitation du milieu

1- Structure des exploitations agricoles

a. Terre et foncier

Les familles exploitent les espaces communs et l’espace aménagé. Les espaces

communs d’une communauté sont en accès libre pour les habitants de cette communauté.

L’espace aménagé est divisé en parcelles privées exploitées par les familles. Celles-ci n’ont pas

de titre de propriété à leur nom puisque c’est la communauté qui détient le titre de l’ensemble

des terres correspondant à son territoire. Les familles n'ont pas de taxe à payer pour le foncier.

Mais il existe des tensions entre les familles sur la répartition des terres depuis la réforme

agraire. Les parcelles se vendaient entre les familles de façon informelle jusqu’à la constitution

juridique des communautés. Les familles achetaient probablement à des personnes de la

communauté parties en ville et qui ne cultivaient plus leurs terres. L’absence des anciens

propriétaires ainsi que celle de titre de propriété laisse un flou sur l’appartenance des terres et

la légitimité des nouveaux propriétaires propice à l’apparition de réclamation sur ces terres,

surtout si par exemple elles ne sont pas cultivées par les familles.

Les familles ont généralement au moins deux parcelles dans l’espace aménagé, parfois

quatre ou plus, situées dans des conditions pédo-climatiques différentes et le plus souvent dans

des zones différentes : Yavi Chico – La Falda, Yavi Chico – El Portillos, El Portillos – Yavi,

Yavi – Casti, Lecho – Yavi. L’aléa principal étant la gelée, et les gelées étant très localisées,

avoir des parcelles dans des lieux différents permet de répartir le risque. Seule une partie de la

surface totale irrigable est cultivée : les emplacements les plus propices aux cultures. Ces emplacements sont divisés en de nombreuses sous-parcelles d'une surface variant entre 200m²

et 900m². Les emplacements moins propices aux cultures et les bordures sont laissés pour le

pâturage ou pour la coupe de fourrage.

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b. Capital

Le niveau de capital, hors troupeau, est très faible : un abri pour stocker les outils et les

récoltes, des corrals, éventuellement une autre habitation auprès d’une parcelle lointaine ou une

estancia, un araire et/ou une charrue à un soc, un joug, un pulvérisateur, une ou deux pioches,

une ou deux pelles, une houe, un râteau, les arbres et parfois quelques arbres fruitiers. Les

constructions – abris, corrals, habitation ou estancia – en terre crue se font plutôt en début ou

fin de saison des pluies, pour pouvoir humidifier la terre et lui permettre de sécher dans de

bonnes conditions, ce qui ne serait pas le cas au cœur de la saison des pluies où les précipitations

sont fortes ni en hiver à cause des gelées. Par conséquent si la matière première a un coût

d’opportunité nul puisque ce sont des matériaux pris sur place, la main d’œuvre a un coût

d’opportunité élevé puisque le début et la fin de la saison des pluies correspondent à des

périodes de pointe de travail : ce sont la mise en place et la récolte des cultures. Leur réalisation

demande probablement une organisation particulière du travail, voire des échanges de journées

de travail entre familles pour avoir une augmentation ponctuelle de la main d’œuvre. Ces

constructions ont donc un coût et une dépréciation réels. Toutefois ils n’ont pas été pris en

compte dans la modélisation économique du fait du peu d’information sur la réalisation de ces

constructions et donc la difficulté à estimer ces coûts. Des murets sont remplacés par des

clôtures de fil de fer : leur mise en place demande moins de travail, elle peut se faire tout au

long de l’année et la clôture se maintient plus longtemps. Toutefois cela coûte plus cher en

matériau, cela limite donc son expansion.

c. Travail

La main d’œuvre est quasi-exclusivement familiale : le couple, aidé parfois des enfants

lorsqu’ils ne sont pas à l’école, c’est-à-dire essentiellement les week-ends. On observe une

division sexuée du travail : les femmes s’occupent des enfants, de la maison, de la vente sur les

marchés et les foires ainsi que de la majorité des activités liées à l’élevage : garde des animaux,

traite, élaboration du fromage, transformation de la laine lorsqu’elle est réalisée. Elles

interviennent moins dans les travaux agricoles que les hommes, sauf pour le semis. Les hommes

s’occupent donc essentiellement des cultures, notamment du travail du sol, mais aussi de

l’entretien des canaux d’irrigation, des travaux de construction et certaines activités d’élevage

comme la castration et les soins antiparasitaires.

Certaines familles ont besoin de main d’œuvre supplémentaire, par exemple les

personnes âgées qui ne peuvent plus réaliser tous les travaux, ou les couples avec de jeunes

enfants, ou enfin les femmes dont les maris travaillent en dehors de la région et ne peuvent pas

être là lors des périodes de pointe de travail. Alors elles peuvent employer un voisin qui vient

travailler à la journée, il est rémunéré en argent, et en nature par le déjeuner et de la coca. Ce

type d’emploi à la journée se fait surtout lors des semis lorsqu’il faut travailler le sol, les

hommes employés sont alors ceux ayant une paire de bœufs. Il a été difficile d’estimer la

disponibilité de cette main d’œuvre ponctuelle. Les enquêtes avec les personnes âgées

suggèrent le fait que cette disponibilité diminue car il y a de moins en moins de jeunes et encore moins de jeunes qui veulent travailler dans les champs. Toutefois cette main d’œuvre persiste

et est souvent représentée par des familles pauvres qui ont peu de terres et peu d’animaux et qui

ont donc besoin de vendre leur force de travail (figure 32, SA2)

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2- Pratiques et calendriers de travail

a. Pratiques d’élevage et calendrier d’élevage pour les ovins

Races et gestion de la reproduction

L’élevage prépondérant de la région d’étude reste l’élevage ovin, malgré la diminution

du nombre et de la taille des troupeaux. Les brebis sont souvent accompagnées de quelques

chèvres pour la production de lait, l’ensemble étant mené en un seul troupeau. Il reste des

troupeaux de brebis de race locale, d’autres qui sembleraient être croisés avec la Corridale

(déduit de l’observation et de la lecture de Lamas H., 2011), et enfin depuis une dizaine d’année,

les brebis sont croisées avec des béliers dits « Cara Negra » qui pourraient être de race

Hampshire Down. Ces brebis croisées donnent des agneaux plus lourds, avec plus de laine, tout

en restant rustique et adaptés aux conditions du milieu.

Un ou plusieurs béliers, selon la taille du troupeau, restent avec les brebis toute l’année.

Il y a alors deux périodes de mise-bas par an, une fin décembre et une fin juin. Toutefois, selon

les familles, les mises peuvent être décalées par rapport à ces dates : des agneaux tout juste nés

ont été observés durant les mois de juillet et août. Même si la survie des agneaux nés en hiver

est aléatoire, et que par conséquent la mise-bas d’hiver est peu productive, il serait trop

compliqué de conduire les béliers à part pour éviter cette mise-bas. Cela signifierait en effet

qu’ils soient séparés du troupeau en saison des pluies lorsque tous les animaux sont menés dans

les parcours.

Calendrier fourrager

De début janvier à fin mai, le troupeau est emmené pâturer dans les parcours par la

femme et éventuellement les enfants (figure 38). Une seule famille enquêtée utilise encore son

estancia, si d’autres le font aussi, elles sont très peu nombreuses, peut-être de l’ordre de cinq

sur l’ensemble de la région d’étude (estimation personnelle). Les autres familles emmènent le

troupeau dans les parcours la journée et rentrent à la maison principale le soir.

Pâturage des résidus de cultures,

friches et zones humides

dans l’espace aménagé

MB MB C, B C, B S T

affouragement au corral

+ parcours ou repousse

dans les parcelles

+ branches de saule

parcours

C

B

T

S

Castration

Bain

Tonte

Marquage (señalada)

MB Mises bas Figure 38: Calendrier fourrager du troupeau ovin-caprin

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En saison sèche, de fin mai à début septembre, le troupeau pâture dans l’espace aménagé

l’après-midi et reste au corral la nuit et le matin. Il est mené de façon précise sur les résidus de

culture, sur les espaces de friche herbeuse pâturée entre les parcelles cultivées et sur les zones

humides aussi laissées en friche herbeuse pâturée, et ceci dans un but de gestion de la ressource

fourragère. En effet, si les brebis piétinent les parcelles sans les manger, alors elles les pâturent

moins bien. En juillet et août, les friches sont brûlées afin de déclencher leur repousse et avoir

de nouveaux pâturages dans l’espace aménagé dès le printemps et les premières pluies. Les

familles n’ayant pas assez de superficie pâturable prennent en location des parcelles à des

voisins qui n’ont plus de troupeau, en payant soit en argent, soit sous forme de troc contre des

agneaux ou de la poudrette.

La période de septembre à décembre est celle où la ressource fourragère est la plus

limitée, c’est la période de soudure. Le troupeau n’a plus accès à l’espace aménagé car les

travaux agricoles reprennent. Il est sorti pour aller pâturer certains jours et affouragé au corral

d’autres jours, de façon alternée. Faire pâturer le troupeau permet d’économiser les ressources

fourragères, l’affourager au corral permet d’économiser les forces des animaux en limitant leurs

déplacements. Lorsqu’il est sorti, le troupeau est mené l’après-midi dans les parcours et sur les

espaces de friches situés à distance des parcelles cultivées, lorsqu’ils ont repoussé. Les friches

peuvent être irriguées pour accélérer la repousse. Le troupeau retourne au corral le soir et y

reste la nuit et le matin. Lorsque le troupeau reste au corral toute la journée, il est alimenté avec

les résidus de maïs et fève, la luzerne et l’orge coupés et stockés (figure 38). La première plante

qui verdit à la fin de l’hiver est le saule, dès le mois d’août. Ses branches, aux feuilles très

nutritives peuvent être coupées à partir de septembre-octobre et sont données à manger aux

animaux en complément des fourrages secs.

Santé et soins aux ovins et caprins

Les parasites externes affectant les brebis sont les tiques, les poux et la gale. Pour cela,

l’ensemble du troupeau ovin-caprin est traité deux fois par an, à la sortie de l’hiver et à la fin

de l’été. Chaque animal est immergé dans un bain d’eau contenant un produit vétérinaire acheté

à La Quiaca. Il existe un « bain » par communauté, chacun étant construit dans le lit de la

rivière. Ils comprennent un premier corral où attendent les animaux encore non traités ; le bain,

creusé afin que les bords soient au niveau du sol, il est approvisionné par l’eau du cours d’eau

de façon gravitaire ; le corral de sortie ou attendent les animaux traités.

Les animaux, toutes espèces confondues, sont aussi affectés par un parasite interne

qu’ils contractent en buvant l’eau stagnante dans les fonds de vallée. Contre ce parasite ils sont

traités une à deux fois par an avec un anti-parasitaire sous forme injectable.

Sur le troupeau de l’une des familles enquêtée, fin août, certaines brebis mangeaient la

laine des autres. D’abord, cela présente un risque réel pour la brebis qui ingère la laine, par

conséquent la femme appliquait une muselière à plusieurs de ses brebis chaque soir pour les

empêcher de manger la laine des autres. Mais surtout cela suggère un manque d’alimentation

chronique à cette période, car ce comportement n’a pas été observé par cette femme en saison

des pluies lorsque le troupeau est dans les parcours. Ce comportement n’a pas été vu sur d’autre

troupeau, mais globalement, chaque hiver, les familles perdent les brebis les plus faibles. Ainsi

le manque d’alimentation en période de soudure affaiblit les brebis de façon non négligeable et

peut être un facteur favorisant le développement de parasites.

Les chèvres semblent être beaucoup moins sensibles aux différents parasites et

globalement en meilleure santé. Les familles l’expliquent par le fait qu’elles cherchent plus leur

alimentation et trouvent donc plus à pâturer, elles sont donc mieux alimentées. Peut-être aussi

qu’elles sont moins sensibles aux parasites des brebis car elles n’ont pas de laine.

Les autres opérations réalisées sur les animaux sont la castration, la coupe des queues et

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le marquage des agneaux. La castration des agneaux est faite par les hommes, à environ 4 à 5

mois. Les agneaux nés en hiver sont donc castrés en novembre-décembre, avant de partir dans

les parcours, ceux qui sont nés en été le sont en avril-mai, avant l’hiver. Le marquage des

animaux de l’année donne lieu à une fête traditionnelle, appelée señalada, en février-mars. Les

familles se rassemblent et s’entraident pour marquer les animaux. Souvent, les membres des

familles partis à la ville reviennent à cette occasion pour aider et festoyer. Au même moment,

les queues des agneaux sont coupées, cela est réalisé plus rapidement puisque plus de personnes

sont présentes. Si les queues ne sont pas coupées, les agneaux engraissent moins vite, ce qui

pourrait suggérer que ce sont des races à queue grasse, mais cela n’a pas été confirmé.

Renouvellement de la fertilité

Le renouvellement de la fertilité dans les parcelles cultivées se fait grâce à l’apport de

poudrette de brebis et chèvres récupérée dans les corrals situés près de l’espace aménagé.

Si la famille utilise encore son estancia en saison des pluies, la poudrette accumulée

dans le corral de l’estancia est laissée sur place tandis que celle qui s’est accumulée dans le

corral près de l’espace aménagé est récupérée et utilisée pour amender les parcelles. Cette

poudrette correspond à la période où les brebis consomment les résidus de cultures, les

fourrages, les branches de saule et pâturent les friches et parcours. Il y a donc un transfert de

fertilité depuis l’ensemble de la superficie pâturée par le troupeau au sein de l’espace aménagé

– donc la superficie totale irrigable de la famille et la superficie éventuellement prise en location

pour pâturage à des voisins, vers la superficie totale cultivée. Ceci est accompagné de manière

limitée par un transfert de fertilité depuis les espaces communs, de parcours et lits de rivière,

pâturés durant la saison sèche, vers la superficie cultivée.

Si la famille n’utilise pas d’estancia, la poudrette s’accumule dans le corral toute

l’année. Il y a alors d’une part un transfert de fertilité depuis la superficie pâturée dans les

espaces communs vers la superficie cultivée, et d’autre part, comme dans le cas précédent, un

transfert de fertilité depuis la superficie pâturée par le troupeau dans l’espace aménagé vers la

superficie cultivée.

Les familles n’utilisant pas leur estancia ont donc un renouvellement de la fertilité basé

sur des superficies plus étendues et plus diversifiées : il y a un réel transfert depuis les espaces

de parcours vers l’espace aménagé, en plus du transfert interne à l’espace aménagé. Ce

renouvellement de la fertilité paraît plus riche et plus durable que celui pratiqué par les familles

utilisant leurs estancias. Pourtant ceci n’est apparemment pas pris en compte dans les choix des

familles, et ne paraît pas être un élément facteur de différenciation sociale, puisqu’au contraire,

historiquement, les familles ayant une estancia avaient accès à plus de ressource fourragère

pour leurs animaux. La poudrette de brebis semble avoir la même qualité à leurs yeux, quelle

qu’en soit la provenance.

Si la famille n’a pas d’élevage, ou si une parcelle est située trop loin du corral de la

famille, elle peut acheter de la poudrette ou la troquer contre l’accès à sa parcelle pour le

pâturage à une famille qui a un troupeau ovin, ou bien en acheter à la municipalité de Yavi. La

municipalité troque la poudrette de communautés un peu plus éloignées contre des denrées

achetées à La Quiaca. Ces communautés font partie du même département, vivent

essentiellement de l’élevage et ont une activité agricole beaucoup moins développée qu’à Yavi.

Elles n’utilisent probablement pas toute leur poudrette, il leur est donc avantageux d’obtenir

des marchandises en échange surtout que du fait de leur éloignement de La Quiaca, le trajet

jusqu’à cette ville est cher.

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Productions du troupeau ovin-caprin

Les ovins sont avant tout élevés pour la production de viande. Les agneaux et brebis

sont abattus tout au long de l’année pour être consommés par la famille ou vendus ou troqués

pour satisfaire à ses besoins. Les agneaux peuvent être abattus toute l’année car leur poids est

moins affecté par la saison que les brebis. Ils sont abattus à environ 10 à 12 kg poids carcasse,

mais le moment de l’abattage n’est pas tellement choisi en fonction du poids de l’animal, il l’est

plutôt en fonction des besoins de la famille. Les brebis quant à elles ont un poids qui varie

sensiblement selon les saisons. Elles sont abattues le plus souvent à la fin de l’automne en

rentrant des parcours, en juin : elles sont encore lourdes, environ 20 kg poids carcasse. La

viande est alors salée et séchée et peut être conservée tout l’hiver, ou vendue sous cette forme.

Les familles ont donc besoin de pouvoir abattre des animaux toute l’année, par conséquent avoir

deux périodes de mises-bas par an est avantageux, même si la survie des agneaux n’est pas

toujours assurée. Il ne serait donc pas dans leur intérêt de gérer la reproduction de façon à avoir

une seule période de mise-bas par an.

Lorsque les animaux sont abattus, le cuir est récupéré, soit pour être utilisé, soit pour

être vendu.

Les brebis sont tondues à la sortie de l’hiver et avant les pluies importantes, en octobre

ou novembre. La laine est vendue brute à des acheteurs en gros qui viennent sur les foires ou le

marché de La Quiaca et qui achètent à bas prix.

Les chèvres sont élevées pour la production de lait en saison des pluies. En général elles

sont trop peu nombreuses pour produire du lait pour la vente, la production reste donc destinée

à l’autoconsommation. Les chèvres ainsi que les quelques brebis les plus laitières sont traites

de janvier à avril, en général quotidiennement, mais s’il y a concurrence entre les opérations

culturales et la traite, c’est la traite qui ne sera pas effectuée. Une traite produit quelques litres

de lait au total, et la quasi-totalité du lait est transformé en fromage. Plusieurs fromages sont

ainsi fabriqués par semaine.

Impact du changement climatique sur les troupeaux et les pratiques d’élevage

Comme cela a été décrit précédemment, le changement climatique actuel se manifeste

d’abord par une diminution des quantités annuelles des précipitations ainsi que par une saison

des pluies raccourcie et retardée (figure 39). Dans les espaces communs cela a pour

conséquence une diminution globale de la ressource fourragère en été accompagnée d’un retard

de la repousse au printemps. Les animaux sont donc moins nourris en été et leur sortie dans les

parcours est retardée. Or ce sont justement les mois de printemps, de septembre à décembre,

qui sont les plus difficiles à passer pour les animaux. Nous avons vu précédemment qu’ils

correspondent à la période de soudure fourragère. Si les pluies sont retardées, la période de

soudure est allongée et la survie des brebis est rendue plus difficile. Enfin, si les mois de juin à

août ne sont pas directement impactés par la diminution des pluies puisque c’est la saison sèche,

l’alimentation des animaux pourrait tout de même être amenée à diminuer puisqu’elle est basée

sur les résidus de cultures et fourrages stockés. Cette alimentation est donc directement

dépendante de la production agricole de l’année. Nous allons voir par la suite quel est l’impact

du changement climatique sur les productions agricoles.

Le changement climatique se manifeste aussi par une hausse globale des températures

et une diminution du nombre de jours de gelées par an. Cela pourrait favoriser le développement

des parasites et maladies sur des animaux affaiblis par le manque d’alimentation.

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Nous avons pu voir que la brebis est un animal déjà sensible au manque d’alimentation,

plus que la chèvre par exemple. La diminution de la ressource fourragère risque donc de rendre

la survie des troupeaux plus difficile.

Figure 39: Impact du changement climatique sur le calendrier fourrager

Autres types d’élevage

Les lamas sont peu présents dans la région d’étude, comparé au reste de la puna, mais

on observe une augmentation du nombre de tête ces dernières années (témoignages et Gil

Montero R., Morales M., Quiroga Mendiola M., 2007). Le troupeau, incluant le mâle

reproducteur, passe toute l'année dans les parcours, aucune autre source d'alimentation ne lui

est fournie. Etant endémique, le lama est particulièrement adapté à la région et souffre moins

du manque de pâturage que les brebis. Les problèmes principaux sont le renard, qui tue un

nombre important des jeunes, et le puma qui s’attaque aussi aux adultes. Pour essayer de limiter

les pertes, les familles vont surveiller régulièrement le troupeau dans les parcours. Elles abattent

les lamas deux à quatre fois par an pour leur viande qu’ils consomment et vendent. Leur laine

0

10

20

30

40

50

60

70

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20

40

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80

100

Jt A Sept Oct Nov Déc Ja Fe Ma Av Mai Ju

gel

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(no

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)

pré

cip

itat

ions

(mm

)nombre de jours de

gelées moyen, période

1977-1993

nombre de jours de

gelées moyen, période

1994-2014

précipitations moyennes,

période 1977-1993

précipitations moyennes,

période 1994-2014

parcours

Pâturage des résidus de cultures,

friches et zones humides

dans l’espace aménagé

affouragement au corral

+ parcours ou

repousse dans les

parcelles

+ branches de saule

Brûlage des parties de

parcelles

laissées en pâturage,

pour la repousse

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n’est pratiquement pas valorisée.

Les bovins, élevés surtout pour la viande, et parfois pour le lait, vont très peu dans les

parcours, ils restent essentiellement dans l’espace irrigué. Ils sont soit au piquet dans les

parcelles, sur les zones laissées en friche herbeuse, soit dans des prés fermés, correspondant

souvent à des zones humides non cultivables. En saison sèche ils sont affouragés au corral et

pâturent le peu de pâturage restant.

Les équins, chevaux et ânes, restent au piquet sur les friches herbeuses toute l’année,

souvent en bas de versant près de la rivière. Les ânes accompagnent parfois les troupeaux ovins-

caprins dans les parcours.

b. Gestion sociale de l’eau

La ressource en eau

Les canaux d’irrigation ont leur prise sur les cours d’eau principaux – Yavi, Yavi Chico

et Lecho – qui sont en eau toute l’année. Premièrement cela permet d’irriguer les cultures

pendant la saison des pluies, de décembre à avril, complémentant ainsi l’apport en eaux

pluviales par une irrigation régulière et maîtrisée à l’échelle de la sous-parcelle. L’eau

d’irrigation durant la saison des pluies est constituée de l’eau issue des sources permanentes

ainsi que de l’eau pluviale collectée par le bassin versant et concentrée dans les cours d’eau.

Deuxièmement, les canaux permettent d’irriguer en amont de la saison des pluies, c’est-à-dire

de septembre à novembre lorsque les pluies sont rares, et ainsi allonger la durée de la campagne

agricole et sécuriser la levée des semis. L’eau d’irrigation est alors constituée majoritairement

de l’eau issue des sources permanentes, la ressource disponible en eau à cette période est donc

inférieure à la ressource disponible durant la saison des pluies.

La totalité des sous-parcelles cultivées sont irriguées, et les parties de parcelles laissées

en friche sont irrigables, et sont irriguées lorsqu’elles sont pâturées. Cela nécessite donc une

organisation collective pour utiliser la ressource en eau d’irrigation et entretenir les canaux.

Répartition de la ressource en eau

L’ensemble des bénéficiaires d’un canal d’irrigation forme un groupe au sein duquel

chacun a le droit d’irriguer sa parcelle un certain nombre de jours. Le bénéficiaire situé le plus

en aval prend son tour d’irrigation en premier, puis lorsque son temps est terminé, le bénéficiaire

situé juste en amont lui coupe l’accès à l’eau et prend son tour d’irrigation, et ainsi de suite

jusqu’à l’amont, puis on revient à l’aval. Selon la taille du groupe, le tour d’irrigation revient

de tous les 10 jours à tous les mois. Chaque personne a droit à un certain nombre de « jours

d’irrigation » de 12h, selon la superficie totale irrigable de la parcelle. Ce nombre de jours varie

de 1 à 6 selon la taille des parcelles.

Cette organisation est valable de la mise en place des cultures à leur récolte, c’est-à-dire

de septembre à avril. Au sein de cette période, on peut distinguer deux sous-périodes comme

nous l’avons vu ci-dessus : la saison des pluies, de décembre à avril, et l’amont de la saison des

pluies, de septembre à novembre. L’amont de la saison des pluies est la période la plus critique,

correspondant aux semis et au début de croissance des cultures. Les besoins en eau ne sont donc

pas forcément très élevés en quantité mais ils sont précis et cruciaux pour la survie des cultures,

surtout que les pluies sont rares et l’eau d’irrigation encore peu abondante. Les familles

s’échangent donc des heures d’irrigation entre elles pour pouvoir mieux répartir leur nombre

d’heures d’irrigation et irriguer de façon plus fréquente. Par exemple, au lieu d’avoir un jour

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d’irrigation tous les mois, elles auront une demi-journée d’irrigation toutes les deux semaines.

Puis, à partir de décembre, la ressource en eau pluviale et d’irrigation est abondante. Les besoins

pour les cultures augmentent puisqu’elles sont plus développées, mais elles peuvent supporter

des intervalles plus longs entre les irrigations que durant les stades précoces. L’organisation de

l’irrigation est donc plus simple, chacun prend son tour dans l’ordre et irrigue le nombre

d’heures dont il a besoin au sein de son nombre d’heures attribuées. De mai à août, l’eau

d’irrigation est très peu utilisée. En juillet et en août, les parcelles qui vont être semées en

premier reçoivent une première irrigation, le « bain », qui ameublit la terre pour faciliter le

travail du sol. Comme la demande en eau est faible et ponctuelle, les familles s’arrangent entre

elles pour irriguer chacune à leur tour.

Entretien des canaux d’irrigation collectifs

La majorité des canaux sont creusés dans la pente en suivant les courbes de niveau et

sont contenus par des talus de terre. Il est probable que les saules, plantés au bord, supérieur ou

inférieur, des canaux, jouent un rôle dans leur maintien. Lorsque le canal doit passer un talweg,

il est alors construit en béton et soutenu par des piliers. Certains canaux sont entièrement refaits

en béton, cela demande probablement moins de travail d’entretien par la suite.

Chaque bénéficiaire d’un canal est responsable de l’entretien quelques mètres de celui-

ci. Le groupe formé par l’ensemble des bénéficiaires du canal choisit l’un d’entre eux qui sera

chargé de l’organisation de l’entretien du canal pour un an. L’année suivante une autre personne

sera désignée. Celle-ci choisit le jour d’entretien du canal et en informe le groupe. L’entretien

régulier se fait une fois par mois, et tous les bénéficiaires disponibles viennent entretenir leur

partie de canal, c’est-à-dire évacuer les sédiments et matières organiques qui s’accumulent. Les

bénéficiaires absents, par exemple des familles qui vivent à la ville et qui ne cultivent plus ou

peu leurs parcelles, doivent payer une participation et le responsable se charge d’entretenir ces

portions de canal. Les entretiens exceptionnels, lorsque le canal est endommagé, sont réalisés

de la même façon. Cela survient par exemple lorsque la prise est arrachée par le cours d’eau en

saison des pluies. Ces entretiens se réalisent souvent les week-ends, ainsi les enfants peuvent

aider leur mère en l’absence des maris.

Irrigation dans les parcelles

Chaque famille ayant plusieurs parcelles en différents endroits, chaque famille est donc

bénéficiaire de plusieurs canaux collectifs, ce qui signifie à la fois plusieurs jours d’entretien

des canaux par mois, mais aussi une possibilité d’étaler les dates de semis en fonction des

différents tours d’irrigation des parcelles. Toutefois les dates de semis sont fixées par les dates

de jours d’irrigation de chacun, ce qui est contraignant. Une encoche réalisée dans le canal,

fermée ou non par des pierres, permet de desservir chaque parcelle dont les sous-parcelles sont

irriguées par des petits canaux creusés dans la terre et entretenus par chaque famille.

c. Pratiques culturales et calendrier cultural

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Figure 40: Calendrier cultural du système agraire

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Travail du sol

Le travail du sol est effectué majoritairement à la charrue ou à l’araire en traction attelée

avec des bœufs ou des chevaux, mais aussi avec un tracteur loué par la municipalité. Le travail

du sol se fait toujours suite à une irrigation (figure 40).

Le premier travail du sol est effectué en amont de l’implantation de la culture, souvent

un mois avant, parfois seulement quelques jours avant. La sous-parcelle reçoit sa première

irrigation, pour humidifier la terre et la rendre plus meuble. Des tas de poudrettes sont disposés

régulièrement sur l’ensemble de la parcelle, distants de deux à trois mètres entre eux environ.

Trois à quatre jours après l’irrigation vient le travail du sol. La poudrette est répartie sur

l’ensemble de la parcelle à la pelle puis la charrue ou l’araire est passé, tracté par une paire de

bœufs. Ce travail du sol est le plus difficile, la terre est compacte, il est donc toujours effectué

avec les bœufs, le plus souvent à la charrue mais parfois à l’araire. Les raisons du choix entre

la charrue et l’araire n’ont pas toujours été clairement identifiées, il semblerait que la charrue

soit choisie pour les cultures qui ont besoin d’une terre plus meuble, mais parfois le choix se

fera sur des raisons pratiques d’éloignement de l’outil par rapport à la parcelle par exemple. Ce

premier travail du sol permet d’enfouir la poudrette, de désherber et de faire lever les adventices.

Si la pente est faible, il sera fait dans le sens de la pente, sinon dans le sens perpendiculaire à la

pente. Les familles n’ayant pas de paire de bœufs ont le choix entre louer une paire de bœufs,

et louer le tracteur de la Municipalité. En général, les parcelles accessibles en tracteur, c’est-à-

dire avec une pente faible et une entrée possible sur la parcelle – ce qui n’est pas toujours le cas

si la parcelle est enclose par un muret, sont labourée au tracteur, et les parcelles non accessibles

sont labourées avec une paire de bœufs. Le sol est ensuite égalisé au râteau suite au passage des

bœufs, ou à la herse attelée au tracteur.

Le second travail du sol correspond au semis. La sous-parcelle est irriguée quelques

jours avant, puis le semis est effectué à l’araire ou à la charrue, tiré par un cheval ou un âne. La

terre ayant déjà été ameublie, le travail nécessite moins de puissance, un cheval ou un âne sont

suffisants. Les sillons sont effectués dans le sens perpendiculaire à la pente, donc

perpendiculairement au premier travail du sol si la pente est faible, ce qui permet un meilleur

ameublissement de la terre. Si la pente est forte, les deux travaux du sol sont réalisés dans le

même sens. En général l’homme mène l’araire et trace le sillon, la femme le suit et sème dans

le sillon en marchant sur les semences, puis l’homme repasse l’araire à côté du sillon pour le

refermer. Le passage de l’araire permet aussi d’éliminer les adventices qui ont levé depuis le

premier travail du sol.

Un à deux mois après le semis, la culture est buttée. La sous-parcelle est irriguée, c’est

le « bain », la première irrigation de la culture, le lendemain la sous-parcelle est désherbée et le

surlendemain elle est buttée. En général le buttage n’est fait qu’une seule fois, il peut être fait

deux fois selon les familles. A partir du buttage, l’eau d’irrigation coule dans les sillons. Dans

les zones à faible pente, on observe que les sillons ne sont pas parfaitement perpendiculaires à

la pente, ils sont déviés d’un léger angle, probablement pour faciliter l’écoulement de l’eau.

Semences

Les semences sont issues des récoltes précédentes, elles font l’objet d’un tri en août,

juste avant la période des semis. Elles sont renouvelées partiellement tous les trois ans environ

par achat ou troc avec des voisins ou des producteurs de communautés voisines. Seules les

semences des légumes sont achetées à La Quiaca ou à Villazon. Une explication évoquée est

que les plantes ne parviennent pas à maturité du fait des gelées, la saison estivale serait donc

trop courte par rapport au cycle de reproduction des cultures. Peut-être aussi qu’il est trop

contraignant de consacrer une sous-parcelle entière à la production de semences alors que les

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superficies cultivées sont faibles.

Rotations et assolements

Lorsque les familles ne cultivent pas la totalité de la surface cultivable, le reste de la

surface irrigable de la parcelle est laissée en friche herbeuse pâturée. Une rotation est alors

pratiquée entre les surfaces cultivées et les surfaces en friche herbeuse pâturée. Lorsque les

familles cultivent tout l’espace cultivable, il reste des espaces irrigables mais non cultivables

pour des raisons de pente ou d’humidité défavorables, qui sont aussi laissés en friche herbeuse

pâturée. Mais il n’y a alors pas de rotation possible entre les surfaces cultivées et les surfaces

en friche. Le rôle de « repos » de la terre que joue la friche peut être remplacé par une culture

de luzerne, implantée pour plusieurs années. La friche ou la luzerne sont généralement suivies

par une culture de pomme de terre. En effet, la pomme de terre nécessite un travail du sol

important pour son implantation et sa récolte, ce qui élimine bien les résidus de luzerne ou de

friche et laisse une terre meuble pour les cultures suivantes. Les cultures suivantes peuvent être

un maïs, des légumes, semés tous ensemble sur une même parcelle, de l’ail, parfois du quinoa,

de la fève. La fève arrive souvent en fin de rotation car elle nécessite moins de nutriments du

sol. Les familles cultivent au moins trois années de suite avant de remettre en place une culture

de luzerne ou une friche herbeuse. Une seule culture par an peut être effectuée par parcelle, du

fait du climat, excepté une combinaison possible et souvent réalisée : ail/orge d’été (figure 40).

L’ail est semé en juillet et récolté en décembre, l’orge est semé à la suite et récolté en avril pour

le grain. L’orge peut aussi être cultivée au printemps, il est alors semé en juillet, pour être pâturé

ou fauché pendant les mois de Septembre, Octobre et Novembre. Du fait de sa rusticité, il est

généralement cultivé sur les terres les plus pauvres ou après une culture exigeante en

nutriments.

Souvent le maïs est exclu de la rotation, il est cultivé chaque année sur les mêmes

parcelles, celles qui lui sont le plus propices. En effet, les conditions favorables au maïs sont

distinctes et non concurrentes de celles de la pomme de terre et de la fève, les deux autres

cultures principales. Il est généralement cultivé sur des parcelles situées en haut de versant, bien

exposées au soleil et pierreuses. La pomme de terre et la fève quant à elles sont cultivées sur

des sols peu pierreux et moins drainants car elles nécessitent plus d’eau. Elles sont aussi plus

résistantes à la gelée, elles peuvent donc être semées sur des parcelles plus basses, plus près du

cours d’eau où l’air humide et froid est plus présent les matins de printemps. Toutefois la

production de pomme de terre peut être fortement diminuée par des gelées importantes, ce qui

est beaucoup moins vrai pour la fève.

Les associations culturales ne sont pas pratiquées, excepté avec le maïs : des courges

sont semées entre les rangs.

Ravageurs des cultures

Les maladies des cultures sont peu nombreuses et peu fréquentes, elles ne constituent

pas un aléa majeur des cultures. La maladie survenant le plus affecte la pomme de terre et la

fève, au moment de leur floraison en décembre, elle fait pourrir le plant. Un climat chaud et sans pluie favorise le développement de cette maladie alors que les pluies limitent son

développement. Certaines familles ne traitent pas leur parcelles, ou alors avec des traitements

traditionnels à base de plantes et poudrette d’animaux. En général ce sont les familles qui ont

peu de revenu extérieur. Celles qui ont plus de ressource monétaire achètent un produit

phytosanitaire à La Quiaca ou à Villazon. Dans les deux cas, le produit est pulvérisé à l’aide

d’un pulvérisateur à dos.

Les cultures sont de plus en plus attaquées par les oiseaux, surtout les pigeons. Ils s’en

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prennent particulièrement aux cultures de luzerne, et aux récoltes de grain séchant dans les

champs ou les cours des maisons. Il semblerait que la population d’oiseaux ait augmenté au

cours des dernières décennies, selon les dires des agriculteurs. Cela pourrait être dû à une

augmentation notoire du nombre d’arbres. En effet, avant les années soixante, la seule essence

présente dans la région était le saule pleureur, peut-être accompagnée du molle. A partir des

années soixante les autres essences sont introduites : peuplier, eucalyptus, orme. Ce sont de

grands arbres, formant de réels « massifs » au niveau des hameaux, et un habitat favorable aux

pigeons. De plus, il y a encore quelques décennies, les enfants allaient peu à l’école et restaient

aider aux champs, une de leur tâche consistait à effrayer les oiseaux. Le pigeon est donc devenu

aujourd’hui un ravageur des cultures.

Itinéraires techniques par culture, et variétés cultivées

Le maïs (figure 40) est semé en septembre, environ un mois après le travail du sol, sur

au moins trois sous-parcelles. Lorsqu’il atteint 20 cm, deux mois après le semis environ, il est

butté à l’araire. Une fois le buttage réalisé, la culture sera simplement désherbée une seconde

fois et irriguée à chaque tour d’irrigation. La fréquence d’irrigation dépend donc de la durée

entre deux tours, qui peut varier de 10 jours à un mois. La récolte des épis frais s’étale de mi-

janvier à mi-mars, les emplacements des parcelles permettent d’étaler les dates de semis et donc

d’arrivée à maturité des épis. La récolte des plants entiers est effectuée sur les mois d’avril et

mai. Les plants sont coupés à la faucille et disposés en tas sur la parcelle pour sécher. Puis, fin

mai, la récolte est rapportée dans un enclos destiné à stocker les récoltes, situé dans la parcelle

ou près de la maison. Alors les épis sont séparés des cannes, et les spathes sont enlevées à l’aide

d’un petit outil en bois. Les cannes sont stockées pour l’alimentation animale dans l’enclos. Les

épis quant à eux sont laissés à sécher durant le mois de juin ou juillet, durant une vingtaine de

jours. Ils sont soit disposés sur une bâche à l’air libre, dans la cour de la maison, soit dans des

séchoirs cylindriques en roseau, fermés, à l’abri des oiseaux. En août les épis sont triés dans des

sacs, ceux avec les plus beaux grains sont égrenés et gardés pour les semences, les autres sont

triés selon une qualité décroissante entre ceux destinés à la vente ou le troc, à la consommation

humaine, et à l’alimentation animale.

Les épis frais sont consommés et vendus tels quels. Les épis secs peuvent être vendus

ou troqués tels quels mais souvent ils sont vendus égrenés et « pelés » c’est-à-dire que la peau

du grain est enlevée. C’est seulement après cette étape que les grains peuvent être cuits et

consommés. Le prix de vente du maïs « pelé » est donc supérieur à celui du maïs sec en épis.

S’il n’est pas « pelé », le maïs sec est moulu pour en faire de la farine, au moulin municipal

situé à Yavi. Les variétés de maïs semées sont nombreuses, 19 sont semées dans la région

d’étude, les familles en sèment entre 5 et 10 variétés chacune. Les variétés les plus fréquentes

sont le maïs blanc et le maïs jaune. Ce sont les maïs les plus consommés et les plus vendus. Le

premier est à gros grain, arrive à maturité tardivement, est le plus sensible à la gelée et a le prix

de vente le plus élevé. Le maïs jaune est moins sensible à la gelée. Les autres variétés sont

surtout destinées à l’autoconsommation et ont des utilisations culinaires nombreuses et

spécifiques à chaque variété : alcool de maïs, grains grillés, farine de maïs noir pour des plats

spéciaux. Une même sous-parcelle contient plusieurs rangs de chaque variété. Les variétés les

plus sensibles à la gelée sont semées au centre de la sous-parcelle, protégées par les variétés les

plus résistantes, aux grains petits et durs, qui sont semées sur les bords.

Deux types de pomme de terre (figure 40) sont cultivés, une variété à cycle long et des

variétés à cycle court. La variété à cycle long correspond à la variété traditionnelle qui était la

seule cultivée avant l’arrivée de variétés à plus haut potentiel de rendement. Le labour, effectué

à la charrue tirée par les bœufs, ou avec le tracteur, en septembre est suivi par le semis, réalisé

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à la charrue ou à l’araire tiré par un cheval ou un âne d’octobre à novembre, sur deux à trois

parcelles différentes. Les parcelles sont buttées de novembre à décembre, à la pioche. Ce travail,

plus minutieux que pour le maïs, nécessite donc plus de temps de travail. La pomme de terre

est irriguée plus fréquemment que le maïs car elle nécessite plus d’eau, mais cela dépend aussi

de la fréquence des tours d’irrigation. Le traitement contre la maladie décrite ci-dessus, s’il est

effectué, l’est en décembre juste après le buttage. Un second désherbage est réalisé avant la

récolte. Celle-ci est effectuée en mars, à la charrue ou à l’araire. Les pommes de terre sont

directement mises en sac et stockées dans les maisons. Les résidus de cultures sont laissés sur

place. Si la pomme de terre est récoltée trop tard, elle risque d’être endommagée par un ver qui

entre dans les tubercules. La variété traditionnelle est celle qui est consommée par les familles,

elle est aussi vendue. C’est celle qui est la plus appréciée car elle se conserve toute l’année et

verdit peu.

Des variétés à cycle court sont aussi cultivées, elles sont semées en septembre et

récoltées en décembre. Elles sont plus risquées car elles peuvent être mises en péril par les

gelées printanières, mais elles sont vendues au début de l’été où les prix sont les plus élevés.

Cela permet donc de vendre une partie de la production plus tôt dans la saison, et d’allonger la

période de récolte. Elles sont essentiellement destinées à la vente et très peu à

l’autoconsommation. Ces variétés, non originaires de la région et introduites récemment, ont

toutefois des inconvénients : elles verdissent rapidement et se conservent moins bien, elles sont

plus touchées par les vers. Elles sont donc moins appréciées des familles qui les consomment

très peu.

La fève (figure 40) est la culture la plus résistante à la gelée, elle est souvent semée en

deux fois, un premier semis très tôt, dès le mois d’août, un second en septembre. Le premier

semis est destiné à la production de fève fraîche, la culture est alors désherbée et buttée en

octobre, éventuellement traitée en décembre et récoltée en frais durant les mois de janvier et

février. Le buttage des fèves est une opération moins délicate que celui de la pomme de terre, il

est réalisé ou non, et lorsqu’il l’est, c’est à l’araire ou à la charrue tiré par un âne ou un cheval.

Le second semis est destiné à la production de fèves fraîches et sèches, pour

l’autoconsommation et la vente. La culture est alors désherbée et buttée en novembre et traitée

en décembre. La récolte en frais s’effectue aussi en janvier et février et la récolte en sec en mars

et avril. Les familles essayent de maximiser la production de fève fraîche car elle se vend plus

que la fève sèche, toutefois ils produisent des fèves fraîches pour leur autoconsommation et

pour les semences. En mars et avril, les plants sont coupés à la faucille et mis à sécher en tas.

En mai ils sont battus avec un bâton sur une bâche pour séparer les grains du reste de la plante.

Les grains tombent sur la bâche et les cannes sont séparées manuellement et stockées dans

l’enclos avec le reste du fourrage. Puis les grains sont vannés en projetant en l’air les grains et

les débris qui les accompagnent à l’aide d’une pelle ou d’un seau, un jour de vent. Celui-ci

emporte les débris et il ne reste que le grain. Les fèves sont stockées dans des sacs dans les

maisons. Une seule variété de fève est cultivée, à gros grains.

L’ail (figure 40) est une culture quasi-exclusivement destinée à la vente mais malgré

tout cultivé sur de petites surfaces, en une seule sous-parcelle, car il demande une quantité de

travail assez importante sans être une culture indispensable à l’alimentation de la famille.

L’implantation de la culture est plus longue que les autre semis, un simple passage d’araire est

effectué pour former les sillons, puis les bulbes sont plantés à environ 5 cm d’intervalle au fond

du sillon. Deux mois plus tard environ la culture n’est pas buttée mais le sol est remis à plat à

la pioche. Enfin, entre les mois de novembre et décembre, il faut couper les fleurs de l’ail,

travail qui se réalise en plusieurs passages car toutes les plantes ne fleurissent pas en même

temps. Si cette opération n’est pas faite, la gousse n’est pas aussi remplie. Malgré un temps de

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travail conséquent, c’est une plante qui a commencé à être cultivée de façon importante dans la

région depuis une vingtaine d’année et qui a été largement adoptée pour plusieurs raisons.

D’abord c’est une plante rustique, qui résiste bien à la gelée, et dont les gousses peuvent être

conservées facilement pour en replanter les bulbes l’année suivante, contrairement à l’oignon

par exemple dont les bulbes doivent être achetés chaque année. De plus cette culture peut

s’insérer avant l’implantation d’une orge d’été (figure 40), ce qui permet d’avoir deux cycles

de cultures par an sur une même parcelle. Enfin, c’est une culture récoltée dès le mois de

décembre, et qui peut se conserver et se vendre tout au long de l’été. La demande en ail est

importante notamment de la part d’acheteurs boliviens qui viennent sur place l’acheter en gros.

Les familles se concertent et vendent chacune une partie de leur récolte pour former la quantité

totale voulue par les acheteurs boliviens.

L’orge (figure 40) lorsqu’elle est semée en été est destinée à la production de grain,

essentiellement pour l’alimentation animale, parfois aussi pour la consommation humaine. Elle

est alors récoltée en avril à la faucille, mise en tas sur la parcelle pour sécher puis battue et

stockée. La paille est conservée pour l’alimentation animale. Lorsqu’elle est semée en hiver,

c’est pour être pâturée ou coupée pour l’alimentation animale en période de soudure. Dans les

deux cas elle est semée à la volée puis l’araire est passé avec les bœufs pour ensevelir les

semences. Aucun buttage n’est effectué. C’est une culture particulièrement rustique, résistante

au froid, peu exigeante en eau et en nutriments. Elle est semée sur les parcelles les moins

favorables aux cultures, et nécessite très peu de travail.

La luzerne est semée en novembre, par exemple après une orge de printemps. Elle peut

être semée en association avec une seconde culture d’orge : les deux semis sont effectués le

même jour, l’orge grandit plus vite que la luzerne, la protège des pigeons et lui fait de l’ombre.

La luzerne développe son appareil racinaire et devient plus résistante à la sécheresse. Une fois

bien implantée et haute, elle est moins sensible aux attaques de pigeons. Elle est irriguée

fréquemment au début de son implantation : tous les deux jours après le semis, puis tous les

quinze jours, tous les mois la première année, quelques irrigations par an ensuite. Les coupes

de la première année contiennent de l’orge et de la luzerne, puis l’année suivante la luzerne

devient majoritaire. Trois coupes par an peuvent être réalisées : une fin décembre, une en

février, qui a les meilleurs rendements, et une petite fin mars. Les coupes sont réalisées à la

faucille, c’est un travail extrêmement long et pénible puisqu’il faut rester des heures agenouillé.

C’est un facteur qui limite la superficie cultivée de ce fourrage. La culture reste en place de 5 à

7 ans, sachant qu’elle produit moins les dernières années.

Les légumes – salades, carottes, blettes, betteraves, choux, courges, persil, céleri

branche, petits pois, oignons, oca (tubercule) et fleurs, sont semés à partir de la mi-octobre et

certains comme les salades sont semés plusieurs fois durant l’été. Ils sont buttés à la pioche. Ils

sont quasi-exclusivement destinés à l’autoconsommation et sont semés sur une même sous-

parcelle. Le seul qui est parfois cultivé en plus grande quantité pour être aussi vendu est

l’oignon.

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Calendrier cultural, valeurs ajoutées des cultures et logiques d’assolement

Analysons à présent la combinaison des calendriers de travail de chaque culture (figure

40) ainsi que la valeur ajoutée brute3 des principales cultures (figure 41). Les trois cultures

principales, maïs, pomme de terre, fève, sont complémentaires au niveau de la répartition des

pointes de travail, au niveau des conditions nécessaires à leur bon développement, ainsi qu’au

niveau de leur utilisation et consommation.

Les dates de semis des cultures sont réparties dans le temps : la fève vient en premier,

sur les mois d’août et septembre, puis vient le maïs en septembre et début octobre, puis enfin la

pomme de terre d’octobre à novembre – la culture de pomme de terre à cycle court reste

minoritaire. Le travail du sol préliminaire s’en trouve donc aussi réparti dans le temps. Cela est

moins vrai pour le buttage qui se concentre autour des mois d’octobre et novembre, voire

jusqu’en décembre pour la pomme de terre.

Ces trois cultures n’entrent pas en concurrence dans l’utilisation des parcelles puisque

le maïs est semé sur des parcelles caractérisées par des conditions pédo-climatiques distinctes

de celles réservées à la pomme de terre et la fève d’une part, et d’autre part la pomme de terre

est placée en tête de rotation alors que la fève est plutôt située en fin de rotation.

Enfin, la pomme de terre est une source de sucres lents qui peut être conservée toute

l’année et présente une VAB par hectare élevée (figure 41). Toutefois sa superficie cultivée est

limitée par la quantité de travail nécessaire pour mener à bien cette culture. La fève est une

source de protéine, mais elle est essentiellement consommée fraîche, et n’entre pas pour une

grande part dans l’alimentation des familles en hiver sous forme sèche. Le maïs quant à lui est

3 La valeur ajoutée brute des cultures est ici égale au produit brut car les consommations intermédiaires sont nulles :

les semences proviennent de l’exploitation et on considère qu’aucun intrant n’est utilisé. Attention toutefois, si la

famille utilise des intrants pour lutter contre la maladie affectant la pomme de terre et la fève, la valeur ajoutée

brute de ces cultures s’en retrouve diminuée.

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Maïs Pomme de terre Fève Ail

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ha)

Figure 41: Valeur ajoutée brute/ha des principales cultures

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autant consommé frais que sec, et il est donc une source de sucres lents complémentaire de la

pomme de terre nécessitant peu de travail lors de la saison des pluies. Il en nécessite en revanche

plus en post-récolte, mais en juin et juillet, là où il n’y a plus de travaux agricoles à réaliser. De

plus le maïs est une source importante de fourrage pour les animaux. Ainsi, malgré une faible

VAB par hectare (figure), il représente une part importante de l’assolement lorsque cela est

possible.

A propos des autres cultures comme l’ail et l’orge, qui ne représentent pas les cultures

vitales mais qui sont importantes, on peut constater qu’elles entrent peu en concurrence avec

les cultures précédentes au niveau du calendrier cultural. L’ail et l’orge de printemps ont un

cycle cultural décalé en amont des mois les plus chargés en travail – septembre à décembre,

l’orge d’hiver est quant à lui décalé en aval de ces mois. Malgré une très forte valeur ajoutée de

l’ail par hectare, comme pour la pomme de terre, sa superficie cultivée est limitée par la quantité

de travail mobilisée pour sa culture. L’orge quant à lui nécessite très peu de travail mais sert

essentiellement à l’alimentation animale qui est limitée au strict nécessaire pour ne pas entrer

en concurrence avec l’alimentation humaine. La superficie cultivée en orge est donc limitée.

Impact du changement climatique sur les productions et les pratiques agricoles

Comme cela a déjà été mentionné, le changement climatique actuel se manifeste d’abord

par une diminution des quantités annuelles des précipitations ainsi que par une saison des pluies

raccourcie et retardée (figure 42). D’un point de vue quantitatif, cela a pour conséquence une

diminution générale de la ressource en eau sur l’ensemble de la campagne agricole et donc

potentiellement une augmentation de la concurrence entre les familles sur cette ressource. D’un

point de vue qualitatif, ce sont les précipitations printanières qui sont le plus diminuées – de

septembre à fin décembre, or c’est à cette période que la gestion de la ressource en eau est la

plus complexe entre les familles et la plus précise pour la bonne implantation des cultures. Si

les pluies sont moins fréquentes, une pluie suivie d’une longue période de sécheresse peut

déclencher une levée des semis et si la famille ne peut pas prendre son tour d’irrigation pour

irriguer cette levée, alors la culture est perdue. On pourrait donc assister à une augmentation du

nombre de situations conflictuelles entre les familles. De plus, la période de septembre à fin

décembre durant laquelle les précipitations sont inférieures correspond environ à la moitié de

la campagne, ce qui a forcément un impact non négligeable sur le développement des cultures

et peut-être le remplissage des grains de maïs par exemple, alors que la récolte en frais

commence à la mi-janvier. Nous avons aussi évoqué précédemment le fait que la maladie

concernant la pomme de terre et la fève était favorisée par un climat chaud et avec peu de

précipitation autour du mois de décembre. L’augmentation de l’occurrence de cette maladie est

donc prévisible. Cela imposera peut-être aux familles de recourir aux intrants. Enfin, si l’arrivée

de la saison des pluies est décalée, sa fin ne l’est pas et les gelées automnales non plus, un

décalage des cycles culturaux n’est donc pas possible. Le changement climatique se manifeste aussi par une augmentation des températures,

surtout au printemps et une diminution du nombre de jours de gelées par an (figure 42) d’après

les données météorologiques. Cela pourrait suggérer un climat moins contraignant, mais peut-

être aussi plus propice au développement de maladies, qui jusque-là ne représentaient pas un

aléa majeur.

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Figure 42: Impact du changement climatique sur le calendrier cultural

Toutefois les enquêtes témoignent plutôt d’une augmentation du nombre de gelées

pendant la campagne, donc des gelées qui surviennent plus tard au printemps et plus tôt en été,

et de même pour la grêle. Cette différence pourrait venir du fait que les données

météorologiques sont relevées à La Quiaca, qui est certes proche, mais ne correspond pas au

même environnement : la ville est situé sur le plateau alors que la région d’étude est située dans

les fonds de vallée, au bord de l’eau, avec une grande diversité de micro-climats. Des gelées

plus fréquentes en saison des pluies mettent en péril les cultures, et notamment le maïs. Semer

le maïs sur différentes parcelles ne suffit plus à réduire le risque, il est possible de semer sur

trois parcelles en des lieux différents, d’avoir les trois parcelles touchées par la gelée, et donc

une récolte très faible. Les familles évoquent le fait que si cette situation se maintient les années

suivantes, elles réintroduiront la culture du blé, plus résistante à la gelée. Peut-être que la

superficie cultivée en orge augmenterait aussi. La fève et la pomme de terre seront moins

affectées par ces changements, mais la fève, exigeante en eau, sera-t-elle aussi impactée par la

diminution de la ressource en eau au printemps, au moment de son implantation ? Cela n’a pas

été évoqué par les familles, mais cela pourrait être une possibilité.

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Jt A Sept Oct Nov Déc Ja Fe Ma Av Mai Ju

gel

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(nom

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jours

)

pré

cipit

atio

ns

(mm

)

nombre de jours de

gelées moyen,

période 1977-1993

nombre de jours de

gelées moyen,

période 1994-2014

précipitations

moyennes, période

1977-1993

précipitations

moyennes, période

1994-2014

Maïs

Fève

Pomme de terre tardive

Pomme de terre précoce

Ail

Orge grain

Orge à pâturer

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3- Débouchés et description du marché

Les produits des cultures et de l'élevage sont d'abord destinés à l’autoconsommation

familiale, le surplus est vendu ou troqué.

Le troc est effectué le plus souvent entre les familles ou lors des foires. Une quinzaine

de foires par an ont lieu dans différentes villes ou villages de la Puna. La municipalité de Yavi

prête ses véhicules pour amener les familles des différentes communautés aux foires. Le troc se

fait à poids équivalent pour deux produits, par exemple un kilo de maïs grain contre un kilo de

graisse ou de viande fraîche. C’est aussi l’occasion d’échanger des semences entre différentes

régions.

L’ensemble des productions vendues le sont sur le marché municipal de La Quiaca, et

pour la viande dans les boucheries de La Quiaca. Seules les familles ayant une boutique

d’alimentation dans Yavi et qui cultivent encore leurs terres vendent une partie de leur

production dans leur boutique. Les autres magasins s’approvisionnent à La Quiaca. Les familles

doivent donc payer le trajet jusqu’à La Quiaca. Les moyens de transports sont assez fréquents,

et leurs horaires sont calés sur les débuts et fins de marchés, le marché de La Quiaca est donc

accessible. Soit la femme vend elle-même sur le marché, sans intermédiaire, mais cela lui prend

une matinée entière, soit les familles livrent à des revendeurs à un prix inférieur à celui du

marché, et alors elles peuvent passer plus de temps à travailler dans les champs.

Les acheteurs fréquentant le marché sont essentiellement de locaux, argentins ou

boliviens, au pouvoir d’achat par conséquent assez limité. Les touristes sont rares et ne passent

à La Quiaca que pour traverser la frontière, ils ne s’y arrêtent pas. Il n’y a donc pas de

développement de marché artisanal à plus forte valeur ajoutée.

La Quiaca est à la fois très isolée du reste de l’Argentine, par sa distance à la capitale

provinciale et à la capitale nationale. Cependant elle est située sur la route nationale 9 qui

traverse tout le pays du Sud au Nord, elle est donc reliée aux productions nationales et

internationales. Les prix de ce marché sont donc influencés par l’évolution générale des prix

argentins, comme cela a été décrit dans la partie historique.

Toutefois, par sa localisation frontalière, le commerce qui s’effectue à La Quiaca est à

la croisée entre le marché argentin et le marché bolivien. Des files de boliviens traversent en

permanence la frontière pour vendre ou acheter des produits à La Quiaca, et inversement, des

argentins vont commercer à Villazon. Tout ceci se déroulant à côté du déchargement des

camions venant des terres basses argentines. Les prix locaux se forment donc tant sous

l’influence de l’évolution des prix argentins que sous l’influence de l’évolution des prix

boliviens. Ces deux évolutions ont été représentées figure 43.

On peut constater que les deux évolutions tendancielles sont totalement différentes : les

prix argentins, en peso constants, augmentent. Les prix des céréales suivent l’évolution des

salaires, ceux de la pomme de terre et l’ail sont plus fluctuants. Les prix de la viande bovine et

de la laine brute augmentent aussi constamment depuis 2001. A l’opposé, les prix des viandes

ovine et bovine, ainsi que ceux des céréales diminuent régulièrement sur toute la période 1991-

2001 en Bolivie. Seule la pomme de terre voit ses prix augmenter depuis le début des années

2000.

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65

Evolution générale des prix à la production des produits agricoles,

Prix déflatés avec l'Indice des Prix à la Consommation (IPC)

ARGENTINE

Prix en en indice base 100 en 2001

BOLIVIE

Prix en en indice base 100 en 1991

Evolution générale des prix à la production des produits d'élevage,

Prix déflatés avec l'Indice des Prix à la Consommation (IPC)

ARGENTINE

Prix en en indice base 100 en 2001

BOLIVIE

Prix en en indice base 100 en 1991

Source prix à la production : FAOstat,

source IPC et indice des salaires : INDEC

Source prix à la production : FAOstat,

source IPC : INE

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150

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13

salaires maïspomme de terre ailblé

0

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120

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maïs pomme de terre ail blé

0

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20

13

salaires viande ovine pv

laine en suint (brute) viande bovine pv

0

20

40

60

80

100

120

140

viande ovine pv viande bovine pv

Figure 43: Comparaison de l'évolution générale des prix en Argentine et en Bolivie

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66

Il est possible que le marché de la viande ovine de la Puna soit plus proche du marché

bolivien que du marché argentin très fortement dominé par les élevages ovins de Patagonie.

Cela signifierait alors que les prix à la production de la viande ovine sont en baisse régulière

depuis 1991, en prix constants. Cela pourrait donc contribuer à expliquer la faible rentabilité

des élevages ovins et leur abandon progressif. L’indice du prix de la pomme de terre se

maintient dans les deux pays au-dessus de 100 ce qui pourrait suggérer que c’est une culture

rémunératrice pour les producteurs. En revanche pour les céréales il est difficile de conclure.

Les entretiens font part d’une forte concurrence au niveau des prix entre les productions

agricoles locales et celles qui sont importées et vendues par les boliviens. Les produits boliviens

sont moins chers et font baisser le niveau général des prix sur le marché de La Quiaca. Deux

éléments peuvent répondre à cette question : d’une part le fait que le coût de la vie est inférieur

en Bolivie, les produits sont donc moins chers en Bolivie qu’en Argentine. Cela est peut-être

accentué par la hausse générale des prix en Argentine et la diminution générale des prix

boliviens. D’autre part, l’existence de deux taux de change argentins peut aller dans l’intérêt

des boliviens : les marchandises boliviennes sont vendues sur le marché de La Quiaca au taux

de change du marché noir, où 1 boliviano vaut 2 pesos. Lorsque les boliviens rentrent en

Bolivie, s’ils changent les pesos contre des bolivianos, cela se fait au taux de change officiel

qui correspond à 1 boliviano = 1,3 peso. Ils peuvent alors récupérer plus de bolivianos que ce

que la marchandise de départ valait. Toutefois ce procédé resterait à confirmer, cela reste une

hypothèse.

B- Diversité des systèmes de production et systèmes d’activité rencontrés

1- Eléments d’explication concernant la modélisation économique

Le nombre d’entretiens réalisés étant limité, la description des différents systèmes de

production est plus ou moins détaillée. Les calculs économiques n’ont pu être réalisés que pour

quelques systèmes : SP1a, SP1b, SP2 et SA1c. La quasi-totalité des entretiens concernant cette

partie ont été réalisés dans la partie nord de la région d’étude, c’est-à-dire dans les zones de La

Falda, Yavi Chico et El Portillos, aucun n’a été réalisé à Casti. Il y a donc un biais certain et une

représentation non exhaustive de la réalité de la région. Cela s’est déroulé ainsi pour plusieurs

raisons : comme nous avons pu le voir dans la description des différentes zones, celles du nord

abritent la plus grande superficie cultivée et la proportion des familles ayant une activité

agricole y est beaucoup plus importante : 20 familles pour 120 habitants pour la zone de Yavi

Chico, 20 familles et 300 habitants pour la zone de Yavi. D’un point de vue pratique, il était

tout simplement plus fréquent de rencontrer des personnes dans leurs parcelles à Yavi Chico

qu’à Yavi. Par ailleurs, il se trouve que les personnes rencontrées au nord – La Falda, Yavi Chico

et El Portillos – étaient plus ouvertes et acceptaient plus facilement de répondre à mes questions.

De plus, la population étant peu nombreuse et essentiellement agricole, avec peut-être un

sentiment communautaire plus développé, il m’a été plus facile de créer un réseau de personnes

connues qui m’indiquaient par la suite d’autres personnes.

Pour calculer les indicateurs économiques, le travail le plus long a été de calculer le

Produit Brut, car les systèmes étudiés sont très diversifiés et que le calcul nécessite de connaître

les superficies cultivées et les rendements des cultures, chiffres que les familles n’ont pas en

tête. Les superficies cultivées ont été mesurée avec les personnes lors des entretiens, et aussi

sur Google Earth Pro au retour de la période de terrain. En effet, les familles ayant plusieurs

parcelles en des endroits éloignées, toutes n’ont pas forcément été visitées ce qui rendait les

estimations compliquées. Pour les rendements, ils sont mesurés en nombre de sac, donc en unité

de volume. Seulement les poids de ces sacs selon les différents produits n’ont pas été obtenus

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Figure 44: Fiche du système de production SP1a

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lors de la phase de terrain, ils ont donc été estimés par des calculs. L’estimation de ces poids

ainsi que des rendements est détaillée en Annexe 1 et 2.

Le produit brut des cultures a été calculé sur la base de rendements de bonne année pour

l’ensemble des cultures. Or nous avons vu que les familles cultivent différentes parcelles et plus

précisément les cultures principales sont semées sur différentes parcelles, et ceci dans un but de

répartition des risques lié au gelées. Cela suppose donc qu’en année moyenne, certaines

parcelles ont un bon rendement, d’autres non. Ceci n’a pas été pris en compte dans les calculs,

ce qui peut expliquer un produit brut des cultures soit assez élevé et probablement plus que dans

la réalité.

Les prix utilisés pour les calculs sont présentés en Annexe 3. Les indicateurs

économiques ont été convertis en euros, selon le taux de change au noir qui représente la valeur

réelle du peso argentin. Ce taux était de 1 € = $ 14 durant la période de terrain.

2- Description et analyse des systèmes observés

a. Système de production en polycluture-polyélevage très diversifié (SP1)

Ce système joue sur la diversification maximale de leurs cultures et de leur élevage dans

une logique de répartition des risques et d'autonomie importante. Il est présent dans les zones

de La Falda, Yavi Chico et El Portillos. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que ces zones sont

plus éloignées du marché de La Quiaca, elles sont distantes par rapport à la route asphaltée

menant à La Quiaca.

La surface cultivée est répartie entre 3 à quatre parcelles situées dans des conditions

pédo-climatiques distinctes, la superficie irrigable est de 2 à 3 ha, la superficie cultivée est

d’environ 1 à 1,5 ha. Le travail du sol se fait exclusivement avec les bœufs, les familles ne

louent pas le tracteur de la Municipalité. L'élevage, en vitesse de croisière, est constitué d’un

troupeau ovin-caprin de 100 à 120 têtes environ, d'une trentaine de lamas, d'une ou deux vaches

laitières, d'une paire de bœufs de travail, et de 3 à 4 ânes pour le transport, et ce pour toute la

gamme de surface. Les familles ont une estancia dans les parcours ou plusieurs maisons pour

suivre leurs animaux au cours des saisons. Le nombre d’actif est de deux, le mari et la femme.

Un des enfants vient pour des aides ponctuelles mais cruciales lors des semis et des récoltes.

S’il ne peut pas être présent, il peut être remplacé par un travailleur journalier.

La gestion du troupeau ovin-caprin s’effectue selon les pratiques décrites dans le mode

d’exploitation du milieu. Les opérations de castration, tonte, coupe des queues et marquage des

animaux de l’année sont réalisées par la famille elle-même. Des parcelles sont louées à des

voisins en saison sèche pour pâturer les résidus de culture. Environ deux agneaux ou brebis sont

abattus par mois, pour la consommation ou la vente, ce qui permet de couvrir des dépenses

régulières de la famille.

Le troupeau de lamas, laissé dans les espaces communs toute l’année, demande très peu

de travail. Celui-ci correspond essentiellement à de la surveillance régulière pour limiter les

pertes, notamment lors de la période de mises-bas en saison des pluies. Les lamas, contrairement aux brebis ne sont plus baignés contre les parasites, car cela demande beaucoup

de force et la main d’œuvre disponible dans la région diminuant, cela devient trop compliqué à

organiser. Ils reçoivent toutefois le même produit anti-parasitaire injectable que les brebis. Trois

à quatre lamas sont abattus par an, des mâles castrés surtout et des femelles de réforme. Un ou

deux sont consommés et deux sont vendus, ce qui permet de couvrir des dépenses plus

importantes, ou exceptionnelles puisqu’un lama représente une somme d’argent beaucoup plus

importante qu’une brebis. Souvent les mâles abattus sont vendus lors d’une foire qui se déroule

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Figure 45: Fiche du système de production SP1b

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en novembre à La Quiaca, où les prix de la viande sont élevés, probablement du fait d’une offre

en viande faible à la sortie de l’hiver. Les femelles de réforme sont plutôt abattues à la sortie de

l’été, en juin lorsqu’elles sont encore lourdes, pour faire de la viande séchée qui sera

consommée les mois suivants. A cette période les prix sont bas car c’est à ce moment que la

majorité des familles abattent leurs animaux, elles ne vendent la viande que si elles nécessitent

une entrée d’argent.

Dans les consommations intermédiaires ont été pris en compte : les semences de

légumes, les intrants utilisés sur la pomme de terre et la fève, les produits vétérinaires, la

location de pâturages en saison sèche et les trajets pour aller vendre la production à La Quiaca.

La location de pâturage a été considérée comme de l’achat de fourrage sur pied et non comme

une location de terres pour augmenter la surface de l’exploitation. Les semences utilisées pour

les cultures autres que les légumes n’ont pas été prises en compte car dans la majorité des cas

elles sont issues de l’exploitation, elles sont toutefois régulièrement renouvelées, par achat ou

troc, mais les familles vendent – ou troquent – aussi leur propres semences lorsqu’elles le

peuvent, il a donc été considéré que l’achat et la vente se compensaient. Les trajets pour aller à

La Quiaca représentent un poste de dépenses important, c’est pourquoi les familles essaient de

limiter leurs allées et venues au marché.

Dans la dépréciation du capital ont été pris en compte l’usure des outils.

Le revenu agricole de ces familles est égal à la valeur ajoutée brute créée par le système

de production puisqu’il n’y a aucune taxe concernant le foncier, aucun emprunt à rembourser,

aucun salarié employé ni aucune forme d’impôt. Il n’y a pas non plus de subvention à la

production.

Le revenu total de ces familles correspond au revenu agricole complémenté par les aides

sociales, de 430 à 3000 euros par an, et par le revenu lié à la vente de journées de travail avec

la paire de bœufs, pour faire des labours et semis.

Deux sous-systèmes SP1a et SP1b se distinguent par le type de parcelles auxquelles ils

ont accès. Les troupeaux et leur gestion sont en revanche les mêmes.

Proportion de l’assolement en maïs importante (SP1a)

Ce type d’exploitation a l’ensemble de ses parcelles dans la zone de La Falda. Les terres

sont soit héritées des parents, soit ont été achetées puisque c’est une zone de très forte déprise

rurale, beaucoup de terres ont été libérées. DU fait de la localisation des parcelles à La Falda,

la part de l’assolement en maïs est très importante : entre 30 et 40% de la superficie cultivée.

Les productions vendues sont essentiellement le maïs, l’ail, la viande d’agneau et de brebis, et

la viande de lama (figure 44).

Assolement plus diversifié (SP1b)

Ce type d’exploitation a des terres issues de l’héritage parental situées dans des zones

moins propices à la culture du maïs : El Portillos et Yavi. Le maïs occupe donc une part moins

importante de l’assolement – environ 20% – et les cultures destinées à la vente – ail, zapallito

(un type de courge) et petit pois – sont plus diversifiées et occupent 25 à 30% de l’assolement (figure 45). Ce système mise donc sur des productions à plus forte valeur ajoutée qui lui

permettent d’avoir un revenu agricole plus élevé que SP1a.

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71

Figure 46: Fiche du système SP2

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72

b. Système de production en polyculture et vaches laitières (SP2)

Il n’y a pour l’instant qu’une seule exploitation avec un élevage bovin laitier dans la

région, mais d’autres familles sont en train de commencer ce type d’élevage, à très petite

échelle. Ce système de production (figure 46) pourrait représenter une alternative dans une

région où l’élevage perd de l’ampleur par sa faible rentabilité. Cet élevage est assez grand pour

la région : 6 vaches et leur suite, une dizaine d’animaux en tout. La surface totale de

l’exploitation est de 4 à 5 ha irrigables et la surface cultivée est de 1 à 1,5 ha répartis en parcelles

à Yavi Chico et à La Falda. L’exploitation comporte une petite dizaine de pommiers pour

l’autoconsommation. Le travail du sol se fait à l’araire ou à la charrue avec des bœufs loués à

un voisin. Aucun intrant n’est acheté, le renouvellement de la fertilité est effectué avec la

poudrette accumulée dans le corral des vaches. Une partie des terres est issue de l’héritage

familial, l’autre a été achetée, notamment les parcelles situées à La Falda. Les actifs sont au

nombre de deux, le mari et la femme.

Ce système de production a une logique en partie similaire au précédent : diversité des

productions pour satisfaire la consommation familiale, diminuer les risques de mauvaise récolte

et avoir un système le plus autonome possible. Mais le fonctionnement du système est organisé

autour de la production de lait et de sa transformation en fromage pour la vente, activité

dégageant une forte valeur ajoutée. Cela a donc une influence sur l’organisation du travail et

l’assolement.

La gestion de la reproduction du troupeau est réalisée de manière à avoir en permanence

deux vaches en lactation qui sont traites manuellement tous les jours en fin de matinée. La nuit

et le matin les animaux sont attachés au corral, les veaux ne peuvent pas téter. L’après-midi, les

vaches sont mises au piquet dans la parcelle, gardées par l’homme ou mises dans un parc, les

veaux sont alors libres et peuvent téter. Le fromage est fabriqué chaque après-midi par la

femme. Ce système d’élevage et de transformation est un peu plus exigeant en quantité de

travail que les systèmes d’élevage ovins et de camélidés associés. Mais le travail est aussi moins

pénible.

La vache étant plus exigeante que les autres animaux quant à son alimentation, la

superficie en cultures fourragères est importante : 20% pour la luzerne, 5 à 10% pour l’orge.

Cette importante surface en luzerne est permise par la possession d’une débroussailleuse,

machine permettant de diviser le temps de coupe par quatre environ et rendant le travail

beaucoup moins pénible. La surface cultivée en maïs est importante, de 30 à 40% de la

superficie cultivée. Cela peut s’expliquer par plusieurs éléments. D’abord, les cannes de maïs

représentent une part importante de la ration des vaches, en plus de la luzerne et l’orge, et les

vaches en lactation reçoivent un complément sous forme d’épis de maïs. Il est donc nécessaire

d’avoir une part importante de l’assolement dédiée au maïs. De plus, sachant que la valeur

ajoutée du système de production est essentiellement produite grâce au système d’élevage et de

transformation, la main d’œuvre est affectée prioritairement à cette activité et on n’observe pas

de part importante de l’assolement dédiée à des cultures à forte valeur ajoutée comme dans le

cas du SP1b. Au cours de l’histoire de l’exploitation, deux parcelles localisées dans la zone de

La Falda ont été achetées et sont dédiées uniquement à la culture du maïs, culture à faible valeur

ajoutée brute mais nécessaire pour assurer l’alimentation des vaches. Notons aussi que la

superficie irrigable non cultivée, réservée au pâturage, est la plus importante de tous les

systèmes étudiés.

L’ensemble des productions vendues le sont aux revendeurs du marché de La Quiaca,

ce qui réduit le temps de la vente à la livraison au marché et permet de passer plus de temps sur

Page 74: Diagnostic agraire de la région de Yavi Une région …...Diagnostic agraire de la région de Yavi Une région isolée en déprise Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention

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l’exploitation. Le prix de vente est donc légèrement inférieur à celui du marché, cela n’a pas

été pris en compte pour les productions agricoles, seulement pour la vente des fromages.

Dans les consommations intermédiaires ont été pris en compte : les semences de

légumes, les produits vétérinaires, la location de bœufs pour les semis et les trajets pour aller

vendre la production à La Quiaca. Dans la dépréciation du capital ont été pris en compte l’usure

des outils.

Comme pour le système précédent, le revenu agricole de la famille est égal à la valeur

ajoutée brute créée par le système de production.

Le revenu total de ces familles correspond au revenu agricole complémenté par les aides

sociales, de 430 à 3000 euros par an.

c. Systèmes d’activité associant polyculture et travail salarié (SA1)

Ces systèmes sont présents sur l’ensemble des zones enquêtées, et le sont probablement

plus dans la zone de Yavi, du fait de potentialités d’emplois plus importantes. Les familles ont

abandonné l’activité d’élevage et l’ont remplacée par une activité salariée permanente et locale,

qui génère un meilleur revenu pour un travail moins fatigant et moins exigeant.

Le travail salarié est prioritaire, le temps restant est consacré aux cultures. Comme les

autres familles, celles-ci cultivent pour leur propre consommation et vendent les surplus de

maïs, fève fraîche, pomme de terre, ail au marché de La Quiaca. N’ayant pas d’élevage, ces

familles cèdent en location leurs parcelles après les récoltes pour qu’elles soient pâturées. De

plus ces familles n’ont ni poudrette, ni bœufs de trait. Elles achètent la poudrette à des voisins

qui ont des troupeaux importants ou à la Municipalité. Elles louent une paire de bœufs et

emploient un voisin à la journée pour réaliser le travail du sol et le semis, ou louent le tracteur

de la Municipalité pour faire le labour et ont un cheval pour faire le semis. Pour la même surface

labourée, le tracteur revient deux à quatre fois moins cher que d’employer un voisin qui vient

avec ses bœufs. Ainsi, si la parcelle est accessible en tracteur, les familles préfèrent louer le

tracteur, et ne font appel aux bœufs que si la parcelle n’est pas accessible. Ces dépenses peuvent

être réalisées grâce à leur revenu. On peut distinguer trois systèmes d’activité selon la

localisation et la superficie des terres des familles.

Superficie cultivée en maïs importante (SA1a)

Ce type d’exploitation, par son histoire, a pu acquérir de nombreuses parcelles depuis

La Falda jusqu’à El Portillos. La surface totale irrigable est de 2 à 4 ha environ. La famille est

aujourd’hui de taille restreinte du fait de l’exode rural, les parcelles ne sont donc pas toutes

cultivées, seules les meilleures le sont, celles situées à La Falda et Yavi Chico. Les parcelles de

La Falda sont exclusivement cultivées en maïs. La surface cultivée est d’environ 1 à 1,5 ha. Les

autres parcelles, situées à El Portillos, sont cédées en location, représentant plus de la moitié de

la surface totale. Le chef d’exploitation a un emploi salarié permanent à temps partiel dans le

village de Yavi Chico, où les sources emplois sont quasi inexistantes. Le reste du temps il

travaille aux champs. Il se fait aider par de la main d’œuvre familiale, les parents âgés ou la femme.

Superficie cultivée en maïs moyenne (SA1b)

Ce type d’exploitation correspond à des familles provenant de régions voisines isolées

venues s’installer près de Yavi où les possibilités de travail sont plus importantes et où il est

possible de produire une partie de son alimentation. Ces familles ont des terres en propriété et

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Figure 47: Fiche du système d'activité SA1c

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des terres prises en location, l’ensemble faisant 2 à 4 ha. La surface cultivée est

d’environ 1 à 1,5 ha. Les terres prises en location le sont à des voisins qui ne cultivent pas toutes

leurs terres et qui laissent donc les terres moins propices à la culture du maïs. Le mari a un

emploi salarié permanent qui peut l’amener à travailler dans des villes voisines de façon

temporaire. Par exemple un maçon peut travailler sur place à Yavi et à La Quiaca, mais aussi à

San Salvador de Jujuy durant les mois d’hiver. Le mari travaille donc au champ sur ses temps

libres, notamment les week-ends, et essaye d’être plus présent en saison de semis et récolte s’il

peut. La femme travaille au champ et s’occupe des enfants et de la maison. Les enfants viennent

aussi aider les week-ends. Un ou deux chevaux leur permettent de réaliser les travaux du sol

léger.

Superficie cultivée en maïs mineure (SA1c)

Ce type d’exploitation a ses terres issues de l’héritage parental, mais a peu de surface

du fait de la division entre les successeurs. Les terres sont localisées dans les zones de Yavi et

Casti, où le maïs est très peu cultivé. La superficie totale irrigable est de 1 à 2 ha, la superficie

cultivée est inférieure à ½ ha. Les espèces cultivées sont essentiellement la pomme de terre, la

fève et l’ail. Le maïs et les légumes sont cultivés uniquement pour l’autoconsommation et

représentent une part limitée de la surface cultivée. La surface cultivée étant inférieure à la

surface cultivable, les sous-parcelles cultivées sont en rotation avec la friche herbeuse. La friche

est pâturée par les un ou deux chevaux qui consomment aussi les résidus de culture. Une partie

de la superficie irrigable hors rotation est cédée en location pour être pâturée par une autre

famille. Les actifs sont au nombre de deux. Le mari a un emploi permanent à mi-temps à la

Municipalité et peut travailler le reste du temps au champ. Il s’emploie parfois chez les voisins

pour faire les semis avec l’un de ses chevaux, ou les loue contre paiement en argent ou en

nature. La femme s’occupe des enfants, de la maison et de la vente des surplus au marché de

La Quiaca et aux foires (figure 47).

Dans les consommations intermédiaires ont été pris en compte : les semences de

légumes, la location du tracteur, l’achat de poudrette et de produit phytosanitaire pour la pomme

de terre et la fève et les trajets pour aller vendre la production à La Quiaca. Dans la dépréciation

du capital ont été pris en compte l’usure des outils.

Le revenu agricole de la famille est égal à la valeur ajoutée brute créée par le système

de production. Le revenu total correspond au revenu agricole complémenté par le revenu lié à

la vente de journées de travail lors des semis, le loyer de la parcelle cédée pour pâturage et le

salaire. Les familles travaillant pour la municipalité ne perçoivent pas d’aides sociales, ce qui

est le cas des familles de ce système.

d. Système de production en polyculture-polyélevage associé à la retraite des entreprises sucrières (SP3)

Ce système, présent sur l’ensemble de la région d’étude, correspond aux couples âgés

qui diminuent leur activité, notamment l’élevage, et qui bénéficient de la retraite des entreprises

sucrières. Ils font partie de la génération qui travaillait dans les plantations de canne à sucre en

tant que salarié durant la seconde moitié du XXe siècle, ils reçoivent donc aujourd’hui au moins

une retraite, celle du mari, et parfois celle de la femme si celle-ci y a aussi travaillé. La retraite

s’élève à $4200/mois, soit environ 300 euros. La superficie totale irrigable est de 2 à 4 ha

environ. Le couple continue de cultiver les parcelles, en faisant appel à des voisins employés

pour réaliser le travail du sol, le semis, et les aider dans divers travaux comme les récoltes, le

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76

traitement post-récolte des grains de maïs (enlever la peau externe du grain), le gardiennage des

brebis dans les parcours en été. Ce sont souvent des jeunes femmes sans troupeau qui mènent

les brebis de plusieurs familles dans les parcours en été.

Ces couples avaient auparavant des troupeaux moyens ou importants de brebis, de 50-

100 brebis à quelques centaines. Aujourd’hui le troupeau est très réduit, de 20 à 40 brebis, sans

bélier, l’objectif est donc d’arrêter cet élevage qui est très fatigant pour des personnes âgées.

Un âne ou un cheval est gardé pour le bât ou le travail du sol. Les enfants sont presque tous

partis travailler à la ville, souvent très loin et ne reviennent qu’une fois par an, pour la fête du

Carnaval. Ce sont des exploitations à priori sans reprise.

e. Système de production en polyculture associé à la retraite d’un emploi en ville (SP4)

Ce système, présent sur l’ensemble de la région d’étude, correspond aux personnes qui

sont nées et ont passé leur enfance dans la région, puis sont partis travailler à la ville et

reviennent aujourd’hui passer leur retraite. Les terres étant restées dans la famille, souvent sous

la garde d’un de ses membres resté sur place, ces personnes récupèrent la parcelle dont elles

avaient hérité. Les raisons du retour sont variées mais il y a généralement une raison

économique : avec le montant de $4200/mois, il est plus facile de vivre à la campagne où les

dépenses sont réduites et où l’on peut produire une partie de son alimentation, qu’à la ville. La

raison de santé est aussi évoquée : les personnes âgées apprécient beaucoup plus le climat très

sec de la région que le climat humide des terres basses autour de San Salvador de Jujuy. Ces

personnes ont de petites surfaces, environ 1ha, et n’ont pas d’élevage ou quelques brebis et

agneaux seulement. Elles louent des bœufs pour le travail du sol.

f. Système de production en polyculture-polyélevage avec valorisation de la laine (SP5)

Quelques familles valorisent encore la laine de brebis et de lamas en la filant et en la

tricotant ou en la tissant. Cela fait un revenu complémentaire de celui apporté par la viande. Si

le troupeau est petit, de la laine est achetée en complément, notamment la laine de lamas, sur

les marchés. Lorsque le troupeau est plus conséquent, il fournit assez de laine pour la

transformation. Par exemple pour une famille avec deux enfants seulement, trois lamas et

plusieurs brebis sont tondus par an. Il faut d’abord trier et nettoyer la laine, puis elle est filée et

tricotée par la femme, l’après-midi lorsqu’elle garde les brebis. L’activité de tissage peut être

réalisée par la femme ou l’homme. Le fil de laine de lama est vendu à $300/kg (environ 21

euros). Les ouvrages réalisés, essentiellement des habits, mais aussi des couvertures, cordes,

sacs, pompons, sont vendus au musée de Yavi, dans quelques hôtels, et aux habitants qui passent

directement commande. Les familles ont toujours une parcelle cultivée, mais le temps consacré

aux cultures se trouve réduit par l’activité de transformation de la laine. La superficie totale

irrigable est inférieure à 1 ha.

Ce système est plus présent dans les zones de Yavi et Lecho. A Yavi cela est peut-être

dû à la présence d’un marché plus important, car c’est un centre de population, et un lieu

touristique. A Lecho, cela est peut-être plutôt dû à une présence plus importante de l’élevage de

lamas, qui s’est maintenu historiquement, avec des troupeaux plus grands que dans les

communautés voisines, ainsi qu’à l’impossibilité de cultiver de grandes surfaces pour se nourrir.

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g. Système d’activité associant polyculture et travail agricole journalier (SA2)

Ce système n’a pas été étudié par des enquêtes spécifiques, mais grâce aux autres

enquêtes, il a pu être identifié. Il existe dans la partie nord de la région d’étude de façon certaine,

peut être aussi au sud. Il correspond aux familles les plus pauvres. Celles-ci ont une ou des

parcelles cultivées, mais ni élevage et ni emploi salarié permanent. Elles ont une paire de bœufs

et le mari s’emploie à la journée pour réaliser le travail du sol et les semis, le mari et la femme

peuvent vendre leur force de travail pour aider d’autres familles pour tout type de travaux

agricoles, travaux post-récolte, taille des arbres… Ils ont aussi parfois des emplois temporaires

non qualifiés, le plus souvent payés par la Municipalité de Yavi. Ils touchent aussi des aides

sociales correspondant à une pension mensuelle par enfant.

Il est intéressant de s’attarder sur ce système car il représente des familles qui auraient

subi un processus de décapitalisation et n’auraient pas reconstitué de troupeau, pour des raisons

non identifiées. Etant donné que la région voit l’élevage diminuer de façon globale, et que nous

avons vu que les familles appartenant à des classes sociales plus élevées ont délibérément

abandonné l’élevage lorsqu’elles avaient accès à un emploi salarié saisonnier ou permanent,

essayons de supposer comment ces familles situées au bas de l’échelle sociale peuvent vivre.

Faisons l’hypothèse que ces familles cultivent 1 ha au sein de leurs parcelles, et qu’elles

les cultivent d’une façon similaire au SP1a, système correspondant à des familles n’ayant pas

accès aux meilleures terres et qui ne consacrent pas de part importante de leur superficie à des

cultures à fortes valeur ajoutée. Le produit brut des cultures est alors le même (figure 48).

Dans les consommations intermédiaires ont été comptés seulement les semences des

légumes cultivés pour l’autoconsommation et les trajets à La Quiaca. La dépréciation du capital

a été augmentée puisque ces familles utilisent plus fréquemment leur charrue et leur araire. Le

revenu agricole correspond donc au produit brut légèrement diminué (figure 48).

Supposons que la seule autre source de travail pour ces familles soit d’aller faire des

semis chez les familles voisines avec leur paire de bœufs et leur outil. Les semis se font des

mois de septembre à novembre essentiellement, donc pendant quatre mois. Par semaine, on

suppose que l’homme travaille quatre jours sur ses propres parcelles et que deux jours ne sont

pas consacrés aux travaux agricoles, soit par concurrence avec d’autres activités, soit pour des

raisons climatiques. L’homme pourrait donc arriver à travailler un jour par semaine pendant

quatre mois à faire des semis. Ces jours de travail sont payés 40 à 50 euros, qui rémunèrent la

main d’œuvre, la location des bœufs, leur alimentation la veille puisqu’ils fournissent un effort

conséquent et la location de l’outil, araire ou charrue. Cela mène à un total d’un peu plus de

700 euros pour cette activité. Si l’on y ajoute les aides sociales, on arrive à un revenu total certes

plus faible que pour les autres systèmes d’activité et systèmes de production, mais dans le cas

d’un montant d’aides élevées, il est du même ordre de grandeur que les revenus totaux les plus

faibles des autres systèmes (figure 48). Ce système doit peut-être son existence à la diminution

globale de main d’œuvre disponible dans les familles. Là où avant les familles disposaient de

leurs enfants pour aider dans les champs, ou revenir simplement pour les semis, la disparition

progressive des jeunes ou leur occupation à l’école laisse les parents seuls à travailler dans les

champs. Pour peu qu’ils soient un peu âgés ou retraités, une aide pour les semis devient vite

nécessaire. Ainsi ces familles ne sont pas « celles qui vivent des subventions», puisque tout le

monde les perçoit, quel que soit son statut social ou son revenu. Elles survivent en vendant leur

force de travail dans une région où les forces vives s’amenuisent.

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Figure 48: Comparaison des

indicateurs économiques calculés

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h. Système de production en polyculture-élevage avec production d'une culture de rente : le Quinoa (SP6)

Aucune enquête sur les pratiques n’a pu être réalisée pour ce système représenté par une

seule famille. La superficie totale irrigable est de 2,5 à 3ha, la superficie cultivée est d’un peu

plus d’1 ha. Les cultures sont diversifiées, toujours dans un but d’autonomie et de répartition

du risque. Toutefois une importante surface est consacrée à la culture de quinoa, de 1/4 à 1/3

d’ha, et également de fève. L’exploitation étant située dans la zone de Yavi, le maïs est une

culture mineure. Le quinoa est destiné à la vente, la fève à la consommation et à la vente. Le

quinoa est vendu localement aux habitants des communautés, et au marché de La Quiaca. La

famille a également un troupeau de 70 à 100 brebis. Ce système se distingue des autres par sa

capacité à se maintenir sur une petite surface cultivée avec un seul système d’élevage et

quasiment aucune source de revenu extérieure.

C- Comparaison de l’efficacité économique des différents systèmes de production et d’activité

1- Produits bruts

Les produits bruts des cultures sont du même ordre de grandeur pour les trois premiers

systèmes étudiés, SP1a, SP1b et SP2. Toutefois, comme nous avons pu l’évoquer, c’est le

système consacrant une grande part de son assolement à des cultures à haute valeur ajoutée qui

a le produit brut le plus élevé (SP1b, figure). Le système qui a le produit brut le plus faible est

le système avec élevage bovin laitier (SP2) puisqu’une grande partie de son assolement est

consacrée au maïs, culture à faible valeur ajoutée par hectare, une autre est consacrée à la

production de luzerne et orge qui ne sont pas comptabilisées dans le produit brut. Le système

SP1a a un produit brut des cultures intermédiaire. Celui du système SA1c est environ deux fois

inférieur aux autres pour une superficie cultivée trois à quatre fois moindre. Cela s’explique par

un assolement qui comporte une superficie en pomme de terre importante, culture à très forte

valeur ajoutée par hectare.

Le produit brut du système d’élevage bovin laitier (SP2) est plus de deux fois supérieur

à celui issu des systèmes d’élevages de petits ruminants et de lamas (SP1), pour le même

nombre d’actifs. La quantité de travail nécessaire pour le système laitier est légèrement supérieure, mais elle est moins pénible. Ce système d’élevage paraît donc plus avantageux. S’il

n’est pas plus développé, cela peut être dû à plusieurs facteurs : la difficulté financière à acquérir

ce type de bétail et la difficulté à en trouver puisqu’il est exceptionnel sur la Puna et enfin la

nécessité d’avoir assez de surface en friche herbeuse et de surface cultivable à destiner à la

production fourragère. Les systèmes d’élevages combinés du SP1 ont en effet une alimentation

au coût d’opportunité le plus faible possible, reposant en grande partie sur les ressources

fourragères des espaces communs et sur une petite superficie cultivée dédiée à la production de

fourrage.

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2- Revenu agricole et revenu total

Pour les systèmes de production et d’activité étudiés économiquement, le revenu

agricole correspond à l’entièreté de la valeur ajoutée brute produite sur les exploitations car ces

systèmes n’emploient pas de salarié, ce qui n’est pas le cas de tous les systèmes présents dans

la région. Les valeurs ajoutées sont presque égales à la somme des produits bruts puisque

l’agriculture de la région consomme très peu d’intrants. L’analyse des revenus agricoles est

donc très similaire à celle des produits bruts.

Attardons-nous un peu plus sur les revenus totaux et leur composition, puisque tous les

systèmes étudiés ajoutent un revenu extérieur au revenu agricole (figure 48). Pour SP1 et SP2,

le revenu total est composé du revenu agricole majoritairement, des aides sociales et

éventuellement d’un peu de travail agricole journalier – la composition du revenu total de SP1b

n’a pas été détaillée car elle est très similaire à celle de SP1a. La part des aides sociales dans le

revenu total varie entre 5 et 25% environ selon leur montant. ¼ du revenu total sous forme

d’aides sociales cela peut paraître beaucoup mais ce n’est finalement pas si élevé que cela

lorsque l’on sait que ces aides servent à acheter des biens de consommation courante. Ces aides

représentent bien un complément au revenu et non pas une des bases du revenu. De plus, étant

donné la variabilité du revenu agricole selon les années, ces aides sociales forment un montant

fixe sécurisant. Concernant le système d’activité SA2, certes la part des aides sociales dans le

revenu total est plus importante que pour SP1 et SP2, mais elle reste du même ordre de

grandeur : 7 à 35%. Pour le système d’activité SA1c, le travail salarié apporte environ les trois-

quarts du revenu total, et ceci de manière régulière, indépendamment des aléas climatiques. Ce

revenu est donc beaucoup moins fluctuant à priori. Mais il reste du même ordre de grandeur

que les autres revenus totaux.

Finalement, tous ces systèmes de production arrivent à faire vivre ces familles, et ils se

maintiennent pour l’instant dans le temps. Il eût été intéressant de pouvoir comparer les revenus

dégagés à un revenu seuil, mais les données économiques étaient trop limitées pour le faire.

Toutefois, ce dont on peut se rendre compte, c’est que si ces systèmes sont viables dans le sens

où ils parviennent à nourrir les familles qui les font fonctionner, et où celles-ci arrivent à se

reproduire ; ces systèmes ne paraissent pouvoir accumuler que très peu de surplus monétaire.

Aller chez le médecin, acheter de nouvelles chaussures ou de nouveaux habits, acheter quelques

biens pour améliorer le quotidien, tout ceci sont des dépenses que les familles ne peuvent pas

toujours réaliser. Et on a pu constater que le système de production qui dégage le plus de valeur

ajoutée en évitant la pénibilité du travail de l’élevage ovin est finalement celui qui a le plus de

capital : les vaches, la débroussailleuse, et a pu acheter des terres pour cultiver plus de maïs.

L’argent n’est pas toujours venu se sa propre capitalisation endogène ni exogène au système, la

famille a su profiter de différents programmes qui l’ont aidé à payer ces dépenses, par des prêts

ou des dons au sein de programmes de développement.

Si les familles du SA2 n’ont pas d’élevage, c’est peut-être parce que leur revenu ne leur

permet pas d’accumuler suffisamment de capital pour acheter des animaux, sachant aussi que

l’élevage ovin, le plus accessible, est en déprise car il rémunère mal.

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VI. Bilan, perspectives et discussion

A- Bilan : Yavi, une région isolée en déprise

Tout au long du XXe siècle, la région de Yavi a subi un profond mouvement de déprise

agricole qui s’est manifesté par des émigrations régulières, malgré les immigrations de retour

au pays, et par un abandon progressif de l’élevage ovin. Cette déprise a touché de manière

inégale les différentes zones et se poursuit encore aujourd’hui.

Les familles ont combiné revenu agricole et revenu extérieur au moins depuis les années

1940 ce qui signifie que l’activité agricole seule ne pouvait pas subvenir totalement à leurs

besoins. Ce fait, toujours d’actualité, n’est donc pas nouveau. Si l’activité agricole ne peut pas

faire vivre les familles, cela peut être pour plusieurs raisons. Tout d’abord l’écosystème de la

Puna par nature ne peut pas permettre aux familles de produire beaucoup. Mais la productivité

du travail est aussi très faible : les maigres revenus ne permettent pas d’accumuler de capital,

par conséquent les pratiques et les outils n’ont quasiment pas évolué depuis le début du siècle

dernier. Si à Yavi « on travaille encore comme les anciens » c’est surtout parce que les habitants

n’ont pas les moyens de changer leurs pratiques, faute de pouvoir accumuler du capital. Et

lorsque la municipalité propose de louer un service de labour au tracteur à l’heure à moindre

coût, si les terres sont accessibles à cette machine alors les familles n’hésitent pas et choisissent

le tracteur plutôt que la paire de bœufs.

De plus, cette faible productivité du travail est aujourd’hui associée au fait que la main

d’œuvre à l’échelle de la région est réduite. Lorsqu’avant les forces vives réunissaient toute une

famille, enfants inclus, aujourd’hui elles se réduisent en général au seul le couple, parfois âgé.

Il en résulte que la production agricole s’en trouve encore limitée.

L’accès à la terre a été peu étudié au cours de ce travail mais il convient de remarquer

que la sécurité du foncier acquise depuis la réforme agraire de 1952 reste relative. En effet, un

titre de propriété a été attribué à l’ensemble de la communauté, ce qui signifie que la terre ne

peut pas être vendue à une personne non membre de la communauté et que la répartition des

terres se fait au sein de la communauté, par décision communautaire. Mais il existe des tensions

entre les familles d’une même communauté sur l’attribution des terres. De plus, le fait que de

nombreuses parcelles restent en friche alors qu’il existe encore des familles très humbles qui

nécessiteraient ne serait-ce que quelques ares de plus pour produire leur alimentation suggère

que la terre n’est pas accessible à tous.

Dans les terres basses d’Argentine, l’évolution de l’agriculture n’a pas suivi le même

chemin, la productivité du travail a beaucoup augmenté au cours du dernier siècle. Mais les

familles de Yavi et les exploitations agricoles des plaines sont en concurrence sur le même

marché et les prix de vente des produits agricoles et d’élevage ne sont pas rémunérateurs pour

les familles de Yavi. De plus, celles-ci vont chacune à La Quiaca vendre leur production de leur

côté, il y a donc une réelle atomisation de la production et de la vente qui ne permet pas aux

familles de peser sur la formation des prix. L’activité agricole au sens strict se maintient car elle

est avant tout vivrière et permet d’assurer l’alimentation de la famille quelles que soient les

vicissitudes économiques du pays. Mais l’élevage ovin est quant à lui en déprise, et ce depuis

le milieu du siècle dernier, car les revenus de cet élevage sont faibles pour une quantité et une

pénibilité du travail élevées. D’ici cinq à dix ans, le cheptel ovin de Yavi pourrait être divisé par

deux – estimation d’après les enquêtes. La question se pose alors du renouvellement de la

fertilité dans les parcelles cultivées. La municipalité répond déjà à ce changement en allant

s’approvisionner en poudrette dans les communautés voisines, mais cela signifie que les

systèmes de production perdent progressivement en autonomie.

Les prix agricoles n’étant pas rémunérateurs et la rémunération des salariés augmentant,

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les jeunes sont tentés de partir à la ville chercher du travail et d’abandonner l’activité agricole

de leurs parents. D’où un dépeuplement progressif de la région.

B- Perspectives d’évolution

1- Quels changements sont à venir ? Comment vont-ils impacter la région de Yavi?

A court terme, le changement politique que va connaître l’Argentine avec l’élection à la

présidence de Mauricio Macri en Novembre 2015 va fortement impacter les familles de Yavi

d’un point de vue économique. En effet, toutes les aides et subventions mises en place par le

précédent gouvernement risquent d’être diminuées, dans un but de diminuer les dépenses

publiques : aides sociales, subventions à l’électricité, au gaz et aux transports, écoles primaires

et collèges gratuits. Le coût de la vie va donc probablement augmenter, alors que les revenus

risquent de diminuer si les aides sociales le sont. La région de Yavi risque donc de subir un fort

appauvrissement de sa population.

A plus long terme, le changement climatique actuel va probablement aggraver certains

processus en cours qui rendent la situation défavorable pour les habitants de Yavi. Les prix ne

sont pas favorables sur le marché de La Quiaca, mais la production agricole ainsi que la survie

des animaux vont devenir plus aléatoires du fait des changements climatiques décrits. Cela

risque donc de rendre plus inégale encore la concurrence sur les marchés évoquée plus haut.

Quelles seraient les conséquences des changements climatiques observés sur les pratiques des

familles ? La culture du maïs va devenir de plus en plus incertaine, certaines familles parlent

de revenir à la culture du blé, moins sensible aux gelées. Les conditions pédo-climatiques

favorables à la culture du blé n’étant pas les mêmes que celles du maïs, cela impliquerait

d’autres logiques de localisation des cultures, et peut-être des dynamiques d’évolution

distinctes selon les zones. La zone de La Falda, propice à la culture du maïs, l’est-elle autant

pour le blé ? Si ce n’est pas le cas, ne va-t-il pas y avoir un abandon accru des parcelles de cette

zone déjà fortement touchée par la déprise ? Le blé va-t-il être réintroduit dans la partie sud de

la région d’étude ? S’il a été si largement abandonné ou remplacé par le maïs, c’est bien que les

agriculteurs n’avaient plus intérêt à le cultiver. Cela pourrait être dû à un faible débouché sur

les marchés car c’est une céréale beaucoup moins consommée que le maïs et plus chère à

l’achat, à un traitement post-récolte plus complexe, et à une production fourragère inférieure à

celle du maïs. Quant à l’élevage ovin, il va être rendu plus difficile. En effet, les ressources

fourragères risquent de se raréfier du fait de la diminution de la ressource en eau, or la brebis

est très sensible au manque de fourrage, les troupeaux vont donc avoir de plus en plus de

difficulté à passer la période de soudure. Le mouvement de déprise de l’élevage ovin va donc

probablement s’accélérer.

2- Quels sont les systèmes de production les plus résilients face à ces évolutions ?

Les systèmes de production résilients sont d’abord ceux qui sont moins dépendants des

aides sociales, donc ceux qui arrivent à avoir un revenu total assez élevé même sans ces aides.

Ce sont d’une part les systèmes qui vendent des productions à haute valeur ajoutée comme le

fromage, les produits dérivés de la laine, le quinoa et les légumes. Certains de ces systèmes ont

un capital plus important – cheptel, microirrigation pour la culture de quinoa – ils ne sont donc

pas forcément accessibles à toutes les familles. Ce sont d’autre part les systèmes d’activité qui

incluent un travail salarié permanent, ceux-ci arrivent à dégager un revenu souvent plus

important et plus stable que les systèmes de production au sens strict. Mais les sources de travail

à Yavi et dans ses alentours – La Quiaca – sont rares et seule une partie de la population peut y

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avoir accès. Les systèmes de production ou d’activité qui arrivent à dégager un revenu correct

sont donc généralement réservés à certaines catégories sociales plus aisées.

A plus long terme, les systèmes de production les plus résilients sont ceux qui sont les

plus indépendants du contexte politico-économique et des variations climatiques. Ce sont ceux

qui sont les plus diversifiés. La plupart le sont déjà – le plus caractéristique et résilient étant le

système de production en polyculture-polyélevage très diversifié (SP1) – car ils sont adaptés à

la très grande variabilité interannuelle du climat caractéristique de la Puna. Cette stratégie de

diversification est pratiquée par la majorité des familles, et ce indépendamment de leur

catégorie sociale. Ainsi ces systèmes produisent en permanence un peu de chaque production,

ce qui permet à la fois de répartir les risques, et de sélectionner une ou plusieurs productions à

augmenter selon les contextes – variation climatique, évolution du marché par exemple. Ceci

est particulièrement vrai pour les différents systèmes de culture observés. Mais le risque

climatique va augmenter, donc les rendements seront plus imprévisibles, même avec ces

pratiques. Les familles favorisées seront celles qui ont des parcelles localisées dans les zones

au microclimat plus favorable, ou un nombre important de parcelles localisées dans des zones

différentes. Quant à l’élevage, même si toutes les familles ont toujours eu plusieurs espèces

d’animaux dans cette logique de diversité des productions, la brebis s’est imposée dans les

troupeaux, et aujourd’hui ce cheptel perd de son importance. Quelles alternatives seraient

viables ?

3- Quels systèmes d’élevage pourraient représenter une alternative à l’élevage ovin en déprise?

A propos de l’élevage bovin laitier étudié en amont, s’il est moins fatigant et apporte un

revenu supérieur à l’élevage ovin, pour la même fonction d’apport régulier d’argent, il a

plusieurs faiblesses. Il nécessite de pouvoir acheter des vaches et un taureau laitiers, animaux

peu présent sur la Puna donc difficile à trouver et plus cher que du petit bétail. Cet élevage

nécessite aussi d’assez grandes superficies cultivées pour nourrir les vaches toutes l’année, ce

qui n’est possible que pour ceux qui peuvent acheter de nouvelles terres. Or historiquement les

élevages de la région sont gérés de façon à ce que l’alimentation du troupeau ait le coût

d’opportunité le plus faible possible : parcours, résidus de culture, et fourrages uniquement au

cœur de la saison sèche ou pour les animaux nécessitant une alimentation plus riche. Ici,

l’alimentation des vaches laitières repose de façon plus importante sur le maïs et la luzerne que

pour les brebis. Une part plus importante de l’assolement est donc dédiée à l’alimentation

animale, et cette part peut donc entrer en compétition avec la part de l’assolement destinée à

l’alimentation humaine. De plus la réussite du maïs est directement affectée par le changement

climatique. Enfin, le fromage est un produit cher et qui est acheté par une certaine partie de la

population seulement, le marché est donc assez réduit. Le système bovin laitier de plus de deux

ou trois vaches, s’il permet de dégager un revenu viable pour la famille, restera réservé à une

élite sociale, qui a les moyens de se constituer le cheptel et d’avoir la surface suffisante pour

alimenter la famille et le troupeau.

Un élevage laitier plus accessible serait l’élevage caprin. Il ne produit du lait et donc du

fromage que pendant la saison des pluies, mais il a de nombreux avantages, malgré une gestion du troupeau dans les parcours moins aisée que pour les troupeaux ovins. La chèvre est un animal

beaucoup moins sensible que la brebis à une diminution de la quantité ou de la qualité du

fourrage, elle arrive à trouver la majorité de son alimentation dans les parcours et passe plus

facilement la période de soudure. Les troupeaux caprins seraient donc plus résistants face aux

changements climatiques que les troupeaux ovins, tout en restant accessibles financièrement

pour les familles et avec un taux de renouvellement rapide, comme les ovins. La grande

différence est que la production du troupeau caprin – lait et fromage – est saisonnière, durant la

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saison de pluies, alors que dans le cas du troupeau ovin, la vente de viande peut se faire toute

l’année, ce qui représente une entrée d’argent mobilisable toute l’année. Le marché de la viande

de chevreau n’a pas été étudié, mais il ne semble pas pouvoir représenter un débouché aussi

important que celui de la viande d’agneau.

Enfin, l’élevage de lama nécessite peu de temps de travail, pour un revenu pas forcément

très élevé, mais il remplit une fonction différente de capital mobilisable pour des dépenses

exceptionnelles. L’avantage majeur du lama est qu’il se nourrit uniquement dans les parcours,

il ne concurrence donc absolument pas les terres cultivables et son alimentation a un coût

d’opportunité nul. Dans une région où les ressources sont rares, et risquent de se raréfier du fait

du changement climatique, cela n’est pas négligeable. De plus, la laine et sa transformation en

fil et vêtement peut former un complément de revenu de haute valeur ajoutée.

Finalement, peut-être qu’un élevage résilient et source de revenu serait un troupeau

mixte ovin-caprin avec une part croissante de caprins, associé à un troupeau de lamas.

C- Propositions : Comment améliorer la situation ? Quelles interventions seraient possibles ?

1- Donner accès à des formes de capital

Il pourrait s’agir tout d’abord de faciliter l’accès des familles à certaines formes de

capital, comme des animaux, ou des outils. Premièrement des animaux, par exemple des lamas,

pour faciliter la transition vers d’autres types d’élevage et favoriser l’indépendance économique

des familles. La majorité des familles ayant un petit troupeau de lamas aujourd’hui l’a constitué

grâce à des dons de quelques lamas il y a une dizaine d’années dans le cadre d’un programme

de développement. Ces familles ont gardé et fait grandir ce troupeau et il constitue un réel

complément de revenu pour elles. Ce programme pourrait être réitéré. Deuxièmement des outils

pour augmenter la productivité du travail, notamment lors des semis et de la récolte qui

représentent les pointes de travail.

Ces aides à la capitalisation des familles pourraient représenter une façon plus durable

d’augmenter leur niveau de vie qu’en leur fournissant des aides sociales, pour plusieurs raisons :

tout d’abord fournir un capital à ces familles, que cela soit sous forme de cheptel ou d’outils,

leur permet de développer leur activité et donc de dégager un meilleur revenu en créant de

l’activité économique dans la région. De plus, les aides sociales sont tributaires du

gouvernement en place, leur montant ou les conditions d’accès à ces aides pourraient donc être

amenés à être modifiés.

Dans un but d’adaptation au changement climatique, des outils ou des infrastructures

collectives pourraient être financés pour diminuer l’aléa des gelées ou pour sécuriser

l’approvisionnement en eau au printemps. Par exemple des voiles de forçage pour protéger les

cultures des gelées précoces, ou des bassins de rétention d’eau qui seraient mobilisés au début

de la campagne agricole avant le retour des pluies.

2- Augmenter la valeur ajoutée des productions

Il pourrait s’agir encore de favoriser les productions à haute valeur ajoutée comme les

légumes, le quinoa, le fromage, la laine transformée en fil ou vêtement. Dans le cas de la culture

du quinoa, cela peut nécessiter des investissements de départ, par exemple du matériel

d’irrigation en goutte à goutte. Cela pourrait être aidé au même titre que l’aide à la capitalisation

décrite ci-dessus. En formant des coopératives ou groupements de producteurs les familles

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peuvent obtenir des subventions pour mettre en place un outil de production ou transformation

ou un lieu de stockage. Cela pourrait être envisagé dans le cas des légumes ou de la laine et

permettrait d’augmenter la valeur ajoutée de ces productions déjà existantes, voire de leur

redonner de l’importance comme dans le cas de la laine. Un projet de créer un atelier de

transformation des productions agricoles – légumes et maïs essentiellement – à Yavi Chico est

déjà en cours de réflexion.

3- Accéder à des marchés plus spécifiques

Enfin il s’agirait d’accéder à des marchés plus favorables, pour éviter la concurrence

directe avec les agricultures plus productives de la plaine. Par exemple le marché de Yavi, dans

les magasins d’alimentation ou les cantines scolaires, cela éviterait d’avoir à payer le transport

jusqu’à La Quiaca. S’organiser, sous forme de groupement de producteurs ou de coopératives

permet d’être plus visible, de peser sur la formation des prix, et de vendre sur des marchés plus

spécifiques ou plus distants. Par exemple on pourrait imaginer des ventes dans des villes plus

touristiques de la province en faisant valoir le fait que ce sont des productions locales et sans

intrants.

D- Freins au développement de la région

1- Divisions au sein de la communauté

Certaines des propositions d’organisation des producteurs sont déjà en cours de

réalisation ou à l’état de projet, et il existe deux organisations de producteurs à l’échelle de toute

la Puna qui commercialisent la viande et la laine. Mais la mise en œuvre de ces projets collectifs

ou l’accès aux organisations déjà existantes se heurtent souvent à un problème majeur qui est

celui des divisions politiques au sein de la région et des conflits d’intérêts qui y sont liés. Il n’a

pas été clairement identifié d’où proviennent ces tensions politiques, mais elles paraissent être

anciennes et ancrées dans les communautés de Yavi. Il est possible que l’importance des aides

sociales ait contribué à renforcer ces tensions. En effet il y a des relations de clientélisme entre

les habitants et le chef de la communauté ou les élus de la municipalité concernant les aides

sociales. Les membres dirigeants menaceraient les habitants de ne pas leur attribuer les aides

sociales s’ils n’appuient pas leur parti. Dans un contexte où ces aides sont nécessaires au

maintien du faible niveau de vie de ces familles, ces tensions politiques pèsent

malheureusement leur poids lors des réunions entre membre des communautés. De même, une

personne du parti du chef de la communauté aura plus facilement accès à certains services, aura

son appui pour mener à bien des projets. Inversement, si cette personne change de bord

politique, ces services ou appuis lui seront plus difficilement donnés.

2- Manque de politiques publiques

La plupart des propositions en amont évoquent la nécessité de subventions publiques à

la capitalisation des familles, à la mise en œuvre d’infrastructures collectives pour faciliter la

production ou la valorisation de la production. Les politiques publiques nationales concernant

le secteur agricole sont en effet presque inexistantes en Argentine et l’ont été tout au long des

différents gouvernements du XXe siècle et des années 2000. Dans la région de Yavi elles se

matérialisent par les quelques services fournis par la municipalité.

Si les aides sociales fournies par le gouvernement forment un complément de revenu

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nécessaire aux familles pour vivre dignement aujourd’hui, des subventions publiques à la

production agricole comme décrit ci-dessus développeraient l’activité agricole de demain et

permettraient aux familles de dégager un revenu plus conséquent en ramenant une activité

économique sur le territoire. A plus long terme, les aides sociales ne seraient peut-être pas aussi

nécessaires qu’aujourd’hui, et peut-être que la région ne verrait pas autant de ses jeunes partir

pour les villes.

Enfin, le manque d’investissement dans le développement des infrastructures publiques

de la province de Jujuy est flagrant. Les routes, en dehors des axes principaux, sont en mauvais

états ou à l’état de simple pistes particulièrement vulnérables lors de la saison des pluies. Les

moyens de communication – téléphone et internet – sont absents en dehors des villes, et les

coupures de courant sont fréquentes, particulièrement en saison des pluies. Les villes et villages

se retrouvent alors sans électricité, ni téléphone, ni internet. Or nous avons pu constater au cours

de l’histoire l’évolution de la place de l’habitat dans le paysage : il se trouve aujourd’hui groupé,

formant des villages où il y a un accès à l’électricité, à l’eau courante et à la route. C’est bien

que ce sont des services de base dont la population a besoin. L’absence de ces services de base

– routes praticables, réseau téléphonique et internet – rend la vente de la production et la

connaissance des marchés plus difficile pour les familles, et les communications entre les

personnes de différentes communautés pour s’associer par exemple sont rendues très lentes. La

province de Jujuy étant une province peu productive, à l’exception de la présence de plusieurs

mines, l’Etat intervient peu pour favoriser le développement de cette province. S’il se mobilise,

c’est essentiellement pour appuyer le secteur minier.

VII. Conclusion

La région de Yavi est en déprise et nécessiterait une intervention publique pensée pour

appuyer la production agricole et indirectement recréer de l’activité économique localement.

Seulement, en Argentine les politiques publiques dans le secteur agricole ont toujours été quasi

inexistantes, et la probabilité qu’elles se développent dans les prochaines années est faible,

d’autant plus avec le nouveau gouvernement. Peut-être qu’il faudrait se concentrer sur une

échelle plus locale, celle du gouvernement de la province ou celle de la municipalité. Reste à

savoir si les familles sauront outrepasser leurs tensions politiques pour essayer de travailler

ensemble au sein de la communauté et de la municipalité, et ainsi mettre en place des projets

communautaires qui seraient visibles et pourraient bénéficier de soutiens publics. C’est

possible, et cela existe déjà, dans une autre communauté de la Puna visitée au cours de la période

de terrain, Cusi Cusi. Cette communauté, plus unie que celle de Yavi, a réussi à mettre en place

deux projets de coopérative, l’un valorisant la laine de lama, l’autre la production de quinoa.

Ces coopératives ont permis de maintenir l’activité agricole dans la communauté, de développer

l’activité économique et par conséquent de maintenir la population sur place. Yavi saura-t-elle

s’unir pour développer de tels projets, et prendre conscience qu’elle a un rôle à jouer dans le

maintien de sa population sur ses terres, et dans le maintien d’une activité agro-pastorale qui

permet de vivre sur ces hauts plateaux à priori inhospitaliers avec un recours presque nul aux

énergies fossiles ?

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87

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IX. Table des figures

Figure 1: Localisation de la province de Jujuy en Argentine (source : Wikipédia) ................... 6

Figure 2: Situation de la région d’étude au sein de la province de Jujuy (source S.Paris, fond

de carte : http://www.scielo.org.ar/) ........................................................................................... 6

Figure 3: Localisation de la région d'étude (source : S.Paris, sur un fond Google Earth) ....... 11

Figure 4: Image de la région de Yavi, vue du ciel (source : S.Paris, fond Google Earth) ........ 12

Figure 5: Structures géologiques de la région de Yavi (source : S.Paris sur un cliché Google

Earth) ........................................................................................................................................ 13

Figure 6: Diagramme ombrothermique (données: Servicio Meteorológico Nacional (SMN)) 15

Figure 7: Diagramme ombrothermique comparatif (données précipitations: Bianchi, Yañez et

Acuña pour la période 1951-1987, SMN pour la période 1980-2014; données températures :

SMN) ........................................................................................................................................ 16

Figure 8: Berge abrupte à La Falda et escarpement à Yavi Chico (source : S.Paris) ............... 17

Figure 9: Formation d’un talweg sur un versant (source : S.Paris) .......................................... 17

Figure 10: Communautés végétales distinctes selon l’exposition des versants, à La Falda

(source : S.Paris) ...................................................................................................................... 18

Figure 11: Vallée de Yavi, terrasse alluviale à faible pente (source : S.Paris) .......................... 18

Figure 12: Vallée de Yavi, terrasse alluviale à faible pente (source : S.Paris).......................... 18

Figure 14 : ................................................................................................................................ 20

Figure 13 : Toposéquence caractéristique de la région d'étude ................................................ 20

Figure 15: Zonage de la partie nord de la région d'étude (source : S.Paris, sur un fond Google

Earth) ........................................................................................................................................ 22

Figure 16: Schéma de versant de la zone de La Falda ............................................................. 23

Figure 17: Schéma de vallée de la zone de Yavi Chico ............................................................ 24

Figure 18 : Schéma de vallée de la zone d'El Portillos ............................................................ 25

Figure 19 : Zonage de la partie sud de la région d'étude .......................................................... 26

Figure 20: Schéma de versant de la zone de Yavi .................................................................... 26

Figure 21: Schéma de vallée de la zone de Casti ..................................................................... 27

Figure 22: Schéma de versant de la zone de Lecho ................................................................. 28

Figure 23: Localisation des plantations de canne à sucre dans les provinces de Jujuy et Salta28

Figure 24: Récolte dans les plantations de canne à sucre (source:Tabacal agroindustria) ...... 30

Figure 25 : Evolution des précipitations annuelles au cours du XXe siècle (données : Bianchi,

Yañez et Acuña 2005 ; et SMN) ............................................................................................... 31

Figure 26: Araire (source: S.Paris) ........................................................................................... 32

Figure 27: Canal d'irrigation principal avec saules pleureurs (S.Paris) ................................... 33

Figure 28: Habitat traditionnel en ruine (S.Paris) .................................................................... 33

Figure 29: Evolution de la population du département de Yavi depuis 1869 (données :

recensements nationaux du DIPEC, Anuario Estadistico 2012) .............................................. 34

Figure 30: ................................................................................................................................. 34

Figure 31: Evolution de la population rurale des départements de Yavi et Humahuaca

(source : GIL MONTERO R., MORALES M., QUIROGA MENDIOLA M., 2007) ................. 34

Figure 32: Frise retraçant les trajectoires des systèmes de production .................................... 36

Figure 33: Evolution des conditions climatiques annuelles au cours du XXe siècle (données :

Bianchi, Yañez et Acuña 2005 ; et SMN) ................................................................................. 38

Figure 34: Evolution des conditions climatiques annuelles au cours du XXe siècle (données :

Bianchi, Yañez et Acuña 2005 ; et SMN) ................................................................................. 40

Figure 35: Evolution générale des prix agricoles à la production (sources prix à la production :

FAOstat, source IPC et indice des salaires : INDEC) .............................................................. 42

Figure 36:Evolution des conditions climatiques annuelles au cours du XXe siècle (données :

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Bianchi, Yañez et Acuña 2005 ; et SMN) ................................................................................. 44

Figure 37: évolution du cycle des pluies entre les périodes 1977-1993 et 1994-2014 ............ 45

Figure 38: Calendrier fourrager du troupeau ovin-caprin ........................................................ 48

Figure 39: Impact du changement climatique sur le calendrier fourrager ............................... 52

Figure 40: Calendrier cultural du système agraire ................................................................... 55

Figure 41: Valeur ajoutée brute/ha des principales cultures .................................................... 61

Figure 42: Impact du changement climatique sur le calendrier cultural .................................. 63

Figure 43: Comparaison de l'évolution générale des prix en Argentine et en Bolivie ............. 65

Figure 44: Fiche du système de production SP1a .................................................................... 67

Figure 45: Fiche du système de production SP1b .................................................................... 69

Figure 46: Fiche du système SP2 ............................................................................................. 71

Figure 47: Fiche du système d'activité SA1c ........................................................................... 74

Figure 48: Comparaison des indicateurs économiques calculés .............................................. 78

X. Annexes

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V= m/m vol Avec V le volume, m la masse, m vol la masse volumique en kg/L ou g/mL

On a : m vol apparente sucre en poudre = 0,9 kg/L (source FAO)

On calcule le volume du sac de sucre de 50 kg :

V= 55 L

Calcul du poids d’un sac d’épis de maïs sec

On a comme donnée : mvol Maïs grain frais (Mgf) à 25% humidité = 0,72 kg/L (source FAO, 2015) Et on cherche mvol Maïs grain sec (Mgs)

On a masse Mgf = 75%matière sèche + 25%eau

On décompose : masse Mgf = 0,75 masse Mgf + 0,25 masse Mgf

De plus on sait que la masse Maïs grain sec (Mgs) contient 13% d’humidité

Donc masse Mgs = 0,75 masse Mgf + 0,13 masse Mgf

On prend masse Mgf = 72g (densité pour 1L) on trouve masse Mgs = 0,75*72+0,13*72 = 63g

De plus, on a : Vol Mgs = 0,78 Vol Mgf (FAO site internet)

Donc pour Vol Mgf = 100 mL, Vol Mgs = 78 mL

donc mvol Mgs=63g/78mL = 0,8 g/mL

On a de plus mvol rafles = 0,27 g/mL (FAO)

on cherche le volume occupé par la rafle et celui occupé par les grains dans un épi

on a, pour 1000g de grain sec, 250 g de rafles (FAO site internet) on les divise chacun par leur mvol calculées ci-dessus

on trouve 1230 mL de grain, 925 mL de rafle

V des grains = 0,57% Vépis, V de la rafle = 0,43% Vépis

On calcule la masse du sac d'épis de maïs secs (kg) :

mvol rafles*0,43V + mvol grain sec *0,57V avec V le volume du sac de récolte, c’est-à-dire V=55L On obtient m = 31,8 kg

On a fait les calculs avec des masses volumiques apparentes, donc les vides entre les éléments sont déjà pris en compte, on arrondit à l’inférieur et on retient :

m = 30 kg

Annexe 1

Calcul du poids de l’unité de volume de récolte : sac de sucre de 50 kg

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Calcul du poids d’un sac de pommes de terre (pdT) V= 55 L masse vol apparente pdT crue (source FAO) : 0,59

masse sac pdT en kg 32,45

Poids retenu : 32 kg

Calcul du poids d’un sac de fèves

masse vol apparente fève fraîche

doc FAO :

mvol haricot commun vert cru 0,68

mvol Mgf 0,72

mvol fève fraîche, estimation 0,7

masse du sac fève fraîche en kg 38,5

Poids retenu fève fraîche : 38 kg

masse vol apparente fève sèche

doc FAO :

mvol haricot sec blanc 0,69 à 0,77

mvol haricot commun sec cru 0,75

calcul mvol Mgs : 0,81

mvol fève sèche, estimation 0,75

masse sac fève sèche en kg 41,25

Poids retenu fève sèche : 41 kg

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Annexe 2 :

Rendements utilisés pour les calculs économiques

MAÏS Les rendements sont détaillés selon la quantité d’épis frais récoltés en été, car le prix du maïs

frais et du maïs sec sont différents, et cela a été pris en compte dans le calcul du produit brut.

Si la récolte d’épis frais est plus importante, celle en épis secs le sera moins.

La récolte en sec est comptabilisée en sac d’épis secs, mais ils sont vendus en sac de grain. Pour

convertir on a utilisé le coefficient utilisé dans l’annexe 1, c’est-à-dire que le poids de maïs sec

grain est égal au poids de maïs sec épis / 1,25.

POMME DE TERRE

Le rendement retenu est de 1000 kg/ 1000m²

FEVE

On a distingué deux rendements, en kg/1000m², selon le type de production :

- ceux qui produisent uniquement dans un but d’autoconsommation :

200 en fève fraîche, 230 en fève sèche

- ceux qui produisent aussi pour la vente

325 en fève fraîche, 290 en fève sèche

AIL

Le rendement retenu est de 870 kg/1000m²

Pour les autres cultures dont on calcule le produit brut et dont les rendments n’ont pas été

demandé lors des entretiens, des données ont été récupérées dans le document Microregion Yavi

2015.

surface m² rendement augmenté, kg

Blé 1000 200

Oignon 1000 500

Légumes & fleurs 1000 600

bonne année

Epis frais (douzaine/1000m²)

maïs sec épis (kg/1000m²)

maïs sec grain (kg/1000m²)

160 160 128

100 250 200

40 250 200

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Annexe 3 :

Système de prix utilisé pour les calculs économiques

Prix en pesos argentin de 2015

Frais Sec

Maïs 25/douzaine 25/kg

Ail 25/kg

Fève 9/kg 15/kg

Pomme de Terre 15/kg

Blé 20/kg

Oignon 20/kg

Légumes & fleurs 10/kg

Courge 80/caisse

Petit pois 22/kg

Pommes 15/kg

LAMAS Prix élevé Prix faible

Viande (p.c.)

mâles castrés 35/kg 30/kg

femelles de réforme 30/kg

cuirs 30/peau 30/peau

Laine filée à la main 300/kg

OVINS CAPRINS

Viande (p.c.)

agneaux 40/kg (hiver) 30/kg (fin été)

Femelles de réforme 35/kg 35/kg

Laine brute 10/kg

fromage 30/pièce (saison sèche) 25/kg (saison des pluies)

cuirs 15/peau

VACHES LAITIERES Prix élevé Prix faible

fromages 25/pièce 20/pièce

Veaux (p.c.) 90/kg

vaches réformes (p.v.) 4000/vache 4000

cuir 30/peau 30

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Valeur des principales consommations intermédiaires

semences légumes pour 1 ha 600

bœufs de trait pour tous les semis de 1,5 ha cultivés 3500

produits vétérinaires pour 120 brebis et 30 lamas 600

Location de pâturage en saison sèche pour 120 brebis 2500

Produit phytosanitaire pour la pomme de terre et la fève pour 1 campagne agricole 200

Poudrette de la municipalité pour ¼ ha pour 1 campagne agricole 600

Tracteur municipalité 200/h

1 Aller/retour Yavi – La Quiaca 1 Aller/retour Yavi Chico – La Quiaca

30 40

Dépréciation du capital

outils manuels (pioche, pelle) 500

Pièce travaillante de la charrue 250