16
Dossier NRP Avril 2011, n°7 Société Quand une ville se défait : Urbanisme, une autre bataille d’Alger Allan Popelard et Paul Vannier Economie Le « non-Maghreb » coûte cher au Maghreb Francis Ghiles Culture Révolution post-islamiste Olivier Roy Mémoire Lieux de culte et architectures Dalila Senhadji-Khiat Statut de la femme en Algérie: droits de l’homme ou droits des hommes ?

Dossier - ovh.net

  • Upload
    others

  • View
    11

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Dossier - ovh.net

Dossier

NRP Avril 2011, n°7

Société Quand une ville se défait :

Urbanisme, une autre bataille d’Alger

Allan Popelard et Paul Vannier

Economie Le « non-Maghreb » coûte cher au MaghrebFrancis Ghiles

Culture Révolution post-islamiste

Olivier Roy

Mémoire Lieux de culte et architecturesDalila Senhadji-Khiat

Statut de la femme en Algérie: droits de l’homme ou droits des hommes ?

Page 2: Dossier - ovh.net

2

NRP, février 2011, n°6

SommaireN° 7 Avril 2011

La NRP est la nouvelle formule de la « Revue de presse »,

créée en 1956 par le centre des Glycines d’Alger.

[Attestation du ministère de l’information: A1 23, 7 février 1977]

Revue bimensuelle réalisée en collaboration avec le :

Ont collaboré à ce numéro

Bernard JANICOTHizia LAKEDJA

Fayçal SAHBIMehdi SOUIAH

Leila TENNCIHouari ZENASNI

CENTRE DE DOCUMENTATION ECONOMIQUE ET SOCIALE

3, rue Kadiri Sid Ahmed, Oran • Tel: +213 41 40 85 83 • Courriel: [email protected]

Site web: www.cdesoran.org

Si vous voulez recevoir gracieusement les numérossuivants de la Nouvelle Revue de Presse, envoyez-nous un message à l’adresse suivante:

[email protected] idées exprimées dans les textesrepris par la NRP n’engagent que laresponsabilité de leurs auteurs

Algérie : peut-on parler de démocratie sanségalité entre les deux sexes ?Samir Rekik, p.4

La femme et les droits de l’homme en droitalgérienNasr Eddine Lezzar, p.5

Le droit musulman ne s’applique qu’au codede la familleSalima Tlemçani, p.6

Plus de 41 000 cas enregistrés en 2009 :Le divorce se banaliseAli Farès, p.7

Les violences faites aux femmes (Extrait de:

Les sept plaies de l’Algérie), p.7

SociétéQuand une ville se défait : Urbanisme, une autrebataille d’AlgerAllan Popelard et Paul Vannier, p.8

EconomieLe « non-Maghreb » coûte cher au MaghrebFrancis Ghiles, p.10

Algérie : Satisfecit du FMI, carton rouge des dé-mocratesAbdelmadjid Bouzidi, p.11

CultureRévolution post-islamisteOlivier Roy, p.12

Ahmed Kerroumi: Un grand militant de la causedémocratiqueAkram El Kébir, p.13

MémoireLieux de culte et architectures :Réappropriations et transformations à Orandepuis l’indépendance de l’Algérie (extrait)Dalila Senhadji-Khiat, p.14

Bibliographie, p.16

Dossier:

Statut de la femme en Algérie: droits de l’homme ou droits des hommes ?

Page 3: Dossier - ovh.net

3

NRP, avril 2011, n°7

Editorial

Tout un dossier est consacré dans ce numéro de la nouvelle revue de presse auxdroits de la femme. « Un de plus ?! » diront quelques uns, « encore un !! » dirontd’autres. A vrai dire, dans notre quête d’articles en vue de la constitution du présentdossier, peu d’entre eux traitent sérieusement de la question, particulièrement dupoint de vue du droit, sauf peut être pour relayer la tenue d’une rencontre ou lapublication d’un rapport.L’Algérie est bien loin de ces voisins maghrébins en matière de droits de la femme etd’égalité des sexes. L’inégalité est plus flagrante dès la lecture des premiers articlesdu code algérien de la famille malgré une réforme intervenue en 2005 connue pourn’être qu’un compromis entre différents courants de la société, ce qui l’a vidé de sonesprit et l’a donc dévié de ses objectifs. Faut-il une autre réforme ? C’est ce quedemandent certains ; celle-ci risquerait, néanmoins, d’être vaine sans un travail desensibilisation auprès des différentes couches de la société civile ainsi que dans lesécoles.La ratification par l’Algérie de la convention sur l’élimination de toutes formes dediscrimination à l’égard des femmes (CEDAW) aurait permis de conclure que le paysva dans le bon sens si des réserves n’avaient pas été émises, celles-ci ayant vidé laconvention de son sens.Mais des conditions meilleures semblent se dessiner dans une tout autre sphère,cette fois-ci politique, avec un projet de loi qui, s’il vient à être adopté, permettraitune plus grande participation de la femme au sein d’assemblées d’élus (es). Des droitspolitiques en attendant de concrétiser les droits civils et les libertés individuelles etpubliques de la femme, ne serait-ce pas l’arbre qui cache la forêt ?

Houari ZENASNI

Page 4: Dossier - ovh.net

4

NRP, avril 2011, n°7

DOSSIER

19 Mars 2011

Samir REKIK

Des mesures de simplif ication de la procédure demariage des Marocaines résidant à l’étranger ontégalement été prises ainsi que d’autres concernantl’héritage …Le code des statuts personnels tunisien,promulgué le 13 août 1956, quelques mois à peine aprèsla proclamation de l’indépendance, dispose d’un arsenaljuridique dont la femme tunisienne tire sa fierté. A titred’exemple, l’abolition de la polygamie et de larépudiation, l’instauration du consentement au mariageou encore l’affirmation de l’égalité des sexes face audivorce.

Et le code Algérien de la famille ?

La question d’une loi sur la famille algérienne avait étédébattue au cours de la guerre de Libération nationale(…)

En 1962, le parti FLN s’engageait dans la charte de tripolià supprimer tous les freins à l’évolution de la femme et àson épanouissement. Deux ans plus tard, la charted’Alger mentionne que «l’égalité de la femme et del’homme doit s’inscrire dans les faits». C’est à partir de1964 que l’idée est venue de faire un code conformeaux traditions arabo-musulmanes que commence lagrande marche vers le code de la famille actuel - loi N°84-11 du 9-06-1984.

(…) qualifié par certains éminents juristes « d’injusticehistorique». Le code s’inspire de la charia (rite malékite).Ce texte, largement inspiré de la loi coranique (charia),est encore en vigueur aujourd’hui, et situe l’Algériecomme le pays le plus rétrograde du Maghreb du pointde vue des droits de la femme. (…) D’un côté, celui-cireconnaît des droits constitutionnels aux femmes ; ledroit de vote, le droit au travail, l’abolition desdiscriminations. De l’autre, par contre, il maintient cecode en contradiction flagrante avec les principesénoncés par la Constitution et les conventionsinternationales. Durant le VIIe siècle, le grand philosopheandalou-Maghrébin Ibn Rochd a attribué la stagnationdes pays musulmans à la subordination et la claustrationdes femmes dans les Etats islamiques. «On ne connaîtpas la capacité des femmes parce qu’on ne les prendque pour la procréation. On les met donc au service deleur mari et on les relègue aux tâches de l’éducation desenfants et de l’allaitement Le fait que la femme est unfardeau pour l’homme est une des raisons de la pauvretédes Etats musulmans». (…)

La femme et la CEDAW [convention sur l’élimination detoutes les formes de discrimination à l’égard des femmes]

Comme vous le savez, l’Algérie a mis des réserves quidécoulent du code de la famille. Ces réserves qui vident

la convention de son sens et les préoccupations sontcelles qui concernent l’article 2 : «...Prendre toutes lesmesures appropriées, y compris des dispositionslégislatives, pour modif ier ou abroger toute loi,disposition réglementaire, coutume ou pratique quiconstitue une discrimination à l’égard des femmes...» ;L’article 15 : «...les Etats parties reconnaissent à la femmeune manière civile, une capacité juridique... à circulerlibrement et à choisir leur résidence et leur domicile...»et l’article 16 : «... le même droit de contracter un mariage,de choisir librement son conjoint et de ne contractermariage que de son libre et plein consentement, lesmêmes droits et les mêmes responsabilités au cours dumariage et lors de sa dissolution ; les mêmesresponsabilités en tant que parents...» Qui font de lafemme algérienne, quel que soit son âge, ne peutconsentir seule au mariage et qu’elle ne peut divorcerque dans des conditions contraignantes. Et n’oublionspas, que sur le plan constitutionnel les traités sontsupérieurs à la loi (article 132) !!!

Le Comité pour la Cedaw a, le 11 janvier 2005, engagél’Algérie à achever la révision du code de la famille et àpromouvoir dans les faits l’égalité entre les hommes etles femmes. Le 2ème rapport périodique présenté par ladélégation algérienne conduite par le représentantpermanent auprès des nations Unies, Abdallah BAALI,en application de l’article 18 de la convention sus – citée,stipulant que : « Les Etats parties s’engagent à présenterau secrétaire général de l’organisation des Nations Unies,pur examen par le Comité, … un rapport sur les mesuresd’ordre législatif … tous les 04 ans ». Notons ainsi, que legouvernement algérien ne considère pas les articles 2(cadre juridique) et 16 (mariage et famille) commel’essence, même, de la convention.

En conclusion, nous dirons que la mise en place d’unevéritable démocratie en Algérie passe la mise en placedes lois civiles égalitaires.

La Moudawana du Maroc (code de la famille) a connu une reforme remarquable en octobre 2003. (…)Onze nouvelles règles donnent ainsi vie aux revendications de ces associations. La plus importante : laresponsabilité conjointe des époux au sein de leur famille. Ce qui marque la fin de l’inégalité juridique

entre l’épouse et son mari. Deuxième point important : la règle qui soumettait la femme à la tutelle d’unmembre mâle de sa famille et faisait d’elle une éternelle mineure est abolie. L’âge du mariage passe de 15à 18 ans pour la femme, la polygamie est désormais soumise à des règles restrictives (la première femme

a notamment le droit de s’y opposer), la répudiation devrait être remplacée par le divorce judiciaire (quipeut être demandé tant par l’homme que par la femme).

Algérie : peut-on parler de démocratie sans égalité entre lesdeux sexes ?

Page 5: Dossier - ovh.net

5

NRP, avril 2011, n°7

DOSSIER

Nasr Eddine LEZZAR(…)

L’Algérie a ratifié la quasi-totalité des instrumentsinternationaux des droits de l’homme, mais n’aratifié aucun instrument relatif à la reconnaissance

et protection des droits de la femme (…)Elle a par contre ratifié les autres conventions contre lesdiscriminations, notamment celles basées sur la race,celle contre l’apartheid dans les sports. Elle a toutefoisratifié, il faut le dire, la convention de l’OIT concernantl’égalité de rémunération entre la main-d’œuvre masculine  et la main-d’œuvre féminine pour un travailde valeur égale. C’est la seule convention protectricedes droits des femmes que l’Algérie a ratifiée.Elle a finalement, et à une date relativement récente(1994) ratifié la convention pour l’élimination de toutesformes de discrimination à l’égard des femmes.Cependant, cetteratif ication estrévélatrice etinsignif iante pour deuxraisons : - révélatrice en raison duretard avec lequel elleest survenue, et lescirconstances politiquesqui l’ont entourée ;- insignif iante en raisond’une réserve dont elleest assortie et quipermet le maintien ducode de la famille,réceptacle infâme etignoble de toutes lesinégalités des sexes endroit algérien. (…)Il et vrai que certainesrecherches et enquêtesmenées auprès duministère des Affairesétrangères ont révélé que certaines absences deratif ications ne sont en fait que des omissionscommises par les services concernés qui se ravisent lemoment venu et mettent en œuvre la procédure etles formalités nécessaires. Mais cette hypothèseest diff icilement défendable en l’occurrence, carl’Algérie a ratifié toutes les conventions relatives auxdiscriminations, sauf celle basée sur le sexe. (…)Pourune meilleure évaluation et appréciation, scrutons ledroit interne pour avoir une idée sur sa conformité avecles principes et règles contenus dans ces conventions.

Le code de la famille de 1984Ce texte  adopté en 1984 est une sorte de réceptacle,où se réunissent les plus grandes inégalités et les plusmanifestes discriminations subies par la femme dansle droit algérien. (…)

La réforme de 2005 / ombres et lumière :

En 2005, la première reforme de ce texte scélérat estvenue, on ne peut que  s’en réjouir. L’évaluation, pourl’heure, des nouvelles dispositions de ce texte cardinalpour la stabilité des familles, ne peut être que précoceet prématurée, ce texte n’a que cinq ans d’applicationet dans certains cas, ce n’est pas suff isant. Desfaiblesses commencent cependant à apparaître et leslacunes doivent être comblées.Le domicile conjugal : Une amélioration à saluer et àparfaire(…) Sous l’ancien régime, la divorcée gardienne desenfants ne pouvait bénéficier du domicile conjugal quesous deux conditions qui se trouvent être prohibitives :- L’absence d’un «ouali» pour l’héberger.- Que l’époux possède plus d’un logement.

(…) Le résultat est quedurant deux décenniesd’application du texte,je ne connaispersonnellement pas de cas de domicileconjugal qui ait étéaffecté à l’exercice dudroit de garde.Il faut saluer l’effort decertains magistrats quiont cherché à atténuerl’iniquité du texte encondamnant l’époux às’acquitter du montantd’un loyer indépendantde la pensionalimentaire.  Les nouvellesdispositions ont, en fait,consacré cette formulej u r i s p r u d e n t i e l l e

salutaire en prévoyant l’obligation, devenue légaleet expresse, incombant à l’époux de verser à lagardienne des enfants l’équivalent d’un loyer décent.L’article, en outre, garantit à l’épouse le maintien audomicile conjugal en attendant que l’époux exécuteson obligation. C’est une avancée remarquable quiouvre des brèches.La notion de loyer décent est approximative et desépoux mal intentionnés exploiteront sans doutel’ambiguïté. Ils enverront leur femme et leurs enfantsdans des logements à la décence controversée. (…)Le législateur aurait dû, à notre sens, s’arrêter au droitau maintien dans le domicile conjugal pour éviter aux enfants les  désagréments matériels etpsychologiques d’un transfert notamment en périodescolaire. (…)La déchéance du droit de garde engendre la perte dudroit au domicile conjugal. Il est naturellement

La femme et les droits de l’homme en droit algérien

Page 6: Dossier - ovh.net

6

NRP, avril 2011, n°7

DOSSIER

révoltant pour les maris de voir  leurs ex épousesremariées à un tiers et vivant sous son toit. (…)

L’omniprésence du ministère public dans lesaffaires familiales

Le ministère public est devenu partie prenante et doitêtre mis en cause dans toutes les affaires relatives à l’application

du code de la famille. (…)

Cela étant, ils réagissent à cette mise en cause de façon amorphe

et passive à la limite de la simple formalité. N’aurait-on pas dû,

ne devrait-on pas, limiter cette mise en cause aux causes qui le

méritent, notamment celles liées à la pension alimentaire, au

logement conjugal, au droit de garde, au droit de visite, à la

pension alimentaire. Que peut  ou que doit dire un procureur

dans une affaire qui n’a aucune implication pénale. (…)En

restreignant la mise en cause du parquet aux affaires où il peut

pénalement être interpellé, on allégerait son fardeau et on

augmenterait l’efficacité et la célérité de son intervention.

Par ailleurs cette nouvelle disposition a créé dans certains

tribunaux un incident procédural sans précédent, (…)

Pour comprendre cela, il  faut savoir  que la mise en cause du

procureur de la République en tant que partie dans un procès

donné, nécessite une citation à comparaître transmise par voie 

d’huissier. Des procureurs de la République se  sont sentis

offusqués et ont refusé d’accepter les notifications transmises

par voie d’huissier estimant que cela était incompatible avec

leur statut. Les huissiers soumis, dans leurs activités, au contrôle

des parquets se sont laissés intimider et se sont donc abstenus

de mener la procédure à son terme. Les juges du statut

personnel (appelés dorénavant juges des affaires familiales)

ont estimé devoir s’en tenir à la lettre du texte et ont rendu

des jugements de rejet en la forme pour non accomplissement

des procédures requises.

(…) Ce blocage procédural qui a causé de multiples dénis de

justice dans certains tribunaux a trouvé une issue grâce à des

accords conclus entre parquets, bâtonnats et juges du statut

personnel. Mais cet arrangement est informel donc précaire 

(…)

La polygamie : De l’information au consentementUne autre avancée (mais il n’est pas évident qu’elle en soit

une) porte sur le nécessaire consentement de l’épouse ou des

épouses à la polygamie du mari. Le texte de 1984 se limitait à

l’obligation d’information. (…)

L’enfance hors mariage : Le néant juridique[* Le fichier contient des données incorrectes. | En-ligne.JPG

*](…) Les rédacteurs du nouveau texte n’ont pas osé ou n’ont

pas  pensé devoir se pencher sur cette question douloureuse

entre toutes. (…)

- Il faut commencer par préciser que le code pénal algérien ne

prohibe pas les relations sexuelles hors mariage lorsqu’elles

ont lieu entre personnes adultes, consentantes, célibataires et

en dehors d’espaces publics.

- On réprime l’attentat à la pudeur lorsqu’il est public, on

sanctionne aussi les relations avec mineurs ou avec et entre

personnes marié(e)s en cas de plainte de l’époux trompé

(l’époux peut signifier aussi bien l’homme que la femme).

De son coté, le code de la famille ne prévoit aucun statut pour

l’enfant issu de relations sexuelles somme toute licites et

légales puisque non prohibées et non sanctionnées.

Par ailleurs aucun texte algérien ne crée d’obligations, même

alimentaires, vis à vis de l’enfant naturel.

Enfin notre législation et notamment le code de la famille

prohibe la légitimation de l’enfant naturel par le mariage de

ses parents biologiques.

- En conclusion et en définitive le droit algérien autorise l’enfant

à naître en dehors du mariage mais ne lui consacre aucun droit

et aucun statut et le condamne a rester «ad-vitam aternam»

dans un néant juridique

07 et 08 mars 2011

Le droit musulman ne s’appliquequ’au code de la famille

La loi portant code de la famille est la seule loi al-gérienne à se recommander explicitement de lacharia et à se référer aux préceptes d’Omar pourqualifier les héritiers. Les spécialistes du droitmusulman soulignent que l’emprise du droit mu-sulman a toujours été plus forte concernant le sta-tut personnel que dans les autres aspects (droitpénal, fiscalité, droit constitutionnel). Pourtant,même dans ce domaine, la pratique réelle du droits’est parfois écartée de la lettre des préceptescoraniques. (…) «La pratique du droit musulmana montré une meilleure tolérance pour les règlescontraires aux droits des femmes (exhérédationen droit coutumier) que pour celles allant dans lesens de l’égalité. Or, la notion d’égalité entrehomme et femme est très forte dans le Coran quiinsiste – en rupture avec les conditionsprévalentes à sa révélation – sur l’égalité entre leshommes et lesfemmes.Le concept originel du dual (zouaj), qui n’est nisingulier ni pluriel, est à la base même de la languearabe. Tout comme les parties du corps qui exis-tent en double, l’homme et la femme vont natu-rellement en paire. Il existe une corrélation entrece concept et celui d’égalité parce qu’ils formentune paire. L’égalité est au fondement même de larelation homme-femme. Il ne peut y avoir une su-périorité de l’un sur l’autre. Le concept deqawwama, qui définit l’obligation de l’homme enmatière de logement, nourriture et d’entretienvis-à-vis des femmes de sa famille, est de l’ordrede la compétence et non du pouvoir puisqu’il ex-prime une obligation de subsistance, de solidaritéet de protection», expliquent les organisateurs.(…)

15 décembre 2010

Salima Tlemçani

El Watan

Page 7: Dossier - ovh.net

7

NRP, avril 2011, n°7

DOSSIER

Depuis 2004, le nombre de divorces est passé de 29 731cas à 31 133 en 2006 et 41 549 en 2009. Des chiffresconsidérés comme alarmants en liant les conséquencesdramatiques sur la cellule familiale de ce phénomènede société.Les cadres du ministère délégué à la Famille invitées auForum d’El Moudjahid, organisé autour du thème “lephénomène du divorce”, n’ont pas manqué de concluresur le drame que ce phénomène entraîne pour les fa-milles. Mme Houacine, chef de cabinet du ministère con-cerné, a, tout en rappelant que le divorce touche toutesles couches sociales y compris les couples de plus dequatre-vingt ans, fait remarquer que 11% des familles sontmonoparentales. “Les raisons sont multiples dont certai-nes liées à la conjoncture qu’a connue le pays, mais arrê-ter le divorce c’est de l’utopie”, souligne-t-elle, préci-sant que “ce volet est une des premières préoccupa-tions du ministère mais sans perdre de vue qu’il s’agitaussi d’une thématique transversale nécessitant l’impli-cation de tout un chacun”. Dans le même sillage, MmeMekhtaf, CES et sociologue de formation, préconise quesoit constituée une équipe de recherche sur le complexedu divorce lié à la transformation de la famille. MmeBelhocine abonde sur la question en parlant de la néces-sité de prévenir le divorce par la mise en place d’unecellule de recherche ayant pour mission la protection dela famille. “Le divorce touche en premier lieu l’enfant quinaît d’un lien rompu du couple. Il serait donc judicieux demettre en avant la période d’avant divorce, de sorte àpréparer les futurs époux à une vie ensemble, dans uneharmonie familiale et comment justement éluder les fac-teurs pouvant conduire au divorce”, explique-t-elle. PourMme Bouraghda, CES, cette ascension du nombre dedivorces s’explique aussi par le fait que certains articlesdu code de la famille, notamment le fameux article 53,relatif au “kholaâ” permettent des facilités à la femmede demander le divorce. “Cependant, les femmes conti-nuent à rencontrer des problèmes en matière de droitau gîte, à la pension alimentaire et à la garde de l’en-fant”, souligne-t-elle. Mme Mahdi, CES, aborde le dramequi s’en suit de ce divorce à savoir l’enfant qui subit celapar des troubles psychologiques générés par un man-que d’affection et qui vont l’entraîner dans un autremonde, celui de la drogue, de la délinquance, de la dé-perdition scolaire et autres. Les relations familiales sedétériorent pour laisser place à la désagrégation totale.Une autre invitée de marque, Mme Djaâfri, présidentede l’Observatoire algérien de la femme (OAF), se désolede constater que les chiffres du divorce ne font que grim-per d’année en année. Elle préconise de préparer le fu-tur couple à la vie commune en expliquant aux deuxépoux ce qui les attend durant la vie de couple et quetout n’est pas aussi rose qu’on le pense. Son idée reposesur l’expérience de l’Indonésie dans ce domaine. PourMe Nadia Aït Zaï, avocate connue pour sa position sur lecode de la famille qu’elle a toujours critiqué, “la dériveprend de l’ampleur quand on met en avant le droit de la

femme à demander le divorce”. Ce n’est pas cela quimet le couple en péril quand on sait que sur le chiffre desdivorces, toutes raisons confondues, 12 900 sont à l’amia-ble. “Il faut cesser d’exhiber le “kholaâ”, comme motifvisant à déstabiliser le couple. C’est la Cour suprême quia décidé que l’autorisation du mari n’était pas exigée pourvalider la demande de divorce. Qu’a fait le législateur en2005 ? Il a tout simplement consolidé la décision de laCour suprême”, commente l’avocate. Cette dernièresaisit d’ailleurs l’occasion pour dire que le code de la fa-mille n’est pas progressé. “Le code de la famille de 1984est venu remettre en cause certains acquis de familledont on peut citer le jugement rendu en première ins-tance. On ne demande même pas au mari la raison dedemander le divorce. Et le divorce n’est même pas passi-ble d’appel, alors que cela était possible avant 1984, c'est-à-dire du temps où les juges interprétaient selon le droitmusulman. La femme avant 1984 était maintenue sur leslieux. Actuellement, on continue à allouer à la femmedivorcée une pension alimentaire calculée sur une an-née de vie conjugale même si le couple à vécu ensembleplus de quarante ans. Le code de la famille ne protègepas la famille parce que tout simplement il ne tient pascompte de la réalité du terrain”, conclut l’avocate. Unereprésentante de l’association Rachda a attiré l’attentionde l’assistance en parlant des conditions déplorables etsurtout de l’injustice que subit la femme dans l’Algérieprofonde.

Liberté 31 mars 2011

Plus de 41 000 cas enregistrés en 2009Le divorce se banalise

Ali FARÈS

Les violences faites aux femmesElles revêtent diverses formes et touchent toutes les catégo-ries sociales. Physiques ou psychologiques, les violences faitesaux femmes constituent un phénomène en nette recrudes-cence. Pour les dix premiers mois de l’année, la DGSN a enre-gistré plus de 7?500 plaintes de femmes ayant subi des violen-ces, dont 5?486 pour coups et blessures.Le rapport renvoie dos à dos les pouvoirs publics et la société,les premiers pour ne pas avoir pris la mesure du phénomèneet légiféré en conséquence, la seconde pour ses pesanteursqui empêchent les victimes de signaler la violence du père, dufrère, du conjoint, voire du collègue de travail. « Outre toutesces formes de violence, affirme Farouk Ksentini, il y en a uneautre, plus pernicieuse, d’ordre juridique », en référence aucode de la famille qui fait de la femme une éternelle mineure,voire une sous-citoyenne, en violation des dispositions consti-tutionnelles. Le rapport considère ce phénomène comme uneatteinte fondamentale aux droits de l’homme et préconiseun durcissement de la législation à l’encontre des auteursd’agression ou de harcèlement. Sur le plan des droits politi-ques, le document suggère une révision de l’article 31 bis de laConstitution qui prévoit un quota de 30 % de femmes dans lesassemblées élues et qui est jugé restrictif. « Pourquoi le ré-duire aux seules assemblées élues? » s’interroge Me Ksentini.(…)

Extrait de: Les sept plaies de l’Algérie

Jeune Afrique 29 décembre 2010

Page 8: Dossier - ovh.net

8

NRP, avril 2011, n°7

[SO

CIÉ

TÉ]

Comment comprendre une ville lorsqu’on y déambule ? Entre la Casbah abandonnée et les cités-dortoirs de la périphérie, l’histoire algérienne s’est inscrite dans la géographie de la capitale, avec ses

omissions, ses compromissions. Le destin d’Alger la Blanche traduit ainsi le délitement du « pacte »national noué au moment de l’indépendance.

Passé 20 heures, Alger se meurt. Lesgarçons de café rangent les terras-ses ; les commerçants baissent lestore de leur boutique. Dans le dé-sert du centre-ville ne s’observentplus que les barrages de police quicontrôlent les automobilistes. Lamémoire de la terreur des annéesnoires, des voitures piégées dans larue, des bombes aux entrées de ci-néma est encore vive. L’état d’ur-gence, toujours en vigueur, interditles rassemblements. Quant à lavolonté de contenir l’islamisme,elle a conduit l’Etat à satisfairecertaines de ses exigences. EnAlgérie, mille deux cents débitsde boissons ont fermé par déci-sion administrative entre 2006 et2008. Les lieux publics se raré-fient chaque année. L’espace deloisir se confond peu à peu avecl’espace domestique. Aux bal-cons, les paraboles ont fleuri.Certes, les gargotes continuentd’animer les quartiers du centre,de Bab el-Oued, de Belcourt.Mais à mesure que la nuit tombe,ne restent ouverts que les grandshôtels et les clubs sélects desquartiers chics. Seule la bour-geoisie peut alors se réunir ; ellea su aménager ses propres espa-ces, censitaires, de récréation. ASidi Yahia, en contrebas du quartierriche d’Hydra, s’égrènent le longd’une rue les magasins de grandesenseignes et les auvents de cafés envogue où garçons et filles peuventse retrouver — les terrasses du cen-tre-ville et des quartiers pauvressont, elles, presque exclusivementmasculines. L’initiative privée a mé-tamorphosé ce fond d’oued qui, il y apeu, n’accueillait que quelques mai-sons. Sidi Yahia est ainsi devenu l’undes lieux de rendez-vous favoris dela jeunesse dorée. Les quartiers po-pulaires, eux, sont laissés à l’aban-don. Symbole et symptôme de cetteincurie, la Casbah.Inscrit au Patrimoine mondial del’Unesco en 1992, le cœur historiqued’Alger tombe en ruine. Les immeu-bles disparaissent, remplacés par destas de gravats. Des échafaudages,des poutres métalliques, des arma-

tures en bois soutiennent les mursf issurés. Alors que tout avait étépensé pour soustraire au regard desvoisins et passants le cheminementintime des journées en famille, le ven-tre ouvert de certaines maisons cons-titue une percée obscène. Faïencesbrisées, boiseries arrachées : le déla-brement des patios laisse entrevoirl’ampleur du désastre.Nul ne s’aventure dans ce labyrinthed’escaliers et de ruelles. Pour beau-coup d’Algérois, la Casbah est une

terra incognita. Au moment de l’in-dépendance, la plupart des famillesqui la peuplaient sont parties, préfé-rant les logements des Européens,plus modernes, plus confortables.D’autres, ruraux en exil, ont pris pos-session du quartier. Ils ont enfoncéles portes des maisons laissées vacan-tes et les ont squattées. La Casbahest devenue un sas où l’on vit quel-que temps avant de trouver autrechose ailleurs.Avec le départ des vieilles familles,l’endroit s’est dégradé. Une partiedes nouveaux habitants saccagentleurs domiciles pour bénéficier deprocédures de relogement. Le dégâtdes eaux est une technique couram-ment utilisée. D’après M. Lahsen,membre de la Fondation Casbah, uneassociation qui tente de restaurer lepatrimoine de ce quartier, trois cent

cinquante maisons auraient ainsiété détruites. Hormis la réhabilita-tion de quelques bâtimentscomme le palais de Mustapha Pa-cha, les autorités laissent faire.Pour les habitants comme pour lesgens de passage, Alger, pourtant,c’est ici, place des Martyrs, dansla basse Casbah. Dans cette citéfaçonnée par le colonisateur, qui,au crépuscule, quand grisonne lablancheur des façades, ressembletant à Paris, la Casbah, c’est le peu

qui reste de la ville arabe etottomane. Comment expli-quer que l’Etat ne lui accordeaucune valeur ?Le fait qu’elle a toujours étéconsidérée comme un lieu dedépravation joue sans douteun rôle. Espace de trafics, debordels, elle résiste aux dis-cours moralisateurs des gou-vernements comme des isla-mistes, toujours prompts àexalter l’authenticité desmasses paysannes contre ladissolution des mœurs urbai-nes. Mais cette anomalie s’ex-plique plus sûrement par la fa-çon dont les dirigeants duFront de libération nationale(FLN) ont, dès la guerre d’Al-gérie, conçu et construit lecadre de leur légitimité politi-

que.Celle-ci n’est pas démocratique,fondée sur des élections pluralis-tes. Elle est historique et s’enra-cine dans la guerre d’indépen-dance. Les résistants de la Casbahsont certes partie prenante de cemoment fondateur, mais, lors dela bataille d’Alger de 1957, le dé-mantèlement de la résistance in-térieure par les parachutistes dugénéral Massu leur imposa deuxans d’efforts de réorganisation. LaCasbah est le lieu d’une défaitemilitaire.Si la guerre d’Algérie fut gagnéepolitiquement par les Algériens, iln’en alla pas de même sur le planmilitaire. Cette réalité, les officiersarrivés au pouvoir grâce au coupd’Etat du colonel Houari Boume-diene en 1965 l’ont occultée.

Quand une ville se défait

Urbanisme, une autre bataille d’Alger

Allan POPELARD et Paul VANNIER

Page 9: Dossier - ovh.net

9

NRP, octobre 2010, n°4

[SO

CIÉ

TÉ]

Aucune célébration officielle de labataille d’Alger n’existe, tandis queles manifestations algéroises de dé-cembre 1960 sont commémorées.La Casbah peine à trouver sa placedans le champ de l’histoire nationale.Ce refoulement, cette amnésie dé-coulent d’un processus de légitima-tion du pouvoir politique en place.« Prendre Alger, c’était prendre l’Al-gérie. Tous les groupes en compéti-tion se sont affrontés pour contrôlerla capitale », souligne l’historien Ben-jamin Stora. Quand les Algérois virentpénétrer dans leur ville les chars deBoumediene, ils crurent d’abord quec’était, comme chaque jour, GilloPontecorvo, le réalisateur de La Ba-taille d’Alger, qui dirigeait son film.Ils pensèrent que des chars françaisavaient été amenés sur les lieux dutournage pour les besoins d’une re-constitution. Puis ils comprirent qu’ilsétaient bien algériens et transpor-taient de véritables soldats. Uneautre bataille d’Alger se préparait.Moins violente, mais tout aussi déci-sive pour l’avenir du pays. Dans lesmois qui suivront l’indépendance,ceux de l’extérieur soumettrontceux de l’intérieur. Et, après les avoirécartés du pouvoir, les effacerontdes livres d’histoire.[...]

La manne urbaine attire toutesles convoitises

Depuis la fin de la guerre civile, laquestion du logement se pose avecplus d’insistance. Certes, M.Abdelaziz Bouteflika a entonné à sontour la ritournelle politique de tousses prédécesseurs. Lors de sa cam-pagne électorale de 2009, il s’estengagé à construire un million de lo-gements en cinq ans, présentant «l’éradication de l’habitat précaire »comme l’une de ses priorités. Le bi-donville de Bab Ezzouar a bien étédétruit en juillet 2010, après reloge-ment de ses habitants dans des im-meubles neufs en périphérie de laville. Mais à l’ouest de la capitale, surles hauteurs de Bologhine, un quar-tier aux allures de favela abrite tou-jours des milliers de personnes à flancde colline. Pour elles, rien n’est prévu; et le flot des nouveaux arrivants netarit pas.Les révoltes qui éclatent régulière-ment dans les quartiers pauvres sontl’indice d’un délitement du « pacte »national qui a longtemps lié la classepolitique à la population. PourNordine Grim, journaliste à El Watan,

la crise du logement résulterait moinsd’une distorsion entre l’offre et lademande que de l’inconséquence dupouvoir. « En Algérie, explique-t-il, ily a sept millions deux cent mille lo-gements pour trente-quatre millionsd’habitants. La taille moyenne desménages étant de cinq personnes,on devrait pouvoir loger tous les Al-gériens avec un taux d’occupationtrès convenable. La crise du loge-ment n’est pas seulement un pro-blème de disponibilité. C’est surtoutun problème de répartition. La vraiequestion, ici, c’est le clientélisme etla corruption. »Au sein de l’administration, des ré-seaux proches du pouvoir s’affron-tent pour le contrôle de la rente ur-baine. M. Mohamed Larbi Merhoumen a fait l’expérience. Prix nationald’architecture, il concourt en 2007pour la construction d’un pôle univer-sitaire à Alger. Classé premier à l’exa-men technique, son projet est écartélors d’un second tour portant sur lesconditions financières. Or, il est troisfois moins cher que celui du lauréat,un cabinet tunisien. « La différenceentre eux et moi, c’est qu’ils exi-geaient d’être payés à 90 % en devi-ses et à l’étranger, alors que je de-mandais des dinars, en Algérie. » Ilest en effet beaucoup plus difficilede vérifier où va l’argent une fois qu’ilest sorti du pays. Une partie des paie-ments serait ainsi détournée et trans-formée en rétrocommissions.Ayant relevé l’absence d’agrémentdu cabinet gagnant en Tunisie, M.Merhoum put porter un recours de-vant la Commission nationale desmarchés. Le concours fut relancé,mais il en fut exclu de facto. Et le pro-jet fut finalement attribué en 2009 àun bureau d’études sud-coréen…pour un montant deux fois supérieurà celui de l’architecte algérien.La manne urbaine attise toutes lesconvoitises. Elle donne lieu à unegéopolitique interne d’autant plusdifficile à démêler que les responsa-bilités en matière d’aménagementsont mal définies. « Il y a une tripletutelle en la matière, nous expliqueM. Merhoum : celle du ministère del’aménagement du territoire, celledu ministère de l’urbanisme et cellede la wilaya, la préfecture. Les tra-jectoires des uns et des autres, leursambitions personnelles, leur capa-cité à mobiliser les réseaux dans les-quels ils s’intègrent ont une grandeinfluence dans la conduite des pro-jets engagés à Alger. » Les rivalités

pour le contrôle d’un territoire quiassure pouvoir et profits sont tel-les qu’elles se traduisent par laparalysie de certains chantiers.Quant aux élus locaux, « exclus oucompromis dans des logiques oc-cultes, ils ne constituent jamais uncontre-pouvoir ».Rue Larbi-Ben-M’hidi (ancienne-ment rue d’Isly), entre la cinéma-thèque et le théâtre national, lebâtiment inachevé du Musée d’artmoderne d’Alger (MAMA) offreune bonne illustration de la façondont la classe dirigeanteinstrumentalise la politique ur-baine au service de ses intérêtsparticuliers. Au début de l’année2006, le gouvernement décided’ouvrir un musée d’art moderne— le premier du genre en Algé-rie, le second en Afrique — dansles anciennes Galeries de France,immeuble néomauresque du dé-but du XXe siècle. Un concours na-tional est organisé pour en dési-gner l’architecte. L’Algérois HalimFaïdi, médaillé de l’Académie fran-çaise d’architecture, le remporte.Quand Alger devient capitale dela culture arabe en 2007, le minis-tère de la culture commande à M.Faïdi, dans l’urgence, une struc-ture provisoire. Le reste, promet-on, viendra plus tard. L’architectes’attelle à la tâche et conservedans ses cartons le projet portantsur l’ensemble du site.Mais, passé l’inauguration, les tra-vaux ne reprennent pas. « Actuel-lement, il n’y a même pas de bu-reau sur site pour le directeur nide réserve pour stocker lesœuvres. Les normes de sécuriténe sont pas respectées, que sepasserait-il en cas d’incendie ?Dans de telles conditions, com-ment espérer accueillir des collec-tions venant de musées étrangers? Au ministère, on fait croire auxAlgériens que le MAMA est unmusée, alors qu’au mieux ça n’estqu’une galerie ! Tout ça n’est quede l’affichage, du trompe-l’œil ! »Alger la Blanche est devenue lascène d’un théâtre d’ombres.Derrière le paravent immaculé dela révolution, l’oligarchie au pou-voir a tiré les fils d’un tissu urbaindont ne subsistent que des lam-beaux décousus.

décembre 2010

Page 10: Dossier - ovh.net

10

NRP, avril 2011, n°7

[EC

ON

OM

IE]

Francis GHILES

Le conflit du Sahara occidental repré-sente toujours l’un des obstacles ma-jeurs à une coopération indispensa-ble entre le Maroc et l’Algérie, frei-nant les échanges régionaux quipourraient se développer conjointe-ment avec la Tunisie. Pourtant, unecomplémentarité existe entre lestrois pays et, si elle était encouragéepar l’Union européenne, une colla-boration politique et économiqueaiderait à résoudre bien des problè-mes de la rive sud de la Méditerra-née.[...]Le « coût du non-Maghreb » peut sedécliner selon des partitions différen-tes : énergie, banques, transports,agroalimentaire, éducation, cultureou tourisme. Le commerce entreEtats d’Afrique du Nord équivaut à1,3 % de leurs échanges extérieurs,le taux régional le plus bas du monde.[...]Les pauvres comme les riches paientl’incapacité des élites à concevoir unprojet commun. Alors que le mondeconnaît des bouleversements sansprécédent depuis 1945, le Maghrebreste aux abonnés absents. Les paysde la région n’ont guère fait de pro-positions à l’Union européenne con-cernant leur place dans le processusde Barcelone. Seront-ils plus actifsvis-à-vis du « processus de Barcelone- Union pour la Méditerranée » ? Il estpermis d’en douter .Le Maghreb possède de nombreu-ses ressources : du pétrole, du gaz,des phosphates en abondance, uneproduction agricole variée et souventde qualité — mais un déficit croissanten céréales —, des paysages magni-fiques qui attirent des millions de tou-ristes étrangers chaque année. Sapopulation, peu âgée, dispose d’unequalification qui a fortement aug-menté depuis les indépendances. Latransition démographique — le pas-sage de taux de naissance et de mor-talité élevés à des niveaux sensible-ment plus faibles — est acquise, maisdes millions de jeunes continuentd’arriver sur le marché du travail —50 % d’entre eux sont déjà au chô-mage. Remédier à ce déferlementexigerait, pendant deux décennies,un rythme de croissance plus élevéque celui de la Chine. Au vu de cesréalités, la perte des deux points de

croissance que coûtent les frontiè-res fermées représente un défi.

Tous les ans, des milliers de person-nes se noient en Méditerranée dansl’espoir de travailler en Europe ; desdiplômés s’expatrient — parfoisl’équivalent de la moitié d’une pro-motion d’école d’ingénieurs — carils trouvent peu de débouchés dansleur pays, où les oligarchies monopo-lisent trop souvent les bons postespour leurs enfants. Huit milliards dedollars de capitaux privés fuient larégion chaque année et s’ajoutent austock existant, estimé à 200 milliardsde dollars. On assiste à ce que l’an-cien gouverneur de la Banque d’Al-gérie, M. Abderrahmane Hadj Nacer,qualifie de « formation d’une bour-geoise moderne »hors des frontièresdu Maghreb.

Phosphates marocains, gazalgérien

[...]Déclinons le coût du non-Maghrebdans le registre énergétique. L’Algé-rie est le troisième pourvoyeur de gazpour l’Europe, après la Russie et laNorvège. Le Maroc détient près dela moitié des réserves mondiales dephosphates ; mais, pour les transfor-mer en engrais, il faut de l’énergie,du soufre et de l’ammoniac, troisintrants dont l’Algérie dispose enabondance et à des prix très compé-titifs.Parmi les grands marchés d’engraisde l’Office chérifien des phosphates(OCP), on trouve l’Inde, le Brésil et laChine. Un partenariat entre laSonatrach algérienne, l’entreprisepublique qui joue un rôle central dansl’industrie pétrolière nationale, etl’OCP pourrait faire du Maghreb labase de production d’engrais la pluscompétitive du monde, entraînantdans son sillage de nombreuses en-treprises de sous-traitance et des in-vestisseurs des cinq continents, sanscompter un nombre incalculabled’emplois.En dehors des droits que le Marocperçoit pour le passage du gaz d’Al-gérie vers la péninsule Ibérique, parle gazoduc Pedro Duran Farrell,aucune coopération ne lie les deuxpays. Mieux, un nouveau gazoduc,le Medgaz, entrera bientôt en ser-vice et reliera directement l’Algérie

à l’Espagne, alors même que lescapacités du premier ne sont paspleinement utilisées.Examinons maintenant le coût dunon-Maghreb dans l’automobile.Il ne viendrait à l’idée d’aucun diri-geant algérien de monter un fondssouverain (6), de profiter de lacrise pour investir stratégique-ment dans Renault ou toute autreentreprise internationale pour ap-puyer un transfert de technologiepourtant fort désirable. Acquérirune part du capital de Renault,négocier avec le Maroc pour fairedu projet de Tanger — construc-tion, d’ici à 2012, d’une usine pro-duisant quatre cent mille véhicu-les par an — une entreprise com-mune avec la France et l’Algérie,qui y pense ?Le refus total d’Alger d’envisagerce type d’investissement stratégi-que tient à deux raisons : une vo-lonté de garder le contrôle absolusur les ressources du pays, ce quiexclut toute transaction dont laréglementation obligerait à unecertaine transparence et à l’appli-cation de règles prudentiellesinternationalement reconnues ;l’absence dans l’équipe gouver-nementale de personnes ayant lacapacité d’imaginer de tels scéna-rios. Les dirigeants marocains nese mobilisent pas plus pour unetelle coopération.Le coût du non-Maghreb se me-sure aussi dans le secteur del’agroalimentaire. Longtemps, lespratiques restrictives de la politi-que agricole commune (PAC) ontdressé des obstacles à l’exporta-tion des agrumes et tomates nord-africains en Europe. Désormais,leur libéralisation, la révolutiondans les habitudes de consomma-tion alimentaire des Maghrébins,les changements de stratégie desmultinationales del’agroalimentaire, la fin des sub-ventions occidentales aux expor-tations de céréales et l’émer-gence, dans les trois pays, d’unegénération d’entrepreneurs pri-vés ambitieux se conjuguent pourbouleverser la situation.Les échanges à l’intérieur d’unmême secteur industriel — etl’agroalimentaire ne déroge pas àla règle — contribuent de manière

Le « non-Maghreb » coûte cher au Maghreb

Page 11: Dossier - ovh.net

11

NRP, avril 2011, n°7

[EC

ON

OM

IE]substantielle à la croissance : la ré-gion maghrébine pourrait offrir unlaboratoire de choix, d’autant plusque l’agroalimentaire est lié à unsecteur gros employeur de main-d’œuvre. Il n’est que de regarderl’extraordinaire développement desexportations d’huile d’olive tuni-sienne et le partenariat entre socié-tés tunisiennes et espagnoles dansce secteur, la régénération de vigno-bles longtemps abandonnés, mêmeen Algérie, pour saisir ce que des

rapports modernes entre entreprisesprivées de la région et d’Europe peu-vent apporter en termes de transfertsde technologie, de marchés à l’expor-tation, de richesses.Sans ouverture de ses frontières,comment utiliser de façon optimaleles atouts dont cette région disposes? Comment protéger ses richesseshalieutiques et pastorales ? Commentoptimiser l’utilisation des ressourcesen eau ? Comment la rendre moinsdépendante des importations de cé-

réales ? [...]Dans ce secteur comme dansd’autres, si les Etats ne dégèlent pasleurs relations, le Maroc et la Tunisiecontinueront de développer leurspartenariats et exportations à l’inter-national, et nombre de problèmescommuns resteront sans réponse.[...]

Les indicateurs macro-financiers de l’Al-gérie sont bons. Nous le savions déjà.Le FMI et la Banque mondiale viennentde le rappeler. Merci le pétrole ! Maispour être plus juste, il faut aussi recon-naître que la gestion de l’embellie fi-nancière n’a pas été impertinente : re-prise de l’équipement du pays et àgrande échelle ; rattrapage salarial tant

attendu par les travailleurs algériens ;redistribution notamment en faveurdes plus démunis et de la jeunesse (16milliards de dollars de transferts so-ciaux en 2011).Bien évidemment, nous attendons tou-jours le nouveau régime de croissancequi sortira notre économie de sagrande vulnérabilité. Nous attendonstoujours les réformes structurelles quilibéreront les énergies. Mais, aprèsdeux décennies de tentatives recom-mencées et d’échecs répétés, nouscomprenons tous à présent (tous ?!)que le prérequis, la condition sine quanon pour réussir notre transition éco-nomique, c’est de mettre en œuvre etde réussir d’abord notre transition dé-mocratique. La priorité aujourd’hui, enAlgérie, s’appelle ouverture politique,transition démocratique.Quelques données économiques chif-fréesSelon le FMI, le scénario de référencede moyen terme 2010-2015 de l’écono-mie algérienne est le suivantLes finances de l’Etat continueront de

se porter bien et les prévisions du FMIne sont nullement exagérément optimis-tes, ce qui signifie que cette situationfinancière que prévoit le FMI pourraitêtre encore meilleure. C’est là une bonnenouvelle mais c’est là aussi une mauvaisenouvelle. La bonne nouvelle est que nousdisposons d’une bonne marge demanœuvre financière pour un tempsassez long encore. La mauvaise nouvelleest que cette embellie financière a en-

core incité nos gouvernants à l’immobi-lisme, à tout laisser en l’état, à reporterencore une fois les réformes économi-ques mais surtout politiques dont on atant besoin.Le second tableau que nous permettentde construire les données chiffrées duFMI est le suivant :2010-2015 : l’Algérie présente une écono-mie désendettée, qui dégage une épar-gne importante, qui investit beaucoupmais qui reste ancrée aux seuls hydro-carbures. Une économie qui a donc be-soin de se diversifier, de libérer les initia-tives, de créer de la valeur. Et le poten-tiel est là. Nous n’arrêtons pas de répé-ter cela mais hélas rien ne bouge. Pour-quoi donc ? Parce que, dans nos pays, oùle lien de confiance entre gouvernantset gouvernés a été rompu, le succès éco-nomique est étroitement corrélé, trèsétroitement corrélé à l’ouverture politi-que. Un régime politique démocratiquemobilise les acteurs économiques beau-coup plus efficacement et surtout beau-coup plus durablement que ne le feraitun régime autoritaire. Un régime démo-cratique restaure la relation de con-

fiance entre gouvernants et gouver-nés. Et la confiance est la clé de suc-cès du développement. Or, en Algé-rie, c’est précisément là que le bâtblesse.[...]A titre d’exemple [en ce qui concernel’Algérie], le thème «processus élec-toral» est évalué à travers les indica-teurs de : élection libre et honnête,sécurité des électeurs, influence depouvoirs étrangers sur le gouverne-

ment... ; le thème «fonctionnementdu gouvernement » est évalué à tra-vers les indicateurs de : lourdeurs bu-reaucratiques ; opacité de la prise dedécision ; centralisation excessive dela décision... ; le thème «culture poli-tique» est évalué à travers les indica-teurs de : liberté de la presse, margede liberté d’expression... Le régimepolitique algérien reste marqué,comme on peut le voir, par un impor-tant déficit démocratique. Il est clairqu’on ne pourra plus avancer dans ledomaine économique tant que laquestion de la démocratie n’est pasprise en charge sérieusement. Et lors-que l’économie n’avance plus, le so-cial se détériore encore plus ; et lors-que le social se détériore, le politi-que se déstabilise et ainsi, de fil enaiguille, on entre dans le cercle vi-cieux de la régression.

Algérie : Satisfecit du FMI, carton rouge des démocratesAbdelmadjid BOUZIDI

9 mars 2011

janvier 2010

Page 12: Dossier - ovh.net

12

NRP, avril 2011, n°7

[C

ULT

UR

E E

T M

ÉD

IAS]

Olivier ROY

Révolution post-islamiste

L'opinion européenne interprèteles soulèvements populaires enAfrique du Nord et en Egypte àtravers une grille vieille de plus detrente ans : la révolution islamiqued'Iran. Elle s'attend donc à voir lesmouvements islamistes, en l'occur-rence les Frères musulmans et leurséquivalents locaux, être soit à latête du mouvement, soit en embus-cade, prêt à prendre le pouvoir.Mais la discrétion et le pragma-tisme des Frères musulmans éton-nent et inquiètent : où sont passésles islamistes ?Mais si l'on regarde ceux qui ontlancé le mouvement, il est évidentqu'il s'agit d'une génération post-is-lamiste. Les grands mouvements ré-volutionnaires des années 1970 et1980, pour eux c'est de l'histoire an-cienne, celles de leurs parents. Cettenouvelle génération ne s'intéressepas à l'idéologie : les slogans sonttous pragmatiques et concrets ("dé-gage", "erhal") ; il ne font pas appelà l'islam comme leurs prédécesseursle faisaient en Algérie à la fin des an-nées 1980. Ils expriment avant toutun rejet des dictatures corrompueset une demande de démocratie. Celane veut évidemment pas dire que lesmanifestants sont laïcs, mais simple-ment qu'ils ne voient pas dans l'islamune idéologie politique à même decréer un ordre meilleur : ils sont biendans un espace politique séculier. Etil en va de même pour les autres idéo-logies : ils sont nationalistes (voir lesdrapeaux agités) mais ne prônentpas le nationalisme. Plus originale estla mise en sourdine des théories ducomplot : les Etats-Unis et Israël (oula France en Tunisie, qui a pourtantsoutenu Ben Ali jusqu'au bout) nesont pas désignés comme la causedes malheur du monde arabe. Mêmele pan-arabisme a disparu comme slo-gan, alors même que l'effet de mi-métisme qui jette les Egyptiens et lesYéménites dans la rue à la suite desévénements de Tunis montre qu'il ya bien une réalité politique du mondearabe.Cette génération est pluraliste, sansdoute parce qu'elle est aussi plus in-dividualiste. Les études sociologiquesmontrent que cette génération estplus éduquée que la précédente, vitplus dans le cadre de familles nucléai-res, a moins d'enfants, mais enmême temps, elle est au chômageou bien vit dans le déclassement so-cial. Elle est plus informée, et a sou-vent accès aux moyens de commu-nications modernes qui permettentde se connecter en réseau d'individuà individu sans passer par la média-tion de partis politiques (de toute fa-çon interdits). Les jeunes savent que

les régimes islamistes sont devenusdes dictatures : ils ne sont fascinésni par l'Iran ni par l'Arabie saoudite.Ceux qui manifestent en Egyptesont précisément ceux qui manifes-taient en Iran contre Ahmedinejad(pour des raisons de propagande lerégime de Téhéran fait semblant desoutenir le mouvement en Egypte,mais c'est un règlement de comp-tes avec Moubarak). Ils sont peut-être croyants, mais séparent cela deleur revendications politiques : en cesens le mouvement est "séculier",car il sépare religion et politique. Lapratique religieuse s'est individuali-sée.On manifeste avant tout pour la di-gnité, pour le "respect" : ce sloganest parti de l'Algérie à la fin des an-nées 1990. Les valeurs dont on seréclame sont universelles. Mais ladémocratie qu'on demandeaujourd'hui n'est plus un produitd'importation : c'est toute la diffé-rence avec la promotion de la démo-cratie faite par l'administration Bushen 2003, qui n'était pas recevable carelle n'avait aucune légitimité politi-que et était associée à une interven-tion militaire. Paradoxalement l'af-faiblissement des Etats-unis auMoyen-Orient, et le pragmatisme del'administration Obama, aujourd'huipermettent à une demande autoch-tone de démocratie de s'exprimeren toute légitimité.Ceci dit une révolte ne fait pas unerévolution. Le mouvement n'a pasde leaders, pas de partis politiqueset pas d'encadrement, ce qui estcohérent avec sa nature mais posele problème de l'institutionnalisationde la démocratie. Il est peu proba-ble que la disparition d'une dictatureentraîne automatiquement la miseen place d'une démocratie libérale,comme Washington l'espérait pourl'Irak. Il y a dans chaque pays arabe,comme ailleurs, un paysage politi-que d'autant plus complexe qu'il aété occulté par la dictature. Or enfait, à part les Islamistes et, très sou-vent, les syndicats (même affaiblis),il n'y a pas grand chose.

LES ISLAMISTES N'ONT PASDISPARU MAIS ONT CHANGÉ

Nous appelons islamistes ceux quivoient dans l'islam une idéologie po-litique à même de résoudre tous lesproblèmes de la société. Les plus ra-dicaux ont quitté la scène pour le ji-had international et ne sont plus là :ils sont dans le désert avec Al-Qaidaau Maghreb islamique (AQMI), auPakistan ou dans la banlieue de Lon-dres. Ils n'ont pas de base sociale oupolitique. Le jihad global est complè-tement déconnecté des mouve-ments sociaux et des luttes nationa-les. Bien sûr la propagande d'Al-

Qaida essaie de présenter le mou-vement comme l'avant-garde detoute la communauté musulmanecontre l'oppression occidentale,mais cela ne marche pas. Al-Qaidarecrute de jeunes jihadistes dé-territorialisés, sans base sociale,qui ont tous coupé avec leur voisi-nage et leur famille. Al-Qaida resteenfermé dans sa logique de "pro-pagande par le fait" et ne s'est ja-mais préoccupé de construire unestructure politique au sein des so-ciétés musulmanes. Comme deplus l'action d'Al-Qaida se déroulesurtout en Occident ou vise des ci-bles définies comme occidentales,son impact dans les sociétés réel-les est nul.Une autre illusion d'optique est delier la réislamisation massive qu'ontsemblé connaître les sociétés dumonde arabe au cours des trentedernières années avec une radica-lisation politique. Si les sociétésarabes sont plus visiblement islami-ques qu'il y a trente ou quaranteans, comment expliquer l'absencede slogans islamiques dans les ma-nifestations actuelles ? C'est le pa-radoxe de l'islamisation : elle a lar-gement dépolitisé l'islam. Laréislamisation sociale et culturelle(le port du voile, le nombre de mos-quées, la multiplication des prê-cheurs, des chaînes de télévisionreligieuses) s'est faite en dehorsdes militants islamistes, elle a aussiouvert un "marché religieux" dontplus personne n'a le monopole ;elle est aussi en phase avec la nou-velle quête du religieux chez lesjeunes, qui est individualiste maisaussi changeante. Bref les islamis-tes ont perdu le monopole de laparole religieuse dans l'espace pu-blic, qu'ils avaient dans les années1980.D'une part les dictatures ont sou-vent (mais pas en Tunisie) favoriséun islam conservateur, visible maispeu politique, obsédé par le con-trôle des moeurs. Le port du voiles'est banalisé. Ce conservatismede l'Etat s'est trouvé en phaseavec la mouvance dite "salafiste"qui met l'accent sur laréislamisation des individus et nonsur les mouvements sociaux. Bref,aussi paradoxal que cela puisse pa-raître, la réislamisation a entraînéune banalisation et une dépolitisa-tion du marqueur religieux : quandtout est religieux, plus rien n'estreligieux. Ce qui, vu de l'Occident,a été perçu comme une grandevague verte de réislamisation necorrespond finalement qu'à unebanalisation : tout devient islami-que, du fast-food à la mode fémi-nine. Mais les formes de piété sesont aussi individualisées : on se

Page 13: Dossier - ovh.net

13

NRP, avril 2011, n°7

[C

ULT

UR

E E

T M

ÉD

IAS]

construit sa foi, on cherche le prê-cheur qui parle de la réalisation desoi, comme l'Egyptien Amr Khaled,et on ne s'intéresse plus à l'utopiede l'Etat islamique. Les "salafis" seconcentrent sur la défense des si-gnes et valeurs religieuses mais n'ontpas de programme politique : ils sontabsents de la contestation où l'on nevoit pas de femmes en burqa (alorsqu'il y a beaucoup de femmes parmiles manifestants, même en Egypte).Et puis d'autres courants religieuxqu'on croyait en retrait, comme lesouf isme, fleurissent à nouveau.Cette diversification du religieux sortaussi du cadre de l'islam, comme onle voit en Algérie ou en Iran, avec unevague de conversions au christia-nisme. Une autre erreur est de con-cevoir les dictatures comme défen-dant le sécularisme contre le fana-tisme religieux. Les régimes autori-

14 février 2011

taires n'ont pas sécularisé les socié-tés, au contraire, sauf en Tunisie, ilsse sont accommodés d'uneréislamisation de type néo fonda-mentaliste, où l'on parle de mettreen œuvre la charia sans se poser laquestion de la nature de l'Etat. Par-tout les oulamas et les institutionsreligieuses officielles ont été domes-tiqués par l'Etat, tout en se repliantsur un conservatisme théologiquefrileux. Si bien que les clercs tradi-tionnels, formés à Al-Azhar, ne sontplus dans le coup, ni sur la questionpolitique, ni même sur les grandsenjeux de la société. Ils n'ont rien àoffrir aux nouvelles générations quicherchent de nouveaux modèlespour vivre leur foi dans un monde plusouvert. Mais du coup les conserva-teurs religieux ne sont plus du côtéde la contestation populaire.Il y a vingt ans, je publiais L'Echec de

l'islam politique. Qu'il ait été luou non n'a pas d'importance,mais ce qui se passe aujourd'huimontre que les acteurs locauxont tiré eux-mêmes les leçonsde leur propre histoire. Nousn'en avons pas fini avec l'islam,certes, et la démocratie libéralen'est pas la "fin de l'histoire",mais il faut désormais penser l'is-lam dans le cadre de sonautonomisation par rapport àune culture dite "arabo-musul-mane" qui pas plus aujourd'huiqu'hier n'a été fermée sur elle-même.

Un grand militant de la causedémocratique :(article extraitdu journal El Watan du 24

avril)Le Pr Ahmed Kerroumi était un mili-tant politique de la première heure,au service des luttes démocratiqueset sociales. Tous ceux qui l’ont cô-toyé gardent de lui le souvenir d’unhomme d’une grande gentillesse,avenant, affable. Il était égalementconnu pour la grande fermeté dansses engagements.Ayant exercé pendant de longuesannées dans l’enseignement secon-daire, en qualité de professeur dephilosophie, Ahmed Kerroumi était

connu pour avoir été un syndicalisteacharné, qui s’est de tout tempsbattu corps et âme pour défendre lesdroits de ses collègues. Après le se-condaire, il a intégré l’université, enqualité de professeur en méthodo-logie, dans la branche de l’informa-tion et de la communication.Son parcours de militant politique adébuté au début des années 1980,où il avait adhéré au PAGS, avant deprolonger son combat aux côtés duparti Ettahadi, et ensuite le MDS, etce, jusqu’à aujourd’hui.

Fils d’une lignée d’imams, féru deculture islamique, connaissant parfai-

tement le texte sacré, avec tou-tes ses exégèses, AhmedKerroumi est également unbrillant orateur, connu pour êtreun arabisant progressiste, dont lesidées sont aux antipodes de l’obs-curantisme.Il était également très écoutédans les grands débats culturels etidentitaires, auxquels il avait sou-vent participé à Oran.Sa tragique disparition laisse ungrand vide dans le cœur de sesamis et de sa famille, et de ses étu-diants, qui voyaient en lui un mili-tant toujours à l’écoute de l’autre,et cela jusqu’au jour de sa mort.

Akram El KébirEl-Watan du 24 avril 2011

Ahmed Kerroumi:Un grand militant de la cause démocratique

Extrait de A. Kerroumi: « Modernité, citoyenté et champs de fiqh»,paru dans Insaniyat n°11, mai-août 2000

Page 14: Dossier - ovh.net

14

NRP, avril 2011, n°7

[M

ÉM

OIR

E]

Dalila SENHADJI-KHIAT

-

Les mosquées bâties en Algérieprésentent des lacunes en matière de référence à l'architec-

ture musulmane (…). La mosquéed'aujourd'hui présente des formesqui relèvent plus de la fantaisie quede la tradition (…) L'architecture dela mosquée (…) se soucie plus de l'or-nement et de la symbolique que dela recherche d'une fonctionnalité. Lecaractère architectonique primantsur le caractère architectural, la mos-quée est construite au gré des sou-haits de généreux mécènes. En ef-fet, à l'exception des grandes mos-quées à caractère national ou régio-nal pour lesquelles l'état intervient(…) l'édification des mosquées estconfiée aux associations culturellesou aux personnes physiques. Cetteconfiguration est régie par le décretn° 91-81 du 23 mars 1991 ou il est sti-pulé dans l'article 5 que " les mos-quées sont construites par l'état, pardes associations, par des personnesphysiques ou morales à l'obtentiond'une autorisation (…) du ministèredes affaires religieuses (…)". Cesmosquées édifiées, comme c'est lecas à Oran, par des personnes physi-ques, sont par contre comptabiliséesen faveur (…) du ministère des af-faires religieuses. (…) A Oran, pources deux dernières années, deuxnouvelles mosquées sont entière-ment construites à partir des dons dedeux industriels (…) Ces "bienfai-teurs" sont des profanes en matièred'architecture musulmane et impo-sent aux maîtres d'œuvre des modè-les de mosquées qu'ils ont vus à latélévision ou lors de leur pèlerinageà la Mecque. Cependant, essayer dereproduire la grande mosquée deMédine et de Casablanca exige unemain-d'œuvre qualifiée (…) Les mos-quées édifiées récemment à Oransont bien révélatrices de ces choixindividuels. Ainsi la nouvelle mosquéeédifiée dans le quartier dénommé"USTO" est appelée mosquée destlemcéniens ou des marocains, carson "bienfaiteur" est natif de Tlem-cen (…) Une autre mosquée édifiéedans le quartier de Fernand ville pré-sente une coupole en bulbe, unespécificité des mosquées de l'Indeou d'Iraq. Le respect de caractère is-lamique authentique de l'architec-

ture prônée dans l'article 7 du décretde 1991 déjà cité reste vague. Seull'article 7-2 impose le respect de ladirection de la prière (…) Un entre-tien auprès de la direction des affai-res religieuses au sujet de cette ques-tion confirme la libre lecture de cetarticle de décret. Pour les autorités,l'architecture est assimilée (…) à laprésence d'arcatures, d'un minaretet de coupoles sans en préciser lanature ni le nombre. Ce qui conduitsur le terrain à l'édification de mos-

quées aux composantes architectu-rales qui ne correspondent à aucunetypologie. A titre d'exemple, unemosquée construite dans la ville d'Ar-zew par des ouvriers chinois com-porte en bulbe avec des toits typi-ques des pagodes chinoises. Cesconstats nous ont amené à nous in-téresser à un type de mosquées, cel-les issus des conversions de lieux deculte, juif et chrétien. En 1962, le dé-part massif de la communauté euro-péenne vide les églises et les syna-gogues de leurs fidèles. L'église d'Al-gérie ne compte plus que quatre dio-cèses: Alger, Constantine, Oran etLaghouat. En 1830, la France avaitmarqué sa domination politique etmilitaire à travers l'appropriation desanciennes mosquées ottomanesconverties en églises. En 1832, lamosquée Ketchaoua (…) fut trans-formée en église, il en fut de mêmeen 1839, de la mosquée extérieurede la Casbah et en 1843, de la mos-quée Ali Betchnin. (…) Après 1830,

ce culte eut pour temples d'an-ciennes mosquées: DjamaaKetchaoua ou la messe fut ditepour la première fois, le 24 décem-bre 1832 par l'abbé Colin, Djamaael kasba, Djamaa Ali, Betchnin de-vinrent la cathédrale Sainte-Croixet Notre Dame des Victoires. Laconquête de l'Algérie est vécuepar l'église comme une recon-quête d'une terre (…) Afin d'ac-célérer l'engagement de CharlesX dans l'expédition d'Alger, lemarquis Clermont-Tonnerre, mi-nistre de la guerre lui avait fait mi-roiter le rétablissement du chris-tianisme en Afrique (…) L'ordon-nance royale de Louis Philippe da-tée de 1830 permet l'affectationd'un aumônier pour chaque bri-gade. Seize aumôniers ont (…)fait partie intégrante de l'expédi-tion d'Alger. (…) A l'indépen-dance en 1962 l'un des premiersactes des dirigeants algériensconsiste à récupérer les ancien-nes mosquées ottomanes trans-formées en églises. Synagogueset églises sont transformées enmosquées (…) Dès octobre 1962,le président de l'époque engagedes entrevues avec Mgr Duval,archevêque d'Alger (…) La récu-

pération des lieux de culte déte-nus par l'Eglise prend effet rapi-dement. La liaison de l'arabisme etde l'islamisme apparaît surtoutdans la politique du ministère desHabous créé en septembre 1962et qui deviendra ministère des af-faires religieuses (…) Une com-mission mixte est créée pour étu-dier les modalités de restitutiondes anciennes mosquées trans-formées en églises. L'état françaiscède plus de quatre cents églisesà l'état algérien. De 567 en 1962,leur nombre se réduit à 167. A par-tir de 1972 (…) l'Etat algérien inau-gure des relations diplomatiquesavec le Vatican avec échanged'ambassadeurs. Pour le Vatican,l'Eglise d'Algérie passe du statutd'institution coloniale à celuid'Eglise reconnue officiellementau sein d'un pays ou l'Islam est pro-clamé religion d'Etat. A l'indépen-dance, le patrimoine immobilierchrétien est loin d'être négligea-

Lieux de culte et architecturesRéappropriations et transformations à Orandepuis l’indépendance de l’Algérie (extrait)

Page 15: Dossier - ovh.net

15

NRP, avril 2011, n°7

[M

ÉM

OIR

E]

ble. Les accords d'Evian ainsi que ledépart de la communauté euro-péenne ont permis à l'Etat de récu-pérer un parc immobilier. Les lieuxde culte (…) passent de propriétécommunale à propriété étatique parle biais du ministère des Habous (…)Par le biais du bien Habous, l'Etat estpropriétaire des mosquées, issuesdes conversions. L'Etat confirme lerégime juridique d'intégration et nonde séparation de l'Eglise puisque leministère des affaires religieuses sertde ministère de tutelle à l'Eglise. Ilverse des indemnités mensuelles àdes prêtres de nationalité algérienneet garantit le respect du calendrierreligieux chrétien. En effet, la posi-tion de l'Algérie indépendante àl'égard de l'Eglise se résume à unesérie d'entrevues sans l'élaborationd'aucune convention officielle entrel'Eglise, qui s'était constituée en as-sociation diocésaine d'Algérie et lesHabous. La cathédrale Saint-Philipped'Alger (…) ancienne mosquée ot-tomane dite mosquée de HassenPacha, construite avant 1612 sur lesrestes d'un temple romain et recons-truite en 1795, fait l'objet de tracta-tions entre les représentants desHabous et l'Eglise. Cette cathédraleavait été, dès 1832, le premier lieu deculte chrétien issu de la conversiond'une mosquée ottomane. Pourtant,la France avait rédigé la conventionde Bourmont, qui stipulait le libreexercice de la religion musulmane(…) A la veille de la conquête de l'Al-gérie, Alger comptait 13 grandesmosquées et 109 petites mosquées,32 chapelles et 12 zaouïas, soit, autotal, 176 édifices (…) A Oran, dès1831, les français s'approprient lamosquée dite des "Berranis" conver-tie en église Saint-André en 1844. Ilest évident que la réappropriationpar les autorités algériennes de lacathédrale pour célébrer la date du1er novembre 1962 renvoie à des en-jeux symboliques. La grande cathé-drale redevient la mosquéeKetchaoua. Une déclaration publiqueémanant du ministère des Habous etde l'archevêque d'Alger annonce letransfert comme un don d'amitiéconsenti au nom des chrétiens d'Al-gérie. La première prière solennelledu vendredi y est célébrée le 2 no-vembre 1962. Elle eut lieu au dessusd'une crypte abritant encore les tom-beaux des évêques. L'architecturereste l'enjeu des conversions. Le casd'Oran est révélateur. (…) Des mo-

difications qui concernent la mise àniveau de la salle de prière, la sup-pression de l'autel de l'église ou laniche de la synagogue, la créationd'un espace ablutions, la créationd'un mihrab et d'un minbar et la sé-paration spatiale hommes, femmes.Et des transformations concernent laconstruction d'un minaret et le rem-placement des arcatures brisées pardes arcatures plein cintre. La grandesynagogue d'Oran est édif iée en1880 (…) Construite en pierres detaille, elle est convertie en mosquéeen 1972 sous le nom de mosquéeAbdallah Ben Salem. La synagogued'Oran présente un plan basilical,composée de trois nefs définies pardeux rangées de colonnes, une nefprincipale et deux bas-côtés. Cons-truite sur deux niveaux, la salle deprière rectangulaire se termine parune niche surélevée en hémicycleorientée vers Jérusalem. Lors de laconversion, la direction de la prièreest conservée, le point d'eau esttransformé en espace ablutions(…)La modification la plus évidentereste la construction d'une cloisonintérieure (…) ou est creusé le mi-hrab. Un minbar est adjoint à droitedu mihrab, il s'agit de l'anciennechaire à prêcher de la synagogue(…) Elle bénéficie du mouvement del'arabisance encouragé par le gou-verneur Jonnart (…) Les transforma-tions ont nécessité des agence-ments. Dans l'ancienne église Notre-Dame-du-Travail, désormais mos-quée El Nasr, construite sur un seulniveau, les marches de l'autel sontsupprimées; cependant le mihrab setrouve diamétralement opposé à ladirection de l'abside, près de l'anciennarthex. Un minaret carré est cons-truit. La cour de la mosquée est or-nementée par une fontaine à ablu-tions. Elle est parfois construite enmaçonnerie comme dans l'ancienneéglise Notre-Dame-de-Lourdes;celle-ci, devenue mosquée Qubbaq,(…) Sa forme oblongue se trans-forme en forme barlongue grâce àune nouvelle structure désignéesous le terme de "structure poteauxpoutres" en bétons. Ce type de struc-ture permet d'obtenir des salles hy-postyles que certains qualif ientcomme un retour à la mosquée (…)de Médine (…) La conversion est lerésultat du seul savoir-faire en maté-riaux de construction: le béton. Dansles conversions, (…) le minaret re-présente l'élément symbolique de la

mosquée.

L'ancien temple protestant d'Oranest converti en mosquée en 1982.A l'intérieur, les marches de l'autelsont supprimées (…) La sacristieattenante est transformée en es-pace ablutions. L'ancienne de-meure du pasteur à l'étage estconvertie en école coranique etparfois en espace de prière pourles femmes. A l'extérieur, la croixgravée au-dessus de l'entrée a étéeffacé et le clocher démonté. Unminaret carré est édifié (…).

L'Algérie indépendante n'a pasadopté une position régie par desconventions off icielles pour letransfert des lieux de culte desdeux communautés chrétienne etjuive (…) Des modifications quirelèvent plus du décor sont obser-vées (…) les conversions se sontopérées sans permettre un bras-sage culturel élaboré entre les sty-les architecturaux des trois reli-gions. Dans l'histoire de l'architec-ture musulmane, la conversiond'églises permet l'introduction denouveaux éléments à l'exemplede l'ancienne basilique Saint-Jeande Damas. Convertie en mosquée,cette dernière porte encore lestraces d'un passé byzantin (…) Letemps n'a pas altéré l'aspect origi-nel et toute la splendeur de l'artbyzantin qui se manifeste dans lafaçade de l'actuelle mosquée deDamas. En Algérie, ces conver-sions révèlent les lacunes de la lé-gislation relative à la constructiondes mosquées. Celle-ci ne spéci-fie que le respect de la qibla et lecaractère islamique de la mos-quée. Ce dernier a ouvert la porteà toutes les interprétations archi-tecturales désignées sous le termed'islamique. Elles révèlent l'ab-sence de tentative de brassagesarchitecturaux au sein de lieux deculte de religions monothéistes. Lamosquée issue de la conversiond'une église ou d'une synagoguesouligne la non-orthodoxie deslieux de prière. Une législation plusélaborée pourrait permettre demieux conserver ces témoinsd'une mémoire collective.

février 2011

Page 16: Dossier - ovh.net

16

NRP, avril 2011, n°7

[BIBLIOGRAPHIE]

L’arme secrète du FLN : Comment deGaulle a perdu la guerre d’AlgérieMatthew ConnellyPayot, 2010

[DISCOGRAPHIE]

Guide Nomad - Algérie2011

Comment les nationalistes algé-riens s’y sont-ils pris, alors qu’ilsétaient militairement écraséspar l’armée française, pouramener de Gaulle et le gouver-nement de la France à accep-ter l’indépendance ? La ré-ponse se trouve bien au-delàdes frontières de l’Algérie.Fondé sur une recherche dansles archives et sur des entre-tiens menés en Europe, en Afri-

que du Nord et aux États-Unis, ce livre montre que la «révolution » algérienne était de nature résolument diplo-matique et que ses luttes les plus décisives se sont dé-roulées sur la scène internationale. Les meilleures armesdes Algériens furent des rapports sur les droits del’homme, des conférences de presse et des congrès dela jeunesse, qui livrèrent bataille sur le front de l’opinionmondiale et des lois internationales, bien plus que surcelui des objectifs militaires conventionnels.Vers la fin du conflit, le GPRA avait rallié une majoritécontre la France aux Nations unies, gagné la reconnais-sance des conférences internationales, et même été ac-cueilli par 21 coups de canon dans certains capitales dumonde. Appuyés par les armées rebelles et les responsa-bles réfugiés au Maroc ou en Tunisie, soutenus par despays aussi divers que l’Arabie saoudite et la Chine com-muniste, ils vinrent à bout d’un gouvernement désor-mais obsédé par l’impact de la guerre sur sa réputation àl’étranger.

Fini le sur-place. Halte à la routine! Simplifiez-vous la vie.Avec le Guide Nomad-Algeret ses environs, premierproduit sorti du label de lanouvelle maison d’éditionNomad, la capitale n’auraplus aucun secret pourvous. D’Alger à FoukaMarine, tout ce dont vousavez besoin f igure dans ceguide. 2500établissements, 36illustrations, 15 rubriques, 3wilayas et plus de 500

photos d’établissements illustrent le texte afind’apprécier les balades.

Aujourd’hui, enFrance où elle setrouve, elle estcorps et âme danssa musique. C’estune battante,élevée dans latradition du don desoi, del’engagement etdu sacrifice, dans un milieu déjà qui favorise lesvaleurs fondamentales, ne permet pas lesatermoiements et autres subterfuges quand ils’agit de montrer du sérieux dans un projet quireprésente notre culture, notre patrimoine.

Nouba dilBahja Rahal

Maghreb Machrek (N°206, Hiver 2010-2011) :"Le monde arabe dans la crise"

La crise aurait-elle rattrapé les paysdu sud de la Méditerranée ? Les ef-fets de cette dernière ne seraient-ilspas, finalement, l'un des élémentsdéclencheurs de ce qui ressemble àune révolution arabe qui révèlel'épuisement des régimes politiquestout autant que des régimes de crois-sance?Contrairement à ce qui avait été lar-gement écrit et pensé par les écono-mistes, les pays du sud de la Méditerranée ont lourde-ment été affectés par la crise mondiale. La forte crois-sance économique de ces pays n'a effectivement passuffi à cacher la fragilité de leur système économique etsocial, et surtout n'a pas réussi à résoudre les problèmesde la pauvreté, du chômage et de l'aspiration des socié-tés civiles à plus de liberté. Ce numéro de MaghrebMachrek, consacré à l'analyse des conséquences de lacrise financière de 2008 sur les pays arabes du sud de laMéditerranée se propose d'apporter un éclairage sur leprocessus historique en cours et de clarifier les enjeuxde leur possible mais incertaine transition démocratique.

Dossier | Le monde arabe dans la criseDe la crise économique à la révolution politique ?, Jean-

François DAGUZANLa crise ou la fin du mythe de l'émergence en Égypte, Emna

GANA-OUESLATI, Jean-Yves MOISSERONLes effets de la crise dans les pays du Sud de la Méditerranée :

cas de la Tunisie, Claude BERTHOMIEU, Zied ESSIDL'économie tunisienne : état des lieux, Mohamed HADDAR

L'impact social de la crise financière au Maroc, Maria CristinaPACIELLO

L'économie algérienne d'une crise à l'autre, Fatiha TALAHITE,Ahmed HAMM ADACHE

Les fonds souverains du Moyen-Orient face à la crise finan-cière : quelles stratégies d'investissement dans la région ?,

Lamia JAIDANE-MAZIGH, Moez LABIDI