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Entre val et tram, Strasbourg aux prises avec la communication* Philippe BRETON Chargé de recherche au C.N.R.S. Laboratoire de Sociologie Régionale et Européenne Université des Sciences Humaines de Strasbourg (") Ce texte est le prolongement d'une confé- rence publique donnée par l'auteur au FEC le 26 octobre 1989. L a communauté urbaine de Strasbourg est depuis 1974 aux prises avec le choix d'un système de transport en commun qui avait été conçu à l'ori- gine comme devant être en site propre. Différentes décisions ont été dans ce domaine annoncées successivement aux Strasbourgeois, d'abord la mise en chantier d'un tramway (1976), puis la réalisation d'un métro léger (le VAL en 1985) dont les premiers travaux ont été engagés en 1988, puis de nouveau d'un tramway (1989). Quatre constats peuvent être faits concernant cette période. Le premier concerne l'importance de la somme d'énergie, de compétences et d'en- thousiasme qui a été investi jusqu'à présent dans un dossier très mobilisa- teur, tant au niveau des études qu'au niveau de l'activité des responsables d'institutions ou d'associations con- cernées. Le second constat est tout simplement, comme chacun le sait, que 15 années après la décision ini- tiale, aucun transport en commun en site propre ne sillonne pour l'instant l'agglomération. Le troisième cons- tat est qu'aucun des deux systèmes proposés et étudiés jusqu'à présent (le tramway et VAL) n'a acquis de légitimité suffisante auprès du public pour s'imposer, sans risquer de pro- voquer une levée de bouclier et des désastres électoraux pour les élus qui s'y frottent. Le quatrième constat est qu'il n'y a pas eu à Strasbourg de véri- table débat sur cette question. Il y eut bien des échanges polémiques, des «exigences de débat» utilisées de part et d'autre comme arme politique, des rumeurs habillées en information, mais pas de débat ; en particulier pas cette forme de débat souhaitée pour- tant par beaucoup : le débat compara- tif, informé, encouragé institutionnel- lement, et doté de canaux d'expres- sion à la hauteur de l'enjeu. C'est à l'examen de ce quatrième constat que l'essentiel de cet article est consacré. L'absence de débat sur la question des transports en commun, c'est-à- dire à la fois sur le choix des techni- ques de transport et sur les choix de politique urbaine qui les accompa- gnent est probablement l'aspect le plus négatif de toute cette affaire car cette absence est sans doute en grande partie à l'origine du manque de légitimité de toutes les techniques qui ont été proposées jusqu'à pré- sent. Il est en effet devenu rare, dans le domaine des grands projets tech- niques, que ceux-ci aboutissent sans un minimum de légitimité sociale et ce d'autant plus que la nature du débat politique change en profon- deur, privilégiant le recours au débat et aux techniques de communication. Pourquoi ce débat sur les TC n'a-t- il pas eu lieu jusqu'à présent à Stras- bourg? Les explications polémiques ne manquent pas: pour les uns, l'ancienne équipe municipale prati- quait le «culte du secret» et n'avait aucune tentation de se laisser aller au débat démocratique ; pour les autres la nouvelle équipe, après avoir pro- - 95 -

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Entre val et tram, Strasbourg aux prises avec la communication*

Philippe BRETON Chargé de recherche au C.N.R.S. Laboratoire de Sociologie Régionale et Européenne Université des Sciences Humaines de Strasbourg

(") Ce texte est le prolongement d 'une confé­rence publique donnée par l'auteur au FEC le 26 octobre 1989.

La communauté urbaine de Strasbourg est depuis 1974 aux prises avec le choix d'un système de transport en

commun qui avait été conçu à l'ori­gine comme devant être en site propre. Différentes décisions ont été dans ce domaine annoncées successivement aux Strasbourgeois, d 'abord la mise en chantier d 'un tramway (1976), puis la réalisation d 'un métro léger (le VAL en 1985) dont les premiers travaux ont été engagés en 1988, puis de nouveau d 'un tramway (1989).

Quatre constats peuvent être faits concernant cette période. Le premier concerne l ' importance de la somme d'énergie, de compétences et d'en­thousiasme qui a été investi jusqu 'à présent dans un dossier très mobilisa­teur, tant au niveau des études qu 'au niveau de l'activité des responsables d'institutions ou d'associations con­cernées. Le second constat est tout simplement, comme chacun le sait, que 15 années après la décision ini­tiale, aucun transport en commun en site propre ne sillonne pour l'instant l 'agglomération. Le troisième cons­tat est qu 'aucun des deux systèmes proposés et étudiés jusqu 'à présent (le tramway et VAL) n ' a acquis de légitimité suffisante auprès du public pour s'imposer, sans risquer de pro­voquer une levée de bouclier et des désastres électoraux pour les élus qui s'y frottent. Le quatrième constat est qu'il n'y a pas eu à Strasbourg de véri­table débat sur cette question. Il y eut bien des échanges polémiques, des

«exigences de débat» utilisées de part et d'autre comme arme politique, des rumeurs habillées en information, mais pas de débat ; en particulier pas cette forme de débat souhaitée pour­tant par beaucoup : le débat compara­tif, informé, encouragé institutionnel-lement, et doté de canaux d'expres­sion à la hauteur de l'enjeu. C'est à l'examen de ce quatrième constat que l'essentiel de cet article est consacré.

L'absence de débat sur la question des transports en commun, c'est-à-dire à la fois sur le choix des techni­ques de transport et sur les choix de politique urbaine qui les accompa­gnent est probablement l'aspect le plus négatif de toute cette affaire car cette absence est sans doute en grande partie à l'origine du manque de légitimité de toutes les techniques qui ont été proposées jusqu 'à pré­sent. Il est en effet devenu rare, dans le domaine des grands projets tech­niques, que ceux-ci aboutissent sans un minimum de légitimité sociale et ce d 'autant plus que la nature du débat politique change en profon­deur, privilégiant le recours au débat et aux techniques de communication.

Pourquoi ce débat sur les TC n'a-t-il pas eu lieu jusqu 'à présent à Stras­bourg? Les explications polémiques ne manquent pas : pour les uns, l 'ancienne équipe municipale prati­quait le «culte du secret» et n'avait aucune tentation de se laisser aller au débat démocratique ; pour les autres la nouvelle équipe, après avoir pro-

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mis un référendum pendant de lon-

aller aux délices provisoires du pou­voir en faisant preuve de précipita­t ion et d ' a u t o r i t a r i s m e . Mais , au-delà de ces schémas simplistes et quelles que soient les différences effectives de culture politique des uns et des autres dans ce domaine, l 'analyse serrée des événements qui se sont déroulés depuis 1974 met en évidence la persistance d'obstacles au débat qui sont d 'un autre ordre.

Sur la question des transports en commun, on relève en effet à Stras­bourg trois positions antagonistes autour desquelles se cristallisent la plupart des forces vives. La combi­naison de ces trois tendances, qui représentent comme nous allons le voir des forces à peu près égales, n'est pas très heureuse car elle abou­tit à ce que toute décision prise dans ce champ soit forcément minoritaire. De plus, cet équilibre ternaire sem­ble malheureusement remarquable­ment stable dans le temps et peu susceptible d'évolution à court terme. La conséquence majeure de cet état de fait est la neutralisation du débat et l'impossibilité pour les différents partenaires de jouer dans ce domaine la partie claire et transparente qui serait à la hauteur de l'enjeu.

A. 1. Le débat social dans une « société de communi­cation »

Pourquoi faut-il regretter l'absence d 'un débat autour du choix d 'un moyen de transport en commun ? Ne peut-on imaginer par exemple que les Strasbourgeois puissent faire con­fiance et déléguer cette confiance aux élus qu'ils ont choisis et aux techni­ciens que ces derniers ont désignés ? Après tout il s'agit d 'un dossier en grande partie technique et tout le

monde n ' a pas la compétence, les

lillllJillllïil devenir spécialistes de la question.

Suivre un tel raisonnement est ten­tant mais sans doute inadéquat à la situation actuelle. Il est difficile en effet de faire l'impasse sur les pro­fondes mutations qui sont interve­nues dans notre société depuis quelques années. Le développement des grands moyens de communi­cation (des médias jusqu 'à l'infor­matique) et surtout un goût massif pour leur utilisation systématique sont en train de modifier les condi­tions sociales et politiques dans les­quelles s'effectue la délégation de pouvoir en régime démocratique. L'exigence d' information, d'échan­ges et de débats a considérable­ment cru, en rapport direct avec l'élévation générale du niveau d'édu­cation.

La «société de communication» dans laquelle nous entrons, qui n'est certes pas exempte de critique sur d'autres plans, est une combinaison explosive entre une capacité d'infor­mation plus grande et un jugement plus fondé. Dès lors qu'il s'estime informé et capable de juger, le citoyen moderne veut intervenir dans le débat et la prise de décision. La marge d'action des élus et des tech­niciens s'en trouve du coup considé­rablement limitée. Le développement de la « communication » est en train de changer la nature même du débat politique. Aux clivages idéologiques traditionnels est en train de se super­poser un autre clivage qui sépare, pour l 'opinion, la classe politique en deux: d 'un côté les hommes poli­tiques qui entretiennent un lien d'échange réel avec leurs électeurs, de l 'autre ceux qui prennent la délé­gation de pouvoir dont ils sont l'objet t rop à la lettre. Il est clair aujourd'hui que l 'opinion s'oriente majoritairement vers les premiers.

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Dans un tel contexte, il est bien rare qu 'une grande décision, dès l'instant qu'elle engage une partie non négli­geable des ressources d 'une commu­nauté donnée et qu'elle concerne la vie quotidienne de chacun, n'appelle pas une information nombreuse et variée, ainsi qu 'un large débat. Le vif intérêt des Strasbourgeois pour leurs transports en commun trouve un écho parallèle dans d'autres villes. Signe des temps: la communauté urbaine de Rennes, partagée entre un tram et un VAL a pu mobiliser d 'un côté 500 personnes envoyées en délé­gation d'information à Grenoble, et 500 autres à Lille.

L'absence de débat sur un sujet qui concerne toute une communauté apparaît par contraste beaucoup plus cruelle. A l 'heure où l 'on débat de tous les sujets, à toute heure sur les chaînes de télévision, à l 'heure où l 'on voyage partout , à l 'heure où l 'on connaît bien dans le détail le moindre événement qui se déroule à l 'autre bout de la planète, il paraît inconcevable que l 'on ne dispose pas de suffisamment d' information sur les qualités respectives du VAL ou du tramway et sur les conditions concrè­tes de leur insertion à Strasbourg. La sous-information qui caractérise ce débat-là ne place certainement pas Strasbourg à la hauteur de ce qui s'est fait dans d'autres villes. Stras­bourg serait-elle en retard par rap­port à ce que la « société de commu­nication » a de plus positif : le déve­loppement du débat informé?

A.2 . La légitimité des grands projets techniques Ce retard est d 'autant plus regretta­ble sans doute que l'expérience de ces dernières années a montré l'extrême sensibilité du public aux débats por­tant sur les grands projets techniques. Les mésaventures d 'EDF au moment du lancement du programme électro­nucléaire en France sont là pour rap­

peler qu'aucune réalisation technique de grande envergure ne peut main­tenant se passer de la légimité que procure le débat social. Une légiti­mité que l 'on ne doit pas confondre, dans ce contexte avec un consensus et une approbation unanimiste. Un projet bien débattu ne désarme pas forcément ses opposants minoritai­res mais dès l'instant que leurs argu­ments ont été pris en compte ou au minimum entendus, le lien social en sort globalement renforcé et le projet en question apparaît plus légitime.

La qualité d 'une réalisation techni­que aujourd'hui tient tout autant à ses performances intrinsèques qu 'à la réussite de son insertion sociale. Une réalisation technique est en effet une subtile équation entre l'objet lui-même, son image et son usage. On voit donc bien au fond que la ques­tion n'est pas tant le VAL ou le tram, dont les performances intrinsèques du point de vue du rapport per­formances/coût sont sensiblement comparables, mais la qualité de l 'insertion sociale dont ils sont l'objet, et cela dès la phase décision­nelle. Le succès du VAL de Lille -on pourrait sans doute dire la même chose du tram à Grenoble - est sans doute autant lié aux performances réelles du système qu 'à la manière dont les usagers et le public lillois ont été associés à sa réalisation. Les sta­tions par exemple ont été conçues à la fois comme des points de passage de la ligne, mais également comme des édifices devant s'intégrer, archi-tecturalement et socialement dans le quartier où elles étaient situées. Il faut noter également que le public a été informé très largement sur le fonctionnement des automatismes qui sont les véritables conducteurs du système. A Grenoble, le référendum portant sur la décision de construire un tram aussi bien que les restructu­rations urbaines qui ont eu lieu autour des stations sont autant d'exemples de la légitimité acquise par un débat débouchant sur des réa­lisations concrètes.

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L'expérience des débats qui se sont

question similaire nous apprend qu'en gros un débat de ce type impli­que que quatre conditions soient remplies. D 'abord une volonté poli­tique et institutionnelle qu 'un débat ait lieu ; seule cette volonté crée un débat porteur qui permet à terme de rendre les décisions prises légitimes aux yeux du plus grand nombre. Ensuite la possibilité d 'une alterna­tive aux choix proposés ; pas de déci­sion à débattre s'il n 'y a pas un choix comme enjeu. Enfin une informa­tion la plus complète possible mise à la disposition du public ; même si celui-ci s'en sert peu ou partielle­ment, la garantie de transparence fonctionne. Et, pour terminer, des canaux d'expression doivent être aménagés afin de faciliter le débat et de permettre au public de participer à la décision ; le référendum non plé­biscitaire sur une question précise reste évidemment dans ce contexte le canal d'expression le plus achevé.

A . 3 . S t rasbourg et le transport en commun en site propre

L'enjeu du transport en commun est de ce point de vue à peu près le même dans toutes les grandes villes françai­ses. Le grand tournant a été de ce point de vue les années 70 et le cons­tat unanime que le privilège donné à l 'automobile comme moyen de cir­culation en ville entraînait une dégra­dation de plus en plus rapide non seu­lement du transport en lui-même mais aussi de la qualité de la vie. La ques­tion posée a donc été celle du déve­loppement d 'un transport en com­mun qui dispose d'une voie de circu­lation propre afin de permettre de lui assurer une «vitesse commerciale» suffisante et qui soit à la fois plus sûr, plus propre et plus convivial.

Le transport en commun en site pro-

jiii'iiiiiiiiiii un transport en commun - dont la vocation sociale est traditionnelle -qui irait simplement plus vite. Parce qu'il est conçu pour diminuer l'inten­sité de la circulation automobile, il doit constituer dans un système attrac­tif qui gagne de nouvelles clientèles plus proches des couches moyennes, en particulier celle qui utilise habi­tuellement sa voiture en ville.

Le transport en commun en site pro­pre constitue donc une petite révo­lution sociale. C'est dans ce sens également qu'il suscite des résistan­ces, à la fois parce qu'il désindivi-dualise le transport en augmentant la part des déplacements collectifs et parce que corrélativement il diminue la part accordée à l 'automobile dans la vie de tous les jours . La grande différence entre un transport en com­mun classique et un système en site propre est que là où le premier s'insère dans la ville au même titre que l 'automobile, le second provo­que inéluctablement des change­ments dans l 'organisation même de la ville dont il bouleverse certains équilibres. Il ne faut donc pas s'attendre que la légitimité du pro­jet même d'un transport en commun en site propre aille de soi.

D'après l'analyse que l 'on peut faire des débats sur le sujet, on trouve à Strasbourg, grosso modo, trois gran­des prises de positions. Deux sont favorables au principe du transport en commun en site propre mais divergent quant à la nature des chan­gements qu'il doit induire, tandis que la troisième est hostile à la philoso­phie même du transport en commun en site propre. Un premier courant s'exprime en faveur d 'un transport en commun en site propre qui soit l'élément essentiel d 'une politique urbaine libérale. Dans cette concep­tion les transformations induites doi-

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vent être minimales et en tout cas ne pas être dirigées par le pouvoir poli­tique. La circulation automobile n 'y est pas vécue comme concurrente au transport en commun mais au con­traire complémentaire. Les incita­tions à moins utiliser l 'automobile seront discrètes et non directives. Le deuxième courant part d 'un tout autre point de vue et prend le trans­port en commun en site propre comme une occasion inespérée de promouvoir des réformes urbaines et ainsi de «changer la ville». La poli­tique vis-à-vis du transport automo­bile pourra dans cette optique être dirigiste (création par exemple de zones piétonnes pour empêcher la circulation automobile). Le troisième courant s'organise autour d 'un refus de développer les transports en com­mun en site propre, essentiellement au nom de deux idées, d 'une part la volonté de consacrer les ressources de la communauté plus aux investis­sements économiques qu 'aux inves­tissements «sociaux», et d'autre part la stricte association de l'accessibilité de la ville et de l'usage de l 'automo­bile privée.

A cette répartition tripolaire des for­ces sociales actives, il faut ajouter un contexte local marqué d'une part par une certaine inertie à l'égard des TC, qui ont une mauvaise image, y com­pris auprès des usagers eux-mêmes, et d 'autre part par un poids assez fort de la «culture de l 'automobile» dans une région où le parc de véhi­cule est de ce point de vue l 'un des mieux richement dotés de France.

C'est dans ce contexte que l 'un des traits les plus caractéristiques de ces quinze années de mise en chantier d'un transport en commun en site pro­pre à Strasbourg, l'absence d'un véri­table débat autour de cette question, prend tout son sens. A la place de ce nécessaire débat on a pu au contraire assister à de longues périodes de silence des principaux acteurs inté­ressés, entrecoupés de polémiques qui ne contribuèrent guère à augmen­

ter le niveau d'information du public ou même des élus.

Les trois études qui suivent, l'une sur le climat général de sous-informa­tion, l 'autre sur la déstabilisation de l'image du VAL qui est intervenue à partir de 1987, la dernière sur la question du référendum, montrent dans le détail que cette absence de débat est bien reliée à la façon dont les différents acteurs sont restés pri­sonniers du caractère forcément minoritaire de leur position.

B. 1. Un climat général de sous-information

Informer sur les attendus d'une déci­sion que l 'on prend, c'est au fond prendre le risque de voir discuter la légitimité de cette décision. Dans cer­taines situations ce risque peut être pris. L'étude de cas qui suit montre que ce risque n ' a été pris que timi­dement, tant chaque information sur le projet de TCSP en cours (VAL ou tram) avait un contenu potentielle­ment explosif.

B. 1.1. Le déséquilibre dans la représentation des acteurs

Si l 'on dresse la carte des acteurs et des groupes sociaux qui à Strasbourg sont intervenus ou été susceptibles d'intervenir dans le débat, on ne peut qu'être frappé par le déséquilibre ou le décalage des interventions des uns et des autres. Les élus responsables du dossier par exemple traversent à des périodes stratégiques de longues plages de silence inexpliquées. De fin 1985 à la mi-88, malgré les fortes pressions qu'ils subissent de la part de Matra Transport , des équipes techniques locales, et même de cer­tains services de la CUS, qui sentent que « quelque chose est en train de se passer dans l 'opinion», les porteurs du dossier se taisent. Cette stratégie

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du silence est analysée par certains comme une volonté «d 'endormir les opposants» en faisant le moins de bruit possible autour du VAL. Il est clair en tout cas qu'elle témoigne d 'une réelle difficulté à «passer à l'offensive» tant la résistance anti­cipée paraît forte. Même constat pour l 'équipe porteuse du projet de tramway après juin 1989, qui laissent passer la rentrée, puis l 'automne, sans prendre de mesure significative pour s'adresser au public alors que tout indique que cette période est stratégiquement très importante.

Ce silence à des moments stratégi­ques a eu une conséquence impor­tante : lorsqu'ils sont contraints à la parole les responsables du dossier interviennent rarement sur un terrain qu'ils ont choisi. Le meilleur exem­ple de ce fait est le «piège» dans lequel Roland Riess est tombé le 16 octobre 1989, où la première intervention en public de la nouvelle municipalité pour expliquer le pro­jet s'est faite sur le terrain le plus défavorable qui soit : au milieu de la foule houleuse des plus ardents opposants au projet d 'un transport en commun en site propre (un piège similaire devait d'ailleurs se refermer une semaine plus tard sur le directeur technique du projet t ram, Michel Frénois, un ancien du VAL de Tou­louse). Par un curieux parallélisme, Jean-Claude Burckel avait attendu la réunion convoquée par la commis­sion d'enquête d'utilité publique, le 25 juin 1988, pour affronter sur un terrain défavorable une foule là aussi majoritairement hostile. Son inter­vention avait d'ailleurs donné lieu à un commentaire ambigu des DNA dans un article au lyrisme à double tranchant qui disait « ce fut si calme­ment, si clairement exposé que l 'on peut se demander pourquoi la CUS a attendu d'être au pied du mur pour donner lors d 'une réunion publi­que. . . les informations souhaitées

par les Strasbourgeois » (DNA du 26 juin 1988 «Le VAL sur la place publique»).

Les élus ne sont pas les seuls acteurs muets de cette affaire. Quand et comment se sont donc exprimés les usagers, actuels et futurs des TC? Il faut bien reconnaître qu'ils sont les grands absents de ce dossier pourtant réalisé en grande partie pour eux. Certains ont avancé — en l'occur­rence l'ancien et le nouveau maire -que les élections permettaient une consultation de la population géné­rale sur ce point, cette attitude com­mune à la droite et à la gauche est elle aussi significative d 'une volonté de noyer le débat sur les TCSP dans un débat électoral plus général, et aussi dans un processus décisionnel plus global. Nous rencontrons là d'ailleurs un autre problème de fond qui est celui du décalage entre la population des électeurs et celle des usagers de la ville. Deux groupes sociaux sont de ce point de vue large­ment sous-représentés, alors que leur participation à un débat se serait avé­rée décisive : les immigrés et les scolai­res. Les jeunes, mineurs légalement, sont pourtant , en matière urbaine, des citoyens-usagers à part entière, gros consommateurs de TC, et qui payent aussi un lourd tribut à la sécu­rité routière en ville. Les étudiants, qui utilisent aussi beaucoup les trans­ports (à Lille ils constituent la moi­tié du public du VAL) ne sont pas non plus tous électeurs à Strasbourg.

Matra Transport , de son côté, qui aurait été un acteur important d 'un débat potentiel, fut également un partenaire très discret, ayant choisi semble-t-il d 'accepter d 'être en retrait par rapport aux actions de la CUS, marquées elles-mêmes par un grand souhait de discrétion. Pour­tant certains responsables de l'entre­prise, qui rongeaient leur frein - au moins jusqu'en juin 1989 — neman-

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quaient pas d'envie d'intervenir et ils n'évitaient jamais de stigmatiser en privé le manque de «politique de communicat ion» de la CUS, même si, d 'un autre côté, certains ingé­nieurs partageaient le défaut inhérent à leur milieu : la croyance que si un système est bon, il n ' a pas besoin d'être argumenté.

Un autre déséquilibre important est lié au fait que le débat sur les TC se focalisent souvent sur le centre ville de Strasbourg. Les habitants des banlieues de Strasbourg et des autres villes de la Communauté urbaine furent largement absents des discus­sions. Enfin, en contre point, on peut aisément constater que la part prise par les commerçants, notam­ment du centre ville de Strasbourg, les professions libérales et patrona­les est proportionnellement très importante du fait de leur très grande implication dans ce dossier et de leur dynamisme à exprimer sur ce dossier un point de vue largement hostile aux incarnations que prenaient tour à tour les différents projets de TCSP.

B.1.2. Le manque de crédibi­lité de l'information

Un autre élément venu bloquer toute possibilité d 'un débat serein est le manque de crédibilité de l 'informa­tion qui a été diffusée sur la question du transport. Un certain climat de suspicion s'est en effet installé notamment quant au rôle joué par les médias, en particulier les DNA dans l'affaire du VAL mais aussi dans les prolongements liés au tram (bien qu'il soit un peu t rop tôt pour avoir une vue nette sur ce dernier point). Quels que soient les efforts qu'aient pu faire les journalistes con­cernés, les DNA ont cumulé, aux yeux d'une partie croissante de l'opi­nion, deux handicaps majeurs. Au traditionnel reproche d'occuper loca­lement une situation quasi-monopo­listique, les D N A se sont vu ajouter celui de leur proximité financière

avec l'entreprise Matra Transport , via l 'appartenance du journal au groupe de presse constitué par Jean-Luc Lagardère, P D G de Matra. Dès lors, quelle que soit la qualité de l 'information proposée, celle-ci était systématiquement suspecte de partia­lité organisée sur commande. L 'un des candidats aux élections cantona­les de 1988 enfoncera allègrement ce clou pourtant peu subtil en appelant officiellement sa liste: «anti-VAL-Mat ra -DNA». Les DNA ont acquis la réputation, sur ce dossier précis, de refléter systématiquement l'avis d 'une minorité (alors qu 'on lui fai­sait traditionnellement plutôt le reproche inverse).

De la même façon, si l 'on analyse les quelques éléments d'information dif­fusés par la CUS sur le sujet, on se rend compte rapidement que ceux-ci péchaient aux yeux de l 'opinion sur un point essentiel, qui avait été volontairement gommé: l'explica­tion des fondements de la décision de construire un transport en commun en site propre et de lui donner la forme d 'un VAL.

L'absence d'étude comparative pou­vant constituer une base de discus­sion a aussi pesé lourd dans le maintien d 'une absence de débat. Faute de point d'ancrage compara­tif, les informations diffusées perdi­rent une partie de leur impact. Dans un tel contexte l 'étude réalisée par le maire d'Ostwald, malgré son sérieux, eut également un effet atténué du fait qu'elle avait été commanditée par un des plus vigoureux opposants au VAL. Il faudra attendre juin 1989 pour que des présentations compa­ratives soient faites mais hélas là aussi dans un climat où la polémique pesait lourdement.

B.1.3. Le développement des rumeurs

La combinaison d'un événement réel dont la survenue est en partie inex-

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pliquée, d 'une sous-information et

du silence des institutions est une combinaison propice, on le sait, au développement des rumeurs. Comme nous le verrons plus loin, la décision de construire un transport en com­mun en site propre sous la forme d 'un VAL en 1985 est apparue, aux yeux de beaucoup, en partie mysté­rieuse. Les arguments qui motivent l'actuel passage du VAL au tramway n 'ont pas non plus été largement dif­fusé dans le public, du moins jusqu'à présent (cet article a été écrit en octo­bre 1989).

Aussi ne doit-on pas s'étonner que des rumeurs aient circulé, dès 1985, sur l'intégrité de tel ou tel acteur ou sur les pratiques de telle ou telle entreprise. On alla même jusqu'à uti­liser, dans certains milieux, l'expres­sion « Strasbourg c'est Palerme sans les cadavres». Ces rumeurs n 'ont évidemment pas contribué à l'instau­ration d 'un débat serein, pas plus d'ailleurs que celles qui décrivaient les « pressions » que tel ou tel respon­sable exerçaient sur les commerçants qui s'opposaient au projet du VAL. L'une des fonctions que ces rumeurs ont rempli aura été en tout cas de bloquer le débat potentiel en disqua­lifiant - ou en tentant de disquali­fier - certains interlocuteurs. L 'un des arguments sous-jacent à la rumeur était que si les élus avaient pris une si mauvaise décision — en la sachant mauvaise - c'est qu'ils y avaient de bonnes raisons. A ce niveau d'arguments ad hominem comme on dit en rhétorique, il est clair que le contenu de la décision, quel qu'il soit, ne fait plus partie de l'espace de ce qui est discutable et négociable.

Un autre niveau de rumeur a été la distorsion systématique des informa­tions techniques qui circulaient dans les différentes brochures. La palme revient dans ce domaine à l'affirma­

tion selon laquelle le VAL était «ina-

daptéàlamorptiolop dolapopu-lation alsacienne, statistiquement plus corpulente et plus grande que la moyenne nat ionale». D'une façon générale les chiffres qui circulèrent dans certains milieux furent en par­tie fantaisistes. Le bruit a même couru que le « versement transport » concernerait désormais également les entreprises sans salariés (c'est-à-dire les petits commerçants). On a vu éga­lement des présentations «objecti­ves » du projet VAL qui indiquaient que celui-ci serait en viaduc aérien jusqu 'à la place d'Austerlitz, ou encore qu'il circulera entre les pilliers de soutènement de la cathédrale, provoquant ainsi des « problèmes de fissuration».

Plus grave sans doute sera la multi­plicité des chiffres associés au coût du projet VAL, chiffres qui varie­ront du simple au double, voire au triple. L'intérêt — si l'on peut dire — d 'une telle rumeur est bien de faire la «preuve» que les porteurs du dos­siers ne maîtrisent pas sa dimension financière... puisque circulent des chiffres divergents.

B.1.4 . La dégrada t ion de l'image du transport en com­mun

Un autre facteur qui témoigne d 'un climat général de sous-information est sans contexte la mauvaise image de marque des TC. L'image du TC apparaît singulièrement dégradée à la fois aux yeux de ceux qui l'utilisent et pour ceux qui, par principe, ne sont pas partisans du développement de ce type de transport . Cette con­vergence un peu contre nature expli­que en partie le peu d'espoir placé par une fraction non négligeable de la population dans les TC. Les usa­gers des TC qui ne sont pas en site

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propre ont en général, et sans doute à Strasbourg, une image négative et peu optimiste des transports. Les usagers sous-estiment en général les apports réels du site propre - qui constituent pourtant un véritable changement qualitatif, mais sur lequel il y a eu très peu d'informa­t ion de faite - . Ce t te sous-estimation est peut-être à l'origine de l 'enthousiasme qu'éprouvent a pos­teriori tant les usagers du VAL à Lille, que ceux du Tram à Grenoble, enthousiasme moins pour le système lui-même que pour ce qu'il permet.

Les sentiments hostiles qui s'expri­ment à l 'encontre des formules de transport en commun en site propre s'appuient sur deux séries d'argu­ments : d 'une part le privilège volon­tairement donné à l'automobile pour le transport à l'intérieur des villes, d 'autre part l'hostilité affirmée vis-à-vis de certaines conséquences sociales réelles ou supposées de l'amélioration des transports publics. L 'une des réunions internes de com­merçants strasbourgeois (en mars 1988) a été l'occasion pour certains participants de s'exprimer claire­ment sur ce sujet. Le métro (VAL ou autre) y fut associé tour à tour à l'insécurité des voyageurs, à l'insé­curité des habitants du centre ville confronté à des populations margi­nales et menaçantes, aux zones pié­tonnes présentées comme des « réser­ves d'indiens » peuplés d '« oisifs » et de clochards. Dans un tel contexte il est évident que chaque perfor­mance supplémentaire d 'un moyen de transport, VAL ou tram d'ail­leurs, est vécue comme un accroisse­ment des craintes ressenties devant une menace: plus un tram ou un VAL va vite, plus il rapproche de la ville ceux qu 'on espère cantonné dans des quartiers extérieurs (évi­demment le Neuhof). Le comble, pour ceux qui s'imaginent subir ainsi une agression du fait d'une efficacité accrue des TC, est évidemment qu'ils se perçoivent comme les payeurs de l 'opération.

B. 1.5. Le manque de connais­sance de l 'opinion des Stras-bourgeois

Malgré toutes ces conditions, les réactions du public strasbourgeois d 'une part aux différents projets de transports en commun, d 'autre part à la manière dont se déroulait le débat sur cette question, restent mal­gré tout une des grandes inconnues de ce dossier. Disposant de peu d' information sur les réactions du public, les dirigeants politiques locaux ont un peu agi dans ce domaine comme des aveugles avan­çant au bord d 'un précipice. Il n'est pas étonnant dès lors qu'il y ait eu de véritables surprises, notamment lors des dernières consultations élec­torales. Là aussi une occasion de débat a peut-être été manquée dans l'utilisation qui aurait pu être faite des sondages d 'opinion.

Quelles que soient les réserves que l 'on puisse exprimer sur ce mode de connaissance de l'état de l'opinion -et il y en a bien sûr d'autres - les sondages peuvent malgré tout jouer un rôle dans un débat de ce type. Les sondages permettent en effet à un c o m m a n d i t a i r e de p r e n d r e le «pou l s» d 'une population donnée, mais ils ont aussi acquis progressive­ment dans notre société une autre fonction, celle de persuader le public que l 'on cherche véritablement à savoir ce qu'il pense, tout en lui con­fiant un rôle actif puisque l 'on tient compte de son avis. Cette autre face des sondages n'est sans doute pas la moins importante car elle joue en plus un rôle de stimulation et de constitution de l 'opinion. D 'un côté on a donc une fonction d'informa­tion du commanditaire, de l 'autre une fonction de communication, plus globale donc, entre le comman­ditaire et la population concernée.

Les sondages ont été peu ou mal uti­lisés à Strasbourg sur cette question des transports, pouvant ainsi créer

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Entre val et tram, Strasbourg aux prises avec la communication

l'impression que l 'opinion du public

comptait au fond MM peu. Défi le départ d'ailleurs l'impact des projets dans ce domaine avait été sous-estimé. A une question d 'un journa­liste des DNA sur ce sujet, le Maire de Strasbourg déclarait le 18 mai 1984, à propos du projet de Tram­way, que «quelques commerçants sont contre» mais que «95 % s'en moquent» .

De ce point de vue, la situation locale constate singulièrement avec la façon dont la Ville de Grenoble, pour le Tram et celle de Lille pour le VAL, avaient agi. L '«opérat ion t r a m » à Grenoble a été reconnu comme « u n petit chef-d'œuvre de marketing» (il faut dire que son coût était assez élevé) tandis que celle de Lille est exemplaire de ce point de vue: les sondages à propos du VAL sont encore utilisés aujourd'hui comme de véritables outils de communica­tion avec le public.

Les Strasbourgeois, en revanche n 'ont eu droit jusqu 'à aujourd'hui qu 'à de rares consultations pas tou­jours satisfaisantes du fait de l'incu­rable optimisme dont les résultats faisaient preuves, optimisme qui sera démenti par les faits, c'est-à-dire la consultation en vraie grandeur des municipales de 1989 (les sondages électoraux réalisés avant les derniè­res municipales garantissaient la réé­lection du Maire sortant, tandis que le sondage Iserco du 7-18 novembre 1988 indiquait que 66 % de l'échan­tillon trouvait la ville « bien adminis­t rée». . . ) . Les «sondages Iserco», réalisés sur des échantillons assez fai­bles n u m é r i q u e m e n t (celui de novembre 1988 portait sur un échan­tillon de 403 personnes), n 'appor­teront sur la question des trans­ports que de maigres informations. La commission d'enquête d'utilité publique ne manquera d'ailleurs pas de relever, à propos du sondage

Iserco du 11/03/87 que «certaines

Questions auraient pu être formulées de façon plus stricte» (Rapport de la commiss ion d ' enquê te d 'u t i l i té publique, 1988, page 33).

Le Maire sortant avait pourtant pris, juste avant les municipales de 1989, une initiative intéressante, qui con­sistait à distribuer massivement un questionnaire aux strasbourgeois. Les réponses n 'ont semble-t-il pas manqué, mais arguant du fait que l 'enquête avait été payé sur sa cas­sette personnelle, le Maire n'en a pas communiqué les résultats au public, perdant ainsi la dimension « commu­nication» de cette opération, au pro­fit d 'une information à sens unique, cette opération a d'ailleurs laissé pla­ner le soupçon que les résultats de ce «sondage» n'avaient pas été très favorables.

Quoi qu'il en soit, les quelques résul­tats de sondages auxquels le public a accès, confirment que très majori­tairement la population ne s'est jamais estimée assez informée sur le dossier. Les commissaires-enquê­teurs de la déclaration d'utilité publi­que iront même jusqu'à affirmer que la Communauté urbaine n'avait pas pris toutes les mesures pour corriger la situation ainsi révélée. L'opinion des personnes sondées à propos de la «nécessité» ou de l 'opportunité du VAL restait, dans ces conditions assez partagée : grosso modo 45 % pour et 45 % contre, mais ces chif­fres n 'ont pas une grande significa­tion car une opinion qui, tout en se prononçant sur une question, annonce qu'elle se sent mal informée aurait du être considérée, à l'évi­dence, comme une opinion instable, susceptible de basculements impré­visibles.

Dans la pratique, les sondages n 'ont donc, semble-t-il, pas joué un grand rôle, les acteurs du débat ayant pré-

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féré s'en remettre soit au projet d 'un référendum, soit au jugement con­tenu dans les sanctions électorales. L'inconvénient de ces dernières res­tant évidemment leur absence de finesse quant à l 'appréciation de tel ou tel point particulier soumis, dans un lot d'ensemble, aux électeurs. Peut-on, en conclusion sur cette question des sondages, faire l 'hypo­thèse qu'il n 'y pas a eu vraiment de volonté, de la part de tous les acteurs concernés, de mieux connaî t re l'« état de l 'opinion» ? Même en res­tant prudent sur ce point, il faut sans doute admettre que nous avons là, dans le refus d'utiliser à plein la dimension «communicat ion» de cet outil précieux que constituent les sondages, un symptôme supplé­mentaire de la difficulté, pour tous les acteurs concernés, de s'impli­quer dans un débat qui les mettait à nu.

B.1.6. Le gommage de la décision

Un autre élément qui a très large­ment concouru à l'absence de débat est la façon dont le public a eu accès à la connaissance des attendus des décisions successives, tour à tour en faveur du tram, puis du VAL, puis de nouveau du t ram. Les raisons avancées pour prendre une décision de cet ordre constituent évidemment un enjeu stratégique important car c'est le moment où celui qui prend la décision — individu ou équipe — est le plus exposé à la critique.

Or par exemple le premier document distribué au grand public par la CUS en février 1986 ne contient aucune mention du passage du tram au VAL et des raisons du changement brutal d'avis des élus sur le sujet. Le mot t ram n 'y figure même pas, sinon accessoirement pour évoquer ce qui se fait dans d'autres villes. La bro­chure d'information « la ville en VAL - Strasbourg en métro» qui sera

distribuée en 1988 n 'aborde à aucun moment l 'aspect décisionnel du dossier. Le slogan «le VAL c'est votre affaire» résonne évidemment curieusement dans un tel contexte. Ce gommage de la dimension « déci­sion» de toute l 'information donnée au public et en particulier lors de la campagne d'information de 1988 semble avoir relevé d'un choix volon­taire (le pré-projet de la brochure d'information de 1988 évoquait cette dimension).

Il est vrai que ce dossier « épineux » des transports en commun ne soule­vait pas l'enthousiasme des décideurs locaux: dès 1984, Marcel Rudloff déclarait «ne pas être très emballé par un projet auquel personne n 'a voulu toucher pendant cinq ans» . Aussi peut-on distinguer une certaine tendance à masquer le fait même qu'une décision ait été prise. Le brus­que glissement entre février et novem­bre 1985 qui va conduire en très peu de temps à passer d 'une technologie à une autre, s'est fait sans que l 'opi­nion ait gardé un véritable souvenir de ce qui s'était passé. La gauche ne manquera pas d'exploiter ce fait et Catherine Trautmann n 'aura ainsi aucun mal à évoquer le « vrai réseau de tram tel qu'il avait été accepté par la CUS avant qu'il ne soit remis en cause» «pour d'obscures raisons» ou encore le projet de tramway « mystérieusement abandonné ».

Parallèlement les raisons qui ont conduit l'actuelle équipe à prendre très rapidement la décision de met­tre en chantier un tramway, n 'ont guère été expliquées non plus. La gauche avait pourtant vivement cri­tiqué l'absence de dossier compara­tif et de données sérieuses sur le sujet, qui avait motivé la volonté d'organiser un débat suivi d 'un réfé­rendum. Cet argument fonctionnera dans l 'autre sens pour la nouvelle équipe au pouvoir, qui ne pourra plus soutenir que la décision d'aban­donner le VAL s'appuie sur de soli­des raisons.

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Les attendus de la décision de 1985,

même s'ils n'ont pas été préscntH m grand public, ont fait néanmoins l 'objet de ce que l 'on pourrait appe­ler un « récit de reconstruction » qui est intéressant à étudier. Jean-Claude Burckel, infatigable défenseur du VAL, n ' a pas manqué d'expliquer, lorsqu'il était sollicité par différen­tes associations ou groupement, pourquoi le VAL avait été choisi. Ce récit, qui s'est progressivement affiné, faisait la part belle à la dimension technique de la décision, comme si au fond la décision s'était imposée d'elle-même. Le «choix cen­tral initial » de cette décision aurait été la nécessité du tunnel pour tra­verser le centre ville. Dès lors que le tunnel aurait été choisi, la solution du métro s'imposait d'elle-même car un « t ram enterré» devient inélucta­blement un « m é t r o » . L'«étincelle qui a mis le feu aux poudres» se serait alors produite, comme le rap­porte Didier Rose dans le récit qu'il entreprend à son tour de cette déci­sion («Réalités alsaciennes n° 47, p. 18), lors du voyage des élus à Lille en mars 1985. Ainsi décrit en terme de «coup de foudre», le choix de la technologie VAL échappe là encore à l'espace d'une décision rationnelle. En somme le caractère effectivement politique de la décision prise a été en partie masqué par une reconstruction du récit de la décision qui soit la gomme purement et simplement, soit en fait une «évidence» technique, soit la positionne comme un coup de foudre émotionnel.

Cette manière de présenter les cho­ses va avoir une autre conséquence importante qui est le gommage de la dimension comparative du choix. Les différentes techniques de trans­port ont paru se superposer dans le temps et non être mis en comparai­son rationelle. La présentation que fait l 'ancienne équipe du VAL ne s'appuie pas sur une comparaison

entre le VAL et le Tram (ces élé-

menti nom ravons id sont meme gommés volontairement de la cam­pagne de communication grand public), tandis que la nouvelle équipe, en renonçant à l'idée politi­que du référendum, oublie à son tour de mettre en avant une comparaison des avantages et des inconvénients des deux systèmes, comparaison qu'elle avait pourtant réclamé à cor et à cri. Au mieux cette comparaison est censée avoir déjà été faite dans le passé (notamment lors de l'étude lan­cée par le Maire d'Ostwald). Jamais donc les Strasbourgeois n 'ont eu réellement affaire à un débat vérita­blement comparatif organisé par ceux qu'ils avaient élu. Si l 'on admet qu 'un débat c'est aussi la possibilité d 'une alternative, alors il faut bien reconnaître qu'il n 'y a jamais eu débat de ce point de vue.

C.2. La dégradation de l'image du VAL dans l'opinion

En mars 1987, 78 % des Strasbour­geois interrogés lors d 'un sondage déclarent être « favorables au VAL ». Dans le même temps, 63 % s'esti­ment «mal informés» et 21 % «très mal informés». Ce sondage révèle une opinion fragile, susceptible d'évoluer rapidement. Deux ans plus tard, l 'une des raisons principales de l'échec de l 'équipe municipale sor­tant tiendra dans l'hostilité d 'une majorité de la population qui s'est exprimée lors de la consultation à ce projet de métro. Que s'est-il passé entre temps? Tout au long de ces deux années on a pu assister paral­lèlement à la montée d 'une exigence - non satisfaite - d 'un débat et à une dégradat ion progressive de l'image du VAL dans l 'opinion, largement alimentée par le dévelop-

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pement des rumeurs et de la sous-information générale sur le dossier. Cette situation générale fut mal per­çue semble-t-il par les élus de tout bord (il y aura de moins en moins de vote négatif contre le projet dans les rangs de l 'opposition municipale) alors que les techniciens en charge du projet semblait sentir que « quelque chose ne se passait pas bien dans l 'opinion». Dans ce climat marqué par un effritement du réflexe légiti­miste initial qui avait joué en faveur du V A L , un ce r ta in n o m b r e d'erreurs de communication ont été commises qui expliquent en partie l'échec du projet dans l'opinion. Ces erreurs ont notamment eu pour con­séquences d'empêcher que la campa­gne de communication ne remplisse son rôle naturel d' information et d'incitation à ce débat qui était tant attendu.

Chacune de ces erreurs a concerné, par un fait étrange, des couches sociales différentes et par effet cumulatif, une bonne majorité de la population s'est finalement trouvée en situation de rejet par rapport au choix proposé. Parler d '«erreur» est une formulation sans doute inapro-priée: ce qui s'est révélé être des erreurs objectives étaient en fait des comportements guidés par la situa­t ion assez c o n t r a i g n a n t e dans laquelle l 'équipe porteuse du projet se trouvait placée. Une «vraie» cam­pagne de communication aurait obligé l'équipe à « sortir du bois » et cela paraissait extrêmement risqué. Mais contraint dans un autre sens à la communication elle a donc choisi de porter la campagne sur des thè­mes non susceptibles de mobiliser les opposants de tout bord. La campa­gne a donc tenté d'effacer la dimen­sion «transport en commun» du VAL tout en insistant sur le moder­nisme du système. Cette gymnastique difficile, apparemment hors de por­tée des publicitaires locaux - eux aussi contraints par la demande -s'est finalement retournée contre ses promoteurs.

C.2.1. La fascination pour le VAL et l'oubli du réseau

Une première erreur a été la façon dont toute l'attention a été portée sur le VAL lui-même et non sur la trans­formation d'ensemble, dans tout le territoire de la communauté urbaine que le réseau des transports en com­mun, allait subir de ce fait. Cet « oubli » du bus est particulièrement net par exemple dans la brochure « La ville en VAL » de 1988, réalisée par une agence de publicité locale où la carte des transports urbains qui est présentée au public ne comprend pas les lignes de bus, ce qui constitue, si l 'on y réfléchit bien, une erreur incroyable. Dans d'autres brochures ou documents d'information, l'accent est beaucoup plus mis sur la ligne de VAL que sur les lignes de bus.

Ceci est d 'autant plus dommage que la CUS ne manquait pas d'argu­ments à présenter sur la restructura­tion effective du réseau qui était programmée. Toute une réflexion spécifique, ainsi que de nombreuses études avaient été menées sur ce point, mais le moins que l 'on puisse dire est que l'information n'était que très mal parvenue aux oreilles du public. Les conséquences de cet état de fait ont peut-être été très lourdes : toute une partie de la population qui résidait loin du VAL mais pourtant à proximité d 'une ligne de bus, s'est sentie ainsi exclue du nouveau pro­jet, loin de la «ligne de vie» que constituait le VAL. Certains, parmi les plus mal informés, c'est-à-dire la majorité, ont même pu croire — un sondage sérieux l 'aurait sans doute montré - qu'il était question de sup­primer les bus pour les remplacer par le VAL. Tout le bénéfice du réseau a ainsi été perdu et un pan majori­taire de la population s'est senti lésé.

Pourquoi cette erreur a-t-elle été commise? Plusieurs raisons semblent entrer ici en ligne de compte. La fas­cination qu'exerce l'objet technique

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U U A pxiaco uuci. i u t u r i i i n u n i v i i K w i i

VAL auprès des techniciens et des

a inévitablement relégué au second plan les autobus. Dans le même esprit on se rend très bien compte à la lumière de ce point particulier que l'image extrêmement moderniste du VAL a contribué à rejeter là aussi à l'arrière-plan sa fonction première qui est le transport en commun. A trop insister sur l'«effet vitrine», on laisse dans l'arrière-boutique ce dont les Strasbourgeois pourtant devaient bien continuer à se servir ; les auto­bus redéployés autour du VAL. Il est évident aussi qu 'à partir du moment où ils se sont sentis attaqués — tout en sous-estimant la profondeur de l 'attaque - les promoteurs du VAL ont répondu de façon défensive. Plus le VAL était en question, plus on répondait sur le VAL et plus on s'éloignait du réseau qui constituait pourtant la ligne de défense la plus solide.

Mais trop parler du réseau impliquait le lancement d 'un débat sur la ques­tion de l'ensemble des moyens de déplacement en ville donc sur la place future de l 'automobile dans ce dispositif. Or ce point, si délicat, a été maintenu volontairement comme un des plus flous de l 'ensemble. Le VAL était présenté comme allant permettre d'améliorer la circulation automobile en ville là où les argu­mentaires de Matra par exemple le présentaient comme un moyen per­mettant de la réduire. Il avait été finalement décidé, dans les réunions du groupe de la CUS qui a préparé la campagne de communication de 1988, d'éviter de faire référence au fait que le VAL pourrait servir à diminuer l'intensité de la circulation automobile en ville.

Dans ce contexte l'image du VAL s'est trouvée singulièrement fragili­sée et ses opposants ont pu très faci­lement opposer l 'unique ligne de

VAL au réseau entier que permettait

logique on aurait dû comparer les avantages du réseau VAL/bus et du réseau Tram/bus . Les socialistes ne manquèrent pas l'occasion, décla­rant par exemple en 1988 qu'ils « considèrent que le VAL est un ins­trument technique remarquable. . . mais ils pensent qu'une seule ligne ne constitue pas un réseau».

C.2.2. Le modernisme est-il un bon argument à Strasbourg?

Quelles que soient les variations qu'elle ait subie à Lille ou à Tou­louse, la campagne de communica­tion associée au VAL met en général en avant, sous l'impulsion d'ailleurs de Matra transport , la technologie ultra-moderne et les automatismes du nouveau système. Plus pragma­tique, la revue « Parcours » (mensuel d'Air Inter), qui n'avait eu aucun mal à concevoir l 'intégration du VAL à Lille, se demande ce qu'il en est du VAL à Strasbourg, tour à tour qualifiée de «ville ancienne», de «belle provinciale», et d '«évêché fantastique». L'insistance sur le modernisme du VAL est-il entière­ment justifié? Après tout, sur un strict plan matériel, ce système incarne plus la technologie des années 70 en matière de transports urbains que l '« aventure de l'ave­n i r» , même s'il est vrai que le con­cept de «métro sans conducteur» que le VAL incarne est le plus moderne. Aussi n'est-il pas «techni­quement nécessaire» de mettre en avant systématiquement un avant-gardisme qui n 'en est pas un.

Dès lors on peut s'étonner que dans une ville comme Strasbourg, une municipalité conservatrice, du moins for tement a t tachée à certaines valeurs dans ce domaine, ait choisie

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d'insister autant sur la dimension moderniste de l 'un de ses choix essentiels là où la présentation du caractère réellement éprouvé de la technologie en question aurait large­ment pu faire l'affaire. Là encore l'accent mis sur cette dimension avait peut-être le mérite apparent de faire un peu oublier qu'il s'agissait après tout d 'un transport en commun, donc au bout du compte d 'un inves­tissement de nature social.

Une autre dimension mal maîtrisée par les promoteurs du VAL a été la question du tunnel long qui devait traverser la ville de part en part . La solution du souterrain a semble-t-il choqué beaucoup de Strasbourgeois qui ne manquèrent pas à cette occa­sion de rappeler l'échec du «tunnel des halles» dont l 'humidité récur­rente est un rappel permanent du dynamisme du sous-sol strasbour­geois. La résistance des Strasbour­geois à l'existence d 'un souterrain qui traverse leur ville est sans doute en partie liée à l'absence de familia­rité avec le sous-sol là où Lille est bâtie au cœur d'un pays minier et où Paris, creusée de carrière, a toujours accordé une large place aux égouts, catacombes et autres formes d'archi­tectures enterrées. En fait le sous-sol de Strasbourg est pratiquement inviolé et peut-être faut-il imaginer que l'investissement imaginaire dont le Rhin était autrefois chargé se soit déplacé vers la nappe phréatique dont l'intégrité était menacée par un tunnelier forcément impur.

Quoi qu'il en soit il y avait là, si l 'on peut dire, un terrain miné qui appe­lait une prudence bien supérieure à celle que la formation littéraire des ingénieurs leur permet d'avoir dans de telles situations. Strasbourg est une ville qui, traditionnellement, s'élève, plutôt visible pour ses flèches que pour ses dessous. La jolie phrase de Goethe: «Le mouvement qui nous élève est celui qui nous convient le mieux » aurait pu être la devise de Strasbourg; pas question donc de

s'enterrer, d 'autant que le souterrain est plutôt associé au mysticisme et à l'esprit de la crypte qu 'au gothique flamboyant. Le VAL contenait en puissance, malgré son caractère apparemment discret, un potentiel de transformation négative de la ville, dont le tramway d'ailleurs n'est pas forcément exempt.

Certaines erreurs, bien que plus mineures n 'en ont pas moins sans doute influencé le public. On pense ici par exemple à cette analogie natu­rellement chère aux ingénieurs mais dont les hommes de communication auraient dû se méfier : « le VAL, c'est comme un ascenceur mais horizon­ta l» . C'est oublier qu 'une forte minorité de Français avoue ne jamais prendre d'ascenceur, cet objet tech­nique restant probablement — à part dans le monde des ingénieurs - un de ceux qui inspirent encore le plus de crainte et d'angoisse.

On voit donc que le choix systéma­tique de promouvoir la modernité du nouveau système de transport en commun n'était pas forcément le bon choix en matière de communi­cat ion: déclenchant l ' imaginaire local dans ses ressorts les plus secrets, une telle politique ne pouvait du coup pas prétendre ouvrir un débat transparent. Mais l'équipe en place avait-elle le choix? Comme le remar­quait un commerçant lors de l 'une des réunion de ces publiques où se levait le vent contre le principe du TCSP : «Nous n 'avons pas élu Rud-loff pour qu'il nous fasse le VAL ! »

D.3. L'impossible référendum

D.3.1 . L'exigence d 'un référendum

Compte-tenu à la fois du manque d' information et de réel consensus sur la question du transport en com-

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mun - et de la solution VAL - , la

revendication d'un « référendum municipal» s'est progressivement imposer aux Strasbourgeois comme un débouché concret à toutes leurs interrogations sur le sujet. Une telle consultation n'apparaît pas du tout incongrue dans un tel contexte : Gre­noble avait organisé un référendum sur le projet Tramway et de toute façon la proximité de la Suisse et de ses fameux «référendum d'initiative populaire» constituait un modèle qui légitimait parfaitement la démarche. Un référendum à Strasbourg aurait eu, aux yeux de beaucoup, un dou­ble avantage; sa campagne aurait nourri un débat jusque-là sous-alimenté et la décision prise aurait légitimé sans arrière-pensée le choix d 'une technique plutôt qu 'une autre ou bien encore, de figure toujours possible, le rejet de tout TCSP.

L'année 1988, par ailleurs fertile en événements électoraux, restera celle où l'idée d 'un référendum a appa­remment conquis le plus d'acteurs. Une réelle convergence s'opère en effet entre les groupes de pressions qui trouvent là un point commun où appliquer l'effort sans que la reven­dication en elle-même ne les implique t rop avant. Dès 1984 on avait évo­qué au Parti socialiste la possibilité d 'un référendum sur les transports. En 1987, la page des élus socialistes et républicains qui est distribuée massivement comme supplément à la revue «Vivre à Strasbourg» éditée par la CUS, contient une prise de position nette sur ce sujet. Les élus y affirment que «problème techni­que, problème d'aménagement du territoire, problème financier, le choix du transport en commun cons­tituent un dossier d 'une importance telle pour l'avenir de notre agglomé­ration que nous demandons une fois encore l'organisation d'une consulta­tion de la population par voie de réfé­rendum, ou autre, sur la base d 'une

large information présentant toutes

1 1 ' I J ! les options en présence de manière objective». Ceux-ci revendiqueront par ailleurs d'avoir été les premiers à réclamer un tel référendum. En 1988 les différentes campagnes politiques que conduisent les socia­listes (législatives, cantonales), sont l'occasion de réaffirmer cette exi­gence. Lettres ouvertes et prises de position se succèdent sur le même thème. Claude Truchot, par exem­ple, résume en une courte formule cette posit ion: «comment choisir? Pour moi c'est à la population de d é c i d e r » ( D N A du 16-06-88, « Claude Truchot demande un réfé­rendum sur la VAL») .

De son côté l 'UADS avait beaucoup fait pour imposer l'idée d 'un tel réfé­rendum. Après un départ un peu tiède où l'association réclamait «un plan de circulation » « tenant compte de l ' implantation future et éven­tuelle» du VAL, les choses se clari­fièrent rapidement. Début juillet 87 l 'UADS réclame à la fois « des infor­mations réalisées par des organismes indépendants» et un «référendum municipal afin que les Strasbour­geois puissent s 'autodéterminer sur leur avenir».

La pression en faveur d 'un référen­dum fut alors fortement augmentée par la prise de position des « verts » mais aussi celle de multiples asso­ciations. Tous convergent vers une seule revendication au point que des hésitations et des fissures apparais­sent au sein même de la droite poli­tique alsacienne: en juin 1988, Jean Waline, dirigeant du RPR annonça publiquement que « faute pour l'ins­tant d'éléments suffisants» il soute­nait les positions de l 'UADS et sa demande de référendum (DNA du 2 juin 1988). L'acceptation ou non d 'un référendum commença à fonc­tionner comme une ligne de partage

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de la vie politique locale. L'exigence de référendum permit la conver­gence provisoire de ceux qui vou­laient remplacer l'équipe en place pour des raisons politiques et de ceux qui visaient le TCSP à travers le VAL. Les seuls à s'y opposer furent évidemment ceux qui por­taient le projet, conscients qu 'une telle entreprise comportait un risque énorme.

La discussion autour de l'idée d 'un référendum a eu comme consé­quence le blocage de toute discussion sur les aménagements du projet VAL. L 'UADS avait par exemple été créée sur une position de rupture au moment précis où l'assocation des commerçants commençait timide­ment à évoquer le problème de l 'indemnisation liée aux travaux du VAL. Cette focalisation de l 'atten­tion sur le niveau décisionnel (faut-il ou non un VAL ?) a constitué à sa manière un des plus solides points d'arrêt à tout débat concret sur les transports en commun. Les inter­rogations et les prises de position portèrent en effet massivement sur la nécessité ou non d 'un débat et d 'une consultation, plus que sur le contenu du débat lui-même. Para­doxalement, l 'extrême agitation qui se développe autour du projet VAL en 1988, conduisit à un oubli du sujet principal.

Certains responsables locaux de Matra se félicitèrent à cette occasion que le débat porte sur la décision et non sur les conditions concrètes de sa réalisation, à laquelle ils étaient attelés quotidiennement et pour les­quelles ils avaient du coup les mains libres. Il y avait là, pour l'observa­teur extérieur des réunions techni­ques autour du «pro je t» VAL, une dimension quasi-surréaliste. Au moment même où la branche sur laquelle ils étaient assis faisait enten­dre de sinistres craquements, les dis­cussions les plus intenses portaient sur la largeur de la voie réservée aux voitures lors des travaux de construc­

tion de la station Kléber. Un mètre de plus ou de moins réclamaient des discussions sans fin au sein de cet uni­vers protégé où les techniciens, mais aussi les communicateurs du projet, étaient comme projetés dans l'avenir.

Pendant ce temps les élus majoritai­res strasbourgeois se battaient pied à pied. Refuser un référendum - dès lors que la revendication prend de l'ampleur - est en effet une position politiquement difficile à assumer. Sommé en public de prendre position sur la nécessaire démocratie dans l'expression d'un choix si important pour Strasbourg, et pour tout dire acculé par une opposi t ion qui gagnait ses propres rangs, le Maire de la ville finit par proposer publi­quement - le 25 juin 1988 - que les prochaines élections municipales fas­sent office de référendum. Tout un montage savant de discrétion orga­nisée autour du VAL devait en cet instant précis s'écrouler. L'équipe du VAL était contrainte à sortir du bois. La question du transport était injec­tée directement dans la campagne électorale qui commençait.

D.3.2. Référendum ou consul­tation

Le lendemain de la victoire de Cathe­rine Trautmann et de sa liste aux élections municipales fut l 'occasion pour les nouveaux élus de réaffirmer, dans l ' euphor ie , leur promesse d'« ouvrir le dossier aux Strasbour­geois, ceux en l'état du VAL, ceux à venir du t r a m » . Roland Riess, qui prendra en charge le dossier, affirme alors que puisque «les Strasbour­geois n 'ont pas voulu du VAL, ce sera à eux de dire s'ils veulent un t r am» (DNA du 26 juin 1989, « A u travail »).

Tout au long de la campagne élec­torale, les socialistes avaient effec­t ivement commencé à gommer prudemment le terme même de réfé-

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rendum, lui préférant celui de « con­

sultation», au contenu il èà vm plus imprécis. Mais ce gommage lui-même était apparu bien discret. Toute la question, semble-t-il, était de laisser ses chances au référendum en cas d'échec et de considérer, en cas de victoire, que les élections avaient fonctionné comme un quasi-référendum. En somme une version électorale du «si je gagne, je prends la mise, si je perds, je ne donne rien». Cette ambiguïté initiale n'échappera pas bien entendu aux futurs oppo­sants du tramway et deux des conseil­lers municipaux d'opposition, «res­capés» de la débâcle de leur liste, MM. Waline et Lapp ne manqueront pas de rappeler avec insistance, en séance de conseil communautaire, les promesses de référendum que Cathe­rine Trautmann avait faites depuis 1984 et qu'elle aurait réitérées le 13 avril 1989 lors d'une assemblée géné­rale de commerçants.

Le 29 juin 1989, lors de la première véritable séance de travail du nou­veau conseil communautaire, la nou­velle majorité avait décidé à la fois l 'abandon du projet VAL et le renoncement à l'idée de tout réfé­r e n d u m , au prof i t d ' u n t r a m « m o d e r n e » accompagnée d 'une consultation, dont les termes seraient précisés ultérieurement mais qui se ferait de toute façon « par tranche de ligne».

Ce conseil communautaire, à bien des égards décisifs avait été précédé d'une intense campagne de tout ceux qui désormais, préparaient leur opposition au projet de tramway. On assiste en effet, entre le 19 mars et le 26 juin 1989 mais aussi bien après, non pas au débat attendu sur les transports en commun, mais bien à une formidable pression « en faveur de la tenue d 'un débat» venant de partenaires qui jusque-là n'avaient pourtant pas forcément brillé par

leur désir de débattre. Il faut dire que

le nouveau ton en se prononçant, entre les deux tours des municipales, pour un référendum. Il confirmera cette position par la suite en affir­mant notamment le 30 juin 1989 qu'une consultation de la population « est devenue nécessaire psychologi­quement» .

Marc Reymann, ancien porte-parole du groupe UDF au conseil munici­pal, abondera dans ce sens, si l 'on en croit les DNA qui annoncent le 26 août 1989 que «regrettant toujours de n'avoir pas proposé de référen­dum sur le VAL du temps où il était adjoint, Marc Reymann conteste aujourd'hui «la précipitation avec laquelle est mis en route le projet t ramway». L'électeur attentif vit ainsi se dérouler sous ses yeux une vaste partie de «chaise tournante» dont la règle semble être de promet­tre un référendum quand on est dans l 'opposition et d'y renoncer quand on est au pouvoir.

D.3.3. La nouvelle jeunesse du «débat comparatif»

La stratégie des opposants au tram­way va désormais reposer sur un principe simple mais éprouvé : faire comme si l 'on n'entendait pas ce que dit l 'adversaire. Jamais, avant cette période qui s'ouvre en juin 1989, on avait autant entendu parler avec autant de vigueur de la «nécessité d ' un débat compara t i f» , d 'une «réflexion tout az imut». Tout se passa comme si l 'on ignorait que les plus hauts responsables de la CUS avaient pris une décision ferme. Les Dernières Nouvelles d'Alsace ouvri­rent le bal dès le 28 mai en annon­çant sous un titre sans équivoque: «Transports en commun: le débat relancé?» q u ' « à quelques semaines

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de cette échéance capitale pour Stras­bourg et l 'agglomération, les DNA ont décidé aujourd'hui d'ouvrir le débat ». Une longe série d'articles et de lettres de lecteurs furent alors publiés sous le titre générique «Transports en commun: le débat est relancé» (DNA du 1 e r juin 1989). On vit même apparaître dans le jour­nal, côte à côte enfin, des photos des deux systèmes, tram et VAL.

Il est permis à ce propos de se poser quelques questions au sujet du choix des lettres de lecteurs (en tout 19) que les DNA décideront de publier dans le cadre de la rubrique «vous avez la parole » dans la période du 28 mai au 27 juin 1989. Sur ces 19 lettres, 3 sont favorables au t ram, une exprime son hostilité à l 'égard du VAL et 15 d'entre elles se prononcent pour une solution différente de celle rete­nue par l'actuelle majorité munici­pale (ces 15 lettres se répartissent de la façon suivante: 4 favorables au VAL, 2 hostiles au VAL et au tram, 3 hostiles au tram, 5 demandant un débat approfondi ou un référendum avant toute décision, 1 en faveur du trolleybus). Ne se serait-il trouvé, pour écrire aux DNA, que des lec­teurs hostiles aux solutions de la nou­velle majorité?

La stratégie des associations de com­merçants, dans ce contexte, continua d'être offensive. Après avoir été un des fers de lance de la lutte contre le VAL, les commerçants partirent, dès le mois de juin 1988, en guerre con­tre le tram et surtout contre les mesu­res d'accompagnement qu'ils sentent inévitables, notamment la piétonisa-tion d'une partie du centre ville. Dès le 19 juin, suite aux décisions du con­seil communautaire, l 'association des commerçants réclame un « réfé­rendum sur un projet global», en précisant que « personne n 'a le droit d'interdire la circulation au centre-ville».

La très forte mobilisation des com­merçants s'explique en partie par le

fait qu 'un certain nombre de leurs dirigeants sont conscients d'avoir été les artisans de la chute de la « mai­son Rudloff » et avec lui du VAL. Ils ont également conscience que le jeu politique ne se fera pas sans eux - comme depuis toujours à Stras­bourg - et leur mobilisation est aussi un rappel aux socialistes élus pour six ans, que les commerçants ont constitué en 1989, une partie de la base électorale provisoire d 'un Parti socialiste toujours minoritaire. On n'insistera jamais assez dans cette affaire sur le rôle joué par l 'UADS, - et sa Présidente - qui emmena avec elle, pour les offrir provisoire­ment aux socialistes, une précieuse réserve de voix qui jusque-là allaient en partie à la droite (en fait l 'UADS «pesai t» électoralement à peu près le nombre de voix - 2.600 - qui séparèrent Marcel Rudloff et Cathe­rine Trautmann) alors qu'elle s'était dite dans un premier temps prête à aller «chez Rudloff», «si j ' a i la pos­sibilité de parler».

Parallèlement à cette agitation d'ori­gine locale qui secoua le mois de juin 1989, Matra Transport était inter­venu dans le débat, mais de Paris cette fois, par l 'intermédiaire d 'une série de publicités très remarquées dans les DNA, en fait 7 pleines pages à raison d 'une par jour la semaine précédant le vote qui ordonnera l 'arrêt de la mise en chantier du VAL. Ces publicités seront l'occa­sion d 'une des premières colères publiques de Catherine Trautmann, qui retrouvera les accents d'autrefois pour fustiger l '«entreprise» qui « intervient dans le domaine de res­ponsabilité des élus » dans une envo­lée d 'une facture idéologique plus proche de 1968 que de 1989. Là encore on peut constater que par une sorte d'effet pervers, ceux-là mêmes qui souhaitaient le débat, se sont trouvés en position d'avoir à critiquer toute tentative d'amorcer ce débat.

L'intervention de Matra Transport a évidemment donné lieu, dans ce con-

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texte, à différentes interprétations.

di mi t u m i d'avril 1989, le personnel de Matra Transport , mis au courant de la situation strasbourgeoise, est averti que « tout porte à croire qu 'en tout état de cause le projet sera sensible­ment différé» mais que si «dans le passé il n ' a pas été jugé convenable de développer nos arguments pen­dant la campagne électorale où s'est élevé une polémique sur les techni­ques de transport (...) bientôt il fau­dra nouer le dialogue à l'aide du dossier nourri dont nous disposons pour justifier la solution V A L » . La campagne publicitaire de juin, qui donne l'impression d'avoir frappé un peu lourdement, s'inscrivait néan­moins dans une volonté de «nouer le dialogue», sans doute mâtinée - mais ce n'est pas contradic­toire - d 'un autre souci : faire mon­ter les enchères de l'indemnisation en cas de rupture définitive de contrat.

Une relance tout à fait inattendue s'opère, de juin 1989 jusqu 'à au moins l 'automne de la même année, sur deux thèmes : d 'abord sur l'alter­native VAL-tram, ensuite, et sur­t o u t , sur l ' o p p o r t u n i t é d ' u n transport en commun en site propre. Le président Daniel Hoeffel donne le ton à la foire européenne en évo­quant tranquillement le « choix d 'un VAL ou d 'un tram plus ou moins en site propre» et Marc Reymann, ancien adjoint au Maire déclare que selon lui la circulation à Strasbourg n'est pas si mauvaise.

Cette relance semble avoir obéi à deux logiques qui se mêlent pour l 'instant inextricablement. Une des composantes de cette relance est à l'évidence un «cheval de bataille» de la nouvelle opposition, qui s'est sai­sie de la fragilité de la position des élus socialistes, pris en étau entre leurs promesses antérieures d 'un référendum et leur état de parti

minoritaire au pouvoir. Mais cette

i l i i l i l l i ' fi c'est sans doute cela qui lui donne une grande partie de sa force vive -à une autre logique, celle du resur-gissement de l'exigence de débat qui s'était manifestée depuis plusieurs années et dont le public a été cons­tamment frustré. Au tour mainte­nant de l 'opposition de droite de «surfer» sur cette vague d'exigence montante, après que les socialistes aient été obligés d 'en descendre, pour cause incongrue d'élection, non sans avoir contribué à ouvrir la boîte de pandore du référendum, si diffi­cile pour eux à refermer maintenant.

L'alternative dans laquelle risque de se retrouver les socialistes a toutes les allures d 'un paradoxe : alimenter un débat sur les transports en commun risque de déstabiliser leur position tandis que la tentation de « passer en force» sur le dossier des transports en commun risque de leur faire per­dre une partie de leur « âme » démo­cratique.

Poussé dans ses derniers retranche­ments par la vive opposition des commerçants sur le terrain desquels il était allé s'aventurer un peu impru­demment lors de l'assemblée hou­leuse du 16 octobre 1989, Roland Riess ira finalement jusqu'au bout de la logique démocratique en déclarant que conformément à l'esprit du réfé­rendum qu'il a toujours défendu, la consultation sur le t ram pourrait conduire « à la limite à l 'abandonner s'il ne satisfait pas les Strasbour­geois». Retour donc, dans cette hypo­thèse pessimiste, à la case départ, c'est-à-dire la situation d'avant 1974.

Conclusion

Celle-ci, compte tenu de ce qui vient d'être dit, s'impose d'elle-même. Si

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l 'on analyse les grandes lignes des différentes stratégies qui se sont exprimées ces dernières années, on voit très bien que l'hostilité à l'exis­tence d 'un transport en commun en site propre à Strasbourg ou au moins son absence de légitimité véritable, est un trait constant qui domine plus qu 'on ne se l'était imaginé, la vie politique strasbourgeoise. La longue période de latence entre 1974 et 1984 est très probablement motivée par une certaine réserve des élus vis-à-vis de la décision qu'ils avaient eux-mêmes prise. La bataille qui a été menée contre le projet de VAL en 1987 et 1988 a pu être gagnée grâce à la conjonction de deux forces sociales pourtant bien distinctes: ceux qui, à travers le VAL, visaient

le principe même du transport en commun en site propre et ceux qui voulaient se servir de ce projet de VAL pour battre politiquement la municipalité. Une fois le VAL vaincu, ceux qui avaient fait la pro­motion du tram se trouvent désor­mais face à face avec leurs anciens alliés qui désormais tenteront d'obte­nir le renoncement au tramway lui-même en faisant cette fois-ci alliance avec la nouvelle opposition. La bataille actuelle contre le t ram est donc de ce fait en partie de même nature que celle qui avait été menée contre le VAL : le refus d 'un trans­port en commun en site propre pour Strasbourg.

Philippe Breton

— Documentation diverse -

01 26 /06 /87 Intervention d 'André Fougerousse 02 22 /02 /88 Lettre de l 'Union des Voyageurs du Nord à l 'UADS 03 11/87 Fnaut-infos, bulletin n° 25 04 18/07/87 Compte rendu de la réunion entre Marcel Rudloff et les membres du comité

de l 'UADS 05 22 /07 /87 Lettre de l 'UADS aux conseillers communautaires 06 06/88 Avis à tous les adhérents de l 'UADS 07 12/07/88 Lettre de l 'UADS aux membres de la Commission d'enquête d'utilité publique 08 10/06/88 Lettre de l 'UADS au préfet de région et réponse du préfet 09 06/88 Pétit ion U A D S 10 06/88 Lettre de l 'UADS à Monsieur Friedmann Président de la commission d'enquête 11 05/88 Note interne de l 'UADS sur les arguments à tenir vis-à-vis des membres de la

commission d 'enquête 12 12/08/88 Rappor t de la commission d 'enquête d'utilité publique 13 12/02/88 Dossier «le bout du tunne l» réalisé par Didier Rose in Réalités alsaciennes

hebdo, n° 47 14 12/02/88 Dossier « le bout du tunnel » réalisé par Didier Rose in Réalités alsaciennes

hebdo, n° 4 7 : «prendre un métro d ' avance» 15 05/87 Rappor t de présentation des études du V A L - C E T R A M 16 12/86 Le VAL notre métro , dossier d ' informat ion n° 1 17 19/04/88 « Communication VAL Strasbourg » note aux participants de la réunion interne

de la CUS 18 1988 « La ville en VAL - Strasbourg en métro », Brochure d'information non signée 19 10/88 «St rasbourg , un , deux, mille press ion», «L 'évêché fantast ique» in Parcours,

magazine d 'Air Inter, n° 17 20 1988 Pré-projet : « L a ville en VAL - Strasbourg en m é t r o » , Brochure d ' informa­

tion non signée 21 26 /04 /88 Invitation à la journée E N S A I S : « L e VAL - aspects technologiques» 22 22 /09 /86 Expertise du contexte géologique et géotechnique de l 'APS du VAL de Stras­

bourg - Ministère de l 'équipement, direction des routes, centre d 'é tude des tunnels

23 05/88 «Aspects économiques relatifs au projet de t ransport en commun en site pro­pre « V A L » à Strasbourg - éléments de synthèse», document interne, cham­bre de commerce et d ' industrie de Strasbourg et du Bas-Rhin

24 05/88 «E tude d ' impact et évaluation du pro je t» , Agence d 'urbanisme pour l 'agglo­mérat ion strasbourgeoise, CUS

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Entre val et tram, Strasbourg aux prises avec la communication

25 06/88 «opinions libres», supplément d'expression politique de la revue Vivre à Stras­

bourg article «transport en commun en site propre de l'agglomération stras-bourgeoise»

26 01/88 « D e bus à oreille», Journal de la CTS, spécial VAL, n° 5 27 01/88 Lille soigne sa ligne, parcours n° 9, Air Inter 28 12/07/88 Lettre de Moschenross au Président de la commission d 'enquête d'utilité

publique 29 07/88 texte des questions du « ré fé rendum» de Moschenross 30 09/88 tract pour les cantonales de Jean-Marie Lorentz 31 09/88 tract pour les cantonales de Antoine Waechter 32 01/88 « A l'été 91 le val desservira Or ly» , parcours n° 9, Air Inter 33 « V A L , le premier métro entièrement au tomat ique» , brochure M A T R A -

transpor t 34 06/88 Rappor t de synthèse A P D , Mat ra -GETAS 35 15/03/88 Compte rendu A G de l 'UADS 36 16/04/88 Visite des délégués de la CCI à Lille 37 88 Réunion du CESA 38 25 /03 /88 Notes personnelles de terrain conseil communauta i re 39 09 /05 /88 Notes personnelles de terrain Réunion «communica t ion» à la CUS 40 10/05/88 conférence de presse «lancement de la campagne de communica t ion» 41 31 /05 /88 Notes personnelles de terrain Comité technique CUS 42 09 /09 /88 Interview de M™ Forrer -UADS 43 12/09/88 Dîner débat « m a r s et mercure» 44 19/09/88 Interview Fr ies /CCI 45 fin 88 Interview Pa i l l a t /Mat ra 46 28 /10 /88

88 Notes personnelles de terrain Conseil communauta i re

47 29 /06 /89 Notes personnelles de terrain Conseil communauta i re 48 20 Série de publicité Matra dans les D N A

28 /06 /89 49 03 /09 /89 Interlignes - journal d ' informat ion du personnel de Matra- t ransport 50 04/88 Le journal de Catherine Trau tmann , n° 3 51 16/04/89 Le journal de Catherine T rau tmann - supplément 52 17/04/89 Le journal de Catherine T rau tmann - supplément 53 20 /06 /89 « U n t ram pour S t rasbourg» , dépliant CUS 54 06/88 Pour un référendum sur le métro VAL - pétition 55 87-88? UADS — pour un référendum municipal 56 07/87 UADS - Des projets pour Strasbourg? 57 16/10/89 Notes personnelles de terrain - T r a m ? Débat en public de l 'Association des

commerçants

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