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Dossier Premiers pas en pédagogie Freinet Premiers pas en pédagogie Freinet LA PAROLE DU MATIN C’est un moment de parole, une peti- te fenêtre ouverte sur le quotidien, elle reste l’une des techniques incontournables de la pédagogie Freinet. C’est grâce à cette parole régulièrement donnée à l’enfant que la vie entre dans la classe. C’est à tra- vers cette vie exprimée que naît une dynamique de travail, une motiva- tion à bâtir des projets. Cette tech- nique est aussi un moyen d’expres- sion qui permet à l’enfant de « dire » et de « se dire » et qui, grâce à une qualité d’écoute qui se construit, permet à chacun d’exister en tant qu’être reconnu au sein de sa com- munauté. C’est aussi pour l’enfant un remarquable outil d’apprentissa- ge de la parole qui, grâce à la struc- turation du langage, permet l’acces- sion au statut de sujet. Entretien ou « Quoi de Neuf ? » La dénomination « Quoi de Neuf ? » provient de la Pédagogie Institutionnelle : « C’est un moment de parole, en début de matinée, où chacun peut dire ce qu’il veut, ce qu’il a fait chez lui, ce qu’il a vu, montrer quelque chose, donner rendez-vous, offrir un cadeau... C’est en quelque sorte un moment de bavardage légal, codifié, socialisé. » 1 Certains praticiens tiennent au terme d’entretien plutôt qu’à l’expression « Quoi de Neuf ? » qui leur semble réductrice, réduite « au neuf », alors qu’il s’agit bien d’un moment d’é- change de paroles anodines (du moins en apparence !), de sentiments intimes, d’idées, entre pairs. Selon l’âge des enfants et le niveau de pratique qu’ils atteignent, on se contente de la parole éphémère qui fait plaisir, soulage, dit aux autres qu’on existe, ou au contraire cer- tains contenus interpellent et deviennent des pistes de travail qui se prolongent et se nourrissent de recherches multiples. Un premier pas… Dans sa forme la plus traditionnelle, l’enseignant met en place un moment de parole. L’enfant peut raconter, c’est un moment inscrit dans l’emploi du temps comme n’importe quelle autre discipline, le plus souvent sans retombée sur le reste de la journée. Il constitue une sorte de sas entre la vie personnelle de l’enfant et la demande scolaire. 6 Commencer dès la rentrée ? P P REMIERS REMIERS P P AS AS EN EN PÉDAGOGIE PÉDAGOGIE F F REINET REINET Voici quelques approches possibles, elles sont liées par l’essence même de la pédagogie Freinet : l’expression, la création, la coopération, le tâtonnement expérimental pour un projet d’éducation libératrice et émancipatrice. Une seule d’entre elles suffit… si on laisse le temps travailler.

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Dossier Premiers pas en pédagogie FreinetPremiers pas en pédagogie Freinet

LA PAROLE DU MATIN

C’est un moment de parole, une peti-te fenêtre ouverte sur le quotidien,elle reste l’une des techniquesincontournables de la pédagogieFreinet. C’est grâce à cette parolerégulièrement donnée à l’enfant quela vie entre dans la classe. C’est à tra-vers cette vie exprimée que naît unedynamique de travail, une motiva-tion à bâtir des projets. Cette tech-nique est aussi un moyen d’expres-sion qui permet à l’enfant de « dire »

et de « se dire » et qui, grâce à unequalité d’écoute qui se construit,permet à chacun d’exister en tantqu’être reconnu au sein de sa com-munauté. C’est aussi pour l’enfantun remarquable outil d’apprentissa-ge de la parole qui, grâce à la struc-turation du langage, permet l’acces-sion au statut de sujet.

Entretien ou « Quoi de Neuf ? »

La dénomination « Quoi de Neuf ? »provient de la PédagogieInstitutionnelle : « C’est un moment de

parole, en début de matinée, où chacunpeut dire ce qu’il veut, ce qu’il a fait chezlui, ce qu’il a vu, montrer quelque chose,donner rendez-vous, offrir un cadeau...C’est en quelque sorte un moment debavardage légal, codifié, socialisé. » 1

Certains praticiens tiennent au termed’entretien plutôt qu’à l’expression« Quoi de Neuf ? » qui leur sembleréductrice, réduite « au neuf », alorsqu’il s’agit bien d’un moment d’é-change de paroles anodines (dumoins en apparence !), de sentimentsintimes, d’idées, entre pairs.

Selon l’âge des enfants et le niveaude pratique qu’ils atteignent, on secontente de la parole éphémère quifait plaisir, soulage, dit aux autresqu’on existe, ou au contraire cer-tains contenus interpellent etdeviennent des pistes de travail quise prolongent et se nourrissent derecherches multiples.

Un premier pas…

Dans sa forme la plus traditionnelle,l’enseignant met en place unmoment de parole. L’enfant peutraconter, c’est un moment inscritdans l’emploi du temps commen’importe quelle autre discipline, leplus souvent sans retombée sur lereste de la journée. Il constitue unesorte de sas entre la vie personnellede l’enfant et la demande scolaire.

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Commencer dès la rentrée ?

PP REMIERSREMIERS PP ASAS ENEN PÉDAGOGIEPÉDAGOGIE FF REINETREINET

Voici quelques approches possibles, elles sont liées par l’essence même de la pédagogieFreinet : l’expression, la création, la coopération,le tâtonnement expérimental pour un projet d’éducation libératrice et émancipatrice.Une seule d’entre elles suffit… si on laisse letemps travailler.

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DossierPremiers pas en pédagogie Freinet

Dans ce cas, les enfants sont assisface à l’enseignant qui anime, donnela parole, rebondit sur les sujetsintéressants pédagogiquement. Sonobjectif étant d’exploiter ce momentde parole : vocabulaire, expressionorale, actualité...

Mais c’est un premier pas, uneentrée qui peut bouleverser et trans-former les pratiques pédagogiquessi les valeurs qui sous-tendent cemoment sont porteuses d’émanci-pation, d’humanité. Si le « pour-quoi » de la mise en place de cetespace de paroles prend le pas sur le« comment ».

… puis d’autres petits pas

Ce moment de parole, au départsimple exercice d’expression orale,pourra devenir un authentiqueoutil d’expression personnelle, decommunication. Petit à petit, ontransformera son déroulementpour permettre :

– la circulation de la parole, sanspasser obligatoirement par l’ensei-gnant ;

– l’élaboration de règles pour favo-riser cette circulation de la parole,les relations et les interactions entretous ;

– l’accueil de toutes les expres-sions personnelles : tâtonnantes,

maladroites, timides, rares, exubé-rantes, répétitives...

– l’apparition et la reconnaissancede la vie personnelle ;

– l’accueil des événements ;

– l’apparition et la finalisation demultiples projets ;

– le prolongement de ce momentde parole dans l’activité de la classe.

Alors l’entretien ou le « Quoi deNeuf ? » sortira de son statut sco-lastique.

LA PRATIQUE DU TEXTE LIBRE

C’est aujourd’hui un choix poli-tique, pédagogique et humain.

Le texte libre est imprimé et sociali-sé alors que la rédaction ne sortirajamais du cahier de l’élève. Ilmarque une rupture à la soumissionde l’enfant et lui confère un statutd’auteur, une prise de conscienced’un pouvoir.

Le texte libre ne peut être libre quedans la mesure où il existe desquantités d’autres situations d’écritsdans la classe (écrits sociaux moti-vés par les projets individuels oucollectifs, écrits scientifiques, écritsproduits avec des incitateurs oudans des ateliers d’écriture…).

Ce qui est important c’est que desenfants arrivent à un rapport d’inti-mité et de plaisir avec l’écriture.

Pas à pas, libérer le texte libre

Lorsqu’en début d’année une classeaccueille 25 enfants (ou plus) quin’ont écrit auparavant que des« rédactions » ou des « à la manièrede » ou « différents types d’écrits »,selon la programmation de la classeou du manuel, il est illusoire, voiredéstabilisant de laisser l’enfant seuldevant sa feuille blanche.

Au départ on peut commencer tousensemble, parler beaucoup, échan-ger et mutualiser les idées, lire sespremiers essais, les corriger, lesrecopier proprement dans un cahierd’écrivain, un album de vie. Puisinstituer cette pratique le plus sou-vent possible.

Les textes produits sont ensuitenumérisés, imprimés, photocopiés,insérés dans un journal, dans unlivre de vie ou envoyés aux cor-respondants.

Petit à petit se constitue une pro-duction d’écrits individuelle etparallèlement un véritable patri-moine de la classe que l’on pourralire et relire.

Et là, c’est bien parti ! Car l’écriturede textes tous au même moment ne

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Il est important de proposerrapidement une plage de tra-vail individuel pour s’entraî-ner, recopier, illustrer maisaussi pour accueillir les pre-miers projets individuels desenfants telle l’écriture de texte.

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d’utiliser des outils pour travaillerseul et mener à bien un travail qu’il ainscrit sur son plan. Il peut le menerà bien grâce à des fichiers préparésdont les fiches servent à toute laclasse. Au cours de ce temps, tous lesenfants ne font pas obligatoirementla même chose, mais ils utilisent desoutils communs.

Le travail personnalisé est beau-coup plus proche des besoins del’enfant. La fiche est individuellemais elle est spécialement préparéepar le maître pour l’enfant afin delui permettre de surmonter un pro-blème spécifique, de préparer unexposé ou de monter une expérien-ce. Ce temps personnalisé permet àl’enfant de travailler en fonction dece qui lui est propre, de ses intérêts,de ses besoins en faisant de lui l’ac-teur principal de son éducation.

Mais en aucun cas il ne s’agit d’iso-ler l’enfant dans une attitude indivi-dualiste. Les activités personnellesreprésentent une entrée parmi d’au-tres dans la manière d’aborder lesapprentissages, mais elles doivents’intégrer à un système de coopéra-tion et d’entraide.

Le temps global s’articule entre tempscollectifs (apprentissages, synthèses,bilans, moments de parole…) ettemps personnels qui eux-mêmes se

partagent entre travail individualiséet activités personnelles (écriture detexte, lettre, recherches, ateliers …).

Instaurer vite ce temps indivi-dualisé

Il est donc important de proposerrapidement une plage de travailindividuel pour s’entraîner, recopier,illustrer mais aussi pour accueillir lespremiers projets individuels desenfants telle l’écriture de texte… lespremières activités personnelles.

Pour permettre le travail d’entraîne-ment, les enfants peuvent utiliser desfichiers à leur rythme et selon leursbesoins spécifiques. Ces fichiers peu-vent être achetés ou construits parl’enseignant en fonction des connais-sances vues dans la semaine. Commeils sont rangés dans un endroit précisde la classe, une organisation est àconstruire avec des règles d’utilisa-tion, de déplacement, d’entraide, decorrection. Ce qui enclenchera lespremières réunions coopératives,bilans et Conseils de classe. Une pre-mière organisation coopérative semet ainsi en place.

La pédagogie Freinet s’installe tran-quillement.

LA CORRESPONDANCE

Permettre avant tout à l’enfant des’exprimer et de communiquer

C’est un acte authentique, elle partdu vécu individuel et collectif. Ellenécessite et génère en même tempsun certain climat d’accueil, d’écoute,de respect et de tolérance que la co-opération et l’interaction entre lesindividus de la classe favorisent.

La correspondance, comme le textelibre, est un premier pas vers l’indi-vidualisation du travail, elle entreranaturellement dans les temps de tra-vail personnel.

Permettre aussi l’étude du milieu

La correspondance permet égale-ment d’élargir le patrimoine cultu-rel de la classe, de découvrir uneautre région, un autre pays et par là

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L’étude du milieu permet également d’élargir le patrimoine culturel de la classe

fonctionne pas très longtemps, tropde projets personnels ou au contrairede pannes d’idées… petit à petit l’é-criture de texte va s’aventurer et deve-nir réellement libre dans le temps etl’espace et ainsi trouver sa place dansles moments de travail individualiséou personnalisé de l’enfant.

LE TRAVAIL INDIVIDUALISÉ

L’enseignement « traditionnel » esttout à la fois collectif et individuelpuisqu’il est imposé à un groupedont les individus sont astreints àune discipline strictement indivi-duelle. Le maître s’adresse à l’en-semble de la classe, mais les élèvestravaillent seuls, tout contact avecles voisins étant considéré commeun acte d’indiscipline ou une triche-rie. C’est apprendre seul contre lesautres !

Et pourtant pour faire face à unesociété de plus en plus complexe, deplus en plus individualiste, il fautun enseignement ambitieux évo-luant sur le mode dialectique indi-viduel/coopératif.

Individualiser et personnaliser letravail

En pédagogie Freinet, le travailindividualisé permet à l’enfant

Premiers pas en pédagogie Freinet

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même comprendre son propre envi-ronnement, elle permet non seule-ment de connaître la vie d’autresenfants mais aussi de s’interrogersur sa propre vie. La mise en placede la correspondance va générer desactivités de découverte du monde,d’histoire, de géographie puisqueles lettres collectives et individuel-les qui vont se succéder vont provo-quer questionnements, recherchessur le milieu. L’enfant va peu à peuconstruire ses notions de temps etd’espace avec toute l’efficacitéqu’apporte la motivation affective.

Les productions de textes, lescahiers de vie vont pouvoir voyageret rejoindre les correspondants et siles conditions matérielles le permet-tent, un projet de voyage, de ren-contre avec les correspondantspourra se mettre en place et génère-ra à son tour d’autres activités, d’au-tres apprentissages…

De nouvelles activités pourront naî-tre dans la classe : l’étude du milieupar les exposés et conférences, lapréparation d’un voyage, d’uneclasse transplantée….

LES CONFÉRENCES,LES PRÉSENTATIONS

Partir de son milieu proche pouraccéder aux milieux plus com-plexes, plus lointains

La recherche documentaire est uneactivité où l’enfant est acteur de sesapprentissages, si sa motivation estpersonnelle, le produit fini (docu-ment, exposé, conférence), est desti-né aux autres, c’est un échange desavoirs entre l’individu et la collec-tivité. Avant de recourir au livre, àinternet, l’enfant va étudier ce qui leconcerne très fort afin qu’il puissele travailler avec ses propresmoyens, avec les ressources locales,avec ce qu’il a chez lui. Il chercherales témoignages de ses parents, deses voisins. C’est un travail très per-sonnel. Ensuite, il pourra rédigerun document et le présenter à laclasse. C’est un travail qui entrera

naturellement aussi dans les tempspersonnels de l’enfant.

La présentation à la classe va don-ner lieu à des questionnements.Apprendre à questionner estindispensable pour la recherchedocumentaire, c’est une compétencequi permettra à l’enfant d’aller plusloin dans ses recherches à venir. Ellelui permettra de préparer des confé-rences en sériant les questions etdonc la recherche des réponses dansles revues documentaires, les ency-clopédies papier ou virtuelle. Lesconférences pourront être photogra-phiées, filmées et envoyées aux cor-respondants. Petit à petit le ques-tionnement de l’enfant va s’éloigner,du proche, du familier pour accéderaux temps et aux espaces plus dis-tants et plus complexes.

L’EXPRESSION ARTISTIQUE

« L’homme est un être qui cherche…

Mais aussi qui réalise, et les arts

permettent cette deuxième attitude

plus que toute autre activité. »

(Nicole Bizieau)

L’art enfantin a toujours été considé-ré en pédagogie Freinet comme uneactivité pédagogique à part entière.Il demande une véritable place dansl’espace et dans le temps.

Dans le contexte d’une classeFreinet où l’expression est authen-tique, où se déploient le tâtonne-ment expérimental, l’ouverture cul-turelle et la coopération, les activitésartistiques ont toute leur pertinence.

Cette place passe d’abord par laprise en compte de l’enfant en tantqu’individu, en tant que personne :sa parole, son corps, sa relation auxautres, sa culture personnelle.

Comme toutes les activités de laclasse, il est nécessaire d’articulerdes moments de travail collectifs(projets, savoirs et savoir-faire parti-culiers, actualité …) et des momentsde travail individualisé (projets per-sonnels, ateliers, recherche ou créa-tion libre…).

Les conditions matérielles sontdéterminantes : disponibilités enlocaux et en matériel. En faire l’in-ventaire avant de se lancer dans lesactivités de peinture, de terre, dethéâtre, d’expression corporelle, demusique… pour éviter les échecs.

Petits pas par petits pas, ces activi-tés artistiques prendront leur placecomme toutes les activités d’expres-sion et de création de la classe.

LES MATHÉMATIQUES

Plusieurs pratiques sont possibles :l’utilisation des outils de travailindividualisé, le calcul vivant, larecherche mathématique… Selon sasensibilité, son vécu pédagogiquechacun se lancera dans une pratiquequi permettra à chaque enfant d’êtreacteur de ses apprentissages.

Un premier pas : réserver une séan-ce par semaine à une pratique dif-férente qui accueille les événe-ments qui arrivent en classe(« Quoi de Neuf ? », présentations,correspondance…) et qui vont don-ner lieu à des calculs, des inven-tions. La présentation de ces tra-vaux à l’ensemble de la classe per-met de lancer des pistes de recher-ches pour aller plus loin. Cette pra-tique peut s’étendre ensuite douce-ment sur d’autres moments de laclasse en particulier sur les tempsde travail personnalisé.

LE CONSEIL

Toutes les approches, les pratiquesqui viennent d’être présentéesnécessitent une organisation socialeréfléchie. La mise en place duConseil répond aux besoins du col-lectif pour qu’il puisse accueillirl’individuel tout en s’enrichissant.

C’est un lieu de parole, d’échangesoù ensemble les membres dugroupe analysent les différentsaspects de la vie commune,confrontent leurs points de vue,prennent des décisions et en éva-luent l’application.

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Premiers pas en pédagogie Freinet

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Dossier

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Le blog crée une ambiance particulière dans la classe car les élèves savent qu’ils écrivent pour être lus et qu’ils s’enregistrent pour être entendus !

LA PHILOSOPHIE DELA PÉDAGOGIE FREINET

M’ATTIRE

L’enseignement classique, à savoirle cours magistral ne m’a jamaissemblé pertinent pour mettre envaleur l’élève. J’ai toujours étégênée avec cette pratique : lesyeux des « ignorants » sont tour-nés vers « la personne qui sait ».Dans ce cadre, la méfiance vis-à-vis de l’apprenant est fréquente,on le « sur dirige » même dans lestravaux que l’on dit créatifs, onbride son imagination sous pré-texte qu’il ne connaît pas grand-chose et qu’il risque de partir dansdes « délires incontrôlables ».

Des règles de fonctionnement, desrégulations de conflits, des proposi-tions de projets, des suggestionsd’activités et des décisions émer-gent des réunions de ces Conseils.

Le Conseil peut prendre plusieursformes

Il peut être quotidien, c’est le bilandu soir qui permet de faire le pointrapide de la journée : réussites, pro-blèmes et met en perspectives lelendemain.

Il peut être hebdomadaire pourorganiser les activités et les projetscollectifs, analyser la vie du groupe,réguler les dysfonctionnements etconflits, élaborer les règles.

Il peut être aussi extraordinairepour régler un problème urgent.Une ou plusieurs formes peuventco-exister dans une classe.

Selon l’âge des enfants, le momentde l’année, l’animation et le secréta-riat du Conseil sont délégués pro-gressivement aux enfants.

… ET POUR DÉMARRER ?

Choisir une approche, celle qui vousressemble le plus et cheminer avecelle tranquillement.

Chacune d’entre elles pourra entraî-ner une des autres une fois que la pre-mière sera bien installée.

Et surtout :

« Ne vous lâchez jamais des mains...

avant de toucher des pieds ! »

Célestin Freinet 2

Catherine Chabrun

Pour approfondir ces approches et

d’autres, lire la présentation des édi-

tions ICEM page 74.

1 De la pédagogie institutionnelle à la for-mation des maîtres, Matrice, sous la direc-tion de Jacques Pain, 1994.

2 Les Dits de Mathieu, Brochure d'Éduca-tion Nouvelle Populaire n°47, juillet 1949.

Changer ses pratiques au Second Degré

Une réflexion pédagogique, un autreregard sur l’élève et quelques techniquesont permis à Christelle Guillot, professeurde français dans un collège de Guérande(Loire-Atlantique), de faire vivre un autreenseignement à ses élèves.

Premiers pas en pédagogie Freinet

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11Or ce qui m’intéresse c’est justementcelui qui apprend, de partir de sonenvironnement pour l’amener versautre chose, à un texte d’auteur, àune œuvre d’art. Qu’une part deliberté s’installe dans ma classe surlaquelle on puisse rebondir !

Voilà pourquoi j’ai très rapide-ment changé la disposition de masalle. Les chaises alignées en rangd’oignon se sont tout d’aborddisposées en U : mon cours estalors devenu plus dialogué (maisencore trop magistral à mon goûtavec ce tic de langage qui reve-nait souvent et qui trahissait mondésarroi et mon envie que toutaille bien pour tout le monde :« c’est bon ? » ). Je n’étais pas enco-re heureuse de ce que je faisais. J’aialors décidé de me lancer dans cequi s’appelle « l’École Moderne »et j’ai intégré un groupe départe-mental Freinet. Ce qui m’a attiréedans les travaux de Freinet c’étaitde partir de l’élève, de le mettre aucentre de son enseignement, de lerendre actif et responsable de sonapprentissage.

techniques et notamment les« trois minutes » (voir l’encadré).Cet exercice oral a rapidement prissa place au sein de ma classe. Il estdevenu un rendez-vous hebdoma-daire plébiscité par les élèves. J’aipris le parti de filmer ces momentspour ne pas qu’ils tombent auxoubliettes. Je les ai gravés sur CDcomme souvenirs et pour alimen-ter la bibliothèque de classe.Aujourd’hui ils sont diffusés sur leblog de la classe.

Les trois minutes sont faciles àmettre en place dans une organisa-tion de collège qui saucissonnesans cesse les apprentissages :nous ne voyons les élèves quedeux heures maximum par jour-née et cette courte durée rend dif-ficile toute activité d’apprentissa-ge qui s’inscrit naturellement dansla durée. On est toujours à la quêtede sens entre nos séances. Voilàpourquoi je n’arrive pas encore àfaire de Conseil, je ne trouve mal-heureusement pas le temps.

L’outil informatique et le blog declasse

L’outil que j’utilise beaucoup c’estl’informatique et notamment leblog. Freinet utilisait l’imprimerieet le journal de classe pour mettreen valeur les travaux de ses élèves

Freinet utilisait l'imprimerie pour mettre en valeur les travaux de ses élèves et leur donner du sens, aujourd'hui, dans ma classe, le blog a la même fonction.

Les élèves prennent plaisir à voir leurs textes scannés ou à travailler la mise en forme avec des images animées.

QUELQUES TECHNIQUES QUI

ONT TOUT CHANGÉ

Le trois minutes

Sous les conseils des « anciens » dugroupe second degré de l’ICEM(André Mathieu et FrançoisPerdrial), j’ai mis en place quelques

Premiers pas en pédagogie Freinet

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et leur donner du sens, aujour-d’hui, dans ma classe, le blog a lamême fonction.

Le blog, en même temps qu’il per-met une diffusion plus large destravaux des élèves, donne du sensaux apprentissages écrits et oraux.Les productions ne sont plus uni-quement scolaires mais devien-nent des productions socialiséesayant un intérêt informatif,ludique, culturel… Par consé-quent, les élèves s’investissentdavantage. Le retour réflexif surles textes, les mises en voix, les« trois minutes » top chrono,deviennent alors quelque chose denaturel car porteur de sens : onvise toujours la perfection quandon s’adresse à un autre.

Ce blog crée une ambiance parti-culière dans la classe car les élèvessavent qu’ils écrivent pour être luset qu’ils s’enregistrent pour êtreentendus ! Ils apprennent à rece-voir le jugement de l’autre, à écou-ter, à adopter une lecture critiquede leurs propres productions, àprendre du recul. D’où l’intérêt etl’importance des commentaires !L’autoévaluation et la coopérationprennent tout leur sens ici ! A tra-vers le blog sont mises en jeu des

valeurs essentielles pour devenirun adulte autonome et respec-tueux de la parole de l’autre : ensoumettant à la classe et/ou à sonenseignante son projet, l’élève doitargumenter, prendre des respon-sabilités vis-à-vis de ce qu’il a pro-duit.

Ensuite, il doit accepter la décisionde ses pairs et/ou de son ensei-gnante en recevant ou non l’auto-risation de diffuser. Le blogdevient une aventure commune :chacun participe, chacun apportesa richesse ! Il est donc un formi-dable outil pour devenir uncitoyen éclairé !

Ensuite, le blog offre un côtéludique à l’apprentissage du fran-çais. Les élèves prennent plaisir àvoir leurs textes scannés ou à tra-vailler la mise en forme avec desimages animées. Les élèves aimentécrire car leur texte prend d’em-blée une dimension esthétique etl’immédiateté de la parution ajou-te de l’intérêt. Mais cela ne doit pasfaire oublier l’importance de l’ap-profondissement, du brouillon.C’est pourquoi ce sont les produc-tions les plus abouties qui sont dif-fusées sur le blog. La mémorisa-tion des textes ne devient plus un

calvaire car les élèves savent qu’ilsdevront s’enregistrer sur un logi-ciel et qu’ils pourront créer deseffets sur leur voix ou réaliser unebande son.

Le plan de travail

Travailler en salle informatique aimposé le plan de travail dans maclasse. En effet, pendant que lesélèves étaient sur les 15 postesdisponibles, il fallait organiser lesautres. Le plan de travail a donctout naturellement trouvé saplace. Les élèves le reçoivent tousles 15 jours et je le ramasse à la finde la période. Auparavant, jeramassais tous les plans de travailet comme j’ai 4 classes, c’est vitedevenu un véritable calvaire pourles corriger. Maintenant, je n’enrelève que quelques-uns mais lesélèves qui le souhaitent peuventme le laisser (j’en ai moins maistoujours beaucoup car les élèvesqui font ce travail sérieusementont envie que j’en prenne connais-sance ! Qui a dit que les élèvessont paresseux ? Je n’ai vraimentpas cette impression !!!). Les élè-ves aiment cet outil. Quand j’ou-blie de le leur donner ils me leréclament.

Dossier

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LES TROIS MINUTES

La technique des « Trois Minutes » a vu le jour dans le secteur Second Degré de l’ICEM autour des années 80. Ellea trouvé surtout sa place dans les classes de collège et de lycée.C’est un exposé libre : l’élève peut parler de tout ce qu’il veut. Il s’inscrit quand il le souhaite sur un tableau misà sa disposition dans la classe. Il organise son temps pour passer sachant que toute la classe doit avoir réalisé son« Trois Minutes » avant fin janvier. Il peut donc s’inscrire une semaine comme un mois à l’avance. Il a le droitd’apporter des documents (des images sur clé USB, de la musique, des posters, des magazines, des objets...) pourillustrer son propos.Les consignes de base :

Il suffit de présenter un texte oral, préparé à l’avance, sur un sujet libre (il n’y a pas de sujet tabou). Les règles

en vigueur sont celles de la classe lorsqu’on s’exprime : les grossièretés et les diffamations sont interdites.

Le temps est IMPERATIVEMENT limité à TROIS minutes. Du reste un gardien du chronomètre sera désigné. La limi-tation dans le temps est voulue pour obliger les intervenants à dégager l’essentiel de leur propos, à préciser leurpensée dans un temps donné. Il est bien entendu possible de faire plus court à condition que le propos fasse un toutcohérent et qu’on trouve une introduction, un développement argumenté, émaillé d’opinions personnelles, et uneconclusion. C’est le moment de réinvestir toutes les connaissances apprises par ailleurs.Quelques exemples de sujets : La guerre au Moyen Age, le tennis, Mayotte, le panda roux, les mythes grecs etromains, le rock, les chevaliers…

Premiers pas en pédagogie Freinet

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Sur ce plan de travail sont notéstous les travaux obligatoires àréaliser (texte à apprendre parcœur, textes libres…), les évalua-tions. Il y a également une partie« travail libre » facultative. Pourmoi, le plan de travail vise à faireacquérir de la méthode et de l’au-tonomie à mes élèves. Ces deuxcompétences posent vraimentproblème en collège.

Les élèves sortent leur plan de tra-vail quand ils le souhaitent (enclasse quand ils ont de l’avance, àla maison, en permanence…).C’est encore moi qui dirige le tra-vail sur la quinzaine, qui indiquece qu’il y a à faire. Par contre, lesélèves ont la possibilité de produi-re un travail libre.

Certains le font mais pas tous. Ilsont encore du mal avec ce travaillibre, ils me demandent toujourss’ils ont le droit de faire telle outelle chose.

Les textes libres

C’est peut-être l’activité qui mepose le plus de problèmes ainsiqu’à mes élèves.

C’est difficile d’apprendre la liber-té ! Eh oui !

Je demande aux élèves d’écrire aumoins trois textes libres dans laquinzaine. Je me pose beaucoupde questions sur l’exploitation deces textes. J’ai mis en place des lec-tures à la classe avec création derecueils (écrits et oraux) mais aujour le jour, j’ai du mal à gérer leflux (débordant chez certains ettrès réduit chez d’autres).

J’ai du mal à me positionner :dois-je obliger à écrire ou pas destextes libres ? J’ai l’impressiond’être en plein paradoxe. J’ai doncessayé de trouver un compromis.On est obligé d’écrire trois textesmais on le fait quand on le sou-haite.

Je suis confrontée aussi aumanque d’inspiration des élèves.J’offre donc la possibilité pour

ceux qui le souhaitent de partird’images. Suis-je toujours dansl’esprit des textes libres ?

L’évaluation par compétences

J’ai également mis en place depuisla rentrée, une évaluation parcompétences. Les élèves ne sontplus notés. Toutes les évaluationsreçoivent des points (rouge, oran-ge, vert). Les élèves ont dans leurclasseur un cahier de compétencesqu’ils remplissent au fur et àmesure des évaluations. J’ai sautéle pas car la notation chiffrée meposait de plus en plus de problè-mes même si je mettais un pointd’honneur à noter à l’aide degrilles élaborées avec les élèves.Pourquoi mettre douze et nonquatorze ? Au moins avec les cou-leurs c’est acquis ou non.

Ensuite, l’évaluation par compé-tences permet de clarifier lesattentes du professeur et donc metl’élève en situation de réussite.Les élèves savent sur quoi ils vontêtre évalués, ils savent où ils doi-vent centrer leur attention, cequ’ils doivent revoir. Souvent, enclasse on prépare l’évaluation dela semaine (chose que je ne faisaisjamais avant !).

L’évaluation par compétences medécomplexe. Comme ils n’ont pasde notes, je prends plus montemps, je prends le temps de fairedes groupes de niveau, je m’auto-rise à faire des évaluations diffé-rentes selon les élèves. On discutebeaucoup autour de l’évaluationen classe.

Les élèves savent qu’ils peuventrepasser une épreuve quand ilsont échoué donc l’évaluationdevient source de questions, d’in-térêt, d’entraide. Mon but c’est defaire comprendre que l’essentielc’est de travailler, de s’entraîner,de comprendre, de s’interroger,de s’investir et je crois que j’y par-viens car des élèves qui posentproblème dans certains cours, icitravaillent, essayent.

Les élèves reçoivent malgré toutune note en fin de trimestre car jesuis dans un collège classique etl’absence de notes impliqueraitdes problèmes avec le reste de l’é-quipe enseignante.

J’ai donc mis en place un calculpour atteindre une note sur 20(point vert = 1 point, point orange= 0.5, point rouge = 0). Je suisencore prisonnière du systèmemais j’essaye de le détourner.

Toutes ces innovations dans mapratique me comblent. Je ne suispratiquement plus jamais ensituation frontale.

Je suis sans cesse près des élèves,j’essaye de les aider au mieux, auplus près de leurs difficultés. Il estvrai que c’est très fatigant et sou-vent source de multiples remisesen questions qui parfois sont diffi-ciles à gérer quand on est dans uncollège classique. Les autres collè-gues sont hermétiques à ce quel’on fait quand ils ne cassent pasnotre travail ! Je me sens mieuxdans ma classe mais de plus enplus mal dans la salle des profes-seurs et ne parlons pas desconseils de classe !

Christelle Guillot Collège J. Brel Guérande (44)

Adresse du blog :

http://www.weblettres.net/blogs

Pour aller sur l’espace Second Degré du site del’ICEM :

http://www.icem-pedagogie-freinet.org

Espace coopératif Second Degré

Premiers pas en pédagogie Freinet

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L’organisation coopérative de l’é-quipe enseignante a permis ce tri-ple défi : débuter dans l’enseigne-ment, démarrer en pédagogieFreinet et pratiquer en classeunique ! Depuis seulement troisans à l’Éducation nationale, je m’é-tais dès le début rapproché desmouvements d’inspiration Freinetou de pédagogie institutionnelle etconnaissais déjà en grande partiel’équipe de l’école coopérativeAntoine Balard que je rencontraislors de réunions ou de stages.J’intègre donc en juin 2007 cetteécole qui fait partie du quartier dela Paillade à Montpellier : identiqueaux autres écoles du quartier quantà sa construction, elle reçoit égale-ment une population d’enfantsmajoritairement issus de l’immi-gration et de condition modeste.

LE PREMIER CONSEIL DES MAÎTRES

Je participe au mois de juin, avec lesautres membres de l’équipe, ancienset nouveaux, à un premier conseildes maîtres où doit se discuter l’or-ganisation de l’école à la rentrée.Plusieurs possibilités s’offrent ànous mais cinq classes uniques exis-tent déjà et seront maintenues.

Malgré une certaine appréhension,j’opte pour le choix d’une classeunique au vu des résultats rappor-tés par les anciens collègues.

Et bien que cela ne puisse être priscomme argument pédagogique, je

ne cache pas faire ce choix égale-ment pour avoir une classe moinsdifficile en terme de conflits àgérer : j’en ai eu mon compte l’an-née précédente.

LE TUTORAT SE MET EN PLACE

Outre ce point, il est proposé à tousles nouveaux enseignants, un tutoratdans l’esprit de ce qui se fait dans laclasse coopérative entre enfants, lefonctionnement de la classe uniqueétant relativement complexe d’unepart, par souci de cohérence et d’effi-cacité d’autre part.

Chaque nouveau se choisit untuteur parmi les anciens qui onttous une classe unique. Montuteur, qui est en fait une tutrice, sepropose d’être mon interlocutriceprivilégiée concernant tous lesdomaines du fonctionnement del’école et de la classe.

Dans cette logique, dès le début del’été, et ceci afin d’intégrer aumieux les dispositifs existant dansl’école, je rencontre à plusieursreprise ma tutrice. Je prends eneffet le parti pris dans un premiertemps de « coller » à un fonction-nement existant quitte à m’en déta-cher par la suite si nécessaire.Nous passons ainsi ensemble unedizaine d’heures pour éclaircir,préciser ou tout simplementapprendre à faire fonctionner cer-tains outils, rencontres complétéespar courriers électroniques.

TOUT EST À CONSTRUIRE

A la rentrée, alors que les autresclasses conservent en gros les 4/5 del’effectif de l’année précédente, j’hé-rite en quelque sorte dans ma classed’enfants qui viennent d’horizonsassez différents : certains ont connula classe de cycle 3 (la plupart desCM1 et CM2), d’autres des classesde niveau (CP ou CE1), les nou-veaux CP arrivent de la maternelleet un ou deux autres encore arriventde l’extérieur. J’ai même une petitequi n’a tout bonnement jamais misles pieds à l’école. Contrairementaux autres classes où, en exagérantun peu, il « suffit » de remettre enroute une classe interrompue parles vacances d’été, presque tout est àmettre en place.

Ici, il me semble important de signa-ler que l’énormité de ce que repré-sente la prise en charge de tous cesniveaux est à relativiser. Travaillantl’an dernier dans une classe à coursdouble, j’avais déjà eu affaire à desdifférences de niveau telles qu’ilétait nécessaire d’organiser le travailde manière très individualisée, saufà noyer les uns et ennuyer les autres.Ici, on sait dès le départ que chaqueenfant travaillera à sa mesure, à sonrythme et la classe est organiséedans cette perspective.

On comprendra donc facilement queje ne fais pas cinq cours et qu’unepart du quotidien repose sur l’auto-nomie des enfants, particulièrement

Démarrer en classe « unique »dans une école de dix classes en ZEP

Etienne Briquet a rejoint cette année l’ÉcoleCoopérative Antoine Balard à Montpellier, unchoix pédagogique et philosophique.

Premiers pas en pédagogie Freinet

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des plus grands et sur les interac-tions, la coopération qu’il s’agitd’encourager et de réguler. C’estdonc le gros morceau auquel je mesuis consacré dès le départ. Il sup-pose un plan de travail, une ergo-nomie de la classe, des moments derégulation et d’organisation,aspects centraux que je continue àajuster depuis la rentrée.

EN PREMIER UN EMPLOI DU

TEMPS SIMPLIFIÉ

Pour organiser le temps en débutd’année, et sachant que si la classeest complexe dans son organisationpour moi, elle l’est d’autant pluspour les enfants, j’utilise un emploidu temps simplifié par rapport à cequ’il sera en « période de croisiè-re ». J’alterne dans les premiersjours des périodes destinées à seposer, se rencontrer (présentation,tutorat) avec des moments collectifsde travail (un premier chant, unpremier toilettage de texte,…) etd’organisation (attribution de pre-miers métiers,…). Certaines plagessont déjà fixées pour longtemps,d’autres laisseront la place à d’autresmoments de travail. Le dosage est unpeu difficile au début car tout sem-ble urgent. En particulier, il fautdégager du temps pour la lecturedes CP, 30 à 40 minutes quotidien-nes, où les autres enfants sont auto-nomes. Au début de l’année, cetteautonomie est très relative et il fautjongler un peu. Mais au moindredoute, moindre problème, j’ai unetutrice et un collègue expérimenté àquelques mètres qui sont prêts àm’aider.

UN CHOIXRÉFLÉCHI : LA MÉTHODE

NATURELLE

Pour la lecture des CP, j‘ai optépour la méthode naturelle de lec-ture et d’écriture (MNLE) que jen’avais pas pratiquée auparavant.Là encore, pendant l’été j’ai étudiéla question avec un fascicule édité

par l’ICEM 34. Un peu d’appréhen-sion là aussi mais rien d’insurmon-table. De temps en temps, je fais lepoint avec les collègues pour voirsi je suis dans les clous, je rectifie,j’aménage et en décembre, j’ai, mafoi, un enfant qui lit des petits livresde son âge sans mon aide, unsecond qui sera bientôt dans lemême cas et une petite fille quirentre en lecture difficilement, len-tement.

Là, je commence à ressentir lesbienfaits de la classe unique : lesdeux CP qui lisent ou liront souspeu ont moins besoin de la tutelledu maître pour continuer leur par-cours ce qui me permet de dégagerdu temps et de l’énergie pour cettepetite de CP qui a du mal à entreren lecture, pour ce CE2, bloquédans certaines compréhensionspar une forme d’indigence cultu-relle, ou pour cette CM2 qui avan-ce vite dans son travail et quidemande certaines explicationsque je suis le seul à pouvoir luidonner.

L’HÉTÉROGÉNÉITÉN’EST PAS RÉSERVÉE À

LA CLASSE UNIQUE

Concernant les cinq niveaux, jepense que ça ne me pose pas deproblèmes particuliers, qu’il y aitdes difficultés certes, mais ce sontcelles qui sont à résoudre danstoutes les classes. La classe uniquene me pèse pas plus qu’une classeà double ou simple niveau : je nefais plus vraiment attention au faitd’avoir des petits et des grands,disons que c’est intégré, naturel. Etpuis la notion de grand et petitdépasse celle de l’âge civil : je veuxdire par là que je ne dois pas être leseul à avoir des CM incapables derespecter une règle de vie simpleou de faire preuve d’un peu d’au-tonomie alors que des plus jeunesen sont déjà capables très tôt dansl’année. Ces différences sont assezpeu en corrélation avec l’âge. Pourcette raison, la classe unique n’est

pas si différente d’une classe àniveau simple dans laquelle onprend en compte l’histoire scolai-re de chacun. Et quant à expliquerà l’un la raison pour laquelle lalettre g se prononce différemmentsi elle est suivie de o ou e, puis àl’autre la technique de la division,en quelque sorte faire sans arrêtle grand écart dans les notions, çane me pose pas vraiment de pro-blèmes.

LA COOPÉRATION EST UN ÉLÉMENT

INDISPENSABLE

Alors qu’on se trouve maintenantau mois de janvier, beaucoup detravail reste à faire. Pour les enfantsbien sûr mais pour moi également,afin de tenter d’améliorer un fonc-tionnement de classe qui ne mesatisfait pas toujours. Avec matutrice, avec l’équipe, je continuedonc, dans l’esprit d’échange quipréside au fonctionnement de l’é-cole, à poser des questions, à sou-mettre des problèmes, à montrer ceque je fais, à ajuster. On se voit àl’heure de la pose (qui n’en estalors plus vraiment une) et on dis-cute, on se montre ce qu’on fait, onse prête des outils.

La charge de travail est effective-ment pour moi parfois un peulourde. Mais elle est portée par l’i-dée que ce projet, unique pour lecoup, sert l’intérêt des enfants tantsur le plan scolaire que sur le planhumain.

Etienne BriquetMontpellier (34)

Premiers pas en pédagogie Freinet

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J’allais recevoir des enfants que jesouhaitais respecter, mais qui semontraient individualistes, rebellesvoire violents entre eux et avec lesadultes. Ces élèves de cycle 3connaissaient bien cette école qu’ilssemblaient chercher à détruire. Ilsentraient en CM1 ou en CM2 etfaisaient donc leur quatrième,cinquième ou sixième rentrée dansces murs. Ils auraient dû se sentirchez eux. Comment pouvaient-ilsvouloir casser la maison du savoir,l’école de la République, celle qui apour mission de les émanciper ? Ilserait vain de croire qu’ilsmanquaient ici de repères : ilsconnaissaient les lieux, les temps etles rituels scolaires. Il faut doncadmettre plutôt qu’ils ne pouvaients’approprier ces repères car ils n’entiraient pas d’intérêt, ou encore parcequ’ils ne s’y sentaient pas suffisam-ment accueillis. Dans cette maison,les individus-enfants avaient été tropsouvent niés au profit d’un anony-mat dont on ne sortait que par uneréputation de caïd. Dans cettemaison, les adultes avaient été trop

souvent instables, trop peu enconfiance entre eux pour qu’onpuisse s’y appuyer pour se sentir ensécurité. Bref, dans cette maison, lessables avaient été trop mouvants aucours des années écoulées et laviolence avait alors été la réponsedes enfants à l’insécurité affective.

Mais comment accueillir celui quiest susceptible de vouloir casser ?Comment restaurer la place sym-bolique de chacun, afin qu’il sesente suffisamment en sécuritépour s’autoriser à la confiance ?

ECOUTER PLUTÔT QUE DISCUTER

Consciente de l’impact de la mise enscène du jour de rentrée, maréflexion s’est portée sur le messagede ce premier jour, à travers unscénario un peu différent de ce queles élèves avaient dû connaître lesannées précédentes.

J’avais installé les bureaux des élèvesen U, afin d’instaurer une notion degroupe, et placé mon bureau – déjàinvesti par mes affaires personnelles –

sur le côté. Sur chaque bureau d’élèveétait placé un tapis de table en lino-léum portant une étiquette indiquantle prénom et le nom d’un enfant.J’avais la chance de connaître un peule groupe et d’avoir pu échanger avecd’anciens enseignants de l’école : celam’avait permis de réfléchir à ladisposition des élèves, cherchant laformule la plus judicieuse et la moinsexplosive possible. Les élèves rangésdans le couloir – on se tient encoretranquille pendant la première demi-heure ! – ont été invités à entrer dansla classe, chercher leur place, s’as-seoir en silence et écouter de lamusique. J’avais choisi le disque«Lambarena» (Jean- Sébastien Bachmélangé aux chants traditionnels duMali) 1 qui symbolisait le métissage.

J’ai quelque peu surpris les élèvesen commençant ce premier jour declasse par une « lecture offerte ». Sansleur adresser directement la parole,sans introduire ma lecture, je leur aidonc lu le premier chapitre du romande Pierre Gripari Le Prince Pipo, quidébute par l’histoire d’un garçon qui

Dossier

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DD ESES IDÉESIDÉES ENEN PRAPRATIQUESTIQUES

Accueillir les enfants :des individus dans un lieu collectif

Catherine Hurtig-Delattre a accepté de prendre en charge une classe particulièrementdifficile. Il s’agissait d’enfants de CM1 etCM2, en Réseau d’Éducation Prioritaire,ayant vécu l’année précédente un itinérairescolaire fragilisé. Souhaitant concilier « remise au travail » et« goût d’apprendre », l’enseignante a réfléchi àune rentrée scolaire peu ordinaire.

Des idées en pratiques

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ne peut pas s’empêcher de mentir…Cette lecture n’a été suivie d’aucuncommentaire, mais s’est poursuivieles jours suivants et le roman a faitl’objet d’un travail de plusieurs semai-nes. Ensuite, chacun a été invité,toujours en silence, à décorer l’éti-quette se trouvant sur son bureau puisà la protéger en la plastifiant. L’acti-vité suivante a consisté à se confec-tionner et à personnaliser deux autresétiquettes portant prénom et nom. Lapremière serait pour un grand casierpersonnel se trouvant au fond de laclasse et permettant de ranger deseffets non directement scolaires : jeux,livres personnels, goûters. Ladeuxième serait pour le porteman-teau individuel dans le couloir. Lors-qu’il avait terminé sa décorationpersonnelle, chaque élève se dépla-çait avec moi, désignait sa place decasier et de portemanteau, puispouvait choisir un livre dans la biblio-thèque collective déjà en place oucontinuer à dessiner librement ensilence.

ÉCRIRE PLUTÔT QU’ÉCHANGER

Après la récréation, les enfants ontété confrontés à deux tâches écri-tes, leur permettant une expressionpersonnelle et offrant l’occasiond’une prise de connaissance

mutuelle sans pour autant les inci-ter à perdre le contrôle d’eux-mêmes. Tout d’abord, ils ont rempliun questionnaire au sujet de leursattentes pour cette annéescolaire. 2 Il leur était demandé cequ’ils espéraient apprendre, ce quiles inquiétait, mais aussi ce qu’ilssouhaitaient poursuivre ou modi-fier, par rapport à l’année précé-dente. Les enfants se sont prêtésvolontiers à ce travail, sans contes-tation ni chahut. En revanche, ilsse sont peu exprimés, et de maniè-re très peu construite. 3 Peu impor-te… si à travers ces questionnairesje n’ai pas appris grand chose desélèves, ce sont eux qui ont com-mencé à apprendre à mon sujet, età comprendre quelle était madémarche. La deuxième activitéétait un compte-rendu écrit desvacances de chacun, sous forme devignettes rapides (meilleur souve-nir/ moins bon souvenir), de peti-tes illustrations (lieux, moyens detransports) et d’une frise chronolo-gique de l’été.

Cette activité a diversement étéacceptée, certains élèves estimantces informations trop personnellespour être livrées à l’école : leurréserve a été respectée. Mais laplupart ont fait ce travail avec soin,me permettant de commencer à

comprendre les conditions de viefamiliale de chacun et l’hétérogénéi-té du groupe, derrière son apparen-te homogénéité culturelle et sociale.Bien sûr, sur ce thème un échangeentre les élèves aurait été tentant,mais je m’étais interdit de provo-quer quelque échange oral que cesoit pour ce premier jour. A la fin decette première matinée, en effet, peude paroles avaient été échangées. Cequi signifie que les élèves n’avaienteu l’occasion ni de s’interpeller, nide se couper la parole, ni de s’insul-ter, et que l’enseignante n’avait eu nià réprimander, ni même à régulerces prises de parole, car je n’avais enfait élevé la voix à aucun moment.Les élèves sont repartis chez euxsans avoir entendu parler de liste dematériel, de cahier ni de livre...

Qu’avaient-ils donc appris aucours de cette étrange matinée derentrée ? Ils avaient peut-être déjàcompris qu’ils étaient invités àvivre une autre relation que le rap-port de force, qu’ils n’étaient danscette classe ni des enfants tout-puissants, ni face à un adulte tout-puissant. Ils avaient pu constaterque cet adulte avait installé uncadre leur garantissant calme etsécurité, qu’il n’y avait pas lieu dediscuter à cet instant. Ils avaientpeut-être entendu qu’il y avaitdans ce lieu une place pour chacund’eux, c’est-à-dire pour des indivi-dus, portant prénom et nom, ayantdroit à leur existence propre, à leurespace personnel aux côtés d’unespace réservé à l’adulte (lebureau) et d’un espace collectif (labibliothèque). Ils avaient peut-êtresenti qu’il était parfois plus simplequ’on ne le croit d’écouter, que l’a-dulte souhaitait, à travers l’écoute,leur faire partager des émotions :ce matin là par un morceau demusique et une page de littérature.Ils avaient peut-être compris que sicet adulte les contraignait au silen-ce, elle ne s’intéressait pas moins àl’avis de chacun d’eux, recueilli parécrit. Finalement, je crois bienqu’ils se sont sentis accueillis.

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Des idées en pratiques

A la fin de cette première matinée, peu de paroles ont été échangées.

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ACCUEILLIR POURQUE CHACUN TROUVE

SA PLACE DANS LEGROUPE

L’après-midi de la rentrée s’estpoursuivie avec la même tonalité,c’est-à-dire avec très peu d’échan-ges oraux et des activités à fortecharge symbolique. Il était ques-tion de rappeler à ce moment-làaux enfants que si j’avais le soucid’accueillir chacun d’eux, c’est bienen groupe qu’ils allaient passercette année scolaire. Un groupe quiforme une collectivité, et non unecommunauté ; un groupe forméd’éléments qui ne se sont pas choi-sis et qui sont sommés de s’accep-ter mutuellement. Une activité asymbolisé cette constitution dugroupe : la confection d’une gran-de affiche portant les autoportraitsde chacun... y compris l’ensei-gnante. Cette activité a été bienacceptée par les enfants : chacun, àtravers son dessin et le choix de saplace sur l’affiche, s’est exprimésilencieusement au sujet de l’ima-ge de lui-même et de son position-nement dans le groupe. J’ignoraisalors le détail des multiples enjeuxrelationnels qui traversaient cegroupe, formé de douze garçons ethuit filles : amitiés, rivalités,inimitiés fortement installées ou

passagères… Ce que je savais, c’estque pour beaucoup d’entre eux lesrelations entre pairs avaient étéhouleuses l’année précédente,dans un groupe-classe commedans l’autre. Les altercations dediverses formes étaient le painquotidien : bagarres, insultes, cha-pardages, etc. dans la cour derécréation ou les couloirs, maisaussi en classe et dans la rue. Jesavais aussi qu’une complicité s’é-tait forgée entre eux au cours deleurs diverses occasions de chahutet de sabotage des activités quileur avaient été proposées. Lesrelations positives et pacifiquesqui existaient sans nul douteavaient été masquées par l’at-mosphère générale et le pouvoirdes leaders. Je décidais de « fairecomme si on repartait à zéro »,tout en sachant très bien qu’il n’é-tait pas question de faire table rasedu passé et des affects, mais decréer une rupture radicale. D’unepart, un nouveau groupe se formait,puisque les enfants venaient dedeux classes différentes. D’autrepart, on aurait bien le temps, plustard, de comprendre la subtilité desrelations entre eux, et si possible deles aider à les réguler en profon-deur, avec l’aide des dispositifssociaux qui seraient mis en place.

ACCUEILLIR CHACUNAVEC SON IDENTITÉ

En fin d’après-midi, a été abordéela question du lien avec lesfamilles, qui allait être centraledans le dispositif. Le médiateurpour cela a été la distribution ducahier de liaison, seul outil scolairedistribué ce premier jour. C’est lepremier moment au cours duquelje me suis adressée oralement augroupe, pour leur dire que j’espé-rais les aider au mieux au long decette année scolaire, et que pourcela je souhaitais collaborer lemieux possible avec leurs parents.J’avais placé en première page ducahier un mot de bienvenue desti-né aux parents qui étaient invités àune réunion dès les premiers jours.J’ai expliqué aux enfants que je n’i-gnorais pas que certains parentsétaient non francophones ou non-lecteurs du français. Je leur ai doncconfié le difficile rôle d’intermé-diaire impliqué dans ce lien, etpour cela nous avons lu ensembleet commenté tous les impriméspréparés dans ce cahier (fiche derenseignements, assurance, etc).Au soir de ce premier jour, il mesemble que les enfants avaient bienperçu le message du rapproche-ment que je souhaitais avec leurfamille. Dans sa réception immé-diate et selon les contextes, ce mes-sage a été perçu diversement parles enfants : pour certains d’entreeux ce n’était pas une bonne nou-velle ! Pour moi, il s’inscrivaitcomme un premier pas dans madémarche de restauration d’uneidentité morcelée..

Catherine Hurtig-DelattreLyon (69)

Auteure de l’ouvrageRestaurer le goût d’apprendre,

Ed. l’Harmattan 2004

1 Bach to Africa, réal. Mariella Berthéas, stu-dio Acousti, mai 1993

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Des idées en pratiques

Chacun, à travers son dessin, s’est exprimé silencieusement au sujet de l’image de lui-même.

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Après 20 ans de classe unique dansun village du nord de l’Alsace, jedeviens directrice d’une école à neufclasses à Molsheim, petite ville de lavallée de la Bruche un peu plus ausud. Le lundi est réservé au travail dedirection et le reste de la semaine, jetravaille avec 27 CM1/CM2.

LE CHAOS DE SEPTEMBRE…

Cela commençait dans la cage d’es-caliers. Deux étages à monter encompagnie d’autres classes. Cris,bousculades, disputes… Certainsjours, je devais me boucher les oreillestellement le bruit m’était insupporta-ble, moi qui ne connaissais que lesentrées en classe paisibles d’une ving-taine d’enfants de la campagne…Dans la classe, après un retour aucalme, cela repartait de plus belle.Pour un travail qui devait commen-cer à 8 h selon l’emploi du temps, ilétait facilement 8h 15 quand il démar-rait. Et ce, quatre fois par jour. Celan’a l’air de rien, mais quand on perdune heure tous les jours, il manqueune demi-journée de travail chaquesemaine !

Or, nouveau motif de stupéfaction :mes nouveaux élèves ne travaillaientpas ! J’avais pourtant l’impression dedéployer une énergie fantastique pourles faire travailler, et même poursimplement faire sortir du cartable

un cahier précis, y faire copierquelques lignes du tableau. En fait,je passais mon temps à ôter un jouetdes mains de Pierre, ôter le compaset l’équerre transformés en hélicop-tère des mains d’Anthony, faireasseoir Cyril, séparer Hélène et Kellyqui se chamaillaient, faire asseoirKévin, retourner faire asseoir Cyril,confisquer une balle de tennis enpassant... Tout cela dans un bruitincessant dont je n’arrivais pas à détec-ter les auteurs, mais dans lequelperçaient, par moments, le fracasd’une règle métallique, les rires aigusde Clélia et de Coralie, les « chut »tonitruants de Fred et pour couron-ner le tout, la sonnerie d’un téléphonequ’au début, je croyais indispensabledans la classe d’une directrice degrande école.

Aucun outil de pédagogie institution-nelle n’était connu par les élèves,aucun des mots-clé de ma classeprécédente n’avait de sens pour eux,et je ne connaissais pas ceux quiauraient pu en avoir. Nous étions, lesélèves et moi, dans un chaos quim’avait laissée littéralement sans voixpendant plusieurs jours, qui m’avaitdonné l’impression d’avoir atterri surune autre planète. Pendant quelquestemps, j’en ai été complètement désta-bilisée, me raccrochant comme jepouvais aux activités qui m’étaientessentielles.

LA PREMIÈRESEMAINE : DES LUEURS

FRAGILES…

Le premier jour

Après une première matinée agitée,je demande aux enfants d’installerleur chaise en rond pour le premierConseil. Ce n’est rien de l’écrire : ilfaut imaginer le bruit qu’a provoquéune telle opération, qui se faisaitpourtant tout naturellement dans laclasse unique !

J’ai peu de souvenirs de ce Conseil,si ce n’est qu’il y a toujours au moinstrois enfants qui parlent en mêmetemps, que par moments, on ne s’en-tend plus du tout, et que je l’arrêteavant la fin de l’ordre du jour, nonsans avoir fait voter, je ne sais pluscomment, une première règle de viepar rapport aux escaliers. Ceproblème ne concerne apparemmentque moi, mais les enfants votent doci-lement une loi que je m’empressed’écrire sur le panneau des règles toutprêt. C’est tellement parachuté que,par la suite, quand les enfants aurontvoté des règles à partir de problèmesqui les concernent vraiment, je refe-rai un panneau en « oubliant » lapremière règle sans que quelqu’uns’en aperçoive !

En relisant les notes de ce conseil, jevois que c’est aussi au cours de cepremier Conseil qu’Yves critique la

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Construire une classe coopérative

Quelques pages d’une monographie quimontrent une classe en construction aprèsun début d’année vécu par tous dans unegrande confusion. Pour Marguerite Bialastravaillant avec les TFPI (Techniques FreinetPédagogie Institutionnelle) c’est un véritabledémarrage, à trois ans de la retraite, dansune nouvelle école.

Des idées en pratiques

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classe qui n’est pas décorée, d’où uneproposition : « Faire des dessins pourdécorer la classe ». Fred, qui a bienétudié l’emploi du temps affiché,propose de présenter un exposé dèsjeudi. Vanessa propose de faire dusport dans la cour, et Aurélie d’avoirle droit de « faire des frises quand ona le temps ». Katia félicite la classepour la bonne journée passée, etplusieurs élèves remercient lamaîtresse.

Le deuxième jour

Dès le deuxième matin de classe,« Quoi de Neuf ? ». Les premiersélèves qui parlent donnent le ton et,toute l’année, les « Quoi de Neuf ? »commenceront souvent par lesmêmes mots « Je suis content… » ou« Je suis triste » :

Yves : « Je suis content parce que jejoue » avant « au foot ».

Fred : « Je suis triste parce que monpapy ne va pas bien. »

Quelques élèves réagissent, on separle un peu, mais la classe s’agite etj’arrête assez vite ce premier « Quoide neuf ? ».

L’après-midi : dessin libre suivi d’un« Choix de dessins » que je préside :tous les dessins sont affichés sur legrand tableau à l’aide d’aimants. J’an-nonce que les dix dessins quirecueilleront le plus de voix serontaffichés sur le panneau. Ce « Choixde dessins » permet aux enfants d’ex-périmenter plusieurs nouveautés :

La loi affichée au-dessus de la portede la classe : « On ne se moque pas » ;le fait de parler à son tour, d’écoutercelui qui parle, le droit d’avoir desavis différents et d’argumenter :« J’aime bien… », « Je n’aime pas tropparce que… » ; la frustration : tous lesdessins sont présentés, commentéspar la classe, mais seulement dix sontaffichés après « le Choix de dessins » ;se tenir debout devant toute la classepour répondre aux questions poséessur son dessin et d’écouter les avis ;mais aussi, expérimenter qu’une déci-sion prise par la classe au moment duConseil sera appliquée.

Le troisième jour

J’organise un moment de lecture dejournaux scolaires, avec possibilité deprésenter à voix haute un texte qu’ona aimé. L’après-midi, un premierchoix de textes écrits par les élèvesjuste auparavant se passe dans uncalme relatif : ils sont intéressés !

Le quatrième jour

Fred présente son exposé sur le karaté.Pour cela, il va d’abord se changerderrière l’armoire du couloir. Au boutde trois minutes, il revient pieds nus,en kimono. Les rires qui l’accueillentme font craindre le pire. Puis il mimedes saluts et des prises en poussantdes cris terribles. Après la présenta-tion, je demande tranquillement :

« Qui a une question ? »

Plusieurs questions lui sont posées etil répond sérieusement. Ce premierexposé sera suivi de nombreux autrestout au long de l’année scolaire. Fredva nous parler de tout ce qui l’inté-resse : des animaux, des métiers, lapêche à la ligne.

... SUR LA ROUTECOOPÉRATIVE :

DES FRÉMISSEMENTS

Mais nous ne sommes encore qu’enseptembre. Les lieux de parole com-mencent seulement à exister. Lesjournées sont longues. Je souffre decet « entassement d’éléments mal uniset discordants » 1, comme le décrit sibien Ovide dans son poème. Jesouffre parce que j’ai peur de ne pas

y arriver, j’ai l’impression de ne plussavoir faire mon métier, de tra-vailler sans repères.

Faire de l’EPS avec cette classe,c’est du sport !

J’espérais pouvoir souffler un peu enorganisant, comme au village, desséances de sport quotidiennes dansla cour de l’école. Mais elles tournentau cauchemar : mes nouveaux élèvesne savent pas se mettre en rond surune ligne, ne savent pas réagir à unsignal ni attendre leur tour. À la moin-dre contrariété, plusieurs enfants quit-tent le groupe en boudant. Certainsne participent à rien : Pierre courtaprès les pigeons, Aurore, juchée surses chaussures à talons, a mal auxpieds, et il s’en trouve toujoursquelques-uns qui disparaissent auxtoilettes pendant la séance. La remon-tée en classe est une épreuve de plus,disputes et cris sont incessants. Je suisépuisée tous les soirs.

Se présenter par le « Choix detextes »

C’est une activité totalement nouvellepour ces élèves de CM1, CM2. Trèsvite, quinze à vingt textes sont présen-tés chaque mardi au « Choix detextes ». Je suis surprise par le faibleniveau en français de l’ensemble dela classe. Je dois simplifier mes cein-tures d’écrivant et les adapter à mesnouveaux élèves. Je répartis les textes,heureusement écrits sur feuillevolante, selon les critères de réussitequi y apparaissent et les progrès qu’ilme semble réaliste d’espérer.

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Jaune : J’écris un texte de quelques lignesJe sais trouver un titre à mon texte.

Orange : Je sais écrire un texte de quelques phrases (avec points etmajuscules)Je sais trouver une fin à mon texte.

Vert : Je sais mettre des guillemets quand des personnages parlentJ’ajoute parfois un complément circonstanciel aux phrases

Bleu : Mes textes comportent plusieurs paragraphesJ’ajoute parfois un complément aux nomsJ’utilise un vocabulaire élégant

Violet : J’écris des textes longs, comportant plusieurs paragraphesJe respecte la concordance des temps Je varie les types de textes.

Des idées en pratiques

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Mes élèves sont, pour la plupart, jauneou orange en « Écrivant », mais il y aaussi quelques « blancs » qui n’écri-vent que de pauvres mots sans ponc-tuation. Nous avons donc du pain surla planche !

En ce début d’année où tout cela estneuf pour les enfants, je reste cepen-dant discrète sur ces ceintures : cen’est qu’à moi qu’elles vont être utilesdans un premier temps, pour mieuxcibler le travail de français que je vaisleur proposer. Au « Choix de texte »,il s’agit de favoriser l’écriture et leséchanges autour du contenu destextes. Ce qui est important, c’est cequi s’y dit, ce qui s’y écoute et doncce qui peut, peut-être, s’y entendre.

En dehors de ces quelques momentsde grâce, dus peut-être à la surpriseprovoquée par ces activités si diffé-rentes de celles dont les enfantsavaient l’habitude, les journées sontlongues, agitées, bruyantes. Vendredi,2 octobre, dix minutes avant la fin dela classe, j’arrête tout, je croise les braset j’attends la sonnerie de 16h… Je neveux plus ni les voir ni les entendre.

Ceintures de comportement

Ce soir-là, je feuillette mes livres depédagogie institutionnelle, histoirede trouver un peu de réconfort.Un échange téléphonique avec lemaître de la classe des correspon-dants me remet sur les rails :« Qu’est-ce qu’ils ont comme ceinture decomportement, tes nouveaux élèves ? ».C’est vrai : prise par les urgencesquotidiennes d’institutrice et dedirectrice, catastrophée par le bruitet l’agitation de ma nouvelle classe,j’en avais oublié les ceintures decomportement ! Samedi matin, jepars donc à l’école de bonne heureet je me mets au travail…

En entrant dans la classe un peuplus tard, mes élèves découvrentune punaise de couleur à côté deleur nom, dans la colonne « com-portement » du tableau des ceintu-res qui était resté vide jusqu’ici. J’aiaussi affiché, au format A3, la listedes critères d’attribution de ces

ceintures de comportement avecl’âge théorique auquel elles ren-voient. Les enfants sont intrigués etaussi un peu vexés de leur punaiseblanche ou jaune (qui correspon-dent au comportement d’enfants de5, 6 ans). J’ai attribué une ceinture« orange » à Florian : lui seul meparaît la mériter en ce début d’an-née !

Comme nous avons commencé unecorrespondance avec une classe deBéziers, je leur précise maintenantque les ceintures trop pâles ne parti-ciperont pas au voyage projeté :pour des raisons de sécurité, un telvoyage ne se fera qu’avec des« grands ». Et je pointe du doigt laliste des ceintures.

Le 6 octobre, Yves préside, avecmon aide, le quatrième Choix detextes. La séance atteint un degréd’attention mémorable de la part detous. Avec le vote, elle dure de13h15 à 14h40, dans un calmeimpressionnant. Seize textes sontprésentés. Plusieurs histoires imagi-naires, avec des formes différentes,parlent d’amitié ou d’amour. Deshistoires vraies nous font partagerdes émotions vécues. Nous votonspour Le petit chat gris, de Kelly etpour Le pays des fleurs, de Maxime.

Ce Choix de textes est un grandmoment pour la classe, un vraimoment de plaisir partagé qui va sereproduire tous les mardis, malgréles hauts et les bas qui jalonnerontcette année scolaire.

OÙ EN SOMMES-NOUS FIN OCTOBRE ?

Onze textes ont été choisis, mis aupoint et ont servi au travail collectifde français à partir de phrases-clé.Le travail individualisé a démarréavec les fichiers de travail indivi-dualisé. Des problèmes de mathé-matique sont inventés, les recher-ches collectives sont mises en com-mun et suivies d’entraînements indi-viduels selon le niveau de chacun enmathématique. Les correspondants

existent par les lettres individuelleset collectives échangées, par le pro-jet de voyage échange avec eux.Exposés, « Quoi de Neuf ? »,Conseils…, la plupart des institu-tions de la classe coopérative sontlancées, mes notes le prouvent.

Mais je suis peu consciente de toutcela. Je souffre toujours du bruit, del’agitation, du manque de travail, dela difficulté de faire faire des correc-tions efficaces, de l’écart entre leniveau réel des enfants de cette clas-se et le niveau idéal pour aller aucollège. Mais aussi de l’écart entre leniveau de cette classe et celui demes anciens élèves de classe unique.Comment rattraper tant de retarden une seule année scolaire ?

Je connais un peu mieux mes 27 élè-ves, et je ne confonds plus Yves etCyril qui font la paire pour les bêti-ses, ou Clélia et Coralie qui ont lemême rire aigu. Quant à ces élèvesdifficiles dont on en a toujours deuxou trois dans les classes, il me sem-ble que j’en ai, moi, une bonne dou-zaine, plus quelques-uns qui ontl’air terriblement immature. Mesdeux bras ne suffisent pas à tenir lesplus difficiles dans les déplace-ments au stade ou simplement auxtoilettes et les ceintures de compor-tement ne sont pas encore assezrodées pour m’apporter une aideefficace. Tous les matins, je meréveille encore fatiguée et j’appré-hende la journée qui commence.

Le vendredi 23 octobre, veille desvacances de la Toussaint, arrive sansque je m’en aperçoive. La journée sepasse plutôt bien. « Quoi deNeuf ? » dans le monde. Dictée dequelques phrases-clés et d’un texted’auteur pour les plus grandes cein-tures. Temps de travail individuali-sé. Temps de travail à partir de pro-blèmes inventés en début desemaine. Corrigé de la dictée etcollage des lettres individuellesaux correspondants. Informationssur le voyage échange en projet.Entraînement à la course d’endu-rance..

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Des idées en pratiques

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Puis géographie : nous allons étu-dier les fleuves français. Il s’agit defaire émerger les représentationsmentales des enfants sur ce sujetpour un travail prévu après lesvacances. Nous parlons desaffluents, de l’estuaire, des villes…

Les enfants sont intéressés et parti-cipent bien. Leurs remarques par-fois naïves me montrent surtoutqu’ils osent parler, réfléchir à voixhaute sans craindre de se tromper :ils sont en route vers l’acquisitiondes savoirs. Peut-être se sentent-ilsen sécurité dans cette classe coopé-rative qu’ils découvrent et qu’ilss’approprient petit à petit ?Quelques jours auparavant, pen-dant la montée du matin, j’avais sur-pris le commentaire de Coralie àClélia : « Je ne sais pas pourquoi, maiscette année, j’adore l’école ! »

… ET FIN JUIN ?

Ce groupe chaotique du début del’année deviendra au fil des mois, ungroupe solidaire dont les membresseront devenus capables de se parler,de s’écouter, de travailler et de fairedes progrès, et même d’entreprendreensemble un grand voyage pour ren-contrer des enfants et des adultes

inconnus. Bref, tout le monde aura« grandi ».

Alors, qu’est-ce qui fait qu’une tren-taine de personnes aient pu ainsi« grandir » ensemble ?

Je ne vais pas répéter ici tout ce quiest déjà écrit dans les livres de péda-gogie institutionnelle…

Je voudrais juste souligner l’effetpositif du groupe lorsque c’est ungroupe qui travaille avec les TFPI.Dans ce cadre où enfants et adultesont soumis à la loi, aux règles déci-dées ensemble, les activités porteusesde sens font appel à l’engagementaffectif et émotif de chacun. Les diffé-rents lieux de parole donnent à cha-cun la possibilité de mettre des motssur ce qu’il ressent et d’élaborer unepensée, tout cela sous le regard desautres.

Un peu comme ce qui peut se passerau sein de la famille. Mais l’école etparticulièrement la classe TFPI, c’estaussi l’occasion pour chacun, en cas deratés à la maison, de rejouer la partie.

Cela renforce certainement le senti-ment d’estime de soi des enfants etpar un mouvement parallèle, dimi-nue leur agressivité ou leur besoind’occuper toute la place.

Alors, « les autres jouent avec lui » et,rassuré, il peut se mettre au travail…

Marguerite BialasMolsheim (67)

Extraits d’une monographie mise au point avecle groupe d’écriture de l’IBREM 67 puis avecAVPI (Association Vers la Pédagogie institu-tionnelle -Fernand Oury) : http://avpi.11vm-serv.net/

Pour lire la monographie intégrale :www.icem-pedagogie-freinet Espace coopé-ratif Le Nouvel Éducateur Parutions2007-2008 à 188 – Penser la rentrée

1 Ovide, entre l’an 1 avant J.-C. et l’an 8 aprèsJ.-C. « Avant la mer, la terre et le ciel qui cou-vre tout, la nature, dans l’univers entier, offraitun seul et même aspect ; on l’a appelé le chaos ;ce n’était qu’une masse informe et confuse, unbloc inerte, un entassement d’éléments malunis et discordants. »

Bibliographie :

Vers une pédagogie institutionnelle ?Oury Fernand, Vasquez Aïda. Matrice, 2001.

De la classe coopérative à la pédagogieinstitutionnelle Oury Fernand, VasquezAïda. Matrice, 2001.

Qui c’est l’Conseil ? Oury Fernand, PochetCatherine. Matrice, 2000.

« L’année dernière, j’étais mort ! » signéMiloud, Pochet Catherine et Oury Fernand,Matrice 1986.

Mémento de pédagogie institutionnelleLaffitte René et AVPI, Matrice 1999.

Essai de P.I. L’école, un lieu de recours possi-ble pour l’enfant et ses parents. Laffitte René etAVPI, Champ Social 2006.

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Des idées en pratiques

Le choix de textes est un grandmoment de plaisir partagé.

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Ce projet de classe de découverte sedéroule dans le cadre particulierd’une classe de fin de cycle 3 dansune école dont les pratiques pédago-giques sont issues de l’Éducationnouvelle et de la pédagogie institu-tionnelle. L’opportunité pour chaqueélève de partir chaque année fait par-tie du projet d’école. Le séjour entredonc dans la vie de la classe dès larentrée, il porte les valeurs d’autono-misation et d’apprentissage naturelchères à l’éducation nouvelle et s’ins-crit pleinement dans le cadre desapprentissages du cycle, tels quedéfinis par les programmes officielsde l’Éducation nationale. Il est conçupar le groupe classe, dans le cadreinstitutionnel qui régule habituelle-ment la vie de la classe : le Conseil,lieu institutionnel qui gère les propo-

sitions et les décisions, notammentcelles relatives à la classe découverte,il mandate les groupes de rechercheet coordonne les travaux. Les anima-teurs successifs des Conseils sontchargés d’assurer la continuité duprojet ; l’utilisation des ceintures decomportement permet de « mission-ner » différents élèves sur des postesprécis et de constituer équitablementles groupes de travail.

Dans cette optique, c’est donc leconseil de classe qui régule l’avan-cée du projet, dont l’organisationrepose sur les apports des groupesd’élèves constitués sur des mandatsprécis du groupe classe. Un élèveest ainsi chargé de réfléchir auxmodalités de choix des groupes decuisine, un groupe doit étudier la

faisabilité financière d’une activité« descente de rapides », un autre serenseigner sur toutes les possibilitésd’observer les animaux sauvages dela région. La mise en place de ceprojet s’effectue lors des allers-retours constants entre les petitsgroupes et le groupe classe, les dis-cours individuels et le travail deconsolidation du groupe, les valida-tions et questions de chacun et cha-cune et du groupe classe.

LA PART DE L’ADULTEEST ESSENTIELLE

L’adulte occupe une place importanted’accompagnement et d’éducation àl’autonomie : il est responsable durespect des règles de sécurité en tousdomaines, il porte le cadre règlemen-taire de la classe de découverte et enrappelle les objectifs pédagogiques.A ce titre, il n’interdit ni ne refuse lespropositions, mais exige que soit faitau préalable un travail d’argumenta-tion quant à la cohérence des propo-sitions et des impératifs pédagogiqueset éducatifs. Ainsi, la proposition departir en classe de découverte auJapon a-t-elle donné lieu à la présen-tation d’une étude du budget néces-saire, qui a conclu à l’infaisabilité.Face à la proposition de faire la cuisinesoi-même pendant le séjour, j’aidemandé à ce que soit présenté uneargumentation qui a servi de base àune discussion animée de Conseil etconduit à l’acceptation de cette propo-sition par le groupe classe.

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Un projet collectif Des projets personnels

Patricia Mothès enseigne en cycle 3 ; la viecoopérative qu’elle installe va permettre auxenfants de préparer totalement leur séjouraussi bien dans l’organisation matérielle quedans celle des apprentissages.

C'est le Conseil qui gère les propositions et les décisions relatives à la classe de découverte.

Des idées en pratiques

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Durant les phases préparatoires, leConseil relance et redirige les débatset recherches lorsqu’ils s’égarent.

Chacun des adultes intervient enautonomie en fonction de ses compé-tences particulières dans un domainespécifique du projet qui reste coor-donné par l’enseignante qui en a laresponsabilité. Dans notre école, denombreux adultes interviennent dansla vie scolaire des enfants en dehorsde l’enseignant ou de l’enseignante :éducatrices, animateurs du CLAE(Centre de Loisirs Associés à l’Ecole),stagiaires en formation, intervenantsspécialisés sont intégrés à la vie del’école. Pour notre projet, noustravaillerons donc avec l’éducatriceet l’animateur qui nous accompagne-ront lors du séjour, mais aussi avecune stagiaire québécoise qui passetrois mois dans la classe dans le cadrede sa formation, et avec le responsa-ble de l’entretien des bâtiments quiviendra nous prêter main-forte pourles questions matérielles.

UN VÉRITABLE COLLECTIF S’INSTALLE …

L’ensemble des adultes et des élèvesconstitue le collectif d’organisation dela classe découverte, dont la mise enplace se déroule en plusieurs phases :

Septembre à novembre, le choixdu projet

Après plusieurs discussions de groupe,Conseils, évaluation des envies etcomparaisons de tarifs, la classe achoisi de partir en Lozère. Cette desti-nation correspond aux besoinsévalués : proximité, environnementnaturel propice à l’étude de la fauneet la flore et aux activités sportives depleine nature, sites historiques.

cultés,... prévoir le matériel nécessai-re, les modalités de transport jusqu’aulieu, établir les horaires et l’éventuelleorganisation des groupes ;

– pour une veillée : réunir le maté-riel nécessaire, éventuellementdemander les autorisations, prévoirles temps de regroupement et deretour au calme.

Responsabilité d’un secteur

– matériel (deux groupes) : dresserla liste du matériel nécessaire à laclasse et à chaque individu, vérifierle bon usage et le bon état du maté-riel collectif lors du séjour ;

– comptabilité : tenue des comptesde la classe découverte en fonctiondu budget calculé lors des séancespréparatoires de mathématiques.

– reportage : tenir tout le long ducamp le carnet de bord de la classedécouverte. Responsabilité de l’ap-pareil photo de l’école. Édition dujournal spécial classe de découverte.

… SANS OUBLIER LESPROJETS PERSONNELS

De plus, les élèves auront formé desgroupes affinitaires pour les comp-tes-rendus, ayant chacun un ProjetPersonnel (P.P.) à effectuer dans lecadre du séjour et à présenter auretour aux parents et membres del’école. Ces projets se présenterontsous forme d’enquêtes telles que prati-quées habituellement en classe. Lesupport sera libre : une attention parti-culière sera portée à la diversité desmédiums choisis (papier, audio,photo, dessin, interview, enquête,cueillette,...).

Au mois d’avril, le projet en phase definalisation sera présenté aux parentslors d’une soirée animée par lesélèves. Une soirée équivalente seraorganisée au retour du séjour, afin deprésenter les travaux réalisés, lorsd’une exposition qui sera ouverte auxautres classes.

Patricia MothesToulouse (31)

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Classeur de références regroupant toutes lesrecherches de renseignements.

Novembre à février, recherchede renseignements

Par petits groupes, des recherchesont été effectuées sur le pays lozé-rien, le relief et les données géogra-phiques, les sites historiques ettouristiques, la légende de la bêtedu Gévaudan.

Ce travail est effectué pendant letemps de B2I, formation assurée parGéraldine, l’animatrice qui nousaccompagnera en séjour, mais aussipendant les temps de recherchedocumentaire en bibliothèque, et lestemps d’enquêtes personnelles.

Ce travail a été relayé en classe lorsdes présentations au grand groupe,qui ont donné lieu à des questions etdes propositions que les groupessuivants étaient chargés d’étudier etd’approfondir.

Mars à mai, la répartition desresponsabilités et l’organisationmatérielle

Les élèves se répartissent en petitsgroupes de cinq. Ces groupes reste-ront fixes jusqu’à la fin du séjour. Illeur incombe un certain nombre detâches :

Préparation d’un moment de la

classe découverte en collaborationavec un adulte référent : avec Salim(animateur CLAE) pour ce quiconcerne les moments de veillées,avec Géraldine (éducatrice) pour lesvisites historiques et culturelles,avec Josiane (stagiaire québécoise)pour les activités sportives, avec moipour les randonnées et grands jeux :

– pour une visite : après accord dugroupe, effectuer les réservations,calculer le montant du budgetnécessaire éventuellement, prévoirles modalités de transport jusqu’aulieu si besoin est, établir les horaireset le matériel nécessaire à chacun,réserver éventuellement les placesauprès de l’organisateur ;

– pour une petite randonnée : lire lescartes et repérer le parcours, les diffi-

Des idées en pratiques

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Dossier

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Accueil des enfants en première année d’école maternelle

A Paris, dans le quartier de la Goutte d’or, l’équipede l’école Polyvalente, rue Pajol a élaboré unprojet pour accueillir les élèves entrant pour lapremière fois à l’école maternelle.

L’école Polyvalente Pajol fait partiedu REP 11 « La Chapelle », elle estincluse dans un quartier « politiquede la ville », elle fait partie de l’asso-ciation « culture2+ ». Avec tous cespartenaires, l’équipe de l’école réflé-chit depuis son ouverture à desactions permettant aux futurs élèvesune rentrée scolaire la moins trauma-tique possible :

– le projet d’école contient une action« accueil des nouveaux élèves » oùl’accueil et la séparation sont travaillésavec la famille dès l’inscription del’enfant à l’école : accueil personna-lisé et adaptation progressive aumoment de la rentrée, sur le modèlede l’adaptation en crèche ;

– l’école travaille avec l’équipe dedéveloppement local à créer un réseauPetite Enfance avec toutes les struc-tures du quartier (PMI, crèches, asso-ciations…) d’où émergerait une poli-tique commune d’accueil des jeunesenfants et de leur famille ;

– l’école, avec l’association « culture2+ » travaille autour de la parentalitépar l’organisation des « papo-thèques » et la création d’une struc-ture passerelle pour les 2-3 ans favo-risant l’adaptation à la maternelle.

L’école compte, cette année, 200élèves. Environ trois-quarts des élèvesde l’école ne parlent pas le françaiscomme langue maternelle. Lesfamilles des élèves sont d’origine trèsdiverses : Chine, Sri Lanka, Afrique

du nord, Afrique noire, Europe del’est, Asie du sud-est. Beaucoup deces familles vivent dans des condi-tions très précaires.

LA VULNÉRABILITÉDES ENFANTS DE

MIGRANTS

Sensible au concept de « vulnérabi-lité des enfants de migrants », l’équipea étoffé le dispositif d’accompagne-ment à l’entrée déjà existant de propo-sitions visant à penser la séparationplus en amont.

Lorsque les enfants entrent à l’écolematernelle, s’ils sont correctementéquipés sur le plan psychique, la sépa-ration toute douloureuse qu’ellepuisse être, ne sera pas vécue sur lemode traumatique. Un enfant de troisans, préparé à entrer à l’école, auquelon aura préalablement expliqué cequ’il va vivre, inscrira cette souffrancede séparation dans l’acte normal degrandir. Si le déroulement effectif dela rentrée ressemble à ce qui lui a étéprésenté et valorisé par sa famille,même si le fait de quitter sa familleest un peu douloureux et que le tempslui semble un peu long, il n’en garderaaucun souvenir de nature trauma-tique. Il ne s’agit aucunement d’unacte intellectuel mais bien de fonde-ment psychique de la constructionidentitaire.

Nous supposons que dans la migra-tion, et particulièrement lorsque la

réalité de l’école occidentale échappeà la famille, sans vouloir entrer dansdes considérations psychanalytiquestrop complexes, pour les parents denos élèves la perte des repères ducadre culturel crée des doutes, voiredes tensions quant à leurs capacitésà transmettre et à interpréter lesdonnées du dehors. L’enfant se cons-truit donc dans une réalité instable.Il établit une rencontre avec le mondeextérieur sur un mode traumatique,particulièrement accentué à l’entréeà l’école, lorsqu’il se retrouve soumisquasi exclusivement à un milieu quilui est inconnu et pour lequel safamille n’a pas pu fournir d’élémentsde présentation. Winnicott parle dela mère qui présente « le monde àpetite dose » ; les parents de nos élèvesdont l’histoire est marquée par lestraumatismes et les séparations,vivent une désorientation culturellequi les rend inaptes à honorer cetteétape. Afin de permettre à la familled’assumer auprès de son enfant cetteprésentation fondamentale qui luirevient, nous proposons un protocoleen trois moments.

UN PROTOCOLE EN TROIS MOMENTS…

Premier moment Sur l’année scolaire précédant larentrée, les mères pourront bénéfi-cier d’un temps de découverte réellede la structure école maternelle. Lorsd’une journée entière (Passages aux

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toilettes, sieste et repas compris)passée en petite section, elles aurontl’occasion de voir, ressentir, êtrechoquée par, s’interroger sur, s’éton-ner de... Certains moments, différentsselon les personnes et les interpréta-tions filtrées par la culture seront sansdoute l’objet de sentiments mitigés.Nous proposons que cette journée nesoit pas relayée immédiatement parla parole de façon à en permettre uneappropriation intime.

Deuxième moment

Une seconde journée, quelques tempsplus tard (entre deux semaines et deuxmois) permettra à la maman de confir-mer ou d’infirmer ses premièresimpressions, de regarder avec plusd’attention certains détails et de secréer un nouveau positionnement parrapport à des événements déjà rencon-trés. Cette journée de « consolidation »est indispensable car elle permettra laprise de recul et l’émergence éven-tuelle de questionnements à proposdes points qui demeureraient tropobscurs ou trop « heurtants ».

Troisième moment

Indissociable des deux autres, il inter-viendra à la rentrée scolaire, plus clai-rement orienté vers les aspects

psycholinguistiques. Des traducteursviendront relayer la parole des enfantsen favorisant leur expression dansleur langue maternelle durant toutela première semaine de classe. Cestraducteurs auront pour mission derelayer également vers les enfantsdeux messages concernant leurlangue :

– une reconnaissance de la validitéde cette langue première en tant quevéhicule légitime de la parole ;

– une explicitation du fait qu’ilsauront, à l’école, à apprendre uneautre langue, par le biais de laquelleils pourront communiquer avec lesadultes et les autres enfants.

Ces deux messages nous paraissentfondamentaux quant au devenirscolaire de nos élèves. L’entrée enpetite section pour les enfants demigrants revêt deux significationsd’une portée symbolique forte. À lafois séparation d’avec la famille etautorisation implicite, plus ou moinsclaire de partir à la conquête de cetteautre culture.

… POUR UNE ENTRÉESCOLAIRE MOINS

DIFFICILE

À court terme

Nous souhaitons que de ce vécu lesmamans tirent suffisamment d’infor-mations intimes de nature à les rendreen mesure de parler avec leur enfantde ce qui va constituer sa vie à l’écoleet nous ne doutons pas qu’à l’instardes mamans occidentales, elles aientà cœur de leur atténuer ce qui pour-rait induire une difficulté (vête-ments pratiques pour le passage auxtoilettes, couteau/fourchette pour lerepas, explications concernant la siesteau dortoir ...).

Sur le long terme

Les enfants de migrants sont très repré-sentés dans les statistiques de l’échecscolaire. Nos recherches en sciencesde l’éducation, et d’autres dans ledomaine de l’ethnopsychiatrie, ontmontré les aléas de la structuration

cognitivo-intellectuelle en situationtransculturelle. Le clivage sur lequels’installent les processus cognitifsrend instables les procédures, tron-quant les résultats et les chemine-ments. L’ethnopsychiatrie permetd’envisager le clivage comme unélément constitutif de l’individu, à lacondition qu’il s’appuie sur unétayage extérieur, sur une médiationopérante. Il ne s’agit pas de concep-tions révolutionnaires, mais de l’ou-verture d’un accès à la lecture denouvelles structures, spécifiques à cesenfants, envisagées à partir desprocessus et non des contenus. Lepremier élément porte sur la diffé-renciation fondamentale entre « ledehors » et « le dedans », et, le mouve-ment possible de l’un vers l’autre.Bernard Gibello 1, spécialisé dans lapsychopathologie de l’enfant aproposé l’hypothèse des « contenantsculturels ». Il postule des structuresformelles permettant le fonctionne-ment harmonieux de ce qu’il nomme« l’appareil à penser ». Ce sont cescontenants de pensée neurologiques,linguistiques, cognitifs, ceux relatifsà l’espace et au temps, à la logique,au nombre, les contenants libidinaux,les contenants de pensée narcissiqueset enfin les contenants de pensée fami-liaux et culturels. Dans la migration,ces contenants de pensée sont mis àmal. Les parents, la famille élargieprésentent souvent cette vulnérabi-lité psychologique induite par la situa-tion transculturelle. En l’absenced’étayage groupal, ils ne permettentpas à l’enfant de se constituer un cadreinterne suffisamment « contenant »pour que se développe normalementson système à penser. L’école ne lepermet pas davantage. L’échecscolaire est en quelque sorte la mani-festation d’une inadéquation entreles contenants et les contenus. L’inter-prétation défaillante des contextes,conséquence de l’absence d’un cadrede références fiable, devient la mani-festation visible de l’impossibilitépour l’individu de créer une interfacestable destinée à gérer la relation entreles éléments du « dedans » et ceux

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Une journée entière pour voir, ressentir, êtrechoquée par, s'interroger sur, s'étonner de ...

Des idées en pratiques

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apportés par le « dehors », en parti-culier par l’école. Cette perméabiliténe se constitue que si les deux struc-tures sont suffisamment solides pourne pas s’inclure totalement l’une dansl’autre. Tel un chef d’orchestre en malde partition, ou plus exactement enmal de solfège, l’enfant de migrantsoscille entre cacophonie et silence sanspouvoir réguler le son sur lequel vontpouvoir s’arrimer les contenants depensée. Sans cette possibilité de déli-mitation, les processus de pensée sontinhibés ou dysharmoniques.

Ce projet, modeste dans ses modali-tés de déploiement et dans ses coûts,

se positionne, en première inten-tion, dans le domaine scolaire puis-qu’il répond à divers objectifsdéployés dans les instructions offi-cielles qui régissent l’institution. Ilvise également à favoriser l’accul-turation des familles, et en cela, ilrejoint les missions prioritaires dela parentalité en permettant auxfamilles de mieux s’approprier lemonde qui est devenu le leur par lamigration et qui est, de fait, celuiqu’ils ont à présenter à leur enfant.L’entrée en petite section constitue unedes étapes sur le chemin scolaire àpartir de laquelle l’édifice va trouver

sa stabilité. Nous supposons que cetterentrée médiatisée devrait largementminimiser le traumatisme que nousavons observé chez nombre d’enfantsde migrants et que nous pensons, enpartie à l’origine de la « grande diffi-culté scolaire » pour ces élèves.

Véronique Rivière, Directrice de l’ école Pajol

Martine Chomentowski, enseignante spécialisée

1 La pensée décontenancée, B. Gibello,Bayard Edition, 1995.

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Une classe parmi d’autresdans une école Freinet belge

Des idées à prendre, des techniques, des outils et… des conditions qui font rêver.

Depuis une dizaine d’années, jetravaille dans une école Freinet, àBruxelles. Une des trop rares écolesfrancophones où toute l’équipepartage bien les idées freinétiques. Ily a environ 170 enfants, trois classesde maternelle et six de primaire. L’as-semblée générale est composée desparents et des professeurs.

Ma pratique est nourrie depuis plusde dix ans par les rencontres réguliè-res au sein de l’Education Populaire,le mouvement Freinet belge franco-phone, par une participation auxCongrès de l’ICEM et par la rencon-tre avec des enseignants freinétiquesbelges néerlandophones et français.

Je suis ma classe deux ans, les deuxdernières années de l’enseignementprimaire. Cela me laisse le temps debien les connaître, ainsi que leursparents, et de construire puis d’ins-taller des habitudes de vie et de travailavec eux. Nous les adaptons de tempsen temps, après discussions en Conseilde classe. La vie et l’organisation dela classe gardent l’empreinte forte de

mes principes pédagogiques maisévoluent en fonction des groupes.

UN ESPACEACCUEILLANT…

ET FONCTIONNEL

Le salon

Pour entrer dans la classe, on traversed’abord le salon. Les casiers de laplupart des enfants y servent desièges. On peut s’asseoir tout autourdu salon et on ne s’en prive pas.

C’est aussi un lieu d’affichage. On ytrouve : les règles de la classe, l’horairedu jour, le bilan de la semaine, la rouedes services, la ligne du temps, la feuilled’inscription pour animer le pointmatinal, le Conseil ou la présentationdes travaux. Sur support déplaçable(un genre de carton épais aggloméré),on trouve les cartes de géographiegrand format, le panneau qui permetl’organisation du Conseil. Sur desétagères : le présentoir de l’album devie, les fichiers de travail individuel,les plantes, les BD et jeux de société.

Le matin, l’école ouvre à huit heureset les enfants de maternelle commede primaire peuvent rejoindre direc-tement leur classe pour des activitéscalmes. Durant ce moment quiprécède les activités, le salon aplusieurs fonctions. Un groupe jouepar terre à un jeu de société, d’autressont assis, plongés dans une revue.Un parent s’assied et discute avec unenfant ou un autre parent. Tousdoivent être en classe, matériel prêt,à 8h35. On démarre à 8h40.

Durant les activités de classe, le salonest utilisé pour étaler les fichiers detravail individuel (TI), pour le Conseil,pour des travaux de groupe, pour lesprésentations diverses, pour l’entretien.

La classe

Les tables sont généralement placéesen « U » et il y en a deux l’une derrièrel’autre au centre. Je préfère la dispo-sition qui montre un groupe entier,mais quand c’est utile pour une acti-vité, on ne se gêne pas d’organiserl’espace autrement.

Des idées en pratiques

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Sur les étagères placées autour du local :deux boîtes contenant des feuilles-typesvierges (pour apprentissages d’ortho-graphe, comptes-rendus de conseils,cartes de géographie muettes,…), livresde poésie et de théâtre, dictionnaires,atlas, boîte de dictionnaires néerlan-dais-français, matériel mathématique,quelques classeurs d’enfants et leursdocuments de chef-d’oeuvre, un casierdans lequel ils déposent les travaux àcorriger, un autre dans lequel ils lesretrouvent corrigés.

Un garde-feuilles, c’est la solution aumanque total d’espace d’affichagedans la partie classe : une tringle, desportemanteaux pour suspendre lespanneaux. On y trouve des pistes, dessynthèses, des recherches, en bref :des traces. On les déplace comme onveut. Il y a aussi un présentoir à livres,documents, albums.

Mon bureau est poussé le long dumur, je m’y assieds surtout lors dutravail individuel. Nous avons quatreordinateurs. Trois sont connectés àinternet et tous au réseau interne. Pasde jeux, ils utilisent essentiellementle traitement de textes, le tableur, lesprogrammes de dessin, et ils fontquelques recherches sur le net.

UNE ORGANISATIONOÙ SE TISSENT LE COLLECTIF

ET L’INDIVIDUEL

Les moments de parole

L’entretien

Chaque lundi matin, la première acti-vité est l’entretien, environ 20 minu-tes. On est tous ensemble, assis aucoin salon et celui qui le souhaite al’occasion de raconter ce qu’il veut.La prise de parole est libre, pasbesoin de s’inscrire. Un enfant animece moment. Aucune qualité particu-lière n’est requise, chacun s’exerce àdistribuer la parole et à veiller autemps.

En pratique, les enfants racontent cequ’ils ont fait, vu, entendu, vécu, lesgens qu’ils ont rencontrés. Il n’y a pasde prise de notes, pas de traces écri-tes. Cette année, ils ont demandé unsecond entretien. Il a lieu le vendrediet dure 10 minutes.

Le forum, les ateliers

A9 heures, chaque lundi, toute l’écolese retrouve au forum. C’est unegrande salle qui a des gradins surdeux étages. On démarre la semainetous ensemble, on y communique lesannonces, les anniversaires, les pointsà discuter au Conseil d’école ou lesdécisions prises, on y tourne la rouedes services collectifs (nettoyage dujardin par ex), et on termine par unchant ou un poème. Chacun connaîttout le monde.

Tous les lundis après-midis, desateliers rassemblent les enfants de 5à 12 ans (par groupe de 13 environ) :cuisine, sport, musique, cirque,bandes dessinées, théâtre, jeux desociété, photos, techniques diversesen peinture, fusain, pastels…

Le Conseil

Le conseil de classe a lieu deux foispar semaine, toujours au mêmemoment. Il s’agit de s’exprimer pourdonner ou défendre son avis, pourargumenter. Il s’agit de préciser sapensée, d’être précis, d’arriver à direfranchement ce qu’on pense, sansvexer, en étant humain. S’exprimeren respectant les règles du conseil :on demande la parole, on ne gêne pascelui qui l’a.

Je l’ai animé durant quelquessemaines, jusqu’à ce qu’ils décidentde prendre le relais. Ce jour-là, jesuis arrivée plus tard que prévu,

suite à une discussion avec d’aut-res professeurs. Quand je suisentrée en classe, ils étaient tous assisau coin salon, un enfant avait enfilél’habit de celui qui anime (un tablierde médecin), et se tenait à la bonneplace, le tableau des mots devantlui. Ils avaient commencé, guet-taient ma réaction. C’était parti.

C’est donc un enfant qui anime, c’est-à-dire qu’il distribue la parole, qu’ilveille au respect des règles, qu’ilprend des décisions quant à ceux quine les respectent pas (changement deplaces par exemple). Il rappelle lesdifférentes propositions, il annonceles votes, compte les voix, clôturechaque point et décide du momentjuste pour passer au « mot » suivant.Les mots sont notés sur des morceauxde papier et affichés, en plusieurscolonnes : Ce qui va bien – Ce qui neva pas – Les propositions – Autre.

S’exprimer au conseil commence aumoment où un enfant prend l’initia-tive de noter son sujet et de l’atta-cher au ruban, à l’aide d’une pince àlinge. S’exprimer devant un groupe,et donc construire sa pensée, c’estfondamental.

En classe

Chaque matin, je commence la classe ennotant les présences. Au moins, je n’ou-blie pas de compléter ce fameux regis-tre. Très peu répondent « présent ». Laplupart s’offre un premier commentaire

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Des idées en pratiques

Horaires mobiles construits avec l’enfant responsable.

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au groupe : « fatigué, content d’être là,triste, bon anniversaire G., je suis formi-dable, il était un petit navire,... ». Ensuite,l’enfant responsable lit l’horaire du jouret on y décrit en quelques mots les acti-vités prévues. Puis on parcourt le calen-drier. Viennent ensuite les annonces,pour ceux qui m’ont prévenue : « Ilmanque de mouchoirs – Qui a apportéquelque chose pour le petit magasin ?– J’ai apporté quelques livres que je prêteà la classe, les voici. – Qui a apporté dela musique pour ce midi ?... ».

Ensuite, on commence le travail. Travailcollectif ou travail individuel, c’est selonles nécessités. L’horaire est en partiemobile. Je le construis la veille avecl’enfant responsable de ce service.

Les activités collectives

En début de la cinquième année(CM2), les enfants sont encore un peuprudents. Puis au fur et à mesure dessemaines et des mois qui passent, ilsse plongent dedans et s’y investissentchacun à leur manière.

Lorsqu’un nouveau domaine surgitau détour d’un projet, ou lorsque jel’amène moi-même, je commencesouvent de la même manière. C’estce que nous appelons un « Déjà là ».Chacun est à sa place, je note unequestion, une affirmation, un titre autableau. Par exemple : « Que savez-vous des fractions ? ». Des marqueurs« Velleda » (puisque mon tableau estblanc) sont à disposition et sans riendire, chacun va noter ce qu’il sait, cequ’il croit savoir sur la notion. Pas delongues phrases mais des mots, descalculs, des schémas, des comparai-sons,… Après environ 20 minutes, onarrête cette première partie. Je pointechaque notation et l’auteur lit,explique. On ajuste, on corrige, onapprofondit, je les guide en rappe-lant des liens possibles avec d’autresactivités. Fin de la première étape, onnote sur un panneau ce qui est autableau, c’est le « Déjà là » un peuamélioré. Ce sont les traces qu’ongarde et qu’on relira, sur lesquelleson se basera pour poursuivre. A cemoment, ce qui y est noté n’est pasforcément exact, c’est un instantané,celui de la classe. Quand on poursui-vra, on corrigera et on complèteraencore. Ces panneaux constituentnotre mémoire collective. Certains

restent tels quels, d’autres sontremplacés. Certains groupes s’y réfè-rent souvent, d’autres pas. Parfois unenfant ou une équipe reprend cestraces et les note en petit format, àcoller dans notre cahier de référen-ces.

En sixième année, il y a une bonneambiance de recherche, de découverteou de consolidation des savoirs. Beau-coup d’enfants sont maintenant piliersde ce qui se passe : attentifs, interve-nants, tâtonnants et aussi soucieuxdu groupe.

Le travail individuel

Ces activités collectives trouvent desprolongements dans le travail indi-viduel.

Au cours de ces deux années, j’habi-tue les enfants à identifier ce qui leurest difficile, les domaines pour lesquelsils ont besoin de prendre plus de temps.Je les pousse à en prendre, seul ou àdeux, lors du TI. Certains ont acquiscette habitude de revenir sur ce qui estdifficile et cela sera un de leurs pointsforts pour la suite de leurs études.

Chaque semaine, il y a trois ou quatrepériodes de TI. Quatre en cinquième(CM2) et trois en sixième car cetteannée, le chef-d’œuvre (cf. plus loin)nous occupe beaucoup. Le contenu deces périodes est varié : des textes libres,des recherches ouvertes, des activitéspour la classe, l’appropriation de texted’auteurs (poésies - théâtre), quelques

fichiers, des découvertes, des créa-tions, des apprentissages, des entraî-nements aussi. C’est durant ces pério-des que les deux enfants de la classequi sont au Conseil d’école s’éclipsent.

D’une manière générale, ils ont souventbesoin de moi. Pour que je les aide, ilss’inscrivent au tableau et en attendantque je sois disponible, ils s’organisentpour avancer dans une autre activité.J’aimerais ajouter la possibilité de pein-dre ou d’illustrer à l’aise mais le tempsest compté. On travaille sans lenteur,mais à un bon rythme. Je leur demandeune moyenne de deux travaux parmoment TI. Je calcule pour une périodede deux ou trois mois le nombre d’ac-tivités à réaliser en moyenne et je lesrépartis dans les différents domaines(productions d’écrits, recherches, numé-ration-opérations,...). Ces nombressont une direction vers laquelle ontend. Certains y arrivent, d’autres pas.Mais cela leur donne un repère impor-tant. Quand je l’ai supprimé, une année,il y a eu beaucoup moins de travauxréalisés, communiqués, sur lesquelsrebondir. On y a perdu en richesse.C’est discutable, j’en conviens, maiscette organisation me correspond bienpour le moment en tout cas.

Il y a un tableau collectif qui permetà chacun de noter son avancement.Ceux à qui il est utile le complètentbien, les autres l’oublient. C’est unoutil à disposition. Dans chaquecahier de TI, il y a un plan sur la

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Des idées en pratiques

Les mots sont notés sur des morceaux de papier fixés à l’aide d’épingles à linge.

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première page. On y complète au furet à mesure le titre, la date et l’état dutravail : en chantier (point orange) outerminé (point vert).

Un grand dynamisme donc, beau-coup d’idées, et moins de nécessitéde plonger sur les fiches Numération-Opérations par exemple.

Les présentations

Celui qui veut s’inscrit à la séance deprésentation. C’est un enfant quianime, il a le tableau des inscriptionsprès de lui et il dirige la séance. Lesignal de démarrage de la présenta-tion est donné par B. qui se précipitedevant les acteurs avec son clap (fabri-cation maison) :

« Les Studios N. (C’est lui qui animeaujourd’hui) présentent G. dans“Voici ma vie” »CLAP ! ».

On va découvrir les poèmes d’auteursmis en scène, les textes, les recherchesmathématiques, une danse, unpanneau pour la classe. Beaucoup dechoses sont importantes à ce moment-là : s’exprimer clairement, regarderson public, tenter de le captiver, avoirprévu et bien utiliser un document

visuel pour expliquer avec clarté cequ’on a découvert.

L’animateur donne ensuite la paroleà trois enfants qui ont des questionsà poser à l’auteur, puis à trois autrespour qu’ils donnent leur avis sur laprésentation, et enfin, à moi, si je veuxrajouter quelque chose. Je garde desnotes du contenu de chaque présen-tation et des commentaires. Cela seretrouvera dans le bilan de l’enfant.

Il y a beaucoup d’allers-retours entrele travail individuel et collectif.

Les conférences

En cinquième année (CM2), chaquesemaine, il y a deux périodes consa-crées au travail de conférence.

La première conférence est collective,le thème et les sources sont communs.Chaque groupe travaille un domaineparticulier. Ceux qui seront abordés :histoire – mathématiques – résuméde texte – recherche du vocabulaire- création d’un texte poétique ou desjeux de mots – géographie. Pour laprésentation, chacun aura besoin dedocuments différents, créés en classe.Les répétitions se déroulent aussi à

l’école. Les présentations devant legroupe permettront d’observer, decomparer, de rebondir, de découvrirdes manières de traiter et de présen-ter un même contenu, de tirer desconclusions plus variées. On créeraun aide-mémoire pour se rappeler desinfos intéressantes pour les prochai-nes présentations.

La seconde conférence s’organiserapar groupe de quatre, selon le mêmeprincipe. Chaque enfant du groupetraite un domaine qu’il n’a pas encorecreusé.

La dernière conférence est indivi-duelle, chacun abordant l’ensembledes domaines.

J’évalue les trois conférences sur unmême document, afin de pouvoirvisualiser les progrès, les domainesforts et les autres. Je note aussi l’avisdu public, souvent pertinent.

Les bilans

En classe, chaque semaine, oupresque, on évalue chacun. Il s’agitde voir si l’enfant s’est montréresponsable. C’est-à-dire s’il arespecté les règles de l’école et de la

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Des idées en pratiques

La roue des services

Page 26: Dossier Premiers pas en pédagogie Freinet PREMIERS PAS …ad01/IMG/pdf/comment_demarrer_en_freinet_a_la_rentree.pdfLa recherche documentaire est une activité où l’enfant est acteur

classe. La manière d’évaluer évoluesouvent. Actuellement, chacun reçoitune mini feuille avec tous lesprénoms, et trois colonnes : oui – non– abstention. Chacun la complète entraçant une croix par personne. Onrassemble toutes les feuilles et on lesredistribue au hasard. Pour qu’unenfant puisse rester en classe lors desdétentes, il doit avoir 75% de ouiparmi les votants. On fait un comp-tage rapide. Ensuite, on donne desconseils à ceux qui n’ont pas été jugésau point. Encore une fois, le groupeest ici assez bon juge, à mon sens. Ilssont plus souples que moi pourcertains, mais pas toujours. Dans maclasse, les systèmes d’évaluation seconstruisent et se discutent souvent.L’important est aussi dans le contenude la discussion, dans les observa-tions faites à propos des commen-taires de certains, du comportementd’autres, des effets pervers de cequ’on pensait juste.

A l’école, il y a principalement troismoments de bilans plus importants.En novembre, je rencontre chaqueenfant avec ses parents, durant unedemi-heure. En février et en juin, jeprends beaucoup de temps pourrédiger un bilan écrit individuel.Aucune note à l’école, l’autoévalua-tion est présente à chaque étape. Etentre temps, je croise beaucoup deparents, parce qu’ils sont fort impli-qués dans l’école. Je provoque desrendez-vous quand je l’estime utile.Certains parents m’en demandentaussi. On n’est pas toujours tout àfait d’accord, mais on entend ce quel’autre a à dire.

Le chef d’œuvre

La réalisation d’un chef d’oeuvre estdemandée à chaque élève commetravail de fin des études primaires.Jusqu’à présent, il a remplacé lesévaluations de fin de sixième et estun élément parmi d’autres qui nouspermet de juger de l’obtention ducertificat d’étude de base.

Dans l’école, les enfants ont l’habitudedepuis la première année de présenterdes conférences. Le chef d’oeuvre peutapparaître comme une super confé-rence qui se prépare tout au long de lasixième année. Il couronne le passageà l’école, il doit donc permettre de mettre

en exergue les compétences acquisesdans des domaines aussi divers que lefrançais, les math, l’histoire, la géogra-phie, le néerlandais, et des compéten-ces plus larges.

Les sujets en préparation sont divers :la relation entre l’homme et le cheval,les mathématiques, la plongée sous-marine, Hitler, le Brésil, les sucreries,les déchets, Mozart, les Aztèques,...

Comme les cinquièmes (CM2) assis-tent à la présentation de plusieurschefs d’oeuvre de leurs ainés et queculturellement cette activité occupeune grande place dans l’école, la ques-tion du choix des sujets se pose déjà,souvent, avant l’entrée en sixième. Detoute façon, ce choix est arrêté débutseptembre après discussion et accorddu professeur.

L’élève se trouvera (avec notre aidesi nécessaire) alors un parrain ou unemarraine (pas un de ses parents) quile suivra dans son cheminement versla réalisation de son chef d’oeuvre.

Une partie du travail se passe horsde l’école, notamment ce qui estlecture et découverte des documents,présentation, remise au propre,.. maisla plus grosse partie des recherches,comptes-rendus, se fait en classe.L’objet que l’élève devra nécessaire-ment avoir fabriqué, et qui devraavoir un lien fort avec son sujet, seraréalisé en dehors du temps scolaire.

Le professeur interviendra notam-ment pour s’assurer que le travail encours traverse bien tous les domai-nes des compétences scolaires à prou-ver. Il veillera à ce que des aspectsmathématiques soient présents, queni les sciences, ni l’histoire et lagéographie ne soient absentes. Laspécificité de certains sujets rendd’ailleurs parfois ce pluralisme desmatières peu immédiat.

Les élèves travaillent à leur chefd’oeuvre durant les trois périodesqui y sont réservées. Pour la mi-avril,les travaux sont repris par les profes-seurs, la rédaction du contenu dudossier (plan, texte structuré, cartes,schémas et graphiques intégrés,lexique, liste des sources) doit êtreterminée.

Le temps consacré au chef d’oeuvreen avril-mai est destiné aux documents

de présentation : graphiques aupropre, lignes du temps, panneaux,affiche pour annoncer le jour de l’ex-posé. Fin juin, chacun présentera cetexposé devant la classe, devant unedélégation de la classe de cinquième(CM2), son parrain ou sa marraine,ses parents, et au moins un autreprofesseur de l’école que le sien.D’autres enfants ou adultes peuventy assister après en avoir exprimé lademande à l’enfant et seulement s’ila accepté leur présence.

L’exposé proprement dit dure entreune demi-heure et une heure. Immé-diatement après l’exposé, le public estinvité à poser des questions et à criti-quer, en toute sympathie, la présen-tation. Les adultes présents sonttoujours étonnés de la qualité et dela pertinence des remarques expri-mées à l’enfant qui a présenté.

Pour évaluer ce travail qui participedans une juste mesure au bilan finalde fin de primaire, il sera tenu comptede la présentation mais bien plusencore des démarches, des compé-tences manifestées durant toute lapériode de préparation, de l’investis-sement de l’enfant.

Voilà, c’était un aperçu forcémentincomplet d’une pratique et d’uneorganisation qui se veulent toujoursen recherche, mais pas trop chan-geantes quand même. Avec le temps,je me suis construit un chemin en lienavec les valeurs qui me sont essentiel-les et à l’écoute des rencontres. Je suistrès loin de l’enseignante que j’étais endécouvrant la pédagogie Freinet. Pourmoi, travailler de cette manière, aveccette liberté, c’est un plaisir.

Chantal MeulemanBruxelles (Belgique)

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Des idées en pratiques

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Lorsqu’on arrive dans sa classe pourla première fois, et même si cettepremière fois est la cinquième ou laquinzième, on a l’impression qu’ilva falloir tout engager à la fois, lalecture, les maths, le programme,des progressions, les futures évalua-tions... bref, tout se bouscule dès lespremiers jours. Dès les premiersjours, on voudrait que la classe soitdéjà ce qu’elle sera tout au long del’année.

Prenez d’abord le temps. Cetindispensable temps sans lequelrien ne sera possible. Et prenez-lepour que s’instaure l’élémentindispensable qui permettra tous lespossibles : LA TRANQUILLITÉ

Personne, adulte ou enfant, ne selancera efficacement dans unapprentissage quelconque hors dela tranquillité. C’est elle seule quipermettra la disponibilité. Il n’y apas besoin de «sortir des sciences del’éducation » pour comprendre cela,ce n’est que du simple bon sens.

Mais arriver à ce que s’instaure latranquillité dans le groupe n’est pasaussi simple que cela. Cela l’estencore moins quand on se trouvedans une école à cinq ou six classesou plus, quand il n’y a pas de placeou que les locaux sont réduits à unparallélépipède d’une cinquantainede mètres carrés, ou que toute l’éco-le explose au moment de la récréa-tion dans la même cour goudronnée.

Alors il va falloir faire preuve detoute son ingéniosité pour essayer,malgré tout, de créer une oasis où latranquillité sera la plus grande pos-sible. Et savoir que vous perdrezvotre temps (et le leur) à vouloirqu’un enfant ou un groupe tendu etexcité rentre dans un processusd’apprentissage quelconque. Lapremière tâche, le premier travailprofessionnel d’un enseignant estdonc d’arriver à la quiétude.

INSTALLER UN MILIEUFAMILIER,ACCUEILLANT

Pendant longtemps, le premier jourde la rentrée, je ne rentrais pas enclasse. Nous allions pique-niquer.D’une part cela atténuait la ruptureentre la liberté d’action, de mobilité,d’autonomie de la période de vacan-ces et les contraintes physiques,d’espace, de promiscuité inhérentesà la période scolaire.

L’essentiel de mes premières jour-nées ou premières semaines étaitconsacré à nous installer. Que laclasse devienne « chez nous ». Ah !les petites écoles qui disposent deplace ont de la chance. En multipliantles coins, en brisant l’espace vousbrisez aussi les interpellations direc-tes et croisées qui font monter l’agres-sivité. En multipliant les choses àrespecter en tant que tel (des plan-tes, un aquarium, une lampe de

chevet, la présence d’un chat), vousétendez ce respect à l’ensemble dugroupe.

Utilisez la musique : rentrer le matindans un local où il y a de la musiquechange souvent beaucoup de choses.

Utilisez les odeurs, les couleurs : unbâton d’encens au parfum bien choisia des pouvoirs étonnants comme lemariage des couleurs des panneauxd’affichage qui ne devrait pas êtrelaissé au hasard.

Et même si le vase ou les vases defleurs doivent être cassés plusieursfois, persévérez jusqu’au momentoù plus personne ne pourra s’enpasser.

N’obligez pas tout le monde à rentrerensemble, au commandement de lasonnerie (supprimez celle-ci, elleprovoque une montée d’adrénalinemême chez les plus stoïques).

Installez un « atelier terre » impor-tant. C’est bien connu, le contact avecl’argile est apaisant.

Essayez de mettre en place assez tôtdes ateliers de peinture, lecture, pleinsde BD, Legos, jeux individuels.

Faites construire des marionnettes àgaine et laissez-les aux enfants.

Faites, dehors, régulièrement du théâ-tre libre.

N’exigez que de petites choses et peudans les premières journées. N’exi-gez d’abord d’un enfant que ce dont

DD ESES PRAPRATIQUESTIQUES PLEINESPLEINES DD ’’ IDÉESIDÉES

... jusqu’à ce que la classedevienne un lieu tranquille

Bernard Collot 1 nous engage à donner du temps àla classe pour qu’elle se pare du climat nécessaireaux relations humaines, au plaisir d’être ensemble,facteurs indispensables pour se mettre au travail.

Des pratiques pleines d’idées

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vous êtes sûr qu’il pourra faire faci-lement.

Laissez cette organisation, ces repè-res se mettre en place peu à peu...Jusqu’à ce que la classe, si possiblel’école, devienne un lieu tranquille,jusqu’à ce que tout le monde oupresque se mette à aimer la tran-quillité.

Alors, seulement alors, vous pourrezfaire de la pédagogie et penser beau-coup plus aux programmes.

Je sais bien que dans certaines écolesatteindre un semblant de tranquillitésemble de l’ordre du rêve. Pourtantsans elle rien n’est vraiment possi-ble. Ces conditions d’existencedevraient faire le premier objet de

nos revendications, le premier objetdes travaux d’un conseil d’école.

Bernard COLLOT

Article paru dans la revue École rurale, Écolenouvelle..., auteur de l’ouvrage Une école du

3ème type aux Éditions L’Harmattan, 2002

1 Instituteur de classe unique rurale et militantde mouvements pédagogiques (CREPSC).

Autant de tempsDaniel Gostain nous présente ici l’organisationde sa classe autour de différents temps quiarticulent moments individuels et momentscollectifs.

Petit à petit, année après année, j’aibâti l’organisation de ma classe autourde différents temps.

En m’appuyant sur les pratiques deMarcel Thorel dans son école à Mons,sur les travaux de Philippe Meirieuet de Jacques Lévine, et naturellementsur tous ces stages Freinet oùl’échange est roi, j’ai choisi de privi-légier la notion de « moments d’ac-cès ».

Je ne crois pas en un mode d’appren-tissage unique, même celui qui parti-rait des besoins de l’enfant, mais plutôten une diversité d’approches et d’accès

dans laquelle chaque enfant pourrait

trouver sa voie/x et s’inscrire.

Des moments répartis dans un emploi

du temps bien précis et explicite.

POUR ÉCHANGER ET PARTAGER

Tous ces moments contribuent à créer

une culture commune à la classe et

une atmosphère de confiance et de

respect.

Parmi eux, j’y ai mis au centre un

moment que j’ai appelé : « Je fais

partager », mais aussi une discussion

sur l’actualité, un atelier de réflexionphilosophique.

« Je fais partager »

L’enfant volontaire vient présenterun objet, une lecture ou parler d’unmoment vécu, vient tester une lecturequ’il souhaite présenter à d’autresclasses et pour laquelle la classe vavoter, ou vient lire un texte qu’il aécrit en vue d’une parution dans lejournal de classe. Ce moment « Je faispartager » est venu remplacer etinclure le traditionnel « Quoi deNeuf ? » que je trouvais trop restric-tif. Il est en étroite relation avec cetautre moment, qu’est le moment deTravail personnel (cf. supra).

L’actualité

Apartir d’un texte d’actualité, tiré parexemple des Clés de l’actualité juniorlu d’abord à la maison, on débatensemble. Ce moment me semble trèsintéressant car il permet non seule-ment un échange entre élèves maisaussi à la maison.

Atelier de réflexion philoso-phique, psychologique ou d’in-terrogation collective

Il s’agit là, à partir d’une question, delaisser venir un espace de débat entreles enfants, débat où je participe auminimum, sinon en garantissant un

F. présente un texte qu’elle a écrit pour recueillir l’avis de la classe.

Des pratiques pleines d’idées

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cadre de respect et d’écoute. Cesmoments d’échange et de partagequotidien durent environ 45 minu-tes. Par exemple, un « Je fais parta-ger » quotidien de 20 minutes,complété par un moment d’Actualitéou d’ Échange Philosophique sur lasemaine.

POUR PERSONNALISERLE TRAVAIL

Tous ces moments permettent à l’en-fant de mener des activités, en petiteséquipes ou seul, issues de ses centresd’intérêt, de ses envies ou d’une dyna-mique de classe.

Chaque matin, on remplit sa fiche detravail personnel (doc. 1).

Parmi les projets, on peut y inclure lacréation mathématique, la prépara-tion d’un exposé, la préparation d’unelecture à faire à d’autres classes, l’écri-ture de textes, le travail sur des fichesde lecture, de français ou de mathé-matiques, un tutorat, etc.

Ce temps de travail personnel quoti-dien dure de 30-40 minutes. C’est untemps volontairement libre en choix,fort en apprentissages, mais dont lesapprentissages dits scolaires nedépendent pas trop.

Je n’y inclus pas des activités théâtra-les ou de bricolage par exemple, pourdes raisons d’espace non disponible,hors classe.

POUR QUESTIONNER

Tous ces moments permettent à l’en-fant de prendre les savoirs à leursource, en les questionnant. Chaquesavoir est issu d’une longue recher-che, faite de percées, de difficultés,de retours en arrière. Par le question-nement, l’enfant se met dans uneposture de chercheur.

Parmi ces moments-là, on peut inclurel’étude et le toilettage d’un texte libre,la recherche mathématique, les situa-tions-problèmes en histoire/géogra-phie, ou l’« enquête observatrice »(Qu’est-ce que vous remarquez ? ») à

partir de mots, de phrases, denombres, d’opérations, d’images, decartes Chaque questionnementdébouche sur des remarques d’où sortpeu à peu un nouveau savoir, qu’onva formaliser sous forme de traceécrite (doc.2).

Un à deux temps de questionnementquotidien collectif de 20 minutes estorganisé (un en maths, un en fran-çais, mais pas systématiquement)

POUR DÉCOUVRIR

Tous ces moments, plus magistraux,permettent à l’enfant d’acquérir unetechnique ou une connaissance nouvellequi ne passe pas par le questionnementmais plutôt par la transmission.

Parmi ces moments-là, on peut consi-dérer la lecture d‘une histoire par l’en-seignant ou d’une vidéo éducative(« C’est pas sorcier », par exemple) outout simplement un moment de leçon(comme l’apprentissage d’une tech-nique opératoire ou d’une règle delangue française qui ne pourrait veniruniquement du travail d’écri-lecture).

Un temps de découverte quotidiende 30 minutes est mené sous formede leçon du maître, de vidéo, delecture de texte, etc.

POUR S’ENTRAÎNER

Tous ces moments permettent àl’enfant de s’approprier et se sentirplus à son aise dans un nouveausavoir.

Parmi ces moments-là, on peutcomprendre toutes les activités d’ap-profondissement : fiches d’activitésdisciplinaires, écriture et améliora-tion de textes, compréhension enlecture, etc.

Un temps d’entraînement, écrit ouoral, de 30 à 40 minutes est organisé.

POUR ORGANISER ET RÉGULER

Tous ces moments permettent auxélèves de devenir co-acteurs de laclasse grâce à un fonctionnementcoopératif et d’apprentissage citoyen.

Au cœur de ces moments-là, il y abien sûr le Conseil avec la gestion dela classe, le règlement des relationsentre pairs, la distribution de respon-sabilités.

Un Conseil hebdomadaire ou deux(l’un centré sur le fonctionnement dela classe, l’autre sur les relations) estorganisé.

EN GUISE DECONCLUSION UN PEU

POMPEUSE

L’accès à l’apprentissage est person-nel. Donc, à nous de faire de l’emploidu temps un espace suffisammentriche et diversifié pour garantir leprogrès de tous et de chacun.

Daniel GostainParis (75)

Texte avant toilettage.Un élève fait l’anima-tion de ce moment.

Des pratiques pleines d’idées

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Date (en abrégé) : ______________ Prénom : _________________________

« MON TRAVAIL PERSONNEL »Choix possibles : Fiches de lecture ; Fiches de maths ; Préparation pour une lecture aux maternelles ; « J’écris »pour la pagette ;Tutorat ; Re-travail sur le cahier d’activités ; Création maths ;Autre (à dire au maître qui don-nera son avis)

MON CHOIX_____________________________________________________

Doc. 1 : fiche de travail personnel

Étude de la langue CE2

Septième leçon Texte de Moustapha : Le chef lui a dit c’est très bien et aprés ils sont allès cambrioler une banque ils ont posé des bom-bes ça a explosé.

Remarques principales

MOUSTAPHA A FAIT ATTENTION À :

Il a pensé au « m » de bombes. Rappel : le « n » se transforme en « m » devant les lettres « b » et « p ».Il n’a pas oublié le « s » du pluriel dans le mot « bombes ».Il a bien écrit « ça » avec la cédille.

LES OUBLIS DE MOUSTAPHA :

PONCTUATION :– Il manque les guillemets quand le chef parle : « C’est très bien ! »– Il faut mettre un point après le mot « banque » et une virgule après « bombes », pour pouvoir respirer dansla lecture de ce texte.

ACCENTS :– Pour « après », il faut mettre l’accent grave et pour « allés », l’accent aigu.

À RETENIR

– Des mots avec le son < é >allés ; vous partez ; le pré ; le goûter ; et– Des mots avec le son < è >après ; très ; la fête ; l’air ; le peigne ; la mer ; le verre ; Noël

Le chef lui a dit : « C’est très bien ! » et après, ils sont allés cambrioler une banque. Ils ont posé des bombes, ça a explosé.

Doc. 2 : Étude de la langue

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Avant la rentrée, lorsque j’entre dansla classe, je regarde ce qu’il y a dansles placards, sur les étagères, sur lesmurs. Je fais l’inventaire du matériel,des jeux, des jouets… et ensuite jepeux commencer à organiser.

PENSER L’ESPACE

Je définis quels espaces je veux créer.Par exemple cette année :

– un coin regroupement où pourronts’asseoir en rond 26 à 30 enfants et moi,qui sera aussi le coin pour les voitures ;

– un coin peinture avec chevalet ettables, plus des étagères pour dépo-ser le matériel ;

– un coin bricolage avec table et chai-ses plus un meuble pour le matérielet les outils ;

– un coin marchande, poupées...

Je déménage les tables, meubles, étagè-res pour délimiter ces coins puis j’orga-nise le reste de la classe de manière àpermettre une circulation simple et unaccès facile à tout le matériel dont lesenfants auront besoin : feutres, stylos,crayons, boîtes de jeux, puzzles...

INSTALLER LE MATÉRIEL

Une fois l’espace organisé, j’installesur les étagères et dans les meublesles outils et le matériel en laissant àportée de tous ce que je veux qu’ilsutilisent seuls et en « éloignant » cedont nous n’aurons pas besoin endébut d’année (dans un meuble ferméou sur des étagères inférieures).

Comment j’opère ce choix ? En sachantexactement ce que je veux que lesenfants apprennent en début d’année :

l’autonomie. Lorsqu’ils arrivent dansma classe, ils ne connaissent que lesateliers tournants, un atelier différentchaque jour avec matériel prêt sur lestables et consignes précises, et placeattribuée en fonction du groupe danslequel est l’enfant (lundi, je vais à telatelier, mardi à tel autre...). Ce qu’ilsvont découvrir c’est la liberté de choi-sir une activité, en tenant compte de laliberté de choix des autres, la possibi-lité de travailler seul ou à plusieurs enfonction de leur désir.

Je recherche donc le matériel de la classele plus proche de celui qu’ils connais-sent déjà, qu’ils ont déjà manipulé, dontils connaissent le fonctionnement. Ilsvont apprendre à le chercher seul, àaller s’installer à une table seul ou avecun copain, à changer de choix si lematériel désiré est pris par quelqu’und’autre ou à accepter de le partageravec ce quelqu’un non choisi au départ,à ranger le matériel après utilisation.

Je choisis un matériel qui pourraévoluer au cours de l’année et quipermettra des apprentissages quandla phase d’appropriation de la coopé-ration et de l’autonomie sera en bonne

voie (le tamgram par exemple : poserles pièces sur la photocopie d’unmodèle de même format, poser lespièces à côté d’un modèle en formatréduit, faire un modèle qui ne montrepas les contours des pièces, inventerdes modèles).

GÉRER LE TEMPS

Mes attentes quotidiennes :

– un temps de parole « Quoi de Neuf ? »le matin pour « poser les valises » ;

– un temps de Travail Individualisépour permettre la construction de l’au-tonomie, le partage des apprentissa-ges, le tâtonnement ;

– un temps d’activités créatrices plas-tiques ;

– un temps pour jouer avec soncorps ;

– un temps pour vivre et faire vivreles projets de la classe.

Mes attentes hebdomadaires :

– un temps pour échanger sur notrevécu, critiquer, féliciter, proposer,choisir ;

Organiser pour libérer Sylvie Pralong enseigne en grande section,dès la prérentrée elle pense l’espace, lematériel et le temps pour que la classe puissetout au long de l’année devenir le lieu de vieet d’apprentissage qu’elle souhaite.

Le « Quoi de Neuf ? » lematin pour « poser lesvalises »

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– un temps pour regarder, feuilleter,emprunter des livres.

Les attentes de l’école :

– chorale une fois par semaine ;

– décloisonnement MS/GS 45 minchaque jour de 14h15 à 15h00 ;

– le goûter de l’après-midi (durée 20min) ;

– les horaires fixes des récréations :10h/10h30 et 15h00/15h30

ORGANISER LESAPPRENTISSAGES

Pendant le travail individualisé, jesuis disponible et je circule dans laclasse pour aider les enfants qui ontbesoin d’un encouragement sur unpuzzle qu’ils n’arrivent pas à faire,d’un arbitre dans un jeu de dés où unenfant triche, d’un encouragementpour aller plus loin dans la construc-tion d’une forme géométrique...

Du tableau collectif au plan detravail

Jusqu’en octobre, je remplis moi-mêmele tableau d’activité des enfants, tableaucollectif des activités possibles surlequel je coche ce qu’ils font. Cela mepermet de les inciter à prendre des jeuxdifférents, sans les obliger pour autant :un enfant qui fait surtout des puzzles

et des tamgrams, je vais lui proposerde jouer aux cartes ou aux dés...

A partir d’octobre je leur donne unplan de travail sur lequel ils inscriventla date à la fin de la séance. Ils le pren-nent avant de commencer car ils nepeuvent faire plus de deux fois lamême activité (il n’y a que deux casesdate). Apartir de ce moment là, je suisaussi disponible pour les aider à faireun autre choix que les deux jours précé-dents, à trouver la case dans laquelleils vont mettre la date... Les activitéspossibles évoluent au cours de l’annéeen fonction des compétences qui appa-raissent : puzzles de plus en plus diffi-ciles, changement de consigne sur unmatériel identique, introduction defiches lecture et maths... pour permet-tre à chacun de trouver un matérielcorrespondant à sa compétence. Je suisprès d’eux pour les accompagner dansles activités qu’ils ont choisies.

Apartir du mois de février, je commenceà pouvoir prendre des enfants en atelierpour un projet précis ou pour les aidersur une difficulté (reconnaître les chif-fres, savoir donner la succession desjours de la semaine, graphisme...).

Une progression individualisée

Je n’ai pas de progression définie àpriori : je suis celle des enfants et j’ajuste

les consignes et le matériel en fonctionde leur propre progression. Je ne faispas d’atelier sur un sujet précis qui serépète jusqu’à ce que tous les enfantssoient passés dans l’atelier. Cependant,j’incite les enfants à passer à une autreactivité ou à un niveau plus difficilemais sans obligation.

Comment je me rends compte dela progression des enfants alorsqu’ils sont entre 26 et 32 et qu’ilsne font pas tous la même chose etpas avec moi ? Ils font une présen-tation rapide de leur travail à la finde chaque séance de travail indivi-dualisé : chacun montre à tous cequ’il a fait ou le dit s’il ne peut lemontrer (j’ai réussi le puzzle dudauphin, j’ai essayé de faire unevoiture en tamgram...). Ce n’estqu’une phrase, c’est donc trèsrapide et cela me permet de voir etd’entendre là où ils en sont de leursapprentissage.

C’étaient quelques pistes d’organisationréfléchie pour que la classe puisse deve-nir un lieu de travail, de coopération,d’accueil où le désir d’apprendre rendpossible la construction des savoirs.

Sylvie PralongMontauban (82)

L'emploi du temps

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Le « Quoi de Neuf ? »

– C’est un moment qu’ils connaissentun peu car nous en avons fait un,quand ils sont venus passer une demi-journée dans notre classe ;

– C’est un moment convivial : noussommes tous regroupés dans le coind’écoute ;

– C’est un moment de structuration :avec quelques règles d’écoute, delimite dans le temps, de concentra-tion, et chacun doit lever la main ouattendre son tour ;

– C’est un moment d’écoute et derespect de l’autre ;

– Les enfants commencent à décou-vrir ce qu’est la citoyenneté avec l’ac-tion d’un président qui donne laparole ;

– C’est un moment de libre expres-sion : les enfants qui le désirent vontpouvoir s’exprimer sur un sujet deleur choix ;

- C’est un moment d’apprentissage carpour conclure ce « Quoi de Neuf ? »qui dure 30 minutes, nous en faisonsun bref résumé en recherchant une

phrase pour chaque enfant qui a prisla parole.

Une phrase va être extraite et affichée,ce qui va constituer un premier apport« naturel » d’un texte nouveau exploi-table directement par les enfants dansla journée-même et les jours suivants.

Enfin, c’est un moment d’apprentis-sage avec une pédagogie qui n’est pasfrontale, mais qui les place dans l’ac-tion.

Le texte libre

Cela peut paraître difficile et ambi-tieux de leur demander ce travailpersonnel dès le jour de rentrée ; maisavec l’expérience j’ai constaté que c’estpossible ; en effet ce travail va venirdirectement s’articuler avec les acquistout frais du « Quoi de Neuf ? » et dela première recherche en lecturepuisque les mots nouveaux sont affi-chés, sans oublier les mots qu’ils ontacquis antérieurement en maternelle.

Dès les premiers jours on peut utili-ser des outils tels que « le petit dico » 1,les étiquettes des textes référents, lesaffichages. Il faut s’appuyer aussi sur

Pour bien démarrer en CPChristine Bonnaud enseigne au CP enméthode naturelle de lecture, elle nous présente ici quelques éléments de l’organisation de sa rentrée.

Le temps de travail indivi-dualisé permet à chaqueenfant de travailler à sonrythme et selon ses projets.A la fin de ce temps, l’en-fant pourra présenter sontravail, lire son texte

On sait qu’au CP notre objectif essen-tiel est l’apprentissage de la lecture-écriture ; mais il n’est pas le seul, loins’en faut ! J’ai choisi la Méthode natu-relle d’apprentissage depuis plusieursannées, car elle se nourrit du vécu dechaque enfant et le place dès lepremier jour en situation d’acteur deses acquisitions. Par ailleurs, ellerespecte vraiment le rythme d’appren-tissage de chacun, personne n’est enéchec, tout le monde progresse. Elleinclut l’ouverture de la vie de la classesur le monde extérieur et donc élar-git les apprentissages et dynamise legroupe.

LE PREMIER JOUR …

Pour rester à l’écoute de la classe, jesouhaite garder de la souplessepour saisir les opportunités qui seprésenteront de la part des enfants… Avant la rentrée, j’ai organisél’espace classe en « coins ateliers »(doc. 1), je laisse donc les enfantss’installer en arrivant. Ils connais-sent les lieux puisqu’ils sont venusl’an passé avec leur maîtresse de GS.Ils sortent leur matériel du cartable,fiers de le montrer puis chacun lerange.

Trois techniques Freinet sont misesen place pendant cette journée, enprivilégiant d’abord le moment deparole : le « Quoi de Neuf ? »,moment de parole collectif ; le textelibre, travail individuel ou à deux ;un moment collectif, telle une pro-menade dans le village et/ou un jeucollectif dans la cour ou encore unegrande réalisation dans la classe enarts plastiques.

Pourquoi ces techniques ?

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l’hétérogénéité, les plus rapides aidentles autres ! Il est bon également d’al-terner les groupes de travail : faire fonc-tionner dans le même temps desateliers qui « tournent » en autonomie,comme le coin écoute, avec les grou-pes qui travaillent aux textes libres oùles enfants peuvent se regrouper pardeux ou trois ; l’enseignant peut alorsaller de l’un à l’autre plus facilement.

Ensuite, les enfants qui le voudrontliront à tous leur texte : chacun doitcomprendre qu’il travaille dans ungroupe et que l’avis des autres estimportant pour avancer.

Le moment collectif

Il va clore cette première journée.Cette année, nous avons choisi unepromenade dans le village, et nousavons fait de ce moment simple uneoccasion de découverte de notre envi-ronnement quotidien, un sujet d’ap-prentissage important et naturel ; cartout est à exploiter si on a l’œil éveillé :ce qu’on voit, ce qu’on trouve, les lieuxd’habitations des enfants , où mènela rivière qui traverse le château,…Les enfants ont cet œil éveillé et trou-vent toujours de multiples centresd’intérêt ! Nous partons d’ailleursavec des sacs en plastique qui vontnous permettre de rapporter en classenos trouvailles, sans oublier l’appareilphoto numérique de l’école (d’autresfois, seulement avec des feuilles blan-ches et des crayons,…). Bref, il fautpouvoir collecter.

Nous revenons en classe avec unefoule de « matières premières »,…

comme des mots à écrire, des phra-ses à composer, des dessins à réali-ser, un plan ou une maquette à mettreen route, des petits objets collectésdont on pourra discuter, des dessinsà faire, des photos prises avec l’appa-reil de la classe et des connaissanceset des repérages à exploiter toute l’an-née… Au retour, la première traceque veulent laisser les enfants de lapromenade est en général un dessin.Puis nous nous organisons collecti-vement pour aller plus loin etproduire une œuvre coopérative(album, affiche, diaporama,…). Letravail sera poursuivi les jourssuivants.

Et dès cette première production,nous soignons particulièrement laprésentation, l’écriture… afin quetoute l’année ils maintiennent cetteexigence et cette qualité de travail.

… ET LA PREMIÈRESEMAINE…

A la production collective du pre-mier jour, viennent s’ajouter :Un premier Conseil en général levendredi après-midi : j’explique auxenfants le rôle précis de cette réunionhebdomadaire en la différenciant biendu « Quoi de Neuf ? ». Le premierConseil est toujours consacré à l’élec-tion d’un président et d’un vice-prési-dent. Elle a lieu à « bulletins secrets »,chacun choisit son candidat et déposeson papier dans l’urne. Puis nousdépouillons et comptons les voix. Engénéral, cette élection occupe l’inté-gralité du temps imparti au conseil.

Ensuite, les conseils suivants se dérou-leront à l’aide de petits papiers de diffé-rentes couleurs : « je critique » - « jefélicite » - « je propose ». Comme lesCP ne savent encore ni écrire ni lire,ils choisissent le papier de la couleurcorrespondant à leur souhait et écri-vent au recto « je critique, je proposeou je félicite » et au dos simplementleur prénom ; le président lit alors lesdeux côtés du papier et demande desprécisions à l’intéressé qui s’exprime.Les règles de vie apparaissent régu-lièrement au cours de l’année, en fonc-tion des remarques qui sont faites parles enfants, pas au premier conseil.Cette année, par exemple, nous avonsécrit sept règles, et nous les avons affi-chées en janvier seulement car unenfant a proposé que cela soit fait à cemoment-là. C’est donc très variable ettrès étalé dans le temps.

Durant cette première semaine, nouscommençons également à utiliser lesmoments collectifs de prise deparole : après chaque temps de travailindividualisé (TI) , les enfants volon-taires (et ils sont nombreux au CP !)présentent au groupe leur travailterminé. Un temps d’échanges se metalors en place, pendant lequel ilsapprennent à prendre la parole à leurtour sur le sujet qui vient d’êtreabordé, à donner leur avis et à écou-ter ceux des autres.

Si la première semaine est le momentprivilégié de la mise en place deplusieurs techniques, c’est justementpour permettre à chaque enfant d’évo-luer au fil de l’année et de trouver saplace dans le groupe.

… LA SEMAINE SUIVANTE

J’essaie d’introduire la correspondancedans ma classe le plus vite possible carc’est une technique pédagogique quise révèle être à la fois très stimulanteet motivante et un excellent outil d’ap-prentissage en lecture- écriture.

Cette année, elle a démarré très tôtcar bien avant la rentrée, une collè-gue de Saône-et-Loire et moi avions

La lecture de petits livres :les enfants préparent d’a-bord silencieusement puisviennent lire aux autres àvoix haute avant de lesemporter à la maison pourles lire à leurs parents.

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trouvé un terrain d’entente. Nous yavons travaillé pendant les vacancesainsi les échanges ont pu commenceren septembre, à raison d’un envoitous les 15 jours.

Nous alternons ainsi envois collectifset envois individuels. Ce sont desmoments de lecture et d’écriture trèsforts. Lorsque nous écrivons une lettrecollective, par exemple, nous nousmettons d’accord sur les chosesindispensables qui doivent apparaî-tre dans notre lettre : la date, l’entête,les remerciements, les questions àposer. Puis le reste se fait à deux ouseul si on préfère et on se répartit letravail : tel groupe raconte notredernière promenade, tel autre répondà une question, un autre encoreexplique nos travaux en cours, etc.Ensuite toutes les phrases sontrassemblées au tableau, collées dansl’ordre, on écrit le mot de la fin et lebrouillon est terminé. Il nous reste àrecopier, décorer, signer,… et ajouter,dans l’enveloppe les documents quenous souhaitons envoyer sur la viede notre classe.

UNE GESTION DUTEMPS RIGOUREUSE

J’alterne le plus possible les temps detravail collectif et les temps de travailpersonnel. Ils sont rythmés par les récréa-tions et l’indispensable moment quoti-dien de lecture en commun (doc. 2).

La vie de la classe et le travail y sontextrêmement organisés, et ce dès lapremière semaine. Mettre des cadresne m’apparaît pas supprimer des liber-tés, au contraire ; et les petits ont besoinde ces structures pour grandir.

La gestion des ateliers se fait grâce àun planning relativement simplepour que chacun puisse s’inscrire àl’aide d’étiquettes autocollantes. Cetableau hebdomadaire se composed’une liste d’ateliers ; chaque enfantpossède une dizaine d’étiquettesmarquées de son prénom dans unepetite boîte ; il les place en face desateliers de son choix avec l’obligationde passer dans chaque atelier avant

de pouvoir revenir sur l’un d’eux.Comme ces étiquettes autocollantesrestent en place toute la semaine, jepeux avoir une idée d’ensemble de larotation des ateliers.

Il y a deux types de planningsateliers : un pour les ateliers de créa-tion artistique (peinture - dessin,bricolage, musique, poésie,…) ; lesecond pour les ateliers de lecture(bibliothèque, fichiers, coin écoute,écriture et illustration de textes,lecture sur ordinateur, fabrication depetits livres…).

POUR CONCLURE

Il me semble important de garder entête que le groupe coopératifcommence à se constituer dès lespremiers jours de classe. Toutes lesactivités qui seront introduites régu-lièrement dans l’année par l’adulte etles enfants faciliteront la consolida-tion de ce groupe.

D’autre part, l’aménagement del’espace aide à la réflexion et à l’orga-nisation de la vie de la classe. Y réflé-chir bien avant le jour de la rentréepermet de se pencher de façon préciseet pratique sur la pédagogie que l’onsouhaite mettre en place. Il permetde rompre avec la pédagogie frontalecar il favorise le travail en autonomie,

en respectant le rythme de dévelop-pement de chaque enfant. L’espaceest évolutif au cours de l’année et resteau service de la mise en place denouvelles techniques.

Enfin, pour le maître, la pédagogieFreinet ne s’applique pas comme unensemble de « recettes pédagogiques »,mais répond avant tout à des convic-tions personnelles, à un état d’espritgénéral face à l’éducation et à la trans-mission des savoirs, au respect dechaque enfant ayant déjà un statut decitoyen capable de comprendre, parti-ciper, s’autogérer. Il faut oser franchirle pas et se lancer en se laissant porterpar la vie de classe : notre rôle évolueraalors, en même temps que les rapportsélèves/maître.

Enfin, les échanges réguliers avec d’au-tres enseignants partageant les mêmesvisées pédagogiques et de société, nouspermettent d’avancer, enrichissent noscréations personnelles, facilitent l’in-novation, la remise en question…

La pédagogie Freinet est une péda-gogie créative autant pour les enfantsque pour soi !

Christine Bonnaud

Témoignage réalisé avec la collabo-ration du GD21

1 Petit dictionnaire de mots

Doc.1Des coins au service des ateliers

– Coin bricolage : étagères et boîtes permettant de ranger tout le maté-riel de récupération apporté par les enfants et celui, de base, que j’achè-te toujours en début d’année.– Coin peinture : pas trop loin du précédent car les deux se mêlent parmoments : pots, pinceaux, brosses, encres, pochoirs, rouleaux, papiers,…– Coin dessin : à côté de la peinture car les deux sont complémentaires :feutres, crayons, craies, pastels, pochoirs, fusains,…– Coin musique : dans un endroit un peu isolé du reste pour ne pasgêner les copains qui travaillent aussi à côté : instruments divers.– Coin bibliothèque (qui nous sert aussi de coin regroupement) : un peuen retrait aussi, pour être tranquille : coussins, chaises,…– Coin informatique : 3 ordinateurs, logiciels de lecture, traitement detextes et d’images, CD audio, casques.– Coin écoute : un répartiteur et quelques casques, des cassettes et/ouCD accompagnés des livres correspondants pour suivre les histoires quisont racontées.

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Doc. 2

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Le texte libre

C’est peut-être une des techniques Freinet la plus facile à mettre en place puisqu’elle ne nécessite pas de maté-riel si ce n’est un crayon gris, une gomme, un cahier ou une feuille.Chacun a la liberté d’écrire ou de ne pas écrire de texte libre, au départ il peut même y avoir dictée à l’adultepour dépasser les blocages.Puis progressivement l’enfant écrivain est de plus en plus autonome et capable d’utiliser des outils (mots de laclasse, dictionnaires…).Le texte libre facilite l’entraide à plusieurs niveaux : pour l’orthographe d’un mot, pour la cohérence du texte, pourl’écriture à plusieurs mains qui demandent d’avoir la capacité d’écouter et d’accueillir la pensée de l’autre… Pouvoir écrire un texte libre c’est bien avoir la possibilité de structurer sa pensée, d’écrire pour partager (maissans obligation), de s’approprier le fonctionnement de la langue française, de s’émanciper progressivement…Parfois il y en a très peu de textes libres voire aucun et d’autres fois il faut s’organiser tant il y en a ! Mais quoi de plus beau que de voir un enfant qui progressivement prend son envol et vient en toute sérénitéoffrir son texte libre à ses camarades ! Et quel bonheur si son texte est choisi pour être mis dans le cahier delecture ou dans le journal !

Le « Quoi de Neuf ? »

Souvent ses détracteurs le réduisent à un vague moment inorganisé de parlottes. Or il n’en est rien ! Tout d’abord pour prendre la parole au « Quoi de Neuf ? » il faut avoir demandé à y être inscrit par le respon-sable, puis il faut s’exprimer suffisamment fort pour être entendu de tous et être prêt à répondre à leurs ques-tions.Ce qui suppose donc des habitudes d’écoute, d’attente pour avoir la parole et de respect de la parole de l’autre.C’est un moment essentiel, une sorte de sas entre la maison et la classe, un lieu où l’on peut dire ce que l’on afait depuis la veille, ce que l’on vient de découvrir en classe, ce que l’on aimerait faire mais que l’on n’arrive pasà faire seul, ce que l’on n’a trouvé à la maison et qui peut intéresser les camarades (un nid d’oiseau, un livre…)En résumé c’est un endroit où l’enfant parle pour dire ce qu’il a choisi de partager avec les autres !

Carole Roussel Saint-Gilles-les-Hauts (La Réunion)

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UN« DÉBORDEMENT »

ORGANISÉ…

L’aménagement de la classe de moyennesection dans laquelle j’enseigne depuis2004 ne s’est pas fait du jour au lende-main. Jusqu’en 2006, j’ai intégré l’en-droit sans grande modification si cen’est dans l’espace cuisine. Tout était« ouvert », surtout à la surveillanceet mon désir d’isoler était très fortparce que je sentais que les enfantsavaient besoin d’intimité et aussiparce que j’étais prêt à les oublier duregard.

En bougeant une armoire, j’ai cloi-sonné la cuisine et de fait créé uncoin isolé derrière celle-ci qui sert decoin maquillage, poupée, discus-sion… Sans compter la libérationd’une fenêtre cachée qui est deve-nue pour les parents une vitrine d’ex-position et surtout l’opportunité d’undernier petit coucou avant de partirle matin !

… D’année en année

En 2006, rien ne se fait dans l’urgence,je me suis attaqué à la possibilité debrancher nos ordinateurs sans quecela n’empiète trop sur le reste, ce quia été vite réalisé vu l’implantationélectrique. Nous avons bougé lesmeubles avec les enfants et il a doncfallu déplacer aussi les quelques plan-tations effectuées avec eux. Et l’idéede « déborder » de la classe est arri-vée, pourquoi ne pas sortir les plan-tes dans la cour. En mettant quelquesvieux bancs et une table qui ne crai-gnaient pas les intempéries, c’étaitjoué. C’est à ce moment que le jardinest né ! Et ce projet fut un travail surle long terme et du coup j’ai délaisséquelque peu l’intérieur !

Enfin, avant la rentrée 2007, j’ai testéavec peine et sueur des configura-tions différentes afin d’arriver à cequ’il y a maintenant : la bibliothèquea bougé en se fermant un peu, lesrideaux permettant de faire une tente,le coin bricolage a trouvé sa placejustement où les matériaux de récu-pération s’empilaient et, quelleaubaine, à côté de la seconde portequi donne sur la cour-jardin, donnantainsi la possibilité d’une extensionaux beaux jours !

Avec tout cela, les déplacementscommençaient à être délicats alorsune table de six places assises a étéenlevée et remplacée par une tablebasse ovale au coin regroupement.Ce qui fait que maintenant, tous les

L’organisation matérielle…ou comment articuler et faire évoluer dans letemps les contraintes matérielles en tous genreset les choix pédagogiques.

Voici plusieurs témoignages d’essais,

de pratiques d’aménagement de classes

d’enseignants de l’IPEM (groupe

départemental parisien).

Les contraintes l’architecture de l’école : écoletype Jules Ferry, école nouvelle,école à aires ouvertesl’emplacement et le nombre deportes, fenêtres et prises élec-triquesle mobilier de la classe

Les choix favoriser le travail en groupesfavoriser le tutoratpermettre la libre circulation desélèvesencourager l’autonomiefavoriser l’expression individuelleet collective penser aux rangements

Pourquoi ne pas sortir les plantes dans la cour… et le jardin est né !

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Des pratiques pleines d’idées

enfants ne peuvent s’asseoir en mêmetemps mais à quoi bon quand on aautant de coins pour des activitésautonomes ! Ces coins (bibliothèque,bricolage, cuisine, informatique, plansinclinés et le jardin ) peuvent accueillir18 enfants et il reste 12 places assises.

Voilà, suis-je satisfait du résultat medirez-vous ? Non, j’aimerais bienannexer la salle qui jouxte ma classe,elle sert de cabinet médical et pour leréseau. J’y verrais bien un espaced’écoute et de création musicale, peut-être avant la prochaine rentrée !

Rien n’est figé, un de mes collèguesest venu dans ma classe un matin, ila bougé deux meubles et le coin brico-lage a encore évolué (circulation,lumière)…

Grégory Genet École maternelle Palikao

(Paris 20e )

LE CONSEIL EN PREMIÈRE LIGNE

Enseignante en CP, je suis mainte-nant installée dans la même sallede classe depuis 3 ans, et certainscoins sont restés à l’endroit où je lesavais installés au début. La circula-tion des enfants au quotidien, leursprojets, leurs initiatives, en ont faitévoluer d’autres. Mais il faut del’organisation et des remises enquestion régulières pour gérer lesmouvements dans la classe afin detrouver une ambiance de travailsereine.Les échanges avec la maternelle voi-sine avaient permis aux enfants degrande section de découvrir leslieux avant la rentrée au CP. Puis endébut d’année, tous les soirs, untemps de questionnement libre surla classe (et l’école) permet de selibérer de certaines incertitudes ouincompréhensions sur le fonction-nement de la classe.

A chaque étape, une régulationest nécessaire

Et tout au long de l’année, c’est lorsdu conseil que se règlent les problè-mes de gestion de l’espace : on yrégule la circulation (on se déplace

dans le calme, on ne va pas dérangerceux qui travaillent), il ressort régu-lièrement de nos discussions la néces-sité du rangement dans les différentscoins, ce qu’il manque pour rendreles lieux plus agréables (un tapis, desplantes…).

La bibliothèque et le coin écriture(où sont regroupés l’imprimerie ettous les outils d’aide à l’écriture), aufond de la classe, dans un coin prèsdes fenêtres, sont des espaces lumi-neux et calmes : deux meubles debibliothèques limitent le passage etles mouvements, mais ils permettentde s’isoler, de se mettre à l’écart, dese préserver des regards. L’espace yest limité, on ne peut pas s’y tenir àplus de 2 ou 3. Règle posée au débutde l’année : quand il n’y a plus deplace, on prend un livre et on retourneà sa place. Mais quand on estplusieurs à vouloir lire ensemble etqu’on sait bien qu’il ne faut pas déran-ger ceux qui travaillent à côté, qu’est-ce qu’on fait ? Et bien certains ontrépondu sans moi à cette question ense réappropriant le coin regroupe-ment (en fait, deux bancs sous letableau qu’on déplace lorsqu’on en abesoin).

La « table du fond » a toujours étéun centre plus animé : à côté desfiches, du matériel de géométrie, demesure et d’arts plastiques en libreservice, c’est un lieu où les enfants seregroupent à 4, 5, 6 pour expérimen-ter, travailler ensemble… Lorsqu’ellea été provisoirement transformée en« table des gerbilles », les expérien-ces se sont poursuivies dans le couloir.

À chacune de ces initiatives, une régu-lation a été nécessaire (au sujet duchuchotement, notamment), car l’or-dre de départ était troublé. Mais cespetits bouleversements se règlent avecun peu de temps et ils améliorentmême l’organisation de la classe.

Les élèves sont moins nerveux

J’avais installé les tables par groupesde six en début d’année, pensantgagner entre autres de l’espace pourla circulation des enfants. Or, suite à

une longue discussion sur l’organi-sation des tables lors d’un conseil (unenfant avait proposé de les mettre enautobus), la décision est prise de lesregrouper par quatre. Sans le dire,j’étais sceptique et commençais déjàà regretter ma belle organisation, maisj’ai dû admettre que cela libérait nonseulement de l’espace pour circuler,mais que cela permettait en plus deréorganiser les groupes de travail àvolonté : les enfants prenaient spon-tanément une des nombreuses chai-ses supplémentaires quand ils souhai-taient aller travailler avec d’autres.

J’ai maintenant moins d’élèvesnerveux et agités sur leur chaise,moins de « conflits » de gomme oude crayon de papier entre voisins etaussi plus de projets entre enfants quiau départ ne se fréquentaient pas trop.

Émilie Lassau (Paris)

UN BANC D’ESSAI EN MATERNELLE ?

Le problème de la place de l’enfantdans la classe ne se pose pas de lamême façon en élémentaire et enmaternelle. Autant en élémentaire, ilest rare que les enfants n’aient pasune place, leur « table » attitrée,autant, c’est l’inverse en maternelle…et pourtant… j’ai remarqué, quesouvent, les élèves étaient très préoc-cupés de la place qu’ils allaient avoirau coin regroupement, et de ce fait,les rassemblements étaient sourcesde précipitation, bousculades,conflits,…

Agacée par le temps que ça nousprenait, un jour je leur lance « Bon,est-ce qu’il faut que vous ayeztoujours la même place et que je mettedes étiquettes sur les bancs pour quevous sachiez où est votre place ? » etbien , cette proposition a été prise ausérieux, si bien qu’à chaque regrou-pement, j’avais ensuite droit à « Il fautque tu mettes les étiquettes sur lesbancs, maîtresse », j’ai ainsi étéamenée à faire un sociogramme :

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Deux questions sont posées à chacunpour lesquelles je respecte le secret :« A côté de qui tu voudrais être assis ?Acôté de qui tu ne veux pas être assis ? »

Un petit casse-tête ensuite pouressayer de satisfaire au mieux : entous les cas, personne n’a été assis àcôté de quelqu’un qu’il ne voulait pas.

Et… depuis, les places sont respec-tées et les tensions qui existaient à cemoment-là, se sont apaisées.

Cette année, c’était une nécessité, l’anprochain sera différent, sûrement.

Violaine Hincker (Paris)

UNE ORGANISATIONDÉCENTRALISÉE…

(5X4) + (1X6) !

Deux options sont possibles pour l’or-ganisation de la place des enfantsdans une classe. Celle où les enfantsn’ont pas de place attitrée et s’instal-lent selon les ateliers, les projets dechacun (une organisation que l’ontrouve souvent en Maternelle) et celleoù ils en ont une. Dans ma classe deCP, les enfants ont une place attitrée.Quand on a fait ce choix organisa-tionnel, il faut penser ensuite l’agen-cement des tables car celui-ci doitpermettre à la fois la communicationen grand groupe, les regroupementsen demi classe, l’entraide, le travail àdeux ou plus et le travail personnel.

Cet agencement se fait en fonction decontraintes matérielles, du cadre danslequel on se trouve. Dans ma classe,un côté est occupé par deux grandsplacards et un évier, deux autres côtéspar des baies vitrées et un troisièmepar une cloison donnant sur un espaceoccupé par la BCD de l’école. Le mobi-lier consiste en vingt-cinq tables indi-viduelles, assez larges, en forme detrapèze, sans casiers (elles ont l’avan-tage de permettre d’y travailler à deuxen se serrant un peu !)

Petit à petit la classe s’agrandit

Il y a deux ans, en arrivant danscette nouvelle école, j’avais opté

pour l’organisation en deux grandsblocs de douze tables afin de gagnerde la place pour installer les diffé-rents coins (ordinateurs, fichiers etpeinture) et la table d’exposition. L’an-née dernière, j’ai ouvert un peu la cloi-son et mordu un peu sur l’espace dela bécédiste en y installant le coinpeinture (quatre chevalets sur deuxtables).

Cette année, à la rentrée, j’ai ouvertcomplètement la cloison et gagnéencore un peu de place. J’ai pu ainsiréorganiser l’espace en cinq groupesde quatre tables et un groupe de sixtables -dont la mienne, mon bureaun’étant qu’un espace de rangementadministratif collé contre un mur.

Nous désignons ces regroupementsde tables par les termes « Table 1 »« Table 2 »... L’organisation des ateliersen est ainsi facilitée : l’atelier compass’installe à la table 1, l’atelier géogra-phie table 2,… Les responsables d’ate-liers apportent le matériel nécessaire.Même chose le jeudi, pour l’empruntdes livres de bibliothèque : pendantle plan de travail, les enfants vont enBCD table par table emprunter leurlivre ; le responsable s’assure que toutle monde a bien rempli sa fiche d’em-prunt et prévient la table suivante quec’est son tour. Quelques tabourets etchaises supplémentaires, facilementdéplaçables, donnent une plus grandesouplesse. Si Adam veut écrire untexte avec Eva, il peut prendre untabouret et s’installer à côté d’elle.

Du bon usage des sociogrammes

À la rentrée, les enfants se sont instal-lés comme ils le voulaient. J’ai opéréd’autorité, quelques changementsquand il y avait manifestementincompatibilité et dysfonctionne-ment. Ensuite, en octobre, j’aiproposé un questionnaire : « Pourapprendre le mieux possible, avecqui voudrais-tu être ? Avec qui nevoudrais-tu pas être ? Qui accepte-rais-tu comme responsable detable ? » (J’avais découvert cettepossibilité lors d’une rencontre avecdes collègues pratiquant la pédago-gie institutionnelle). Après le

dépouillement des réponses, j’aiproposé le nouveau plan de la classeet le nom des responsables de tables.Leur fonction consiste à ramasser lescahiers, à s’assurer que tout le mondecoche son calendrier le matin, queles copains n‘ont pas de problèmes,que les tables sont rangées à 16h30.En résumé de faciliter l’organisationdu travail.

Le jeudi, au Conseil, les enfantspeuvent demander à changer deplace. Le lundi, au Conseil de métiers,les responsables de table font le point,ils peuvent aussi demander à arrêterleur métier, tous les enfants peuventfaire des propositions pour amélio-rer le fonctionnement des tables.

Cet éclatement en petits groupesaurait pu être un obstacle à lacommunication en grand groupemais les chaises se retournent faci-lement pour le « Quoi de Neuf ? »ou les présentations de textes. Il y aun espace libéré devant le tableaupour permettre à la moitié de la classede s’asseoir pour les présentationsde créations mathématiques, ou lesdécouvertes de texte au tableau parpetits groupes. Et pour le Conseil,nous nous installons dans la BCDjuste à côté de la classe, où l’on peutse mettre en cercle.

Cette organisation évoluera encorecertainement. Mais avec cet agen-cement de l’espace et ce fonctionne-ment décentralisé, les enfants ontgagné en autonomie et en respon-sabilité.

Françoise VassortÉcole à aires ouvertes

(Paris 13e )

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Des pratiques pleines d’idées

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Des pratiques pleines d’idées

La place et le rôle de l’enseignantsont donc essentiels et ne peuventêtre que pluriels : garant institution-nel, détenteur d’un savoir, d’uneculture, et représentant social,didacticien, régulateur, « psycholo-gue », organisateur, il joue son rôlede préparateur, d’accompagnateurde la situation d’apprentissage :

– il évalue, active et diagnostiqueles connaissances pour amener l’élè-ve vers l’apprentissage ;

– il écoute et observe l’apprenantpour comprendre ce qu’il est entrain de comprendre lui-même ;

– il fait émerger une significationcommune, la fait apparaître, laconcrétise pour la rendre accessibleaux élèves en fonctions des connais-sances dont ils disposent à unmoment donné ;

– il stimule la réflexion ;

– il crée le dialogue cognitif et doncfait prendre conscience des différencesde conception d’un objet deconnaissance ;

– il accorde un espace de liberté àchacun.

REPRÉSENTANTINSTITUTIONNEL

Garant de la Loi, l’enseignant apour mission d’enseigner et d’édu-quer mais aussi de protéger, deveiller à l’humanité de la classe. Il

doit mettre en place les outils, lesstructures qui permettront cettehumanité. L’humanité ne s’imposepas, elle se construit de façonréflexive. Elle n’est que le résultatde l’expérience. Elle est un savoir.

« GRANDÉCOUTANT »

Le maître va aider à approfondir lesquestionnements, permettre l’impli-cation de plus en plus grande du sujetparlant, pour qu’il apprenne à sesituer parmi ses pairs, dans une parolecritique. Devant des situations diffi-ciles relevant de stéréotypes ou d’opi-nions manifestement erronées oudéplacées, il doit organiser, faciliterl’émergence de la confrontation desopinions, en évitant qu’elles prédo-minent ou qu’elles fassent déraper ledébat dans des propos non receva-bles au regard de la loi du « juste etdu bien ».

GARANT DE LA LIBRE CIRCULATION

DE LA PAROLE

L’enseignant est un « pair » dans l’acteessentiel de la classe : la constructiondes savoirs.

Sa parole est entendue comme lesautres paroles même s’il n’est pasquestion de nier la différence de statutentre lui et l’élève. Il ne la monopo-lise pas.

ÉDUCATEUR-ENSEIGNANT

Son rôle est de se situer entre l’inci-

tation qu’il doit apporter à ce que

l’élève s’exprime et la protection par

rapport au groupe. La parole accom-

pagnatrice du maître, comme son

regard aideront l’enfant à sortir

progressivement de son silence, à s’ex-

primer, à agir.

Lorsque l’on aborde la place du

maître, on ne peut également qu’a-

border tout ce qui touche à l’équi-

pe pédagogique et à la place que

chaque adulte doit prendre et trou-

ver dans cette équipe afin que la

cohérence et l’harmonisation des

pratiques ainsi que la place de la

coopération entre adultes puissent

permettre à chaque élève d’avancer

lui aussi de façon cohérente dans

ses savoirs.

Si l’on veut que l’enfant perçoive

l’adulte comme partenaire vers la

réussite et les activités scolaires

comme des enjeux intellectuels sur

lesquels ils peuvent agir, la coordi-

nation des efforts au sein d’une

équipe apparaît un élément néces-

saire.

Françoise SalmonParis (75)

Rôle et place du maîtreà mettre au pluriel

i l’apprentissage est conçu comme un processus de participation authentique à uneculture donnée, le rôle de l’enseignant peut alors être conçu comme la création d’unenvironnement c’est-à-dire une “culture” – où un tel processus de participation est

rendu possible... ».

Britt Mary Barth

«S

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Des pratiques pleines d’idées

Didacticien et régulateur des savoirs

Il fait émerger les représentations, bali-se les chemins, favorise les échangescognitifs, la coopération.

Organisateur

Aide à la mise en place de structures, desituations, d'outils pour favoriser laconstruction des apprentissages.

Détenteur d'un savoir, d'une culture et médiateur dans les apprentissages

Il partage ses connaissances, fait avancer,respecte et écoute la culture de l'enfant…

Psychologue

Il connaît les difficultés psycho-cognitivesdes enfants, il invite au risque, il rassure…

Dans une équipe

Tâtonnement social avec élèves et collèguesEchanger-confronter-analyser pour la cohé-rence et la continuité des pratiques dans l'éco-le : régulation des institutions, des outils…

Régulateur de la discipline et de la gestion du groupe

par rapport :– aux pannes (correction, aide, …)– à l'utilisation de la parole– à la transgression des règles– aux déplacements– à la discipline– aux conflits, aux comportements gênants– à la gestion du temps

Le rôle et la part de l’enseignant

La part du maître est une expression fréquemment employée par les enseignants de l’École moderne.Historiquement, cette expression apparaît sous la plume d’Élise Freinet qui assure dans la revue L’Éducateur unerubrique axée sur la part du maître et la part de l’enfant. Elle publiera par la suite une brochure de la collectionBibliothèque de l’École moderne, Quelle est la part du maître ? Quelle est la part de l’enfant ? (BEM n°24) qu’elleconclut ainsi :

« Non, nous n’avons pas pour but de courir après le chef d’oeuvre mais nous savons aussi qu’il est à notre por-tée : les meilleures réussites de notre Ecole Moderne sur le plan artistique, littéraire, scientifique en font la preuve.Une éducation qui délivre sans cesse la joie créatrice, où sans cesse la main qui réalise exalte l’esprit qui pense,qui donne à jet continu l’allégresse du dépassement, une éducation de l’efficience ne peut que conduire à la maî-trise.Heureux l’éducateur qui, sûr de la portée de son enseignement et rassuré et enthousiasmé par les oeuvres vivesde ses enfants, peut pressentir que l’homme est ce qu’il y a de plus haut pour l’homme. »

Contrairement à l’opinion encore répandue qui voudrait que la pédagogie de Célestin Freinet soit une pédago-gie du laisser-faire, voire de l’abandon de l’enfant à lui-même, il est rappelé ici qu’il n’en est rien et que les adul-tes ont à assumer leur rôle d’enseignant. Non pas comme celui du « maître » qui se replace dans une relationde type traditionnel et scolastique, mais comme celui d’un adulte doté d’un statut différent de celui de l’enfant.Il est d’abord responsable de l’organisation du milieu de vie et du travail des enfants à l’école ; il lui appartientde permettre et d’encourager l’expression libre et les apprentissages par tâtonnement expérimental en les inté-grant à des techniques de travail rendues possibles par des outils et des processus pédagogiques adaptés. Ceux-ci ne peuvent pas être imposés autoritairement car leur raison d’être est de rompre le statut de dépendancede l’enfant face à l’adulte, pour lui substituer par apprentissage celui de membre responsable d’un groupe.L’introduction de ces outils et techniques pédagogiques doit donc s’accompagner de la mise en place d’une rela-tion coopérative entre les enfants et entre l’enseignant et les enfants.

Extrait de l’édition n° 53 des Éditions ICEM Les apprentissages individualisés dans la classe coopérative