Droit de Preemption - Synthese-De-letude

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    Colloque du Conseil dEtat Droit de premption - 20 mai 2008

    LE DROIT DE PREEMPTIONS YNTHESE DE L ETUDE DU CONSEIL D ETAT (2008)

    Gense de lEtudeLe droit de premption peut tre dfini comme la facult reconnue une personnephysique ou morale de se substituer lacqureur dun bien que son propritaire amis en vente. Ce droit prfrentiel peut revtir des formes varies, selon ltenduede la prrogative dont jouit son titulaire, et suivre des procdures elles-mmesdiverses. Institu par la loi du 18 juillet 1985, le droit de premption urbain permetaux communes dacqurir une certaine matrise de la ressource foncire afin deraliser leurs oprations damnagement. Ce droit a fait depuis lors lobjetdextensions et de diffrentes rformes.Depuis le rapport Lurbanisme : pour un droit plus efficace (La Documentationfranaise, 1992), le gouvernement ne disposait pas dune expertise rcente surlapplication de ce droit et sur les problmes quil soulve.Le gouvernement a donc en juillet 2006 sollicit lavis du Conseil dEtat (section du

    rapport et des tudes) sur lvolution et la pratique du droit de premption urbainet sur les mesures qui pourraient tre prises pour aboutir une procdure quilibrepermettant aux collectivits locales de faire face leurs besoins et leursobligations, notamment en matire de construction de logements, et assurant unegarantie relle des droits des propritaires et des habitants . Il a galementsouhait que le Conseil puisse cette occasion examiner lvolution des diffrenteslgislations instaurant un droit de premption au profit des collectivits publiques,valuer leur application au regard des objectifs poursuivis et, le cas chant,recommander les adaptations qui lui paratraient ncessaires .

    Synthse de lEtudeTechnique dappropriation publique traduisant la prminence de lintrt gnral

    dont est porteuse la collectivit sur les intrts particuliers des parties unetransaction, le droit de premption permet aux collectivits publiques de sesubstituer lacqureur dun bien que son propritaire a mis en vente en vue deraliser un projet damnagement.Depuis sa cration, par la loi du 18 juillet 1985, il est devenu un instrumentprivilgi de laction foncire des collectivits, la faveur dune extension continuede ses finalits et de son champ dapplication matriel et gographique. Cetteextension du droit de premption, qui ne sest pas accompagne dun renforcementdes garanties offertes aux acteurs de limmobilier, na pas davantage permis deprvenir lapparition dun dcalage entre le cadre juridique et les pratiqueseffectives. La lgitimit de linstrument sen est trouv affaiblie, ce qui sest traduitpar un accroissement considrable des recours contentieux et un taux dannulationlev des dcisions de premption.

    Pour restaurer la lgitimit du droit de premption sans compromettre son efficacit,il est apparu indispensable dinscrire le droit de premption urbain (DPU) dans unmeilleur quilibre entre les prrogatives dont sont investies les collectivitsterritoriales et les garanties accordes aux parties la transaction initiale.

    1/ Les avantages comparatifs du droit de premption sur les autres outilsde laction publique foncire ont conduit une extension ingalementmatrise de son champ dapplication, qui na pas mis fin certains usagesen marge de la lgalit. La contestation croissante des dcisions depremption sur le plan contentieux se traduit par une forte inscurit

    juridique qui entoure la mise en uvre de cet instrument.

    a.

    La dcentralisation du droit de premption urbain (DPU) au profitdes collectivits a entran un relatif brouillage de la vocation

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    urbanistique de cet instrument, qui nest plus seulement un outildamnagement du territoire.

    La cration du droit de premption urbain (DPU) par la loi du 18 juillet 1985 a donnun ancrage juridique qui a permis aux droits de premption de devenir desinstruments privilgis de linterventionnisme foncier local. Les zones de premptioncouvrent ainsi une large part du territoire, tmoignant dune certaine banalisation decette technique dans lesprit des lus. En 2000, plus de 70% des communes dotesde POS/PLU se sont dotes du DPU 1 .Le droit de premption et particulirement le DPU prsente des avantagescomparatifs par rapport aux autres instruments de linterventionnisme foncier quiexpliquent son succs : Il sagit dun outil dutilisation simple et souple, dont la mise en uvre est

    moins longue et coteuse que les procdures dexpropriation. Son principe est ou devrait tre - mieux accept par les citoyens car il ne

    consiste pas dpossder une personne dun bien, le DPU ne pouvant sexercer quesi le propritaire sen dessaisit volontairement, contrairement lexpropriation. De manire secondaire, il permet dobserver et dtudier le march

    immobilier, remplissant ainsi un rle dobservatoire foncier .

    Il nest gure tonnant, dans ces conditions, que le droit de premption ait connuune extension considrable depuis deux dcennies. La tentation est grande, en effet,douvrir de nouvelles hypothses de recours au fur et mesure quun problme liau foncier surgit. Mais cette extension en droit comme en fait ne sest pasaccompagne dune rflexion globale sur la cohrence du dispositif et a mis mal larationalisation partielle opre en 1985.Il en est dcoul un brouillage de la vocation urbanistique du DPU qui se voitassigner des finalits autres que celles de lamnagement du territoire, car depuispeu, le DPU est mobilis pour des objets relativement loigns de la politiquedamnagement : Il tend devenir un outil de police administrative au service des politiques

    publiques de prvention des risques (politique de sant publique, de gestion desrisques stratgiques, de gestion des eaux en territoire ruraux). Il sort de sa vocation purement immobilire pour sappliquer galement

    certains fonds de commerce et baux commerciaux. la premption pour autrui tend se dvelopper lorsque les collectivits

    acquirent un bien pour le cder rapidement une autre personne. Il est utilis comme un outil micro-urbain de lutte contre la prcarit

    conomique et sociale.

    Larchitecture densemble des droits de premption sen est galement trouveperturbe : Les diffrents droits de premption sont mal hirarchiss et leur articulation

    est imparfaite.

    Les risques de superposition des droits de premptions sont accrus(notamment ceux lis au chevauchement entre DPU et droit de premption desespaces naturels sensibles). les comptences sont disperses entre les diffrents niveaux de collectivits

    publiques et il nexiste pas dinstance ou de documents darbitrage entre logiquesconcurrentes. En effet, le schma de cohrence territoriale (SCOT) ne joue pas cerle de manire satisfaisante.

    Linstabilit du cadre juridique sest double de certaines carences rdactionnelles(notamment de larticle L 300-1 du code de lurbanisme) qui en ont rendu dlicatesla mise en uvre par les collectivits et linterprtation par le juge. Les notions dactions ou doprations damnagement qui justifient le recours au DPUrestent trop imprcises pour permettre didentifier avec clart les finalits lgales de

    cet instrument.

    1 Mais lexercice du DPU reste quantitativement modeste, de lordre de 1%.

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    Il rsulte de ces volutions une situation quelque peu paradoxale : en dpit de ceslargissements successifs, le cadre normatif ne permet pas dapprhenderpleinement la ralit des besoins des collectivits.

    b. Le dcalage croissant entre le cadre juridique du DPU et lespratiques effectives affaiblit la lgitimit et lefficacit de cet instrument

    Le rgime actuel des droits de premption, fruit dune lgalisation progressivedes pratiques, laisse prosprer des usages en marge de la lgalit. Il existe troisprincipaux usages obliques :

    La premption en considration de lacqureur : alors que conformmentaux textes, le droit de premption ne saurait se fonder sur lidentit de lacqureurpotentiel ou la nature de son projet, le DPU tend tre utilis pour faire barrage certaines oprations, comme la construction de lieux de culte par des groupesreligieux jugs sectaires.

    La premption de blocage des prix : le DPU est souvent utilis pourexercer une pression sur les prix de limmobilier et limiter les oprationsspculatives.

    La premption vise patrimoniale : le DPU est parfois dtourn par descollectivits se livrant des activits de ngoce immobilier pour raliser une plus-

    value et amliorer ltat de leurs finances.

    Si les objectifs poursuivis apparaissent pour la plupart lgitimes au regard de laralit des problmes traiter, lopportunit de recourir au DPU pour les rsoudrereste douteuse. Cet outil na certainement pas vocation embrasser lensemble desproblmatiques urbaines, mme lorsque celles-ci comportent une dimensionimmobilire. Bien que ses atouts soient nombreux, ses inconvnients, quils soientintrinsques ou rsultant des pratiques, ne doivent pas tre sous-estims : Lusage des droits de premption cre des sujtions pour les acteurs de la

    vie immobilire. Linnocuit du droit de premption sur les propritaires etacqureurs potentiels doit tre relativise, car la possible occurrence dunepremption cre des incertitudes qui pnalisent la fluidit et la scurit destransactions. Le DPU fait peser un risque financier insuffisamment internalis par les

    collectivits. Un nombre relativement important de collectivits ne prend pas lapleine mesure des incidences budgtaires de lusage de cette prrogative, ainsi quedes charges lies aux consquences indemnitaires des annulations contentieuses. Lutilisation du DPU souffre dune certaine confusion des responsabilits et

    dun manque de transparence dans la prise de dcision. La multiplication rcente destitulaires et dlgataires du droit de premption pose des problmes didentificationde la collectivit publique laquelle incombe la responsabilit de la mise en uvrede la premption. De mme, il est difficile didentifier au sein de chaque collectivitla personne qui exerce le DPU. Les consquences de la dcision de premption sont insuffisamment

    assumes et suivies. Le dpassement par la collectivit du dlai de renoncement acquisition de 2 mois nest pas constitutif dune faute ouvrant droit rparation duprjudice subi. De mme, en cas de retard dans le paiement du prix, lancienpropritaire ne dispose pas dun droit de crance sur ladministration. Le cot delinertie administrative est ainsi largement support par le propritaire.

    c. Le contentieux important qualimente le droit de premption et lesincertitudes lies la jurisprudence de la CEDH mettent en exerguelinscurit juridique dont est porteur lusage de cet outil.

    La contestation grandissante du droit de premption fait redouter lapparition dunecrise de lgitimit de cet outil.

    Lusage du droit de premption est porteur dinscurit juridique

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    Il existe un contentieux abondant et symptomatique dune faibleacceptabilit de cet instrument Les dcisions sont souvent contestes et annules sur le plan de la lgalit

    externe, en particulier sur le terrain de la motivation, alors mme que le projet de lacollectivit justifie concrtement lusage du DPU Le contrle des motifs, en porte--faux avec la ralit de lutilisation du DPU,

    ne permet quimparfaitement de sanctionner les usages abusifs du droit depremption.

    Si loutil premption est dutilisation souple, la situation aprspremption reste, quant elle, assez rigideLes consquences de lannulation des dcisions de premption restent difficiles dnouer, notamment du fait de lintervention concurrente des juges administratif et

    judiciaire, car lannulation de la dcision de premption par le premier nemporteaucune consquence directe sur le contrat de droit priv conclu entre le vendeur etla commune, donc sur loffice du second. La monte en puissance du rfrsuspension na permis que partiellement de limiter ce phnomne.

    Lexercice du droit de premption doit tenir compte des rgles issues de laCEDHLa jurisprudence de la CEDH se montre de plus en plus protectrice du droit deproprit, et invite reconsidrer la porte et les conditions de mise en uvre dudroit de premption. La Cour fait preuve dune vigilance particulire dans le contrledes motifs susceptibles de justifier lutilisation du droit de premption, exigeant un juste quilibre [] entre sauvegarde du droit de proprit et exigences de lintrtgnral (CEDH Hentrich c/ France du 22 septembre 1994 ; CEDH Beyeler c/ Italiedu 5 janvier 2001). Elle contrle galement le prix vers lancien propritaire enacceptant de prendre en considration la perte de chance de raliser une plus-valuesubie par ce dernier, laquelle ne doit pas traduire la charge disproportionne supporte par le propritaire (CEDH Saints monastres c/ Grce 9 dcembre 1994).Il est possible de tirer de la jurisprudence de la CEDH deuxenseignements principaux : Les prrogatives reconnues aux collectivits doivent tre proportionnes aux

    justifications dintrt gnral qui sous tendent lexercice du droit de premption.

    Le bien prempt doit faire lobjet dune affectation dintrt gnral dans undlai raisonnable.

    Au total, le droit de premption est progressivement devenu plus coteux juridiquement, budgtairement et surtout socitalement . Il convient aujourdhuiden restaurer la vocation urbanistique sur la base dun nouveau compromis entreles collectivits et les acteurs de limmobilier.

    2/ Si le droit de premption doit conserver une place minente au sein desdiffrents modes dappropriation publique, ses modalits de mise en uvre,qui ne peuvent pouser des problmatiques urbaines en renouvellementconstant, doivent tre mieux adaptes aux objectifs dintrt gnralpoursuivis

    Si dans son principe le droit de premption est largement admis par lensemble desacteurs publiques ou privs, les dysfonctionnements et critiques dcoulant de sonutilisation, dans un contexte de foisonnement normatif, plaident pour un rexamende son rgime juridique.

    Les pistes de rformes sarticulent autour de 6 propositions principales :

    1/ Resituer les droits de premption au sein de lensemble des instrumentsdes politiques publiques et damnagement .Il convient de redfinir la place de cet outil au sein de lventail des instrumentsdont disposent les collectivits pour mener une politique damnagement, et pluslargement une politique urbaine plus efficace.

    A cette fin il serait souhaitable de : Refonder la vocation urbanistique des droits de premption qui ne semblent

    pas devoir jouer un rle transversal pour pallier les carences dautres instruments de

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    politique publique. Un tel recentrage pose galement la question de la mise en placeou du renforcement dautres outils mieux adapts au traitement des problmatiquesdbordant la finalit du droit de premption. Il serait opportun de restaurer une hirarchie entre instruments traditionnels

    de laction foncire afin de rationaliser lusage du droit de premption et redonnerleur rle aux autres instruments. Larticulation des diffrents droits de premption doit tre amliore afin de

    donner davantage de scurit juridique au dispositif, en permettant notamment de

    concilier le droit de premption dans les espaces naturels sensibles avec le DPU.

    2/ Adapter les prrogatives des collectivits publiques et les contraintes demise en uvre du DPU aux ncessits de lintrt gnral .Deux volutions apparaissent souhaitables : La premption planifie et la premption dopportunit, qui renvoient deux

    pratiques distinctes, doivent se traduire par deux rgimes juridiques. La premire,envisage comme un outil complmentaire de lexpropriation, reprendrait lessentieldes caractristiques actuelles du DPU, tandis que la premption dopportunitdonnerait lieu un droit de prfrence, sans possibilit de contester le prix devant le

    juge de lexpropriation. Simplifier la marge le champ dapplication matriel de la procdure de

    premption, en achevant la fusion entre droit de priorit et DPU, et remettre platles dlgations au sein des collectivits titulaires et dlgataires.3/ Crer les conditions dune fixation transparente et souple du prix dansun cadre plus protecteur des finances de la collectivit Il semble ncessaire : damliorer la circulation de linformation sur les prix du foncier, car leur

    relative opacit contribue la mauvaise acceptation des procdures de premption.Dans cette optique, il serait souhaitable de renforcer le rle de lavis des domaineset de rduire lasymtrie dinformation en clarifiant les termes de la transaction. de promouvoir une fixation ngocie du prix : les principes de fixation du

    prix sont assez rigides et matriss en quasi totalit par la collectivit.

    4/ Clarifier les conditions de paiement du prix et du transfert de proprit. Il existe une zone de flou juridique dans la priode qui spare laccorde de signaturede lacte de vente et le paiement du prix, durant laquelle la collectivit estvirtuellement propritaire, mais lancien propritaire conserve la jouissance du bien.Il semblerait logique de permettre que le transfert de proprit intervienne aupaiement du prix en cas daccord sur celui-ci.

    5/ Scuriser la situation aprs premption .Deux amliorations principales sont envisages : Renforcer les droits des parties prives en cas de renonciation la

    premption, en introduisant le paiement automatique dune indemnitdimmobilisation.

    Prvenir et rationaliser les consquences de lannulation en unifiant lescontentieux de la premption et des contrats subsquents au sein de la juridictionadministrative.

    6/ Dvelopper linformation sur la politique de premption. En cas de dlgation du droit de premption, les lus devraient tre plus clairementastreints par les textes faire rapport annuel leur assemble dlibrante sur lapolitique suivie en matire de premption. De plus, cette politique devrait fairelobjet dune discussion entre les collectivits titulaires dun droit de premption, etavec lEtat.