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430, rue St-Pierre, Montréal (Québec) H2Y 2M5 Téléphone : (514) 842-3937 Télécopieur : (514) 842-7144 © LES ÉDITIONS YVON BLAIS TOUTES REPRODUCTION OU DIFFUSION INTERDITE SANS AUTORISATION ISSN : 1929-2023 EN MANCHETTE CHRONIQUE L’enfant mineur peut-il encore intervenir dans le débat de garde opposant ses parents ? par M e Sébastien Vaillancourt L’auteur analyse les récents développements jurisprudentiels eu égard au pouvoir d’intervention des enfants mineurs dans les litiges opposant leurs parents quant aux droits de garde et aux droits d’accès. p. 2 JURISPRUDENCE N. (S.) c. B. (A.), sub nom. Droit de la famille – 12246, EYB 2012- 202478 (C.S., 14 février 2012) La bonne foi de l’épouse dont le mariage a été annulé pour cause de bigamie lui permet de bénéficier des effets putatifs du mariage, soit le partage du patrimoine familial à l’exception du partage des gains inscrits à la Régie des rentes du Québec. Les gains doivent profiter à la conjointe survivante dont le mariage est toujours valide en l’absence d’un jugement irrévocable de divorce. p. 5 X. c. G. (C.), sub nom. Droit de la famille – 12281, EYB 2012-202523 (C.S., 3 février 2012) Un enfant majeur échoue dans sa tentative d’obtenir une pension alimentaire de ses parents, car il n’a pas démontré le sérieux de son projet de retour aux études et son incapacité à combiner le travail et les études. p. 12 V. (T.) c. B. (M.), sub nom. Droit de la famille – 1222, EYB 2012- 200494 (C.A., 12 janvier 2012) La notion d’intérêt de l’enfant, au sens de la Loi sur les aspects civils de l’enlève- ment international et interprovincial d’enfants, revêt une portée plus étroite que celle généralement retenue et coïncide, sauf exceptions, avec le retour de l’enfant au lieu de sa résidence habituelle. p. 13 N O 1 – Mars 2012 Droit de la famille En bref

Droit de la famille En bref - Éditions Yvon Blais...Un peu plus de deux ans plus tard, la Cour supérieure, sous la plume du juge Jean-Guy Dubois7, réitérait le même point de vue

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Page 1: Droit de la famille En bref - Éditions Yvon Blais...Un peu plus de deux ans plus tard, la Cour supérieure, sous la plume du juge Jean-Guy Dubois7, réitérait le même point de vue

430, rue St-Pierre, Montréal (Québec) H2Y 2M5 Téléphone : (514) 842-3937 Télécopieur : (514) 842-7144

© LES ÉDITIONS YVON BLAIS TOUTES REPRODUCTION OU DIFFUSION INTERDITE SANS AUTORISATION ISSN : 1929-2023

EN MANCHETTECHRONIQUEL’enfant mineur peut-il encore intervenir dans le débat de garde opposant ses parents ? par Me Sébastien Vaillancourt

L’auteur analyse les récents développements jurisprudentiels eu égard au pouvoir d’intervention des enfants mineurs dans les litiges opposant leurs parents quant aux droits de garde et aux droits d’accès. p. 2

JURISPRUDENCEN. (S.) c. B. (A.), sub nom. Droit de la famille – 12246, EYB 2012-202478 (C.S., 14 février 2012)

La bonne foi de l’épouse dont le mariage a été annulé pour cause de bigamie lui permet de bénéficier des effets putatifs du mariage, soit le partage du patrimoine familial à l’exception du partage des gains inscrits à la Régie des rentes du Québec. Les gains doivent profiter à la conjointe survivante dont le mariage est toujours valide en l’absence d’un jugement irrévocable de divorce. p. 5

X. c. G. (C.), sub nom. Droit de la famille – 12281, EYB 2012-202523 (C.S., 3 février 2012)

Un enfant majeur échoue dans sa tentative d’obtenir une pension alimentaire de ses parents, car il n’a pas démontré le sérieux de son projet de retour aux études et son incapacité à combiner le travail et les études. p. 12

V. (T.) c. B. (M.), sub nom. Droit de la famille – 1222, EYB 2012-200494 (C.A., 12 janvier 2012)

La notion d’intérêt de l’enfant, au sens de la Loi sur les aspects civils de l’enlève-ment international et interprovincial d’enfants, revêt une portée plus étroite que celle généralement retenue et coïncide, sauf exceptions, avec le retour de l’enfant au lieu de sa résidence habituelle. p. 13

NO 1 – Mars 2012

Droit de la famille

En bref

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2 Reproduction ou diffusion interdite

RÉSUMÉ

L’auteur analyse les récents développements jurispru-dentiels eu égard au pouvoir d’intervention des enfants mineurs dans les litiges opposant leurs parents quant aux droits de garde et aux droits d’accès.

INTRODUCTION

Alors que l’on croyait acquise la possibilité pour un enfant mineur d’intervenir en Cour supérieure dans un débat de garde ou de droits d’accès opposant ses parents, la Cour d’appel, dans une décision récente1, sème le doute.

En appel d’un jugement rendu par la Cour supérieure le 9 août 20112, la Cour d’appel maintient la décision de première instance et ne permet pas à trois enfants âgés de 16, 14 et 12 ans d’intervenir, en vertu des ar ticles 32 et 33 du Code civil du Québec et des articles 208, 210, 394.1 et 478.1 du Code de procédure civile, dans un litige qui oppose leurs parents concernant la garde et les droits d’accès.

I– UN PEU D’HISTOIRE

Pour bien comprendre le contexte de cet arrêt de la Cour d’appel, il est utile de retracer quelques décisions ren-

* Me Sébastien Vaillancourt est avocat depuis 1995. Il pra-tique essentiellement en droit de la famille et en droit civil au bureau d’aide juridique de Longueuil (section civile) dont il est directeur depuis 2009.

1. Droit de la famille – 1293, 2012 QCCA 134, EYB 2012-201267 (C.A.), les honorables Nicole Duval Hesler (juge en chef), Pierre J. Dalphond et Lorne Giroux, le 19 jan-vier 2012.

2. 2011 QCCS 4099, EYB 2011-194377 (C.S.).

dues sur le même sujet par la Cour d’appel et la Cour supérieure au cours des dernières années.

En 1992, la Cour d’appel, dans l’affaire Droit de la famille – 15493, infirmait un jugement de la Cour supérieure et permettait à des enfants de 11 et 13 ans d’intervenir dans le débat qui opposait leurs parents. La Cour reconnaissait qu’un tiers (tel qu’un enfant en matière de garde), non partie au litige, mais dont les droits pouvaient être affec-tés par le jugement, avait le droit strict d’intervenir dans l’instance et d’être entendu par le tribunal. La Cour ajou-tait même que ce droit d’intervention n’était pas soumis à la discrétion judiciaire et que le seul rôle attribué au tri-bunal était de vérifier « l’intérêt » de l’enfant qui désirait intervenir. Elle écrivait également qu’il était difficile de « concevoir qu’un tribunal puisse conclure qu’un enfant faisant l’objet d’une demande de garde contestée ne soit pas affecté dans ses droits ». La Cour reconnaissait enfin que l’enfant n’est pas seulement « objet de droit » mais aussi « sujet de droit ». Ainsi, dans cette affaire, la Cour était d’avis que les enfants pouvaient mandater un avocat au même titre que pouvait le faire un adulte et elle leur permettait d’intervenir, au moyen d’une décla-ration d’intervention produite en vertu de l’article 208 C.p.c., dans le débat de garde opposant leurs parents.

Trois ans plus tard, la Cour d’appel, dans l’affaire Droit de la famille – 22244, infirmait encore une fois un juge-ment prononcé par la Cour supérieure qui avait rejeté la demande d’intervention de trois enfants âgés cette fois de 10, 8 et 4 ans. La Cour d’appel rappelait que l’inter-vention devait être reçue (tel que l’exigeait alors l’article 212 C.p.c.) aussitôt que l’intérêt du tiers était vraisem-blable. La Cour précisait de plus que cette règle s’appli-quait autant dans le cas des enfants en matière familiale qu’en toute autre matière civile. La Cour énonçait éga-lement que les enfants mineurs, en tant que sujets de droit, avaient un droit strict à la représentation par avocat, qu’ils pouvaient exercer ce droit, s’ils en avaient la capacité, en confiant le mandat de les représenter à un avocat de leur choix et que ce droit leur appartenait en propre. Encore une fois, la Cour d’appel permettait ainsi à des enfants mineurs d’intervenir dans le débat de garde et d’accès opposant leurs parents et même, dans ce cas-ci, dans le débat alimentaire opposant ces derniers, et ce, toujours au moyen d’une déclaration d’intervention.

Quelque 14 ans plus tard, la Cour supérieure, sous la plume de la juge Marie-Christine Laberge, émettait cepen-dant des réserves à l’égard de la procédure d’interven-tion en matière familiale pour des enfants mineurs dans

3. [1992] R.J.Q. 855, EYB 1992-63869, 1992 CarswellQue 169 (C.A.).

4. [1995] R.D.F. 396, EYB 1995-59109 (C.A.).

L’enfant mineur peut-il encore intervenir dans le débat de garde opposant ses parents ?

Me SÉBASTIEN VAILLANCOURT*Avocat.

CHRONIQUE

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l’affaire Droit de la famille – 099635, entendue le 27 mars 2009. En effet, dans son jugement, la juge Laberge expri-mait un profond malaise à ce que des enfants deviennent une partie au litige opposant leurs parents et estimait que la procédure d’intervention n’était pas « la plus appro-priée qui soit en matière familiale »6. Elle reconnaissait que la déclaration d’intervention prévue à l’article 208 C.p.c. n’avait pas à être autorisée par un juge et qu’elle n’était pas soumise à l’appréciation du tribunal, contrai-rement à une demande de nomination d’un procureur à l’enfant présentée conformément à l’article 394.1 C.p.c. Elle invitait cependant le législateur à revoir la procédure d’’intervention dans le contexte du droit de la famille afin qu’elle soit soumise à l’appréciation du tribunal. La Cour indiquait finalement que l’enfant n’avait pas d’intérêt, au sens juridique du terme, à devenir une partie au litige bien qu’il ait des droits à faire valoir. Reconnaissant que l’intervention ne pouvait pas être contrôlée par le tribu-nal, la juge Laberge maintenait l’intervention, mais en vertu de l’article 394.1 C.p.c. plutôt qu’en vertu de l’article 208 C.p.c. Précisons que l’interven-tion des enfants ne faisait l’objet d’aucune opposition de la part de l’un ou l’autre de leurs parents. Ce jugement de la Cour supérieure a acquis force de chose jugée, n’ayant pas été porté en appel.

Un peu plus de deux ans plus tard, la Cour supérieure, sous la plume du juge Jean-Guy Dubois7, réitérait le même point de vue en rejetant la déclaration d’intervention de trois enfants âgés de 16, 14 et 12 ans. C’est ce juge-ment qui a été maintenu par la Cour d’appel dans le récent arrêt du 19 janvier 20128. Traitant de l’intérêt des enfants, la Cour supérieure reconnaissait l’existence de celui-ci puisque la garde et les droits d’accès étaient en jeu, mais elle estimait qu’il s’agissait d’une « situation un peu particulière »9 au sens de l’intervention. À noter que dans cette affaire, contrairement à l’affaire Droit de la famille – 09963, un des parents s’était opposé à l’inter-vention des enfants. Ainsi, le tribunal rejetait l’interven-tion des enfants parce que celle-ci n’était pas, selon lui, nécessaire. Le juge Dubois écrivait aussi que « ce [n’était] pas à de jeunes enfants de prendre sur leurs épaules la pression pour déterminer s’ils seront sous la garde de l’un ou l’autre des parents »10. La Cour ajoutait que le tribunal pourrait éventuellement, à la suite d’une preuve appro-priée, décider de nommer un procureur aux enfants s’il le jugeait nécessaire, mais elle précisait que la situation

5. 2009 QCCS 1728, EYB 2009-159038 (C.S.).6. Ibid., par. 11.7. Supra, note 2.8. Supra, note 1.9. Supra, note 2, par. 54.10. Ibid., par. 80.

devait être « extraordinaire » pour rendre nécessaire « la présence d’un avocat » aux enfants.

En appel de cette décision, la Cour d’appel maintenait le rejet de l’intervention en rappelant que selon le juge de première instance, la preuve ne révélait pas « de situation extraordinaire, ni d’évènements particuliers qui nécessi-taient la représentation par avocat des trois enfants »11.

II- LÉGISLATION PERTINENTE

Il est utile de rappeler la teneur des articles 208 et 210 du Code de procédure civile qui traitent de l’intervention :

208. Celui qui a un intérêt dans un procès auquel il n’est pas partie, ou dont la présence est nécessaire pour auto-riser, assister ou représenter une partie incapable, peut y intervenir en tout temps avant jugement.

210. Le tiers qui entend intervenir à titre conservatoire ou agressif dans l’instance doit notifier à toutes les parties une déclaration, dont il produit copie au greffe, préci-sant son intérêt pour agir et les conclusions qu’il recher-

che et exposant les faits donnant ouverture à ces conclusions; il doit de plus, dans sa déclaration, propo-ser les modalités de son interven-tion, notamment pour tenir compte des ententes conclues entre les par-ties et du calendrier des échéances convenu entre celles-ci ou établi par le tribunal.

Les parties disposent d’un délai de dix jours pour indi-quer, dans un écrit, leur opposition, la notifier aux autres parties et en produire copie au greffe. En l’absence d’op-position, l’intérêt du tiers intervenant est présumé suf-fisant et les modalités d’intervention acceptées. En cas d’opposition, le tiers présente sa demande au tribunal pour qu’il en décide; s’il autorise l’intervention, le tribu-nal en fixe les modalités.

Le tiers intervenant devient partie à l’instance.

À noter que les dispositions de l’Avant-projet de Loi ins-tituant le nouveau Code de procédure civile portant sur l’intervention n’ont subi aucune modification significa-tive.

III- À QUOI S’ATTENDRE POUR L’AVENIR

Les deux décisions de la Cour supérieure, rendues en 2009 et en 2011, ayant rejeté les déclarations d’intervention d’enfants mineurs, dont la plus récente a été mainte-nue par la Cour d’appel, constituent selon nous un nou-veau courant jurisprudentiel en cette matière et, dans une certaine mesure, un changement important depuis les arrêts de la Cour d’appel dans les affaires Droit de la famille – 154912 et Droit de la famille – 222413.

11. Supra, note 1, par. 2.12. Supra, note 3.13. Supra, note 4.

La Cour d’appel a maintenu le rejet de l’intervention en rappelant que selon le juge de première instance, la preuve ne révélait pas « de situation extraordinaire, ni d’événements particuliers qui nécessitaient la représentation par avocat des trois enfants ».

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4 Reproduction ou diffusion interdite

Ces décisions démontrent en effet que le tribunal peut rejeter l’intervention d’un enfant mineur dans le débat de garde opposant ses parents, même si les droits de l’en-fant peuvent être sérieusement affectés par le jugement à être rendu. Elles démontrent aussi qu’une telle inter-vention peut être rejetée même si la Cour d’appel avait déjà reconnu, dans les années 199014, que la démons-tration de l’intérêt juridique de l’enfant était évidente lorsque ce dernier est visé par un débat de garde. Et elles démontrent enfin qu’une telle intervention peut être rejetée même si les dispositions actuelles du Code de procédure civile n’imposent, comme seule condition, que l’intervenant (l’enfant) ait un intérêt.

Ces récentes décisions illustrent clairement l’expression d’un malaise éprouvé par les juges de la Cour supérieure lorsqu’un enfant, représenté par avocat, intervient de sa propre initiative devant les tribu-naux, dans le litige qui oppose ses parents. Les juges, dans ces deux affaires, auraient largement pré-féré qu’une demande de nomi-nation d’un procureur à l’enfant leur soit soumise en vertu de l’ar-ticle 394.1 C.p.c. Cela leur aurait permis d’exercer leur discrétion judiciaire pour autoriser ou non la représentation des enfants par avocat. Certains pourraient être tentés de croire que la désignation d’un procureur à l’enfant en vertu de l’article 394.1 C.p.c., du consentement ou non des parents, attribue à ce pro-cureur, une plus grande impartialité ou objectivité que dans le cas d’une intervention produite par un avocat au nom des enfants. Il n’est, en effet, pas rare que l’un des parents se sente écarté du processus advenant le dépôt d’une déclaration d’intervention puisqu’un des parents ignore souvent, jusqu’au dépôt de cette déclaration, que l’enfant a entrepris une démarche avec un avocat. Mais le rôle du procureur de l’enfant est-il d’être objectif ou impartial ? Avec respect pour l’opinion contraire, nous sommes d’avis qu’il faut répondre par la négative à cette question. En effet, le procureur de l’enfant mineur, qu’il représente ce dernier en vertu de l’article 394.1 C.p.c. ou en vertu d’une déclaration d’intervention produite conformément à l’article 208 C.p.c., n’a pas à être objec-tif ou impartial face aux parents. Comme l’a reconnu la Cour d’appel dans l’affaire M.F. c. J. L.15, le rôle du pro-cureur de l’enfant est de convaincre la Cour de respec-ter les désirs de ce dernier, et ce, que l’avocat agisse en vertu de l’article 208 C.p.c. ou 394.1 C.p.c. Comme la Cour d’appel l’a écrit, le procureur de l’enfant ne peut pas exprimer son opinion ni plaider ce qu’il croit être dans le meilleur intérêt de l’enfant. Il doit plaider ce que son client, l’enfant, lui a donné instructions de plaider. Il

14. Supra, notes 3 et 415. [2002] R.J.Q. 676, REJB 2002-29840, requête pour autori-

sation de pourvoir à la Cour suprême rejetée le 24 octo-bre 2002.

n’a pas à être impartial, bien au contraire, il doit plutôt être partial en faveur de son client. La Cour d’appel a d’ailleurs énoncé, toujours dans l’arrêt M.F., que l’avo-cat de l’enfant mineur doit représenter ce dernier de la même manière qu’il doit représenter un client adulte (dans la mesure où l’enfant est assez mature pour expri-mer son point de vue).

Comme mentionné plus haut, le malaise d’un parent peut être évident face à un avocat qui a déposé une déclaration d’intervention au nom de l’enfant, surtout lorsque l’avocat tente de mettre de l’avant le désir de ce dernier alors qu’il ne correspond pas au désir du parent. Ce dernier doit cependant comprendre la nature et le rôle du procureur à l’enfant tel que l’a enseigné la Cour d’appel dans l’arrêt M.F. Il reste cependant encore beau-coup d’enseignement à faire puisque le rôle du procu-

reur de l’enfant mineur (apte à mandater un avocat) est souvent mal compris.

La Cour supérieure, dans les deux récentes décisions dont il est ici question, invite le législateur à modifier les dispositions du Code de procédure civile relatives à

l’intervention afin de mieux les adapter au droit de la famille. Une telle modification pourrait être souhaitable pour s’assurer qu’une intervention soit soumise à l’appré-ciation du tribunal. Cela pourrait éviter quelques inter-ventions injustifiées ou contraires au meilleur intérêt de l’enfant. Mais le nombre d’interventions injustifiées est-il suffisamment élevé pour justifier une mesure qui aurait inévitablement comme conséquence d’entraîner une hausse des frais pour les justiciables puisqu’elle néces-site une audition additionnelle devant le tribunal ? Il ne semble pas, à la lumière de la jurisprudence, qu’il y ait suffisamment d’interventions contraires au meilleur inté-rêt de l’enfant pour justifier un tel remède. À l’heure où l’accessibilité à la justice et la diminution des coûts pour les justiciables constituent des priorités pour le système judiciaire, la question mérite réflexion. Par ailleurs, selon la législation actuelle, le tribunal peut rejeter une décla-ration d’intervention si un parent s’y oppose et si la Cour juge que l’enfant ne possède pas l’intérêt requis pour intervenir. Le meilleur intérêt de l’enfant nous semble ainsi suffisamment protégé.

CONCLUSION

Ainsi, la Cour d’appel permet que soit rejetée l’intervention de trois enfants âgés de 16, 14 et 12 ans qui souhaitaient faire des représentations dans le débat de garde qui oppo-sait leurs parents. Avec égards, il nous semble que la Cour se prive ainsi d’un moyen efficace de connaître le désir des enfants sur des questions d’importance pour ceux-ci. Et comme la Cour d’appel et la Cour supérieure l’ont sou-vent écrit, le désir des enfants de cet âge, bien qu’il ne lie pas le tribunal, peut être largement déterminant.

De récentes décisions illustrent clairement l’expression d’un malaise éprouvé par les juges de la Cour supérieure lorsqu’un enfant, représenté par avocat, intervient de sa propre initiative devant les tribunaux, dans le litige qui oppose ses parents.

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Reproduction ou diffusion interdite 5

Mariage, contrats de mariage etrégimes matrimoniaux

EYB 2012-202478

Cour supérieure

N. (S.) c. B. (A.), sub nom. Droit de la famille - 12246

500-04-053719-101 (approx. 15 page(s))

14 février 2012

Décideur(s)

Piché, Ginette

Type d’action

REQUÊTE en annulation de mariage et en réclamation des effets putatifs du mariage. ACCUEILLIE en partie. REQUÊTE en modification d’un acte de décès. ACCUEILLIE

Indexation

FAMILLE ; MARIAGE ; NULLITÉ ; PATRIMOINE FAMILIAL ; PARTAGE ; GAINS INSCRITS À LA RÉGIE DES RENTES DU QUÉBEC.

Résumé

Il s’agit d’un litige entre la première épouse et la deuxième épouse du défunt, lesquelles ont marié le défunt respectivement en 1961 et en juin 2002. La deuxième épouse demande que son propre mariage soit déclaré nul tout en bénéficiant de ses effets putatifs en raison de sa bonne foi. De son côté, la première épouse plaide la mauvaise foi de la deuxième épouse. Elle ajoute qu’il n’y a pu y avoir de mariage puisque le défunt était toujours marié avec elle en juin 2002. Ce litige est particulier puisque la première épouse a déjà obtenu un jugement prononçant l’annulation du mariage célébré entre la deuxième épouse et le défunt. Ce jugement a été rendu en mars 2010 par le juge Prévost.

La bonne foi est une question de fait laissée à l’appréciation du tribunal. D’ailleurs, en vertu de l’article 387 C.c.Q., la bonne foi se présume. Elle s’apprécie au moment de la célébration du mariage et les effets putatifs du mariage sont liés à l’existence de la bonne foi. Le Code civil du Québec (le Code) ne définit pas la bonne foi. Selon le sens commun, on peut parler de loyauté, de fidélité, d’honnêteté, de droiture, de véracité et même d’équité. C’est la norme de conduite, le devoir général. Être de bonne foi, c’est sim-plement avoir un comportement honnête, un comportement loyal. Elle signifie une conduite générale qui se rapporte à un état d’esprit honnête.

En l’espèce, rien n’indique que la deuxième épouse était de mauvaise foi. Le fait qu’elle n’ait pas dévoilé aux enfants du défunt qu’elle était mariée avec leur père ne permet pas de conclure à la mauvaise foi. L’on peut com-prendre qu’elle ait voulu que ce soit le père des enfants qui leur annonce lui-même son remariage.

Au procès, la deuxième épouse a été dépeinte négativement par la première épouse et les enfants que cette dernière a eus avec le défunt. Il est vrai que l’indifférence de la deuxième épouse et sa froideur envers les enfants sont difficiles à comprendre, de même que ses réactions en cour par rapport au témoignage grave et émouvant de l’un des enfants qui parlait de son père et au fait qu’aucun des enfants n’était présent au mariage et qu’ils avaient été exclus de la vie de ce dernier pendant plusieurs années et absents dans son testament. Ce comportement de la deuxième épouse et ce manque d’em-pathie ne sont pas pour autant une indication qu’elle était de mauvaise foi lors de son mariage avec le défunt.

L’on ne peut revenir sur la question de la validité du mariage puisque le juge Prévost a rendu un jugement final sur cette question. Au moment du mariage entre la deuxième épouse et le défunt, ce dernier était toujours marié à la première épouse puisque le certificat de divorce délivré en janvier 2002 était

nul de nullité absolue, le divorce rendu sous l’égide de la Loi sur le divorce de 1968 n’ayant jamais été déclaré final et irrévocable. Un jugement condi-tionnel de divorce avait prononcé la dissolution du lien matrimonial, mais sous condition suspensive.

L’article 373 C.c.Q. traite des obligations du célébrant avant de procéder au mariage, dont celle de s’assurer du respect des conditions de formation du mariage. Le célébrant doit s’assurer que les futurs époux sont libres de tout lien de mariage antérieur. De plus, en vertu de la Loi d’harmonisation nº 1 du droit fédéral avec le droit civil, laquelle doit être interprétée comme faisant partie intégrante du Code, que nul ne peut contracter un nouveau mariage avant que tout mariage antérieur ait été dissous par le décès ou le divorce ou frappé de nullité.

Ici, il n’y avait aucun décès, divorce ou nullité en juin 2002. Le défunt était marié et il ne pouvait se remarier sans être libre. La bonne foi de la deuxième épouse ne peut pas remédier au fait que son propre mariage était nul et que le premier mariage était toujours valide. Ainsi, les effets du mariage putatif ne peuvent pas enlever à la première épouse ses droits à titre de conjointe survivante comme il sera constaté ci-dessous.

Par ailleurs, en vertu de l’article 382 C.c.Q., le mariage frappé de nullité produit ses effets en faveur des époux qui étaient de bonne foi. Il est pro-cédé notamment à la liquidation de leurs droits patrimoniaux qui sont pré-sumés avoir existé. Le mariage emporte constitution du patrimoine familial. Parmi les règles relatives au partage du patrimoine familial se trouve l’article 425 C.c.Q., lequel article fait référence à l’article 91 de la Loi sur le régime de rentes du Québec (la Loi) en vertu duquel la première épouse, qui est mariée avec le cotisant et n’en est pas judiciairement séparée de corps, doit être qualifiée de « conjoint survivant ». Il s’ensuit que la deuxième épouse a droit aux effets putatifs du mariage en raison de sa bonne foi, soit le par-tage du patrimoine familial, lequel exclut cependant le partage des gains à la Régie des rentes du Québec. En effet, la loi édicte que ces droits sont conférés au conjoint survivant, soit la première épouse.

Législation citée

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 373, 382, 387, 415, 416-426, 425

Loi d’harmonisation no.1 du droit fédéral avec le droit civil, L.C. 2004, ch. 4, art. 4, 7

Loi sur le divorce, S.R.C. 1970, ch. D-8

Loi sur le régime de rentes du Québec, L.R.Q., c. R-9, art. 91, 91a)

Doctrine citée

KARIM, V., Les obligations, articles 1371 à 1496, 3e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2009, p. 54

LEFEBVRE, B., La bonne foi dans la formation du contrat, Cowansville, Édi-tions Yvon Blais, 1998, 304 p.

ROLLAND, L., « La bonne foi dans le Code civil du Québec, du général au particulier », (1996) 26 R.D.U.S. 378, 381

SENÉCAL, J.-P., Droit de la famille québécois, Farnham, Publications CCH/FM

TÉTRAULT, M., Droit de la famille, vol. 1, Le mariage, l’union civile et les conjoints de fait. Droits, obligations et conséquences de la rupture, Cowans-ville, Éditions Yvon Blais, 2010, 1240 p., p. 118

Union de faitEYB 2012-201279

Cour supérieure

Grégoire c. St-Arnaud

550-17-005046-105 (approx. 17 page(s))

25 janvier 2012

JURISPRUDENCE

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6 Reproduction ou diffusion interdite

Décideur(s)

Tessier, Suzanne

Type d’action

REQUÊTE basée sur l’enrichissement injustifié. ACCUEILLIE en partie.

Indexation

FAMILLE ; UNION DE FAIT ; RECOURS ; ENRICHISSEMENT INJUSTIFIÉ ; ENRI-CHISSEMENT ; APPAUVRISSEMENT

Résumé

Les parties ont vécu en union de fait pendant dix ans, de décembre 1999 à septembre 2009. Elles ont toujours occupé un emploi, mais monsieur, qui a été diagnostiqué bipolaire, a été en congé de maladie pendant trois ans. Il souffre également d’une hernie discale, ce qui fait que madame a dû s’occuper de la majorité des travaux domestiques, permettant du même coup d’économiser pour l’entretien ménager, le déneigement et la tonte du gazon. D’autre part, madame contribue à l’entretien des animaux exotiques de monsieur. Elle passe une journée par semaine à nettoyer et à désinfec-ter les lieux en raison du nombre et de la dimension des animaux et rep-tiles logeant dans la résidence de 1100 pieds carrés. De plus, même lorsque monsieur est en congé de maladie, c’est madame qui s’occupe de l’épicerie et de la préparation des repas. C’est elle qui s’occupe du transport de mon-sieur à partir de 2005, soit pendant la période de trois ans pendant laquelle ce dernier est sous le coup d’une interdiction de conduire et, par la suite, lorsqu’il n’a plus d’automobile. Les parties rénovent ensemble la résidence avec l’aide du père de madame, ce qui permet d’économiser sur le coût des matériaux et de la main-d’œuvre.

Les plans de répartition des biens au décès dans un testament sont également un indice que les parties se considéraient comme des partenaires conjugaux et économiques. Or, en 2002, monsieur désigne madame par testament à titre de légataire universelle.

Même si les parties ont une comptabilité distincte, il est certain que monsieur gère unilatéralement les finances du couple. Leurs ressources sont mises en commun. Des sommes d’argent transitent d’un compte à l’autre et elles par-tagent les dépenses communes. L’analyse des carnets démontre une contri-bution entière de tous les revenus de madame à la coentreprise familiale. Ensuite, il y a une intégration commune des revenus et des dépenses des parties. L’ouverture du compte conjoint en 2006 constitue une continuité à l’effort commun d’une union économique. L’apport des parties à l’union économique est similaire, soit 47 % pour madame et 53 % pour monsieur.

Selon la Cour suprême du Canada, l’allégation d’enrichissement injustifié veut essentiellement qu’une partie ait quitté la relation avec une part dispro-portionnée des avoirs accumulés grâce aux efforts conjoints. Or, ici, monsieur conserve tous les avantages d’une union de dix ans sans qu’il reconnaisse de contribution quelconque à madame. En effet, à la fin de la vie commune, l’avoir net de monsieur s’élève à 232 988,26 $.

Il a été établi cependant qu’une partie de l’enrichissement de monsieur découle non pas des efforts conjoints des parties, mais bien de l’apport de biens que monsieur possède avant la cohabitation et qu’il vend pendant celle-ci, d’un legs et d’une mise de fonds dans la résidence habitée par les parties, mais acquise avant la cohabitation. Cet apport de 129 501,15 $ est étranger à l’enrichissement injustifié. Il se justifie et il ne fait pas partie de l’accumu-lation conjointe de la richesse du couple. Il faut donc soustraire cet apport étranger de l’avoir net de monsieur, ce qui donne 103 486,76 $. Compte tenu de cela et des contributions importantes de madame, l’appauvrissement de madame est établi à 50 000 $. Cela représente une part proportionnelle de la richesse accumulée pendant la relation de dix ans attribuable à son apport en services et en biens tout en reflétant que les biens détenus avant la cohabitation ou l’héritage reçu ne sont pas tributaires de l’effort conjoint.

Les parties ont contracté une marge de crédit conjointe en 2006. Elles devront assumer les dettes relatives à cette marge en parts égales, lesquelles s’élèvent à 41 113,14 $. Monsieur tente de prouver que madame a dépensé propor-tionnellement plus que lui en raison de son entreprise de chenil. En fait, il demande de refaire la comptabilité des dépenses par rapport aux revenus pour cette période. L’accumulation de la marge de crédit est due en partie aux améliorations apportées à la résidence, dont l’érection de la clôture, l’ins-tallation du pavé, le système de chauffage et l’achat d’électroménagers. Il est

raisonnable de croire que si la richesse générée par les parties est commune et conjointe, le passif doit être traité de la même manière. D’autant plus que monsieur en bénéficie en conservant la résidence et tous les biens meubles.

Suivi

Inscription en appel, C.A. Montréal, nº 500-09-022481-121, 23 février 2012

Législation citée

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 1493 et s., 1493-1496, 1493, 1494, 1495, 1496, 1619

Jurisprudence citée

Kerr c. Baranow, [2011] 1 R.C.S. 269, 2011 CSC 10, EYB 2011-186472, J.E. 2011-333

L. (C.) c. Le. (J.), EYB 2010-183947, 2010 QCCA 2370, J.E. 2011-116 (C.A.)

Obligation alimentaireEYB 2012-201334

Cour d’appel

M. (F.) c. T. (L.), sub nom. Droit de la famille - 12103

500-09-021955-117 (approx. 8 page(s))

27 janvier 2012

Décideur(s)

Bich, Marie-France ; Doyon, François ; Dufresne, Jacques

Type d’action

APPEL d’un jugement de la Cour supérieure (juge P. Isabelle) ayant accueilli une requête en divorce et en mesures accessoires. REJETÉ.

Indexation

FAMILLE ; DIVORCE ; MESURES ACCESSOIRES ; PENSION ALIMENTAIRE ENTRE CONJOINTS ; FONCTIONS REMPLIES LORS DE LA COHABITATION ; DURÉE DU MARIAGE ; ÉTAT DE SANTÉ ; TERME ; PROCÉDURE CIVILE ; APPEL

Résumé

Le pourvoi de monsieur n’est qu’une reprise du procès, basée sur des argu-ments ayant déjà été soumis au juge de première instance et ayant été rejetés à bon droit par celui-ci compte tenu des principes établis notamment dans les arrêts Moge c. Moge, Bracklow c. Bracklow, Miglin c. Miglin, Leskun c. Leskun, et L.M.P. c. L.S.

Premièrement, le juge a correctement conclu être en présence d’un mariage traditionnel. Monsieur, qui a des revenus importants puisqu’ils sont de près de 100 000 $, a toujours été le soutien de famille principal. Madame n’a travaillé que de façon épisodique, pour des revenus modestes, et cela, en raison de choix conjugaux découlant notamment de sa santé chancelante, du soin des enfants (dont l’un est issu du mariage) et des déménagements de la famille faits pour permettre à la carrière de monsieur de progresser. L’état de dépendance de madame envers monsieur était et demeure entier et il n’y a pas lieu de lui faire supporter seule, sur ce plan, les conséquences de la rupture du mariage. Le fait que madame avait 31 ans au moment du mariage, qu’elle avait déjà eu un enfant et qu’elle travaillait à l’époque ne change pas cet état de dépendance.

Par ailleurs, comme le juge le constate, la preuve n’indique pas que les par-ties se sont entendues pour fixer un terme de 18 mois à la pension alimen-taire. Dans la meilleure des hypothèses pour monsieur, il aurait été convenu que la pension cesserait lorsque madame retournerait sur le marché du tra-vail, condition ne s’étant jamais réalisée et qui ne se réalisera jamais compte tenu de son invalidité totale consécutive à divers maux s’étant manifestés durant le mariage et à un état de santé fragile s’étant détérioré par la suite.

Le juge a soigneusement étudié les critères et objectifs énoncés dans la Loi sur le divorce (la Loi), particulièrement ceux de l’article 15.2 de la Loi, et il fait l’exercice requis par cette disposition telle qu’interprétée notamment dans l’arrêt Bracklow c. Bracklow. Compte tenu de ces critères et objectifs,

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il a eu raison de conclure à l’existence d’une obligation alimentaire de la part de monsieur et le montant de 600 $ par mois qu’il a déterminé est rai-sonnable en fonction des besoins et des ressources respectives des parties.

Le juge n’a pas erré davantage en refusant de fixer un terme à la pension. La Cour a maintes fois répété que les tribunaux ne doivent imposer un terme à la pension alimentaire que dans des circonstances particulières. Ces circons-tances n’ont pas été établies ici, encore que le juge n’ait pas été insensible à l’importance relative de l’obligation imposée à monsieur sur une longue période de temps. En effet, le montant octroyé est inférieur aux besoins de madame établis par le juge. Ce dernier, tout en concluant à une pension alimentaire sans terme en raison de la situation des parties, était conscient du poids relatif que cela représentait pour monsieur. Cela a certainement joué dans le processus de fixation du montant de 600 $ par mois dont il a ordonné le paiement. Ce montant, surtout si l’on en considère l’impact fiscal, est plus que raisonnable, voire un strict minimum, et cela, en fonc-tion de tous les critères applicables et des circonstances.

Il n’y avait pas lieu de fixer, en vertu de l’article 15.2 de la Loi, un terme de révision (ou terme de réévaluation) à la pension. En effet, la fixation d’un tel terme est opportune notamment dans les situations présentant un caractère transitoire ou des éléments indéterminés ou incertains ou encore, lorsque l’on veut inciter une personne à faire certaines démarches.

Aucun de ces cas de figure ne s’applique en l’espèce et le juge disposait de tous les éléments nécessaires pour rendre une ordonnance « définitive » au sens de l’article 15.2 de la Loi. La situation des parties et la preuve qui en a été faite ne présentent pas de caractère transitoire, indéterminé ou incertain et, en particulier, la situation de madame n’est pas susceptible de changer, en tout cas pas à l’intérieur d’une période de temps qui aurait pu justifier un terme de révision. D’autre part, elle ne pouvait pas entreprendre d’autres démarches compte tenu de son état d’invalidité.

Enfin, quand bien même madame aurait dû demander une pension alimen-taire à son fils aîné ou à son père (à supposer qu’ils en aient les moyens, ce qui n’est pas le cas) comme le prétend monsieur, cela n’exempterait pas ce dernier de sa propre obligation alimentaire.

Décision(s) antérieure(s)

C.S. Hull, nº 550-12-026822-071, 15 juillet 2011, J. Pierre Isabelle, EYB 2011-193523

Législation citée

Loi sur le divorce, L.R.C. (1985), ch. 3 (2e suppl.), art. 15.2, 17

Jurisprudence citée

A. c. B., sub nom. Droit de la famille - 11846, EYB 2011-188628, 2011 QCCA 633, J.E. 2011-675 (C.A.)

B. (D.) c. G. (G.), sub nom. Droit de la famille - 102718, EYB 2010-180890, 2010 QCCA 1889, J.E. 2010-1935 (C.A.)

B. (J.) c. G. (L.), sub nom. Droit de la famille - 119, EYB 2011-184513, 2011 QCCA 16, J.E. 2011-107 (C.A.)

B. (R.E.) v. A. (N.), EYB 2004-55544, [2004] R.D.F. 257, J.E. 2004-815 (C.A.)

B. (Y.) c. D. (M.), sub nom. Droit de la famille - 101444, EYB 2010-175662, 2010EXP-2132, 2010 QCCA 1206 (C.A.)

Bracklow c. Bracklow, [1999] 1 R.C.S. 420, REJB 1999-11414, J.E. 99-703

D. (C.) c. R. (S.), sub nom. Droit de la famille - 114129, EYB 2011-199928, AZ-50816489, 2011 QCCA 2400 (C.A.)

F. (D.) c. B. (H.), EYB 2006-111137, B.E. 2006BE-1264, 2006 QCCA 1480 (C.A.)

Hickey c. Hickey, [1999] 2 R.C.S. 518, REJB 1999-12847, J.E. 99-1206

L.M.P. c. L.S., 2011 CSC 64, EYB 2011-199870, J.E. 2012-18

Leskun c. Leskun, [2006] 1 R.C.S. 920, 2006 CSC 25, EYB 2006-106795, J.E. 2006-1279

M. (L.) c. B. (F.), sub nom. Droit de la famille - 103226, EYB 2010-182679, 2010 QCCA 2165, J.E. 2010-2130 (C.A.)

M. (N.) c. A., sub nom. Droit de la famille - 1221, EYB 2012-200442, 2012 QCCA 19 (C.A.)

Miglin c. Miglin, [2003] 1 R.C.S. 303, 2003 CSC 24, REJB 2003-40012, J.E. 2003-790

Moge c. Moge, [1992] 3 R.C.S. 813, EYB 1992-67141, J.E. 93-111

Doctrine citée

TÉTRAULT, M., « L’obligation alimentaire », dans Droit de la famille, vol. 2, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2011, 1872 p., p. 537-541

EYB 2012-201045

Cour d’appel

C. (M.) c. R. (S.), sub nom. Droit de la famille - 1275

500-09-021583-117 (approx. 23 page(s))

23 janvier 2012

Décideur(s)

Dufresne, Jacques ; Kasirer, Nicholas ; Vézina, Paul

Type d’action

APPEL d’un jugement de la Cour supérieure (juge N.-M. Gibeau) ayant accueilli en partie une requête en divorce et en mesures accessoires. REJETÉ.

Indexation

FAMILLE ; DIVORCE ; MESURES ACCESSOIRES ;PENSION ALIMENTAIRE POUR ENFANTS ; ENFANT MAJEUR ; REVENUS DES CONJOINTS ; SOMME FORFAI-TAIRE (SOMME GLOBALE) ; PRESTATION COMPENSATOIRE ; PROCÉDURE CIVILE ; APPEL

Résumé

La juge a fait l’exercice d’établir un juste équilibre entre le droit de monsieur de se réorienter et son obligation alimentaire envers les enfants dans le cadre de l’étude de la décision de monsieur de quitter son emploi à Ottawa. Or, elle a bien déterminé le droit applicable en imputant à monsieur un revenu. Il est vrai que rien ne prouvait que monsieur a agi de mauvaise foi lorsqu’il a quitté son emploi à la compagnie A, mais la juge n’a pas appliqué le critère de la mauvaise foi, et monsieur a tort de prétendre que la juge a décidé que monsieur a agi avec l’intention délibérée de se soustraire à son obligation alimentaire. Il était suffisant pour la juge de conclure que monsieur savait que sa démission allait mettre en péril sa capacité de payer la pension ali-mentaire et que sa décision était déraisonnable en regard de ses responsa-bilités envers les enfants. Il n’y a là aucune erreur de droit.

La juge n’a pas commis d’erreur de fait manifeste et dominante en attribuant à monsieur un salaire de 60 000 $ pour les années 2009 et 2010. Elle n’a pas imputé le revenu total gagné par monsieur à son emploi à Ottawa qui était de 81 200 $. Ainsi, elle n’a pas tenu monsieur responsable pour avoir quitté la compagnie A en soi. Elle a plutôt attribué le revenu qu’il aurait gagné s’il n’avait pas refusé une offre d’un emploi salarié auprès d’une autre compa-gnie en 2007. En outre, le départ de monsieur de la compagnie A coïncide avec sa décision d’introduire une requête en divorce. Bien qu’il ait avisé plus tôt son employeur de son départ, sa décision démontre néanmoins un haut degré de mépris quant à ses obligations financières envers ses enfants. L’une des raisons principales à l’origine de son départ était de s’occuper de son entreprise offrant des soins à domicile à ville A, entreprise qui, au moins à court terme, n’avait pas de chances de lui procurer un salaire équivalent à celui gagné à Ottawa. Ce choix de se réorienter à ce moment-là était dérai-sonnable. De plus, bien que monsieur n’avait pas d’offre ferme d’emploi de rechange, il reconnaît qu’il a décidé de ne pas chercher d’autre poste durant cette période en raison du fait que l’emploi n’était payé que 60 000 $. Cela était également inapproprié et a poussé le juge a lui imputer le salaire précité.

Le dossier de performance de monsieur à la compagnie A, sans être impec-cable, ne soutient pas son assertion qu’il aurait démissionné de son emploi pour éviter un congédiement. Il démontre que monsieur performait suffi-samment, sans prospérer toutefois. Or, au lieu de rétablir les faits auprès de la compagnie A, monsieur a choisi de partir pour vivre une nouvelle expé-rience. Il a expliqué lors des mesures intérimaires qu’il savait qu’il était néces-saire de se réorienter. En outre, il est vrai que durant le mariage, monsieur a été non employé durant seulement une période prolongée. Toutefois, la

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juge était fondée à inférer qu’il a changé d’emploi souvent durant le mariage pour des raisons d’insatisfaction personnelle. Son départ de la compagnie A s’inscrit dans ce mode de comportement.

La prétention que les enfants n’ont pas subi de conséquences indues en raison du choix de monsieur est spécieuse. Monsieur n’était pas libre de réduire son revenu ou de limiter sa capacité d’honorer ses obligations finan-cières envers ses enfants en présumant que madame était suffisamment riche pour couvrir le déficit de pension alimentaire.

Enfin, monsieur n’a pas présenté de preuve au soutien de sa prétention que la décision de lui imputer un salaire reflète un préjugé de la juge envers les hommes qui gagnent moins que leurs femmes. La juge s’est basée sur l’historique d’emploi personnel de monsieur et elle a été impartiale. Mon-sieur n’a pas été puni en raison du fait qu’il gagnait moins que son épouse.

Par ailleurs, monsieur réclame 750 000 $ soit à titre de prestation compen-satoire, soit à titre de somme globale ou même une combinaison des deux. Cette approche repose sur la prémisse erronée que ces deux notions sont interchangeables et qu’il s’agit de « vases communicants » lorsqu’une cour doit décider des conséquences financières d’un divorce. Les deux remèdes, soit la prestation compensatoire pour un enrichissement injustifié durant le mariage et la somme globale qui est une réclamation de nature alimentaire, ont des justifications et des fondements légaux différents. En fait, même lorsqu’une somme globale est ordonnée à titre compensatoire en vertu de l’article 15.2 de la Loi sur le divorce (la Loi), son orientation demeure ali-mentaire et donc, généralement parlant, de caractère prospectif. Même lorsqu’une somme globale cherche à indemniser un époux pour la perte de chances d’avancement subies à l’avantage de l’autre époux, le montant octroyé n’indemnise pas l’époux pour les contributions passées. Au lieu de cela, il procure un capital représentant une valeur future, comme aliment, de la perte de chances d’avancement. Par contraste, une prestation com-pensatoire basée sur la preuve d’un enrichissement injustifié subi dans le passé est rétrospective par nature. La prestation compensatoire ne se base pas sur les besoins, mais sur la contribution passée d’un époux à l’enrichis-sement de l’autre.

Concrètement, cela signifie que monsieur doit s’acquitter de son fardeau de preuve, qui est distinct selon que sa réclamation porte sur la prestation compensatoire ou la somme globale. Or, la juge n’a pas commis d’erreur de droit en étudiant la réclamation de monsieur basée sur la prestation compen-satoire. Elle a bien appliqué les six critères applicables. Il est possible de voir quels motifs se rattachent à chaque critère même si son texte n’est pas struc-turé en six points. À la fin, elle dit précisément que monsieur n’a pas établi que madame s’est enrichie à ses dépens. Le défaut de monsieur de remplir ce critère était fatal. La juge n’a pas davantage commis l’erreur de proposer que les époux régis par le régime matrimonial de la séparation de biens ne peuvent se réclamer des prestations compensatoires. La juge a plutôt affirmé que la prestation compensatoire est un remède pour l’enrichissement injus-tifié et qu’à défaut de preuve de celui-ci, il ne peut être conçu comme un moyen de redistribuer la richesse sur une autre base. Ce commentaire vou-lant que la prestation compensatoire ne puisse pas gommer les effets de la séparation de biens signifie que la règle du régime matrimonial s’applique lorsque, comme ici, il n’y a pas de preuve d’enrichissement injustifié. Cet énoncé est correct en droit. En fait, la juge a décidé que monsieur n’avait pas fait d’apport en biens ou en services au sens de l’article 427 C.c.Q. qui avait enrichi indûment le patrimoine de madame.

La juge n’a pas commis d’erreur de droit ou de fait en appréciant les contri-butions de chaque époux. Elle a correctement préféré l’évaluation proposée par madame puisque monsieur sous-estimait les contributions de madame et surestimait les siennes. Selon madame, elle a contribué aux charges du ménage à hauteur de 60 %. Monsieur prétend que les chiffres favorisent sa réclamation puisqu’il gagnait moins que madame. Selon lui, quand bien même il aurait payé seulement 40 % des dépenses comme le dit madame, cela aurait été tout de même au-delà du montant qu’il aurait dû payer en raison de la disparité entre les revenus des parties. Il prétend qu’il gagnait près de 20 % du revenu familial et qu’il a donc payé plus que sa part. Or, son raisonnement omet de considérer que la prestation compensatoire n’est pas une comptabilité des dépenses payées, mais un remède pour un enri-chissement injustifié durant le mariage. Monsieur ne peut rechercher une indemnisation que pour les contributions fournies en excès ayant enrichi madame. Il n’a pas convaincu la juge d’une telle contribution de sa part ni que madame avait failli à remplir sa propre obligation de contribuer aux

charges du ménage. Une raison additionnelle pour rejeter les calculs de mon-sieur est le fait qu’ils font fi des apports non pécuniaires de madame. Or, monsieur a reconnu que c’est madame qui a consacré le plus de temps au soin des enfants, et cela, en dépit de son travail exigeant. La juge n’a pas commis d’erreur en exerçant sa discrétion dans le cadre de la difficile tâche qu’est le fait d’établir les contributions des parties après un long mariage.

Le refus d’octroyer une prestation compensatoire n’est pas le résultat d’un préjugé fondé sur le sexe. La juge aurait erré en droit si elle avait présumé qu’une partie des économies de madame était le fruit de l’entreprise com-mune du mariage. Les revenus épargnés par madame n’étaient pas plus des biens communs ou acquêts que ceux que monsieur a pu lui-même accumu-ler. Un époux peut avoir droit à une partie des économies de son épouse à titre de prestation compensatoire, même s’il est marié en séparation de biens, mais encore faut-il qu’il s’acquitte de son fardeau de prouver l’enri-chissement injustifié de son épouse. La juge a évalué la preuve soumise par monsieur et elle était pleinement consciente qu’elle devait faire preuve de souplesse dans son évaluation de la preuve. Elle savait qu’il s’agissait d’un mariage de longue durée et qu’en vertu de l’article 427 C.c.Q., monsieur n’était pas tenu de faire une démonstration au dollar près du lien entre les diverses sources d’appauvrissement et l’enrichissement allégué de madame. Toutefois, ces règles souples en matière de lien de causalité ne corres pondent pas à une présomption d’enrichissement injustifié et la juge a considéré que monsieur ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve. Elle était d’avis que le montant de 750 000 $ réclamé n’avait pas de lien de causalité plau-sible avec la richesse accumulée par madame. Après avoir pris connaissance de la preuve, la juge a conclu que les épargnes de madame n’étaient pas le fruit de la contribution excessive de monsieur aux charges du ménage, mais aux années de travail acharné de madame. Ce faisant, elle ne commet pas d’erreur. À défaut de preuve d’un enrichissement injustifié en vertu de l’article 427 C.c.Q., la réclamation de 750 000 $ de monsieur revient à une demande de redistribution des éléments d’actif des parties qui étaient mariées en séparation de biens. En somme, monsieur demande soit une part des biens de son épouse à laquelle il n’a pas droit, soit un remboursement complet de toutes ses contributions aux dépenses du mariage et bien plus. La prestation compensatoire ne joue aucun de ces rôles.

Le moyen d’appel attaquant le refus de la juge d’octroyer une somme glo-bale est également rejeté. D’emblée, soulignons qu’il ne s’agit pas d’un cas où l’un des époux est autorisé à présenter une réclamation pour une pension alimentaire de nature compensatoire au sens de l’arrêt Moge. Le rôle joué par monsieur durant le mariage, dont son implication auprès des enfants, ne l’a pas placé dans une situation justifiant l’octroi d’une pension alimentaire pour l’indemniser d’une perte de chance d’avancement. Monsieur avait ses propres raisons pour changer d’emploi au fil des ans, et son dossier d’em-ploi ne peut pas être expliqué par les sacrifices qu’il a dû faire pour favori-ser la carrière de madame durant le mariage. La situation de monsieur est complètement différente de celle des époux qui quittent le marché du tra-vail et refusent des opportunités professionnelles au profit de l’avancement de la carrière et des salaires de leurs époux. Si monsieur était demeuré à la maison, qu’il avait quitté des emplois ou autrement ralenti l’avancement de sa propre carrière afin de permettre à son épouse de travailler plus, l’af-faire aurait été différente. Or, il a gagné un revenu tout comme madame et leurs carrières respectives ont commencé au même point et ont conti-nué sur des chemins parallèles sinon inégaux. Monsieur n’était pas un père à la maison. Ses choix de carrière n’étaient pas dictés par ce que la juge L’Heureux-Dubé, dans l’arrêt Moge, appelle une répartition des tâches entre les époux. Autrement dit, ce n’était pas le rôle des parties qui a provoqué la disparité financière au moment du divorce. Madame est peut-être l’épouse la plus avantagée durant le mariage, mais cela n’a pas résulté des sacrifices de monsieur dans sa carrière au profit de madame.

Il n’y a pas de motif pour accorder à monsieur une somme globale com-pensatoire. En accordant des fonds pour combler les besoins alimentaires, la somme globale peut dans certains cas permettre une égalité substan-tielle entre les époux au moment du divorce, que ce soit un homme ou une femme, mais cela ne leur procure pas un droit de jure aux épargnes de leur époux en fonction uniquement de la disparité importante entres leurs élé-ments d’actif lors d’un mariage de longue durée.

De plus, monsieur n’a pas droit à une somme globale sur une base non compensatoire. Dans certaines circonstances, une somme globale peut être accordée afin de permettre à un époux économiquement désavantagé de maintenir un niveau de vie qu’il avait durant le mariage. Toutefois, la nature

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alimentaire de la somme globale demeure. Monsieur est un comptable pou-vant exercer au Canada et aux États-Unis. Il exerce un emploi au gouver-nement qui le rend indépendant financièrement de madame. En fait, au moment du procès, il gagne plus qu’elle et ses conditions d’emploi sont meilleures. Ses doléances quant aux conditions difficiles reliées au fait d’exer-cer un emploi dans le Nord ne sont pas pertinentes.

Monsieur, qui a 56 ans, se plaint essentiellement qu’il comptait sur le capi-tal accumulé par l’épouse pour avoir une retraite confortable.

Il est vrai que le régime de retraite de monsieur, étant donné qu’il a com-mencé à travailler tard dans sa vie à son nouvel emploi, est modeste. Il est également vrai que ses REER le placent dans une position beaucoup moins enviable que celle de madame en vue de la retraite. Néanmoins, lui et madame ont expressément renoncé à se réclamer mutuellement des pen-sions, non seulement en adoptant le régime de la séparation de biens, mais également en demandant d’être exemptées de l’application des règles du patrimoine familial en 1990. Ainsi, les parties n’avaient pas l’expectative que leurs épargnes pour la retraite étaient parties prenantes à une entreprise commune dans ce mariage. Comme le reste des arrangements financiers existant entre eux, chaque époux était responsable de sa propre planifica-tion de retraite. L’entreprise commune, si elle existait, tournait autour des enfants. Chaque partie assumait ses dépenses personnelles. Notamment, les parties n’ont jamais acheté de biens ensemble. Ils louaient un logement. Leur train de vie n’était pas extravagant.

Le désavantage financier de monsieur est causé par ses propres choix.

La juge a correctement circonscrit le litige en se demandant si monsieur a établi son droit à une somme globale pour pallier le fardeau économique subi en raison du mariage ou de son échec. Elle a souligné particulièrement que la réclamation se basait essentiellement sur la perte de la sécurité finan-cière de monsieur à long terme. Après avoir cité les facteurs et objectifs per-tinents, elle a posé les constats suivants : monsieur a un salaire de 115 000 $ et un régime de retraite, un salaire de consultant et un intérêt dans un petit commerce. Elle exprime ensuite l’avis que l’insécurité financière de monsieur, pour utiliser les mots de celui-ci, était le résultat de son plan de carrière erra-tique, qu’il a lui-même choisi. Cette caractérisation est juste et pleinement étayée par le dossier d’emploi.

Monsieur a rarement conservé le même employeur. Pour sa part, madame a conservé le même emploi tout au long du mariage et, pour un temps, en a retiré les bénéfices. Cela explique le commentaire de la juge que monsieur a « mené sa carrière selon ses désirs et son bon vouloir : il doit maintenant en assumer les conséquences sans en faire payer le prix à madame ». Ce com-mentaire n’a rien à voir avec le sexe de monsieur. Il se rapporte entièrement à l’historique d’emploi de monsieur durant le mariage.

Madame a accumulé de la richesse durant le mariage parce qu’elle a tra-vaillé dur et, excepté pour les enfants, elle a vécu selon le mode de vie que monsieur pouvait lui-même se procurer compte tenu de son revenu moindre. Notons que monsieur a quand même mis 400 000 $ de côté, ce qui est important compte tenu du revenu qu’il a gagné durant le mariage. La juge a correctement noté que la somme globale n’est pas un moyen de redis-tribution des patrimoines des conjoints et conserve sa finalité alimentaire. En établissant les besoins et les moyens des parties pour l’avenir, la juge a décidé que monsieur n’a pas rempli ces conditions. Ce faisant, elle n’a pas erré. Le pourvoi est donc rejeté.

Décision(s) antérieure(s)

C.S. Montréal, nº 500-12-291084-071, 9 mars 2011, J. Nicole-M. Gibeau, EYB 2011-187536

Législation citée

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 396, 396(2), 427

Code de procédure civile, L.R.Q., c. C-25, art. 825.14

Loi sur le divorce, L.R.C. (1985), ch. 3 (2e suppl.), art. 15.2, 15.2(4), 15.2(6)

Jurisprudence citée

Bracklow c. Bracklow, [1999] 1 R.C.S. 420, REJB 1999-11414, J.E. 99-703

Droit de la famille - 2052, REJB 1994-57439, J.E. 94-1471 (C.A.)

F. (R.) c. B. (G.), sub nom. Droit de la famille - 2545, REJB 1996-65589, [1996] R.D.F. 745, J.E. 96-2222 (C.A.)

F. (R.) c. P. (Re.), sub nom. Droit de la famille - 111504, EYB 2011-191085, 2011 QCCA 979, J.E. 2011-961 (C.A.)

Hickey c. Hickey, [1999] 2 R.C.S. 518, REJB 1999-12847, J.E. 99-1206

L. (F.) c. N. (R.), EYB 2005-90412, 2005 QCCA 498, J.E. 2005-1016 (C.A.)

L. (G.) c. F. (N.), REJB 2004-64852, 2004 CanLII 14904, [2004] R.D.F. 489, J.E. 2004-1189 (C.A.)

Lacroix c. Valois, [1990] 2 R.C.S. 1259, EYB 1990-67822, [1990] R.D.F. 660, J.E. 90-1502

M. (M.E.) c. L. (P.), [1992] 1 R.C.S. 183, EYB 1992-67845, [1992] R.D.F. 119, J.E. 92-209

Moge c. Moge, [1992] 3 R.C.S. 813, EYB 1992-67141, J.E. 93-111

P. (S.) c. R. (M.), [1996] 2 R.C.S. 842, REJB 1996-30587, J.E. 96-1685

S. (C.) c. G. (M.), EYB 2005-93401, [2005] R.D.F. 538, 2005 QCCA 702, J.E. 2005-1481 (C.A.)

Doctrine citée

ANFOUSSE, S., « Prestation compensatoire », dans Personnes et famille,, fasc. 19, JurisClasseur, Montréal, LexisNexis, 2011, nº 37

GOUBEAU, D., « La prestation compensatoire » dans Droit de la famille qué-bécoise, vol. 2, Brossard, Publications CCH, p. 90.600

MAYRAND, A., « Égalité en droit familial québécois », (1985) 19 R.J.T. 249

PINEAU, J., « L’autorité dans la famille », (1965) 7 C. de D. 201

PINEAU, J. et PRATTE, M., La famille, Montréal, Éditions Thémis, 2006, 1057 p., nº 133

EYB 2012-200442

Cour d’appel

M. (N.) c. A., sub nom. Droit de la famille - 1221

500-09-021484-118 (approx. 19 page(s))

10 janvier 2012

Décideur(s)

Beauregard, Marc ; Hilton, Allan R. ; Rochon, André

Type d’action

APPEL d’un jugement de la Cour supérieure (juge M. Déziel) ayant accueilli en partie une requête en divorce et en mesures accessoires. ACCUEILLI en partie. APPEL incident. REJETÉ.

Indexation

FAMILLE ; DIVORCE ; MESURES ACCESSOIRES ; PENSION ALIMENTAIRE ENTRE CONJOINTS ; ÂGE ; SANTÉ ; DURÉE DE LA COHABITATION ; FONC-TIONS REMPLIES LORS DE LA COHABITATION ; CAPACITÉ DE PAYER ; REVE-NUS DES CONJOINTS ; AUTONOMIE FINANCIÈRE DU CONJOINT ; CAPACITÉ DE TRAVAILLER ; TERME ; IMPACT FISCAL ; SOMME GLOBALE ; PROVISION POUR FRAIS ; PATRIMOINE FAMILIAL ; PARTAGE ; DATE DE PARTAGE ; PRO-CÉDURE CIVILE ; APPEL ; APPEL INCIDENT

Résumé

Le juge de première instance a fixé à 6 244 $ par mois la pension alimen-taire entre conjoints payable à madame. Il est acquis au débat que celle-ci a droit à une pension alimentaire compensatoire. Le débat porte sur le quan-tum et la durée de l’ordonnance.

Le juge entreprend correctement son analyse de la matière. Il reconnaît que madame est la personne subissant les inconvénients économiques découlant de l’échec du mariage. Il ajoute que cet inconvénient se reflète par une perte de capacité de gains. Madame a mis fin à son emploi en 1990 pour s’occu-per des enfants et elle doit maintenant retourner sur le marché du travail.

Il poursuit par l’étude du second objectif énoncé à l’article 15.2(6)b) de la Loi sur le divorce (la Loi). À cet égard, il fait le constat que madame ne subit

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10 Reproduction ou diffusion interdite

plus les inconvénients qui découlent du soin des enfants, ce que les par-ties reconnaissent.

Puis, le juge entreprend l’étude de l’objectif visant à favoriser l’indépendance économique des époux. Il conclut que madame ne fait pas les efforts requis pour atteindre son indépendance économique. Selon lui, elle a une forma-tion supérieure à la moyenne. Elle n’a fait aucune démarche pour obtenir un emploi à la hauteur de ses compétences. Elle consacre un temps consi-dérable à des voyages avec son nouvel ami, temps qu’elle ne prend pas pour chercher ou occuper un emploi. Il conclut que madame peut bien organi-ser sa vie comme elle l’entend, mais qu’elle doit assumer les conséquences de ses choix. Madame soutient que le juge aurait erré en fait puisque son entreprise de décoration lui procurerait un revenu annuel d’environ 25 000 $ et qu’il s’agirait de la meilleure façon de maximiser sa capacité de gains.

Quand bien même le juge aurait commis des erreurs de fait manifestes, cel-les-ci ne seraient pas déterminantes puisqu’au lieu de réduire la pension d’un revenu hypothétique qu’aurait pu gagner madame si elle avait fait les efforts utiles pour atteindre son autonomie financière, il a fixé la pension alimentaire selon le revenu réel de 25 000 $ de l’entreprise de décoration de madame.

Par contre, le juge a commis deux erreurs de principes dans son étude des besoins de madame. En premier lieu, il a procédé à des coupures radicales de certaines dépenses, niant ainsi à madame un niveau de vie comparable à celui d’avant la séparation alors que monsieur a les ressources financières pour maintenir ce niveau de vie, du moins en grande partie. En deuxième lieu, il a fait supporter entièrement au nouvel ami de madame des dépenses de voyage sans que ce transfert du fardeau financier soit justifié.

Quant aux coupures radicales, le juge n’a pas expliqué pourquoi il a réduit à zéro le poste réclamé pour le service d’entretien domestique et le poste « repas extérieurs et loisirs ». Il n’explique pas pourquoi il a refusé les frais de la thérapie suivie par madame auprès d’un psychologue, frais pourtant non contestés par monsieur. Il n’accorde rien à madame pour son épargne-retraite alors qu’il s’agit d’un élément important en vue de lui permettre d’acquérir son autonomie financière. La préparation à la retraite est un besoin reconnu de façon constante tant par le droit prétorien que par la doctrine.

Le juge justifie son refus par le fait que madame capitalise un montant équi-valant à celui envisagé pour l’épargne-retraite par le biais de ses versements hypothécaires afférents à la résidence de 462 500 $ qu’elle s’est achetée à même la somme de 286 400 $ reçue par suite du partage du patrimoine familial. Il est d’avis que cette résidence est au-dessus de ses moyens.

La preuve ne permet pas de quantifier avec précision l’économie que madame aurait pu faire en achetant une résidence moins dispendieuse. Néanmoins, il était inapproprié de nier son droit de préparer adéquatement sa retraite, et cela, d’autant plus que monsieur fait des contributions significatives à son régime de retraite, comme il capitalise un certain montant par le biais de paiements à sa nouvelle conjointe qui est l’unique propriétaire de la rési-dence habitée par le couple. En cas de rupture, celle-ci s’est engagée à lui remettre ces contributions.

Par ailleurs, le juge erre en refusant d’accorder à madame un montant pour couvrir ses dépenses de voyage au motif que son ami assume celles-ci. Cette approche est exclusivement basée sur les « besoins ». L’aspect compensa-toire est absent. Il en résulte que madame ne peut envisager de voyager, seule ou avec ses enfants, à moins que le nouveau conjoint n’en assume le coût. Bien que madame et son ami ne vivent pas en concubinage, ils font vie commune les fins de semaine, et ils ont développé une « relation privi-légiée » permettant à madame « d’aspirer à un avenir à la hauteur de ses espé rances » pour reprendre les expressions du juge. Même s’il fallait les considérer comme des conjoints de fait, le juge ne pouvait relayer à l’ami la responsabilité alimentaire de l’ex-époux.

Par contre, s’il faut reconnaître à madame le droit de maintenir un niveau de vie comparable à celui d’avant la séparation, ce qui inclut des dépenses de voyage dont les parties ne se privaient pas, il faut également considérer la contribution actuelle de l’ami à certaines dépenses de madame. À défaut, il en résulterait un enrichissement injustifié pour madame. Cependant, sa demande aurait dû réussir en partie.

Il faut pondérer ces hausses en soustrayant un pourcentage des dépenses d’habitation de madame qui, selon le juge des faits, a fait à cet égard des

choix inappropriés. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et en pre-nant comme point de départ les objectifs de la Loi et en tenant compte des facteurs énoncés à l’article 15.2(4), il convient de majorer de 2 000 $ par mois la pension alimentaire de madame pour l’établir à 8 244,42 $, ce qui représente pour monsieur un montant net de 4 269,42 $.

Le juge a estimé que la demande de monsieur de fixer un terme définitif à la pension alimentaire était prématurée. Il a plutôt opté pour un terme de révision de deux ans. Madame a soutenu que son entreprise de décoration était son seul moyen d’acquérir son autonomie financière. Il s’agit d’une entreprise en démarrage. Elle compte y tirer un revenu annuel de 25 000 $. Elle déclare aimer ce type de travail qui lui procure beaucoup de flexibilité dans l’organisation de son temps. Or, le juge n’est pas de cet avis. Madame reconnaît n’avoir fait aucune démarche pour trouver un emploi dans un de ses champs de compétence ou avoir cherché à mettre à niveau ceux-ci. Actuellement, elle se contente d’assister à des conférences sur l’histoire de l’art. Au début de son mariage, elle a exercé différents emplois : styliste, haute couture, coordonnatrice de mode, publicité et décoration. Sa forma-tion scolaire et professionnelle l’avait préparée à ces emplois.

Le juge conclut, d’une part, que madame pourrait faire beaucoup mieux, et, d’autre part, qu’elle refuse d’abandonner un style de vie qui ne lui procure pas toute la disponibilité nécessaire pour occuper un emploi rémunérateur.

Il s’agit là d’une appréciation factuelle du juge dénuée d’erreur révisable. Ce qui a vraisemblablement frappé l’esprit du juge est l’absence même de tout effort ou de toute tentative de madame pour obtenir un emploi à l’intérieur de ses champs de compétence. En acceptant de faire les efforts nécessaires, madame pourrait combler une partie de ses besoins selon le juge. Quant à l’ami de madame, l’analyse du juge est prospective. À bon droit, il conclut que cet ami n’a aucune obligation alimentaire envers madame.

À partir de ces prémisses factuelles, le juge opte pour un terme de réévalua-tion. Or, ce faisant, il n’impose pas un fardeau de preuve particulier. Il n’écrit pas que l’ordonnance alimentaire prendra fin à défaut d’une démonstration quelconque de madame. Il veut inciter madame à effectuer des démarches d’emploi susceptibles de favoriser son indépendance financière en totalité ou en partie. Autrement dit, en l’absence d’efforts honnêtes et sérieux de la part de madame, le juge réviseur pourra conclure que sa dépendance finan-cière ne découle plus, du moins en partie, du mariage, mais de l’absence d’efforts adéquats pour acquérir son autonomie ou de ses choix personnels.

D’aucuns pourraient soutenir qu’en fonction de la nature compensatoire de l’ordonnance alimentaire à laquelle madame a droit, celle-ci pourra tou-jours exiger des aliments puisqu’elle est privée pour l’avenir d’une capa-cité de gains causée par la fonction occupée durant le mariage. Or, il serait spéculatif de s’avancer sur ce terrain puisque, retenant l’idée civiliste de la créance alimentaire, celle-ci dépendra en tout temps des ressources du débi-teur et des besoins du créancier. Si besoin était, il convient de préciser que la nature compensatoire des aliments traduit la perte permanente de capa-cité de gains causée à madame par son absence du marché du travail pen-dant ces longues années. Il va de soi que cette perte de capacité de gains devra également être considérée par le juge réviseur, le cas échéant. La solu-tion préconisée par le juge est conforme aux enseignements de la doctrine et du droit prétorien.

Il n’y a pas lieu d’intervenir quant au refus du juge de tenir compte de la marge de crédit aux fins du partage du patrimoine familial. La marge de crédit couvrait pêle-mêle diverses dépenses de la famille. L’endettement s’est alourdi à compter de 2003 par suite de différents investissements dans la résidence principale et la résidence secondaire des parties. Rien ne permet de distinguer l’affectation de ces dépenses.

Par ailleurs, monsieur attaque l’octroi de la somme globale par le juge et madame déplore le rejet de sa demande de provision pour frais, deux demandes de nature alimentaire où le pouvoir discrétionnaire de la Cour supérieure commande la déférence de la Cour d’appel. À cet égard, aucune partie n’a démontré l’existence d’une erreur révisable. Le juge a rejeté la demande de somme globale pour trois motifs. Il n’y a rien à redire sur le premier motif voulant qu’il appartienne à la Cour de l’impôt et non pas à la Cour supérieure de trancher le litige sur le caractère imposable de cer-taines des dépenses afférentes à la résidence familiale payées par monsieur, de sorte que madame n’avait pas droit à une somme globale pour payer les honoraires d’avocats pour le litige dont était saisie la Cour canadienne de

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l’impôt à ce sujet. Le deuxième motif tient au fait que madame aurait usé de la marge de crédit de façon inconsidérée, une conclusion purement fac-tuelle tenant compte des ordonnances alimentaires au profit de madame depuis décembre 2007. Encore une fois, il n’y a pas matière à intervention. Troisièmement, le juge a correctement refusé d’accorder une somme glo-bale pour couvrir les impôts impayés en 2010. En effet, au cours de l’année 2010, madame recevait une pension alimentaire de 8 834 $ par mois qui tenait nécessairement compte du coût fiscal pour elle. Elle ne peut pas être admise à réclamer une deuxième fois des montants inclus dans l’ordonnance alimentaire, montants qu’elle aurait dû mettre de côté pour s’acquitter de ses obligations fiscales comme tout autre citoyen.

Il n’y a pas lieu non plus de réduire ou d’annuler la provision pour frais accordée à madame. Certes, celle-ci a toujours été l’instigatrice des procé-dures judiciaires. Elle a obtenu deux provisions pour frais de 8 000 $, l’une en décembre 2007 et l’autre en avril 2009. Il n’y a pas d’abus de la part de madame qui a eu en grande partie gain de cause dans tous les débats pro-visoires. En dépit du niveau d’endettement de monsieur, la décision du juge d’accorder 35 000 $ de provision pour frais pour le débat au fond n’est pas déraisonnable.

Beauregard Il convient de souscrire à l’avis de mes collègues que le juge n’a pas donné suffisamment de poids à l’objectif visant à remédier à toute difficulté économique que l’échec du mariage cause aux époux prévu par l’article 15.2(6)c) de la Loi.

Ce dossier est similaire à l’affaire C. (T.) c. K. (A.), sub nom. Droit de la famille – 112606 et il convient d’appliquer la méthode préconisée dans les motifs du soussigné contenus dans cet arrêt.

En fonction de revenus respectifs de monsieur et de madame de 500 000 $ et de 25 000 $, de l’impact fiscal de la pension alimentaire, des dépenses payées pour les enfants, des frais de scolarité payables par monsieur, du coût net de l’achat d’un régime enregistré d’épargne-retraite (un REER) par celui-ci et du coût net d’un REER auquel madame se doit et doit à monsieur de contribuer, la pension de 75 000 $ par année fixée par le juge fait que celle-ci dispose de seulement 66 000 $ pour vivre alors que l’intimé jouit d’environ 191 000 $.

En considérant les mêmes éléments, une pension alimentaire de 100 000 $ par année procurerait à madame 79 000 $ pour vivre tandis que monsieur disposerait de 178 000 $ par année, ce qui est plus équitable.

Néanmoins, étant donné que mes collègues sont d’avis que la pension doit être de 8 244,42 $ par mois, il convient de réduire la pension annuelle à 98 933,04 $ et de conclure comme eux.

Décision(s) antérieure(s)

C.S. Montréal, nº 500-12-291712-077, 1er février 2011, J. Michel Déziel, EYB 2011-185810

Législation citée

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 416, 417

Loi sur le divorce, L.R.C. (1985), ch. 3 (2e suppl.), art. 15.2, 15.2(4), 15.2(6), 15.2(6)b), 15.2(6)d)

Jurisprudence citée

A. (M.) c. B. (J.), sub nom. Droit de la famille - 082458, EYB 2008-148366, B.E. 2009BE-736, 2008 QCCS 4598 (C.S.)

B. (C.) c. T. (S.), sub nom. Droit de la famille - 103014, EYB 2010-182277, [2010] R.D.F. 764, 2010 QCCS 5530, J.E. 2010-2087 (C.S.)

B. (G.) c. G. (J.), EYB 2002-107451, AZ-50138703 (C.S.)

Boston c. Boston, [2001] 2 R.C.S. 413, 2001 CSC 43, REJB 2001-25002, J.E. 2001-1389

Bracklow c. Bracklow, REJB 1999-11414, J.E. 99-703 (C.S.C.)

C. (A.) v. F. (O.), EYB 2005-90135, [2005] R.D.F. 423, J.E. 2005-980 (C.S.)

C. (I.) c. W. (J.), sub nom. Droit de la famille - 10238, EYB 2010-169522, [2010] R.D.F. 58, 2010 QCCA 240, J.E. 2010-434 (C.A.)

C. (T.) c. K. (A.), sub nom. Droit de la famille - 112606, EYB 2011-194830, 2011 QCCA 1554, J.E. 2011-1533 (C.A.)

D. (F.) c. B. (C.) sub nom. Droit de la famille - 2770, REJB 1997-1952, [1997] R.D.F. 735, J.E. 97-1794 (C.S.)

Droit de la famille - 0746, EYB 2007-112914, AZ-50407737, 2007 QCCS 87 (C.S.)

Droit de la famille - 2166, EYB 1995-56282, [1995] R.J.Q. 999, J.E. 95-748 (C.A.)

Droit de la famille - 901, EYB 1990-59726, [1990] R.J.Q. 2771, J.E. 90-1538 (C.A.)

F. (O.) v. C. (A.), EYB 2005-98209, 2005 QCCA 1136 (C.A.)

G. (L.) c. B. (G.), [1995] 3 R.C.S. 370, EYB 1995-67821, [1995] R.D.F. 611, J.E. 95-1774

G. (R.) c. A. (G.), EYB 2003-44115, AZ-50179169 (C.S.)

Hickey c. Hickey, REJB 1999-12847, J.E. 99-1206 (C.S.C.)

L. (D.) c. B. (G.), sub nom. Droit de la famille - 101517, EYB 2010-176371, AZ-50651214, 2010 QCCS 2963 (C.S.)

L. (S.) c. L. (R.), sub nom. Droit de la famille - 2397, REJB 1996-30555, [1996] R.D.F. 222, J.E. 96-858 (C.A.)

Leskun c. Leskun, [2006] 1 R.C.S. 920, 2006 CSC 25, EYB 2006-106795, J.E. 2006-1279

M. (N.) c. M. (J.), sub nom. Droit de la famille - 2707, REJB 1997-1748, [1997] R.D.F. 447, J.E. 97-1391 (C.A.)

Moge c. Moge, [1992] 3 R.C.S. 813, EYB 1992-67141, J.E. 93-111

P. (C.) c. G. (M.), sub nom. Droit de la famille - 10829, EYB 2010-172408, [2010] R.D.F. 201, 2010 QCCA 713, J.E. 2010-754 (C.A.)

P. (D.) c. S. (A.), sub nom. Droit de la famille - 102903, EYB 2010-181657, AZ-50686438, 2010 QCCS 5260 (C.S.)

P. (L.) c. B. (M.), REJB 2003-37555, [2003] R.D.F. 74, J.E. 2003-281 (C.S.)

P. (L.) c. B. (M.), EYB 2004-54662, AZ-04019558 (C.A.)

S. (L.) c. C. (A.), EYB 2006-107157, [2006] R.D.F. 475, 2006 QCCA 888, [2006] R.J.Q. 1574, J.E. 2006-1366 (C.A.)

V. (C.) c. D. (M.), sub nom. Droit de la famille - 082812, EYB 2008-150247, AZ-50519812, 2008 QCCS 5243 (C.S.)

Doctrine citée

SENÉCAL, J.-P., Droit de la famille québécois, Farnham, Publications CCH/FM, 2011, vol. 2, nº 70-050, p. 5.553-5.555, nº 70-125, p. 5.570

TÉTRAULT, M., « De choses et d’autres en droit de la famille - La revue annuelle de la jurisprudence de 2009-2010 » dans Développements récents en droit familial (2010), Service de formation continue, Barreau du Québec, vol. 326, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2010, p. 265, EYB2010DEV1705

TÉTRAULT, M., Droit de la famille, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, liv, 2399 p., p. 817, EYB2005DRF73

EYB 2012-202267

Cour d’appel

H. (C.) c. V. (H.), sub nom. Droit de la famille - 12249

500-09-021698-113 (approx. 6 page(s))

14 février 2012

Décideur(s)

Dutil, Julie ; Giroux, Lorne ; Wagner, Richard.

Type d’action

APPEL d’un jugement de la Cour supérieure (juge N.-M. Gibeau) ayant statué sur une requête en modification de pension alimentaire. ACCUEILLI en partie.

Indexation

FAMILLE ; PENSION ALIMENTAIRE POUR ENFANTS ; ENFANT MINEUR ; ENFANT MAJEUR ; ORDONNANCE MODIFICATIVE ; LIGNES DIRECTRICES FÉDÉRALES SUR LES PENSIONS ALIMENTAIRES POUR ENFANTS ; REVENUS DES PARENTS ; DIFFICULTÉS EXCESSIVES ; FRAIS PARTICULIERS ; FRAIS D’ÉTUDES POSTSE-CONDAIRES ; PROCÉDURE CIVILE ; APPEL ; RÈGLEMENT SUR LA FIXATION DES PENSIONS ALIMENTAIRES POUR ENFANTS

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12 Reproduction ou diffusion interdite

Résumé

Les parties ont deux enfants, une fille de 18 ans étudiant à l’université et vivant en logement à ville A et un autre enfant âgé de 15 ans. Madame, qui a la garde des enfants depuis 2007, vit aux États-Unis. Monsieur se pourvoit contre le jugement ayant statué sur la requête de madame en modification de pension alimentaire pour enfants.

L’appel est accueilli en partie. Premièrement, la juge a erré en calculant la pension alimentaire en fonction des Lignes directrices fédérales sur les pen-sions alimentaires pour enfants alors que les parties sont d’anciens conjoints de fait. C’est plutôt le Règlement sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants (le Règlement) qui trouve application.

Par contre, il n’y a pas lieu d’intervenir au sujet des revenus attribués à mon-sieur, la juge n’ayant pas commis d’erreur manifeste et dominante en les fixant à 54 000 $ et à 50 000 $ pour les années 2010 et 2011 respective-ment en fonction des avantages conférés par l’entreprise. Monsieur, qui a perdu son emploi de salarié le 4 juin 2010, a travaillé à temps complet sans aucune rémunération dans l’entreprise de plongée sous-marine qu’il a ache-tée avec sa nouvelle conjointe en 2007, et cela, de juin 2010 à juin 2011, date à partir de laquelle il prélève un salaire de 36 000 $ de l’entreprise. En outre, l’entreprise a payé pour lui et sa famille plusieurs voyages à l’étran-ger. Les états financiers de l’entreprise montrent que, au cours d’un exer-cice financier, 16 741 $ ont été dépensés en déplacement et 16 698 $ en voyage, et cela, en l’absence de pièce justificative. Monsieur reconnaît un revenu de 48 497 $ pour l’année 2010 et la juge lui attribue un revenu de 54 000 $, soit une augmentation de 5 503 $. En 2011, monsieur admet un revenu de 36 000 $, mais de son propre aveu, son revenu déclaré est plus élevé. En effet, il reconnaît que son employeur lui a payé 48 497 $ pour la période du 4 juin 2010 au 25 juin 2011. En outre, il déclare prélever dans son entreprise un salaire de 36 000 $ par an à partir de juin 2011. Son revenu déclaré en 2011 est donc de 44 384,50 $ alors que la juge lui attri-bue un revenu de 50 000 $.

Contrairement à ce qu’avance monsieur, en lui attribuant ces revenus, la juge n’a pas jugé ultra petita. En effet, son jugement indique que madame lui demandait d’attribuer à monsieur un salaire de 77 600 $ par année, soit ce qu’il gagnait alors qu’il travaillait à temps complet chez son employeur antérieur et monsieur n’a pas produit la requête de madame présentée en première instance.

La juge a erré en établissant les frais particuliers. En effet, en dépit de sa conclusion qu’une partie des coûts pour la nourriture, le logement et les assurances de l’enfant majeure sont déjà couverts par les frais particuliers accordés, elle n’en a pas tenu compte pour réduire la pension alimentaire de base payable pour les enfants. En effet, elle n’a réduit la pension alimentaire de base qu’en ce qui concerne les difficultés découlant des frais médicaux que monsieur doit payer pour son fils issu d’une autre union. En fonction du Règlement, la pension alimentaire de base pour les années 2010 et 2011 aurait dû être fixée respectivement à 592 $ et à 553 $. Le logement et la nourriture ne constituent que deux des neuf besoins couverts par la pen-sion alimentaire de base et non seulement madame doit-elle loger et nour-rir sa fille aînée trois mois par an, mais elle doit payer les frais afférents à la chambre de l’étudiante même quand cette dernière n’est pas avec elle. De surcroît, les frais relatifs au logement et à la nourriture de la fille aînée des parties sont plus élevés que si elle étudiait dans la ville du domicile de sa mère. Enfin, celle-ci doit acquitter elle-même la moitié des frais particuliers relatifs aux études de sa fille en 2010 et 52 % en 2011. En conséquence, afin d’éviter de comptabiliser en double les frais particuliers afférents aux études postsecondaires de l’aînée et en considérant que monsieur les lui verse direc-tement, la pension alimentaire de base payable doit être réduite à 552 $ par mois pour la période comprise entre septembre et le 31 décembre 2010 et à 522 $ par mois pour celle comprise entre janvier et le 30 juin 2011 et à 470 $ par mois à compter de juillet 2011.

La juge a réduit la pension alimentaire à 506 $ par mois pour tenir compte de difficultés excessives liées à des dépenses pour l’enfant de monsieur issu d’une autre union à compter de juillet 2011 en tenant compte de frais de médicaments et d’honoraires de la psychoéducatrice de l’enfant, lequel est atteint de glaucome congénital, puisque monsieur perdrait alors le bénéfice de la couverture d’assurance payée jusque-là par l’employeur de monsieur. Ce dernier prétend que la juge aurait dû considérer que le soutien qu’il a prodigué pour satisfaire aux autres besoins essentiels de l’enfant constitue en soi une difficulté existant depuis septembre 2010 et justifiant une réduc-

tion de la pension déterminée en l’espèce. Or, il ne s’est pas acquitté de son fardeau de prouver des difficultés objectives résultant de l’impact financier de ses autres obligations alimentaires sur sa capacité de payer. En effet, la preuve testimoniale partielle qu’il a produite se limite aux dépenses rela tives aux médicaments et à la psychothérapeute. Il n’a pas produit de preuve docu-mentaire hormis ses formulaires Aliform pour 2010 et 2011 et un état de compte de l’établissement d’enseignement fréquenté par l’aînée. Qui plus est, la juge avait établi que monsieur pouvait payer une pension alimentaire de 506 $ par mois dès juillet 2011 en dépit des difficultés éprouvées. Or, la Cour d’appel la fixe maintenant à 470 $ à compter de cette date.

Décision(s) antérieure(s)

C.S. Longueuil, nº 505-04-003379-971, 4 mai 2011, j. Nicole-M. Gibeau, EYB 2011-190134

Législation citée

Code de procédure civile, L.R.Q., c. C-25, art. 587.2 al. 2, 825.12

Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, DORS/97-175

Loi sur le divorce, L.R.C. (1985), ch. 3 (2e suppl.)

Règlement sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants, (1997) 129 G.O. II, 2117, 2605

Jurisprudence citée

Droit de la famille - 07934, EYB 2007-118709, [2007] R.D.F. 255, 2007 QCCA 579, J.E. 2007-914 (C.A.)

J. (E.) c. L. (C.), sub nom. Droit de la famille - 101332, EYB 2010-174889, [2010] R.D.F. 417, 2010 QCCA 1087, J.E. 2010-1045 (C.A.)

Doctrine citée

TÉTRAULT, M., « L’obligation alimentaire », dans Droit de la famille, vol. 2, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2011, 1872 p., p. 981, 1353

EYB 2012-202523

Cour supérieure

X. c. G. (C.), sub nom. Droit de la famille - 12281

200-04-020469-118 (approx. 9 page(s))

3 février 2012

Décideur(s)

Tessier-Couture, Claudette

Type d’action

REQUÊTE en fixation de pension alimentaire. REJETÉE.

Indexation

FAMILLE ; OBLIGATION ALIMENTAIRE DES PARENTS ; PENSION ALIMENTAIRE POUR ENFANTS ; ENFANT MAJEUR

Résumé

Le fils des parties âgé de 27 ans, qui a abandonné ses études alors qu’il avait 16 ans, réclame une pension alimentaire à ses parents. Ses trois tentatives de retourner aux études pour compléter son cycle secondaire ont été des échecs. Il compte terminer son cycle secondaire dans la prochaine année et il prévoit poursuivre des études universitaires en psychologie ou en biologie.

Compte tenu de l’absence de revenus de sa mère, il faut comprendre que la réclamation s’adresse en fait au père. La situation est régie par l’article 585 C.c.Q.

Le fils doit pouvoir démontrer le sérieux de son projet et sa capacité de réussite. Sa demande doit reposer sur des éléments concrets. Il doit donc terminer son secondaire et faire les efforts, tant en ce qui concerne le tra-vail que les études, pour atteindre d’abord cet objectif. Par la suite, fort de cette réussite, il devra élaborer et documenter un projet concret d’études et entreprendre les démarches pour obtenir des prêts et bourses et possi-

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Reproduction ou diffusion interdite 13

blement d’autres aides, peut-être même de son père, alors convaincu que son fils « s’acharne et travaille ».

Pour l’instant, la preuve ne révèle pas une démarche soutenue et des efforts assidus au travail. À défaut de démontrer par une preuve médicale son inca-pacité physique, un jeune de cet âge, sans autres obligations, est capable d’un travail de plus de trente heures par semaine tout en poursuivant un horaire de cours de six heures par semaine. Dans ce cadre, le fils n’est pas cru lorsqu’il affirme être dans l’impossibilité de travailler tout en étudiant. Ses chances de réussite doivent être appréciées et ce sera possible lorsqu’il aura réussi certains cours. Un minimum de preuve doit être présenté. Ce n’est pas tant la capacité de payer des père et mère qui doit être examinée pour l’instant, mais bien la capacité de X à fournir un effort soutenu tant au travail qu’aux études.

Législation citée

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 585 et s., 585, 599, 633, 647

Code de procédure civile, L.R.Q., c. C-25, art. 294.1

Jurisprudence citée

Droit de la famille - 138, EYB 1984-142477, AZ-84011133, J.E. 84-505 (C.A.)

P. (S.) c. P. (G.), REJB 2001-23625, AZ-50083026, [2001] R.D.F. 166, J.E. 2001-490 (C.S.)

Doctrine citée

D.-CASTELLI, M. et GOUBAU, D., Le droit de la famille au Québec, 5e éd., Québec, P.U.L., 2005, xii, 625 p., p. 390

TÉTRAULT, M., Droit de la famille, vol. 2, L’obligation alimentaire, Cowans-ville, Éditions Yvon Blais, 2010, 1240 p., p. 1461, 1462, 1644

Voir aussi EYB 2012-201299, EYB 2012-201572, EYB 2012-201565 et EYB 2012-201863

Garde des enfants et droits de visite(droits d’accès)

EYB 2012-200494

Cour d’appel

V. (T.) c. B. (M.), sub nom. Droit de la famille - 1222

200-09-007441-113 (approx. 16 page(s))

12 janvier 2012

Décideur(s)

Bich, Marie-France ; Bouchard, Jean ; Wagner, Richard

Type d’action

APPEL d’un jugement de la Cour supérieure (juge J. April) ayant rejeté une requête en retour immédiat d’un enfant. ACCUEILLI.

Indexation

FAMILLE ; GARDE DES ENFANTS ; ENLÈVEMENT D’ENFANTS (DÉPLACEMENT ILLICITE) ; LOI SUR LES ASPECTS CIVILS DE L’ENLÈVEMENT INTERNATIONAL ET INTERPROVINCIAL D’ENFANTS ; RÉSIDENCE HABITUELLE ; EXCEPTION AU RETOUR ; INTÉRÊT DE L’ENFANT ; PROCÉDURE CIVILE ; APPEL ; INTERPRÉTA-TION DES LOIS ; PRINCIPE DE LA COHÉRENCE DE LA LOI

Résumé

Les parties ont fait vie commune pendant dix ans. Deux enfants sont nées de leur union : X née en 2001 et Y née en 2005. Ces dernières sont attein-tes d’une maladie rare, la phénylcétonurie, qui nécessite un suivi médical serré et une diète très stricte. Elles ont la double citoyenneté, ce qui n’est pas le cas de leurs parents, le père étant citoyen américain et madame ayant la citoyenneté canadienne. En première instance, la juge a rejeté la requête du père en vue du retour des enfants basée sur la Loi sur les aspects civils de l’enlèvement international et interprovincial d’enfants (la Loi). Ce der-nier se pourvoit.

Le pourvoi est accueilli. La juge erre en important dans la Loi la notion de l’intérêt de l’enfant au sens large puisque, ce faisant, elle donne une portée trop étendue aux exceptions prévues à la Loi alors qu’une application restric-tive est de mise. Comme le démontre son article premier, la Loi prend pour hypothèse de départ que c’est le tribunal du lieu de la résidence habituelle des enfants qui est le mieux placé pour statuer sur les modalités de garde étant dans leur intérêt supérieur. Ainsi, la notion de l’intérêt de l’enfant ne saurait avoir la même portée que celle appliquée quotidiennement par les tribunaux québécois dans les cas où tout élément d’extranéité est absent. La Cour d’appel a déjà reconnu que la notion de l’intérêt de l’enfant au sens de la Loi revêtait une portée plus étroite que celle généralement retenue. Ainsi, l’intérêt de l’enfant au sens de la loi coïncide avec son retour au lieu de sa résidence habituelle hormis si l’une des exceptions énoncées dans la Loi trouve application.

En outre, l’application efficace de la Convention de La Haye (la Convention) passe par une coopération étroite et nécessaire entre les États signataires. En adhérant à la Convention, le Québec reconnaît que l’État de la résidence habituelle de l’enfant est celui étant le mieux placé pour déterminer les droits de garde. Aussi, en émettant le souhait d’un élargissement de la notion de l’intérêt de l’enfant, la juge va clairement à l’encontre de la raison d’être de la Loi, ce qui a nécessairement eu pour effet de teinter son raisonnement, notamment lorsqu’elle applique l’exception du risque grave.

La juge a erré en concluant que les enfants seront exposées à un risque grave si leur retour en Californie est ordonné. Premièrement, les inquiétu-des de la juge au sujet de la diète des enfants sont exagérées étant donné que la mère est disposée à laisser au père la garde de ces dernières pour l’été comme elle l’écrit dans un courriel postérieur à l’enlèvement des enfants. D’autre part, la juge, après avoir rencontré X, décrit tantôt celle-ci comme étant fragile, tantôt comme étant une fille équilibrée. Or, cela ne peut être qu’un ou l’autre. Une chose est sûre, c’est que l’application de l’exception au retour des enfants à l’étude ne saurait se baser sur des constatations fac-tuelles aussi hésitantes.

Par ailleurs, ordonner le retour des enfants dans l’État de leur résidence habi-tuelle comporte nécessairement un risque de trouble psychologique. Tou-tefois, ce risque lié à un nouveau changement dans leurs conditions de vie est commun à la plupart voire à tous les enfants visés par la Loi. C’est pour-quoi ce risque ne peut caractériser l’état de danger ni la situation intolé rable visée par l’exception. Considérer le retour en lui-même comme un risque grave mènerait à une application trop libérale de l’exception qui aurait alors vraisemblablement pour conséquence de rendre la Loi sans effet. Du reste, cet argument a été rejeté à maintes reprises par les tribunaux. Notons à cet égard qu’un tribunal américain a déjà soutenu que cet argument reviendrait pour le ravisseur à invoquer sa propre turpitude.

En outre, l’exception doit être interprétée de façon cohérente avec le reste de la Loi. Or, son article 20 prévoit déjà une exception distincte visant préci-sément à éviter le stress lié à un retour à un enfant s’étant intégré à son nou-veau milieu de vie. Une interprétation cohérente des articles 20 et 21(2) de la Loi suppose que le risque lié au nouveau changement d’État des enfants ne correspond pas au risque grave prévu à l’article 21(2) de la Loi, une inter-prétation qu’a retenue un tribunal néo-zélandais. Ainsi, la juge confond les deux exceptions lorsqu’elle tient compte du fait que le fragile équilibre des enfants sera brisé par leur retour en Californie. En outre, le second alinéa de l’article 20 n’est pas applicable en l’espèce étant donné qu’il ne s’est pas écoulé plus d’un an depuis le déplacement des enfants jusqu’au moment de l’introduction du recours du père en Cour supérieure.

Quant au consentement du père au déplacement permanent des enfants au Québec, les circonstances entourant le départ de la mère avec les enfants des parties le 22 juin 2010 sont floues. La juge devait trancher entre deux versions des faits diamétralement opposées et elle a retenu la version de la mère. Sa conclusion étant basée sur son appréciation de la preuve, la Cour ne peut intervenir, en principe, qu’en présence d’une erreur manifeste et déterminante. En principe, parce qu’il s’agit d’une exception à la Loi devant être interprétée restrictivement, de sorte que la déférence normalement due au juge de première instance doit être modulée en fonction de cette pro-blématique particulière.

Bien que la Loi ne définisse pas la notion de consentement, tant la jurispru-dence que la doctrine reconnaissent qu’il doit être donné non seulement de manière libre et éclairée, mais également de façon claire, positive et sans

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14 Reproduction ou diffusion interdite

équivoque. Or, la juge ne pouvait conclure que le père a donné son consen-tement, même implicite, au déplacement permanent des enfants.

La mère n’a aucun statut légal aux États-Unis. Elle travaillait pour l’entreprise du père. En juin 2010, il lui avoue qu’il a une maîtresse et il lui demande de partir. Bien qu’il était déjà prévu que madame passerait l’été au Québec avec les enfants, cela ne change rien au fait que le père ne lui donne guère le choix. En effet, sa nouvelle conjointe emménage la journée même où la mère quitte la résidence familiale avec ses deux filles. Quoique le père ait agi de manière odieuse et infamante à l’endroit de la mère, son compor-tement ne signifie pas pour autant qu’il a consenti à ce que cette dernière parte avec les enfants pour toujours.

En effet, une semaine après son arrivée au Québec, la mère communique avec la mère du père et l’informe de son intention de s’établir au Québec avec les enfants sur une base permanente. Informé de cette situation, le père entreprend dès le mois suivant des démarches auprès des autorités canadiennes pour pouvoir entrer au Canada en dépit de son casier judi-ciaire.

Au mois de septembre, il contacte un avocat qui transmet à la mère une mise en demeure dans laquelle il réclame l’application de la Convention, laquelle mise en demeure est une réplique au recours exercé par la mère au Québec afin d’obtenir la garde des enfants. En octobre, les parties ont éga-lement des discussions à propos de leur situation. Au mois de décembre, le père exerce à son tour des recours en Californie pour demander la garde de ses enfants. Enfin, ses difficultés à entrer au Canada étant en voie d’être aplanies, le père intente au mois de mars 2011 le recours servant de toile de fond au présent pourvoi et par lequel il demande le retour de ses enfants en Californie.

La juge a omis de considérer la trame factuelle dans son ensemble, ce qui ne pouvait qu’affecter sa conclusion que le père a consenti au déplacement permanent de ses enfants.

Le père ne s’est jamais désintéressé du sort de ses enfants. Dans la mesure de ses moyens, celui-ci ne pouvant pas entrer au Canada en raison de son casier judiciaire, il a toujours été proactif et il a cherché à recouvrer la garde des enfants. Sa conduite est incompatible avec celle d’un parent ayant donné prétendument son consentement.

En fait, la mère est partie parce qu’elle n’avait pas le choix. Une fois au Québec, elle a cependant décidé de garder les enfants et de transformer ce voyage en une rétention illégale.

Pour ces motifs, il y a lieu d’accueillir l’appel et d’ordonner le retour des enfants en Californie au plus tard le 30 janvier 2012 ou à toute autre date convenue entre les parties, de confier les enfants au père, les dépenses de voyage des enfants et celles du père, le cas échéant, étant à la charge de ce dernier en raison des moyens financiers plus limités de la mère.

Décision(s) antérieure(s)

C.S. Frontenac, nº 235-04-000019-111, 19 mai 2011, j. Johanne April, EYB 2011-191879

Législation citée

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 33

Convention de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfant, 25 octobre 1980, R.T. Can. 1983, nº 35, art. 1, 12, 13, 16, 17, 20

Loi sur les aspects civils de l’enlèvement international et interprovincial d’en-fants, L.R.Q., c. A-23.01, art. 3, 4, 5, 18 al. 1, 20, 21, 21(1), 21(2), 22, 25, 26

Jurisprudence citée

C. (H.) v. B. (G.), sub nom. Droit de la famille - 091087, sub nom. Droit de la famille - 09887, EYB 2009-158674, [2009] R.D.F. 329, 2009 QCCS 2021, J.E. 2009-959 (C.S.)

C. v. C., [1996] 1 NZFLR 349

Droit de la famille - 2454, REJB 1996-30397, [1996] R.D.F. 753, [1996] R.J.Q. 2509, J.E. 96-1934 (C.A.)

Friedrich v. Friedrich, 78 F.3d 1060 (6th Cir. 1996)

RE E (Children) (FC), [2011] UKSC 27 (C.S.R.-U.)

S. (S.-C.) c. G. (C.), C.S. Montréal, nº 500-04-003270-035, 15 août 2003

V. (I.) c. B. (W.), sub nom. Droit de la famille - 092549, EYB 2009-165242, [2009] R.D.F. 696, 2009 QCCA 1982, J.E. 2009-1960 (C.A.)

Doctrine citée

HARNOIS, C., « La Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur l’enlève-ment international d’enfants : la nécessité d’agir de façon rapide et efficace » dans Développements récents en droit familial (2008), Barreau du Québec, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, p. 14, 18, 19 EYB2008DEV1467

LOWE, N., EVERALL, M. et NICHOLLS, M., International Movement of Chil-dren: Law Practice and Procedure, Family Law, Bistrol, Jordan Publishing, 2004, p. 319

PROVOST, M., « L’enlèvement international et interprovincial d’enfants », dans Droit de la famille québécois, Publication CCH Ltée, Brossard 2004, p. 4.239, 4.242, 4.243

EYB 2012-201391

Cour supérieure

A. (B.) c. B. (Br.), sub nom. Droit de la famille - 12108

540-12-015167-091 (approx. 16 page(s))

26 janvier 2012

Décideur(s)

Gascon, Clément

Type d’action

REQUÊTE en modification de garde d’enfants. REJETÉE.

Indexation

FAMILLE ; DIVORCE ; MESURES ACCESSOIRES ; GARDE DES ENFANTS ; MESURES INTÉRIMAIRES

Résumé

Les parties se sont séparées en mai 2009 et elles ont divorcé en avril 2010. Depuis la séparation, elles ne s’entendent pas sur les accès de X âgé de 13 ans auprès de son père. Il s’agit ici de trancher entre le vœu du père de renouer un contact, si minime soit-il, avec X, qu’il n’a vu que quelques minutes au cours des 30 derniers mois, et le choix arrêté de ce dernier, exprimé avec conviction de façon répétitive, de ne plus revoir son père. La mère s’oppose à la demande de garde exclusive ou de garde partagée du père. Par contre, elle dit ne pas s’opposer à une reprise de contacts entre le père et le fils. Toutefois, elle se cache derrière le désir de X de ne plus revoir son père et elle se prétend impuissante devant son refus.

Le facteur du choix de l’enfant est largement déterminant lorsqu’il atteint l’âge de 12 ans. Généralement, ce facteur sera écarté seulement si d’autres facteurs suggèrent qu’il n’est clairement pas dans l’intérêt de cet enfant de donner suite à sa volonté.

En l’espèce, sans pour autant avaliser la position de l’enfant qui semble exa-gérée, vraisemblablement contraire à son propre intérêt, et pour tout dire, peu mature, il est impossible de ne pas tenir compte de la preuve qui révèle que le père a commis des voies de fait sur X. Dans le contexte du dossier, il n’y a pas lieu d’imposer des droits d’accès supervisés comme le père le pro-pose. Bien entendu, devant une absence de contact aussi prolongée entre lui et son fils, accorder au père une garde exclusive ou partagée de X est actuellement impensable.

En effet, les allégations de violence formulées par le fils à l’endroit de son père ne sont pas capricieuses ou dénuées de fondement. Y, l’autre fils des parties, et la mère furent témoins à plus d’une occasion des compor-tements violents et agressifs du père envers X. Il ne s’agissait pas d’évé-nements isolés. Cela serait caractéristique d’une problématique propre au père. En raison du comportement violent du père à leur endroit, des ordonnances des tribunaux criminels limitent ses contacts auprès de Y et de madame. Tous témoignent de coups de savate ou de ceinture fréquents du père portés depuis le tout jeune âge de l’enfant. Les experts ont ren-contré X et ils rapportent des propos similaires de sa part. Certains des

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faits précis rapportés par X et Y laissent songeur. Les événements entou-rant le voyage aux États-Unis à la fin de l’année 2008 et les coups sévères assénés à X dans sa chambre soulèvent de sérieuses questions sur les agis-sements inacceptables du père. Le climat violent créé par le père semble avoir mené à l’éclatement de la famille, tant entre les parents qu’au sein même de la fratrie qui se divise dorénavant en deux factions qui s’igno-rent. Devant ces témoignages incriminants, le père concède avoir peut-être frappé son fils derrière la tête à quelques occasions, mais il ne le fait qu’avec réticence et sans grande conviction. Tout cela a marqué X de façon importante, au point qu’il ne veut plus voir son autre frère aîné et sa sœur plus âgée qui refusent d’avaliser sa position de refus de tout contact avec son père.

Par contre, si X apparaît intelligent et sociable, son extrême rigidité laisse perplexe. Il est à espérer qu’elle découle d’un manque de jugement lié à une certaine immaturité plutôt qu’aux conséquences du pouvoir énorme qu’on semble lui avoir laissé prendre. L’épithète peu flatteuse d’enfant-roi vient ici à l’esprit. En effet, X réagit en criant comme un jeune enfant lorsqu’il a à faire face à la possibilité de revoir son père. Il maintient que c’est sa vie et sa décision et que personne ne peut lui imposer cela. Lorsque X se heurte aux ordonnances des tribunaux visant à favoriser des contacts entre lui et son père, il réagit en exprimant son dégoût par rapport à leurs auteurs. Le père n’a pas prouvé son allégation d’aliéna-tion parentale par une preuve convaincante d’un témoin expert. L’on ne reste qu’au stade des interrogations par rapport à certains constats sur-prenants, sans plus.

Le père est en partie responsable du manque de progrès des rencontres entre lui et son fils favorisées par les juges saisis du dossier. Notamment, il a com-plètement occulté une ordonnance d’une juge lui ordonnant de collaborer à une contre-expertise commandée par la mère.

Ainsi, la preuve prise globalement permet de conclure que le refus de l’enfant de voir son père n’est pas capricieux, surtout devant la négation des alléga-tions de violence physique par le père et l’absence de démarches concrètes de sa part afin de pallier ce problème.

Cela dit, avant de renoncer à tout contact, il faut que les tentatives réelles de rencontre entre le parent et l’enfant aient échoué. Or, ici, il n’y en a tou-jours pas eu. Il y a lieu d’insister sur le respect des modalités de rencontres décrétées par les ordonnances antérieures et que, étonnamment, les par-ties n’ont pas su appliquer avec toute la rigueur requise. Au minimum, il y a lieu de donner une chance à ce canal de réconciliation possible entre le père et le fils, même si l’espoir qui peut exister semble mince. Le dis-positif du jugement le prévoira, mais le tribunal n’ira pas au-delà de cela. X doit comprendre qu’il ne peut pas tout décider comme il l’entend, peu importe les conséquences. Sa fermeture complète apparaît revancharde et inappropriée devant les propos sincères du père à l’audience suivant lesquels son fils lui manque et il veut renouer avec lui. Le père est prêt à suivre une thérapie, sans toutefois que celle-ci porte précisément sur ses pro blèmes de violence.

Par ailleurs, même si la mère a présenté une preuve, du reste très sommaire, au sujet des ajustements à la pension alimentaire pour enfant, il n’y a pas lieu d’ordonner quoi que ce soit à ce chapitre puisque la mère ne présente aucune demande en ce sens. Il suffira de donner acte de la preuve des reve-nus du père administrée en l’espèce. Pour le reste, il reviendra à la mère de faire les démarches auxquelles elle est tenue pour revendiquer ses droits.

Enfin, devant le manque de coopération des parents, l’avocat de l’enfant a raison d’insister pour que le dispositif du jugement réitère les modalités acceptées relativement au paiement de ses honoraires.

Jurisprudence citée

Droit de la famille - 07832, EYB 2007-118088, [2007] R.D.F. 250, 2007 QCCA 548, J.E. 2007-869 (C.A.)

G. (S.) c. C. (B.), EYB 2006-110423, [2006] R.D.F. 719, 2006 QCCA 1355, J.E. 2006-2126 (C.A.)

Voir aussi, sous Filiation, adoption et autorité parentale, EYB 2012-201512

Voir aussi EYB 2012-201737 et EYB 2012-202319

Filiation, adoption et autorité parentaleEYB 2012-201512

Cour supérieure

F. (G.) c. B. (C.), sub nom. Droit de la famille - 12140

500-04-048544-085 (approx. 5 page(s))

30 janvier 2012

Décideur(s)

De Grandpré, Jean-François

Type d’action

REQUÊTE en modification de droits d’accès. ACCUEILLIE. REQUÊTE en pro-vision pour frais. REJETÉE. REQUÊTE relative à l’exercice de l’autorité paren-tale. ACCUEILLIE pour l’une et REJETÉE pour l’autre.

Indexation

FAMILLE ; GARDE CONJOINTE (GARDE PARTAGÉE) ; CHANGEMENTS ; CON-DITIONS ; AUTORITÉ PARENTALE ; PROVISION POUR FRAIS

Résumé

Les parties ne s’entendent pas sur le choix de l’école de l’enfant qui entre au primaire en septembre 2012. L’enfant est bilingue. Elle parle français avec sa mère et anglais avec son père. Il est évident que dans une cour d’école, la langue parlée des enfants est leur langue maternelle. À l’école A où le père a inscrit l’enfant ou dans toute autre école anglaise offrant un curricu-lum bilingue, ce sera l’anglais.

Par ailleurs, au Québec, les francophones doivent apprendre l’anglais et ils doivent le maîtriser suffisamment pour jouir de tous les avantages que pro-cure la connaissance des deux langues où que ce soit dans le monde. À l’ave-nir, il faudra peut-être même en parler trois.

Toutefois, à ce stade de son développement, il est dans l’intérêt supérieur de X qu’elle maîtrise d’abord la langue française en fréquentant une école française au primaire, le français étant la langue dominante du milieu dans lequel elle grandira. Il est trop tôt pour décider de la langue d’enseigne-ment au secondaire.

D’ailleurs, selon la linguiste engagée par la mère, X devrait être instruite dans l’une ou l’autre des deux langues, mais non pas les deux puisqu’il est plus probable que l’apport langagier soit sans faute dans une école uni lingue que dans une école bilingue. D’ailleurs, les parties ont reconnu ce fait.

Pour ce qui est des conséquences pour un enfant francophone d’étudier à l’école primaire dans un milieu majoritairement anglophone, le médecin ayant témoigné pour le père ne connaît pas de recherche sur cette problé-matique particulière.

Bien que le français du père soit trop pauvre pour qu’il puisse aider l’enfant pour ses devoirs, l’école que l’enfant fréquentera offre des services de tutorat.

Quant aux modalités d’accès, actuellement, X est en garde partagée du dimanche au dimanche. Le père demande que l’échange se fasse le vendredi à la garderie pour éviter les accrochages avec la mère. Cette demande, qui est dans l’intérêt de l’enfant, est accordée.

La provision pour frais est une ordonnance de nature alimentaire. Le litige en l’espèce n’a pas trait aux aliments et la mère s’est déjà vu accorder des provisions pour frais. Chaque jugement constitue chose jugée. Qu’un juge ait réservé les droits de la mère ne signifie pas qu’elle y a droit. Aucuns frais ne seront accordés pour le litige entourant le choix de l’école, l’affrontement résultant des différences philosophiques entre les parents qui veulent donner à leur enfant ce qu’ils croient être dans son intérêt supérieur.

Décision(s) antérieure(s)

Requête en rejet d’appel, C.A. Montréal, nº 500-09-022372-122, 2 mars 2012 Requête de bene esse pour permission d’appeler rejetée, C.A. Mont-réal, nº 500-09-022372-122, 9 février 2012, EYB 2012-202147

Page 16: Droit de la famille En bref - Éditions Yvon Blais...Un peu plus de deux ans plus tard, la Cour supérieure, sous la plume du juge Jean-Guy Dubois7, réitérait le même point de vue

16 Reproduction ou diffusion interdite

ACTUALITÉ LÉGISLATIVE

Contenu publié dans les parties I et II de la Gazette officielle du Québec (du 1er janvier au 16 mars 2012)

Entrée en vigueur de lois

Loi sur les biens non réclamés, L.Q. 2011, c. 10 — Entrée en vigueur de certaines dispositions de la LoiD. 1232-2011, (2011) 143 G.O. II, 5520Entrée en vigueur : 2012-01-01

Cette nouvelle loi regroupe dans une loi distincte les dispositions de la Loi sur le curateur public qui se rapportent à l’administra-tion provisoire de biens non réclamés, confiée depuis le 1er avril 2006 au ministre du Revenu (Loi sur l’administration fiscale, L.R.Q., c. A-6.002). Elle apporte ainsi des modifications de concordance au Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64 (article 701).

Règlements et autres actes

Règlement modifiant le Règlement sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants, R.R.Q., c. C-25, r. 6 (annexe II)D. 1323-2011, (2011) 143 G.O. II, 5609BEntrée en vigueur : 2012-01-01

Ce règlement remplace l’annexe II qui édicte la Table de fixation de la contribution alimentaire parentale de base.

DOCTRINELABERGE, S., Les effets du mariage (Art. 391 à 430 C.c.Q.), Collection Commentaires sur le Code civil du Québec, paru en octobre 2011.

LAMBERT, É., Les régimes matrimoniaux (Art. 431 à 492 C.c.Q.), Collection Commentaires sur le Code civil du Québec, paru en mars 2012.

LATULIPPE, G., La médiation judiciaire : un nouvel exercice de justice, paru en mars 2012.

TÉTRAULT, M., Droit de la famille, volume 2 : L’obligation alimentaire, paru en novembre 2011.

TÉTRAULT, M., Les réseaux sociaux et le droit de la famille (À paraître).

FORMATIONSL’enrichissement injustifié... une bête à plusieurs têtes, par Me Sylvie Schirm, à Québec, le 10 avril 2012.

Le partage du patrimoine familial, par Mes Marie-Josée Brodeur et Christina Bouchard, à Montréal, le 11 mai 2012.

La garde partagée : les « pour » et les « contre » !, par Mes Sylvie Schirm et Marie Christine Kirouack, à Montréal, le 10 octobre 2012.

WEBINAIRESLa garde partagée – les « pour » et les « contre » !, par Me Sylvie Schirm, le 16 mai 2012.

Le terme à l’obligation alimentaire et le divorce : on refait sa vie ou on la continue seulement ?, par Me Michel Tétrault (en rediffusion).

Le contrat de vie commune, par Me Sylvie Schirm (en rediffusion).

Éric et Lola devant la Cour suprême : troisième round, par Me Sylvie Schirm (en rediffusion).

Les arrêts L.M.P. c. L.S. et R.P. c. R.C. de la Cour suprême : des limites de l’arrêt Miglin, de la finalité des conventions et du concept de changements significatifs en vertu de la Loi sur le divorce, par Me Michel Tétrault (en rediffusion).

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