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Spécial DROIT AGRAIRE Sous la direction de Philippe Goni, avocat à la Cour, président de l’Association française de droit rural (AFDR) E ´ ditorial 2 LA PLACE DE L’AGRICULTURE DANS LE TERRITOIRE RURAL par Philippe Goni Doctrine LE VIN ET LES INDICATIONS GÉOGRAPHIQUES DANS LA LOI RELATIVE AU DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX 3 par Norbert Olszak Sommaires de jurisprudence en matière de droit rural 9 par Bernard Peignot, Philippe Goni, Isabelle Dulau et Jean-Baptiste Millard Jurisprudence MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE 21 Cumul d’activités - Prestations en nature Note Stéphane Simon sous Cass. 2 e civ., 22 février 2005 MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE 23 Cumul d’activités - Assujettissement Note Philippe Coursier sous Cass. 2 e civ., 29 juin 2004 Dossier CONTRATS D’INTÉGRATION : NOUVEAUX ENJEUX, NOUVELLES PRATIQUES 25 L’intégration horizontale, par Jean Danet Contrat d’intégration et contrat de travail, par Bernard Gauriau La pratique des contrats d’intégration en agriculture : une approche de sociologie économique, par Roger Le Guen Rendez-vous 38 XXII e Congrès de l’AFDR : la place de l’agriculture dans le territoire rural (Bayeux – 14 et 15 octobre 2005) Gazette du Palais J OURNAL SPÉCIAL DES SOCIÉTÉS FRANÇAISES PAR ACTIONS Serveur internet : http://www.gazette-du-palais.com CETTE PUBLICATION COMPORTE 3 CAHIERS : CAHIER 1 RE ´ DACTIONNEL P. 1 à 40 DIRECTION ET RE ´ DACTION : 12, PLACE DAUPHINE 75001 PARIS TE ´ L. 01 42 34 57 27 FAX : 01 46 33 21 17 E-mail : [email protected] CAHIER 2 ANNONCES LE ´ GALES DU JOURNAL SPE ´ CIAL DES SOCIE ´ TE ´ S (LE NOMBRE DE PAGES FIGURE DANS LE SOMMAIRE DU CAHIER 3) 8, RUE SAINT-AUGUSTIN 75080 PARIS CEDEX 02 INSERTIONS : TE ´ L. 01 47 03 10 10 FAX 01 47 03 99 00 ET 01 47 03 99 11 / FORMALITE ´ S: TE ´ L. 01 47 03 10 10 FAX 01 47 03 99 55 / SERVEUR INTERNET JSS : http : // www.jss.fr CAHIER 3 ANNONCES LE ´ GALES DE LA GAZETTE DU PALAIS (LE NOMBRE DE PAGES FIGURE AU SOMMAIRE DE CE CAHIER) ADMINISTRATION : 3, BD DU PALAIS 75180 PARIS CEDEX 04 STANDARD : 01 44 32 01 50 DIFFUSION : TE ´ L. 01 44 32 01 58, 59, 60 OU 66 FAX 01 44 32 01 61 / INSERTIONS : TE ´ L. 01 44 32 01 50 FAX 01 40 46 03 47 / FORMALITE ´ S: TE ´ L.01 44 32 01 70 FAX 01 43 54 79 17 TRI-HEBDOMADAIRE VENDREDI 7, SAMEDI 8 OCTOBRE 2005 125 e année N o 280 à 281 DROIT AGRAIRE S P E ´ C I A L

DROIT AGRAIRE Dans

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Page 1: DROIT AGRAIRE Dans

Spécial DROIT AGRAIRESous la direction de Philippe Goni, avocat à la Cour, président de l’Associationfrançaise de droit rural (AFDR)

Editorial 2LA PLACE DE L’AGRICULTURE DANS LE TERRITOIRE RURALpar Philippe Goni

DoctrineLE VIN ET LES INDICATIONS GÉOGRAPHIQUES DANS LA LOI RELATIVEAU DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX 3par Norbert Olszak

Sommaires de jurisprudence en matière de droit rural 9

par Bernard Peignot, Philippe Goni, Isabelle Dulau et Jean-Baptiste Millard

JurisprudenceMUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE 21Cumul d’activités − Prestations en natureNote Stéphane Simon sous Cass. 2e civ., 22 février 2005

MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE 23Cumul d’activités − AssujettissementNote Philippe Coursier sous Cass. 2e civ., 29 juin 2004

DossierCONTRATS D’INTÉGRATION : NOUVEAUX ENJEUX, NOUVELLES PRATIQUES 25

• L’intégration horizontale, par Jean Danet

• Contrat d’intégration et contrat de travail, par Bernard Gauriau

• La pratique des contrats d’intégration en agriculture : une approchede sociologie économique, par Roger Le Guen

Rendez-vous 38XXIIe Congrès de l’AFDR : la place de l’agriculture dans le territoire rural (Bayeux– 14 et 15 octobre 2005)

GazetteduPalais

JOURNAL SPÉCIAL DES SOCIÉTÉSFRANÇAISES PAR ACTIONS

Serveur internet : http://www.gazette-du-palais.com

CETTE PUBLICATION COMPORTE 3 CAHIERS :

CAHIER 1 REDACTIONNEL P. 1 à 40 DIRECTION ET REDACTION : 12, PLACE DAUPHINE 75001 PARIS TEL. 01 42 34 57 27 FAX : 01 46 33 21 17 E-mail : [email protected]

CAHIER 2 ANNONCES LEGALES DU JOURNAL SPECIAL DES SOCIETES (LE NOMBRE DE PAGES FIGURE DANS LE SOMMAIRE DU CAHIER 3) 8, RUE SAINT-AUGUSTIN 75080 PARIS CEDEX 02

INSERTIONS : TEL. 01 47 03 10 10 FAX 01 47 03 99 00 ET 01 47 03 99 11 / FORMALITES : TEL. 01 47 03 10 10 FAX 01 47 03 99 55 / SERVEUR INTERNET JSS : http : // www.jss.fr

CAHIER 3 ANNONCES LEGALES DE LA GAZETTE DU PALAIS (LE NOMBRE DE PAGES FIGURE AU SOMMAIRE DE CE CAHIER) ADMINISTRATION : 3, BD DU PALAIS 75180 PARIS CEDEX 04 STANDARD : 01 44 32 01 50

DIFFUSION : TEL. 01 44 32 01 58, 59, 60 OU 66 FAX 01 44 32 01 61 / INSERTIONS : TEL. 01 44 32 01 50 FAX 01 40 46 03 47 / FORMALITES : TEL. 01 44 32 01 70 FAX 01 43 54 79 17

TRI-HEBDOMADAIREVENDREDI 7, SAMEDI 8 OCTOBRE 2005 125e année No 280 à 281

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La place de l’agriculture dansle territoire ruralXXIIe congrès national de l’AFDR(Bayeux – 14 et 15 octobre 2005)

L’événement majeur de la rentrée, pour les membres de l’Association française de droit rural(AFDR), sera le congrès national de Bayeux, les 14 et 15 octobre 2005. Le thème qui a été retenu sesitue au cœur des préoccupations de notre société : « La place de l’agriculture dans le territoirerural » (V. programme détaillé du congrès ci-après p. 38).

En effet, la flambée du prix de l’immobilier et la raréfaction des zones constructibles dans les gran-des agglomérations ne sont pas sans incidence sur le monde rural. De récentes études soulignentl’influence croissante de la pression urbaine sur les espaces agricoles et naturels. Il est crucialaujourd’hui de stopper un étalement urbain anarchique et un mitage démesuré. Tout doit être faitpour préserver les équilibres nécessaires au maintien d’une activité agricole diversifiée, dans le res-pect de l’environnement et de l’intégrité des paysages. La 2e conférence de Salzbourg a rappelé unprincipe plein de bon sens : « Pas d’agriculture sans campagnes vivantes, pas de campagnesvivantes sans agriculture ».

Toute régression de l’activité agricole a immanquablement des répercussions sur la préservationdes ressources naturelles et la protection de la qualité de vie des urbains. Les travaux de notre XXIIe

congrès national seront donc l’occasion d’évoquer la nécessaire reconnaissance sociale, politiqueet administrative des territoires ruraux mais également de recenser les instruments juridiques deleur gestion susceptibles d’en garantir un développement dynamique et durable.

Philippe GoniAvocat à la Cour

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Le vin et les indications géographiquesdans la loi relative au développementdes territoires ruraux

Norbert OLSZAKProfesseur à l’Université Robert Schumande StrasbourgDoyen honoraire de la Faculté de droit

Les appellations d’origine et autres indications géo-graphiques jouent un rôle important, en tant quesignes de qualité, pour l’économie viticole et ledéveloppement rural. Il n’est donc pas étonnant devoir plusieurs dispositions les concernant figurerdans la loi no 2005-15 du 23 février 2005 relative audéveloppement des territoires ruraux (JO du 24février 2005). Pourtant elles n’apparaissaient pasdans le projet initial et résultent toutes d’amende-ments présentés en cours de discussion. Elles ontdonc largement contribué à faire grossir cette loi,passée de 76 articles au début à 240 en bout de par-cours…

Cette origine explique le caractère assez dispa-rate des nouvelles règles, dispersées dans quatre deshuit titres de la loi (1). En fait, elles ont été propo-sées la plupart du temps par des parlementaires oumême par le gouvernement pour résoudre quel-ques problèmes ponctuels en profitant du débatlégislatif engagé sur un thème adéquat, en complé-ment de ce qui avait déjà été prévu dans la loino 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplifica-tion du droit (qui a notamment abouti à l’ordon-nance no 2005-554 du 26 mai 2005 relative à diver-ses mesures de simplification dans le domaine agri-cole) et en attendant la réforme complète du sys-tème des signes de qualité et d’origine qui devraitêtre opérée par ordonnance à la suite de la futureloi d’orientation agricole. Cependant, ce caractèreun peu conjoncturel ne diminue pas l’importancefondamentale de la plupart de ces innovations quiconcernent la valorisation des produits, la protec-tion des aires d’appellation ainsi que le contrôle desproductions.

VALORISATION DES PRODUITS

• Article 21

Le deuxième alinéa de l’article L. 3323-4 du Codede la santé publique est ainsi rédigé : « Cette publi-cité peut comporter des références relatives auxterroirs de production, aux distinctions obte-nues, aux appellations d’origine telles que défi-

nies à l’article L. 115-1 du Code de la consom-mation ou aux indications géographiques tellesque définies dans les conventions et traités inter-nationaux régulièrement ratifiés. Elle peut éga-lement comporter des références objectives rela-tives à la couleur et aux caractéristiques olfacti-ves et gustatives du produit ».

Cet article est peut-être celui qui a suscité le plusde débats passionnés autour de très nombreuxamendements. Ceux-ci sont apparus à la suite del’émotion suscitée dans les milieux professionnelspar l’interdiction qui a frappé les campagnes publi-citaires trop imaginatives menées par les comitésinterprofessionnels du vin de Bourgogne et de Bor-deaux, à la suite d’actions intentées en référé parcertaines associations ou agences de lutte contrel’alcoolisme s’appuyant sur la loi Évin (2). Cetterépression était particulièrement mal ressentie aumoment où la mévente devenait sensible et sur-tout en comparaison avec la réforme espagnole quiérigeait le vin en produit de culture dont le gouver-nement devait assurer la promotion (3).

Une comparaison avec l’ancienne rédaction dutexte montre bien que des possibilités nouvellessont offertes, en plus des indications purement fac-tuelles permises par le premier alinéa (degré, com-position, origine, adresses...). En effet, il était sim-plement écrit que « cette publicité peut compor-ter des références relatives aux terroirs de pro-duction et aux distinctions obtenues ». Certes, lanotion de terroir pouvait déjà offrir une certainevariété dans la communication quand on avait ledroit de l’évoquer (donc pas pour les vins de table),mais maintenant on pourra être plus précis sur lesqualités objectives de tous les vins. Et ceci vaut dou-blement pour les AOC et vins à indication géogra-phique qui ont une place spéciale dans cette nou-velle rédaction et dont la qualité est de toute façonun élément de la définition. Par ailleurs, commecette définition nous dit que « la qualité ou lescaractères sont dus au milieu géographique com-prenant des facteurs naturels et des facteurshumains », il devrait être possible d’évoquer desaspects culturels et de représenter des producteurset des productrices...

Néanmoins, le principe d’une restriction de la

(1) Titre premier sur les dispositions relatives au développement des acti-vités économiques (articles 21 et 44 à 47, ainsi que l’article 48 qui a uneportée générale mais concerne particulièrement nos questions), titre IIsur les dispositions relatives aux instruments de gestion foncière et à larénovation du patrimoine rural (articles 75 et 76), titre V sur les disposi-tions relatives à la montagne (article 195) et titre VI sur les dispositionsrelatives à certains établissements publics (articles 233 et 234, en préci-sant toutefois que les dispositions concernant l’Institut national des appel-lations d’origine figurent déjà dans le titre premier).

(2) Dorothée Boyer, La réforme de la publicité pour les alcools, Cont.,conc., cons., juin 2005, p.7.(3) Marie-Noëlle Mornet, La désignation du vin comme élément de sacommercialisation : le débat français au regard de la réforme espagnole,Revue de droit rural, no 325, décembre 2004, p. 613-618.

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publicité est absolument maintenu, pour sauvegar-der les objectifs sanitaires de la politique gouver-nementale et on n’est donc pas à l’abri de nouvel-les attaques fondées sur des lectures très rigoristesdu texte (4). Finalement, plutôt que de devoir légi-férer à nouveau, il serait souhaitable que les actionsdes agences gouvernementales ou des associationsparapubliques, à l’origine de ces procédures contrela publicité viticole, soient mieux encadrées et queles arbitrages entre les objectifs sanitaire et écono-mique soient réalisées au plan politique au lieu delaisser ce soin au juge dans des cas d’espèce.• Article 46L’article L. 641-23 du Code rural est ainsi modifié :« 1 – Au premier alinéa, le mot : « quatrième » estremplacé par le mot : « deuxième » et les mots :« de l’article 72, paragraphe 2, du règlement(CEE), no 822/87 du Conseil du 16 mars 1987 »sont remplacés par les mots : « de l’article 51 durèglement (CE) no 1493/1999 du Conseil du17 mai 1999 » ;« 2 – Au troisième alinéa, les mots : « ou mas »sont remplacés par les mots : « mas, tour, mou-lin, abbaye, bastide, manoir, commanderie,monastère, prieuré, chapelle ou campagne » ».

Cet article, qui intègre avec quelque retard lesévolutions de la réglementation communautaire etles changements de références qui s’ensuivent,apporte aussi des possibilités nouvelles pour les éti-quettes de vins de pays qui jusqu’à présent ne pou-vaient qu’utiliser « domaine » ou « mas » pour dési-gner l’exploitation individuelle. Ceci s’inscrit tout àfait dans le place de plus en plus importante accor-dée aux vins de pays dans la politique viticole (cf.article 47, infra). Mais « clos », « cru » et surtout« château » restent réservés aux AOC, même s’ilssont vinifiés dans une modeste bâtisse qui n’aqu’un très lointain rapport avec une demeure sei-gneuriale, un manoir ou une commanderie !• Article 195L’article L. 644-2 du Code rural est complété par unalinéa ainsi rédigé : « La dénomination « monta-gne » prévue à l’article L. 640-2 ne peut êtreapposée sur l’étiquetage des produits à appella-tion d’origine contrôlée ».

Des métaphores montagneuses viennent facile-ment à l’esprit quand il s’agit d’évoquer la multi-tude de textes et de débats juridiques suscités parcette dénomination « montagne » que l’on chercheà réglementer depuis la loi no 85-30 du 9 janvier1985. Cet article, qui figure étrangement dans unchapitre consacré à « diverses dispositions relati-

ves à l’urbanisme en montagne » a pour objetd’éviter le mélange de références géographiquespour un même produit et de favoriser une commu-nication claire et simple pour le consommateur.Cette interdiction existait déjà pour les vins, maisils n’étaient pas trop concernés par ces référencesà la montagne, à la différence des fromages quiposaient tout spécialement des problèmes sur ceplan.

En fait, la question était apparue pour le comtédont la zone de production comprenait des partiespouvant utiliser la référence à la montagne. Cettedualité risquait de brouiller l’image de l’AOC elle-même, qui doit en principe être suffisante pourcaractériser les critères géographiques qui fondentla qualité du produit.

La multiplication des signes de qualité crée effec-tivement un certain affaiblissement de leur valeurdistinctive et cette question devra être débattuedans les prochaines réformes. Elle est déjà réglée icide manière simple et nette, malgré l’opposition dugouvernement et du rapporteur au Sénat, qui vou-laient laisser le soin aux syndicats de défense derégler les situations particulières. Mais les auteursde l’amendement on pu faire valoir qu’ilss’appuyaient sur un vœu unanime des profession-nels laitiers (à l’exception des producteurs de Mor-bier qui envisagent maintenant de faire déposer unnouvel amendement).

PROTECTION DES AIRES D’APPELLATION

• Article 75

Avant le dernier alinéa de l’article L. 641-11 du Coderural, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’elle décide de ne pas suivre l’avis duministre, l’autorité administrative en précise lesmotifs dans sa décision ».

La nouvelle disposition renforce la transparencedans les cas où un syndicat de défense d’une appel-lation a provoqué la mise en œuvre de la procé-dure de consultation obligatoire du ministre del’Agriculture pour un document d’aménagement oud’urbanisme ou un projet d’équipement qui seraitde nature à porter atteinte à l’aire ou aux condi-tions de production, à la qualité ou à l’image del’appellation. Cette obligation de motivation est parprincipe une bonne chose et dans la pratique ellefacilitera d’éventuels recours.

À ce propos, on notera que l’article 51 de la loino 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplifica-tion du droit (JO du 10 décembre) habilite le gou-vernement à prendre par ordonnance des mesuresde déconcentration qui permettraient d’éviter desaisir le ministre de l’Agriculture pour avis, mais vula nécessité de consulter l’INAO, il n’est pas évi-

(4) Un des amendements avait même prévu, pour atténuer les opposi-tions, que les références qualitatives devaient « être compatibles avecl’objectif de modération dans la consommation dudit produit », ce quiaurait pu justifier une application très restrictive, la qualité étant en géné-ral de nature à favoriser la consommation ! Mais cette précision a heu-reusement été écartée.

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dent qu’une déconcentration en faveur du préfetapporte une véritable simplification.• Article 76Le quatrième alinéa de l’article L. 641-2 du Coderural est ainsi rédigé :

« Le nom qui constitue l’appellation d’origineou toute autre mention l’évoquant ne peuventêtre employés pour aucun produit similaire, sanspréjudice des dispositions législatives ou régle-mentaires en vigueur au 6 juillet 1990. Ils ne peu-vent être employés pour aucun établissement etaucun autre produit ou service, lorsque cette uti-lisation est susceptible de détourner ou d’affai-blir la notoriété de l’appellation d’origine ».

Cet article qui figure dans le titre II sur les dis-positions relatives aux instruments de gestion fon-cière et à la rénovation du patrimoine ruralconcerne en fait tout à fait autre chose : le renfor-cement de la protection des appellations d’originepar une nouvelle dérogation au principe de spécia-lité, dérogation qui touche maintenant non seule-ment les produits et services (comme prévu par laloi no 90-558 du 2 juillet 1990), mais aussi les éta-blissements qui pourraient détourner ou affaiblir lanotoriété d’une appellation.

L’amendement avait été proposé pour luttercontre des établissements qui auraient pour objec-tif de profiter de cette notoriété mais qui pour-raient ensuite la mettre à mal en cas de catastro-phe sanitaire ou écologique largement médiatisée !Mais les rapporteurs et le gouvernement s’étaientopposés à cette innovation en considérant lamesure comme difficilement applicable et suscep-tible de créer des problèmes avec des droits anté-rieurs ainsi que des complications dans la désigna-tion nécessaire de l’implantation de diverses ins-tallations utiles mais peu plaisantes (comme les sta-tions d’épuration ou les centrales nucléaires). Uneétude approfondie leur semblait nécessaire. Lepoint fut cependant voté car les parlementairess’étaient rassurés en estimant qu’il ne concerneraitque les établissements commerciaux et les détour-nements intentionnels, ce qui est parfaitement fauxcomme on peut s’en convaincre à la simple lecturedu texte.

La question est de fait complexe car la désigna-tion d’un établissement correspond à plusieurscatégories de signes (enseigne, nom commercial,dénomination sociale, voire marque) qui sont cou-verts par des droits de propriété intellectuelle etobéissent généralement au principe d’antérioritédans l’appréciation de ces droits. Un amendementavait d’ailleurs voulu rendre le texte applicable seu-lement à partir d’une certaine date pour prévenirces conflits, mais il a été retiré. De toute façon,l’exemple du champagne montre que la jurispru-dence appliquait rétroactivement la protection issue

de la loi du 2 juillet 1990 en la faisant agir à partirde la date de reconnaissance de l’appellation etqu’elle appréciait assez facilement l’existence d’undétournement ou d’un affaiblissement de la noto-riété (v. pour l’annulation de la marque Bain dechampagne déposée en 1923 : C. Paris, 12 septem-bre 2001, D. 2002, 1894, note N. Olszak ; Cass. com.,18 février 2004, no 02-10-576, Propriété industrielle,2004, 6, no 52. V. aussi : G. Bonet, Des cigarettes auxparfums, l’irrésistible ascension de l’appellationd’origine Champagne vers la protection absolue.Après l’arrêt de la Cour de cassation du 18 février2004, Propriétés intellectuelles, 2004, 853). Néan-moins, ce qui est valable pour le champagne quipeut faire valoir assez aisément sa notoriété contren’importe quel autre produit, ne se présentera pasde la même façon pour d’autres appellations faceà des établissements dont la renommée peut aussiêtre utile au développement des territoires ruraux.

Des discussions délicates sont donc à prévoir, parrapport aux situations établies mais aussi aux nou-velles installations pour lesquelles ce paramètre està prendre en compte dans les projets. Ceci risquede compliquer en fait le développement de cer-tains territoires ruraux qui ne pourront pas facile-ment utiliser l’attractivité éventuelle de leur nompour attirer des établissements qui peuvent crain-dre de se voir contester ensuite une désignationgéographique pourtant assez naturelle.

CONTRÔLE DES PRODUCTIONS

• Article 44Le Code rural est ainsi modifié :« 1 – Le deuxième alinéa de l’article L. 641-2 estcomplété par les mots : « lesquelles comportentun contrôle des conditions de production et uncontrôle des produits » ;2 – Les deuxième et troisième alinéas de l’articleL. 641-6 sont remplacés par quatre alinéas ainsirédigés :

« L’agrément des produits bénéficiant d’uneappellation d’origine est placé sous la responsa-bilité de l’Institut national des appellations d’ori-gine. Il peut en déléguer par convention tout oupartie de l’organisation à l’organisme agréé viséà l’article L. 641-10 ».

« Le contrôle du respect du cahier des chargesdes produits bénéficiant d’une indication géogra-phique protégée est placé sous la responsabilitéde l’Institut national des appellations d’origine,qui peut en déléguer par convention l’exercice àl’organisme certificateur agréé conformément àl’article L. 643-5 pour la délivrance du label oude la certification de conformité sur lequel reposel’indication géographique protégée ».

« Le non-respect de la délimitation de l’aire

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géographique, d’une des conditions de produc-tion ou de la procédure d’agrément ou de contrôleentraîne l’interdiction de l’utilisation, sous quel-que forme ou dans quelque but que ce soit, dunom de l’appellation d’origine ou de l’indicationgéographique protégée, nonobstant l’applicationdes peines prévues par l’article L. 115-16 du Codede la consommation ».

« Le décret de l’appellation d’origine contrôléeou le cahier des charges de l’indication géogra-phique protégée peut comporter, pour toute per-sonne intervenant dans les conditions de produc-tion, l’obligation de tenir un ou plusieurs regis-tres ou d’effectuer toutes déclarations, propres àpermettre la réalisation de l’agrément ou ducontrôle du respect du cahier des charges » ;3 – L’article L. 641-10 est ainsi rédigé :« Article L. 641-10. – Pour satisfaire aux obliga-tions qui leur sont imposées en matière d’orga-nisation de l’agrément des produits à appella-tion d’origine contrôlée, les organismes agréés àcet effet par l’Institut national des appellationsd’origine sont habilités à prélever sur les produc-teurs desdits produits des cotisations qui, nonobs-tant leur caractère obligatoire, demeurent descréances de droit privé. La Cour des comptesassure la vérification des comptes et de la ges-tion des organismes agréés ».

« Pour les vins, le montant de ces cotisations,qui ne peuvent excéder 0,80 W par hectolitre devin revendiqué en appellation d’origine dans lademande d’agrément présentée à l’Institut natio-nal des appellations d’origine, est exigible lors dudépôt de cette demande ».

« Pour les produits autres que les vins, ces coti-sations, exigibles annuellement, sont assises surles quantités, exprimées en unités de masse ou devolume, des produits destinés à la commerciali-sation en appellation d’origine contrôlée. Unarrêté conjoint du ministre de l’Agriculture et duministre chargé du Budget fixe, par appellation,le montant de ces cotisations après avis des comi-tés nationaux concernées de l’Institut nationaldes appellations d’origine, dans la limite de :« – 0,80 W par hectolitre ou 8 W par hectolitred’alcool pur pour les boissons alcoolisées autresque les vins ;« – 0,08 W par kilogramme pour les produits agro-alimentaires autres que les vins et les boissonsalcoolisées ».

Le gouvernement a introduit en première lec-ture à l’Assemblée nationale un amendement modi-fiant plusieurs articles du Code rural relatifs auxappellations d’origine et à l’INAO, d’où ce long pas-sage qui apporte surtout une réécriture des dispo-sitions anciennes, en clarifiant la terminologie, avecune distinction des termes relatifs aux AOC et aux

IGP. Cependant, la nouveauté figure surtout dansle premier alinéa, très court mais de poids, car ilprécise que les procédures d’agrément, indiquéesdans l’article L. 641-2 comme condition de l’exis-tence d’une AOC, doivent comprendre « uncontrôle des conditions de production et uncontrôle des produits ». On consacre donc ladémarche engagée depuis plusieurs années enfaveur d’un renforcement des contrôles le plus enamont possible, et pas seulement au moment de lamise sur le marché.

En conséquence, le non-respect des procéduresde contrôle figure désormais parmi les fautes quientraînent l’interdiction d’utiliser l’appellation (arti-cle L. 641-6), et les cotisations prélevées par lesorganismes de contrôle peuvent servir à toutes lesopérations de contrôle et plus seulement à l’agré-ment des produits (article L. 641-10).

• Article 45

L’article L. 641-22 du Code rural est ainsi rétabli :

« Afin de s’assurer du respect des conditions deproduction des vins de pays, le récoltant qui des-tine la récolte d’une parcelle à la production d’untel vin peut être tenu d’en faire la déclarationdans des conditions et selon des modalités fixéespar décret. Pour les parcelles aptes à produire àla fois des vins de pays et des vins d’appellationd’origine contrôlée, une même récolte ne peut àla fois faire l’objet de la déclaration prévue àl’alinéa précédent et d’une des déclarations men-tionnées au cinquième alinéa de l’article L. 641-6 ».

À la suite des débats de l’été 2004 sur la nouvellestructuration du marché des vins, où l’on a notam-ment accordé une place importante aux vins depays qui peuvent plus facilement s’adapter à lademande mondiale, le gouvernement a proposé unamendement en deuxième lecture à l’Assembléenationale. L’objectif est d’étendre les obligationsdéclaratives déjà prévues pour les AOC et de favo-riser ainsi les contrôles qui reposent sur des critè-res différents. La publication du décret mentionnédans cet alinéa est envisagée pour le quatrième tri-mestre 2005.

Par ailleurs, pour bien distinguer les dénomina-tions, une même parcelle ne peut faire l’objet qued’une seule revendication pour une même récolte,soit en vin de pays, soit en AOC, quand elle est apteà produire des vins des deux catégories. Ceci étendle principe d’unicité déjà en vigueur pour les AOC.

À cette occasion il a également été débattu duclassement des dénominations des vins de paysparmi les signes de qualité, mais cette discussionn’a pas abouti pour l’instant et il est probablequ’elle reprendra bientôt.

• Article 47

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Le quatrième alinéa de l’article L. 632-7 du Coderural est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Si le contrat de fourniture, atteint d’une nul-lité de plein droit, porte sur un produit soumis àaccises, l’administration compétente peut, surproposition de l’organisation interprofession-nelle intéressée, suspendre la mise en circulationde ce produit. Si le contrat de fourniture ou sonexécution ne sont pas conformes aux disposi-tions prévues à l’article L. 632-6 ou au paragra-phe 1 de l’article 41 du règlement (CE) no 1493/1999 du Conseil du 17 mai 1999, portant orga-nisation commune du marché vitivinicole etfixées dans l’accord étendu, et qu’il porte sur unproduit soumis à accises, l’administration com-pétente peut, sur proposition de l’organisationinterprofessionnelle intéressée, suspendre la miseen circulation de ce produit sans qu’il soit besoinde faire constater au préalable la nullité ducontrat par le juge. Un décret en Conseil d’Étatfixe les conditions d’application du présent ali-néa ».

En première lecture à l’Assemblée nationale, unamendement d’origine parlementaire avait pro-posé d’autoriser l’administration à refuser de déli-vrer des titres de mouvement pour les produits sou-mis à accises, en cas de non conformité du contratde fourniture et sans qu’il soit besoin de faire cons-tater la nullité de ce contrat par un juge, puisquec’est un cas de nullité de plein droit. Il s’agissait deredonner aux services des douanes et droits indi-rects les possibilités de contrôle a priori perdues àla suite des mesures de simplification administra-tives. Mais le rapporteur et le ministre de l’Agricul-ture ont exprimé un avis défavorable à cette évic-tion du juge et l’amendement a été rejeté.

Cependant, en seconde lecture, des dispositionsanalogues ont été présentées par le gouvernementet adoptées. Il est vrai que le premier point ne faitqu’ajouter une conséquence pratique à une cons-tatation de nullité prononcée par un juge : l’inter-profession peut demander de suspendre l’activitéde l’opérateur en cause par un refus des titres demouvement. Mais celui-ci peut aussi intervenir sansrecours au juge dans deux cas : le non-paiement descotisations prévues par l’article L. 632-6 et le non-respect des obligations en matière de mise enréserve ou de sortie échelonnées des vins, selon lesprévisions du droit communautaire. Ces prérogati-ves exorbitantes doivent être précisées par undécret en Conseil d’État, mais aucune date n’estindiquée à l’échéancier pour sa promulgation.• Article 48L’article L. 632-7 du Code rural est complété par unalinéa ainsi rédigé :

« Les services placés sous l’autorité des minis-tres chargés de l’Économie, du Budget, de l’Agri-

culture et de la Pêche, ainsi que les organismesplacés sous leur tutelle, peuvent communiqueraux organisations interprofessionnelles recon-nues en application de l’article L. 632-1 les infor-mations directement disponibles relatives à laproduction, à la commercialisation et à la trans-formation des produits, qui sont nécessaires àl’accomplissement des missions définies aux arti-cles L. 632-1 à L. 632-3, dans les conditions pré-cisées par voie de convention, après avis de laCommission d’accès aux documents administra-tifs et de la Commission nationale de l’informa-tique et des libertés ».

Cette possibilité de disposer d’informations offi-cielles est de nature à renforcer l’activité des orga-nisations interprofessionnelles, notamment pouraméliorer le contrôle des productions et les actionscontre les infractions éventuelles. Mais comme ilpeut s’agir de données nominatives, l’interventionde la CNIL apporte une garantie.• Article 232À l’article 1794 du Code général des impôts, il estrétabli un 6o ainsi rédigé :« 6 – Infractions aux dispositions communautai-res ou nationales relatives aux distillations desvins issus de cépages classés à la fois commevariétés à raisin de cuve et comme variétés des-tinées à l’élaboration d’eaux-de-vie à appella-tion d’origine ».

La distillation joue un rôle important dans larégulation du marché des vins, et par ailleurs lesquantités de vin pouvant être produites en vue del’élaboration d’eau-de-vie sont fixées limitative-ment pour chaque campagne. Il est donc impor-tant de veiller au respect de ces quotas pour garan-tir l’équilibre de l’économie viticole. Mais les péna-lités prévues n’étaient pas assez dissuasives auxyeux du gouvernement, car purement forfaitaires,et il a donc proposé un amendement pour sanc-tionner fiscalement les dépassements et renforcerla répression. En effet, pour les infractions énumé-rées par l’article 1794 du Code général des impôts,le montant de la pénalité est compris entre une foiset trois fois celui de la valeur des appareils, objets,produits ou marchandises sur lesquels a porté lafraude.• Article 234(Diverses dispositions modifiant la loi du 12 avril1941 portant création du comité interprofession-nel du vin de Champagne).

Si certains comités interprofessionnels viticolesétaient en sommeil et viennent d’être suppriméspar l’article 11 de l’ordonnance no 2005-554 du26 mai 2005 relative à diverses mesures de simpli-fication dans le domaine agricole (Comités des vinsde Provence, de Gaillac, d’Anjou et Saumur et desvins doux naturels, dont les modalités de liquida-

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tion ont été fixées par l’arrêté du 9 août 2005, JO du30 août 2005), il n’en est pas de même du plusancien, le comité interprofessionnel du vin deChampagne qui fait preuve d’une activité considé-rable. Celle-ci est reconnue par ce long article 234dont les huit paragraphes modifient et complètentle texte fondateur dans le but d’améliorer le fonc-tionnement de l’institution et de lui donner uneplus grande sécurité juridique, selon les vœux dudéputé Philippe Martin qui avait présenté un amen-dement en ce sens. Des décrets doivent aussi inter-venir sur certains points, et leur publication étaitenvisagée pour septembre 2005.

Quelques dispositions visent simplement à élimi-ner des termes obsolètes, comme le titre de « minis-tre secrétaire d’État à l’Agriculture », utilisé de 1940à 1944 (point VIII), mais d’autres ont une impor-tance pratique plus grande. Ainsi les missions ducomité sont précisées et complétées par le point IIde cet article qui parle notamment de « contribuerà la qualité et à la traçabilité des raisins, desmoûts et des vins » et de « favoriser le dévelop-pement durable de la viticulture, la protection del’environnement et l’aménagement rationnel duvignoble ».

Par ailleurs, deux éléments de procédure doi-vent être particulièrement signalés. Tout d’abord, lepoint III qui soumet à approbation interministé-rielle les décisions relatives à la mise en réserveet/ou à la sortie échelonnée de produits. Cettetutelle était indispensable pour mettre ces activi-tés, en conformité avec la réglementation commu-

nautaire. La régulation du marché, très utilisée enChampagne, est donc confortée, d’autant plus quela loi précise que les contrats de vente et d’achatnon conformes aux décisions du comité seront sou-mis aux sanctions de l’article L. 632-7 du Code ruralconcernant les contrats relevant d’un accord inter-professionnel étendu (nullité de plein droit etindemnité au profit du comité).

Ensuite, les fonctions disciplinaires du comitésont aménagées pour tenir compte des évolutionsjurisprudentielles favorables à la reconnaissance desdroits de la défense dans ce type de contentieux(point V). La procédure contradictoire se dérouledevant un conseil de discipline, dont la composi-tion est fixée par décret. Cette définition de garan-ties de procédure est une très bonne chose, pourle principe mais aussi dans la pratique, compte tenude l’importance des sanctions pécuniaires encou-rues (jusqu’à un tiers de la valeur des produits ou80.000 Q).

Ainsi modernisé, le comité du vin de Champa-gne pourra certainement servir à nouveau demodèle pour les nouveaux organismes de gestionqui devront jouer un rôle central dans la futureorganisation des signes de qualité, selon une dis-cussion prévue pour cet automne dans le cadre dela nouvelle loi d’orientation agricole. Il en est demême des dispositions sur le contrôle des produc-tions qui, comme nous venons de le voir, occu-paient une place assez importante dans cette loi surle développement des territoires ruraux.

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Sommaires de jurisprudence en matièrede droit rural

Bernard PEIGNOTPhilippe GONIIsabelle DULAUet Jean-Baptiste MILLARD (*)

• Bail rural – Reprise – Expérience profession-nelle

En vertu de l’article L. 411-59, le bénéficiaire de lareprise doit justifier qu’il répond aux conditions decapacité ou d’expérience professionnelle visées àl’article L. 331-2 du Code rural, au nombre desquel-les figure l’expérience professionnelle acquise aucours des quinze années précédant la date effec-tive de l’opération en cours. Ainsi encourt la cen-sure, l’arrêt qui, pour écarter une demande de nul-lité du congé, retient que l’intéressée étant au chô-mage, est disponible pour cette activité et doit êtreassistée par son mari, titulaire d’un brevet profes-sionnel, sans constater que celle-ci justifiait de lacapacité et de l’expérience professionnelle requise(Cass. 3e civ., 10 novembre 2004, Voirin c. Drouot –Pourvoi no 03-17.313).

• Bail rural – Preuve – Inscription à la MSA

La preuve de l’existence d’un bail verbal est tou-jours difficile à établir. Ainsi, dès lors que l’inscrip-tion à la Mutualité sociale agricole (MSA) qui résulted’un acte unilatéral ne vaut pas preuve d’un bail àferme, le demandeur qui ne disposait d’aucun titred’occupation et ne rapportait pas la preuve qu’ilavait exploité les parcelles de terre à compter d’unecertaine date, a vu sa demande tendant à êtrereconnu titulaire d’un bail à ferme sur l’exploita-tion rejetée (Cass. 3e civ., 24 novembre 2004, Bou-chard c. UDAF de la Charente – Pourvoi no 03-13.813).

• Bail – Réparation – Vétusté – Charge

La clause mettant les réparations, quelles qu’ellessoient, à la charge du preneur, est une clause exor-bitante du droit commun qui doit être interprétéestrictement et ne peut concerner les travauxqu’impose la vétusté. Aussi, lorsque, compte tenude l’ampleur, les dégradations doivent être regar-dées comme résultant bien de la vétusté, les tra-vaux destinés à y mettre fin incombent au bailleur(solution à rapprocher de celles dégagées dans lecadre des articles L. 415-3 et L. 415-4 du Code rural)(Cass. 3e civ., 7 décembre 2004, SCI du Gué c.Société Les Outilleurs Champenois – Pourvoi no 03-19.203).

• Bail rural – Sous-location – RésiliationLa mise à disposition par le preneur en place d’uneparcelle de terre comprise dans le bail au profitd’un tiers qui y met en place une culture spéciali-sée – en l’occurrence celle du melon – en assure laconduite et en récolte tous les fruits, moyennantune indemnité, constitue une sous-location prohi-bée justifiant la résiliation du bail. Voilà un arrêt quine va pas manquer de susciter de vives réactions dela part des professionnels mettant en valeur des cul-tures spécialisées à cycle court (melons, endives,pommes de terre) ou industrielles (chanvre, lin) for-tement rémunératrices, mais faisant appel à destechniques culturales spécifiques échappant le plussouvent aux compétences du preneur en place(Cass. 3e civ., 8 décembre 2004, Schyler-Schröder c.Hubert – Pourvoi no 03-15.535, à paraître au Bulle-tin).

• Bail rural – Résiliation – Raisons sérieuses etlégitimesDès lors qu’en raison d’un acte de partage impré-cis, il n’est pas possible de déterminer la part desbiens loués revenant au copartageant-bailleur, etqu’en outre, une demande de révision du prix dubail a été régulièrement engagée par les preneursavant l’envoi de la mise en demeure, ces derniersjustifient de motifs sérieux et légitimes du non-paiement des loyers entre les mains du bailleur ausens de l’article L. 411-53 auquel renvoie l’articleL. 411-31 (Cass. 3e civ., 12 janvier 2005, Nizard c.Nantier – Pourvoi no 03-17.400).

• Bail – Résiliation – EffetsLa résiliation judiciaire des contrats à exécutionsuccessive ne prend pas nécessairement effet à ladate de la décision qui la prononce.

À la suite d’une mise à disposition effectuée irré-gulièrement au regard des conditions de l’articleL. 411-37 du Code rural, la bailleresse avait solli-cité la résiliation du bail. Mais entre-temps, le pre-neur avait été autorisé à céder son bail à l’un de sesenfants. Ainsi, dans le cadre de l’instance en rési-liation, le cessionnaire avait demandé à êtrereconnu bénéficiaire du bail. La Cour d’appel avaitaccueilli la demande au motif que la résiliation pro-noncée du bail originaire prenait effet pour l’ave-nir et ne pouvait avoir un effet rétroactif, de sorteque la disparition du bail principal ne pouvaitentraîner celle de la cession en litige. La Cour de

(*) Bernard Peignot, avocat aux Conseils, secrétaire général de l’AFDR ;Philippe Goni, avocat à la Cour, président de l’AFDR ; Isabelle Dulau,directrice de l’IEHDRA ; Jean-Baptiste Millard, avocat à la Cour.

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cassation a donc censuré cette solution en se fon-dant sur un principe posé quelques mois aupara-vant selon lequel : « La résolution judiciaire descontrats à exécution successive ne prend pasnécessairement effet à la date de la décision quila prononce » (Cass. 3e civ., 19 janvier 2005, Can-delot c. Talpe, no 03-16.091).

• Bail rural – Accession immédiate à la pro-priété des plantationsLa Cour de cassation a une nouvelle fois rappelé –mais cette fois sans ambiguïté – « que les plants devigne, dès leur plantation, deviennent la pro-priété du bailleur » consacrant ainsi la thèse del’accession immédiate en matière de plantation(Cass. 3e civ., 10 novembre 2004, Bardin c. Bailly –Pourvoi no 03-14.592).

• Bail rural – Application du statut – Statutd’exploitant agricolePar un arrêt de non-admission, qui aurait pourtantmérité d’être motivé, la Cour de cassation aconfirmé la décision d’une Cour d’appel qui avaitécarté l’application du statut du fermage à une loca-tion de diverses parcelles et refusé en conséquencede faire bénéficier les locataires du droit depréemption après avoir relevé que leur activitéconsistait à récolter le fourrage nécessaire à l’entre-tien de leurs chevaux et ne pouvait, à ce titre êtrequalifiée d’activité agricole. La Cour d’appel ajou-tait à ce titre que l’exploitation des pâturages étaitnécessairement accessoire à leur activité de loisirspuisqu’elle était exclusivement destinée à l’alimen-tation de leurs chevaux et que, malgré le respect parces derniers de leurs obligations de locataires lecontrat de location ne pouvait être qualifié decontrat de vente d’herbes puisqu’il ne s’agissaitpour le propriétaire ni de céder sa récolte de four-rage arrivée à maturité, ni de conférer à un tiers quiaurait la qualité d’exploitant le droit de faire paîtreses animaux sur les terres du propriétaire (Cass. 3e

civ., 11 janvier 2005, Amiand c. Billet et a. – Pour-voi no 03-16.753).

• Bail rural – Champ d’application du statut dufermage – Contrat administratifPour apprécier si le contrat portant sur la mise àdisposition par une collectivité publique de biensà vocation agricole et rurale situés sur son domaineprivé au profit d’un exploitant, constitue un bailrural ou un contrat administratif, le juge doitrechercher l’existence ou non de clauses exorbitan-tes du droit commun. Aussi, ayant retenu quel’intention de la collectivité publique était deconclure un acte administratif dont la rédaction neprêterait pas à interprétation et à application éven-tuelle du statut du fermage, et était dépourvue

d’ambiguïté, et que les dispositions du contrat sou-mettaient l’exploitant à des contrôles multiples del’administration, ce qui constituait une clause exor-bitante de droit commun, la Cour d’appel a pu qua-lifier le contrat d’administratif et dire que les juri-dictions de l’ordre judiciaire étaient incompéten-tes. Cet arrêt remarquable prend cependant lecontre-pied de la position récemment consacrée,dans des conditions voisines de celles de l’espècepar l’arrêt du 2 février 2005 précité qui avait retenula compétence du juge judiciaire (Cass. 3e civ.,9 mars 2005, Courtois c. Conseil Général de laHaute-Loire – Pourvoi no 03-19.385, Revue desloyers 2005, p. 269, note B. Peignot).

• Bail rural – Résiliation – Mise à dispositionLes mises à disposition irrégulières de biens louésau profit de sociétés d’exploitation demeurent dessources intarissables de contentieux. À la suite dela transformation d’un Gaec en EARL, les preneursqui avaient mis les biens loués à la disposition duGaec, avaient négligé d’informer les bailleurs decette transformation, provoquant la demande derésiliation du bail de la part des bailleurs. Les pre-neurs avaient invoqué une régularisation de lasituation avant la saisine du tribunal paritaire. Pourécarter cette fin de non-recevoir, la Cour de cassa-tion, approuvant la Cour d’appel, a retenu que « lecaractère irrégulier d’une mise à dispositions’analyse en une cession prohibée, entraînant enapplication de l’article L. 411-37 du Code rural,la résiliation du bail rural et que s’agissant d’uneinfraction instantanée et irréversible, elle ne pou-vait donner lieu à régularisation en violant unedisposition d’ordre public du statut du fermage »(Cass. 3e civ. 22 février 2005, Vilain c. Dumont –Pourvoi no 03-20.631).

• Bail rural – Congé – Tierce opposition – Béné-ficiaire du congéL’exigence d’un procès équitable, au sens del’article 6-1 de la Convention européenne de sau-vegarde des droits de l’homme et des libertés fon-damentales, implique que le bénéficiaire du congépour reprise soit recevable à former une tierceopposition à l’encontre d’une décision ayant annuléce congé. En l’espèce, après le décès de son mariavec qui elle avait donné à bail aux preneurs desterres dont ils étaient propriétaires et cédé leur droitau bail sur les terrains qu’ils occupaient en qualitéde locataires, la bailleresse avait entendu donnécongé aux preneurs en vue de la reprise des terrespar son fils, alors nu-propriétaire pour moitié de cesterrains depuis le décès de son père. Les preneursavaient obtenu l’annulation de ce congé et lacondamnation de la bailleresse au paiement d’unesomme d’argent sur le fondement de l’article L. 411-

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74 du Code rural. Les preneurs n’en sont pas res-tés là et ont décidé d’assigner les héritiers du défuntafin d’obtenir leur condamnation sur le même fon-dement. Le fils a alors formé devant la Cour d’appelune tierce opposition incidente à l’arrêt ayantannulé le congé. Au visa de l’article 6-1 de laConvention européenne des droits de l’hommeensemble l’article 583 du nouveau Code de procé-dure civile, la Cour de cassation a adopté une solu-tion pour le moins inattendue en censurant la déci-sion des juges d’appel qui avaient estimé que, euégard à l’identité d’intérêt entre la bailleresse et sonfils, bénéficiaire de la reprise, ce dernier devait êtreconsidéré comme représenté par la bailleresse dansla procédure et ne pouvait alors revendiquer la qua-lité de tiers (Cass. 3e civ., 23 février 2005, Sellier c.Selosse – Pourvoi no 03-20.110, Bull. civ. III, 2005,no 41).

• Bail rural – Cession du bail à un descendant –Compétence professionnelle du cessionnaireLorsqu’il est appelé à se prononcer sur la cessiondu bail au profit d’un descendant, le juge doitrechercher si l’opération est ou non de nature ànuire aux intérêts légitimes du bailleur en tenantcompte de la bonne foi du preneur cédant et desconditions dans lesquelles le cessionnaire est enmesure de poursuivre l’exploitation ; aussi doit-il,en particulier, rechercher, au besoin d’office, si lecessionnaire est bien titulaire du diplôme requis àla date d’effet de l’opération ou possède une expé-rience professionnelle de la durée requise et s’il esttitulaire d’une autorisation d’exploiter dans lamesure où elle est nécessaire (Cass. 3e civ., 22 mars2005, Pottier c. Simon – Pourvoi no 04-11032).

• Bail rural – Droit de préemption – DéchéanceL’adjudicataire a qualité pour exiger du preneur quidéclare exercer le droit de préemption la stricte exé-cution des obligations prévues au cahier des char-ges auquel il s’est conformé et pour demander, àdéfaut de leur exécution, la déchéance du preneurdu droit de préemption. Aussi en cas de défaillancedu bénéficiaire du droit de préemption, dans sonobligation de régler le prix aux lieu et place del’adjudicataire dans le délai prévu au cahier descharges, la déchéance du droit de préemption estencourue (Cass. 3e civ., 20 avril 2005, Malbec c.Vigouroux – Pourvoi no 04-10.461).

• Bail rural – Droit de préemption – Nullité dubail – Absence d’autorisation d’exploiter (articleL. 331-6 du Code rural)À l’occasion de la mise en vente des biens donnésà bail à une société, cette dernière avait exercé sondroit de préemption. En réponse, les nouveauxacquéreurs avaient demandé au juge de dire que la

société était occupante sans droit ni titre en se pré-valant d’un refus définitif d’autorisation d’exploi-ter opposé à la société preneuse, de sorte qu’elleétait « occupante sans droit ni titre ». La Courd’appel avait accueilli la demande en considérantque la société exploitait irrégulièrement les terres etn’était plus titulaire d’un bail verbal lorsqu’elle avaitexercé son droit de préemption.

La Cour de cassation censure cet arrêt en jugeantque dans la mesure où à la date à laquelle la sociétéavait exercé son droit de préemption aucune actionen nullité du bail n’avait été intentée par le bailleuren raison de l’irrégularité invoquée au regard de laréglementation sur le contrôle des structures, saqualité de preneuse en place ne pouvait être remiseen cause. Par cet arrêt, la troisième chambre civileaffirme à nouveau que la sanction de l’articleL. 331-6 du Code rural est enfermée dans des condi-tions strictes qui doivent être appliquées avec unegrande rigueur (Cass. 3e civ., 20 avril 2005, SCEA deQuiriou c. Tribuilt – Pourvoi no 03-18.272).

• Bail rural – Plantations – Obligation dubailleur – Indemnisation du preneurEn vertu de l’article 1719-4o du Code civil auquelrenvoie l’article L. 415-8, le bailleur est obligé parla nature du contrat d’assurer la permanence et laqualité des plantations. Toutefois, en cas de carencedu bailleur, le preneur qui a pris l’initiative de réa-liser des travaux d’arrachage, de défonçage et dereplantation peut-il, en l’absence d’un accord dubailleur sur ces travaux ou d’une autorisation judi-ciaire, en solliciter l’indemnisation ? La Cour de cas-sation répond par l’affirmative et retient que « lestravaux d’arrachage, de défonçage et de replan-tation incombant, aux termes du bail, à la baille-resse, ne constituent pas une amélioration, maisl’obligation de la bailleresse d’assurer la perma-nence et la qualité des vignes, de sorte qu’ils nerelèvent pas de l’article L. 411-69 du Code rural ».Aussi dans une telle hypothèse, le bailleur ne peuts’exonérer de son obligation d’indemniser le pre-neur en invoquant l’absence d’autorisation don-née dans les conditions de l’article L. 415-8 (Cass.3e civ., 22 mars 2005, Veuves Juls c. Juls – Pourvoino 04-11.143).

• Remembrement – Contestation de la décisionde la Commission départementale d’aménage-ment foncier – EffetsLorsque la décision de la Commission départemen-tale d’aménagement foncier fait l’objet d’un recoursdevant le juge administratif, et que ce dernier nes’est pas prononcé définitivement, le juge judi-ciaire saisi par le nouveau propriétaire d’unedemande d’expulsion de l’ancien propriétaire restéen possession de la parcelle remembrée, doit sur-

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seoir à statuer, et ce, dans l’attente de la décisiondéfinitive à intervenir opérant transfert de pro-priété. La solution consacrée par l’arrêt, qui s’ins-crit dans le cadre de l’article L. 123-12 du Coderural, devrait permettre d’éviter bien des difficultésentre ancien et nouveau propriétaire durant lapériode délicate et incertaine au cours de laquelleles droits ne sont pas encore confortés en raison desprocédures pendantes devant les juridictions admi-nistratives (Cass. 3e civ. 8 décembre 2004, Pioche c.Grandguillot – Pourvoi no 03-16.496).

• GFA – Succession – Réduction de capital –Déchéance de l’exonération partielle des droitsde mutation à titre gratuit

Dans cette affaire, suivant acte authentique en datedu 14 décembre 1994, il avait été décidé, d’une part,la réduction du capital social d’un GFA par annu-lation de 113 parts, dont 94 parts appartenaient auxquatre héritiers d’une associée du groupementdécédée l’année précédente et, d’autre part, leretrait d’immeubles de l’actif du GFA attribués àchaque coïndivisaire au prorata de leurs droits dansle groupement. Or les parts du GFA que détenait lede cujus et qui composait sa succession bénéfi-ciait du régime d’exonération partielle des droits demutation à titre gratuit prévu par l’article 793-1-4du Code général des impôts. C’est dans ces condi-tions que l’administration fiscale a notifié aux héri-tiers la déchéance de ce régime d’exonération.Pourtant il n’était pas contesté que le GFA poursui-vait son activité et que les biens conservés étaientdonnés à bail à long terme. En outre, il était sou-tenu que les 94 parts annulées en 1994 pouvaienttrès bien être celles acquises par chacun des héri-tiers avant le décès de leur mère. La Cour de cas-sation a néanmoins considéré que c’était à bondroit que la Cour d’appel avait déduit que la condi-tion fixée par l’article 793 bis du Code général desimpôts à laquelle était subordonnée l’exonérationpartielle prévue au 4 du 1o de cet article et quiimposait que le bien restât la propriété du dona-taire, héritier et légataire pendant cinq ans à comp-ter de la date de la transmission à titre gratuit,n’était pas satisfaite et entraînait la déchéancetotale de l’exonération partielle prévue par ce texte(Cass. com., 3 novembre 2004, Durand – Pourvoino 02-14421).

• Vente d’animaux domestiques – Action engarantie

La Cour suprême a censuré la décision d’une Courd’appel qui, pour écarter la demande reconvention-nelle d’une société en annulation de la vente pourerreur sur les qualités substantielles de porcs pourla reproduction qui avaient dû être abattus, avaitrequalifié cette action en action en garantie des

vices cachés régie par les articles 1641 et suivantsdu Code civil après avoir rappelé que cette actionétait le seul fondement possible sur lequel l’acqué-reur des animaux atteints d’une maladie conta-gieuse pouvait agir. En effet, selon la Cour de cas-sation, la Cour d’appel ne pouvait statuer de la sortealors qu’il lui incombait de relever d’office quel’action en garantie dans les ventes d’animauxdomestiques est régie, à défaut de conventionscontraires, par les dispositions des articles 285 etsuivants du Code rural (Cass. 1re civ., 25 janvier2005, Sica Porcial c. Sica Rel Porc et a. – Pourvoino 01-13.101).

• Troubles de voisinage – Nuisances olfactivesCet arrêt illustre à nouveau la cohabitation, parfoisdifficile, entre agriculteurs et « néo-ruraux ». LaCour suprême a en effet confirmé la décision d’uneCour d’appel condamnant un agriculteur pour trou-bles excédant les inconvénients normaux du voisi-nage après avoir constaté qu’il existait bien des nui-sances olfactives dues à la concentration d’ani-maux dans des espaces clos, dégageant une odeurparticulièrement désagréable, « voire insupporta-ble » pour le voisinage et notamment pour l’habi-tation de l’un des voisins lorsque les vents étaientportant, soit 1/5e de l’année. Et dans la mesure oùsa maison d’habitation avait été acquise antérieu-rement à l’obtention par l’exploitant agricole d’unpermis de construire lui ayant permis d’accroîtreson élevage, ce dernier ne pouvait pas même invo-quer l’article L. 112-16 du Code de la constructionet de l’habitat selon lequel de tels dommages« n’entraînent pas droit à réparation lorsque lepermis de construire afférent au bâtiment exposéà ces nuisances a été demandé ou l’acte authen-tique constatant l’aliénation ou la prise de bailétabli postérieurement à l’existence des activitésles occasionnant dès lors que ces activités s’exer-cent en conformité avec les dispositions législa-tives ou réglementaires en vigueur et qu’elles sesont poursuivies dans les mêmes conditions »(Cass. 3e civ., 18 janvier 2005, Lonjou c. époux Mar-tel – Pourvoi no 03-18.914).

• Plantations illicites – Revendication abusived’AOC – Fausses déclarations de récolteDes agents de l’administration des douanes etdroits indirects avaient constaté, par procès-verbaux dressés les 23 octobre 1998 et 10 juillet2000, qu’un couple de viticulteurs sur des commu-nes donnant droit aux AOC Côtes-du-Rhône et Tri-castin, avaient, d’une part, déclaré plantés en vignedes surfaces en friche, des terrains cultivés en maïset des parcelles boisées, ces fausses déclarationsd’encépagement ayant permis de réduire artificiel-lement les rendements à l’hectare et d’usurper les

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AOC précitées, d’autre part, procédé à des arracha-ges sans autorisation, ensuite, planté, sans droit deplantation, des terres situées dans le périmètre deces appellations, enfin, mis sur le marché sous AOCdes excédents de vin n’y ayant pas droit. Pourconfirmer la décision de la Cour de Nîmes qui avaitdéclaré ces viticulteurs coupables de plantations illi-cites, revendications abusive d’AOC et faussesdéclarations de récoltes, la chambre criminelle dela Cour de cassation a considéré qu’en l’état de sesénonciations, exemptes d’insuffisances comme decontradiction, d’une part le règlement 1493/99/CE, du Conseil, en date du 17 mai 1999, ne mettaitpas obstacle à l’application de l’article 2 de l’ordon-nance du 7 janvier 1959, faisant obligation au juged’ordonner l’arrachage des plantations irrégulièreset, d’autre part, l’intention de commettre les infrac-tions résultait de la violation réitérée des prescrip-tions légales et réglementaires régissant les activi-tés professionnelles des prévenus (Cass. crim.,1er décembre 2004 – Pourvoi no 04-82.379).

• Bail rural – Exigence d’une véritable exploita-tion agricolePar un arrêt publié au Bulletin, la Cour de cassa-tion a posé clairement le principe selon lequel unbail rural ne peut être reconnu qu’à une personnequi exerce « une véritable exploitation agricole ».Déjà en janvier dernier (Cass. 3e civ., 11 janvier2005, Amiand c. Billet et a. – Pourvoi no 03-16.753),la Cour suprême avait, par un arrêt de non-admission, confirmé la décision d’une Cour d’appelqui avait écarté l’application du statut du fermageà une location de diverses parcelles et refusé enconséquence le bénéfice du droit de préemption aulocataire après avoir relevé que leur activité consis-tait à récolter le fourrage nécessaire à l’entretien deleurs chevaux et ne pouvait, à ce titre être qualifiéed’activité agricole. Cette fois-ci encore, la Cour decassation a confirmé la thèse des juges d’appel,mais par un arrêt motivé, aux termes duquel elle aeffectivement considéré que le locataire ne pouvaitse prévaloir d’un bail rural sur le terrain litigieuxdans la mesure où, exploitant un camping, il ne jus-tifiait d’aucune vente ni d’achat de bête, que l’étatde son cheptel n’avait pas évolué entre le 1er jan-vier et le 31 décembre 2001, et qu’enfin il n’expli-quait pas dans quel but il disposait de ces bovins.La Cour de cassation semble donc à présent beau-coup plus rigoureuse sur le respect de l’une desconditions du bail rural tenant à la réalisation d’uneactivité agricole. Si cette jurisprudence n’écarte pasd’emblée du statut du fermage toutes les locationsconsenties à des personnes qui ne seraient pas agri-culteurs de profession, elle exige de vérifier scru-puleusement la consistance de l’exploitation dulocataire avant de se prononcer sur l’existence ounon d’un bail rural (Cass. 3e civ., 23 mars 2005,

Époux Verlet c. Bertheloot – Pourvoi no 04-11.345,Revue des loyers 2005, p. 335, note B. Peignot ; Gaz.Pal., Rec. 2005, som. p. 2798).

• Bail commercial – Procédure – Occupation dudomaine privé de l’État – Juge judiciaire –CompétenceLa Cour de cassation vient encore de préciser lacompétence du juge judiciaire en matière d’occu-pation du domaine privé de l’État. Cassant l’arrêtde la Cour d’appel qui s’était déclarée incompé-tente, la Cour suprême a, au visa de la loi des16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III,affirmé que la circonstance qu’une clause déroge austatut des baux commerciaux en conférant uncaractère précaire au droit concédé à l’occupant nesuffit pas à lui seul à la qualifier de clause exorbi-tante et que la nature d’un contrat ne peut sedéduire d’une clause attributive de compétence àla juridiction administrative (Cass. 3e civ., 2 février2005, Office national des forêts c. Mme Nijean –Pourvoi no 03-18.199 ; en sens contraire Cass. 3e

civ., 9 mars 2005, Courtois, ci-dessus, p. 10).

• Bail commercial – Biens agricoles – Conflitentre usufruitiers et nus-propriétairesLes usufruitiers de parcelles agricoles souhaitaientdonner à bail commercial à une entreprise cinqhectares de terrain en vue de la construction et del’exploitation d’une plate-forme de compostage dedéchets organiques. Certains nus-propriétairess’étaient alors opposés à ce projet. Par applicationde l’article 595, alinéa 4 du Code civil, les juges dufond, saisis d’une demande en ce sens par les usu-fruitiers ont pu, à bon droit selon la Cour de cas-sation, autoriser ces derniers à conclure seuls le bailcommercial litigieux après avoir estimé que celui-cine portait pas atteinte à la substance de la choseconformément à l’article 578 du Code civil. La Courd’appel avait, en effet, constaté que le bail en causeobéissait à la nécessité d’adapter les activités agri-coles à l’évolution économique et à la réglementa-tion sur la protection de l’environnement, qu’enoutre ledit bail ne dénaturait ni l’usage auquel lesparcelles étaient destinées ni leur vocation agri-cole, et qu’enfin il était profitable à l’indivision etne portait pas atteinte aux droits des nus-propriétaires dans la mesure où la société preneuses’engageait en fin de bail à remettre les lieux dansleur état d’origine (Cass. 3e civ., 2 février 2005,Letierce c. Consorts Letierce – Pourvoi no 03-19.729).

• Indivision post-communautaire – Apport ensociété par un indivisaire – OpposabilitéLa cession d’un bien indivis par un seul indivisaireest opposable aux coïndivisaires à concurrence de

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la quote-part de son auteur de sorte que c’est àjuste titre, selon la Cour de cassation, que la Courd’appel a déclaré inopposables aux coïndivisairesles apports d’une veuve à une SCEA, en ce sensqu’ils portaient sur la moitié indivise du matérielagricole et des valeurs mobilières provenant de lacommunauté existant entre elle et son épouxdécédé. En outre, les droits de la veuve s’élevant àune moitié en pleine propriété et à une moitié enusufruit, la Cour d’appel a justement décidé dedébouter une des coïndivisaires de sa demande enpaiement au titre de la vente du cheptel dépen-dant de l’indivision dès lors que les comptes devai-ent être opérés à la fin de l’usufruit en fonction del’évolution du cheptel et de la politique agricolecommune, et ce conformément à l’article 616 duCode civil (Cass. 1re civ., 5 avril 2005, Mme Milley c.Consorts Michaut et a. – Pourvoi no 02-15.459).

• Safer – Décision de rétrocession – ContrôlejuridictionnelIl est, à nouveau, rappelé que les tribunaux judi-ciaires n’ont pas le pouvoir d’apprécier l’opportu-nité de l’exercice de la préemption et de la rétro-cession mais seulement la légalité des décisions dela Safer. Est seulement justifiée au regard des objec-tifs définis par l’article L. 143-3 du Code rural, ladécision de rétrocession prise après préemptionmotivée par l’agrandissement de quatre exploita-tions agricoles voisines, disposant d’îlots de cul-ture contigus, et par l’amélioration de la réparti-tion parcellaire. Enfin, la Safer doit seulement noti-fier la décision de rétrocession à l’acquéreur évincépar la préemption et au candidat à l’attribution nonretenu avec indication des motifs ayant déterminéle choix qui avait été fait. En revanche, elle n’a pasà informer ce dernier des raisons pour lesquellesd’autres candidatures ont été privilégiées par rap-port à la sienne (Cass. 3e civ. 7 décembre 2004, LeBoulanger c. Safer – Pourvoi no 03-16.751).

• Safer – Exercice du droit de préemption –Droit de préemption concurrent d’une com-muneLa concurrence entre le droit de préemption de lacommune et celui de la Safer ne va pas sans poserdes difficultés parfois inextricables notamment dupoint de vue de la compétence juridictionnelle.

En vertu des dispositions particulières du Codede l’urbanisme L. 142-3, L. 142-4, R. 142-8 et R. 142-10, le maire d’une commune peut, soit exercer, pardélégation, le droit de préemption du département,soit exercer lui-même, au nom de la commune, undroit de préemption propre, à défaut du départe-ment. Lorsqu’il n’est pas contestable que la com-mune a agi en « qualité de délégataire du prési-dent du Conseil général », la décision prise par le

maire en cette qualité est opposable à la Safer et lejuge judiciaire est compétent pour en déduire lesconséquences sur la vente sans avoir à renvoyer lesparties devant le juge administratif pour apprécierla légalité de la décision (Cass. 1re civ., 8 mars 2005,Safer Île-de-France c. Caisse des Dépôts et Consi-gnations – Pourvoi no 02-21.574).

• Safer – Rétrocession – Contrôle juridictionnelL’opération de rétrocession qui constitue souventl’aboutissement de la mission de la Safer, est par-fois source de conflits, lorsque plusieurs candidatssont intéressés par les terrains proposés : il est vraique la décision de rétrocession, si elle satisfait lecandidat retenu, mécontente ceux qui n’ont pas étéretenus, qui n’ont alors de cesse d’en obtenirl’annulation. C’est là qu’intervient le contrôle juri-dictionnel.

L’arrêt commenté a le mérite de rappeler quel-ques principes directeurs en la matière. D’une part,les juges judiciaires n’ont pas le pouvoir d’appré-cier l’opportunité des décisions de rétrocession pri-ses par les Safer, mais seulement leur légalité ;d’autre part, s’ils doivent vérifier cette légalité auregard des conditions réglementaires posées en lamatière, s’agissant en particulier de la vocation ducandidat à bénéficier d’une rétrocession, les jugesn’ont pas à ajouter aux textes des conditions qu’ilsne postulent pas s’agissant en particulier des condi-tions que l’agriculteur dont l’installation est envi-sagée doit remplir : à cet égard, les textes n’impo-sent pas qu’au jour où la Safer prend sa décisionde rétrocession le candidat à l’installation doit rem-plir les conditions pour s’installer immédiatement(Cass. 3e civ., 23 février 2005, Jalade c. Safalt – Pour-voi no 04.10.948).

Impôt sur la fortune – Bien professionnel –Exploitation agricole – PreuveIl convient d’apporter la preuve de l’exercice d’uneprofession agricole pour qualifier des biens agrico-les de professionnels au sens de l’article 885 N duCode général des impôts. Tel n’est pas le cas ducontribuable qui, outre une insuffisance des reve-nus agricoles que ce dernier a déclarés, ne justifieni de l’existence d’une clientèle, ni de son inscrip-tion à un organisme professionnel ni de la pré-sence de matériel agricole lors du contrôle effectuépar l’administration (Cass. com., 8 mars 2005 –Pourvoi no 02-13.373).

• Salaire différé – Preuve – Attribution préfé-rentielleLa Cour de cassation a jugé que c’était dans l’exer-cice de son pouvoir souverain qu’une Cour d’appelavait estimé que le descendant d’un exploitant agri-cole avait rapporté la preuve, qui lui incombait, de

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l’absence de rémunération de sa participation àl’exploitation paternelle, conformément à l’articleL. 321-13 du Code rural, après avoir notammentrelevé qu’une rémunération à son profit aurait étéd’autant plus invraisemblable qu’à la différence deson frère et de sa sœur, plus jeunes que lui, les-quels se sont vus reconnaître une créance de salairedifféré, il aurait bénéficié seul d’une rémunération.Et c’est tout aussi justement que la Cour d’appel adécidé que ledit descendant pouvait prétendre àl’attribution de certaines parcelles de terre, en rete-nant que l’exploitation qui lui avait été donnée àbail constituait une unité économique, car, eu égardà la culture pratiquée, elle était d’une superficietrop importante pour permettre son attribution pré-férentielle de droit, et, qu’économiquement viable,un partage en nature l’aurait fait disparaître (Cass.1re civ., 25 janvier 2005, Consorts Bretaudeau c. Bre-taudeau – Pourvoi no 03-15.341).

• Commune – Section de communeLes biens à vocation rurale et pastorale attribuésaux sections de commune sont soumis à une ges-tion particulière prévue par les articles L. 2411-2 etsuivants du Code général des collectivités territo-riales. En principe, sauf exception, c’est la commis-sion syndicale qui décide des actions à intenter ouà soutenir au nom de la section.

Toutefois, en l’absence de constitution régulièred’une commission syndicale, il appartient auconseil municipal conjointement avec les deux tiersdes électeurs de la section de demander au préfetle transfert à la commune des droits et obligationsde la section. Aussi, si cette procédure n’a pas étéexécutée, ni le maire, ni le conseil municipal nesont habilités à représenter la section de Serre enjustice.

Aussi, la Cour de cassation a-t-elle approuvé laCour d’appel qui avait déclaré irrecevable pourdéfaut de qualité à agir l’action de la section de lacommune représentée par son maire tendant àobtenir du juge qu’il annule l’acte de mutationd’une parcelle, alors que la commission syndicalen’avait pu être constituée (Cass. 1re civ., 8 mars2005, Section de Serre c. Grange – Pourvoi no 03-10.396).

• Destruction des nuisibles – Arrêté du 8 juillet2003 – Recours en annulationPlusieurs associations de protection de la naturerecherchaient dans cette affaire l’annulation pourexcès de pouvoir de l’arrêté interministériel du8 juillet 2003, relatif à la lutte contre le ragondin etle rat musqué et, en particulier, aux conditions dedélivrance et d’emploi d’appâts empoisonnés. Tou-tefois, la Haute juridiction a estimé qu’eu égardnotamment à l’intérêt public qui s’attache à la lutte

contre le ragondin et le rat musqué, tant du pointde vue de la santé humaine que de la préservationdes cultures et des digues et ouvrages hydrauli-ques, cet arrêté n’était pas entaché d’erreur mani-feste d’appréciation, étant observé que l’ingestiondes appâts par d’autres espèces était rendue plusdifficile par leur placement sur des radeaux aumilieu des cours d’eau. Sur le moyen tiré de laméconnaissance des objectifs de la directive Habi-tats, le Conseil d’État a pu rappeler que ni le ragon-din ni le rat musqué ne bénéficiaient d’une protec-tion particulière qui eût empêcher d’organiser larégulation de leur population (Cons. d’État,6 décembre 2004, Association pour la protection desanimaux sauvages et autre – Req. nos 260438 et260442).

• Recours contre le décret no 2002-1486 du20 décembre 2002 relatif à la gestion du poten-tiel de production viticole − Illégalité (non)À la suite du règlement communautaire no 1493 du17 mai 1999 portant Organisation commune dumarché vitivinicole, le décret du 20 décembre 2002a décidé la création et la mise en place d’uneréserve nationale pour acquérir et céder les droitsde plantation dont la gestion est confiée à l’Oni-vins. Des opérateurs intervenant sur le marché dutransfert des droits de plantation avaient invoquél’illégalité de ce décret en soutenant une violationpar ce décret qui créait un monopole en faveur del’Onivins, des règles nationales de la concurrenceet du principe d’égalité.

Le Conseil d’État a balayé ces moyens de droit enrelevant que le décret n’avait fait que tirer lesconséquences des règles édictées par le règlementcommunautaire portant organisation commune dumarché vitivinicole.

C’est dire l’emprise de la réglementation euro-péenne, au regard de laquelle les règles nationalesne sont plus que résiduelles, et échappant demanière générale, à tout véritable contrôle juridic-tionnel – quel que soit l’impact économiquequ’elles peuvent avoir (Cons. d’État, 7 mars 2005,AFTV et Malinge, Req. no 254397).

• Bail rural – Décès du preneur – Poursuite dubail – Autorisation d’exploiterAprès le décès de la preneuse, qui disposait d’unbail rural à long terme sur un ensemble de parcel-les d’une superficie d’environ 120 hectares, lasociété bailleresse a fait notifier à sa fille la résilia-tion du bail en application des dispositions de l’arti-cle L. 411-34 du Code rural. La fille de la preneuse,désirant poursuivre l’exploitation, a alors saisi leTribunal paritaire des baux ruraux pour faire annu-ler cette résiliation et dire que le bail continuait àson profit. Certes les juges du fonds ont pu cons-

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tater que la fille était en situation irrégulière auregard de la réglementation relative au contrôle desstructures, car c’était bien elle et non la société,dans le cadre de laquelle elle exploitait les terrainsavec sa mère, qui devait être autorisée à exploiter.Toutefois la Cour d’appel a considéré qu’elle n’étaitpas en situation interdite car le respect des dispo-sitions en matière de contrôle des structures devaittrouver sa sanction dans le cadre de l’exécution dubail qui se trouvait continué et ne pouvait consti-tuer un obstacle absolu au transfert du bail dans lamesure où la société titulaire de l’autorisation necomportait qu’une associée bénéficiaire de la conti-nuation du bail.

La Cour de cassation a censuré cette décision,reprochant à la Cour d’appel de ne pas avoirrecherché, au besoin d’office, si une demanded’autorisation d’exploiter avait bien été présentéepar la fille de la preneuse qui avait seule vocation àpoursuivre le bail à la suite du décès de sa mère(Cass. 3e civ., 13 juillet 2005, SCI de Chatonville c.Cuverville, pourvoi no 04-12265, Revue des Loyers,octobre 2005, obs. B. Peignot).

• Bail rural – Congé – GFR – Détention fami-liale du capitalL’article L. 411-60 du Code rural subordonne à cer-taines conditions le droit de reprise des personnesmorales en vue d’éviter les fraudes. En premier lieu,les personnes morales ayant un objet agricole nepeuvent reprendre le bien affermé que si celui-cileur a été apporté en propriété ou en jouissanceneuf ans au moins avant la date du congé et l’arti-cle L. 411-60 indique clairement qu’il faut se pla-cer à la date du congé pour apprécier la conditionde délai. Toutefois le délai de neuf ans prévu parl’alinéa 1er de l’article L. 411-60 n’est pas exigé dessociétés constituées entre conjoints, parents oualliés jusqu’au quatrième degré inclus. Mais à quelledate convient-il de se placer pour apprécier lecaractère familial du groupement foncier agricole ?À cette question, la Cour de cassation répond qu’ilconvient de se placer à la date du congé donné parla personne morale et non à celle pour laquelle lecongé a été donné. Aussi a-t-elle confirmé la déci-sion des juges d’appel qui avaient prononcé la nul-lité du congé délivré par un groupement foncierrural qui ne constituait pas une société de familleà la date de la délivrance des deux congés aumétayer, le GFR n’ayant acquis ce caractère que lemois suivant (Cass. 3e civ., 15 juin 2005, GFRDomaine du Grand Chaumont et autre c. Filidei –Pourvoi no 04-10504).

• Bail rural – Droit de préemptionSi l’acceptation par le preneur de l’offre de ventequi lui est faite par le propriétaire dans les condi-

tions de l’article L. 412-8, alinéa 2 du Code rural,rend la vente parfaite, aucune des parties ne peut,à défaut d’acceptation de cette offre, obliger l’autreà conclure la vente au prix fixé judiciairement. Rap-pelant ce principe, la Cour de cassation a confirméla décision des juges d’appel qui, ayant relevé quela propriétaire avait, dès l’audience devant le Tri-bunal paritaire des baux ruraux, contesté le droit depréemption du preneur et, subsidiairement, indi-qué qu’elle renonçait à la vente, ont retenu qu’elleavait expressément retiré l’offre qu’elle avait étécontrainte de faire et que dès lors le seul fait que leTribunal eut fixé le prix de vente au montant ini-tialement proposé, montant alors accepté par le fer-mier, ne pouvait faire revivre l’offre précédemmentretirée par la propriétaire. La propriétaire devaitdonc être admise à renoncer à la vente en applica-tion de l’article L. 412-7 du Code rural (Cass. 3e civ.,19 janvier 2005, Leymarie c. Miquel – Pourvoi no 03-16899).

• Bail rural – Droit de préemptionAux termes de l’article L. 412-8 du Code rural, lepreneur doit notifier personnellement au proprié-taire et dans le délai de deux mois son intentiond’acquérir le bien loué mis en vente. Aussi l’envoipar le preneur d’une lettre recommandée au notairepour l’informer de son désir de faire valoir son droitde préemption ne peut pallier l’absence de notifi-cation aux propriétaires eux-mêmes dès lors qu’iln’est pas démontré que le notaire disposait d’unmandat de gérer la propriété du propriétaire (Cass.3e civ., 14 juin 2005, Bonnet c. Jouanin – Pourvoino 04-14738).

• Bail rural – Défaut de paiement – Résiliation– Action en fixation du prix – Défaut d’arrêtéLorsque le montant du fermage du type d’exploi-tation loué n’a pas donné lieu à arrêté préfectoralà l’époque de la conclusion du bail, la valeur loca-tive peut notamment être déterminée à la lumièredes situations locales, des usages professionnels etdes minima et maxima applicables à ce typed’exploitation dans les départements voisins (Cass.3e civ., 18 mai 2005, Glevarec c. Miossec – Pourvoino 04-11758).

• Bail rural – Indivision – Mise en demeure depayer les fermages délivrée par des co-indi-visaires – Acte conservatoire – Action en résilia-tion du bailDeux époux avaient donné à bail à leur fils undomaine agricole. Après leur décès, les sœurs dupreneur, avec lesquelles il se trouvait alors en indi-vision, lui avaient délivré deux mises en demeureportant sur deux termes de fermage demeurésimpayés, et avaient ensuite obtenu du Tribunal la

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désignation d’un mandataire ad hoc afin de pour-suivre pour le compte de l’indivision la résiliationdu bail. Pour confirmer la décision de la Courd’appel qui avait prononcé la résiliation du bail, laCour de cassation a considéré que c’était à bondroit qu’elle avait énoncé que les mises en demeurede payer les fermages constituaient des actesconservatoires pouvant être délivrées par un seulindivisaire, et relevé que l’action en résiliation dubail à ferme avait été introduite par un mandatairead hoc désigné, en vertu de l’article 815-6 du Codecivil (Cass. 3e civ., 15 juin 2005, Bru c. Mailhac et a.– Pourvoi no 03-21.061, Revue es loyers, octobre2005, obs. B. Peignot).

• Bail rural – Promesse – Autorisation d’exploi-ter – Validité du bail

Rappelant que si le preneur est tenu d’obtenir uneautorisation d’exploiter, le bail est conclu sousréserve de l’octroi de ladite autorisation, la nullitédu bail ne pouvant être encourue que pour défautde demande d’autorisation d’exploiter dans le délaiimparti par le préfet ou dans le cas d’un refus défi-nitif d’autorisation, la Cour suprême a confirmé ladécision de la Cour d’appel qui, pour retenir quele preneur ne remplissait pas les conditions exi-gées par la loi pour prétendre à la validité du bail,avait relevé qu’aucun arrêté n’avait fait droit à sademande, l’arrêté autorisant la société du bénéfi-ciaire à exploiter les parcelles visant une personnejuridiquement distincte de ce bénéficiaire. Une foisencore, la Cour de cassation manifeste sa sévéritéquant à l’identité du destinataire de l’autorisationd’exploiter qui doit correspondre à celle du béné-ficiaire de la promesse de bail, ou plus largement àcelle du bénéficiaire de la reprise, du candidat à lacession ou du descendant qui poursuit le bail en casde décès du preneur (Cass. 3e civ., 28 juin 2005,Plessard c. Debeuret – Pourvoi no 01-11.741).

• Bail rural – Attribution préférentielle – Unitééconomique

la Cour de cassation a pu récemment affirmer queles terres objets d’un bail rural doivent être prisesen compte dans l’appréciation de la condition rela-tive à l’unité économique nécessaire au bénéfice del’attribution préférentielle. En effet, en prévoyant lecas où le demandeur à l’attribution préférentielleest déjà propriétaire ou copropriétaire avant ledécès d’une partie des biens formant une unité éco-nomique, l’article 832, alinéa 3 du Code civiln’exclut pas selon elle l’hypothèse où il bénéficie-rait d’un bail rural. Aussi la Cour d’appelméconnaît-elle cet article, en déboutant un exploi-tant agricole, venant par représentation de son pèredans la succession, de sa demande d’attributionpréférentielle aux motifs qu’il n’était propriétaire,

sur les 160 hectares qu’il exploitait, que de 46 areset 60 centiares et ne possédait pour le surplus quedes droits locatifs (Cass. 1re civ., 18 mai 2005, Féronc. Indivision Féron, pourvoi no 02-13.502).

• Bail rural – Action en répétition des sommesindûment payées

Par un arrêt récent, la Cour de cassation vient deconfirmer l’actualité de l’article L. 411-74 du Coderural, dont l’application avait paru pouvoir êtretempérée par un arrêt du 30 octobre 2003. La Courd’Amiens avait déjà estimé que, lorsque les biensmobiliers cédés étaient surévalués à l’occasion duchangement d’exploitant, il appartenait au pre-neur entrant de démontrer l’existence d’unecontrainte exercée et une intention délictuelle. Enrevanche, l’action en répétition de sommes d’argentou de valeurs dont la délivrance ne trouvait pas sasource dans une surévaluation des biens mobilierscédés devait selon elle être accueillie dès lors queleur remise et le caractère non justifié de celles-ciétaient établis, l’article L. 411-74, alinéa 1er n’exi-geant pas dans ce dernier cas l’exercice d’unecontrainte et incriminant le seul fait d’avoir obtenuune remise non justifiée d’argent ou de valeursindépendamment du comportement de son béné-ficiaire (C. Amiens, 24 mars 2005, Vicaine Baudoinc. Gru, RG no 03/02207). La Cour d’appel d’Amiensopérait donc une distinction entre les sommes ver-sées trouvant leur source dans la surévaluation desbiens mobiliers cédés et les autres sommes. Orl’arrêt Pellegrini rendu le 22 octobre 2003 par laCour de cassation (Cass. 3e civ., 22 octobre 2003,pourvoi no 02-14.279) n’opérait pas une telle dis-tinction en jugeant que l’action en répétition dessommes trop versées prévue par l’article L. 411-74du Code rural intentée par le preneur sortant, àl’occasion de la cession de l’actif de l’exploitationet de la conclusion d’un nouveau bail par le pre-neur entrant, ne pouvait être accueillie dès lors qu’ilétait établi que ce dernier avait disposé de tous leséléments lui permettant de procéder à ses propresévaluations et ne se trouvait pas en situation d’êtrecontraint d’accepter ou de refuser les offres faites.

Avec sa décision du 15 juin 2005, la Cour de cas-sation accrédite la thèse retenue par la Courd’Amiens, puisqu’elle confirme la décision des jugesd’appel qui avaient exactement déduit, selon elle,qu’au moment du changement d’exploitants, lesconventions passées entre le preneur sortant et lepreneur entrant mettant le prix des améliorationsculturales d’un montant de 480.000 F à la charge dece dernier étaient illicites et lui ouvraient droit à larépétition des sommes indûment versées, sansqu’elle eût été tenue de rechercher si une contrainteavait été exercée sur le preneur sortant ou si le pre-neur sortant était animé d’une intention délictuelle.

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Si l’on ne peut véritablement parler de revire-ment, la Cour de cassation affine sa jurisprudenceen opérant pour le moins une distinction entre lessommes versées trouvant leur source dans la suré-valuation des biens mobiliers cédés au moment duchangement d’exploitant et les sommes versées parle preneur au titre des améliorations apportées aufonds à cette même époque.

En effet, à la suite d’une cession d’exploitation etde la conclusion d’un bail, les nouveaux exploi-tants qui avaient versé aux cédants une impor-tante somme à titre d’amélioration du fond enavaient sollicité la restitution. Ces derniers avaientcontesté la recevabilité de l’action en soulevant queles nouveaux exploitants avaient acquis une partiedes terres constituant l’exploitation considérée, cequi excluait toute qualité pour agir ultérieurement.Toutefois, il était établi que les cédants avaient agiet sollicité la remise des fonds incriminés, tant à lafois en leur qualité de bailleurs pour des terres dontils étaient propriétaires et de preneurs sortant pourdes terres qui avaient été de nouveau données àbail aux cessionnaires. Aussi, l’action en répétitionétait bien recevable, peu important qu’une partiedes terres eût été acquise par les nouveaux exploi-tants. L’action était encore bien fondée, dès lors queles améliorations culturales ne sont dues au pre-neur sortant que par le seul bailleur, et que lesconventions mettant le prix des améliorations à lacharge du preneur entrant sont illicites et ouvrentainsi droit pour ce dernier à la répartition des som-mes indûment versées (Cass. 3e civ. 15 juin 2005,Cocatrix c. Carlu – Pourvoi no 04-10.740, Revue desloyers , octobre 2005, obs. B. Peignot).

• Produit agricole – Dénigrement – Responsabi-lité – PresseÀ la suite d’une campagne viticole difficile, l’Unioninterprofessionnelle des vins du Beaujolais avaitdemandé aux pouvoirs publics l’autorisation detransformer une importante quantité de vins envinaigre ou en alcool pour anticiper une baisse dela consommation.

Dans ce contexte particulier, un magazine avaitpublié un article d’un journaliste reproduisant despropos sévères et infamants d’un expert sur le com-portement des producteurs du Beaujolais n’hési-tant pas à affirmer que « la plupart des viticul-teurs faisaient de la vigne pour produire unmaximum de vins » et plus encore « les viticul-teurs du Beaujolais… étaient tout à fait cons-cients de commercialiser un vin de… ».

De tels propos considérés à juste titre commeoutrageants pour la profession viticole n’étaient-ilspas de nature à justifier une réparation ne serait-ceque morale au profit des syndicats des produc-

teurs ? La Cour de cassation – par l’arrêt visé – apourtant refusé de sanctionner le journaliste et lemagazine.

Certes, sur le terrain du droit de la presse, et plusparticulièrement de la diffamation réprimée parl’article 29 de la loi du 29 juillet 1981, la causeparaissait perdue : en effet, il est admis – et l’arrêtle rappelle précisément – que les appréciationsmême excessives touchant les produits, les servi-ces ou les prestations d’une entreprise industrielleet commerciale, n’entrent pas dans les prévisionsde ce texte, dès lors qu’elles ne concernent pas lapersonne physique ou morale.

Et pour conforter sa position, la Cour de cassa-tion a relevé que les allégations critiquées ne por-taient pas atteintes à l’honneur ou à la réputationattachée à la personne des adhérents des syndicatsdemandeurs et que seul un produit était mis encause.

On peut cependant exprimer quelques réservessur cette motivation quand on sait que l’articleincriminé met directement en cause la techniqueviticole et les pratiques œnologiques conduites parles viticulteurs reprochant à ces derniers de pro-duire « une sorte de jus de fruit légèrement fer-menté et alcoolisé ».

Mais c’est surtout sur le plan du droit civil de laréparation que l’arrêt pose question, n’hésitant pasà censurer la Cour d’appel qui – pour retenir lafaute du magazine et de l’expert engageant leur res-ponsabilité – avait rappelé que le droit de libre cri-tique impliquait lorsqu’il portait sur un produit laplus grande objectivité possible et qu’en l’espècel’article incriminé caractérisait un dénigrement fau-tif portant une atteinte disproportionnée à la répu-tation des vins du Beaujolais.

La Cour suprême a considéré – de manière bru-tale – invoquant le droit de libre critique etd’expression posé par l’article 10 de la Conventioneuropéenne des droits de l’homme, que la publica-tion de critiques même sévères, concernant un vinne pouvait constituer une faute dans le contexted’un débat public portant sur l’opportunité d’unesubvention de l’État bénéficiant aux viticulteurs àla suite de la décision de transformer une partie dela récolte en vinaigre ou en alcool ainsi que sur larecherche des causes d’une surproduction.

Quel que soit le contexte de l’époque les produc-teurs de Beaujolais ne méritaient certainement pasune telle sévérité de la part de la Haute juridictiond’autant plus que quelques mois auparavant elleavait pris un virage radicalement contraire (Cass. 3e

civ., 16 juin 2005, Soc. Lyon Mag c. Union Interpro-fessionnelle des vins de Beaujolais, pourvoi no 03-18.622).

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• Safer – Exercice du droit de préemption –Obligations pour la Safer d’exercer son droit –Responsabilité (non)Quelle que soit la mission dont elle se trouve inves-tie par la loi, une Safer ne saurait être tenue d’exer-cer son droit de préemption pour satisfaire les inté-rêts d’un exploitant désireux d’améliorer la renta-bilité de son exploitation.

L’arrêt présente à cet égard un intérêt certain enrappelant que dans le cadre de la mission decontrôle qui lui est impartie, le juge judiciaire n’apas la faculté d’enjoindre à une Safer d’exercer sondroit de préemption, ni le pouvoir d’apprécierd’exercer ou non ce droit. Aussi, hormis le cas oùune intention de nuire serait établie à la charge dela Safer, cette dernière ne commet aucune fautesusceptible d’engager sa responsabilité, en s’abste-nant d’exercer son droit de préemption lors d’unevente de biens ruraux dont les conditions lui ont éténotifiées (Cass. 3e civ., 18 mai 2005, Astolfi / Sogap– Pourvoi no 03-21.187).

• Safer – Exercice du droit de préemption –Notification de la décision de la SaferOn sait que pour préserver dans toute la mesure dupossible les droits des exploitants intéressés, lesdécisions de préemption et de rétrocession sontenfermées dans un formalisme rigoureux et peu-vent faire l’objet d’un recours en appréciation deleur légalité devant le tribunal de grande instancedans les six mois à compter du jour où ces déci-sions motivées ont été rendues publiques.

La publicité des décisions de la Safer obéit à deuxmodalités, d’une part, elles doivent être notifiées,en particulier au notaire chargé de la vente et àl’acquéreur évincé, par lettre recommandée avecaccusé de réception, d’autre part, elles doivent êtreaffichées en mairie.

Prétextant que la décision de la Safer ne lui avaitpas été personnellement notifiée, l’acquéreur évincés’était prévalu de cette irrégularité pour soutenirque la décision était nulle, et la Cour d’appel luiavait donné raison en retenant que la lettre recom-mandée − qui avait bien été adressée à la Safer −n’ayant pas été remise à la personne même du des-tinataire(lequel absent, l’avait de plus laissé en souf-france au bureau de Poste, de sorte qu’il avait étéretourné à l’expéditeur à l’expiration du délai decarence), la Safer n’avait pu valablement notifier àl’acquéreur évincé la décision de préemption dansle délai prévu par la loi.

Mais, la Cour de cassation n’a pas eu de peine àsanctionner cette surprenante position de la Courd’appel en retenant que dès lors qu’il était établique la Safer avait bien notifié sa décision dans ledélai de quinze jours à l’acquéreur évincé, par let-

tre recommandée avec accusé de réception, il n’yavait pas lieu d’ajouter à la loi une condition deremise à personne de la lettre recommandée, quel’article 668 du nouveau Code de procédure civilene comporte pas.

Et s’agissant d’un domaine non juridictionnel, lesexigences de la notification à personne nécessitantune signification par voie d’huissier lorsque le des-tinataire de la lettre ne l’a pas réclamée, étaient àl’évidence inapplicables. À défaut, il suffirait des’abstenir de retirer la lettre de notification restéeen souffrance au bureau de Poste pour faire pesersur la décision de préemption de la Safer une pré-somption d’irrégularité « Nemo auditur propriamturpitudinem allegans ! » (Cass. 3e civ., 15 juin2005, Safer Lanquedoc Roussillon c. Boher – Pour-voi no 04-10.701).

• Gaec – Associés vivant maritalementS’il est possible pour deux associés vivant marita-lement de se trouver seuls à la tête d’un Gaec lors-que celui-ci a été constitué antérieurement à la loide modernisation de l’agriculture du 1er février 1995conformément à l’article L. 323-2 dernier alinéa duCode rural, selon lequel les Gaec constitués à comp-ter de la publication de cette loi ne peuvent êtrecomposés de deux personnes vivant maritalementqui en seraient les seuls associés (en ce sens, Cons.d’État, 14 mars 2001, Gaec de la Baie, RD rur. 2001,254 et 431), une telle association devient interditeaprès ladite loi. C’est ce qu’a pu récemment rap-peler le Conseil d’Etat en confirmant la décision duComité national d’agrément des Gaec qui avait luimême confirmé la décision d’un Comité départe-mental d’agrément qui avait précisément retirél’agrément d’un Gaec composé d’un agriculteur,associé depuis le 1er avril 1994 et de sa concubine,agréée en qualité de nouvelle associée le 31 décem-bre 2002, soit postérieurement à la loi du 1er fé-vrier du 1er février 1995 (Cons. d’État, 20 décembre2004, Gaec de Pen Ar’chars, req. no 258378, publiéaux Tables du Recueil).

• Quotas laitiers – Dépassements des quantitésde référence – Dette relative aux prélèvementssupplémentaires – PrescriptionL’article 2277 du Code civil qui prescrit notam-ment par cinq ans les actions en paiement de det-tes payables à des termes périodiques ne s’appli-que pas à la dette relative aux prélèvements sup-plémentaires réclamés au titre de dépassements desquantités de référence laitière, en raison de soncaractère éventuel qui exclut qu’elle puisse avoir uncaractère périodique (Cass. 1re civ., 14 juin 2005,Lactalis Gestion Lait c. Communier, pourvoi no 01-11.741).

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• Contrôle des structures – Bail rural – Reprisepour installation – Viabilité économique del’exploitation du métayer – Situation juridiquedes terresPar un jugement du 27 mai 2005, le Tribunal admi-nistratif de Montpellier a censuré la décision dupréfet de l’Hérault qui avait refusé d’accorder à unGFA l’autorisation d’exploiter 69,32 ha de terres etde vignes lui appartenant. Le Tribunal administra-tif lui a en effet reproché de s’être fondé sur la seulecirconstance que la viabilité économique del’exploitation du preneur ne serait plus assurée sil’autorisation était accordée, sans examiner le bienfondé et l’éventuel caractère prioritaire du projetd’installation de l’un des associés du GFA, ni lasituation juridique dans laquelle se trouvait le pre-neur vis à vis des terres en cause, étant observé quele Tribunal paritaire des baux ruraux de Nîmes avaitprononcé le 14 décembre 2001 la résolution desdeux baux consenti par le GFA au preneur (Trib.adm. Montpellier, 27 mai 2005, req. no 0200889).

• Biens des sections d’une commune – Règle-ment fixé par le conseil municipal – Locationdes biens sectionnaux – Décision d’allotisse-mentLe Tribunal administratif de Montpellier a annuléla délibération d’un conseil municipal adoptant lerèglement des biens de sections de la commune quiposait, pour la première catégorie d’ayant droit, le

double critère cumulatif de domicile réel et fixe etde possession d’un cheptel hiverné sur la section,alors que l’article L. 2411-10 du Code général descollectivités territoriales prévoit que ces critèressont alternatifs (Trib. adm. Montpellier, 19 octobre2004, Nègre et autres c. Commune de Nasbinals,requête no 0203256).

• Servitude de vue droite – Stationnement devéhicule – Non-assimilation à la création d’unevue

On le sait, la Cour de cassation veille à assurer laplus grande protection du droit de propriété. Aussia-t-elle pu récemment rappeler que le propriétairedu fonds grevé d’une servitude de vue droite estseulement tenu de ne pas édifier de construction àmoins de dix-neuf décimètres du mur où l’ouver-ture se fait et annuler, au visa des articles 678 et 544du Code civil, la décision d’une Cour d’appel quiavait retenu que le fait pour le propriétaire du fondsservant de stationner son véhicule à une distanceinférieure à 1,90 mètre de la fenêtre de ses voisinsdevait être assimilée à la création d’une vue cons-tituant un trouble possessoire, ce qui est pour lemoins excessif ! (Cass. 3e civ., 13 juillet 2005, Sanzc. Albanese – Pourvoi no 04-13.137, à paraître auBulletin).

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Jurisprudence

COUR DE CASSATION (2e CH. CIV.)22 FÉVRIER 2005PRÉSIDENCE DE M. DINTILHAC

ASSURANCES SOCIALES

Prestations maladie – Indemnités journalières –Cumul d’activités – Poursuite d’une activité indé-pendante agricole pendant l’arrêt de travail –Répétition de l’indu – Fausse déclaration del’assuré – Application de la prescriptiontrentenaireUne Caisse d’assurance maladie ayant réclamé àun assuré relevant du régime général le rembour-sement des indemnités journalières qui luiavaient été versées au motif qu’il avait poursuiviune activité de chef d’une exploitation de chênestruffiers, il ne peut être reproché à l’arrêt attaquéd’avoir débouté l’intéressé de son recours, dèslors que l’absence de déclaration par l’assuré à laCaisse de son affiliation à la mutualité socialeagricole en qualité de chef d’exploitation agricoleà titre secondaire caractérisant la fausse déclara-tion, c’est à bon droit que la Cour d’appel adécidé que la demande en remboursement de laCaisse n’était pas prescrite.

Ayant fait ressortir que la Caisse établissait lapersistance par l’assuré pendant le temps de sonarrêt de travail d’une activité d’exploitant d’uneplantation de 17 hectares de chênes truffiers, etque l’assuré ne démontrait pas lui-même avoirdélégué la gestion de ses propriétés, dont ilimportait peu qu’elles ne soient pas productives,la Cour d’appel en a exactement déduit, sansinverser la charge de la preuve, que celui-ci nepouvait prétendre au bénéfice des prestations liti-gieuses.

Rejet

M. X...........................................................................................................................................

Pourvoi en cassation no 04-30.005 contre C.Montpellier, 4 novembre 2003 F6615

La Cour (…),

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Montpellier,4 novembre 2003), que la Caisse primaired’assurance maladie qui a servi à M. X, alorsaffilié au régime général en qualité de salariéde la société Nettoie Net, des indemnités jour-nalières pour un arrêt de travail du 2 octobre1993 au 20 juin 1994, lui a réclamé le rembour-sement desdites prestations, au motif qu’il avaitpoursuivi une activité de chef d’une exploita-tion de chênes truffiers ; que la Cour d’appel adébouté l’intéressé de son recours à l’encontre

de cette décision et l’a condamné au paiementdes sommes réclamées par la Caisse ;

Attendu que M. X fait grief à l’arrêt attaquéd’avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :1 – que l’autorité de la chose jugée au civil estattachée à ce que le jugement a tranché dansson dispositif ; qu’en l’espèce, par décision défi-nitive rendue le 25 février 1999, la Cour d’appelde Montpellier a « dit que la Caisse primaired’assurance maladie de Montpellier a versé àbon droit à Maurice X le montant des indem-nités journalières en cause et rejette lademande en restitution de la somme de13.894,32 F qui ne peut être considérée commeayant été indûment perçue par l’assuré » ; quel’autorité de la chose jugée par cette décisioninterdisait à la Caisse primaire d’assurancemaladie d’engager une nouvelle action en paie-ment de l’indu afin de recouvrer les indemnitésjournalières versées à M. X au titre de la mêmepériode ; qu’en décidant le contraire, la Courd’appel a violé l’article 1351 du Code civil ;2 – qu’il appartient au demandeur à une actionen paiement de l’indu d’établir que la sommeacquittée n’était pas due ; qu’en retenant, pourfaire droit à la demande de remboursement desindemnités journalières litigieuses présentéespar la Caisse que M. X n’établissait pas qu’ilavait respecté la prescription de repos en justi-fiant de ce qu’il avait totalement délégué la ges-tion de ses propriétés à compter du 2 octobre1993, la Cour d’appel a violé l’article 1315 duCode civil ;3 – que l’action en répétition d’indemnités jour-nalières indues se prescrit par deux ans àcompter de la date du règlement desditesindemnités sauf fraude ou fausse déclaration del’assuré ; qu’en faisant en l’espèce applicationde la prescription trentenaire sans avoir cons-taté que M. X avait eu l’occasion, au momentde solliciter le règlement des indemnités liti-gieuses, de faire état de sa qualité de proprié-taire de terres agricoles laquelle avait conduit àson affiliation au régime agricole, la Courd’appel a privé sa décision de base légale auregard de l’article 332-1 du Code de la sécuritésociale ;

Mais attendu qu’ayant constaté que, lors dela première procédure, la juridiction saisie nes’était prononcée que sur la question d’ordremédical de la date de reprise du travail, laCour d’appel en a exactement déduit que lademande de la Caisse en remboursement desprestations versées du fait de la non-cessationpar l’assuré de toute activité, circonstance quin’était pas connue lors de la précédente procé-dure, ne portait pas atteinte à l’autorité de

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chose jugée attachée à l’arrêt du 25 février1999 ;

Et attendu que l’absence de déclaration parl’assuré à la Caisse de son affiliation à lamutualité sociale agricole en qualité de chefd’exploitation agricole à titre secondaire carac-térisant la fausse déclaration, c’est à bon droitque la Cour d’appel a décidé que la demandeen remboursement de la Caisse n’était pas pres-crite ;

Et attendu, enfin, qu’ayant fait ressortir quela Caisse établissait la persistance par M. Xpendant le temps de son arrêt de travail d’uneactivité d’exploitant d’une plantation de 17hectares de chênes truffiers, et que l’assuré nedémontrait pas lui-même avoir délégué la ges-tion de ses propriétés, dont il importait peuqu’elles ne soient pas productives, la Courd’appel en a exactement déduit, sans inverserla charge de la preuve, que celui-ci ne pouvaitprétendre au bénéfice des prestations litigieu-ses ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Par ces motifs :Rejette le pourvoi (…).

NOTE m L’arrêt rendu le 25 février 2005 par ladeuxième chambre civile de la Cour de cassation estintéressant à double titre. D’une part, la Cour y réaf-firme le principe de la prescription de droit communde l’action en répétition de l’indu en cas de faussedéclaration de la part de l’assuré. D’autre part, elle yconfirme le principe d’une cessation totale d’activitécomme condition de perception des prestations mala-dies.

En effet, si l’article L. 332-1 in fine du Code de lasécurité sociale précise que toutes actions intentéespar un organisme payeur (d’indemnités journalières)aux fins de recouvrir les prestations indûment payéesse prescrivent par deux ans, la jurisprudence estvenue atténuer ce principe lorsque l’assuré a effectuéune fausse déclaration ou a commis une fraude àcette occasion. La prescription applicable dans un telcas est alors celle de droit commun, c’est-à-diretrentenaire.

En l’espèce, l’assuré exerçait une activité salariéenon agricole et était affilié auprès de la MSA del’Hérault en tant que chef d’exploitation à titre secon-daire. Lors de la déclaration de son arrêt de travailauprès de la Caisse primaire d’assurance maladie del’Hérault (CPAM), il avait omis de déclarer son acti-vité de chef d’exploitation. Or, lorsque la CPAM a prisconnaissance de l’existence d’une seconde activité,elle a alors intenté une procédure contre l’assurépour paiement de l’indu sur le fondement de l’articleL. 332-1 du Code.

L a C o u r d e c a s s a t i o n r é affi r m e a i n s i l ajurisprudence retenue par elle en matière de faussedéclaration de l’assuré, la prescription applicable dansun tel cas étant celle de droit commun, et non la

prescription biennale spéciale au droit de la sécuritésociale (Cass. soc., 20 juillet 1978, Bull. civ. V, p. 465).Elle estime en effet que la non-déclaration d’une acti-vité supplémentaire équivaut à une fausse déclarationde l’assuré... de ce fait la prescription applicable est,selon elle, celle de droit commun.

En effet, si l’article L. 323-1 du Code de la sécuritésociale détermine les conditions d’octroi des indem-nités journalières en cas d’arrêt de travail, il faut, saufautorisation du médecin traitant, que l’assuré n’exerceaucune activité professionnelle.

Le bénéfice des indemnités journalières étantsubordonné à l’incapacité totale de travail de l’assuré,celles-ci ne sauraient, par exemple, être accordées àun salarié sur la base d’une expertise médicale faisantressortir que l’état de santé de l’intéressé ne lui per-mettait pas de reprendre son activité antérieure, sanslui interdire toute autre activité professionnelle (Cass.soc., 22 octobre 1998, Juris-Data no 004036 ; TPS1998, comm. no 414 ; D. 1999, p. 137, note Y. Saint-Jours ; Rev. dr. sanit. soc. 1998, p. 912, note O.Rebecq ; JCP, éd. E, 1999, chron., p. 1190, § 18, obs.G. Vachet. ; Cass. soc., 31 mai 2001, RJS 2001,no 1075 ; JCP, éd. E, 2002, p. 420, no 7, note G.Rebecq ; Cass. soc., 2 juillet 1998, RJS 1998, no 1280).

Selon l’arrêt commenté, « la Caisse établissait lapersistance par M. X pendant le temps de sonarrêt de travail d’une activité d’exploitant d’uneplantation de 17 hectares de chênes truffiers, et quel’assuré ne démontrait pas lui-même avoir déléguéla gestion de ses propriétés, dont il importait peuqu’elles ne soient pas productives ».

Faisant une stricte application de sa jurisprudenceantérieure, la Cour de cassation retient l’exerciced’une activité de non-salarié agricole pendant l’arrêtde travail du simple fait que l’assuré n’apportait pasla preuve de sa non-activité de chef d’exploitationsecondaire (rappr. Cass. soc., 3 juin 1971, Bull civ. V,no 423, p. 354). Dans ces conditions, il est reproché àce dernier de ne pas avoir apporté la preuve d’unedélégation de gestion de son exploitation pour se voirattribuer les indemnités journalières de la CPAM.

Pour autant une telle solution est-elle justifiée lors-que l’activité indépendante agricole n’appelle, commeen l’espèce, aucune activité physique particulière…c’est-à-dire incompatible avec la maladie qui empê-che l’intéressé de poursuivre normalement ses activi-tés salariées ? Ne faudrait-il pas, dans un tel cas,conseiller à l’assuré d’obtenir de la part de sonmédecin traitant une réserve, voire une autorisationexpresse, concernant la poursuite des ses « activités »agricoles parallèlement à sa maladie ?

En l’état de la jurisprudence actuelle, une tellesolution semble permise. En effet, si le versement desindemnités journalières est subordonné à la cessationtotale de toute activité, rémunérée ou non, de la partde l’assuré (v. à propos d’un salarié en longue mala-die qui continue à diriger son entreprise moyennantrémunération, Cass. soc., 3 juin 1971, Bull. civ. V,no 423, p. 354 ; v. aussi, à propos d’une activité degérance, Cass. soc., 23 mars 2000, Juris-Datano 001320 ; TPS 2000, comm. no 204), il est admis quele médecin traitant puisse permettre certaines déro-

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gations (Cass. ass. plén., 13 janvier 1967, Bull. civ.,ass. plén., no 2, p. 2 ; Bull. jur. UCANSS 67-9 ; Cass.soc., 3 juin 1971, préc. ; 6 novembre 1985, Bull. civ.V, no 517, p. 376).

En fondant sa décision sur le terrain de la fraude,la deuxième chambre civile ne semble pas exclureune telle possibilité. En l’espèce, c’est parce quel’assuré n’avait rien dit de sa double activité qu’ils’est trouvé sanctionné.

Une nouvelle fois, une telle décision nous montretoute la difficulté du paiement de prestations mala-dies en cas de pluriactivité de l’assuré quand celui-ciexerce simultanément une activité salariée et uneactivité non salariée, surtout lorsque cette dernière estagricole (C. Toulouse, 4 août 1994, JCP, éd. E, 1995,II, 703, note Ph. Isoux). En cas d’arrêt de travail, il enrésulte une condition de double cessation d’activitépour percevoir les indemnités journalières, lespluriactifs étant « invités » à démontrer une cessationtotale de toutes leurs activités professionnelles… et,ce, même s’ils ne perçoivent des indemnités journa-lières ne découlant que du seul régime général dontdépend leur activité salariée.

Néanmoins, une question se pose depuis la loino 2001-1128, du 30 novembre 2001, portant amélio-ration de la couverture des non-salariés agricolescontre les accidents du travail et les maladies pro-fessionnelles. En cas d’accident professionnel agricole,la condition de double cessation d’activité est-ellevéritablement opposable à un chef d’exploitation agri-cole exerçant à titre principal une activité salariéenon agricole et, à titre secondaire, en cas d’arrêt detravail concernant l’activité agricole ? Il est permis decraindre que la Cour de cassation ne fasse aucundistinguo et qu’elle étende à cette situation la solu-tion exprimée, par elle, dans son arrêt du 25 février2005.

Stéphane SimonMaster-DESS Droit de la Protection Sociale (DPS)

Université Montpellier I

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COUR DE CASSATION (2e CH. CIV.)29 JUIN 2004PRÉSIDENCE DE M. ANCEL

MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE

Cumul d’activités – AssujettissementÀ défaut de preuve contraire apportée par le tra-vailleur, les courses effectuées avec le cheval del’employeur, principalement dans l’intérêt decelui-ci, constituent le prolongement et l’aboutis-sement d’un entraînement lui-même réalisé sousun lien de subordination.

Rejet

Pascal Plassais c. Caisse de Mutualité socialeagricole (CMSA) Orne-Sarthe...........................................................................................................................................

Pourvoi no 03-30.088 contre C. Caen, 20 décem-bre 2002 – Arrêt no 1114 FS-P + B F6612

La Cour (…),Sur le moyen unique :Attendu qu’à la suite d’un contrôle afférent auxexercices 1997, 1998 et 1999, la Caisse demutualité sociale agricole (CMSA) a réintégrédans l’assiette des cotisations sociales mises à lacharge de M. Plassais, entraîneur de chevaux decourse, les primes dites « gains de courses » ver-sées à MM. Pacaud et Jamard, entraîneurs sala-riés, lorsque ceux-ci montaient en course deschevaux appartenant à leur employeur ; quel’arrêt attaqué (C. Caen, 20 décembre 2002) arejeté le recours de l’intéressé ;

Attendu que M. Plassais fait grief à la Courd’appel d’avoir ainsi statué alors, selon lemoyen :1 – qu’aucun principe ni aucun texte ne s’oppo-sent à ce qu’une personne qui exerce une acti-vité d’entraîneur salarié, consistant à préparerl e s c h e v a u x à l a c o m p é t i t i o n , e x e r c eparallèlement et en dehors de son activitéd’entraîneur salarié, une activité indépendantede jockey consistant à prendre en charge leschevaux pour exploiter au mieux leurs capaci-tés sportives durant le laps de temps que durela course ; qu’en décidant le contraire, les jugesdu fond ont violé l’article L. 741-10 du Coderural ;2 – que, si l’entraîneur exerçant à titre indépen-dant prépare effectivement les chevaux pourpermettre à ces derniers de participer à descompétitions, il est totalement libre, s’agissantde la conduite de la course, de faire appel à desjockeys exerçant à titre indépendant ; qu’endécidant le contraire, les juges du fond ontviolé l’article L. 741-10 du Code rural ;3 – que, quand bien même M. Plassais auraitété lié par des contrats de travail avec MM.Pacaud et Jamard, employés en tant qu’entraî-neurs salariés, les gains de courses ne pou-vaient entrer dans l’assiette des cotisations quepour autant qu’il était constaté qu’eu égardaux missions confiées à MM. Pacaud et Jamardet compte tenu de l’affectation des horaires detravail qu’ils devaient dans le cadre de leurcontrat de travail, leur activité de jockey pou-vait relever du contrat de travail et du lien desubordination qu’il impliquait ; que, fauted’avoir procédé à cette recherche, les juges dufond ont privé leur décision de base légale auregard de l’article L. 741-10 du Code rural ;4 – qu’en tout cas, faute de s’être expliqués surle point de savoir si, en tant que jockeys, MM.Pacaud et Jamard n’étaient pas titulaires delicences de jockey indépendant, n’avaient pas laliberté de prendre en charge les chevaux ou derefuser de les prendre en charge, ne condui-

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saient pas la course en toute indépendance etn’étaient pas personnellement assurés à raisonde la responsabilité civile qu’ils pouvaient, lecas échéant, encourir, les juges du fond ont denouveau privé leur décision de base légale auregard de l’article L. 741-10 du Code rural ;5 – qu’en toute hypothèse, faute de s’être expli-qués sur le point de savoir si, même en transi-tant par l’entraîneur, la quote-part des gainsliés aux résultats de la course ne provenait pasd’un paiement effectué par l’organisateur de lacourse et si cette circonstance, jointe à cellesvisées à la troisième et à la quatrième branches,n’excluait pas un lien de subordination, lesjuges du fond ont de nouveau privé leur déci-sion de base légale au regard de l’article L. 741-10 du Code rural ;

Mais attendu qu’en retenant d’une part, quel e s c o u r s e s eff e c t u é e s a v e c l e c h e v a l d el’employeur, principalement dans l’intérêt decelui-ci, constituaient le prolongement etl’aboutissement d’un entraînement lui-mêmeréalisé sous un lien de subordination et, d’autrepart, que M. Plassais ne rapportait pas lapreuve contraire, qui lui incombait, la Courd’appel a légalement justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne peut êtreaccueilli dans aucune de ses branches ;

Par ces motifs,Rejette le pourvoi.

NOTE m Si, en principe, le caractère indépendantd’une activité permet de conférer à celui qui l’exercele statut social de « non-salarié », il en va parfoisdifféremment en cas de cumul d’activités.

Tel est l’enseignement qui pourrait être tiré del’arrêt rendu, le 29 juin 2004, par la deuxième cham-bre civile de la Cour de cassation, à propos d’unentraîneur de chevaux de courses exerçant, outre sonactivité d’entraîneur à titre de salarié, des prestationsde services indépendantes rémunérées sous la formede primes, dites « gains de courses », obtenues àl’occasion d’une activité indépendante de jockey.

En effet, la Cour de cassation retient l’existence durelation de travail salariée en s’appuyant, non sur uneanalyse détaillée des conditions de faits dans lesquel-les la prestation indépendante s’exécutait, mais en sefondant sur le lien de « prolongation » pouvant existerentre l’activité d’entraîneur salarié et celle de jockeyindépendant.

Selon la Cour, « les courses effectuées avec le che-val de l’employeur, principalement dans l’intérêt decelui-ci, constituaient le prolongement et l’aboutis-sement d’un entraînement lui-même réalisé sous

un lien de subordination » (Cass. 2e civ., 29 juin2004, pourvoi no 03-30.088). De plus, les conseillersne manquent pas signaler que l’intéressé n’apportepas la preuve contraire (ibid.).

Est donc retenue l’idée que, pour le jockey, le faitde courir avec les chevaux de son employeur permetde démontrer que la prestation indépendante n’auraitpas pu exister sans le contrat de travail par ailleursconclu avec l’exploitant agricole et que dès lors, et àdéfaut de preuve contraire, un lien de subordinationest clairement caractérisé entre les parties pour latotalité de leurs relations professionnelles.

En ce sens, le raisonnement adopté par les magis-trats dans cette décision peut être rapprochée d’unautre arrêt de la deuxième chambre civile, en date du14 décembre 2004, où il est également question d’uncumul d’activités appréhendé non sans globalité parles magistrats (v. à propos d’un cumul d’activitéssportives, Cass. 2e civ., 14 décembre 2004, pourvoino 03-30.368, Gaz. Pal. , Rec. 2005, nos 54-55,no spécial droit de la protection sociale, p. 11, note deF. Dousset).

Outre le fait que de telles solutions peuvent nuireà la reconnaissance des droits des « pluri-actifs », les-quels dispensent très souvent des activités complé-mentaires les unes des autres, il est regrettable que leraisonnement emprunté par la deuxième chambrecivile conduise à inverser la charge de la preuve rete-nue en la matière, en faisant finalement peser sur lesépaules du travailleur indépendant la charge de lapreuve de son appartenance à la catégorie des non-salariés.

Ainsi, est totalement nié par les juges du fond lefait de savoir si les travailleurs, qui étaient titulairesde licences de jockey indépendant, n’avaient pas laliberté de prendre en charge les chevaux ou de refu-ser de les prendre en charge… de même, s’ils neconduisaient pas la course en toute indépendance etn’étaient pas personnellement assurés à raison de laresponsabilité civile qu’ils pouvaient, le cas échéant,encourir (rappr. article L. 311-11 du Code de la sécu-rité sociale).

Est-ce à dire que le cumul entre une prestation detravail indépendante et une activité salariée n’estenvisageable que dans l’hypothèse où la premièren’est pas liée à la seconde ?

Victimes d’une requalification décidée parl’URSSAF, les parties en présence devront tenter deprouver l’absence de subordination de l’activité liti-gieuse… peut-être en démontrant l’absence de tout« lien » de l’activité indépendante avec la prestationsalariée.Texte applicable : Article L. 741-10 du Code rural.

Philippe CoursierMaître de conférences à la Faculté de droit de Montpellier

Directeur du DU Droit rural et des entreprises agricoles (DREA)

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Contrats d’intégration : nouveaux enjeux,nouvelles pratiques

L’intégration horizontale

Jean Danet, avocat honoraire,maître de conférences à la Faculté dedroit de Nantes

L’intégration horizontale : voici une expres-sion qui relève presque de l’oxymore. Elle a été for-gée par les milieux professionnels pour désigner desrelations contractuelles établies entre des exploita-tions agricoles, relations qui relèveraient selon cer-tains de l’intégration au sens où nous l’entendonsen droit rural, affirmation contestée selon les autres.Ce choix du mot horizontal mériterait qu’on s’yarrête longuement. Il n’a rien d’évident si l’on veutbien appréhender le phénomène du point de vueéconomique ou des réalités de l’élevage plus spé-cialement concerné.Lorsqu’un élevage de porcs décide de se consacrerau « naissage » et de faire effectuer la phase sui-vante des opérations d’élevage, l’engraissement deses porcelets par une ou plusieurs exploitationsagricoles avec qui il contracte, au plan de la pro-duction, cette opération est bien dirigée parl’amont. L’amont qui, par hypothèse, est situéau-dessus de l’aval, tout comme le producteur d’ali-ments ou le couvoir est situé en amont de l’exploi-tation agricole avec qui il contracte. Si la questionse pose de savoir si cette opération peut au plansocio-économique s’analyser comme de l’intégra-tion, c’est parce qu’elle n’est pas une opérationentendue entre plusieurs exploitations qui décide-raient de passer entre elles des contrats leur per-mettant de mieux valoriser leur production en met-tant en commun des moyens de production commedans le secteur de la coopération où, là, nous avonsune dimension horizontale, une dimension égali-taire, associative. La notion d’intégration horizon-tale ne renvoie donc pas à un présupposé d’égalitéentre les contractants, d’autant que ceux qui l’uti-lisent revendiquent une protection légale pour cesnouveaux intégrés. Mais en même temps, l’expres-sion souligne que ce sont là des contrats passésentre des exploitations agricoles et que si l’une intè-gre les autres, nous sommes alors entre des acteursqui interviennent au même niveau de la filièremême s’ils n’interviennent pas au même niveau dedéveloppement des animaux. L’expression dit aussien creux que ce ne peut être ici de une intégration

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Dans le cadre d’Iquabian, pôle de formationet de recherche spécialisé en agroalimentairecréé à Nantes par Louis Lorvellec, a eu lieu le7 mai 2004 une journée de séminaire pluridisci-plinaire sur le thème « Contrats d’intégration :nouveaux enjeux, nouvelles pratiques ».

Il s’agissait de préciser les conditions de la miseen œuvre actuelle de cette relation contractuelle,en particulier au travers d’une analyse sociologi-que, en examinant également son applicationdans différents contextes révélant des équilibresdistincts, en précisant les points majeurs del’actualité contentieuse, enfin, en entendant lepoint de vue des syndicalistes sur la question desavoir si la protection législative est apte à pro-téger l’exploitant ainsi que l’a souhaité le légis-lateur dans les dispositions codifiées désormaisaux articles L. 326-1 et suivants du Code rural.

Il ne s’agissait pas de présenter ces contrats quetous les participants connaissaient bien (v. pourdes présentations de synthèse : F. Collart-Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrats civils etcommerciaux, Dalloz 2002, § 904 et s. ; J. Danet,Contrats individuels d’intégration, Jurisclasseurrural 2004, fasc. 10 ; Dictionnaire permanentagricole, « Contrat d’intégration ».)

Marine Friant Perrot, maître de conférences à lafaculté de Nantes, et les étudiants du DESSagroalimentaire qu’elle dirige, doivent êtreremerciés pour leur contribution à l’organisa-tion de cette journée.

L’Association française de droit rural (AFDR), sonprésident Philippe Goni et son secrétaire Ber-nard Peignot, doivent aussi être remerciés pourl’intérêt qu’ils ont porté à cette journée et leursoutien à la publication des communications.

Isabelle CouturierMaître de conférences à la Faculté de droit d’Angers

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comme les autres puisqu’elle intervient entre « pay-sans », qu’elle est ainsi particulière, voire sulfu-reuse, qu’elle est encore largement cachée, et lanotion paradoxale d’intégration horizontale pro-cède du dévoilement. Bref, le choix de cette expres-sion témoigne de ce que dans ce secteur économi-que et social, les choses ne se réduisent jamais à lafroide analyse des réalités, mais que les représen-tations sociales et idéologiques ne sont jamais toutà fait absentes de débats qui n’en deviennent queplus obscurs

Mais pour le juriste, la question n’a rien à voir avecles représentations sociales et encore moins avec unmonde en deux dimensions, verticale et horizon-tale. Elle se pose comme devant la Cour d’appel deRennes en 2001, avec la simplicité de la pratique :un GAEC peut-il intégrer une EARL ? Ou, si l’on pré-fère gommer le cas d’espèce, les articles L. 326-1 etL. 326-2 du Code rural sont-ils applicables à uncontrat passé entre deux exploitations agricoles ?Vous le voyez, la question qui m’est impartie estbeaucoup moins complexe que d’autres qui nousretiendrons dans le courant de cette journée, telleque la sanction des irrégularités du contrat d’inté-gration qui naguère m’ont aussi bien occupé entant que praticien.

Aussi serai-je économe de notre temps collectif etje me contenterai de rappeler les termes du débatavant de laisser la place à vos interventions. J’y suisd’autant plus enclin que, d’une part, je n’ai pasgrand chose à ajouter à l’analyse que j’avais consa-crée à la décision de la Cour d’appel de Rennes du2 mars 2001 (Un GAEC peut-il intégrer une EARL ?,C. Rennes, 2 mars 2001, RDR, octobre 2001, p. 474-489) et qui m’avait permis d’aborder les autresoutils à la disposition des exploitations agricolespour tenter de réguler leurs relations (droit du tra-vail avec le contrat de travail à domicile, droit descontrats et droit de la concurrence). Mais de toutcela, d’autres que moi parlerons aujourd’hui avecinfiniment plus d’autorité. D’autre part, la premièrechambre civile de la Cour de cassation, par un arrêtdu 6 avril 2004, vient de trancher sur le pourvoi quiavait été formé contre la Cour d’appel de Rennes.Je m’en réjouis et je veux remercier ici le BâtonnierJ. Druais et C. Robert qui m’ont communiqué letexte de cette décision, et ainsi, je n’arrive pasdevant vous les mains vides.

Partons des faits. Dans les années quatre-vingt dix,on vit donc se développer dans le secteur porcin etdans l’Ouest de la France des relations contractuel-les entre des exploitations agricoles indépendantesles unes des autres. Les premières, qui entendentse consacrer au naissage, proposent à d’autres pro-ducteurs d’assurer pour elles l’engraissement desanimaux. On assiste là à un fractionnement del’opération d’élevage avec, de la part du naisseur,

une externalisation des risques et le plus souventune dissociation géographique qui figure souvent lacause initiale de l’opération. Les producteurs bre-tons de porcs, à l’étroit dans les zones en excédentstructurel, proposent l’engraissement de leurs ani-maux aux éleveurs des départements voisins situésen zone d’élevage moins intensif. On a là un effetindirect de la concentration de la production dansde grands élevages.

La presse commençait de parler de « délocalisa-tion » ; les vilains mots étaient lâchés. En 1997, leprésident de la chambre d’agriculture de Mayenne,département qui avait vu apparaître ces nouvellesfigures « d’intégrés » dans sa région, poussait un crid’alarme dans Ouest-France. Le déséquilibre éco-nomique entre ces engraisseurs et leur donneurd’ordre, paysans comme eux, n’avait rien à envierà celui qui naguère avait conduit le législateur àdevoir intervenir et adopter la loi du 6 juillet 1964,depuis codifiée. Il fallait donc s’attendre à ce quecertains de ces « nouveaux intégrés », ou qui sevivaient comme tels − viennent revendiquer,au-delà d’une dénomination sociologique, la pro-tection des articles L. 326-1 à L. 326-10 du Coderural. C’est ce qui s’est passé. Notons ici qu’entrela formulation du problème par des responsableséconomiques et la réponse de la justice, il se seraécoulé sept ans. Encore faut-il ajouter d’emblée quecette réponse n’est pas une solution, le juge ren-voyant le législateur à prendre ses responsabilitéscomme nous allons le voir.

Le contentieux n’est pourtant pas né, au contrairede ce que nous avons dit plus haut, dans le secteurporcin mais dans celui de l’aviculture, et plus pré-cisément de la production d’œufs. Les faits del’espèce peuvent ainsi être résumés fin 1995, unGAEC avait passé avec M. P. un contrat, qualifié decontrat cadre par les parties, prévoyant, d’une part,la location par le GAEC, propriétaire, à M. P. dedeux bâtiments avicoles moyennant un prix dont lemontant était fixé par mensualité, et, d’autre part,un contrat de façonnage en exclusivité portant surla production d’œufs d’un cheptel de 12.000 pou-les reproductrices. Le « contrat cadre » fixait unerémunération de base par œuf à couver et par œufdéclassé, mais il réservait les questions de péréqua-tion et l’intéressement en fonction du taux d’éclo-sion. Les parties prévoyaient que ce documentserait remplacé treize semaines plus tard par deuxdocuments distincts.

Le 1er avril 1996, une EARL représentée par M. P. etle GAEC signaient un contrat pour la production àfaçon d’œufs à couver ainsi qu’un bail à ferme pourles deux bâtiments. Le contrat pour la productiond’œufs à couver était conclu pour trois bandesd’animaux, soit une durée d’environ quatre années.L’exécution en avait débuté en février 1996. Le bail

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à ferme était lui conclu pour neuf ans. Il concer-nait deux poulaillers d’une surface de 1.873 m2 pourun prix de 24.000 annuel.Le 21 mai 1996, l’EARL signait un « acte portantrenonciation de droits acquis » justifié par le faitque le bail avait été conclu dans la perspective ducontrat pour la production d’œufs. Le preneuracceptait de ramener la durée du bail à celle del’autre contrat. L’EARL renonçait à toute contesta-tion du montant du fermage et à l’application desdispositions légales relatives à la fixation de ce der-nier.Seize mois plus tard, après réforme de la premièrebande d’animaux, l’EARL prenait l’initiative d’assi-gner le GAEC devant le Tribunal de grande ins-tance afin de voir qualifier les conventions du 1er

avril et du 21 mai de contrat d’intégration. Elle ensollicitait l’annulation en application de l’articleL. 321-6 du Code rural ainsi que la restitution envaleur des prestations fournies en exécution desconventions annulées.L’EARL était placée en liquidation judiciaire durantla procédure de première instance et le liquidateurintervenait à la procédure pour y reprendre lesdemandes de l’EARL.Le Tribunal faisait droit à celles-ci et ordonnait uneexpertise pour procéder à l’apurement des comp-tes entre les parties depuis le 1er mai 1996 jusqu’àla date de cessation de leurs relations contractuel-les.Le GAEC relevait appel de ce jugement estimantque le contrat en cause n’était pas un contratd’intégration et qu’il n’avait aucunement lieu d’êtreannulé. Il sollicitait reconventionnellement l’appli-cation des clauses pénales figurant au contrat enraison de la rupture unilatérale et prématurée decelui-ci par l’EARL. Le débat portait donc sur laqualité des contractants requise par les articlesL. 326-1 et L. 326-2 du Code rural pour retenir laqualification de contrat d’intégration, et plus pré-cisément la qualité du contractant intégrateur.L’article L. 326-1 répute « contrat d’intégrationtous contrats accords ou conventions conclu entreun producteur agricole ou un groupe de produc-teurs et une ou plusieurs entreprises industriel-les ou commerciales comportant obligation réci-proque de fournitures de produits ou de servi-ces » ainsi que les contrats, accords ou conven-tions séparés passés entre les mêmes « et dont laréunion aboutit à l’obligation réciproque men-tionnée à l’alinéa précédent ».L’article L. 326-2 répute contrats d’intégration dansle domaine de l’élevage « les contrats par lesquelsun producteur s’engage envers une ou plusieursentreprises à élever ou engraisser des animaux ouà produire des denrées d’origine animale et à seconformer à des règles concernant la conduite de

l’élevage, l’approvisionnement en moyens de pro-duction ou l’écoulement des produits finis ».

Si le GAEC n’est pas une « entreprise industrielleou commerciale » visée à l’article L. 326-1 du Coderural, doit-on considérer qu’il est bien une « entre-prise » au sens de l’article L. 326-2 et en déduire quele contrat passé entre lui et un producteur agricolepeut être qualifié de contrat d’intégration ?

La Cour d’appel de Rennes s’est engagée dans cettediscussion entre la définition de l’intégrateur don-née à l’article L. 326-1 et celle spécifique à l’éle-vage de l’article L. 326-2. Elle a estimé que le GAECétait bien une entreprise et que le contrat qu’il apassé avec l’EARL peut donc entrer, sous réserve deremplir les autres conditions posées par le texte,dans la définition du contrat d’intégration agri-cole. Le GAEC a formé un pourvoi contre l’arrêt dela Cour.

La motivation de l’arrêt de la Cour de Rennes meparaissait éminemment discutable. Je l’ai écrit et n’yreviens pas. La décision est aujourd’hui cassée. Uneanalyse des travaux parlementaires de 1980, quiavaient conduit à la rédaction d’un article 17 bis dela loi de 1964 devenu l’article L. 326-2, m’amenaità penser que le législateur n’avait aucunemententendu distinguer entre les deux articles quant àla définition de l’intégrateur. Et la Cour d’appel deRennes avait écarté d’un revers un peu rapidel’argument du GAEC qui s’appuyait sur un précé-dent arrêt de la Cour de cassation (15 décembre1999, RDR 2000, p. 489) rendu, il est vrai, dans uneespèce un peu distincte. Il s’agissait d’un syndicatreconnu organisme certificateur « label rouge ». LaCour de cassation avait, sous le double visa deL. 326-1 et L. 326-2, rappelé qu’un contrat d’inté-gration ne pouvait exister qu’entre un producteuragricole (l’intégré) et une ou plusieurs entreprisesindustrielles ou commerciales (l’intégrateur). LaCour de cassation avait constaté que le syndicatn’est pas une entreprise industrielle ou commer-ciale, il ne peut donc exister de contrat d’intégra-tion entre lui et les exploitants agricoles.

C’est très exactement la même motivation qui estreprise par la première chambre civile de la Courde cassation dans son arrêt du 6 avril 2004 ;

« Vu les articles L. 326-1 et L. 326-2 ;

Attendu que pour qualifier de contrat d’intégra-tion les conventions liant l’EARL au GAEC, l’arrêtattaqué relève que l’article L. 326-2 du Code ruralne reprend pas l’expression « d’entreprises indus-trielles ou commerciales » utilisée à l’articleL. 326-1 du Code rural pour caractériser le sta-tut du cocontractant du producteur permettantde lui attribuer la qualité d’intégrateur et retientque le GAEC, qui est une entreprise, n’est pasfondé à prétendre que les dispositions relatives au

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contrat d’intégration ne lui sont pas applica-bles ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il ne peutexister de contrat d’intégration dans le domainede l’élevage comme dans les autres secteurs agri-coles, qu’entre un producteur agricole et une ouplusieurs entreprises industrielles ou commercia-les et qu’un GAEC, dont la forme et l’objet sontnécessairement civils ne saurait être considérécomme une telle entreprise, la Cour d’appel aviolé les textes susvisés ».

Conception très formaliste, lecture très juridiqued’une expression « entreprise industrielle ou com-merciale » qui ne l’est pourtant guère ? Peut-être,mais la Cour pouvait-elle faire autrement ? J’avaisnoté pour ma part l’impasse consistant à prendreen compte les réalités économiques. Le raisonne-ment consisterait à dire : puisqu’un GAEC peutexploiter un « élevage industriel », alors pourquoi nepas le qualifier « d’entreprise industrielle » ? Nonseulement c’est un peu jouer sur les mots, renfor-cer le poids d’une expression qui n’a aucun sensjuridique par une autre qui en a encore moins, maisc’est aussi risquer de s’exposer à de curieux résul-tats. Car à suivre ce raisonnement, le GAEC qui neferait que de l’élevage bio en plein air ne risqueraitaucunement d’être qualifié d’intégrateur puisqu’iln’exploite pas de production industrielle, même s’ila justement externalisé tout l’élevage industriel pardes contrats avec d’autres producteurs ! On abou-tit exactement à l’inverse du résultat recherché.

En second lieu, si la Cour de cassation avait décidéde donner une autonomie à l’article L. 326-2 parrapport à l’article L. 326-1, le résultat était étrange.L’intégration « horizontale » n’était consacrée qu’enmatière d’élevage et pas dans les productions végé-tales alors que rien ne pouvait justifier cette dis-tinction.

La Cour de cassation doit être approuvée d’avoirrenvoyé la question au législateur. Si ce dernierestime justifié d’accorder à ces producteurs inté-grés par d’autres producteurs agricoles la mêmeprotection qu’aux producteurs agricoles intégrés parles entreprises agroalimentaires ou par les abat-toirs, rien n’est plus simple. Il suffit d’ajouter àl’expression « entreprise industrielle ou commer-ciale » l’adjectif agricole. La boucle serait en quel-que sorte bouclée. La jurisprudence a déjà affirméque le producteur agricole intégré pouvait exercersous forme de société commerciale sans que celal’empêche de revendiquer la protection de la loi surles contrats d’intégration, la loi viendrait dire quel’intégrateur peut à l’inverse être une entrepriseagricole de nature civile. Se dirait alors clairementque c’est bien moins la qualité des parties qui estprise en compte par le législateur dans la défini-tion du contrat d’intégration que l’activité agricole

de la partie à protéger, et ce quelle que soit la formejuridique sous laquelle l’une et l’autre des partiesont constitué leur entreprise ou l’activité économi-que de l’intégrateur (amont ou aval, dans la filièreou dans la production agricole). Et pour le reste,c’est évidemment le critère tenant à la nature desrelations entre les parties (les obligations récipro-ques de fournitures de produits et de services) quicontinuerait de définir le contrat d’intégration.Dans ce cadre, et quelle que soit l’opinion qu’onpuisse avoir sur le fond, la nature particulière de larelation entre la coopérative et ses associés peutlogiquement avoir été exclue du champ des textesrégulant les contrats d’intégration tandis que laseule qualité de coopérative n’y suffit pas pour lesrelations d’une autre nature qu’elle entretien avecses clients non associés. Une telle évolution légis-lative permettrait de prendre clairement consciencede ce que la question du contrat d’intégration n’estpas spécifiquement agricole, ainsi que F. Collart-Dutilleul et Ph. Delebecque l’ont de longue datedémontrée.Mais cette évolution démontrerait aussi le peud’intérêt voire les complications nées du choix dequalifier d’activité civile l’agriculture. En cedomaine des contrats d’intégration, il faut bien ledire, cette distinction n’a guère de sens.Bien sûr, il faut avoir conscience qu’avec cetteréforme législative, les nouveaux intégrés pour-raient aussi ouvrir la boîte de Pandore et provo-quer la remise en cause par les entreprises agroa-limentaires du principe même d’une protectionqu’elles n’ont jamais admise pour beaucoup d’entreelles. Ce pourrait être aussi l’occasion pour les inté-grés de s’interroger sur l’efficacité de la protectionlégislative accordée au contrat individuel. Le voletcollectif de la protection, les outils de régulationcollective des contrats d’intégration n’ont jamais étéutilisés. Pourquoi ? Est-ce la faute à la loi ou faut-ilplutôt regarder du coté de l’individualisme des éle-veurs ? Décidément, on ne se débarrasse pas si faci-lement en ce domaine de la dimension socio-économique. Je vous avais dit que nous l’écartionsde notre réflexion, voici qu’elle nous a rattrapés !Mais c’est peut-être un signe que nous ne noussommes pas trop éloignés de la réalité.

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Contrat d’intégration et contratde travail

Bernard Gauriau, professeur àl’Université d’Angers

Si la comparaison du contrat d’intégration et ducontrat de travail est un exercice difficile, il n’est pasnouveau. Le professeur Alain Supiot, il y a vingt ans,soulignait déjà les enjeux de la question en ces ter-mes : « Par les contrats d’intégration, [les entre-prises capitalistes] n’acquièrent pas seulement lamaîtrise commerciale de l’activité de l’éleveur –en amont par la fourniture des matières premiè-res, et en aval par le rachat de ses produits- maisaussi le contrôle de l’exécution même du travail,par l’imposition d’une véritable discipline de pro-duction » (1).

C’est la raison pour laquelle, au regard de ce rap-port de dépendance, la tentation d’assimiler le pro-ducteur agricole à un salarié est grande. Si l’auteury soulignait combien, depuis la célèbre loi du6 juillet 1964, le droit du travail était objet d’un évi-tement incontestable, il s’interrogeait toutefois surune certaine forme de prégnance du droit du tra-vail en matière d’élevage industriel.

Les enjeux attachés à la tentation de rattacher ausalariat l’éleveur ont changé : hier, l’attirance versle statut de travailleur à domicile, aujourd’hui,l’attraction vers la qualification pénale de travaildissimulé, lorsqu’elle est le pendant d’une dissimu-lation d’emploi salarié (2).

La tâche est toutefois difficile, pour la raison quecontrat d’intégration et contrat de travail reposentsur des sources de natures différentes.

Le contrat de travail est une notion à l’origine doc-trinale, qui s’est inspirée de solutions jurispruden-tielles. Elle s’est nourrie des différences entrete-nues par le droit de la sécurité sociale – la questionde l’affiliation au régime général notamment – et ledroit du travail – la nature de la rémunération, lacompétence prud’homale – relativement au critè-res de dépendance économique et de subordina-tion juridique.

Précisément, parmi les critères du contrat de tra-vail, le lien de subordination juridique bénéficied’une publicité légèrement plus tapageuse que cellequi entoure les autres critères incarnés dans la pres-tation de travail fournie ou la rémunération verséeau salarié. Si la Cour de cassation a fini par donnerune définition du lien de subordination communeau droit du travail et au droit de la sécurité sociale,

– et mis un peu d’ordre au sein du droit social – iln’en demeure pas moins, comme nous le verronsplus loin, que la comparaison avec la situation duproducteur agricole demeure délicate.Le contrat d’intégration est défini à l’article L. 326-1du Code rural, par ses deux parties contractantes(un producteur agricole et une entreprise indus-trielle et commerciale) et par son objet (« obliga-tion réciproque de fournitures de produits et ser-vices »). Les difficultés apparues pour le contratd’élevage (on ne constatait pas strictement cetteréciprocité d’obligation de fourniture de produits oude services) ont justifié une interprétation a contra-rio de l’article L. 326-3, alinéa 1 du Code rural avantque le législateur ne le consacre expressément parune loi d’orientation du 4 juillet 1980.Au-delà de ces distinctions de sources, l’hésitationest toujours permise entre la qualification de sala-rié aux ordres de son employeur et celle d’un agri-culteur économiquement dépendant d’une entre-prise industrielle et commerciale. Les mêmes per-sonnes peuvent d’ailleurs successivement vérifierles deux qualités, celle de salarié, puis celle de pro-ducteur agricole (3).C’est pourquoi nous allons nous efforcer dans unpremier temps – temps de l’analyse – de comparerles critères et indices, c’est-à-dire les éléments dequalification de chaque contrat puis dans unsecond temps − temps de la synthèse − d’envisagerl’articulation de ces deux qualifications.

I – COMPARAISON DES ÉLÉMENTS DEQUALIFICATION

Cette comparaison peut-être menée à travers l’ana-lyse des parties au contrat (A) ainsi qu’à l’examendes critères juridiques habituellement retenus pourchacun de ces contrats (B)

A – Les parties au contratFaut-il envisager le mode de rapprochement desparties au contrat ? Force est de constater qu’uneannonce par voie de presse ou qu’une candidaturespontanée, préalable à la formation du contrat detravail, n’est sans doute pas comparable à une pro-position commerciale. Le mode de formation ducontrat peut donc tenir lieu d’indice, parmid’autres, pour contribuer à la qualification de celui-ci.Sur un autre plan, l’affiliation des parties à tel outel régime de sécurité sociale peut éclairer le jugeou l’interprète : l’affiliation à l’Urssaf del’employeur, d’une part, la perception d’alloca-tions familiales en tant que travailleur indépen-dant ou encore l’inscription à la MSA du produc-teur, d’autre part, sont de ce point de vue, de pré-(1) A. Supiot, L’élevage industriel face au droit du travail, Revue de droit

rural, 1983, p. 325 et s.(2) Articles L. 324-9 et L. 324-10 du Code du travail. (3) En ce sens : Tribunal correctionnel d’Angers, 27 juin 2003, non publié.

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cieux instruments utiles, ici encore, à la qualifica-tion juridique.En revanche, les qualités d’employeur et d’entre-prises industrielles et commerciales ne sont, parelles-mêmes, guère exclusives l’une de l’autre, tantil est possible à l’employeur d’être une personnemorale impliquée dans l’activité industrielle et com-merciale. L’intuition guiderait davantage l’inter-prète vers une comparaison des parties faibles aucontrat, qu’il s’agisse du salarié ou du producteuragricole, pour se faire une opinion.La compétence matérielle du tribunal devant lequeltelle partie assigne telle autre partie peut parfoisguider l’interprète dans sa quête. Si le conseil deprud’hommes a une compétence d’ordre public etexclusive s’agissant des litiges individuels relatifs aucontrat de travail, on sait que le contrat d’intégra-tion, en tant qu’acte mixte, ouvre une option dejuridiction au producteur : celui-ci peut assignerl’entreprise soit devant le tribunal civil, soit devantle Tribunal de commerce, mais en tout cas, exclu-sivité de compétence oblige, pas devant le conseilde prud’hommes.Bien entendu, la réalité se charge de compliquercette présentation des choses. La saisine du conseilde prud’hommes par celui qui se prétend salariépeut-être contestée par celui qui refuse la qualitéd’employeur, l’affiliation à tel régime contestée parcelui qui y a intérêt. Pour trancher, les juges devrontdonc examiner les critères de chaque contrat, sanss’en tenir à la posture adoptée par chacune des par-ties.

B – Les critères de qualificationEn matière de contrat de travail, trois critères essen-tiels sont retenus : une prestation personnelle dusalarié, un lien de subordination, une rémunéra-tion. Nous envisagerons successivement ces critè-res pour aller plus avant dans notre exercice decomparaison.

1 – Une prestation personnelleLe salarié fournit en personne sa prestation de tra-vail, sans pouvoir se substituer quiconque, notam-ment un salarié, qu’à son tour il embaucherait. Enrevanche, le producteur agricole peut adopter laforme juridique d’un groupement doté de la per-sonnalité civile. La nature de la personne peut tenirlieu d’indice, si la nature des obligations qui la lientà son contractant ne nous éclairent pas davantage.Le salarié n’est pas tenu à un résultat, la solutionvaut pour l’essentiel dans la grande majorité descas. Il arrive cependant que – rattaché au servicecommercial de son entreprise – il soit tenu à unrésultat chiffré : les arrêts rendus par la chambresociale de la Cour de cassation appréhendent ainsil’existence d’une cause réelle et sérieuse de licen-

ciement à l’encontre d’un salarié à qui sonemployeur reproche précisément une insuffisancede résultats. Il n’en demeure pas moins que lesconditions posées sont alors assez strictes (4).

Le producteur agricole, de son côté, est signataired’un contrat qui doit obligatoirement, à peine denullité, « fixer la nature, les prix et les qualités defournitures réciproques de produits ou de ser-vice, le rapport entre les variations des prix defournitures faites ou acquises par le producteur ».Il n’est pas aisé d’y voir les manifestations d’une (oude plusieurs) obligation(s) de moyen plutôt que derésultat. Pourtant, le producteur agricole sembletenu au minimum à l’accomplissement de servi-ces, tel un élevage d’animaux, lequel peut parfaite-ment intégrer la catégorie des obligations de résul-tat.

2 – La subordination juridiqueL’évolution qui caractérise cet autre critère précè-dera dans les propos qui suivent les indices quicontribuent aujourd’hui à en vérifier l’existence.

a – EvolutionLa première pierre fut posée par l’arrêt Bardou (5),qui, dès 1931, préféra le critère de la subordinationjuridique au critère de faiblesse ou dépendanceéconomique. Cette solution était heureuse etexcluait en quelque sorte par anticipation, touteconfusion avec l’intégration agricole, illustrationd’une forme de dépendance économique.

L’apparition de professionnels assez autonomesdans leur travail et le souci de leur assurer la pro-tection du régime général de la sécurité sociale jus-tifia le recours à la notion d’ « intégration dans lecadre d’un service organisé ». De cette manière, lelien de subordination se trouvait caractérisé, mal-gré l’absence de contrôle étroit de la prestation detravail et l’indépendance relative dont faisait preuveles personnes concernées.

Dans ce cas de figure, la distinction du contrat detravail et du contrat d’intégration fait difficulté,puisque, sans jouer sur les mots, l’intégration sem-ble militer en faveur de la subordination. La dis-tinction entre un service organisé et le rattache-ment à une filière de production économique, clairesur le papier, l’est nettement moins en pratique (6).

Enfin, en 1996, la Cour de cassation a remis à platla définition du lien de subordination juridique,lequel se caractérise par « l’exécution d’un travailsous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de

(4) L’insuffisance de résultats ne constitue un motif de licenciement quesi elle résulte soit d’une insuffisance professionnelle, soit d’une fauteimputable au salarié, v. Cass. soc. 12 février 2002, Bull. civ. V, no 65.(5) Cass. civ., 6 juillet 1931, DP 1931.1.121, note Pic.(6) Il faut saluer la loi Madelin en 1994 puis la Loi Fillon en 2003 pouravoir poser une présomption de non contrat de travail en cas d’inscrip-tion au RCS, afin de privilégier l’entreprise individuelle, à tout le moinsde compliquer le rattachement au salariat.

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donner des ordres et des directives, d’en contrô-ler l’exécution et de sanctionner les manque-ments de son subordonné » (7). Le travail au seind’un service organisé n’est plus qu’un simple indicede subordination lorsque l’employeur détermineunilatéralement les conditions d’exécution du tra-vail.

La comparaison avec le contrat d’intégration, si ellepeut paraître claire lorsque l’un sanctionne l’autreen vertu de son pouvoir disciplinaire, l’est nette-ment moins lorsque l’un assure un suivi et uncontrôle technique sur l’autre, car alors la situa-tion peut relever du Code rural (8). Encoreconvient-il de nuancer ce propos : il n’est pas tou-jours aisé d’isoler la mise en œuvre d’un pouvoirdisciplinaire. Dans un jugement rendu par un tri-bunal correctionnel (9), le juge prend soin de dis-tinguer la rupture d’un contrat d’entreprise pourinexécution des obligations essentielles – avec dan-ger avéré pour le maintien des conditions d’exploi-tations – de l’exercice d’un quelconque pouvoir dis-ciplinaire patronal.

b – Indices

Le recours par le juge aux indices, réunis en fais-ceau, est assez fréquent : il n’en demeure pas moinsdélicat.

L’on songe tout d’abord au lieu de travail. En prin-cipe, le salarié effectue habituellement la presta-tion de travail chez l’employeur, dans les locaux del’entreprise. La Cour d’appel d’Agen, dans un arrêtdu 26 novembre 1985, a considéré que le droit dutravail ne pouvait être écarté lorsque les circons-tances empêchaient de considérer l’éleveur commeun exploitant agricole et en particulier lorsqu’ilexerce son activité sur un fonds immobilier dontl’entreprise industrielle et commerciale est loca-taire ou propriétaire, ce qui rend impossiblel’immatriculation de l’éleveur en qualité d’exploi-tant à la MSA (10).

Pour autant, l’indice du lieu de travail ne sauraitsuffire à évacuer le problème car le droit du travailn’ignore pas le salarié itinérant (11) ou simplementen mission. La définition des temps, en droit du tra-vail, conduit parfois à distinguer selon que le sala-rié est à son domicile ou à proximité de son domi-cile – en période d’astreinte – ou sur son lieu de tra-vail – en période de temps de travail effectif – Il

n’est donc pas aisé de dessiner ici un beau jardin àla française (12).

Le caractère exclusif de la prestation accomplien’est pas d’un secours plus précieux. Le contratd’intégration se caractérise par un engagementexclusif de l’exploitant agricole envers une entre-prise industrielle et commerciale. Ainsi, un éleveurayant contracté l’obligation d’élever des veaux et dene se fournir en aliments qu’auprès de la société,rend à celle-ci le service de faciliter l’écoulement desa production ; c’est pourquoi son contrat est qua-lifié de contrat d’intégration (13). En revanche, laCour de Rennes a considéré qu’un contrat liant unéleveur de lapin à une entreprise qui lui fournissaitdes aliments médicamenteux et une assistancetechnique, n’était pas un contrat d’intégration parceque l’éleveur s’alimentait auprès de plusieurs four-nisseurs (14).

De son côté, un salarié peut avoir plusieursemployeurs et le contentieux du travail à tempspartiel nous rappelle qu’il n’est pas questiond’imposer une quelconque exclusivité au salariéainsi considéré.

3 – Rémunération et chargesLa question de la rémunération ne saurait être envi-sagée seule ; il convient de l’englober dans la pro-blématique plus globale des charges ou coûtsd’exploitation.

De ce point de vue, le Code rural, selon l’interpré-tation prétorienne de l’article L. 326-6, sanctionnepar la nullité le contrat dans lequel ne sont pasmentionnées les conditions dans lesquelles l’éle-veur doit supporter les pertes de lots déficitaires (15).Si l’on peut envisager la question sous l’angle de ladétermination du prix, la position des juges contri-bue surtout à distinguer intégration et travail defaçon tranchée : la présence d’un supposé bulletinde paye peut bien entendu faire preuve de l’exis-tence d’un contrat de travail, mais la charge despertes d’exploitation caractérise une situationd’exploitant indépendant (16). Un salarié ne sauraitsupporter un tel risque.

On le voit, indices et critères se côtoient dans unexercice comparatif difficile. Une seule certitude : lejuge décide au cas par cas et l’esprit de système n’a

(7) Cass. soc., 13 novembre 1996, Dr. soc. 1996, 1076, note Dupeyroux.(8) Cass. civ., 1er octobre 1995 : un suivi systématique de chaque lot devolailles, impliquant une visite hebdomadaire de l’élevage, l’établisse-ment de fiches d’élevage et la prescription de certains traitements par untechnicien de l’entreprise industrielle … caractérisent un contrat d’inté-gration.(9) En ce sens Tribunal correctionnel d’Angers, 27 juin 2003, non publié.(10) Revue de droit rural, 1987, 60, obs. Lorvellec.(11) Notamment au regard de la réglementation applicable à la durée dutravail, v. article L.212-15-3, II du Code du travail.

(12) Faut-il envisager les horaires ? Si le salarié reste à la disposition deson employeur, selon un horaire établi par ce dernier, certains salariés,pour lesquels il est impossible de prédéterminer la durée du temps detravail, n’ont précisément pas d’horaires. Ainsi des cadres ayant concluune convention de forfait en jours, v. article L. 212-15-3 du Code du tra-vail.(13) V. Cass. 1re civ., 17 février 1981, Revue de droit rural, 1982, 92, obs .Lorvellec.(14) C. Rennes, 10 juillet 1998, Revue de droit rural, 1998, 497.(15) Cass. 1re civ., 20 décembre 1988, Revue de droit rural, 1989, 214.(16) En ce sens Tribunal correctionnel d’Angers, 27 juin 2003, non publié :« Dépendants économiquement, ce qui qualifie le contrat d’intégration,ils ne l’étaient pas par un lien de subordination juridique, ce qui qualifiele contrat de travail ». Il convient de souligner la remarquable qualitérédactionnelle de ce jugement.

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sans doute pas, ici comme ailleurs, sa place en lamatière. Toutefois, il n’est probablement pas vainde tenter de dépasser ces contradictions en envi-sageant une approche plus synthétique de la ques-tion.

II – L’ARTICULATION DES QUALIFICATIONS

L’articulation des dispositions légales et des nor-mes jurisprudentielles, sur la question qui nousintéresse, nous invite à formuler trois affirmations :le juge n’est pas lié par la qualification retenue parles parties ; les deux qualifications qui nous inté-ressent sont exclusives l’une de l’autre ; le droit dutravail est le droit commun du travail dépendant.

A – Le juge n’est pas lié par la qualificationretenue par les partiesCette règle dépasse bien entendu le domaine dudroit du travail ou du droit rural, puisqu’il s’agitd’une disposition issue de l’article 12 du nouveauCode de procédure civile. Le premier alinéa de cetexte dispose que « le juge tranche le litige confor-mément aux règles de droit qui lui sont applica-bles ». Il lui appartient donc, en présence d’unequalification qu’il considère comme erronée, derequalifier les faits de l’espèce afin de déterminerla règle de droit appropriée (17).

C’est la raison pour laquelle il pourra requalifier encontrat de travail ce que les parties auront cru êtreun contrat d’intégration, et réciproquement. Cetterègle est particulièrement vivace en droit du travailet la chambre sociale, au vu de l’accomplissementobjectif de leurs prestations par les parties, requa-lifie ainsi en contrats de travail des contrats autre-ment qualifiés.

B – Les deux qualifications sont exclusivesl’une de l’autre.Cette affirmation résulte, de façon relativementimplicite, d’un arrêt rendu par la Cour d’appel deGrenoble le 6 février 1970 (18). Une caisse de MSAveut effectuer une reprise de cotisations auprèsd’une société, vue comme l’employeur d’un indi-vidu, agriculteur, pris en tant que travailleur àdomicile, pour un élevage de porc.

Or, l’éleveur est propriétaire de ses locaux, il sup-porte la charge de ses dépenses et dispose de sonpropre personnel. La société, pour sa part, effec-tuait une surveillance de la porcherie et rémuné-rait l’agriculteur par porc et par jour. La Cour enconclut qu’il ne vérifie pas les qualités du travailleurà domicile. Cet arrêt se justifie avant tout parce que

les conditions strictes du travailleur à domicile,posées dans le Code du travail, ne se vérifiaient pasici. Il n’affirme pas aussi clairement qu’il a été ditque les deux qualifications sont incompatibles (19).

En revanche, l’idée résulte de façon nette d’un arrêtdu Conseil d’Etat, rendu en Assemblée, en date du2 juillet 1982 (20). Le Conseil a dû juger le cas d’unepersonne qui, en exécution d’un contrat passé avecune société commerciale, élevait, dans ses installa-tions, un troupeau d’une centaine de truies qui luiavait été confié par une société propriétaire,laquelle fournissait également la nourriture et diver-ses autres prestations. La question était de savoir sil’intéressée pouvait néanmoins être regardéecomme travailleur à domicile au sens de la législa-tion du travail, auquel renvoie le Code général desimpôts.

Le Conseil d’Etat a jugé que la requérante n’avaitpas la qualité de travailleur à domicile dès lors quele contrat la liant avec la société était un contratd’intégration et qu’à ce titre, elle ne pouvait se pré-valoir des dispositions du Code du travail relativesau travail à domicile et enfin, qu’en tout état decause, elle ne remplissait pas les conditions énon-cées par le Code du travail, à savoir le caractère for-faitaire de la rémunération. Il résulte clairement decet arrêt que la qualification de contrat d’intégra-tion est d’abord et avant tout exclusive de la qua-lification de salarié, même s’il est vrai qu’enl’espèce, il s’agit d’un salarié susceptible d’obéir auxrègles d’exceptions du travail à domicile.

Ce raisonnement constitue une véritable méthodede travail pour celui qui s’interroge sur l’articula-tion des deux qualifications qui nous retiennent ici.

Il convient de se reporter aux travaux préparatoi-res pour s’en convaincre. La loi a entendu organi-ser une protection spécifique de l’agriculteur par-tie au contrat d’intégration afin de tenir compte desa dépendance économique, sans pour autant don-ner à la société contractante la qualité d’employeur.

Comment justifier pareil raisonnement ? Il noussemble qu’il ne fait que réaffirmer le droit du tra-vail comme le droit commun du travail dépendant.

C – Le droit du travail est le droit commun dutravail dépendantDroit commun, il a vocation à remplir une fonc-tion supplétive. Que les conditions du contratd’intégration soient réunies, et elles l’emportent surla qualification de salarié, quand bien même lesconditions du salariat se vérifieraient aussi, par uncumul idéal de qualification.

(17) L. Cadiet, Droit judiciaire privé, Litec, 2e éd. 2000, no 1133. V. arti-cle 12 du nouveau Code de procédure civile, alinéa 2 : « Il doit .restituerleur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la qua-lification que les parties en auraient proposée.(18) C. Grenoble, 6 février 1970, D. 1972,640, note Chesné.

(19) V. le Code rural, édition Dalloz, sous l’article L. 326-1 du Code, lanote 15, intitulée incompatibilité des qualifications de contrats d’intégra-tion et de contrat de travail. Nous souscrivons à l’idée mais l’illustrationempruntée à l’arrêt de Grenoble n’est guère convaincante.(20) Cons. d’État, 2 juillet 1982 , Dr. fiscal, 1983, Comm. 501, concl.Rivière.

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La présomption édictée par l’article L. 326-1 duCode rural, lequel dispose que « sont réputéscontrats d’intégration tous contrats (…) conclusentre un producteur agricole (…) et une entre-prise industrielle et commerciale comportantobligation réciproque de fournitures de produitsou de service », ne saurait voir son importanceminimisée. Le Code du travail ne connaît pas - dumoins pour les situations de droit commun −pareille présomption (21).

Bien entendu, si telle ou telle condition fait défaut,le droit du travail a vocation à reprendre sonempire. Vocation : encore faut-il que les critères ducontrat de travail soient réunis (22).

De ce point de vue, il ne semble donc pas que lerapport d’exclusivité fonctionne de façon symétri-que. Priorité doit être donnée au contrat d’intégra-tion sur le contrat de travail. Pourquoi ne pas y voirune priorité de la qualification légale sur la quali-fication prétorienne ? Loin de tous les conservatis-mes, cette priorité ne traduit-elle pas aussi un cer-tain bon sens ?

La pratique des contratsd’intégration en agriculture :une approche de sociologieéconomique

Roger Le Guen, professeurde sociologie à l’ESA d’Angers

L’approche économique des contrats de pro-duction et d’intégration verticale en agriculture acontinué de progresser au cours de ces dernièresannées, à travers la problématique de la coordina-tion fondée sur la notion de « coût de transaction »(Coase, 1937 et Williamson 1975, repris par S.W.Martinez, 2002) (1) et celle des modèles productifs(le fordisme et ses variantes et alternatives : Boyer1998, Boyer, Freyssenet, 2000). Il n’en a pas été demême en sociologie rurale, car dans ce domainedisciplinaire, du moins en France, les analyses detype socio-politique qui étaient menées de concertavec l’économie dans les années 1970-80 sont res-tées attachées au postulat de l’exploitation du tra-vail paysan par l’industrie (Gervais et al., 1976 ; A.Mollard, 1977), bloquant pour ainsi dire l’évolu-tion de la connaissance des interactions socialesentre l’agriculture et les industries d’amont etd’aval.

La prégnance en agriculture d’une identité profes-sionnelle très marquée peut sans doute expliquercette différence d’évolution de la thématique entreles deux disciplines. Les deux notions, voisines, de« paysan indépendant », ou de « producteur fami-lial autonome », recouvrent des conceptions ins-titutionnelles formulées dans les lois d’orientationde 1960-62 : celle de l’État, mise en place avec lapolitique agricole de la IIIe République au XIXe siè-cle, et celle de la profession agricole, qui date dudébut du XXe siècle. Cette vision politique du tra-vail agricole a entraîné depuis les années soixanteà envisager le contrat d’intégration sous l’angle dela sujétion économique et sociale, de la régressionstatutaire et identitaire des agriculteurs.

Mais la dimension idéologique de la question setrouve aujourd’hui renouvelée à l’intérieur de laprofession agricole elle-même. Depuis les annéesquatre-vingt-dix en effet, les syndicats d’agricul-teurs tenants de la responsabilité personnelle desproducteurs considèrent que la coopération tend àinstituer avec ses associés une organisation indus-trielle et commerciale de la production agricole pro-che de celle de l’entreprise capitaliste. C’est préci-sément de ce débat qu’est né ce projet d’étude plu-

(21) Le 7e Livre du Code du travail abonde de catégories professionnel-les, recouvertes du manteau du salariat, alors que bien des éléments lespousseraient naturellement vers l’indépendance.(22) Par exemple, l’article L. 326-26 du Code rural définit, à peine de nul-lité, les clauses obligatoires du contrat d’intégration. Si l’une d’elles faitdéfaut, le contrat est entaché d’une cause de nullité, laquelle ne joueraque si quelqu’un l’invoque et si le juge la prononce.

(1) S.-W. Martinez, Vertical Coordination for marketing systems : lemonsfrom the poultry, egg and pork industries, Agricultural Economic report,no 807, USDA, april 2002.

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ridisciplinaire sur les contrats d’intégration dansl’agriculture des Pays de la Loire : l’intégration neserait-elle pas, en quelque sorte, par l’entremise descoopératives, en train de se généraliser parmi lesproducteurs ? (2).Dans ce contexte, comment reprendre sociologi-quement la question des contrats d’intégration ? Leprincipe de base de notre démarche consiste à étu-dier la relation de contrat de façon compréhen-sive, c’est-à-dire de partir des façons de voir etnotamment des motifs des agriculteurs concernés(contrats avec l’amont ou l’aval ou entre produc-teurs). C’est sur cette base que nous avons mené,entre 1998 et 2001, plusieurs enquêtes dans les sec-teurs de la volaille, du porc et de l’horticulture desPays de la Loire, en relation avec les commanditai-res professionnels.L’axe central de notre recherche renvoie à deuxhypothèses complémentaires :D’un côté, la problématique dominante de la pro-fession agricole tend à dénier la réalité vécue descontrats d’intégration dès lors qu’ils impliquent unedépendance économique, technique et sociale desagriculteurs à l’égard de l’industrie, en contradic-tion avec l’idéologie professionnelle de l’exploita-tion indépendante revendiquée par les syndicats deproducteurs.D’un autre côté, la pratique des contrats d’intégra-tion se renforce par tout en agriculture (3). Elles’élargit notamment du fait des stratégies des filiè-res agroalimentaires qui consistent à organiser laproduction agricole sur la base de contrats liés à desvolumes ou à la qualité des produits sur des mar-chés de plus en plus segmentés (4).L’analyse de la pratique des contrats d’intégrationse place donc dans une dynamique contradictoire,face à laquelle une approche sociologique compré-hensive nous a semblé pertinente. Pour ce faire,nous avons appuyé le modèle d’analyse sur deuxconcepts de sociologie économique : celui demodèle productif et celui d’intégration socio-professionnelle.

I. LES MODÈLES PRODUCTIFS ET LEURAPPLICATION À L’AGRICULTURE

Un modèle productif est défini en économie indus-trielle comme un « compromis de gouvernementd’entreprise », qui permet de réussir, dans desmodèles de croissance donnés, des stratégies de

profit considérées comme acceptables et cohéren-tes par les acteurs concernés (5). D’un point de vuesociologique et dans notre cas d’étude, ce conceptrenvoie à deux axes essentiels : le degré de sépara-tion entre conception et exécution dans la produc-tion agricole (la division sociale du travail entre pro-ducteurs et industriels), le niveau de sécurisationdes marchés et des revenus (la régulation publiquedu marché).Sur la base de cette définition, de nombreux modè-les idéal-typiques peuvent être mis en évidence. Enrelation avec l’analyse des contrats de productionagricole, nous en proposons quatre : le fordismekeynesien, le néo-fordisme dérégulé, le toyotisme etle district industriel appliqué à l’agriculture. Les dif-férents cas de vécu des contrats d’intégration étu-diés dans l’agriculture régionale seront interprétésà partir de cette modélisation.

a) Le fordisme keynesien (cf. Capul et Garnier, 1993)peut être caractérisé par quatre dimensions essen-tielles : une standardisation de la production, uneintégration verticale des activités, une rationalité dutravail séparant radicalement conception et exécu-tion (le taylorisme), la recherche d’un compromissocial dans l’entreprise autour de la répartition desfruits de la croissance.

À ce modèle de travail s’est longtemps attachée enagriculture une politique publique, la PAC, qui défi-nit le rôle de l’Etat comme celui d’un régulateurintervenant dans les dynamiques de marché pouréviter l’effondrement des revenus des producteurset la baisse de la demande globale de biens. C’estl’hypothèse de Keynes : l’Etat peut agir directe-ment sur la demande et sur l’investissement. Cesystème, qui a longtemps été piloté par l’amont del’agriculture, aboutit pour la production agricole àdeux évolutions économiques continues : réduc-tion des coûts, augmentation des volumes ; etsociologiquement, elle promeut une identité pro-fessionnelle centrée sur la productivité et coupée dumarché.

b) À terme, ce modèle productif a donc posé laquestion de l’écoulement de la production et de sondécalage avec l’évolution qualitative de la demandealimentaire. En agriculture comme dans d’autressecteurs, cette logique de production de masse (lesproduits de « commodité ») est entrée en crise dansles années 1980. L’une des issues repose sur l’émer-gence d’une variante du modèle précédent quenous appelons néo-fordisme dérégulé, qui se tra-duit par un retrait partiel ou total des pouvoirspublics de la régulation des marchés, générant enretour une pression sur les volumes mis en produc-tion, sur les prix et sur les coûts à la production. Ilen résulte un éclatement du compromis social, à la

(2) C. Hérault, R. Le Guen, F. Sarrazin, Approche sociologique des contratsd’intégration en agriculture, 2003, FRSEA, CCAOF, Institut de l’Entre-prise – ANDA.(3) La politique agricole commune institue progressivement une condi-tionnalité des soutiens publics qu’elle lie à des règles sanitaires et envi-ronnementales. Au-delà des contrats territoriaux ou d’agriculture dura-ble, les agriculteurs entrent donc dans une démarche de soutiens contrac-tualisés.(4) Un autre type de stratégie consiste à fonctionner sur la base de mar-chés de type « spot »

(5) R. Boyer, M. Freyssenet, 2000, Les modèles productifs, Paris, La Décou-verte.

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fois au sein de l’entreprise industrielle et avec lesproducteurs fournisseurs et une crise identitairechronique dans les secteurs agricoles concernés.

c) Le toyotisme (ou système de production« Toyota », appelé ainsi par référence à l’organisa-tion du travail de l’entreprise japonaise correspon-dante) se caractérise par une démarche originaled’adaptation permanente aux conditions de lademande. À la différence du fordisme, ce modèles’est développé en renversant le positionnement dela firme par rapport à son marché. Il se caractérisepar un pilotage par l’aval et une forte mobilisationdes ouvriers pour s’adapter continuellement auxdébouchés. La firme Toyota a ainsi développé laméthode de production dite « juste-à-temps » quiconstitue dans l’industrie un modèle de référence(Shimizu, 1999). Historiquement, ce modèle pro-ductif associe donc deux dimensions originales, uneforme de division du travail et un type de régula-tion du marché. Son développement en Europepeut être considéré comme une réponse nouvelleface à l’épuisement du modèle taylorien de travailet à la montée d’une économie de la concurrencefondée à la fois sur la maîtrise des coûts et sur ladifférenciation qualitative, dans un contexte d’inter-nationalisation des échanges et des firmes (Yon-net, 1998).

d) Autre modèle productif, le district industrielappliqué à l’agriculture repose sur un type d’orga-nisation économique performante, issu d’unmélange de concurrence et de coopération entredes firmes organisées sur la base d’une division dutravail interne à un espace économique donné,appelé « district » (Datar, 2001) (6) (Sarrazin, 2004).

La performance provient de la qualité de l’inser-tion territoriale : les réseaux économiques etsociaux, ainsi que les collectivités territoriales et lesautres institutions locales, produisent des règlescommunes centrées sur une spécialisation produc-tive. Les acteurs du district industriel formulentleurs problèmes, notamment en se référant à desvaleurs associées à l’exercice d’une ou de plusieursactivités professionnelles. Cette structuration col-lective du travail joue sur les conditions d’appren-tissage du métier pour les jeunes et sur les proces-sus de changement technique. En fait, la vie socialelocale est organisée en rapport avec l’activité pro-fessionnelle dominante, les modèles de travail et devie se correspondent.

Ces quatre modèles productifs permettent d’analy-ser le cadre dans lequel les producteurs agricolesdonnent sens à ce qu’ils font et à l’organisationdans laquelle ils produisent.

II. LES FORMES SOCIALES DEL’INTÉGRATION VÉCUE

Avant de considérer de quelle manière les modèlesde production précédents peuvent interférer avec lephénomène des contrats d’intégration agricoles,nous dégagerons les formes sociales de leur vécu.Pour cela, nous avons repris le concept d’intégra-tion professionnelle proposé par le sociologue S.Paugam (7), qui le définit par deux dimensionsessentielles, qui s’avèrent d’ailleurs proches desdeux axes économiques définissant les modèlesproductifs : le rapport au travail, qui prend encompte son contenu (fierté de soi, reconnaissancedans la réalisation du produit) et le rapport à lasécurisation du revenu (possibilité de s’inscrire dansla durée et de se projeter dans l’avenir).Le vécu des contrats de production agricole, quiconstitue une modalité économique et socialed’intégration professionnelle, peut être analysé encroisant les deux dimensions précédentes l’uneavec l’autre. En restreignant l’observation sociolo-gique à l’exercice du métier, nous proposons doncd’appeler intégration socio-professionnelle le pro-cessus par lequel, à travers des contrats d’intégra-tion, des agriculteurs donnent sens à leur travail etse projettent dans l’avenir. À partir des deux dimen-sions, nous pouvons dégager quatre modalitésd’intégration socio-professionnelle :– Lorsque les actifs agricoles expriment leur satis-faction dans le résultat de leur travail (fierté etreconnaissance) et que leur niveau de revenu estperçu comme satisfaisant, leur assurant une sécu-rité matérielle inscrite dans la durée, la positioncontractuelle est qualifiée d’intégration assurée.– Une satisfaction élevée au travail, doublée d’uneperception du revenu en terme de forte incertitude(variation du niveau), correspond à l’intégrationincertaine ;– Une insatisfaction au travail, accompagnée d’unniveau de revenu considéré comme convenable etassuré dans le temps, correspond à l’intégrationlaborieuse ;− Enfin, la conjugaison de l’insatisfaction au travailet de la précarité du lien au revenu aboutit à unequatrième modalité que nous avons appelée inté-gration disqualifiante.Sur la base de cette typologie, nous avons pu retra-duire, selon les deux axes structurant l’espaced’intégration − la régulation publique de marché etla division sociale du travail agriculture/industrie −différents types de positions des producteurs enfonction des secteurs de production agricole cor-respondants (8).

(6) P. Lacoste (sous la direction de), Agriculture et territoires : quatre scé-narios pour 2015, DATAR, Paris, Futuribles international lips, DATAR,Commissariat général du plan, Travaux et recherche prospective, no 15,décembre 2001, 165 pages.

(7) S. Paugam, Le salarié de la précarité, Paris, 2000, PUF, p. 437.(8) Il s’agit de positionner chaque groupe de producteurs selon les carac-téristiques qui lui correspondent le plus et non de catégoriser stricte-

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Les types de producteurs dans l’espace d’intégration socio-professionnelles (9)

Nous avons par ailleurs constaté que ces positionsdifféraient selon les types d’entreprises intégratri-ces, particulièrement pour les éleveurs de volaille.Autrement dit, les modèles industriels, définis selonla division du travail et le type de régulation mar-chande, constituent des facteurs structurants del’intégration socio-professionnelle. 9

a) Correspondant au modèle fordiste keynesien, ontrouve des producteurs agricoles intégrés, qui sontdes façonniers coupés du marché, de ses enjeux etdonc de la construction de la qualité et du marke-ting des produits. Constituant une force de travailsoumise aux prescriptions de l’entreprise intégra-trice, représentée localement par le technicien dela firme, ils perdent donc toute identité profession-nelle d’entrepreneur économique. Les conditionscontractuelles de leur activité représentent pourleurs pairs l’antithèse des normes professionnellesen matière de travail et d’exploitation. Si les pro-ducteurs sont spécialisés dans ce type d’atelier, ilsse trouvent donc généralement en marge de la pro-fession agricole et souvent isolés dans les réseauxprofessionnels locaux.

Dans ce modèle productif, l’intégration laborieuse(insatisfaction au travail et stabilité des revenus)domine. La dégradation de ce modèle correspondau post-fordisme (cf. § d ) ; elle se traduit pour lesproducteurs par un glissement vers l’intégrationdisqualifiante (insatisfaction au travail et instabi-lité des revenus).

b) L’entreprise agro-alimentaire de type toyotistecorrespond à des producteurs agricoles fortementincités à s’organiser en groupement de produc-teurs associé à une démarche de différenciationsous marque privée. Si cette relation sociale – Yon-net et al. (1998) parlent à ce propos de « sous-traitance de second rang » (10) – n’est sans doutepas fondamentalement différente du taylorisme, lescrises alimentaires des années 1990 aidant, cetengagement collectif des producteurs dans uncontrat associé à un cahier des charges qualitatif estdevenu à la fois un gage de sécurité pour lesconsommateurs et un facteur de reconnaissance dutravail des éleveurs. Ceux-ci participent au fonc-tionnement d’un collectif de sous-traitance qui les

ment et entièrement les groupes de producteurs enquêtés. Les positions ont été établies à partir d’une série d’indicateurs de comportements issus desdonnées des enquêtes conduites en Pays de la Loire.

(9) Les flèches expriment des tendances d’évolution des positions des pro-ducteurs dans l’espace d’intégration socio-professionnelle.

(10) J.-P. Yonnet (sous la direction de), Office de recherches sociales euro-péennes, Les conséquences sociales de l’externalisation et de la sous-traitance, Bruxelles, 1998, 183 p.

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informe sur les évolutions en cours ou à venir, surla logique marketing de l’entreprise, voire qui lesassocie à une partie de la communication externe(visites à la ferme, animations GMS).

La place centrale des agriculteurs dans l’élaborationdes produits justifie cette référence au toyotisme engénéral, et en particulier à la fonction du chefd’équipe que symbolise l’animateur – technicien dugroupement, dans sa capacité à mobiliser lesconnaissances pratiques pour améliorer la produc-tivité des ateliers et la qualité des productions, duservice ou de l’image du produit. Dès lors, la média-tion de l’opérateur industriel n’apparaît plus commeune négation de l’exploitant agricole lui-même, puis-que celui-ci trouve toute sa place en tant que pro-ducteur spécialisé, même s’il délaisse les positionsd’entrepreneur et d’organisateur de la production.En valorisant et en développant ses compétencespratiques, cette partition des tâches ne nie pasl’identité professionnelle de l’agriculteur.

Par l’intermédiaire de son groupement, le produc-teur agricole est associé à l’industriel : il en tire pro-fit et il a conscience de participer à la réussite mar-chande des produits. Ces producteurs se trouventdavantage intégrés à la profession agricole, aussibien localement qu’à travers des sections syndica-les d’aviculteurs et leurs représentants, et depuispeu comme en Bretagne des structures interprofes-sionnelles. Ce modèle de production correspond icide façon dominante à l’intégration assurée (satis-faction au travail et stabilité des revenus), même sielles évoluent dans certaines entreprises travaillantexclusivement pour des marques distributeurs versl’intégration incertaine.

c) Dans le modèle des districts, on constate que lesproducteurs agricoles se considèrent copropriétai-res de la marque, qu’ils co-agissent dans la cons-truction de la qualité, donc des règles de produc-tion qui en découlent. Les caractéristiques du pro-duit et celles du territoire sont fortement liées, ellessont envisagées d’un point de vue à la fois agrono-mique et culturel : c’est ce que l’on appelle le « ter-roir ». En ce sens, les labels, les IGP et les AOC peu-vent faire figure de référence, sans que cela signifiepour autant qu’elles puissent toutes être assimiléesà un district.

La caractéristique essentielle de cette intégration parle territoire est d’être le fruit d’une démarche collec-tive appuyée par des règles techniques et culturellesliées au produit. Fruit de l’autonomie, cette intégra-tion résulte de la valeur marchande du produitconcerné. Dans ce cas, le modèle d’intégration socio-professionnelle dominant est l’intégration assurée(satisfaction au travail et stabilité des revenus).

d) Récent, le modèle néo-fordiste dérégulé est par-ticulièrement perceptible dans le secteur avicole, oùla baisse des restitutions pour le poulet export et

l’augmentation des importations de volailles stan-dard provoquent des baisses de mise en produc-tion et une délocalisation d’une partie de l’amontde ces filières. Des aviculteurs qui se sentaient pro-tégés par des stratégies industrielles, sur des mar-chés stables, se voient brutalement privés de la pos-sibilité de produire. Régression historique étrangeque la condition de ces producteurs exécutantspresque insouciants, brutalement précarisés à lamanière du salariat industriel du XIX siècle !

Dans ce cas, le mode d’intégration professionnelledominant est l’intégration disqualifiante (insatis-faction au travail et instabilité des revenus), quipeut déboucher sur l’exclusion économique etsociale (11).

CONCLUSION

Il existe en agriculture une grande diversité de for-mes sociales d’intégration. Les modalités des contratspeuvent en effet varier très fortement selon les sec-teurs d’activité, d’une entreprise industrielle à uneautre, voire au sein même d’une entreprise selon laqualité produite. Cette diversité est en lien étroit avecle système d’organisation du travail qui régit l’entre-prise et le mode de régulation économique danslequel elle s’inscrit. Le caractère coopératif ou privéde l’outil industriel n’apparaît pas comme un élé-ment très structurant de cette diversité.

Le vécu des producteurs engagés dans une relationd’intégration est lui aussi très variable. Son analysenous renvoie aux quatre grands types d’intégrationsocio-professionnelle, allant d’une situation de forteprécarité sociale et économique à des situationsplus sereines, au travers desquelles la reconnais-sance sociale et financière du travail est assurée.

Les contrats d’intégration conduisent donc à s’inter-roger sur la notion de « responsabilité personnelle »de l’agriculteur en usage au sein de la profession agri-cole. Ce qui est explicitement, depuis les années 1960,à la fois une valeur et un statut doit être revisité,compte tenu bien entendu du degré de spécialisa-tion du producteur engagé dans une relation contrac-tuelle (un contrat d’intégration concerne dans les ¾des cas un seul atelier dans l’exploitation), et sur-tout des logiques pratiques de contractualisation quiconstituent aujourd’hui une condition d’accès aumarché dans de nombreux secteurs de l’agriculture.

Le phénomène de l’intégration ne peut donc êtreanalysé indépendamment des pratiques de contrac-

(11) Le cas de l’intégration dite « horizontale » du secteur porcin, égale-ment placé dans cette dynamique de dérégulation chronique, est sansdoute à considérer à part. Il s’agit en quelque sorte d’une « sous-traitancede capacité » : un producteur intégrateur, naisseur, organise un systèmede relations avec d’autres éleveurs, engraisseurs pour augmenter ses pos-sibilités de production, tout en atténuant les risques induits. Dans cemodèle productif, la position dominante est l’intégration laborieuse (insa-tisfaction au travail et stabilité des revenus).

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Page 38: DROIT AGRAIRE Dans

tualisation qui s’étendent dans tout le domaineagricole et agro-alimentaire, correspondant, d’unepart, au développement des démarches de qualitéassociant des producteurs et des industriels pourvaloriser des produits par des signes officiels ou desmarques, et, d’autre part, à la notion de contratémergeant dans la politique agricole commecontrepartie des soutiens publics.

Ainsi, loin d’être une réalité marginale ou extrêmedu travail en agriculture et de l’organisation de cesecteur, le phénomène de l’intégration est révéla-teur de la diversité et des évolutions des rapportssociaux entre les agriculteurs et les industriels et deleur place dans les dynamiques des filières agro-alimentaires dans notre société.C

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RENDEZ-VOUS

La place de l’agriculture dans le territoireruralXXIIe congrès national de l’AFDR

(Bayeux – 14 et 15 octobre 2005)F7293

Programme détaillé :

Vendredi 14 octobre 2005

9 h 30 : I – L’activité agricole dans le territoire rural : de nouvelles fonctionnalités, de nouveaux outils pourl’aménagement du territoire. Sous la présidence de Yannick Heuchel, maître de conférence de l’Université deRouen

– Le volet agricole de la loi du 23 février 2005 sur le développement des territoires ruraux : Bernard Peignot,avocat aux Conseils

– Une expérience réussie de diversification : le parc de Marcanterra, par M. Jeanson

– Les restrictions de l’activité agricole en zone sensible, par MM. de Gouville, Hébert et Thomine, experts agri-coles et fonciers et Jean-Paul Silié, avocat

– Les dispositions nouvelles relatives à l’environnement, par Annie Charlez, directeur juridique à l’ONCFS

– Territoires et produits agricoles, par Marie-Odile Lux, avocat

14 h 30 : II – Les activités agricoles dans l’espace péri-urbain et dans l’espace littoral, sous la présidence deJacques Foyer, professeur émérite de l’Université de Paris II, Panthéon-Assas.

– La loi littoral : contraintes, chances et incertidudes pour l’activité agricole, par Franck Barbier et Richard LeRoys, avocats

– L’activité agricole en zone péri-urbaine, par Jean Debeaurain, avocat

– L’expropriation : un outil de sauvegarde de l’agriculture autour de la ville d’Amiens, par Gabriel Dessaivre,expert agricole et foncier et Dominique Salomé, notaire

– Une expérience en cours : la mise en place de hameaux agricoles en Région Languedoc-Roussillon, Me Phi-lippe Goni, avocat

– Les nouvelles missions pour les SAFER en zones péri-urbaines. M. Dorison, responsable du département juri-dique à la FNSAFER.

Samedi 15 octobre 2005

9 h 00 : Développement durable du territoire et développement des exploitations agricoles : table ronde orga-nisée par la section de Basse-Normandi et animée par M. Colomer (membre de l’Académie de l’agriculture,administrateur de la SAF).

Participants : Jean-Léonce Dupont (sénateur), M. Legrand, président de la Chambre d’agriculture du Calvados),Me Montier, avocat), M. Ceronie (directeur du CER de la Manche), Anne Hébert (présidente d’une commu-nauté de communes, professeur d’économie), Frédéric Bouet (jeune agriculteur)

11 h 45 : Débats, motions

12 h 15 : Rapport de synthèse par Joseph Hudault, professeur à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne

Page 39: DROIT AGRAIRE Dans

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J.H. 35 ans, première année ayant expé-rience professionnelle préalable dans unesociété d’assurance recherche collabo-ration à mi-temps à Paris - Région pa-risienne.Tél. : 06.07.04.94.93

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J.F., Secr. de direction, cherche CDI.Disp. imméd.Tél. 01.34.12.05.65./06.81.16.37.80.

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Sec. exp. exc. orth. ch. CDI tps comp/part.Tél. : 06.03.91.95.51

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Secrétaire exp. cab. avocats chercheposte temps partiel - Urgent.Tél. : 06.64.50.11.59

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Sec. jud. exp. cherche CDI.01.46.04.36.90 (rép.)/06.03.96.04.24

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Sec. exp. ch. CDI 8 H - 13 H (8e-17e).Tél. : 01.76.67.99.50

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RECUEILS + TABLE SEULS (PRIX TTC) : 290 Q

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