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DROIT DES LIBERTES FONDAMENTALES INTRODUCTION Droits de l’homme, libertés publiques, libertés fondamentales… Ces expressions diffèrent. A chaque notion correspond un régime juridique particulier. I. LIBERTES PUBLIQUES ET DROITS DE L’HOMME. A. La notion de libertés publiques. La liberté est la première revendication de l’homme. Dans une première acception, l’être libre se détermine par sa propre volonté et pour des raisons et motifs qu’il choisit, indépendamment de toute contrainte extérieure. « La liberté d’un être, c’est l’autodétermination de cet être » (René Capitant). Dans une deuxième acception, être libre, c’est avoir le pouvoir d’accomplir un acte, ou le droit de l’accomplir. Les libertés sont « publiques » quand elles représentent une faculté d’agir et une sphère d’autonomie opposables à la puissance publique, ce qui met en relief leur dimension verticale (« bas » = l’individu/ « haut »= l’Etat). Les libertés publiques en France sont caractérisées par le rôle central de la loi. La loi est seule compétente pour déterminer les conditions d’exercice de la liberté en en fixant les limites. Les libertés publiques sont instituées par la loi formelle. B. Les droits de l’homme. Les droits de l’homme sont ceux dont bénéficie l’individu en tant qu’être humain, ils sont intrinsèques à la nature humaine. ~ 1 ~

Droit Des Libertes Fondamentales

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DROIT DES LIBERTES FONDAMENTALESINTRODUCTIONexpressions diffrent. A chaque notion correspond un rgime juridique particulier. I. LIBERTES PUBLIQUES ET DROITS DE LHOMME. Droits de lhomme, liberts publiques, liberts fondamentales Ces

La libert est la premire revendication de lhomme.

A. La notion de liberts publiques.

Dans une premire acception, ltre libre se dtermine par sa propre volont et pour La libert dun tre, cest lautodtermination de cet tre (Ren Capitant). ou le droit de laccomplir.

des raisons et motifs quil choisit, indpendamment de toute contrainte extrieure. Dans une deuxime acception, tre libre, cest avoir le pouvoir daccomplir un acte, Les liberts sont publiques quand elles reprsentent une facult dagir et une sphre dautonomie opposables la puissance publique, ce qui met en relief leur dimension verticale ( bas = lindividu/ haut = lEtat).

Les liberts publiques en France sont caractrises par le rle central de la loi. La loi est seule comptente pour dterminer les conditions dexercice de la libert en en fixant les limites. Les liberts publiques sont institues par la loi formelle. B. Les droits de lhomme.

Les droits de lhomme sont ceux dont bnficie lindividu en tant qutre humain, ils sont intrinsques la nature humaine. doctrine individualiste et librale. Ils relvent dune conception philosophique, politique et morale inspire par la Ils sont proclams notamment dans la Dclaration des droits de lhomme et du citoyen (DDHC) de 1789 ou dans la Dclaration universelle des droits de lhomme adopte dans le cadre de lONU en 1948.

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Les rgimes juridiques des liberts publiques et des droits de lhomme ne semblent pas suffisant aujourdhui, car ils ne permettent pas dopposer les droits et liberts au juridique plus protecteur. I. lgislateur . Cest pourquoi les liberts fondamentales bnficient dun rgime

A. Notion de liberts fondamentales.

LES LIBERTES FONDAMENTALES.

Les liberts fondamentales sont les liberts protges par des textes constitutionnels normes. Elles sont donc opposables au pouvoir lgislatif.

ou internationaux dont la valeur est suprieure celle de la loi dans la hirarchie des Toute libert est accompagne du droit dexercer cette libert. B. Historique de lapparition de la notion de liberts et droit fondamentaux.

Lexpression droits fondamentaux apparait pour la premire fois dans la Constitution de Weimar du 11 aot 1919. Elle tient une place prioritaire dans la Loi fondamentale du 23 mai 1949, qui consacre ses 19 premiers articles ces droits. a) Les liberts et droits fondamentaux en France.

Constitution allemande du 28 mars 1849 puis fait lobjet de la seconde partie de la

En France, les Constitutions privilgient le terme de liberts publiques (art. 34 de la Constitution) ou plus rcemment les droits et liberts que la Constitution garantit (art. 61-1 de la Constitution issu de la rvision constitutionnelle du 23 juillet 2008). Le prambule de la Constitution se rfre aux droits de lhomme de la temps .

DDHC de 1789, aux PFRLR et aux principes particulirement ncessaires notre Le juge constitutionnelle emploie rarement lexpression droit ou libert fondamentale . Il prfre employer les expressions : droits et liberts constitutionnellement Constitution (CC, dcision du 16 mai 2012).

garantis (CC, dcision du 13 dcembre 1985) ou droit ou libert garantis pas la

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Au niveau international, les droits fondamentaux ont une place plus forte dans le langage juridique : Dclaration universelle des droits de lhomme du 10 dcembre Charte des droits fondamentaux de lUnion europenne du 7 dcembre 2000 (effective avec lentre en vigueur du Trait de Lisbonne le 1er dcembre 2009). que lon peut parler de droits fondamentaux. 1948, Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 dcembre 1966,

b) Les liberts et droits fondamentaux en droit international.

Mais ce nest que quand un systme de garantie est organis pour protger les droits La Cour de justice des Communauts europennes (dsormais Cour de justice de

lUnion europenne, CJUE) estime que le respect des droits fondamentaux fait partie

intgrante des principes gnraux du droit dont elle assure le respect et que la sauvegarde de ces droits doit tre assure dans le cadre de la structure et des objectifs de la Communaut (CJCE, 1970, Internationale Handelsgesellschaft).

Le Trait de Maastricht, aprs la dclaration des droits et des liberts fondamentaux principes lmentaires dune communaut de droit respectueuse de la dignit humaine et des droits fondamentaux. C. Notion de fondamentalit.

approuve le 12 avril 1989 par le Parlement europen, consacre cela : il prcise les

Le terme fondamental nest pas anodin. Il dsigne ce qui est la base dun systme. a) Fondamentalit formelle.

La fondamentalit peut tre entendue de faon formelle.

Cest la place du droit dans une norme de valeur suprieure (Constitution ou texte international) et le mcanisme de garantie dont il bnficie, qui diffrencient les droits fondamentaux au sens formel des liberts publiques. renforc, ou exorbitant du droit commun.

Dans ce sens, la fondamentalit est caractrise par un mcanisme de protection Cela implique une permanence du systme des droits fondamentaux, qui ne varie pas en fonction des gouvernements. En effet, il est plus facile de rviser la Constitution ou de revenir sur un trait que de modifier la loi. Cette diffrence de statut dcoule de la ~3~

place des droits dans la hirarchie des normes. Ainsi, la fondamentalit est lie la constitutionnalisation et linternationalisation des droits. lexistence de normes suprieures la Constitution. La thse de la supra constitutionnalit nest pas admise car elle revendique Mais il est possible de hirarchiser les normes de la Constitution.

Le Conseil constitutionnel estime que le pouvoir constituant est souverain (et) quil

lui est loisible dabroger, de modifier ou de complter des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme quil estime approprie . Aussi, rien ne soppose ce quil introduise dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui, dans le cas quelles visent, drogent une rgle ou un principe de valeur constitutionnelle () cette drogation peut tre aussi bien expresse quimplicite (CC, dcision du 2 septembre 1992, Trait sur lUnion europenne). b) Fondamentalit matrielle.

Une partie de la doctrine estime que des droits proclams au niveau interne bnficient dune fondamentalit matrielle. Selon cette thorie, aucune voie de recours ne permet de censurer la loi. Bill of Rights de 1689.

Au Royaume-Uni, la fondamentalit caractriserait la Magna Carta de 1215 ou le Les droits sont essentiellement lgislatifs et dorigine jurisprudentielle.

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PARTIE I. LES SOURCES DES LIBERTES FONDAMENTALES.FONDAMENTALES. CHAPITRE 1. LES SOURCES HISTORIQUES DES LIBERTES

Les liberts fondamentales sont originaires de la philosophie individualiste librale, qui met laccent sur la libert de lhomme. Cette dernire est consacre dans lhistoire. I. les textes rvolutionnaires (DDHC), mais a fait lobjet de remises en cause dans

A. Les origines indirectes : les anctres des liberts. a) LAntiquit.

LES SOURCES DE LINDIVIDUALISME LIBERAL.

La Grce antique est la mre de la dmocratie. Elle permet de reconnatre aux individus le droit de participer la vie politique de la cit. Aussi, la cit limite lindividu. Mais ce statut est rserv aux hommes libres, excluant les femmes et les esclaves. Il y a des rglementations protectrices des liberts publiques. Par exemple, les homme asservi pour dettes a t affranchi, il ne peut plus tre asservi de nouveau pour le mme motif. Certaines philosophies prcdent lindividualisme libral en plaant la dignit et lhomme est la mesure de toute chose (Protagoras).

principes de Solon (VIme sicle avant J.C.) bauchent la notion de sret : quand un

luniversalit de lhomme au cur de leurs thories. Par exemple, pour les sophistes, Cest le mme constat Rome. Les pouvoirs des gouvernants peuvent tre limits. Par qui aurait mis en jeu la vie ou la libert dun citoyen. Mais la cit limite aussi lindividu.

exemple, une assemble populaire peut remettre en cause le verdict dun magistrat

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La fodalit ne permet pas lpanouissement des liberts, qui sont rares jusqu la fin tout individu) ou aux corporations (qui portent atteinte la libert dassociation). liberts.

b) Le Moyen-Age.

de lAncien rgime. On pense aux lettres de cachet (qui permettent demprisonner Mais le dveloppement du christianisme reprsente une volution en faveur des Il affirme la valeur transcendante des tres humains, mmes des esclaves, car lhomme a t cr limage de Dieu. Au XIIIme sicle, Saint Thomas dAquin dveloppe la conception du droit naturel. Il

sagirait dun droit antrieur toute socit, qui pose le principe de liberts justice.

inhrentes la personne humaine, et dont lun des principes fondamentaux est la

B. Les origines immdiates : la marche rvolutionnaire. Les ides librales sont thorises par des philosophes politiques qui veulent thoriser totale. a) Les thories.

la notion dEtat et le rle de celui-ci. Ltat de nature se caractrise par une libert Mais les individus vont passer un pacte social qui met fin ltat de nature, organise la socit et encadre les liberts. Au XVIIe sicle, Grotius (Trait de la de la guerre et de la paix, 1625) lacise la conception du droit naturel dveloppe par Saint Thomas dAquin. Les liberts publiques ne sont plus justifies par rfrence la puissance divine. Pour Grotius, il existe dans ltat de nature des droits qui vont tre conservs par les hommes qui

concluent le pacte social. Le pouvoir existe car les individus lont souhait, mais le droit naturel antrieur doit prvaloir sur le droit positif (droit adopt par lEtat). Le principe fondateur de ce droit est la dignit humaine, qui est intangible.

Hobbes (Lviathan, 1651) a une vision pessimiste de la formation de lEtat. Dans un progrs. Mais ce dernier constitue une alination des droits de lindividu entre les concentre au profit dune source unique de pouvoir. ~6~

ltat de nature, lhomme est un loup pour lhomme , et le pacte social reprsente mains dun pouvoir totalitaire. La force reste le fondement de la socit mais est

Locke (Second Trait sur le gouvernement civil, 1690) estime que lhomme tait bon dans ltat de nature, et est titulaire de droits individuels, la libert et la proprit. Mais le pacte social va lui permettre de progresser, les liberts seront conserves et mieux protges. Le pouvoir est confi aux gouvernants, mais il ne sagit que dun simple dpt. Si les gouvernants sont indignes de la confiance tmoigne par les gouverns, le pouvoir peut leur tre retir. Mais il vaut mieux limiter le pouvoir. Locke dveloppe la thorie de la sparation des pouvoirs.

Au XVIIIe sicle, Rousseau (Contrat social, 1762) sintresse aux droits de lhomme n libre et partout dans les fers . Il tente de concilier le pouvoir et la libert. La conception de la volont gnrale reprsente le pouvoir abandonn au souverain. Les sujets sont gaux et participent tous la formation de la volont gnrale. La loi est entrer dans le droit positif. Elle est issue de la volont gnrale. par Locke. Cette dernire garantie la libert politique. b) Le droit constitutionnel.

individus ne tiennent pas leurs droits du souverain, mais de ltat de nature. Les llment central du systme rousseauiste. Elle codifie les droits naturels en les faisant Montesquieu (LEsprit des lois, 1748) reformule la sparation des pouvoirs propose

Les droits constitutionnels anglais et amricain consacrent des droits et liberts dans des textes encore en vigueur aujourdhui. En Angleterre en 1215, le Parlement est runi pour la premire fois pour recevoir la

Magna Carta du roi Jean sans Terre. Cest une charte rdige par les barons rvoltslimpt. Elle est accepte par le roi le 15 juin 1215. Elle comprend des articles fondateurs pour la protection des liberts (art. 20 sur la proportionnalit des peines,

contre leur roi du fait de sa cruaut, des dtentions arbitraires et de la duret de

art. 39 cre le droit la sret). La volont de limiter les prrogatives royales est promulgu par le roi en 1679. Il oblige faire dlivrer le prisonnier ds rception sanction encourue pour manque de respect d la cour. La loi sapplique mme au roi.

associe la reconnaissance des droits. LHabeas Corpus est vot par le Parlement et dune ordonnance (writ), et en cas de refus de la part du gelier, celui-ci risque la

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En fvrier 1688, le Parlement remet Marie et Guillaume dOrange le projet de Bill

of Rights : droit de ptition du citoyen, proportionnalit des peines, interdiction detraitements inhumains, restriction des pouvoirs du roi (ne peut plus suspendre lapplication dune loi ou ne pas appliquer une loi). contre la puissance du Parlement. dimposer une taxe sur le th.

Aux Etats-Unis, au contraire, la proclamation des liberts sest faite en raction La rvolte des colons dbute la suite de la volont du Parlement britannique Les dclarations amricaines sappuient sur le droit naturel. La Dclaration

dindpendance du 4 juillet 1776 proclame une vrit vidente delle-mme, que

tous les hommes sont crs gaux, quils sont dots par leur Crateur de certains droits inalinables, et que parmi ces droits figurent la vie, la libert et la recherche du bonheur .que rvler les droits existants, mais ne les crent pas.

Le terme dclaration pour la premire fois employ signifie que ces textes ne font Les droits proclams aux Etats-Unis bnficient dune antriorit incontestable sur la DDHC. Mais celle-ci synthtise, lacise et universalise ces principes. II.

A. Elaboration.

LA DECLARATION DES DROITS DE LHOMME ET DU CITOYEN.

En 1789, le Tiers Etat demande le doublement du Tiers et le vote par tte dans une

assemble commune. Les Etats se runissent le 2 mai 1789, avec 1196 dputs dont 596 du Tiers. Un conflit nat de la question du vote par tte. Le 10 juin, les dputs du Tiers se proclament Chambre des Communes, et sont rejoints par les dputs du

bas clerg. Le 17 juin, la Chambre des Communes se dclare Assemble nationale. Le clerg et la noblesse devant, sur ordre du roi, rejoindre le Tiers. Pendant la rdaction

20 juin, elle dcide de rdiger une Constitution, et devient assembl constituante, le de la Constitution, le pouvoir est partag entre le roi et lassemble qui dtient le nationale constituante .

pouvoir lgislatif. La DDHC est le premier texte adopt par une Assemble Inspire par les premires dclarations de droits amricaines, lAssemble refuse que

le roi lui concde une dclaration, et sestime comptente pour proclamer des droits ~8~

et limiter les pouvoirs du roi. Le contexte de llaboration de la DDHC est dabord 1789, la DDHC est place en tte de la Constitution le 6 aot 1791. B. Contenu.

celui de labolition des privilges dans la nuit du 4 aot 1789. Acheve le 26 aot

La DDHC est une synthse de plusieurs revendications :

- des revendications idologiques : art. 1er : Les hommes naissent et demeurent

La DDHC, en constatant des droits naturels, est inspire des ides de Rousseau et de la philosophie individualiste librale. - elle est marque par lindividualisme.

libres et gaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent tre fondes que sur lutilit commune . - des revendications concrtes : art. 12 : La garantie des droits de lhomme et du citoyen ncessite une force publique : cette force est donc institue pour lavantage de tous, et non pour lutilit particulire de ceux auxquels elle est confie .

- elle est marque par limportance de la libert et de lgalit. (art. 16).

- elle fixe le principe de la garantie des droits par la sparation des pouvoirs Son uvre est l expression de la volont gnrale (art. 6).

Il revient au lgislateur de fixer les bornes de la libert (art. 4), de dfendre les

actions nuisibles la socit (art. 5), de garantir le principe dgalit (art. 6) et la proprit (art. 17), dtablir des rgles pnales non rtroactives et strictement ncessaires (art. 7,8 et 9), et de fixer les limites des liberts dopinion et dexpression (art. 10 et 11).

C. La Dclaration dans lhistoire franaise.

Il faut attendre deux sicles pour que la question de la valeur juridique de la DDHC soit tranche. Les Constitutions postrieures celle de 1791 ny font plus rfrence.

a) La place de la Dclaration dans les Constitutions franaises.

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Il faut attendre la Charte de 1814 pour que les Constitutions franaises comprennent nouveau une liste de droits. Les lois constitutionnelles de 1875 sont muettes sur les droits des citoyens. par la loi et la jurisprudence.

Mais sous la IIIe Rpublique les principes de la DDHC sont consacrs en droit positif Le rejet par rfrendum du projet de Constitution du 19 avril 1946 reflte lattachement des franais la DDHC.

La DDHC na pas t suffisante pour ancrer une tradition librale dans lhistoire franaise. La priode napolonienne et la monarchie sont anti-librales.

b) Les liberts seulement proclames.

En 1814, la charte constitutionnelle est octroye par le roi. Le droit public des

franais dicte des liberts acceptes avec rsignation par Louis XVIII. La libert individuelle et lgalit sont garanties, mais aprs lpisode des 100 jours (1er mars 18 juin 1815 = retour de Napolon), le rgime se durcit. A la mort de Louis XVIII, Charles X devient roi. Ses ordonnances du 25 juillet 1830 suspendent la libert de la presse, prononcent la dissolution de la Chambre des dputs et restreignent lexercice du droit de vote. La charte de 1830 raffirme le droit public des franais mais nest plus octroye. Des dbuts plutt libraux sont rprims. Le second Empire en 1852 proclame son attachement aux principes de la DDHC mais il tourne lEmpire autoritaire. Vers 1860, lEmpire devient plus libral. Les liberts de runion, dassociation et de la presse sont tolres. c) Les liberts incompltes.

Cest sous la IIIe Rpublique que les grands textes qui proclament les liberts sont adopts : loi sur la libert dassociation du 1er juillet 1901, lois du 30 juin 1881 et du 28 mars 1907 sur la libert de runion, loi du 29 juillet 1881 sur la libert de la presse.

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III.

LES LIMITES ET LELARGISSEMENT DE LA PHILOSOPHIE INDIVIDUALISTE LIBERALE.

A. Les critiques de la thorie librale.

a) Les critiques des doctrines pluralistes. Edmund Burke (1729-1797). Britannique dorigine irlandaise, il conteste le caractre trop abstrait des droits de lhomme, qui nont pas dutilit vritable. Il dentreprendre et dduquer ses enfants. 2) La critique positiviste. prne la conscration de vrais droits individuels : droit la justice, libert 1) La critique contre-rvolutionnaire.

Cest une doctrine juridique qui conteste la thorie des droits naturels. Elle dfinit le

droit comme le droit en vigueur dorigine humaine, en opposition un droit idal.

Les positivistes ne reconnaissent lexistence de liberts que si elles sont contenues juridictionnels. Le droit naturel nest pas effectif car il nexiste pas de moyens juridiques de le faire respecter.

dans une norme, dont le respect est garanti par des mcanismes notamment

Cest une doctrine plus idologique. Ils sont hostiles lindividualisme de 1789. Ils prnent une socit dont le fondement est la dmocratie politique mais dans laquelle humaine. Ils revendiquent des droits-crances, des prestations de lEtat. b) Les critiques des doctrines autoritaires. Il se dveloppe en Italie. La libert nest concevable que si elle ne soppose pas aux intrts suprieurs de la nation. Le national-socialisme rejoint la doctrine fasciste car il fait prvaloir la communaut sur lindividu, il propose une ngation de lhomme en tant que tel, qui nest quun lhomme seul qui poursuit des buts diffrents de ceux de la communaut. ~ 11 ~ lment de la collectivit. La libert est nie car elle correspond la dmarche de 1) Le fascisme et le national-socialisme. lEtat va satisfaire des exigences permettant lpanouissement de la personne

3) La critique social- dmocrate.

Les droits de lhomme de 1789 sont pour Marx un moyen de domination de la

2) Le marxisme.

bourgeoisie sur le proltariat, car ils permettent une mancipation seulement seuls ceux qui ont les moyens de les mettre en uvre peuvent en disposer. Lindividualisme et la conception du droit de proprit sont rejets. Marx critique

politique et non celle des moyens de production. Il sagit de liberts bourgeoises, car

lineffectivit des droits, qui sont proclams mais dont les moyens de garantie ne sont celles de 1789, qui permettent de ne de ne pas tre empch dagir) et les liberts

pas prvus. Il y a une diffrence entre les liberts formelles (= liberts-autonomie, relles (= droit-crances, qui donnent les moyens dagir). Elles ne sont pas acquises lavance, comme les droits naturels consacrs en 1789, mais doivent faire lobjet dune conqute.

B. Lapparition de nouveaux droits.

a) La protection internationale des droits. Le droit international des droits de lhomme merge aprs la seconde guerre mondiale

grce de nombreux instruments internationaux nonant des droits garantis. La personne. Dans ce cadre, la Dclaration universelle des droits de lhomme (DUDH) du 10 lhomme, mme sil ne sagit que dune rsolution de lassemble gnrale de lONU sans valeur imprative. La DUDH comporte quatre piliers qui sont en thorie communs tous les tats : - droits personnels : droit la vie, protection de la libert individuelle ; - insertion de lhomme dans la socit : droit une nationalit, protection de la famille, droit de proprit (formul de manire ambigu pour satisfaire tous les ; tats : Toute personne, aussi bien seule quen collectivit, a droit la proprit )

Charte des Nations unies rappelle la foi des peuples dans les droits fondamentaux de la dcembre 1948 marque le coup denvoi de cette internationalisation des droits de

- liberts publiques et droits politiques : liberts dexpression, de runion, de conscience, dassociation ;

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- droits conomiques, sociaux et culturels : droit au travail, au repos, un niveau La DUDH est complte par dautres textes adopts galement par lAssemble de vie suffisant, la scurit sociale, lducation.

gnrale des Nations unies le 16 dcembre 1966. Le Pacte international des droits international sur les droits civils et politiques est entr en vigueur le 23 mars 1976.

conomiques, sociaux et culturels est entr en vigueur le 3 janvier 1976. Le Pacte Sagissant des organes de contrle, la Commission (aujourdhui Conseil) des droits de lhomme cre par la Charte de lONU est charge de ragir aux violations des droits de lhomme ; elle peut alors prsenter un rapport. Les Pactes de 1966 quant eux instaurent un Comit des droits de lhomme qui peut examiner des plaintes de victimes de violations de leurs droits. Il peut adresser des constatations ltat intress.

Dans un cadre rgional, les statuts du Conseil de lEurope sont adopts Londres le 5 premier trait multilatral conclu par le Conseil de lEurope, la Convention europenne

mai 1949, dans le but de promouvoir et de protger la libert et la dmocratie. Le de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales (CEDH), est adopte France le 3 mai 1974.

le 4 novembre 1950, et entre en vigueur le 3 septembre 1953. Elle est ratifie par la En 1989, les tats post-communistes adhrent la CEDH, la Russie en 1996. La

Convention est assortie de protocoles additionnels, dont les principaux sont le protocole n 1 sur le droit de proprit ou le protocole n 6 sur labolition de la peine de mort. Dautres cadres rgionaux ont t inspirs par le modle europen :

- la Convention amricaine relative aux droits de lhomme du 22 novembre entre en vigueur le 18 juillet 1978, mais nest pas ratifie par les tats-Unis. Du point de vue du contenu, elle met laccent, comme la CEDH, sur les droits civils et

1969 est adopte dans le cadre de lOrganisation des tats amricains. Elle est

politiques. Elle met en place une Commission et une Cour interamricaine des de lhomme ;

droits de lhomme, similaires la Commission et la Cour europenne des droits - la Charte africaine des droits de lhomme et des peuples du 27 juin 1981 est entre en vigueur le 21 octobre 1986. Elle donne une place importante au droit des peuples, ce qui met laccent sur la lutte contre la colonisation mais aussi sur la ~ 13 ~

collectivisation des droits de lhomme. Les valeurs de la civilisation africaine sont prises en compte par la Charte, qui prsente une conception sociale des droits et devoirs de lindividu vis--vis de la communaut. Elle cre une Commission africaine des droits de lhomme et des peuples, qui peut tre saisie par un tat - la Charte arabe des droits de lhomme du 15 septembre 1994 est adopte dans mcanisme de contrle sommaire ; partie ;

le cadre de la Ligue des tats arabes. Elle nest pas imprative et propose un

- la Dclaration islamique universelle des droits de lhomme est proclame en 1981. Elle fait prvaloir les normes divines, et contredit en ce sens les instruments internationaux des droits de lhomme. Notamment, la peine de mort nest pas interdite.

Ces textes montrent bien que la philosophie individualiste de 1789 est relative dans Guerre mondiale par de nouveaux droits.

lespace. Elle est galement relative dans le temps, car elle est complte aprs la Seconde

Les droits civils et politiques sont la premire gnration de droits, opposables ltat. Les droits conomiques et sociaux sont la deuxime gnration, ils sont exigibles de ltat. Par exemple, en France, le projet de dclaration du 19 avril 1946 fait partie du projet de Constitution qui sera repouss le 5 mai 1946 par rfrendum. Il sagit dun principes de 1789, dans une seconde partie, il instaure des droits conomiques et texte qui a pour but de remplacer la DDHC : dans une premire partie, il reprend les sociaux. Grce ces droits, lhomme dispose dune crance vis--vis de la socit (par dlaborer un autre projet de Constitution. Les liberts traditionnelles vont tre les lois de la Rpublique : il sagit de grandes lois de la IIIe Rpublique qui consacrent des liberts. Mais certains droits vont galement tre ajouts : les principes particulirement

b) Les nouvelles gnrations de droits.

exemple : le droit la culture, la sant). Ce projet tant repouss, il convient consacres par renvoi la DDHC mais aussi aux principes fondamentaux reconnus par

ncessaires notre temps (galit homme/femme, droit dasile, protection de la sant, droit au repos, aux loisirs). Il sagit de droits dessence conomique et sociale, qui imposent une obligation dagir de la part de ltat. ~ 14 ~

Au dbut des annes 1980, une troisime gnration de droits de lhomme apparat : on environnement sain, droit des peuples disposer deux-mmes, droit au

parle des droits-fraternit ou solidarit. Il sagit dun ensemble htrogne (droit un dveloppement, droit la paix, ingrence humanitaire, lutte contre les crimes contre

lhumanit ou le terrorisme, respect du patrimoine commun de lhumanit). En France, la Charte de lenvironnement consacre des droits lis lenvironnement (droit un environnement respectueux de la sant, principes de prvention et de prcaution, participation du public la prise de dcision en matire environnementale, droit linformation).

CHAPITRE 2. LES SOURCES FORMELLES DES LIBERTES FONDAMENTALES.sagit de la Constitution et des traits, qui encadrent le lgislateur, et dont la violation pouvoir excutif, se dduisent ainsi de ce cadre. I. La dfinition mme des liberts fondamentales identifie leurs sources formelles : il

par la loi est sanctionne. La comptence du lgislateur, mais aussi la comptence du

LES SOURCES CONSTITUTIONNELLES.

La valeur constitutionnelle des droits inclus dans le Prambule de la Constitution constitutionnel.

ntait pas vidente en 1958, et a t prcise par la jurisprudence du Conseil

A. La question de la valeur constitutionnelle des droits. Les constitutions franaises jusquen 1958 ont beau proclamer des droits, ceux-ci ne pouvaient tre effectifs sans linstauration dun contrle de constitutionnalit permettant de censurer les lois liberticides. Cependant, malgr la cration du Conseil constitutionnel en 1958, tant la question de la valeur juridique, puis une fois acquise, celle de la valeur ~ 15 ~

constitutionnelle des droits consacrs dans le Prambule de la Constitution de 1958 ont pos problme. Les rdacteurs de la Dclaration des droits de lhomme nont jamais voqu la valeur effective grce des mcanismes juridictionnels de garantie. Sous la IIIe Rpublique, supraconstitutionnelle, ce qui doit tre contest. La majorit de la doctrine (notamment Carr de Malberg) estime au contraire que la Dclaration na aucune valeur juridique.

juridique ou normative du texte. Une norme modifie lordonnancement juridique, et est une partie de la doctrine (notamment Duguit) estime que la Dclaration a une valeur

Elle a t annexe une Constitution rvolue, celle de 1791. Une partie de la doctrine estime mme que la Dclaration ne peut avoir une valeur juridique car elle est trop imprcise. Le Conseil dtat aura ainsi recours aux principes gnraux du droit (PGD)

pour consacrer des droits plus concrets, par exemple lgalit devant le service public.

Le problme se pose galement propos du Prambule de 1946, alors mme quil est partie intgrante de la Constitution, quil a t labor par les constituants. Mais surtout, il nexiste pas de contrle de constitutionnalit. Le Conseil dtat estime 26 juin 1959, Syndicat gnral des ingnieurs conseils. cependant que le Prambule a une certaine valeur juridique et sy rfre dans larrt du Les travaux prparatoires de la Constitution de 1958 rvlent les problmes soulevs par linsertion dune dclaration de droits. Le 7 aot 1958 devant le Comit consultatif constitutionnel, le commissaire du gouvernement, Raymond Janot, indique que le Prambule de la Constitution de 1946 et la Dclaration de 1789 ont une valeur lgislative dans la mesure o ils contiennent les principes gnraux des droits

reconnus comme tels par la jurisprudence. Mais, selon lui, ni la Dclaration, ni le Prambule nont, dans la jurisprudence actuelle, valeur constitutionnelle. Il semble ainsi que les principes gnraux du droit reconnus par le Conseil dtat sont largement lAssemble gnrale du Conseil dtat les 27 et 28 aot 1958, Lon Julliot de la

suffisants, et quil nest pas ncessaire de constitutionnaliser des droits. Puis, devant Morandire voque la valeur juridique de la Dclaration et du Prambule de 1946, sans toutefois prciser leur rang. Nanmoins, il les oppose de simples proclamations droits de lhomme. ou souhaits, comme ceux formuls par exemple dans la Dclaration universelle des

~ 16 ~

Il semble ainsi que, dans les travaux prparatoires de la Constitution, rien ne peut laisser penser que les droits du Prambule ont une valeur constitutionnelle. Cest nanmoins ce qua affirm le Conseil constitutionnel dans sa dcision n 71-44 DC du contraire aux droits du Prambule.

16 juillet 1971 (Libert dassociation), en censurant pour la premire fois une loi

B. Les droits dans la Constitution. Les dispositions relatives aux droits fondamentaux dans le corps mme de la Constitution sont assez peu nombreuses : - larticle 1er de la Constitution nonce plusieurs droits, car la France est une Rpublique laque , qui respecte toutes les croyances . En outre, elle assure lgalit devant la loi de tous les citoyens sans distinction dorigine, de race mandats lectoraux et fonctions lectives, ainsi quaux responsabilits 23 juillet 2008) ; a) Les droits dans le corps de la Constitution.

ou de religion . Enfin, la loi favorise lgal accs des femmes et des hommes aux professionnelles et sociales (rdaction issue de la rvision constitutionnelle du - larticle 53-1 concerne quant lui le droit dasile ; - les articles 5, 34, 61, 61-1 et 66 de la Constitution sont par ailleurs relatifs aux gardiens des droits fondamentaux : larticle 5 fait du prsident de la Rpublique le garant de la Constitution ; larticle 34 reconnat au lgislateur un monopole de comptence pour fixer les rgles concernant les garanties fondamentales accordes aux citoyens pour lexercice des liberts publiques ; les articles 61 et lautorit judiciaire la gardienne de la libert individuelle. b) Les droits dans le Prambule de la Constitution.

61-1 traitent du rle du juge constitutionnel ; quant larticle 66, il fait de

Le Prambule fait rfrence la Dclaration de 1789, et au Prambule de la Constitution la Rpublique et proclame des principes politiques, conomiques et sociaux particulirement ncessaires notre temps. Une rvision de 2005 (Loi constitutionnelle

de 1946, qui lui-mme raffirme les principes fondamentaux reconnus par les lois de

~ 17 ~

du 1er mars 2005) y ajoute les droits et devoirs de la Charte de lenvironnement de 2004, faisant ainsi place aux droits de lhomme de la troisime gnration . concrtise par le Conseil constitutionnel. 1. Les PFRLR Cest au fur et mesure que la valeur constitutionnelle des lments du Prambule est

En 1971, le prsident du Snat Alain Poher saisit le Conseil constitutionnel de la

modification de la loi du 1er juillet 1901. La modification porte sur la procdure de cration des associations. La loi de 1901 prvoit un simple rgime de dclaration des associations, qui acquirent ainsi la personnalit morale. La loi de 1971 au contraire, institue une procdure selon laquelle lacquisition de la capa- cit juridique des associations dclares peut tre subordonne un contrle pralable de lauto- rit judiciaire sur leur conformit la loi. Le prsident du Snat soppose la substitution du rgime dautorisation celui de la dclaration. Selon lui, le Prambule raffirme, en

rfrence celui de la Constitution de 1946, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la Rpu- blique , et la libert dassociation en fait partie. La loi dfre serait contraire au principe en question, car celui-ci nimplique aucune limitation la libert dassociation pour le prsident du Snat. En effet, le lgislateur en 1901 dacqurir une capacit opposable aux tiers et ladministration. La formalit de envisage lassociation comme un contrat de droit priv, dont la publicit permet publicit nest pas contraire cette libert, car lautorit qui dlivre le rcpiss na aucun pouvoir de contrle sur lassociation et doit automatiquement le dlivrer. Il nen va pas de mme lorsque la constitution de lassociation doit dabord tre approuve par lautorit judiciaire.

Le Conseil constitutionnel accueille cet argument, et censure la nouvelle procdure de constitution des associations. Il reprend la motivation avance par Alain Poher, en classant la libert dassociation parmi les principes fondamentaux reconnus par les lois de la Rpublique. Cest la premire dcision du Conseil qui donne un contenu cette

notion, tout en lincluant explicitement dans le bloc de constitutionnalit. Premire censure dune loi sur le fondement des droits constitutionnels, la dcision n 71-44 DC du 16 juillet 1971 (Libert dassociation) marque un tournant, non seule- ment

~ 18 ~

sagissant du rle du Conseil constitutionnel, mais aussi du rle du Parlement en matire de droits fondamentaux. Reste cependant savoir ce que sont les principes fondamentaux reconnus par les lois de principes dans deux dcisions, n 88-244 DC du 20 juillet 1988, loi portant amnistie et pour identifier un PFRLR :

la Rpublique. Le Conseil constitutionnel explicite sa mthode de reconnaissance de ces n 89-254 DC du 4 juillet 1989 sur les privatisations. Il fait ainsi mention de critres - le principe doit avoir une source lgislative ; octobre 1946 ;

- tre contenu dans une lgislation rpublicaine antrieure la Constitution du 27 - tre dapplication continue.

Ces conditions sont assez strictes, et les PFRLR sont rarement reconnus par le Conseil

constitutionnel (voir par exemple la dcision n 2011-199 QPC du 25 novembre 2011, M. Michel G. [Discipline des vtrinaires], sagissant dun PFRLR selon lequel les poursuites disciplinaires sont ncessairement soumises une rgle de prescription).

Nanmoins, le Conseil constitutionnel a dj reconnu la libert dassociation (dcision du 16 juillet 1971), les droits de la dfense (dcision n 76-70 DC du 2 dcembre 1976, loi relative au dveloppement de la prvention des accidents du travail), la libert individuelle (dcision n 76-75 DC du 12 janvier 1977 dite Fouille des vhicules), la libert de lenseignement (dcision n 77-87 DC du 23 novembre 1977, loi relative la libert de lenseignement), la libert de conscience (mme dcision), lindpendance de la juridiction administrative (dcision n 80-119 DC du 22 juillet 1980, loi portant validation dactes administratifs), lindpendance des professeurs duniversit (dcision n 83-165 DC du 20 janvier 1984, loi relative lenseignement suprieur), la Conseil de la concurrence), lautorit judiciaire gardienne de la proprit prive

comptence du juge administratif (dcision n 86-224 DC du 23 janvier 1987 sur le immobilire (dcision n 89-256 DC du 25 juillet 1989, loi portant dispositions diverses en matire durbanisme) et lexistence dune justice pnale des mineurs pour la justice). Le Conseil dtat sest galement attribu la comptence de dcouvrir politique). (dcision n 2002-461 DC du 29 aot 2002, loi dorientation et de programmation des PFRLR dans larrt Kon du 3 juillet 1996 (interdiction de lextradition dans un but

~ 19 ~

La Dclaration des droits de lhomme intgre quant elle le bloc de constitutionnalit

2. La Dclaration des droits de lhomme

ds la dcision n 73-51 DC du 27 dcembre 1973, Taxation doffice. Il sagit dune

autre saisine notable du prsident du Snat. Celui-ci indique que, selon lui, larticle 62 permet au contribuable tax doffice limpt sur le revenu, dobtenir une dcharge de

de la loi de finances pour 1974 est contraire la Constitution. En effet, cet article la cotisation qui lui est assigne ce titre, sil tablit que les circonstances ne peuvent laisser prsumer lexistence de ressources illgales ou occultes ou de comportements sagissant de la possibilit dapporter cette preuve, car seuls peuvent tablir ces faits les contribuables dont les bases dimposition nexcdent pas 50 % de la limite de la dernire donc une discrimination entre les citoyens en fonction de limportance de leurs tendant luder le paiement normal de limpt . Toutefois, une distinction est prvue

tranche du barme de limpt sur le revenu. Pour le prsident du Snat, ce texte tablit revenus . Il est donc contraire aux articles 1er et 6 de la Dclaration des droits de

lhomme, car il rompt lgalit des citoyens devant la loi et devant la justice . Cest dcembre 1973, en jugeant que ladite disposition porte atteinte au principe de

exactement cet argument que retient le Conseil dans sa dcision n 73-51 du 27 lgalit devant la loi contenu dans la Dclaration des droits de lhomme de 1789 et solennellement raffirm par le Prambule de la Constitution . Aprs les principes la Dclaration des droits de lhomme qui intgrent le bloc de constitutionnalit. fondamentaux reconnus par les lois de la Rpublique, ce sont donc les dispositions de La Dclaration de 1789 se rfre surtout la libert et lgalit, que le Conseil constitutionnel a interprte de manire trs large pour englober de nombreux aspects de ces deux droits. Ainsi, si la Dclaration nvoque que la libert dopinion, la libert religieuse et la libert dexpression de la pense, le Conseil a rattach la Dclaration de

nombreux aspects beaucoup plus modernes tels la libert dentreprendre, la libert de communication audiovisuelle ou la libert du mariage. De mme, alors que larticle 6 rattache les principes dgalit devant la justice, dgalit devant la loi pnale, ou dgalit des sexes. de la Dclaration ne fait mention que du principe dgalit devant la loi, le Conseil y

~ 20 ~

Une saisine de plus de soixante dputs est prsente le 20 dcembre 1974 au Conseil constitutionnel lencontre de la loi autorisant linterruption volontaire de grossesse. Cette saisine donne au Conseil loccasion de concrtiser la valeur constitutionnelle dun autre lment du Prambule de 1946, dans la dcision n 74-54 DC du 15 janvier 1975, Interruption volontaire de grossesse. En effet, il range parmi les normes de rfrence le Prambule de la Constitution de 1946, et notamment son alina 11, selon lequel la Nation garantit lenfant la protection de la sant. 4. La Charte de lenvironnement

3. Les principes particulirement ncessaires notre temps

La valeur constitutionnelle de la Charte de lenvironnement est quant elle affirme peu avril 2005 (dcision n 2005-514 DC, Registre international franais). La Charte fonde

de temps aprs la rvision qui lintgre dans le Prambule, dans une dcision du 28 aujourdhui certaines censures du lgislateur, par exemple loccasion de questions

prioritaires de constitutionnalit (dcision du Conseil constitutionnel n 2011-183/184 QPC du 14 octobre 2011, Association France Nature Environnement [Projets de nomenclature et de prescriptions gnrales relatives aux installations classes pour la protection de lenvironnement]).

Cest donc au fur et mesure que la valeur constitutionnelle des droits a t

concrtise par le juge. Notons enfin quun Comit avait t charg, en avril 2008, dtudier si et dans quelle mesure les droits fondamentaux reconnus par la est notamment fait rfrence la parit, la biothique et la conscration dun Constitution du 4 octobre 1958 devaient tre complts par des principes nouveaux (il principe de respect de la dignit humaine, au respect de la vie prive et des donnes

personnelles, au pluralisme des courants dexpression et des mdias). Prsid par Madame Simone Veil, le Comit a rendu son rapport en dcembre 2008, et na pas constitutionnelle du 23 juillet 2008 a dj modifi certains articles de la Constitution recommand de modification du Prambule. Notamment, parce que la rvision concernant lgalit professionnelle des hommes et des femmes, et le pluralisme (larticle 4 de la Constitution dispose dsormais : La loi garantit les expressions pluralistes des dmocratique de la Nation , et larticle 34 prvoit que la loi fixe les rgles ~ 21 ~ opinions et la participation quitable des partis et groupements politiques la vie

concernant [...] la libert, le pluralisme et lindpendance des mdias ) ; ces rvisions ont t juges suffisantes par le Comit.

II.

Leffectivit des droits fondamentaux est fortement limite par le principe de souverainet des tats en droit international, qui implique que la participation des systmes de protection des droits de lhomme doit faire lobjet dune acceptation expresse. De mme, certaines procdures doivent tre acceptes par les tats mme sils ont ratifi les conventions relatives aux droits de lhomme (par exemple, le recours individuel devant la Cour europenne des droits de lhomme).

A. Les caractres de la protection internationale des droits de lhomme.

LES SOURCES INTERNATIONALES.

Au niveau mondial, lOrganisation des Nations unies ne peut assurer une protection effective de la Dclaration universelle des droits de lhomme, qui nest pas un trait ratifi par les tats. En outre, la Commission des droits de lhomme nest compose de reprsentants que dune minorit dtats, et son fonctionnement fait lobjet de critiques garantie par le Comit des droits de lhomme des Nations unies, mais celui-ci peut seulement mettre des constatations , dont le sort est la discrtion des tats. svres. De mme, leffectivit du Pacte relatif aux droits civils et politiques de 1966 est

Cependant, les droits de lhomme sont devenus lun des lments des politiques trangres des tats dmocratiques, qui en imposent le respect grce aux organisations internationales. Ainsi, au niveau de lUnion europenne, les critres de Copenhague, instaurs en juin 1993, dfinissent les conditions qui doivent tre respectes par les candidats lentre dans lUnion. ct de la reprise de lacquis communautaire et dune conomie de march viable, ces critres comprennent la mise en place dinstitutions stables, garantissant la dmocratie, la primaut du droit, les droits de

lhomme et le respect des droits des minorits. Sur un plan europen largi, cest le droits de lhomme est garantie par des mcanismes juridictionnels.

Conseil de lEurope qui est comptent, et leffectivit de la Convention europenne des

~ 22 ~

B. Les caractres de la protection dans le cadre du Conseil de lEurope. Le principe deffectivit signifie que tous les obstacles linapplication de la Convention doivent tre carts. Cest principalement la jurisprudence de la Cour europenne qui a permis de rendre les droits de la Convention pleinement effectifs.1. Labsence de condition de rciprocit

a) Le principe deffectivit.

En droit international gnral, si lune des parties ne respecte pas ses obligations

dcoulant dun trait, les autres tats peuvent refuser dappliquer ce trait. Ici, dans le cadre de la CEDH, si un tat ne respecte pas les droits de la Convention, les autres tats de lhomme. ne peuvent pas mconnatre leur tour leur engagement et ne pas respecter les droits2. Lapplicabilit directe

La CEDH est applicable directement dans lordre juridique des tats membres, cest-dire quune mesure nationale de transposition nest pas ncessaire. Ceci tient au fait que les droits noncs sont suffisamment prcis. En outre, selon larticle 1er de la Convention, les Hautes Parties contractantes reconnaissent toute personne relevant de leur juridiction les droits et liberts dfinis dans la Convention. Il ne sagit donc pas seulement dun trait crant des obligations la charge des tats, mais galement dun trait crant des droits au profit des individus. La Cour europenne des droits de lhomme souhaite donner tout son effet utile la concrets et effectifs (CEDH, 9 octobre 1979, Airey c/Irlande). Elle interprte la3. Leffet utile de la Convention

Convention. Ainsi, elle entend protger des droits non pas thoriques ou illusoires, mais Convention de manire dynamique, cest--dire de la faon la plus adquate pour atteindre le but premier de la Convention, savoir la protection des droits. Notamment, la notion d obligations positives permet la Cour de dcouvrir certains devoirs des tats dans la mise en uvre des droits de la Convention. Par exemple, le droit la vie doit tout mettre en uvre pour protger la vie et sanctionner les atteintes la vie.

implique que ltat ne peut porter atteinte la vie dun individu, mais galement quil De mme, la Cour interprte la Convention de manire autonome par rapport aux

qualifications nationales. Par exemple, la notion de domicile de larticle 8 de la ~ 23 ~

Convention nest pas applicable seulement lorsque le droit national considre tel ou tel pas au droit national. Elle dveloppe donc des dfini- tions europennes .

lieu comme un domicile. Cest la Cour qui qualifie juridiquement, et elle ne se rfre Enfin, la Cour europenne considre que la Convention est un instrument vivant

(CEDH, 25 avril 1978, Tyrer c/Royaume-Uni : La Convention est un instrument vivant interprter [...] la lumire des conditions de vie actuelles ), qui doit tre adapt en fonction de lvolution de la socit, des murs... Par exemple, la position de la Cour europenne a volu sagissant des droits des transsexuels, des droits des enfants naturels (ns hors mariage), etc.

Le principe dquilibre permet de ne pas imposer de trop fortes obligations aux tats. Ainsi, la procdure devant la Cour nest quune procdure subsidiaire : il faut puiser les voies de recours internes, devant les juges nationaux, avant de former un recours dans le cadre du Conseil de lEurope. En outre, lorigine, le recours individuel est soumis une clause dacceptation explicite. Le protocole n 11 de 1998 a supprim cette clause facultative ; ladhsion la CEDH implique dsormais lacceptation du droit de recours individuel. Enfin, des rserves peuvent tre adoptes par les tats. Une rserve est une dclaration atteinte lintgrit du trait. Deux ou trois rserves la CEDH sont formules en

b) Le principe dquilibre.

dun tat qui souhaite se soustraire lapplication dun ou plusieurs articles sans porter moyenne par pays. La France a, notamment, mis une rserve relative aux articles 5 et 6

quant au rgime disciplinaire des armes, et une rserve relative larticle 15 sur les larticle 16 de la Constitution donnant les pleins pouvoirs au prsident de la Rpublique.

circonstances exceptionnelles afin de le rendre compatible avec lutilisation ventuelle de Le compromis se retrouve galement quant au fond mme de la Convention. Seuls sont consacrs les droits civils et politiques. La Convention a t complte par des protocoles droits, le protocole n 1 garantit le droit de proprit. Trois niveaux de droits peuvent tre identifis : droit la additionnels ajoutant de nouveaux droits, ou sur la procdure. Sagissant des nouveaux

- les droits intangibles ou inconditionnels, auxquels il ne peut tre drog :

vie (art. 2), droit de ne pas subir de traitement inhumain ou ~ 24 ~

dgradant (art. 3), droit de ne pas tre plac en esclavage, servitude ou travail - les droits conditionnels, qui peuvent tre susceptibles de drogations en cas de dexpression (article 10 de la Convention) ; (droits des trangers, des dtenus). forc (art. 4), non-rtroactivit des lois pnales (art. 7) ;

circonstances exceptionnelles (art. 15), comme par exemple la libert

- les droits par ricochet, non numrs par la Convention mais qui en dcoulent Ces droits sadressent aux ressortissants des tats parties la Convention (nationaux) mais gale- ment tout individu qui sjourne sur le territoire dun tat membre.

C. La protection des droits fondamentaux dans lUnion europenne : la Charte des droits fondamentaux de lUnion europenne.

Le Trait de Maastricht et le Trait dAmsterdam avaient pris acte des avances

jurisprudentielles de la Cour de justice des Communauts europennes en matire de quils sont garantis notamment par la CEDH. De plus, la libert de circulation est

droits fondamentaux, en disposant que lUnion respecte les droits fondamentaux, tels garantie au profit des individus et notamment des travailleurs, ainsi que la libert citoyennet europenne, tels le droit la protection diplomatique de toute ambassade

dtablissement. Le Trait de Maastricht cre galement de nombreux droits lis la dun tat membre de lUnion, le droit de vote et dligibilit aux lections au Parlement europen et aux lections municipales, ou le droit de saisir le Mdiateur et de dposer une ptition. Cependant, pendant longtemps, lUnion ne dispose pas de

catalogue des droits. La prsidence allemande de lUnion europenne en 1999 a ainsi entrepris de doter lUnion europenne de son propre instrument de protection des droits fondamentaux. La Charte des droits fondamentaux de lUnion europenne est proclame lors du

Conseil europen de Nice le 7 dcembre 2000. Elle fut labore la suite dune procdure originale, marque par linstauration dune Convention runissant des reprsentants des gouvernements des tats membres, un reprsentant de la Commission europenne, seize parlementaires europens et trente membres des Parlements ~ 25 ~

nationaux. Il sagit techniquement dun accord interinstitutionnel, cest--dire dun

accord entre les institutions europennes Commission, Parlement, Conseil. Ce type

daccord nengage pas les tats membres, des obligations juridiques ne pouvant dcouler

que dun trait ratifi par chaque tat. Il faut attendre lentre en vigueur du Trait de Lisbonne le 1er dcembre 2009 pour que la Charte des droits fondamentaux acquire la mme valeur juridique que celle des traits.

Matriellement, la Charte reprend un certain nombre de droits dj proclams par la Convention europenne des droits de lhomme. Par exemple, le droit la vie, linterdiction de la torture, la libert et la sret, le respect de la vie prive et familiale. Convention europenne des droits de lhomme. Notamment, elle tient compte des eugniques ou le clonage thrapeutique. Larticle 8 concerne quant lui la protection

Mais la Charte comporte galement de nombreuses innovations par rapport la problmatiques lies la biothique en interdisant dans son article 3 les pratiques des donnes personnelles. Les droits des enfants, des personnes ges, des personnes

handicapes, sont proclams, tous comme des droits-crances (ducation, scurit sociale). Mais en outre, la Charte innove en incluant de nombreux droits sociaux, citoyennet issus du Trait de Maastricht sont proclams, incluant notamment le droit une bonne administration (art. 41). III. relatifs aux conditions de travail ou aux actions collectives. Enfin, les droits lis la

LE ROLE DE LA LOI ET DU REGLEMENT.

La rserve de loi signifie que lintervention du lgislateur est ncessaire pour concrtiser comptences dans cette matire.

les droits fondamentaux. Cependant, le pouvoir rglementaire nest pas dnu de

A. La rserve de la loi en matire de droits fondamentaux. La thorie de la rserve de la loi vise prvenir ou sanctionner lempitement sur la comptence du lgislateur de lautorit normative qui lui est directement soumise, savoir le pouvoir rglementaire. Aussi, le fait que la loi soit soumise aux droits fondamentaux constitutionnels ne signifie pas seulement une obligation de ne pas voter

des lois contraires ces droits ; il sagit galement dune obligation, pour le lgislateur, ~ 26 ~

dintervenir pour viter un empitement dautres sources normatives qui pourrait tre contraire aux droits fondamentaux. Il en rsulte que seule la loi peut intervenir dans certains cas, notamment en ce qui

concerne les limitations des droits fondamentaux. Cest ce quexpriment de nombreux confie la loi le soin de fixer les bornes de la libert.

articles de la Dclaration des droits de lhomme et du citoyen, comme larticle 4 qui Cette rserve de la loi est galement exprime sous la IVe Rpublique dans lavis du Conseil dtat du 6 fvrier 1953 : Certaines matires sont rserves la loi, soit en vertu rsultant notamment du Prambule de la Constitution et de la Dclaration des droits de lhomme de 1789, dont les principes ont t raffirms par le Prambule . des dispositions de la Constitution, soit par la tradition constitutionnelle rpublicaine

Cest enfin larticle 34 de la Constitution de 1958 qui consacre le rle du lgislateur, fondamentales accordes aux citoyens pour lexercice des liberts publiques . Aussi, le

charg de fixer les rgles concernant les droits civiques et les garanties Conseil constitutionnel veille ce que le lgislateur ne se dessaisisse pas de sa

comptence. Cest ce qui ressort notamment de la dcision n 75-56 DC du 23 juillet 1975 (sur la modification du Code de procdure pnale : Larticle 34 de la Constitution qui rserve la loi le soin de fixer les rgles concernant la procdure

pnale, soppose ce que le lgislateur, sagissant dune matire aussi fondamentale que attributions).

celle des droits et liberts des citoyens, confie une autre autorit lexercice de ses Cette rserve de la loi signifie aussi que le lgislateur doit sexprimer de faon des rserves dinterprtation opre par le Conseil constitutionnel permet de combler les

suffisamment prcise pour ne pas tre suspect dincomptence ngative. La technique indterminations ventuelles de la loi tout en vitant une censure. Ainsi, dans la

dcision n 93-323 DC du 5 aot 1993, Loi relative aux contrles et vrifications

didentit, le Conseil juge que sil est loisible au lgislateur de prvoir que le contrle lautorit concerne doit justifier, dans tous les cas, des circonstances particulires tablissant le risque datteinte lordre public qui a motiv le contrle . Aussi, ce nest que sous cette rserve dinterprtation que le lgislateur peut tre regard comme nayant pas priv de garanties lgales lexistence de liberts constitutionnellement ~ 27 ~

didentit dune personne peut ne pas tre li son comportement, il demeure que

garanties . Cette formule concise permet dapprhender la porte de lincomptence peut tre garanti conformment la Constitution.

ngative du lgislateur : sans son intervention, lexercice des droits fondamentaux ne

Thoriquement, les titulaires du pouvoir rglementaire ninterviennent en vertu de la rserve de loi quen application des lois de concrtisation des droits fondamentaux. Cependant, certaines exceptions notables doivent tre mentionnes. a) Les habilitations lgislatives.

B. Lintervention administrative en matire de droits fondamentaux.

Les habilitations lgislatives en France dcoulent de la pratique des dcrets-lois sous la IIIe Rpublique. Ntant soumis aucune contrainte, ce mode de dlgation abusive du pouvoir lgislatif devient courant. Ceci est dautant plus ais que les lois

constitutionnelles de 1875 ninterdisent pas cette pratique. Nanmoins, elle apparat inconstitutionnelle dans la mesure o ce nest pas le Parlement qui dtient la puissance lgislative, mais le peuple quil reprsente. Cette inconstitutionnalit est affirme par larticle 13 de la Constitution de 1946. Cette disposition na aucun effet : la coutume contra legem simpose. Les habilitations lgislatives sont ainsi trs nombreuses, notamment lors des priodes exceptionnelles. Algrie.

Ainsi, la loi du 16 mars 1956 donne au gouvernement des pouvoirs trs tendus en Dans la Constitution de 1958, larticle 92 autorise le gouvernement prendre des

ordonnances ayant force de loi pour la mise en place des institutions. Des textes relatifs dcembre 1958 modifiant des rgles de droit pnal. En outre, larticle 38 de la Constitution de 1958 autorise le gouvernement prendre des ordonnances dans des

aux liberts ont ainsi t adopts sous la forme dordonnances, comme celle du 23

domaines qui relvent normalement de la comptence lgislative. Ces mesures sont prises pour lexcution de son programme, pendant un dlai limit, et sur habilitation du Parlement. Les ordonnances sont adoptes en Conseil des ministres aprs avis du Conseil un caractre lgislatif. De nombreuses conditions entourent ladoption des ~ 28 ~

dtat. Un projet de loi de ratification doit tre dpos et vot, confrant ces mesures

ordonnances, mais leur intervention dans le domaine des droits pose le problme du respect de la rserve de la loi. En effet, cette habilitation du gouvernement prendre des mesures relevant normalement du domaine de la loi entrane une immixtion de lexcutif dans les matires rserves au lgislateur, parmi lesquelles figure lexercice des liberts publiques.

Par exemple, la loi du 4 fvrier 1960 autorise le gouvernement modifier le Code pnal aussi allonger les dlais de garde vue. Lordonnance du 13 fvrier 1960 est prise sur proprit, et la libert dassociation.

et le Code de justice militaire pour faciliter la poursuite de certaines infractions, mais cette habilitation, ainsi que dautres ordonnances sur les garanties de la sret, la Cependant, si une habilitation est accorde dans ce domaine, un contrle peut tre effectu par le Conseil constitutionnel, portant sur les lois de ratification des ordonnances.

Le prsident de la Rpublique peut prendre des mesures entrant dans le domaine de la loi lorsquil exerce les pouvoirs quil tient de larticle 16. En vigueur du 24 avril au 30 septembre 1961, les pouvoirs exceptionnels ont permis ladoption de nombreuses

b) Les pouvoirs exceptionnels de larticle 16 de la Constitution.

mesures relatives aux droits des individus. Il en est ainsi de lextension 15 jours du dlai de garde vue par la dcision du 24 avril, de la suspension de la rgle de Haut tribunal militaire dexception le 27 avril. Si lavis du Conseil constitutionnel est linamovibilit des magistrats du sige par la dcision du 26 avril, ou de la cration dun requis pour chaque dcision, il est secret et non contraignant. De plus, un recours form devant le Conseil dtat lencontre des mesures prsidentielles nest pas recevable lorsquelles sont prises dans le domaine de la loi. Limmunit juridictionnelle de ces mesures pose un problme de constitutionnalit encore non rsolu aujourdhui.

Nanmoins, si lon excepte les mesures exceptionnelles de larticle 16, les actes du pouvoir excutif dans le domaine des droits fondamentaux sont contrls, et leur empitement sur ces droits est encadr.

~ 29 ~

PARTIE II. LES GARANTIES DES LIBERTES FONDAMENTALES.CHAPITRE 3. LA GARANTIE JURIDICTIONNELLE NATIONALE.dune part, les juges constitutionnels peuvent censurer une loi contraire aux droits matire de droits fondamentaux loccasion de recours individuels en matire civile, certains moyens permettant de faire valoir leurs liberts devant la justice. I. LA GARANTIE DU JUGE CONSTITUTIONNEL.XIXe

Les juges nationaux qui protgent les droits fondamentaux sont de deux types :

fondamentaux, mais dautre part, les juges ordinaires peuvent galement statuer en pnale ou administrative. cette occasion, les individus bnficient galement de

La thorie distingue deux modles de justice constitutionnelle, lun dvelopp aux tats-Unis au europens prsentent une justice constitutionnelle qui mlange aujourdhui les deux modles, la France est pendant long- temps reste fidle au modle originel. A. Les modles de justice constitutionnelle. sicle, lautre n en Europe auXXe

sicle. Si la plupart des pays

Les modles de justice constitutionnelle, le modle amricain et le modle europen, prsentent des caractristiques opposes. a) Le modle amricain.

Le contrle de constitutionnalit amricain est explicit dans larrt Marbury c/Madison de la Cour suprme des tats-Unis en 1803. Tout juge ordinaire peut examiner la conformit dune loi par rapport la Constitution : il sagit dun contrle dconcentr. Ce contrle seffectue loccasion dun litige : il sagit dun contrle concret. La loi nest pas attaque directement, mais cest un acte dapplication de la loi qui est attaqu : cest un contrle par voie dexception. La loi est dj entre en vigueur :

il sagit dun contrle a posteriori, aprs la promulgation de la loi. Quant aux effets du ~ 30 ~

contrle, ils ne valent que pour les parties au litige (effet relatif), et la loi nest pas censure, retire de lordre juridique, elle est seulement carte pour le litige question. en

Dans le modle europen, le contrle de constitutionnalit est thoris par Hans

b) Le modle europen.

Kelsen, dans son projet de Constitution pour lAutriche en 1920. Seul le juge sagit dun contrle centralis.

constitutionnel peut examiner la conformit dune loi par rapport la Constitution : il Le contrle est abstrait, car il nest pas effectu loccasion dun litige, mais la conformit de la loi la Constitution est examine en elle-mme. La loi est attaque directement, il sagit dun contrle par voie daction. La loi nest pas encore entre en vigueur : il sagit dun contrle a priori, avant la promulgation. Quant aux effets du contrle, ils valent pour tous (effet erga omnes), et la loi ne peut intgrer lordre juridique.

Notons quaujourdhui, la plupart des pays europens ne respectent plus cette distinction entre les modles. Par exemple, en Allemagne, la Cour constitutionnelle fdrale traite de cas de violation des droits fondamentaux. recours concrets, de recours abstraits a posteriori, mais aussi dun recours direct en

B. Le contrle de constitutionnalit en France.

Le contrle de constitutionnalit en France nexiste vritablement qu partir de 1958, mme si lide est en germe depuis la Rvolution. Cest loccasion de la rdaction de la Constitution de lan III que Sieys propose la cration dune jurie constitutionnaire de proposer des rformes constitutionnelles et former un jury dquit naturelle qui 108 membres. Charge du contrle de constitutionnalit des lois, elle devait galement tranche des litiges heurtant la conscience des magistrats. Nanmoins, la question du empchent de finaliser cette ide.

a) Historique du contrle de constitutionnalit.

contrle de ce gardien des institutions et la crainte dun gouvernement des juges Cest donc sous une forme peu dveloppe que se prsente le contrle de constitutionnalit jusquen 1958. Historiquement, le Snat, dot de pouvoirs spcifiques (Constitutions de lan VIII et de 1852), a dj eu la possibilit dopposer un veto une ~ 31 ~

loi. Mais cest en 1946 que la Constitution cre un Comit constitutionnel. Compos de

treize membres (le prsident de la Rpublique, le prsident de lAssemble nationale, le prsident du Conseil de la Rpublique et dix personnalits lues par les assembles), le Comit doit dcider si une loi vote par lAssemble nationale suppose une rvision de la

Constitution. Les normes de rfrence ne comprennent pas le Prambule : le Comit ne peut sopposer une loi contraire aux droits de la Constitution. De plus, les conditions de saisine sont strictes : une saisine conjointe du prsident de la Rpublique et du fois.

Conseil de la Rpublique est ncessaire, si bien que le Comit na t saisi quune seule La Constitution de 1958 instaure donc un contrle de constitutionnalit indit dans vote, qui sont forms a priori, cest--dire avant la promulgation de la loi. Les lAssemble nationale et du Snat, et 60 dputs ou 60 snateurs, depuis la rvision constitutionnelle du 29 octobre 1974. Aucune contestation de la loi nest possible sur la rsume celle prvue par la Constitution, malgr les nombreuses voix leves en faveur de llargissement de la catgorie des titulaires du droit de saisine. b) La rforme du contrle de constitutionnalit. En 1990, une rforme du contrle de constitutionnalit avait t envisage par le fondamentaux reconnus toute personne par la Constitution peuvent tre soumises gouvernement. Il tait ainsi prvu que les dispositions de loi qui concernent les droits au Conseil constitutionnel par voie dexception loccasion dune instance en cours devant une juridiction . Le Conseil constitutionnel aurait alors pu tre saisi par le Conseil dtat ou la Cour de cassation. Le renvoi au premier niveau ces deux Hautes juridictions est effectu par toute juridiction administrative ou judiciaire. Cette tape dun systme de double filtrage. La procdure prvue devant le Conseil constitutionnel elle est dclare inconstitutionnelle, cesse alors dtre applicable, et ne peut concerner

sa forme. Larticle 61 traite des recours devant le Conseil constitutionnel contre la loi saisissants sont le prsident de la Rpublique, le Premier ministre, les prsidents de

base de son inconstitutionnalit aprs son entre en vigueur, et la liste des requrants se

permet de vrifier que la contestation prsente un caractre srieux. Il sagit donc est innovante, car le principe du contradictoire doit tre respect. La loi en question, si les procdures en cours. Toutefois, lopposition du Snat empche lavancement de la ~ 32 ~

discussion sur la rforme, et la fin de la session empche la poursuite de lexamen du texte. La volont dinstaurer un recours sur la base des droits fondamentaux est largement partage, mais celui-ci nintgre larsenal juridique permettant de contrler la conformit des lois par rapport aux droits fondamentaux quen 2008. La loi

constitutionnelle du 23 juillet 2008 prvoit en effet que lorsque loccasion dune porte atteinte aux droits et liberts que la Constitution garantit, le Conseil Cour de cassation (nouvel art. 61-1, Const.). premire fois mars 2010.

instance en cours devant une juridiction, il est soutenu quune disposition lgislative constitutionnel peut tre saisi de cette question sur renvoi du Conseil dtat ou de la La loi organique du 10 dcembre 2009 traite de la procdure, dnomme pour la question prioritaire de constitutionnalit , qui peut tre prsente partir du 1er Cette question peut tre souleve devant toute juridiction dinstruction, de jugement,

spcialise ou de droit commun, relevant du Conseil dtat ou de la Cour de cassation (ce qui exclut notamment le Tribunal des conflits). Une condition de recevabilit est pose : la question doit tre prsente dans un crit distinct et motiv. Seule une partie

peut soulever le moyen dinconstitutionnalit, et non le juge. Le juge doit alors statuer sans dlai sur la transmission de la question prioritaire au Conseil dtat ou la Cour de cassation, mais certaines conditions sont poses par la loi organique : fonde- ment des poursuites ;

1 La disposition conteste est applicable au litige ou la procdure, ou constitue le 2 [La disposition] na pas dj t dclare conforme la Constitution dans les motifs et le dispositif dune dcision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances . Ce changement de circonstances a dj t admis par le Conseil 14 QPC du 30 juillet 2010 (M. Daniel W. et autres) ;

constitutionnel propos de la lgislation sur la garde vue dans la dcision n 2010 3 La question nest pas dpourvue de caractre srieux . Les hautes juridictions exercent galement un rle de filtre puisque la question est transmise au Conseil question est nouvelle ou prsente un caractre srieux , ce qui est plus exigeant. ~ 33 ~ constitutionnel si les deux premires conditions sont remplies, mais galement si la

La loi organique fixe enfin un dlai de trois mois au Conseil constitutionnel pour statuer. La procdure devant le Conseil a t modifie, puisque : - les parties peuvent prsenter contradictoirement leurs observations ;

- et laudience est publique, sauf exception (lie par exemple la sauvegarde de Larticle 62 modifi indique en outre quune disposition dclare inconstitutionnelle constitutionnel ou dune date ultrieure fixe par la dcision. lordre public ou la protection du respect de la vie prive des parties).

sur le fonde- ment de larticle 61-1 est abroge compter de la dcision du Conseil La nouvelle procdure est un succs puisque plus de 200 dcisions ont dj t rendues profondeur de larges aspects du droit, comme celui de la garde vue (dcision

au dbut de lanne 2012. Par ailleurs, certaines ont t lorigine de rformes en prcite, ayant notamment entran ladoption de la loi du 14 avril 2011 sur la garde novembre 2010 et n 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011, ayant entran ladoption de la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et la protection des personnes faisant lobjet de soins psychiatriques et aux modalits de leur prise en charge). II. LA GARANTIE DU JUGE ORDINAIRE.

vue), ou celui de lhospitalisation sans consentement (dcisions n 2010-71 QPC du 26

Le juge ordinaire nest pas exclu de la protection des liberts fondamentales. Dune part

en effet, le juge ordinaire est le juge de droit commun de lapplication du droit de lUnion europenne. ce titre, il fait prvaloir les droits fondamentaux de lUnion sur les lois et rglements nationaux. Il en est de mme sagissant de la Convention europenne des droits de lhomme. Larticle 55 de la Constitution franaise nonant la incompatible (arrts de la Cour de cassation, Jacques Vabre et du Conseil dtat, Nicolo).

supriorit des traits sur les lois, le juge ordinaire doit la faire prvaloir sur toute loi Mais le juge ordinaire peut intervenir dautres titres : le dualisme juridictionnel consquence un partage des comptences entre juge administratif et juge judiciaire en Constitution, la comptence du juge administratif nen reste pas moins trs tendue.

rsultant des lois des 16 et 24 aot 1790 et du dcret du 16 fructidor an III a pour matire de liberts. Si le juge judiciaire est le gardien de la libert individuelle daprs la

~ 34 ~

Larticle 66 de la Constitution prvoit que nul ne peut tre arbitrairement dtenu, et principe. Il rsulte de cette disposition quun magistrat du sige doit autoriser les

A. Le juge judiciaire, gardien de la libert individuelle.

que lautorit judiciaire, gardienne de la libert individuelle, assure le respect de ce atteintes substantielles la libert, telle la prolongation dune garde vue (dcision du Conseil constitutionnel n 81-127 du 20 janvier 1981, loi renforant la scurit et protgeant la libert des personnes). Cependant, la comptence des magistrats du sige est concurrence par celle des magistrats du Parquet, qui interviennent galement trs souvent en cas datteinte la libert individuelle (par exemple pour autoriser les Convention europenne des droits de lhomme, car la Cour europenne indique bien dans un arrt fouilles de vhicules). Cet tat du droit ne semble toutefois pas compatible avec la du 29 mars 2010 (Medvedyev c/France) que le contrle

juridictionnel de la dtention doit tre effectu par un magistrat qui doit prsenter les garanties requises dindpendance lgard de lexcutif et des parties, ce qui exclut linstar du ministre public .

notamment quil puisse agir par la suite contre le requrant dans la procdure pnale, Larticle 136 du Code de procdure pnale dispose en outre que les atteintes portes la libert individuelle et au domicile sont sanctionnes par le juge judiciaire. Cet lot de comptence est illustr notamment par les thories jurisprudentielles de lemprise et de la voie de fait. En premier lieu, le juge judiciaire est comptent en cas demprise illgale, cest--dire une atteinte porte par ladministration une proprit prive immobilire, judiciaire est comptent pour condamner ladministration une rparation sous forme

sous la forme dune prise de possession irrgulire momentane ou dfinitive. Le juge de dommages et intrts, mais non pour apprcier lirrgularit de lemprise. Il doit alors surseoir statuer et poser une question prjudicielle au juge administratif. En second lieu, la voie de fait consiste en une irrgularit grossire dans un acte matriel

de ladministration, portant atteinte au droit de proprit ou une libert publique. Le juge judiciaire est comptent, la diffrence de lemprise, pour apprcier lui-mme la voie de fait, et peut condamner ladministration rparer. En outre, le Conseil constitutionnel associe la libert individuelle aux autres liberts

familiales ou du mariage, ce qui rejoint la comptence par nature attribue au juge

~ 35 ~

judiciaire en matire dtat des personnes. La loi donne ainsi comptence au juge judiciaire en matire de mariage, filiation, nationalit ou capacit.

Le juge administratif peut statuer en matire de liberts loccasion dun recours pour normes suprieures rgissant les liberts. Aussi, la technique des principes gnraux du droit lui a permis dimposer le respect au pouvoir rglementaire de droits et liberts

B. Le rle du juge administratif dans la protection des liberts.

excs de pouvoir, permettant dannuler un acte administratif sil nest pas conforme aux

spcifiques en droit administratif, comme lgalit devant le service public (CE, 9 mars administrative (CE, 26 octobre 1945, Aramu). La rduction de la catgorie des mesures dordre intrieur permet de soumettre au juge administratif un grand nombre de

1951, Socit des concerts du conservatoire) ou les droits de la dfense en matire

dispositions attentatoires aux liberts, par exemple en prison (arrt CE, 14 dcembre

2007, Boussouar). Mais en outre, le juge administratif est comptent pour statuer en

urgence dans le cadre de larticle L. 521-2 du Code de justice administrative, ou procdure de rfr-libert : Saisi dune demande en ce sens justifie par lurgence, le juge des rfrs peut ordonner toutes mesures ncessaires la sauvegarde dune libert fondamentale laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit priv charg de la gestion dun service public aurait port, dans lexercice de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illgale. Le juge des rfrs se prononce dans un dlai de quarante-huit heures . La notion de libert fondamentale a t dlimite au cas par cas par le juge administratif. Sont par exemple inclus le droit au Seine), le droit au logement durgence des personnes sans abri (CE ord., 10 fvrier respect de la vie (CE, 16 novembre 2011, Ville de Paris et Socit dconomie mixte Pari2012, Kara- moko Fofana c/Ministre des solidarits et de la cohsion sociale), le droit dasile (CE, ord. 12 janvier 2001, Hyacinthe), la libert dexpression (CE, 18 janvier 2001, Commune de Venelles), ou encore le droit la scolarisation dun enfant handicap (CE, 15 dcembre 2010, Ministre de lducation nationale, de la recherche et de la vie associative).

~ 36 ~

Le juge est donc le garant des liberts fondamentales, mais ne saurait ltre que si

III.

LES DROITS APPLICABLES A LA GARANTIE JURIDICTIONNELLE.

certaines obligations procdurales sont respectes. Le droit au recours et le droit au procs quitable sont les deux garanties formelles de la protection juridictionnelle des liberts.

A. Le droit au recours. Le droit au recours permet de faire valoir ses droits devant un juge. En cela, il sagit dune garantie essentielle des liberts fondamentales. La Convention europenne des droits de lhomme proclame ainsi dans son article 13 le prsente Convention ont t viols, a droit loctroi dun recours effectif devant une agissant dans lexercice de leurs fonctions officielles .

droit un recours effectif : Toute personne dont les droits et liberts reconnus dans la instance nationale, alors mme que la violation aurait t commise par des personnes Les recours exercs en droit interne doivent tre effectifs, dans le cas contraire la condition de lpuisement des voies de recours internes avant la saisine du juge europen nest pas exige. Ceci signifie que le recours doit tre suffisamment accessible

pour les victimes des violations de leurs droits, ce qui exclut les procdures trop complexes. Par exemple, la Cour europenne estime quen France, la dualit des juridictions (administrative et judiciaire) comptentes en matire dhospitalisation doffice ne respecte pas le droit au recours effectif (CEDH, 18 novembre 2010, MB c/France). En outre, si larticle 6 de la Convention nest pas respect (par exemple sagisdonnant lieu rparation sur ce fondement (CEDH, 26 octobre 2000, Kudla c/Pologne).

sant de la dure raisonnable de la procdure), le droit interne doit permettre un recours Nanmoins, la Cour europenne des droits de lhomme admet parfois que le droit national

exclue tout recours dans certains cas. Par exemple, la Cour sest prononce sur la protgs par une immunit lorsquils sont prononcs dans lenceinte de lassemble. La Cour estime que limpossibilit

compatibilit avec la Convention de labsence de recours contre des propos parlementaires pour un individu dattaquer lauteur de propos

diffamatoires exprims au Parlement est justifie par un but lgitime de protection du libre

dbat au Parlement et de sparation des pouvoirs entre le lgislateur et la justice (CEDH, 17 dcembre 2002, A. c/Royaume-Uni). De plus, ce moyen est proportionn au but poursuivi, car ~ 37 ~

la libert dexpression est un impratif pour tous, et spciale- ment pour les reprsentants. Il en est de mme sagissant de labsence de recours contre le rapport dune commission Uni du 21 septembre 1994, la Cour se prononce sur le droit au recours contre le

denqute forme par le gouvernement. Dans larrt Al Fayed contre Royaumerapport de cette commission. Pour la Cour, le droit daccs aux tribunaux nest pas absolu, car il appelle par sa nature mme une rglementation de ltat. Cependant, ces limitations sont soumises au contrle juridictionnel de la Cour qui doit rechercher si

elles sont proportionnes et lgitimes. La Cour estime quen lespce, la restriction est proportionne par rapport ses finalits dans la mesure o les conditions dans lesquelles lenqute a t conduite offrent de nombreuses garanties dimpartialit et o lintrt public en cause justifie que les enquteurs puissent travailler de manire srieux et dimpartialit qui justifient en lespce une protection et une absence de recours.

indpendante et sans crainte des recours juridictionnels. Ce sont donc les garanties de

Protg en droit europen, le droit au recours a galement une valeur constitutionnelle

car il est rattach larticle 16 de la Dclaration des droits de lhomme ; il permet ainsi

dassurer la garantie des droits constitutionnellement protgs (dcision n 93-325 DC

du 13 aot 1993, loi relative la matrise de limmigration et aux conditions dentre, daccueil et de sjour des trangers en France). Le droit au recours ne fait toutefois pas obstacle linstauration de droits de timbre (contribution pour laide juridique

de 35 euros et droit de 150 euros dus par les parties linstance dappel), jugs du 13 avril 2012, M. Stphane C. et autres [Contribution pour laide juridique de 35 euros par instance et droit de 150 euros dus par les parties linstance dappel]). B. Le droit au procs quitable.

conformes la Constitution (dcision du Conseil constitutionnel n 2012-231/234 QPC

Le droit au procs quitable est principalement consacr par larticle 6 de la lui reconnat avant tout des droits laccus en matire pnale.

Convention europenne des droits de lhomme. Le droit constitutionnel franais quant

~ 38 ~

Larticle 6 de la Convention europenne des droits de lhomme ne sapplique pas toute proc- dure juridictionnelle, mais prsente un champ dapplication limit : Toute personne a droit ce que sa cause soit entendue quitablement, publiquement et dans dcidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractre civil, soit du bien-fond de toute accusation en matire pnale dirige contre elle .

a) Champ dapplication.

un dlai raisonnable, par un tribunal indpendant et impartial, tabli par la loi, qui

Aussi, la Cour a donn aux notions de droits et obligations de caractre civil, et daccusation en matire pnale, une signification autonome, indpendante des qualifications nationales. Par exemple, en France, les sanctions fiscales (majorations

dimpts) infliges par ladministration fiscale, sapparentent malgr leur similitude avec les sanctions administratives, des accusations de caractre pnal. En effet, elles se fondent, selon la Cour, sur une norme de caractre gnral dont le but est la fois prventif et rpressif (CEDH, 24 fvrier 1994, Bendenoun c/France). De mme, des

sanctions disciplinaires peuvent sapparenter des sanctions pnales comme dans privative de libert). Ltat ne peut donc chapper lapplication de larticle 6 en qualifiant autrement une sanction de nature pnale.

larrt du 8 juin 1976, Engel et autres c/Pays-Bas (en lespce, il sagissait dune peine

Sagissant des obligations de caractre civil, la Cour considre quil sagit dobligations Priscope). Peu importe que le litige relve en droit interne du droit social (CEDH, 6 mai Geouffre de la Pradelle c/France concernant le droit de lexpropriation).

de droit priv, qui ont un caractre patrimonial (CEDH, 26 mars 1992, ditions 1981, Buchholz c/Allemagne) ou du droit administratif (CEDH, 16 dcembre 1992, Sagissant du droit de la fonction publique, le critre du droit patrimonial fut galement

appliqu, avant de devenir un critre fonctionnel. La Cour europenne a ainsi jug que larticle 6 ne sapplique pas aux litiges entre ltat et ses agents publics dont mesure o celle-ci agit comme dtentrice de la puissance publique charge de la dcembre 1999, Pellegrin c/France). Cette jurisprudence complexe a t abandonne en ltat dfendeur puisse devant la Cour invoquer le statut de fonctionnaire dun ~ 39 ~ lemploi est caractristique des activits spcifiques de ladministration publique dans la sauvegarde des intrts gnraux de ltat ou des autres collectivits publiques (CEDH, 8 2007 (CEDH, 19 avril 2007, Vilho Eskelinen et autres c/Finlande) : dsormais pour que

requrant afin de le soustraire la protection offerte par larticle 6, deux conditions doivent tre remplies. En premier lieu, le droit interne de ltat concern doit avoir expressment exclu laccs un tribunal sagissant du poste ou de la catgorie de salaris en question. En second lieu, cette drogation doit reposer sur des motifs objectifs lis lintrt de ltat. Le simple fait que lintress relve dun secteur ou dun service qui participe lexercice de la puissance publique nest pas en soi dterminant. Pour que lexclusion soit justifie, il ne suffit pas que ltat dmontre que le fonctionnaire en question participe lexercice de la puissance publique. Il faut aussi que ltat montre que lobjet du litige est li lexercice de lautorit tatique ou remet en cause le lien spcial susmentionn . En outre, la Cour interprte galement la notion de tribunal de manire autonome. Ainsi, un organe administratif qui inflige des sanctions doit respecter les exigences de larticle 6 mme sil ne sagit pas proprement parler dune Meyere c/Belgique). Un tribunal statuant en matire constitutionnelle est galement soumis aux exigences de larticle 6 (CEDH, 23 juin 1993, Ruiz-Mateos c/Espagne). b) Garanties gnrales.

juridiction en droit interne (CEDH, 23 juin 1981, Le Compte, Van Leuven et De

Larticle 6 de la Convention europenne des droits de lhomme inclut de nombreuses garanties au profit du justiciable : - la cause doit tre entendue quitablement. Il sagit tout dabord du principe de lgalit des armes, qui suppose que chacune des parties linstance ait une possibilit raisonnable de prsenter sa cause dans des conditions qui ne la dsavantagent pas par rapport la partie adverse (CEDH, 7 juin 2001, Kress

c/France). Par exemple, la rgle de preuve qui interdit dentendre une partie comme tmoin dans sa propre cause a pour consquence de placer le requrant dans une situation de net dsavantage par rapport lautre partie, et viole de ce mme, la participation au dlibr du Ministre public (avocat gnral prs la fait larticle 6 (CEDH, 27 octobre 1993, Dombo Beheer B. V. c/Pays-Bas). De Cour de cassation par exemple, ou rapporteur public au Conseil dtat, dgalit des armes, car il a une opinion sur le litige, de ce fait, il a l

anciennement commissaire du gouvernement) nest pas conforme au principe apparence dune partie (arrt Kress, prcit). Il sagit galement du principe du ~ 40 ~

contradictoire, qui implique le droit de se voir communiquer et de discuter toute pice prsente au juge. Sagissant des conclusions du Ministre public qui interviennent thoriquement lissue des dbats sans quune rponse ne puisse y tre apporte, la Cour estime quelles doivent tre soumises au principe du contradictoire (CEDH, 20 fvrier 1996, Vermeulen c/Belgique) ;

- la publicit signifie que les dbats mais aussi le prononc de larrt, doivent conception tolrante de cette notion, puisquelle considre lexigence de

tre mens en prsence du public. Cependant, la Cour europenne a une publicit pour lensemble de la procdure, de la premire la dernire

instance. Ainsi, si les juridictions de premire instance et dappel ont entendu la et sans prononc public, larticle 6 nest pas pour autant bafou lorsque lon dlai raisonnable est quant lui valu en fonction de trois indices : la

cause en public, mais que la Cour de cassation a rejet le pourvoi sans audience considre lensemble du procs (CEDH, 8 dcembre 1983, Axen c/Allemagne) ; le complexit de laffaire, le comportement du requrant et le comportement de ltat. Si ltat de sant du requrant ncessite une particulire clrit, le dlai raisonnable se trouve rduit (CEDH, 31 mars 1992, X. c/France) ; de mme, lapprciation du dlai raisonnable est plus stricte en matire pnale (CEDH, 10 novembre 1969, Stgmller c/Autriche) ou lorsque certains droits sont en cause, par exemple le droit au respect de la vie familiale (CEDH, 18 fvrier 1999, Laino c/Italie propos dune procdure de garde denfants). La France est frquemment condamne pour violation du dlai raisonnable (par exemple : CEDH, 14 octobre 2010, Veriter c/France) ; limpartialit peut tre dfinie comme labsence dide a dj tudi cette affaire loccasion de lexercice dautres fonctions. Notamment, le cumul de fonctions consultatives et juridictionnelles est sanctionn par la Cour, concernant par exemple le Conseil dtat

prconue sur laffaire. Cette impartialit peut tre mise en doute lorsquun juge

luxembourgeois (CEDH, 28 septembre 1995, Procola c/Luxembourg : La Cour constate quil y a eu confusion, dans le chef de quatre conseillers dtat, de fonctions consultatives et de fonctions juridictionnelles. Dans le cadre dune personnes exercent successivement, propos des mmes dcisions, les deux types ~ 41 ~

institution telle que le Conseil dtat luxembourgeois, le seul fait que certaines

de fonctions est de nature mettre en cause limpartialit structurelle de ladite institution ). Il en est de mme sagissant dun magistrat ayant exerc propos de la mme affaire des fonctions de procureur et de prsident de cour dassises (CEDH, 1er octobre 1982, Piersack c/Belgique :

Pour que les tribunaux inspirent au public la confiance indispensable, il faut de surcrot tenir compte de considrations de caractre organique. Si un juge, aprs avoir occup au parquet une charge de nature lamener traiter un certain dossier dans le cadre de ses attributions, se trouve saisi de la mme affaire comme magistrat du sige,

les justiciables sont en droit de craindre quil noffre pas assez de garanties dimpartialit ), ou encore les fonctions dinstruc- tion et de prsident de tribunal pour enfants (dcision du Conseil constitutionnel n 2011-147 QPC du 8 juillet 2011,

M. Tarek J. [Composition du tribunal pour enfants]) ; lindpendance est quant elle ltat. Le pouvoir excutif est videmment vis, et le prononc de la peine par le ministre

plus objective, car elle suppose labsence de pressions de la part dun autre organe de de lIntrieur au Royaume-Uni est par exemple manifestement incompa- tible avec est de mme de lapp