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#3 ENJEUX DE LA MÉDIATION À L’ÈRE NUMÉRIQUE MARS 2017 En partenariat avec

ENJEUX DE LA MÉDIATION À L’ÈRE NUMÉRIQUE · Se pose aussi la question des data et de leur rôle au cœur des enjeux, et des nouveaux rapports aux savoirs induits par le numérique

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#3ENJEUX DE LA MÉDIATION À L’ÈRE NUMÉRIQUE-MARS 2017

#3ENJEUX DE LA MÉDIATION À L’ÈRE NUMÉRIQUE

MARS 2017

En partenariat avec

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RENDEZ-VOUS DE SCIENCE & YOU #3 LES ENJEUX DE LA MÉDIATION À L’ÈRE NUMÉRIQUE

La transition numérique a changé les pratiques professionnelles de la CSTI avec l’apparition de nouveaux outils (tablettes, écrans, casques de réalité virtuelle, salles immersives…) et la dématérialisation des supports de médiation (expositions augmentées par du cross media, sites web, vidéos en ligne…). Cette révolution comporte également une dimension sociale, qui permet un dialogue plus personnalisé et instantané entre institutions, médiateurs et publics, grâce notamment aux réseaux sociaux.

Outils, supports, méthodes, valeurs… Le terme « numérique » recouvre de nombreux champs. Avec une quinzaine d’années de recul, peut-on observer un élargissement des publics grâce au numérique ? Les nouvelles techniques de médiation induites par le numérique ont-elles une réelle efficience au service du partage de la CSTI ? En quoi la révolution numérique a-t-elle métamorphosé le rapport aux savoirs ? En quoi transforme-t-elle le rôle des publics dans les actions de médiation ? Quelles nouvelles compétences les médiateurs ont-ils besoin de développer ?

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SOMMAIRE

Programme de la journée .............................................................................................4

Conférence introductive de Laurent Chicoineau .........................................................5

Table-ronde : transition numérique et autonomisation des publics ............................8

Entretien avec... | Denis Delbecq et Jean-Marie Lagnel : la datavisualisation ...........17

Entretien avec... | Marie Duflot-Kremer : la pensée informatique .............................19

Un peu de lecture .......................................................................................................21

RDV DE SCIENCE & YOU #3

LES ENJEUX DE LA MÉDIATION À L’ÈRE NUMÉRIQUE

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PROGRAMME DE LA JOURNÉE

- 9h 45 – 10h30 : conférence introductive par Laurent Chicoineau. Retour sur le rapport « Partager les cultures scientifique, technique et industrielle à l’ère numérique ». Quels sont les enjeux de la médiation à l’ère numérique ?

- 10h30 – 12h : Table-ronde : Comment la transition numérique favorise-t-elle l’autonomisation des publics (participation citoyenne, développement des savoir-faire et savoir-être, innovation ascendante…) ?

> Marion Sabourdy, chargée des nouveaux médias et responsable éditoriale d’Echosciences, La Casemate, Grenoble> Laurent Dupont, co-fondateur Lorraine Fab Living Lab - ERPI / ENSGSI> Kadriye Cikmazkara, formatrice sciences et chargée de mission à la Délégation académique au numérique pour l’éducation (Dane) de Nancy-Metz

- 12h - 13h : visite de l’exposition itinérante « de l’Homo Numericus au citoyen numérique », réalisée par le centre Inria Nancy – Grand Est et la MJC centre social Nomade dans le cadre du programme CERCo.

- 14h - 16h : ateliers pratiques :

> La datavisualisation et ses enjeux pour l’éducation et la culture, par Jean-Marie Lagnel, directeur de création chez Studio V2, et Denis Delbecq, journaliste indépendant. Rendre intelligibles des données scientifiques est souvent une tâche ardue. Heureusement, il y a la data-visualisation ! Après avoir levé le voile sur cette mystérieuse discipline et ses enjeux, passez à des exercices pratiques et créez vos propres dataviz grâce à des outils en ligne.

> Formation à la pensée informatique, par Marie Duflot-Kremer, maître de conférences en informatique à l’Université de Lorraine.Quels sont les principes généraux de la programmation informatique ? Qu’appelle-t-on « pensée computationnelle » ? Mieux comprendre et maîtriser la culture numérique passe par l’expérimentation : découvrez les outils à disposition (Scratch, Class’ Code…) et pratiquez des activités sans ordinateur !

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CONFÉRENCE INTRODUCTIVE

+ Laurent Chicoineau, directeur de La Casemate (Grenoble) - @LaurentChic

Nous avons un rapport ambivalent envers le numérique : il nous fait peur mais à la fois nous attire. Je citerai en exemple le cas du tag RFID (radio-identification, système de mémorisation et de récupération de données à distance utilisé notamment dans les codes-barres et les puces électroniques) qui peut susciter des appréhensions quant au droit à la vie privée, mais qui présente des avancées technologiques intéressantes (fonction caméscope, MP3, etc.) : le numérique ne se situe pas dans le bien ou le mal, mais dans une zone de gris.

INMÉDIATS

Inmédiats était un projet PIA « égalité des chances – CST », terminé en juillet 2016.Six centres de sciences ont été associés à ce projet : Cap Sciences (Bordeaux), L’Espace des sciences (Rennes), la Casemate (Grenoble), Relais d’sciences (Caen), Science Animation (Toulouse) et Universcience (Paris). La réponse proposée par Inmédiats à cet appel à projets est la suivante :

- Cibler les 15/25 ans, plus difficiles à capter que les plus jeunes. L’enjeu est important, entre autres pour susciter des carrières scientifiques ;- Constater que les pratiques culturelles et médiatiques des jeunes passent par le numérique. Depuis 2008-2010, Internet est devenu le mode d’information prioritaire des 15/25 ans.

La question animant notre démarche était donc de savoir comment marier plus étroitement cultures numérique et scientifique. Dans les centres de sciences et les musées, il n’y avait pas énormément d’initiatives sur le numérique pour le partage des sciences. Nous avons donc voulu travailler sous l’angle de l’utilisation du numérique dans la médiation scientifique. Nous avons mis en place trois types de projets :

1. Plateformes de collaboration, de partage et de mutualisation des savoirs entre les acteurs de CST et les publics : Echosciences. La 1ère plateforme s’est développée à Grenoble, puis s’est multipliée dans d’autres régions.

2. Living labs : concept existant en dehors du champ de la médiation scientifique. Démarche participative et contributive dans l’élaboration des dispositifs de médiation (expositions, ateliers, conférences, workshops). Ce mode de faire souligne bien l’angle horizontal provoqué par cette culture numérique, notamment par le dialogue entre le comité scientifique et les publics. Cette démarche a permis de mettre en place Salon Experimenta, salon arts-sciences-technologies créé avec le CEA, l’Hexagone (scène nationale de Grenoble), et la Casemate.

3. Fablabs et la culture Maker. Les musées de science aux USA ou en Angleterre ont tous depuis bien longtemps un espace de bricolage dédié aux visiteurs. L’Exploratorium de San Francisco a mis à disposition de ses publics un lieu d’expérimentation de ce type depuis sa création, en 1969. A l’époque, ces expérimentations permettaient aux visiteurs de maîtriser les bases de l’électricité, de la mécanique. Maintenant, des ateliers tels Scratch

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permettent l’apprentissage des bases du codage. Des fablabs ont vu le jour à la Casemate, à la Cité des Sciences, à Cap Sciences, au Quai des Savoirs. L’intéressant avec ces espaces est qu’ils ne sont pas interactifs dans le but de faire passer des messages, mais qu’ils sont véritablement mis à disposition du public qui en fait ce qu’il en veut.

Beaucoup de partenaires extérieurs participent avec les acteurs de CST à cette culture numérique du faire, marquant une véritable dynamique de territoire. Nous travaillons ainsi avec le monde de l’éducation, le monde économique, le monde de la création artistique.

RAPPORT « PARTAGER LES CULTURES SCIENTIFIQUE, TECHNIQUE ET INDUSTRIELLE À L’ÈRE DU NUMÉRIQUE »

Ce rapport m’a été confié par Geneviève Fioraso, à l’époque Secrétaire d’Etat à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche. L’objectif était d’identifier des bonnes pratiques, des pistes qui permettraient de voir augmenter le niveau de culture scientifique, notamment chez les jeunes.

Internet est un marché des valeurs où toutes les idées ne se valent pas.

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Pour ce rapport, j’ai rencontré un maximum d’acteurs de terrain pour faire remonter toutes ces pratiques. Beaucoup d’acteurs de médiation scientifique et beaucoup de pratiques sont ressortis. Tous se questionnent sur les impacts des actions qu’ils sont en train de faire. Une première idée qui est ressortie est que le numérique est très malléable, ce qui permet de pouvoir revenir sur des contenus, contrairement par exemple à des expositions « classiques » sur lesquelles on ne va pas forcément revenir une fois qu’elles sont produites. Comme on l’a vu avec les fablabs et la démarche de living lab, le numérique ne se limite pas seulement au web, mais recouvre un ensemble de nouvelles pratiques, avec de nouveaux objets. On peut en effet remarquer un retour du tangible, via notamment les pratiques faisant appel aux objets connectés : tablettes tactiles, réalité virtuelle… La question du rapport à l’espace, au corps se pose avec le numérique : les lieux physiques prennent tout un sens à partir du moment où ils vont questionner ce rapport au corps nouveau qui est introduit par le numérique, et pas simplement limiter le numérique à Internet ou au site web du musée. Le numérique questionne le rapport à l’espace et au corps : d’où la notion de tiers-lieux culturels : ce ne sont plus seulement des lieux où l’on vient visiter et découvrir, mais des lieux où l’on vient faire, pratiquer, apprendre.Se pose aussi la question des data et de leur rôle au cœur des enjeux, et des nouveaux rapports aux savoirs induits par le numérique. Les enjeux du numérique sont aussi des enjeux d’usage et d’appropriation (Wikipédia, open science, usages de Youtube…).Cet engouement du public pour les vidéos de sciences va-t-il provoquer à terme une crise de la CST ? Le public va-t-il se désintéresser des musées et des centres de science ?

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ENRICHIR LE MARCHÉ COGNITIF

Internet est un marché des valeurs où toutes les idées ne se valent pas. L’un des enjeux est de se réapproprier ces règles de rationalité. Ceux qui promeuvent les faits alternatifs sont très motivés, tandis que ceux qui promeuvent la réalité le sont moins, d’après le sociologue Gérald Bronner. Pour appréhender cela, il faut comprendre comment on produit de l’information sur le web (alimenter Wikipédia, etc). Il faut aussi proposer, sur ce marché des idées, des produits avec de la science dedans, des produits avec de la médiation maîtrisée, pour contrebalancer ces faits alternatifs. Pour alimenter ce marché, des opérations originales ont lieu : les comptes @EnDirectDuLabo et @ComSciComCa sur Twitter, le marathon de contributions à Wikipédia organisé par la Casemate le 8 mars pour mobiliser le public à documenter les femmes scientifiques, qui sont sous-représentées sur la plateforme, le MOOC « Réseaux sociaux et culture scientifique »… Tout ceci alimente le marché cognitif.

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Conférence introductive, RDV de Science & You #3, le 3 mars 2017

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TABLE-RONDE | Transition numérique et autonomisation des publics

+ Marion Sabourdy – chargée des nouveaux médias et responsable éditoriale d’Echosciences, La Casemate, Grenoble - @Fuzzyraptor

ECHOSCIENCES GRENOBLE ET DISSÉMINATION AU NATIONAL

Echosciences est la première plateforme de veille et de documentation des initiatives de CSTI d’un territoire, adressée aux amateurs et aux professionnels : associations, universités, musées, vidéastes, blogueurs, étudiants, chercheurs… Echosciences est ouverte à tous.Les objectifs sont multiples : s’informer, documenter ses actions, réseauter... La plateforme comporte de nombreuses rubriques : articles, agenda, annonces, dossiers, projets, communautés…

Historique :- 2011 : conception de la plateforme avec les partenaires grenoblois- 2012 : réalisation de la plateforme et mise en ligne à Grenoble par la Casemate, qui en assure l’animation, en collaboration avec ses partenaires - 2012 – 2014 : enrichissement des contenus par la communauté et évolution de l’outil en fonction des remarques et des besoins des utilisateurs- 2015 : refonte pour arriver au modèle actuel, avec des aspects sociaux plus développés- 2016 : Déploiement du site dans les régions Occitanie et Bretagne (sites animés par des partenaires Inmédiats : Science Animation à Toulouse et l’Espace des sciences à Rennes) en début d’année puis dans une région et un département dont les CCSTI n’étaient pas partenaires d’Inmédiats : Loire (La Rotonde), Hauts-de-France (Ombelliscience)- 2017 : déploiement en Nouvelle Aquitaine (Cap sciences), PACA (Gulliver) Normandie (Le Dôme), Centre-Val de Loire (Centre sciences), Nantes métropole (Muséum de Nantes), Savoie-Mont-Blanc (Galerie Eureka et La Turbine). D’autres déploiements sont en réflexion (Auvergne, Ardèche…).

L’idée derrière l’outil est de rester dans une unité territoriale (métropole, département, région) et d’avoir des outils ouverts territoire par territoire, avec des plateformes connectées entre elles. Nous sommes en train de travailler sur la gouvernance : le projet ne dépend plus financièrement du programme Inmédiats qui nous a permis de le créer, et qui s’est terminé en juillet 2016.

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Echosciences : les chiffres-clés (fin août 2017)

> Echosciences Grenoble : 1400 membres15 000 visiteurs uniques par mois30 000 pages vues par moisDe janvier à juillet 2017 : 250 nouveaux membres,40 contributeurs par mois en moyenne (personnes ou structures) + de 500 contenus rédigés

> Au niveau national :2367 membres2175 articles2877 événements331 annonces158 dossiers107 projets

www.echosciences.com

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Carte des Echosciences Source : www.echosciences.com/#territoires

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MOOC SCIENCESTAG (PROGRAMME INMÉDIATS)

Le MOOC est arrivé à la fin du programme Inmédiats, pendant la Fête de la Science 2016. Sa création part du constat d’un manque de pratique et de confiance dans l’utilisation des médias sociaux de la part de nos collègues et de nos partenaires du milieu de la culture scientifique. Les médiateurs ne sont pas encore très utilisateurs de ces médias-là, ou ont une pratique amateur. Nous avons donc compilé les formations que nous donnons ainsi que des retours d’expériences. Ce MOOC a duré 4 semaines, pendant lesquelles 4 à 5 personnes étaient présentes quotidiennement pour répondre aux questions. Le programme s’articule autour des axes suivants :

1. Les réseaux sociaux : pour quoi faire ?2. Exemples d’animations, trucs et astuces3. Les communautés et les territoires4. Comment monter une stratégie d’utilisation de réseaux dans sa structure ?

Le MOOC compte une quinzaine de vidéos, des quiz, des forums et propose un système de certification par badges. Suite à ces 4 semaines d’animation, les contenus sont restés disponibles un mois. Ce MOOC était notre premier, nous ne savions pas trop à quoi nous attendre. Nous avons été accompagnés par une entreprise, MOOC et Compagnie, qui nous a donné les chiffres des grands MOOC culturels comme ceux du château de Versailles ou du Musée de l’Homme. Notre MOOC s’est déroulé en même temps que celui de Tela Botanica, qui a eu beaucoup de succès. Nous avons eu 2 500 inscrits, la plupart résidant en France. 54% des inscrits avaient entre 15 et 35 ans. Ils sortaient de formation et voulaient compléter celle-ci ou bien il s’agissait de personnes déjà en poste et à qui il a été demandé de se positionner sur ces questions de réseaux.73% des participants étaient des femmes. Les inscrits ont passé en moyenne 1h par semaine sur ce MOOC. Un peu plus de 300 personnes ont vraiment validé le MOOC, soit 13% des inscrits. Cela paraît peu, mais en moyenne, seuls 10% des inscrits à un MOOC finalisent leur formation. Le taux de suivi en semaine 1 (juste avant la Fête de la Science) était d’environ 50%, contre 34% en semaine 2. Les vidéos ont été vues 15 000 fois en moyenne. Beaucoup de gens ont donc réellement suivi le MOOC, même si tous ne sont pas allés jusqu’à la certification.

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COMPTE TWITTER COLLABORATIF @COMSCICOMCA

@ComSciComCa est un compte Twitter créé sur le modèle d’@EnDirectduLabo et de @RealScientists (en anglais). À la différence de ceux-ci, axés sur le travail et la vie quotidienne de chercheurs, @ComSciComCa est axé sur les « passeurs de sciences », c’est-à-dire les médiateurs, vulgarisateurs, journalistes, blogueurs, vidéastes, qui partagent les sciences et techniques, en amateur ou de manière professionnelle.

Ce compte, créé à l’initiative d’une petite équipe composée de plusieurs acteurs de CST français et québécois, est animé chaque semaine par une personne différente. Le compte a été créé en septembre 2016, et compte plus de 2900 membres en août 2017.

Pour l’animer pendant une semaine, il suffit d’écrire un mail de présentation à [email protected] Suivre le compte Twitter : https://twitter.com/ComSciComCa Découvrir le site : http://comscicomca.org/

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Table-ronde Transition numérique et autonomisation des publics, RDV de Science & You #3, le 3 mars 2017

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+ Laurent Dupont, co-fondateur du Lorraine Fab Living Lab (LF2L) - ERPI / ENSGSI - @ENSGSI

LORRAINE FABLIVING LAB (LF2L)

Le LF2L, plateforme d’évaluation prospective des usages et d’acceptabilité des innovations, est la plateforme du Laboratoire ERPI. Elle expérimente et fait émerger des projets de recherche collaborative et participative. À ce titre, elle a un rôle de diffusion de la culture scientifique, pédagogique, et de vitrine de l’innovation. Le LF2L est le fruit de la fusion de deux plateformes portées par le laboratoire ERPI et l’ENSGSI : un Living Lab et un FabLab. Le Living Lab consiste à innover avec l’utilisateur, l’associer le plus tôt possible à la conception des projets. Le concept est né au milieu des années 2000 d’un constat, celui que la plupart des échecs dans la mise en marché de produits et de lancement de nouvelles technologies n’est pas due à de mauvaises technologies, mais à l’inadéquation de celles-ci avec les usages. Ce concept a été repris par l’Union Européenne, mais il est né auparavant au MIT (Massachusetts Institute of Technology), et concernait initialement à penser la ville 2.0, le bâtiment 2.0, et de créer l’interaction entre nous, utilisateurs, et les espaces que nous vivons. Notre approche en mode Living Lab est conçu dans ce sens-là depuis 2007-2008 : le Lorraine Smart Cities Living Lab est ouvert sur la ville et les territoires, se nourrit de leurs dynamiques locales tout en leur apportant la richesse universitaire. Il est reconnu par ENoLL depuis 2010.En parallèle, depuis 2010-2011, l’ENSGSI a installé le 1er FabLab dans une école d’ingénieur. Le GSI Lab est reconnu par la Fab Foundation depuis 2011.En 2013, fort de notre expérience et des résultats de nos projets de recherche, nous avons validé la synergie des deux approches et avons fusionné nos deux espaces. En partenariat avec la Métropole du Grand Nancy, nous avons déployé le Lorraine Fab Living Lab, au cœur du Technopôle Renaissance, où nous avons 360 m².Le LF2L a trois principes de base :

- co-créer en impliquant les utilisateurs : se rassembler, faire émerger les idées- prototyper (matérialisation physique) via les découpes laser, les imprimantes 3D, etc.- tester par l’usage, à travers des mises en situation à l’échelle ou simulées, etc.

En parallèle, nous évaluons la capacité d’innover des organisations. Une entreprise, une équipe peut avoir une très bonne idée, mais il est important d’avoir les moyens de la porter (technologie, compétences financières ou organisationnelles, etc.).

12Schéma de la 4D de l’innovation

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Notre site web www.lf2l.fr présente en détail nos concepts et nos approches. Nous parlons notamment de 2D, 3D, 4D : la 2D correspond à la conceptualisation, la 3D à la matérialisation physique ou virtuelle, et la 4D fait référence à l’évaluation ou l’évolution à travers le temps.

Nous avons un nombre important de technologies différentes et complémentaires, que vous pouvez découvrir sur le site web ou en nous rendant visite sur la plateforme. Nous sommes en effet dans une logique d’ouverture, à la rencontre des publics. Les limites étant qu’il n’est pas toujours facile d’ouvrir les portes de l’université, notamment pour des raisons de sécurité (Vigipirate). Pour favoriser l’ouverture, nous avons mis la plateforme à disposition de l’association NYBI.CC (Nancy Bidouille) qui accueille les citoyens curieux tous les jeudis soir de 19h à 20h. Vous pouvez aussi adhérer à l’association pour profiter de l’espace plus longtemps (de 19h à minuit) et utiliser nos machines. Nous avons des découpes laser, des imprimantes 3D - pour les plus gourmands, une imprimante 3D chocolat vient même d’être créée par NYBI.CC ! Nous avons donc un certain nombre de technologies, notamment la bulle immersive, qui est une installation qui détourne l’usage de la Kinect, que l’on connecte à Google Street View, et qui permet de se promener dans les rues à travers le monde.

En 2015, nous étions présents à Science & You pour montrer au grand public ces nouvelles technologies. Les dispositifs mis en place nous ont permis d’engager du dialogue, d’expliquer ce qu’il y a derrière ces développements technologiques. Des tutoriels et logiciels sont également disponibles sur Internet pour ceux qui voudraient aller plus loin et mettre en place des expérimentations. Sur la plateforme, il est possible d’organiser des séances de créativité, du travail en groupe. Nous avons aussi des tables tactiles, pour accélérer la co-création en groupe, que ce soit pour des étudiants, des experts, des collectivités, des entreprises.

Nous proposons aussi de la modélisation 3D. Nous avons par exemple travaillé à partir des boucles de comptage des feux de signalisation de la Métropole du Grand Nancy (10 ans de données) afin de reproduire les flux de circulation à certains carrefours. L’objectif de ce genre de simulation, c’est de pouvoir jouer ensuite sur les sens de circulation, les plans de feux (réduire ou augmenter leur durée), et prévoir les impacts de telles modifications. Ce projet s’inscrit plus globalement dans la démarche de conception participative de l’EcoQuartier Nancy Grand Cœur (autour de la gare). La plateforme a en effet aussi pour but de mettre en place des ateliers citoyens. Durant 6 ans (2010-2015), nous avons accompagné la Métropole du Grand Nancy dans la phase amont de la conception de cet EcoQuartier. Nous sommes intervenus lors de la phase de réflexion pour aider à comprendre les usages d’un espace urbain avant qu’il soit réalisé en mobilisant plus de 200 acteurs (citoyens, urbanistes, techniciens, PME, grands groupes, chercheurs, etc.). Ainsi nous travaillons avec les techniciens, les élus et les citoyens pour enrichir le diagnostic, comprendre le plus finement les objets sur lesquels nous intervenons, et aider à adopter une approche écosystémique pour éclairer les prises de décisions possibles pour l’aménagement des espaces publics, la circulation, anticiper les impacts écologiques (gaz à effet de serre, microparticules). Nous poursuivons aujourd’hui nos travaux à travers le démonstrateur Smart City Living Lab d’Alzette-Belval que nous accompagnons avec le LF2L, pour favoriser la prise en compte de l’usage et des citoyens dans la création de cette ville nouvelle de 200 h ectares.De même, dans notre logique d’ouverture et d’engagement dans les sciences participatives, nous mobilisons des « Communautés de pratiques » tels que des étudiants, des associations,

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des makers, des chercheurs, des experts métiers, citoyens, collectivités, entreprises, etc. Les profils et les besoins sont variés, nous nous adaptons à chacun.

Notre but est aussi de faire se rencontrer ces communautés. Si besoin, nous faisons également appel au niveau national et international à d’autres collègues chercheurs, aux experts internationaux des réseaux FabLabs et Living Labs, de façon à pouvoir générer de nouvelles interactions et enrichir les savoirs. Un bel exemple de projet partagé Entreprise / Makers / Chercheur est le projet « Linky by makers® » développé autour du compteur communicant Linky©, conçu par ENEDIS. Nous avons réuni des makers, des citoyens et techniciens d’Enedis pour penser ensemble les usages des compteurs communicants et des réseaux intelligents, à l’heure de la révolution numérique, de la multiplication des sources de production et de consommation de l’énergie électrique. Par exemple, comment ce compteur communicant peut aider les industriels à mieux travailler, et les citoyens à mieux maîtriser leur consommation d’énergie ? Nous avons fédéré des FabLabs Français autour de ce projet. Des réflexions et développements opérationnels se sont mis en place, d’autres projets s’y greffent ou en émergent… au final une dynamique nationale se met en place autour de cette question de société. Ce projet et ses premiers résultats ont été présentés en juin 2017 à l’International Conference on Engineering, Technology and Innovation (ICE/ITMC) (Voir : Dupont, L., Gabriel, A., Camargo, M., Guidat, C. (2017) Collaborative Innovation Projects Engaging Open Communities: a Case Study on Emerging Challenges. 2017 International Conference on Engineering, Technology and Innovation (ICE/ITMC), Madeira Island, Portugal 27-29 June.)

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Le Nomad’Lab au Centre Prouvé pendant Science & You 2015, juin 2015

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+ Kadryie Cikmazkara, formatrice en sciences et chargée de mission à la Délégation Académique au Numérique pour l’Education (DANE) de Nancy-Metz - @dane_nancy_metz

LE RÔLE DU NUMÉRIQUE DANS L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES, DANS LA CONSTRUCTION DES SAVOIRS SCIENTIFIQUES, ET LA MÉDIATION VERS UN PUBLIC JEUNE

Enseignante du 1er degré, j’ai commencé à enseigner dans une classe de campagne avec un tableau à craie. Puis, à l’occasion du Plan Numérique Ecole Rurale, la classe a été équipée d’un tableau interactif et d’une classe mobile (ordinateurs portables en réseau). J’ai dû me familiariser avec ces nouveaux outils, et changer la manière de les intégrer dans ma péda-gogie. Ces outils ont permis aux élèves de développer des compétences nécessaires pour évoluer dans le monde numérique. Comment intégrer le numérique dans une pédagogie qui ne doit pas fondamentalement changer ? L’introduction de ces outils numériques soulève plusieurs problématiques :

- La formation des enseignants : comment se mettre à jour régulièrement ?- La formation d’élèves qui en savent déjà beaucoup, pour la plupart équipés à la maison : quels usages pertinents et constructifs ?- Concilier le numérique avec l’expérience scientifique : continuer à placer l’élève en si-tuation de recherche, développer son esprit critique, le raisonnement logique… Ces ex-périences scientifiques « physiques », les investigations menées en classe doivent pré-dominer et le numérique rester un outil (l’utilisation de balances, par exemple, reste indispensable pour que les élèves puissent approcher la notion de masse, de volume et aller plus loin dans l’apprentissage du monde réel).

LA MAISON POUR LA SCIENCE

En tant que formatrice à la Maison pour la Science (Espé), je mets l’accent sur une pédagogie où l’enfant co-construit ses savoirs avec ses pairs. L’expérimentation scientifique va de pair avec l’apprentissage et la maîtrise des outils numériques. La Maison pour la Science a 3 vocations :

1. Accueillir les élèves et accompagner les enseignants dans la mise en place des sciences dans leur classe (construire une démarche d’investigation où l’enfant questionne active-ment le monde) 2. Diffuser et promouvoir les sciences : des étudiants interviennent dans les classes pour accompagner les enseignants, aider à la réalisation d’expositions, de kits pédagogiques…3. Former les étudiants sur les sciences via le numérique. La prochaine formation tiendra sur la pensée logique, le raisonnement et les algorithmes, sur le modèle de l’informatique débranchée.

Nous essayons donc de concilier le monde de l’enseignement avec le monde de la recherche, celui de l’industrie. Dans ce sens, je propose parallèlement à mes formations, des visites aux enseignants et étudiants : usine Renault à Batilly, école de chirurgie qui utilise la réalité simulée dans ses apprentissages, fablabs...

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LA DANE (DÉLÉGATION ACADÉMIQUE AU NUMÉRIQUE POUR L’ÉDUCATION) DE NANCY-METZ

A la DANE, j’ai pour missions de mettre en place deux grands chantiers :- Les espaces numériques de travail dans le 1er degré, destinés aux élèves, aux parents et aux enseignants- Le projet algorithmes, robots et programmation dans le premier degré.

Nous organisons également des journées de réflexion intitulées « Apprendre autrement avec le numérique ». Nous avons réfléchi aux apports du numérique dans l’apprentissage de tous les élèves, et en particulier les élèves à besoins particuliers (dyslexiques, dyspraxiques…). Nous avons vu comment le numérique permet de développer et de valoriser des compétences chez des enfants parfois exclus du système. Les questions de classe inversée, de la formation à distance, ont également été discutées. La DANE suit et pilote ces différents types de projets. La DANE est aussi impliquée dans des projets de recherche, innovants, les projets e-FRAN. Trois grands projets au niveau académique ont été retenus (LINUMEN, eTAC, METAL).L’accompagnement des collectivités dans le déploiement des équipements, la formation des enseignants restent prioritaires pour œuvrer ensemble pour la réussite des élèves dans le monde numérique, nouveau et mouvant.

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Atelier informatique débranchée, Maison pour la science en Lorraine

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ENTRETIEN AVEC... | Denis Delbecq et Jean-Maris Lagnel : la datavisualisation

+ Denis Delbecq, journaliste indépendant - @effetsdeterre+ Jean-Marie Lagnel, directeur de création chez Studio V2 - @Studio_V2

Qu’est-ce que la datavisualisation ?

JML – Même s’il n’y a pas encore de définition officielle, nous pourrions la définir de la façon suivante : la datavisualisation sert à présenter rapidement des données et à les rendre lisibles. Elle permet d’analyser et de faciliter la compréhension des données en les retranscrivant efficacement sous forme visuelle. Une datavisualisation (appelée couramment dataviz) est le plus souvent générée automatiquement à l’aide d’un outil ou de code. La dataviz est souvent tirée d’une base de données. On représente graphiquement un jeu de données complexes afin de le rendre compréhensible et de faciliter l’exploration des données. Certaines visualisations sont intuitives et immédiatement parlantes, d’autres font appel à des représentations et à des formes qui peuvent déstabiliser le lecteur par leur design « original ». La frontière entre l’infographie et la datavisualisation peut être difficile à déterminer, surtout lorsque l’on assemble des éléments des deux domaines, qui appartiennent l’un comme l’autre à la famille du design d’informations.

Quelle(s) différence(s) avec l’infographie ?

JML - Une infographie, c’est un graphique d’information conçu pas à pas à l’aide d’un logiciel comme Illustrator. Ce n’est pas une simple illustration, car l’infographie se compose de texte et d’images. L’infographie est un ensemble d’informations mises en scène graphiquement. Une série de pictogrammes accompagnée de légendes ne constitue pas forcément une infographie. Dans bien des cas, il s’agit simplement d’une mise en forme de visuel avec du texte, d’une simple maquette réalisée avec un outil de mise en forme, comme InDesign par exemple. Pour que ce soit une infographie, il faut que la mise en scène des éléments apporte une autre dimension et délivre visuellement un message, une information. Si la taille des pictogrammes est représentée proportionnellement à leur valeur, on crée ainsi des niveaux de lecture et une hiérarchie. Ce qui permet de guider le regard et de visualiser les différences entre les catégories. On peut alors parler d’infographie. Elle peut être composée uniquement de diagrammes ou, au contraire, principalement d’illustrations, mais comprendra toujours un titre, parfois une légende si nécessaire, et des textes courts. L’infographie peut être minimaliste, comme celles employées pour des journaux économiques, ou très fortement illustrée.

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On représente graphiquement un jeu de données complexes afin de le rendre compréhensible et de faciliter

l’exploration des données.

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Quels sont les enjeux de la datavisualisation pour les médias ?

JML – Une dataviz statique dans un média papier est contrainte dans un format limité par la place qui lui est allouée dans la page, mais il est possible de renvoyer le lecteur vers une version sur le Web, qui sera plus riche en informations ! L’interactivité va permettre l’exploration dans la profondeur des données qui ne pourraient pas être accessibles en version fixe. Par exemple, il sera possible de revenir sur un historique et de mieux contextualiser l’information en comparant les nouvelles données parues dans le journal avec celles des années passées. Le lecteur peut ainsi visualiser l’évolution des données sur un sujet. Le simple lecteur passif de la version fixe devient avec la version interactive un « lecteur-acteur » qui peut accéder directement aux informations qui l’intéressent en utilisant l’interface de la dataviz.

La datavisualisation permet-elle de faire passer des informations plus complexes au grand public ?

JML – Oui, c’est un des buts de la dataviz. Mais il y en a d’autres comme analyser, visualiser des tendances, des corrélations ou des aberrations dans des informations plus ou moins complexes. La vulgarisation, qui est aussi utilisée en infographie et beaucoup en science, est vertueuse, car elle permet, avec une forme didactique et parfois ludique, de toucher tous les publics. Si le grand public peut comprendre grâce à la dataviz des informations complexes, alors les experts qui utilisent un jargon plus technique les comprendront aussi. La visualisation ne se limite pas aux chiffres, elle peut être utilisée pour analyser des textes, des discours, faire ressortir des faits marquants en les contextualisant (tel discours a été prononcé à telle période, dans tel contexte).

Selon vous, quelles peuvent être les applications de la data-visualisation en science ? Par exemple, pour les chercheurs ou dans le journalisme spécialisé ?

DD : Elles sont très nombreuses, et d’ailleurs les scientifiques utilisent les dataviz depuis très longtemps, bien avant qu’elles ne deviennent à la mode dans les média. J’en produisais dans les années 1980, quand j’étais chercheur moi-même. On utilise souvent la représentation en fausses couleurs, pour laquelle des données numériques sont traduites en nuances pour visualiser des informations de manière plus facile : pour analyser des images satellites (végétation), repérer une tumeur (imagerie médicale), ou découvrir la carte de l’univers il y a 13 milliards d’années (mesure des micro-ondes dans l’espace). La Dataviz est très utile aussi pour visualiser le résultat de simulations sur ordinateur, par exemple en météorologie pour la prévision du temps ou le suivi de nuages de polluants. Et dans certaines sciences expérimentales, elle est souvent le seul moyen de naviguer dans un océan de données. Au Centre de recherches nucléaire de Genève (CERN), on produit plus de 300 gigaoctets de données par seconde d’expérience !

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La data-visualisation peut-elle faciliter la compréhension entre journalistes et scientifiques ?

DD : Le journaliste est un médiateur entre les sources d’information et le grand-public. Il est en quelque sorte un lecteur un peu mieux informé que ceux pour qui il écrit ! Il doit donc comprendre ce dont il s’agit. Dans le dialogue avec le scientifique, la dataviz est souvent un bon moyen de se faire expliquer des résultats complexes. Et parfois, le journaliste doit lui-même produire sa dataviz à partir des données scientifiques !

Formation à la data-visualisation, RDV de Science & You #3, le 3 mars 2017

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ENTRETIEN AVEC... | Marie Duflot-Kremer : la pensée informatique

+ Marie Duflot-Kremer, maître de conférences en informatique à l’Université de Lorraine - @MarieKremer3

Vous proposez des ateliers d’informatique sans ordinateur. Cela veut-il dire qu’ils ne sont pas indispensables pour enseigner la pensée informatique ?

La pensée informatique ne peut pas se résumer à savoir programmer un ordinateur. L’informatique est avant tout une science basée sur des concepts fondamentaux variés, et les activités sans ordinateur permettent d’aborder ces concepts de manière ludique. Il est possible de parler de parallélisme à un enfant de 6 ans, mais certainement pas de lui faire expérimenter la programmation parallèle sur un processeur multicœur. L’aspect «débranché» permet donc d’élargir le public, d’accentuer le côté ludique tout en se débarrassant des appréhensions et des difficultés supplémentaires liées à l’usage de la machine.Cette méthode permet à la fois de rendre concrètes des notions abstraites (en manipulant des objets concrets), et d’impliquer l’enfant par le jeu et les gestes dans une activité coopérative (non concurrentielle, le jeu est gagné si tout le monde gagne).Une première approche des concepts peut donc être faite sans ordinateur. Mais le but de la pensée informatique est évidemment de mettre en pratique les solutions trouvées, et pour cela il est nécessaire de se confronter à l’ordinateur qui vous dira immédiatement si votre programme est ou non correct. À la création des solutions qui est une activité humaine et qui ne nécessite qu’un (ou plusieurs) cerveau(x), il faut associer la validation qui par définition se fait sur une machine. Les deux aspects sont donc complémentaires.

D’ailleurs, quelle définition de la pensée informatique/computationnelle est selon vous la meilleure ?

Je ne saurais pas dire si une définition est meilleure qu’une autre, d’autant plus que la pensée informatique comprend de nombreux aspects, mais la définition qui fait référence est due à Jeannette Wing et englobe les aspects suivants. La pensée informatique est un ensemble de compétences utiles bien au-delà du domaine informatique. Cela consiste, face à une tâche à accomplir, à réfléchir à comment la résoudre, si besoin à décomposer un problème complexe en plusieurs problèmes plus simples, à résoudre chacun, à les combiner puis à exprimer cette solution en étapes assez simples et précises pour être exécutées par une machine. Cela consiste également à se poser la question de l’efficacité d’une solution, de sa simplicité, à voir comment une partie de la solution d’un problème est réutilisable pour résoudre un autre problème, et bien d’autres choses encore. Si on voit très bien l’intérêt de cette manière de réfléchir en informatique, elle peut s’appliquer à des domaines très variés.

Quels sont les enjeux de son apprentissage chez les enfants ?

Comme dit ci-dessus, la pensée informatique rassemble des savoir-faire mobilisables dans de nombreux domaines. Elle n’a pas pour but de faire de chaque enfant un futur informaticien. Elle permet par contre de réfléchir de manière construite à la résolution de problèmes, et cela peut s’appliquer quasiment partout. En cuisine, par exemple, on peut se demander «que dois-je faire ? dans quel ordre ? et si j’ai un convive de plus cela change -t-il la quantité

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d’ingrédients ? le temps de cuisson ?» Et si je dois construire des ponts, d’autres questions se posent : «peut-on construire le tablier du pont avant les piles ? Peut-on construire les piles du pont toutes en même temps ? Je sais construire une pile de pont de 10m de haut, comment en construire une de 12m ? Combien de blocs de pierre en plus me faudra-t-il ?». Les enseignants en font d’ailleurs déjà même sans utiliser ce terme. Décrire une procédure de calcul, raisonner sur la résolution d’un problème mathématiques c’est utiliser la pensée informatique. Elle est donc déjà présente dans les enseignements, et a fortiori peut permettre de développer différentes compétences requises dans les apprentissages scolaires.Un autre aspect très intéressant d’aborder la pensée informatique par le jeu, dans des activités qui n’ont de prime abord pas l’air d’activités scolaires classiques, est qu’elle peut permettre d’intégrer des élèves en difficulté, ceux pour qui réfléchir devant une feuille de papier est difficile voir bloquant et pour qui des activités concrètes, sans ordinateur ou avec (lors de l’apprentissage du code) peuvent redonner envie et confiance.

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La pensée informatique rassemble des savoir-faire mobilisables dans de nombreux domaines [...]. Elle permet

de réfléchir de manière construite à la résolution de problèmes, et cela peut s’appliquer quasiment partout.

Le code peut-il s’apparenter à un langage ? Si oui, est-il aussi important de savoir maîtriser le code aujourd’hui, qu’une langue comme l’anglais par exemple ?

Si on parle de langages informatiques, il faut garder à l’esprit qu’ils ne sont pas conçus dans le même but que les langues que nous pratiquons tous les jours. Si le but d’une langue est d’exprimer au mieux des sentiments, une description de paysage ou une argumentation, le but d’un langage informatique au contraire n’est pas d’être subtil mais d’éviter toute ambiguïté. L’ordinateur ne sait pas attendre «un peu» ou «un instant». Il sait attendre 3 secondes, ou 500 millisecondes, mais pas juger de ce qui est un peu ou beaucoup. Je ne comparerais donc pas les langages informatiques aux langues que nous parlons, mais plutôt à un vocabulaire particulier, moins riche mais très précis. Mon grand-père était radio sur un bateau de pêche. Son but était donc de transmettre et recevoir les informations importantes (localisation, météo, quantité de poissons rencontrée) de manière aussi précise et compacte que possible. Ce langage restreint, utilisant des abréviations spécifiques pour les mots/phrases utiles, supprimant le superflu, précis et compact, se rapproche plus pour moi d’un langage informatique.

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Comparer l’utilité d’un langage informatique et d’une langue est pour moi comme choisir si je ne vais plus communiquer qu’avec des humains ou avec des ordinateurs, et je ne suis pas prête à faire un tel choix entre la praticité du langage informatique et la richesse des échanges avec des gens de toutes origines au travers des langues étrangères.De plus, figer son enseignement de l’informatique sur un langage particulier auprès d’enfants, c’est risquer de voir ce langage périmer avant qu’ils n’aient éventuellement à l’utiliser à l’âge adulte. Encore une fois ce n’est pas le langage en soi qui importe, mais le processus de conception, la réflexion, et le fait que ce langage permette de transmettre ses idées à un ordinateur pour qu’il puisse les valider ou non.

Formation à la pensée informatique, RDV de Science & You #3, le3 mars 2017

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UN PEU DE LECTURE

Sites web :

+ www.inmediats.fr [LIEN]+ www.echosciences.com [LIEN]+ www.twitter.com/comscicomca [LIEN]+ www.lf2l.fr [LIEN]+ www.linkybymakers.fr [LIEN]+ www4.ac-nancy-metz.fr/dane [LIEN]+ www.maisons-pour-la-science.org/fr/lorraine [LIEN]+ www.studio-v2.com/fr [LIEN]+ www.pixees.fr [LIEN]+ www.interstices.info [LIEN]+ www.binaire.blog.lemonde.fr [LIEN]

+ Article «Toutes les étapes pour concevoir un MOOC», par Audrey Bardon : www.science-animation.org/fr/actus-et-coulisses/toutes-les-etapes-pour-concevoir-un-mooc [LIEN]+ Article «Un fablab, ça sert à quoi ?», par Laurent Dupont, Laure Morel et Pascal Lhoste, The Conversation France : https://theconversation.com/un-fab-lab-ca-sert-a-quoi-76765#comment_1325771 [LIEN]+ Rapport «Partager les cultures scientifique, technique et industrielle à l’ère numérique», par Laurent Chicoineau : https://lacasemate.fr/qui-sommes-nous/numerique-et-culture-scientifique/ [LIEN]+ Livre «Manuel de datavisualisation - méthodes et cas pratiques», par Jean-Marie Lagnel, 2017, éditions Dunod

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Crédits :

p.7, 11, 19, 22 : Science & Youp.9 : Echosciencesp.12 : Dupont et al.p.14 : David Grandmougin / Science & Youp.16 : Sébastien Di Silvestro / Maison pour la science en Lorraine

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