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Espace mathématique francophone 2018 22-26 oct. 2018 Gennevilliers France

Espace mathématique francophone 2018€¦ · BUTEAU * Chantal ± MULLER * Éric ± SACRISTÁN ** Ana Isabel ± MGOMBELO * Joyce Résumé ± Nous voyons un besoin crucial de comprendre

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Espace mathématique francophone 2018

22-26 oct. 2018Gennevilliers

France

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SP5: Mathématiques et informatique

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Table des matières

SP5: Mathématiques et informatique 2

ANALYSE DES OUTILS DE CONTRÔLE LORS DE LA RESOLUTION AL-GORITHMIQUE OU MATHEMATIQUE D’UN PROBLEME, Beauvoir Sylvain 1

PENSÉE INFORMATIQUE EN ENSEIGNEMENT DES MATHEMATIQUESPOST-SECONDAIRES : UN CADRE THÉORIQUE, Buteau - . . . . . . . . . . 4

L’ALGORITHMIQUE ET LA PROGRAMMATION POUR LA CONSTRUC-TION DU SENS DE LA DIVISION EUCLIDIENNE, Chaachoua - . . . . . . . . 12

Recherche binaire et méthode de dichotomie, comparaison et enjeux didactiquesà l’interface mathématiques - informatique, Meyer - [et al.] . . . . . . . . . . . . . 20

Conception de la notion d’algorithme à la transition secondaire-supérieur en France, Mod-este - [et al.] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

ENTRE PROBABILITES ET STATISTIQUES : UN JEU ALGORITHMIQUEPOUR SIMULER LA FLUCTUATION D’ECHANTILLONNAGE, Trunkenwald- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

Cryptographie au collège avec Scratch., Volte - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

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ANALYSE DES OUTILS DE CONTRÔLE LORS DE LA RESOLUTION ALGORITHMIQUE OU MATHEMATIQUE D’UN PROBLEME1

Sylvain BEAUVOIR*

Abstract – A study of the algorithmic reasoning and its connection with mathematical reasoning through an analysis of the control tools used in solving problems selected from the Euler project.

Keywords: algorithm ; problem solving ; reasoning ; algorithmic thinking.

I. INTRODUCTION

Fin 2014, le ministère de l’éducation nationale français a présenté « la stratégie mathématique », un ensemble de mesures visant à améliorer le niveau des élèves. On peut noter la mobilisation de l’algorithmique comme nouvel objet d’enseignement.

L’algorithmique servira, aux côtés de la géométrie, de support à la pratique du raisonnement déductif, à l’image de ce qui se fait dans bien d’autres pays. (Ministère de l’éducation nationale, 2014)

Le raisonnement algorithmique y est alors affiché comme une déclinaison d’un raisonnement classique des mathématiques. Pourtant, ce lien étroit entre raisonnement mathématique et raisonnement algorithmique, nous semble à étudier et fait l’objet de notre recherche. Plus précisément, nous questionnerons l’existence d’outils communs d’analyse du raisonnement dans ces domaines.

II. RAISONNEMENT ET RESOLUTION DE PROBLEME

Raisonner est de par nature une entreprise complexe, souvent implicite ; analyser cette tâche nécessite donc de réfléchir à une grille de lecture, à des indicateurs observables pour objectiver ce processus. La recherche en didactique des mathématiques fournit des cadres théoriques qui permettent cela. Nous supposerons donc que ces cadres, ou du moins l’un d’entre eux, permettent aussi d’analyser le raisonnement algorithmique.

Tout d’abord, il nous faut clarifier la notion d’algorithme. Nous retiendrons la définition de Modeste (2012) qui relie clairement celle-ci à la résolution de problèmes. Le raisonnement algorithmique est donc celui effectué lors de la réalisation de ces derniers. C’est le processus mental lors de ce type de tâches qu’il nous faut observer.

Pour ce faire, nous étudierons les algorithmes sous le prisme d’une conception dans le modèle cK¢ (Balacheff & Margolinas, 2005). Nous nous intéresserons plus particulièrement à ce que les auteurs ont noté ∑, la structure de contrôle qui contient les outils de décision sur la légitimité de l’emploi d’un opérateur ou sur l’état (résolu ou non) d’un problème.

Analyser le raisonnement lors d’une résolution de problème correspond donc, pour nous, à mettre en évidence cette structure de contrôle, ainsi décrite, qui guide l’action et qui permet de s’assurer de la réalisation complète du problème. Ainsi notre volonté est de comparer les outils de décision lors d’une résolution algorithmique ou lors d’un autre type de résolution (algébrique, arithmétique, géométrique, …) d’un problème.

1 Publication réalisée avec le soutien financier de l’ANR, projet DEMaIn (ANR-16-CE38-0006-01). * Institut Montpelliérain Alexander Grothendieck – France – [email protected]

2 sciencesconf.org:emf2018:216875

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III. ANALYSE DES PROBLEMES DU PROJET EULER

Nous avons fait le choix pour notre recherche de nous intéresser à des problèmes suffisamment riches, c’est-à-dire permettant plusieurs types de résolution dont une résolution algorithmique. Nous avons alors puisé dans les problèmes issus du « Projet Euler » 2:

Problem 1 – If we list all the natural numbers below 10 that are multiples of 3 or 5, we get 3, 5, 6 and 9. The sum of these multiples is 23. Find the sum of all the multiples of 3 or 5 below 1000.

Une analyse de ces exercices est en cours et a commencé à mettre en évidence des contrôles qui permettent de guider les décisions prises lors de leur résolution. Pour réaliser celle-ci, nous nous sommes inspirés du travail de Giroud (2012) et la notion de « concept-problème » qu’il développe. Sa schématisation de la résolution d’un problème en une décomposition en sous-problèmes nous semble pertinente pour analyser le raisonnement.

Par exemple, une résolution algorithmique du problème précédent pourrait être sa décomposition en 3 sous-problèmes : comment générer la liste des nombres inférieurs à 1000 ; comment tester si un nombre est un multiple de 3 ou 5 et enfin comment calculer la somme d’une liste de nombres. Ensuite, la résolution de chacun d’eux va mobiliser des outils algorithmiques (boucles, instructions conditionnelles) en fonction de la tâche à accomplir. Notre recherche est donc l’étude de tout ce processus de décision qui légitime les différents choix jusqu’à s’assurer de la résolution ou non du problème. Nous comparerons aussi cette structure de contrôle à celle d’une résolution plus « classique » des mathématiques comme l’utilisation des suites arithmétiques.

Une expérimentation en classe (en terminale) est prévue et nous permettra de confronter cette analyse a priori à la résolution de ces problèmes par des élèves.

IV. CONCLUSION ET PERSPECTIVES

Au-delà de montrer que le cadre théorique choisi, le modèle cK¢ et celui de concept-problème permettent de mettre en évidence le raisonnement algorithmique comme il peut le faire lors de raisonnement plus commun du domaine des mathématiques, nous pensons que notre recherche sur l’analyse de cette « structure de contrôle » liée au raisonnement permettra d’apporter des prémices d’outils à l’enseignement de l’algorithmique. Institutionnaliser les éléments de contrôle entre tâche à effectuer et outils mobilisés pourrait permettre de renforcer la connaissance de ces outils et cela pourrait faire l’objet d’une recherche complémentaire.

REFERENCES

Balacheff, N. & Margolinas, C. (2005) cK¢ Modèle de connaissances pour le calcul de situations didactiques. Dans : Balises pour la didactique des mathématiques, La Pensée Sauvage éditions, pp. 1 – 32.

Giroud, N. (2011) Etude de la démarche expérimentale dans les situations de recherche pour la classe. Thèse de doctorat. Université de Grenoble.

Ministère de l’éducation nationale. (2014) Stratégie mathématique (Dossier de presse). Consulté à l’adresse : http://cache.media.education.gouv.fr/file/12_Decembre/30/2/DP-l-ecole-change-avec-vous-strategie-mathematiques_373302.pdf

Modeste, S. (2012) Enseigner l’algorithme pour quoi ? Quelles nouvelles questions pour les mathématiques ? Quels apports pour l’apprentissage de la preuve ? Thèse de doctorat. Université de Grenoble.

2 https://projecteuler.net - Série de défis pouvant être résolus grâce aux mathématiques ou à l’algorithmique.

3 sciencesconf.org:emf2018:216875

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PENSÉE INFORMATIQUE EN ENSEIGNEMENT DES MATHEMATIQUES

POST-SECONDAIRES : UN CADRE THÉORIQUE

BUTEAU* Chantal – MULLER

* Éric – SACRISTÁN

** Ana Isabel – MGOMBELO

* Joyce

Résumé – Nous voyons un besoin crucial de comprendre comment habiliter les étudiants en

mathématiques à participer à la pensée informatique qui devient une partie intégrale des mathématiques.

Dans notre recherche, nous explorons comment les étudiants en mathématiques de niveau universitaire

peuvent s’approprier la programmation et s’engager dans la pensée informatique pour les mathématiques,

comme le feraient des mathématiciens. Cet article présente le cadre théorique de nos recherches.

Mots clefs : pensée informatique, pensée computationnelle, genèse instrumentale, programmation,

mathématiques postsecondaires, 3e pilier de la recherche scientifique

Abstract –We see a crucial need in mathematics education to understand how students could be

empowered to participate in the computational thinking that is now becoming an integral part of the

mathematics community. In our research, we are interested in examining how university mathematics

students may appropriate programming and engage in computational thinking for mathematics, as

mathematicians would do. In this paper, we present the theoretical framework that grounds our research.

Keywords: computational thinking, instrumental genesis, programming, third pillar of scientific inquiry,

undergraduate mathematics

I. INTRODUCTION

Avant même de l’arrivée des ordinateurs personnels, Papert (1971) imaginait un monde

dans lequel les enfants programmaient naturellement l’ordinateur, les utilisant comme un outil

pour agir en tant que jeunes mathématiciens. Près de 50 ans plus tard, nous assistons à un

regain répandu de l’intérêt porté à cette vision, qui se manifeste par plusieurs réformes

éducatives, en mathématiques et ailleurs (p. ex. En Europe : Bocconi et al., 2016), sous le

couvert de la pensée informatique, aujourd’hui considérée comme une compétence du 21e

siècle.

Wing (2008) décrit la pensée informatique comme un type de pensée critique qui rejoint la

pensée mathématique de par les approches générales par lesquelles on peut aborder la

résolution de problèmes. Mais on observe aussi un apport de l’informatique à une approche

mathématique traditionnelle (sans technologie numérique). Gadanidis et al. (2016) discutent

d’affordances qui, lorsque combinées, mettent en avant une dimension expérimentale à

l’activité mathématique, notamment par la modélisation dynamique et l’automatisation (p. ex.

simulation), des surprises conceptuelles (p. ex. utiliser la programmation pour explorer de

« nouvelles » mathématiques), d’entrées multiples (p. ex. plusieurs angles d’entrées possibles

pour explorer et résoudre un problème mathématiques), et de la sensation tangible (p. ex. avec

diverses visualisations dynamiques de concepts mathématiques). En somme, nous pouvons

décrire celles-ci comme caractérisant, selon les termes de Papert (1980b), un « objet-avec-

lequel-penser » reprenant selon nous l’essence de l'utilisation de la programmation par les

mathématiciens dans leur travail de recherche (Broley, 2015).

Nous voyons un besoin important de comprendre comment on peut habiliter les étudiants

en mathématiques à faire de la programmation, cet objet-avec-lequel-penser qui occupe

aujourd’hui une place si importante dans la communauté mathématique. On s’intéresse donc à

la programmation en tant qu’instrument d’investigation et d’application mathématique plutôt

qu’à la nature mathématique de la programmation. Cet article se concentre sur le cadre

* Brock University – Canada – {cbuteau,emuller,jmgombelo}@brocku.ca

** Cinvestav-Matemática Educativa – Mexico – [email protected]

4 sciencesconf.org:emf2018:209811

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EMF2018 –SPE5 Mathématiques et Informatique 2

conceptuel qui sous-tend notre projet de recherche en cours (2017-2022), financé par le

Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH). Il vise à explorer comment

les étudiants de mathématiques de niveau postsecondaire apprennent à utiliser la

programmation comme un instrument de pensée informatique pour les mathématiques.

Il s’agit d’une étude non interventionnelle qui s’inscrit dans une séquence de trois cours

de mathématiques axés sur la programmation à l’université Brock (Canada). Dans ces cours,

en place depuis 2001 et destinés aux étudiants en mathématiques et aux futurs enseignants de

mathématiques, les étudiants apprennent à concevoir, programmer, et utiliser des

environnements informatiques interactifs pour l’investigation de conjectures, concepts et

théorèmes mathématiques et d’applications de situations réelles (Buteau et al., 2015; Muller et

al., 2009). Les objectifs de notre recherche incluent : (a) décrire la genèse instrumentale des

étudiants de l’utilisation de la programmation en tant qu’instrument de pensée informatique

pour les mathématiques; (b) déterminer s’il y a appropriation et si celle-ci est maintenue au-

delà des exigences du cours; (c) identifier comment les enseignants créent un environnement

d'apprentissage pour soutenir les genèses instrumentales des élèves. Cette étude s'appuie sur

nos recherches passées et en cours (p. ex. Buteau et Muller, 2014; Buteau et al., 2016).

II. CADRE CONCEPTUEL

Nous commençons par discuter plus largement de la pensée informatique et de la

programmation, en nous appuyant notamment sur les travaux de Wing (2008). Nous portons

ensuite notre attention sur la pensée informatique en mathématiques telle que décrite par les

pratiques de recherche des mathématiciens. Cela conduit à une discussion sur la pensée

informatique dans l'enseignement des mathématiques, qui à son tour est éclairée par les

travaux de Weintrop et al. (2016) et par le paradigme constructionniste (Papert et Harel,

1991). Ensuite, nous développons notre vision de l'apprentissage des mathématiques par une

entrée informatique en nous inspirant des travaux de Lave et Wenger (1991). Enfin, nous

présentons l’approche instrumentale de Guin et Trouche (1999) afin d’éclairer notre

compréhension de l'intégration de la technologie dans l'enseignement des mathématiques.

1. La pensée informatique

Wing (2014) décrit ainsi la pensée informatique « les processus de pensée impliqués dans

la formulation d’un problème et de ses résolutions de telle sorte qu’un ordinateur—humain ou

machine—puisse l’effectuer efficacement. » (para. 5)1. Ainsi, la pensée informatique est un

processus sous-jacent à la programmation informatique. Et comme le déclarent Grover et Pea

(2013), la programmation informatique « n'est pas seulement une compétence fondamentale

de [l'informatique] et un outil clé pour soutenir les tâches cognitives impliquées dans [la

pensée informatique], c’est aussi une démonstration des compétences informatiques » (p. 40).

De plus, Wing (2008) explique que l’essence de la pensée informatique se trouve dans

l’abstraction.

La relation qu’entretiennent la programmation informatique et la pensée informatique

avec la pensée et l'apprentissage mathématiques et scientifiques est reconnue depuis le

développement du langage de programmation Logo (voir Papert, 1980a). Cette relation est

mise en évidence dans le cadre tridimensionnel proposé par Brennan et Resnick (2012) qui

caractérise la « pensée informatique » en termes de

les concepts informatiques (les concepts avec lesquelles les concepteurs interagissent dans la

programmation, comme l'itération, le parallélisme, etc.), les pratiques informatiques (les pratiques que

1 Toutes les citations d’origine anglaise sont des traductions libres.

5 sciencesconf.org:emf2018:209811

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développent les concepteurs alors qu’ils interagissent avec les concepts, comme le débogage ou le remixage

du travail d’un autre), et les perspectives informatiques (les perspectives que les concepteurs se forment du

monde qui les entoure et d'eux-mêmes). (p. 1)

Dans les sections suivantes, nous abordons le thème de la pensée informatique en

mathématiques puis celui de la pensée informatique dans l’enseignement et l’apprentissage

des mathématiques.

2. La pensée informatique en mathématiques

La Société mathématique européenne (SME) (2011) a reconnu une nouvelle façon de

s'engager dans la recherche mathématiques : « Avec la théorie et l'expérimentation, un

troisième pilier de l'investigation scientifique des systèmes complexes a émergé dans la

combinaison de la modélisation, de la simulation, de l’optimisation et de la visualisation »

(p.2). En 2016, les mathématiciens qui ont dirigé un semestre thématique de 6 mois sur les

mathématiques numériques dans les applications émergentes au Centre de recherches

mathématiques (CRM) à Montréal (Canada) ont indiqué que :

Un changement fondamental est en train de se produire dans le rôle des mathématiques appliquées et

computationnelles. Le rapport entre la modélisation, l’analyse et les solutions des problèmes

mathématiques dans les applications a changé. […] Dans les applications émergentes, le choix des modèles

va de pair avec les outils computationnels et l’analyse mathématique. (CRM, 2016, paragr. 1)

Ces pratiques émergentes en matière de mathématiques relèvent de la pensée informatique

pour les mathématiques et sont enracinées dans la technologie programmable. En effet, la

taxonomie de Weintrop et al. (2016) (Figure 1) offre un aperçu de l’engagement des

mathématiciens dans la pensée informatique, qui englobe les activités décrites par la SME

(2011) et par les organisateurs du semestre sur les mathématiques informatiques au CRM. Les

travaux de Weintrop et al. sont fondés sur une revue de litérature approfondie, une analyse

d’activités d'apprentissage des mathématiques et des sciences et sur des entrevues avec des

scientifiques tels que biochimistes, physiciens, ingénieurs en matériaux, informaticiens et

ingénieurs biomédicaux. Les auteurs décrivent également ce qu'ils croient être les pratiques

intégrales de la pensée informatique pour les mathématiques et les sciences. Broley, Buteau et

Muller (2017) ont illustré par des travaux de recherche de mathématiciens les différentes

formes de pratiques de pensées informatiques intégrales proposées par Weintrop et al.

Fig. 1 – Taxonomie de la pensée informatique en mathématiques et sciences (Weintrop et al., 2016, p. 135).

En adoptant le cadre de Brennan et Resnick (2012) dans le contexte des mathématiques, le

travail de Weintrop et al. (2016) fournit non seulement des détails spécifiques aux disciplines

sur la dimension des pratiques informatiques, mais met également de l’avant des perspectives

informatiques—c'est-à-dire des perspectives récemment développées par les mathématiciens

sur les mathématiques en tant que discipline « conformément à la nature de plus en plus

informatique des mathématiques et des sciences de l’ère moderne » (Weintrop et al., 2016, p.

127).

6 sciencesconf.org:emf2018:209811

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EMF2018 –SPE5 Mathématiques et Informatique 4

3. La pensée informatique dans l’enseignement et l’apprentissage des mathématiques

De plus, Weintrop et al. (2016) affirment que « l'utilisation variée et appliquée de la

pensée informatique par les experts du domaine fournit un plan détaillé pour l'enseignement

de la pensée informatique » (p. 128). Leur taxonomie détaillée fournit donc une image de ce

que ça représente pour la classe de mathématiques de s'engager dans la pensée informatique

en mathématiques comme le feraient les mathématiciens.

Tel que mentionné précédemment, le langage de programmation Logo et la théorie du

constructionnisme constituent un héritage vieux de 45 ans pour la pensée informatique dans

l’enseignement des mathématiques (Papert & Harel, 1991). La prémisse du paradigme

constructionniste est de créer des situations d'apprentissage centrées sur les élèves afin qu'ils

s'engagent consciemment dans la construction (p. ex. programmer) d'objets tangibles, à

travers des projets—habituellement informatiques—significatifs : « Les gens se construisent

de nouvelles connaissances avec une efficacité particulière quand ils sont engagés dans la

construction d’objets significatifs [...] [c'est-à-dire] quelque chose de significatif pour eux-

mêmes et pour les autres autour d'eux » (Kafai & Resnick, 1996, p. 214).

Des études sur le constructionnisme dans l'enseignement supérieur des mathématiques

montrent comment la programmation aide les élèves dans leur compréhension des concepts

mathématiques (Leron et Dubinsky, 1995) et comment elle contribue au développement de la

pensée critique (p. ex., Abrahamson et al., 2004). En fait, Noss et Hoyles (1996) soulignent

qu'un apprenant, lorsqu'il entreprend de modifier un programme, articule des relations entre

des concepts présents au sein d’un micromonde « et c'est dans ce processus d'articulation

qu'un apprenant peut créer des mathématiques et révéler simultanément cet acte de création à

un observateur » (p. 54). Dans notre travail, nous reconnaissons l'approche constructionniste

pour la mise en œuvre de la programmation et de la pensée informatique qu'elle entraîne, et

concevons l'apprentissage des mathématiques en prenant appui sur des aspects de la théorie de

la cognition située, comme décrite ci-dessous.

4. Apprendre les mathématiques en s’engageant dans une pensée informatique

Notre vision de l'apprentissage s'inspire de quelques idées des travaux de Lave et Wenger

(1991) sur les communautés de pratique. Hoadley (2012) souligne que deux définitions de

communautés de pratique découlent des travaux de Lave et Wenger : (i) une définition basée

sur les caractéristiques, signifiant une communauté qui partage des pratiques et (ii) une

définition basée sur les processus d'apprentissage par lesquels les communautés de pratique

sont considérées comme des groupes dans lesquels prend place un processus constant de

« participation périphérique légitime ». Dans notre travail, on s’appuie sur cette deuxième

définition. Lave et Wenger utilisent le concept de participation périphérique légitime pour

décrire comment les apprenants entrent dans une communauté et adoptent progressivement

ses pratiques. Nous utilisons cette idée de la participation périphérique légitime pour

comprendre comment les étudiants apprennent les mathématiques en s’engageant dans la

pensée informatique. Les « mathématiques » ne sont alors pas considérées comme un

ensemble de connaissances à acquérir par l'étudiant, mais plutôt comme un processus de

participation continuelle par lequel l'étudiant devient progressivement membre d'une

communauté (de mathématiciens). En outre, nous ne voyons pas la pensée informatique d'un

point de vue cognitif (par exemple, voir un ordinateur comme un outil d'apprentissage

interactif illustrant des concepts). Plutôt, nous nous concentrons sur la façon dont les étudiants

créent et utilisent des outils informatiques pour s'engager dans des opportunités de participer

en périphérie à des pratiques considérées comme faisant partie intégrante de la communauté

mathématique, comme indiqué par Weintrop et al. (2016). En d'autres termes, notre emphase

7 sciencesconf.org:emf2018:209811

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est sur la façon dont les étudiants (les novices) se servent de la pensée informatique pour les

mathématiques, comme le feraient les mathématiciens (les vétérans).

Cette vision de l'apprentissage concorde avec le paradigme constructionniste. Papert

(1971) a soutenu que « être mathématicien [...] comme être un poète, un compositeur ou un

ingénieur, c'est faire, plutôt que de savoir ou de comprendre » (p.1, notre traduction), et qu'en

programmant les mathématiques, les apprenants s'engagent dans des « mathématiques

informatiques » (p. 25) à travers lesquelles ils mathématisent. Pour Papert (1980b),

l'ordinateur fournit à l'apprenant un moyen de construire des « objets-avec-lequel-penser» et,

par l'exploration et la découverte dans un certain domaine de connaissances, « permet à un

apprenant de mobiliser des idées productrices ou des habilités intellectuelles » (p.204). Cela

résonne avec le grand nombre de mathématiciens et de scientifiques qui utilisent l'ordinateur

au 21e siècle.

Fig. 2 – Exemples de pratiques en résolution de problèmes informatiques. À gauche : capture d'écran du travail

exploratoire d'un étudiant de premier cycle d’un système dynamique À droite : capture d'écran du travail

exploratoire d'un mathématicien sur une structure de permutation (Broley et al., 2017, pp. 4, 6).

Le travail de Broley et al. (2017), cité plus haut, illustre comment des étudiants du premier

cycle universitaire ont appris les mathématiques à travers la construction d'objets

informatiques interactifs (c’est-à-dire, « objets-avec-lequel-penser ») et comment ces

pratiques s'harmonisent avec celles des mathématiciens : par exemple, l’engagement d’une

étudiante dans les pratiques informatiques de résolution de problèmes—où elle a dû

concevoir, programmer et utiliser un environnement interactif pour explorer, graphiquement

et numériquement, le comportement d'un système dynamique basé sur une fonction cubique à

deux paramètres—montre des similitudes avec l'engagement d'un mathématicien dans ses

recherches sur la permutation de sous-séquences (voir Figure 2). C’est lorsque l’étudiant

devient compétent à s’engager, par la programmation, dans la pensée informatique pour les

mathématiques « comme les mathématiciens le feraient » que nous considérons qu’une

appropriation a eu lieu. Ce qui suit s’intéresse à cette appropriation et à comment on peut en

rendre compte.

5. L’appropriation, par les étudiants, de la programmation en tant qu’instrument de

pensée informatique

Cook et al. (2002) expliquent que l'appropriation est un processus de développement

impliquant des actions exprimées socialement, orientées vers un but et véhiculées par des

outils par lesquelles les apprenants adoptent activement (nous pourrions dire « font siens »)

des outils conceptuels et pratiques, internalisant ainsi les modes de pensée liés aux contextes

spécifiques dans lesquels l'apprentissage a lieu. L'approche instrumentale (Rabardel,

1995/2002) est un cadre utile pour l'analyse de l'intégration technologique (Artigue, 2002;

Guin & Trouche, 1999) et pour mieux comprendre comment les étudiants s'approprient un

outil (technologique).

8 sciencesconf.org:emf2018:209811

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EMF2018 –SPE5 Mathématiques et Informatique 6

L'approche instrumentale décrit comment les artefacts (matériels ou symboliques) sont

appropriés lorsqu'ils sont transformés en instruments à travers des schèmes d'utilisation et

d'action par ce qu'on appelle la genèse instrumentale (Artigue, 2002). Trouche et Drijvers

(2010) suggèrent qu'un instrument a été approprié lorsqu'il existe une « relation significative

entre l'artefact et l'utilisateur pour un type spécifique de tâche » (p. 673). Ainsi, afin d'évaluer

l'appropriation et l'intégration technologique, il est nécessaire d’observer la genèse

instrumentale, en regardant à la fois l'artefact et les schèmes qui lui sont associés. Une façon

de faire cela est de regarder les traces laissées par les élèves dans leur activité et ce qu'ils font

avec l’artefact (Trouche 2004). Il est également nécessaire de prendre en compte l'activité de

l'enseignant : ses conceptions et ses orchestrations des ressources (Trouche, 2004) et

l'intégration instrumentale, qui est « comment les enseignants organisent les conditions pour

une genèse instrumentale de la technologie proposée aux étudiants et dans quelle mesure ils

favorisent l'apprentissage des mathématiques à travers la genèse instrumentale » (Goos &

Soury-Lavergne, 2010, p. 313).

L'intégration instrumentale décrit quatre étapes d’une utilisation croissante de la

technologie en classe (Assude, 2007) : (a) l’initiation instrumentale (étape 1)—les étudiants

s'engagent uniquement dans l'apprentissage de l'utilisation de la technologie; (b) l'exploration

instrumentale (étape 2)—les problèmes mathématiques motivent les élèves à en apprendre

davantage sur l’utilisation de la technologie; (c) le renforcement instrumental (étape 3)—les

étudiants résolvent des problèmes mathématiques avec la technologie, mais doivent étoffer

leurs compétences technologiques; et (d) la symbiose instrumentale (étape 4)—la maîtrise de

la technologie par les étudiants permet d'élargir la tâche mathématiques si bien que ce sont à

la fois les compétences technologiques et la compréhension mathématiques des élèves qui

sont enrichies.

Nous associons ces étapes aux dimensions de développement de la pensée informatique

d'un étudiant du cadre de Brennan et Resnick (2012) : les étapes 1 et 2 aux concepts

informatiques, les étapes 2 à 4 aux pratiques informatiques et les étapes 3 et 4 aux

perspectives informatiques. Et c'est à l'étape 4 que nous soutenons que l'étudiant s'est

approprié la programmation comme un instrument pour les mathématiques « comme le

feraient les mathématiciens » (à la fois en termes de pratiques et de perspectives

informatiques), ce que nous nommons « la programmation en tant qu’instrument de pensée

informatique pour les mathématiques ».

III. PROCHAINES ÉTAPES DE NOTRE RECHERCHE

Dans cet article, nous avons présenté le cadre théorique sur lequel s’appuie notre

recherche, centré sur la façon dont les étudiants de premier cycle universitaire en

mathématiques en viennent à s’approprier la programmation en tant qu'instrument de pensée

informatique pour les mathématiques. Brennan et Resnick (2012) suggèrent des façons

d’évaluer le développement de la pensée informatique d’un apprenant, y compris l'analyse

d’entrevues et de porte-folio de projets. Par conséquent, dans le cadre de notre recherche,

nous collecterons les projets de mathématiques axés sur la programmation des étudiants (14

au total sur les trois cours), ainsi que leurs journaux de bord. leur travail en cours. Des

entrevues finales et des questionnaires seront utilisés à la fin des études du programme de

quatre ou cinq ans des participants, afin d'examiner la durabilité de leur utilisation de la

programmation. Conformément à la recommandation de Trouche (2004), des entrevues semi-

structurées avec les instructeurs de cours, des notes de terrain sur les observations durant les

séances en laboratoire informatique et le matériel de cours permettront de mieux comprendre

les objectifs didactiques des instructeurs et l'environnement d'apprentissage des participants.

9 sciencesconf.org:emf2018:209811

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7

Ces dernières données éclaireront également les décisions pédagogiques des enseignants et

dans quelle mesure elles sont en accord avec le paradigme constructionniste.

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L'ALGORITHMIQUE ET LA PROGRAMMATION POUR LA

CONSTRUCTION DU SENS DE LA DIVISION EUCLIDIENNE

CHAACHOUA1*

Hamid – TCHOUNIKINE2**

Pierre – CRISCI3***

Rosamaria

Résumé – Nous abordons la question de la prise en compte de l’algorithmique à l’école primaire en tant

que compétence générale relevant de la résolution de problème. Nous présentons des caractéristiques, au

niveau didactique et algorithmique, que doivent avoir les tâches constituantes d'une séquence sur la

division euclidienne. En se basant sur ces caractéristiques, l’article présente la construction de la séquence

qui fait objet d’expérimentations dans des classes du cycle 3.

Mots-clefs : Algorithmique, Division euclidienne, Variable didactique, Scratch.

Abstract – We address algorithmic as a general problem solving competence at elementary school. We

present the didactics and algorithmic characteristics of the tasks constituting a teaching sequence for

Euclidean division. We present a teaching sequence based on these characteristics, which is presently

under experimentation in third cycle classrooms.

Keywords: Algorithmic, Euclidean division, didactic variable, Scratch

I. INTRODUCTION

L'enseignement de l'informatique est entré dans les programmes scolaires du cycle 3. Outre

le fait d'utiliser des logiciels usuels (traitement de texte, etc.), ces programmes indiquent qu'il

est souhaitable que les élèves découvrent et pratiquent l'algorithmique et la programmation.

Soulignons que l’introduction de l’algorithmique et de la programmation sont au programme

du lycée depuis 2010 et certains travaux de recherche en didactique se sont intéressés à

l’impact de cette introduction sur l’évolution de l’enseignement des mathématiques (Modeste,

2012) (Haspekian & Nijimbere, 2012).

L'algorithmique est une compétence générale, qui relève de la résolution de problème : un

algorithme est un enchaînement d’actions, dans un certain ordre, qui chacune a un effet, et

dont l’exécution complète permet de résoudre un problème. Un algorithme se décrit

généralement en langage naturel. Il peut faire l'objet d'une programmation, c'est-à-dire d'une

traduction dans un langage interprétable et exécutable par un ordinateur. Des langages de

programmation pour enfants comme Scratch proposent des structures visuelles (des blocs) et

des aides (manipulation des blocs par glissé-déposé, contrôle syntaxique automatique, etc.)

qui font qu'il est possible de superposer la phase d’algorithmique et de programmation : les

élèves écrivent leur algorithme en agençant les blocs Scratch, ce qui permet de l'exécuter

directement.

Dans le cadre du projet EXPIRE4, nous mettons en œuvre un ensemble d'actions qui vise à

coupler une initiation à l'algorithmique et l'enseignement des mathématiques. En particulier,

1 * Univ. Grenoble Alpes, LIG – France – [email protected]

2 ** Univ. Grenoble Alpes, LIG – France – [email protected]

3 *** Univ. Grenoble Alpes, LIG – France – [email protected]

4 EXPIRE (EXpérimenter la Pensée Informatique pour la Réussite des Élèves ; cf.

http://lig-membres.imag.fr/tchounikine/projetEXPIRE.html) est une opération soutenue par

l’État dans le cadre du volet e-FRAN (Espace de formation, de recherche et d’animation

numérique) du Programme d’Investissement d’Avenir, opéré par la Caisse des Dépôts. Il

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EMF2018 – SPE5 2

nous explorons comment utiliser l’introduction en cycle 3 de l'algorithmique et de la

programmation pour en faire des vecteurs d’apprentissage de notions de mathématiques.

Dans cet article, nous présentons les principes didactiques et algorithmiques d'une

séquence focalisée sur la division Euclidienne. La séquence est fondée sur une situation

didactique classique que, par un travail pluridisciplinaire impliquant didacticiens et

informaticiens, nous avons retravaillé. Nous montrons comment le fait de demander aux

élèves de construire un algorithme et de l'exécuter sur ordinateur peut être utilisé pour la

construction du sens des notions de diviseur et de reste.

Le plan de l'article est le suivant : nous présentons d’abord la division euclidienne en tant

qu’objet à enseigner à l’école primaire (§ II) et les objectifs de la recherche (§ III). Ensuite,

nous présenterons les éléments de constructions de la séquence et de sa mise en place (§ IV et

§ V) et enfin quelques résultats préliminaires (§ VI).

II. ENSEIGNEMENT DE LA DIVISION EUCLIDIENNE

La division a deux significations qui peuvent être travaillées dans des contextes différents. La

première signification est celle de division-partage, que l’on rencontre dans des situations de

recherche de la « valeur d’une part ». La deuxième signification est celle de division-

quotition, que l’on rencontre dans des situations de recherche du « nombre de parts ».

Plusieurs situations ont été élaborées pour construire le sens de la division euclidienne et

en particulier le sens du quotient et du reste. En effet, une des difficultés de cette notion est

que c’est une opération dont le résultat est formé de deux nombres.

Dès 1972, Guy Brousseau propose la situation dite de « course à 20 » sous forme d’un jeu

entre deux élèves où il s’agit, pour chacun des adversaires, de réussir à dire 20 le premier, en

ajoutant 1 ou 2 au nombre dit par l’autre. En fait, cette situation se modélise par le jeu de la

« course à n », considérée comme situation fondamentale de la division (Brousseau, 1998). Le

développement d'une stratégie gagnante nécessite de calculer le reste d'une division

euclidienne.

Différentes ressources pour les professeurs des écoles proposent des séquences pour

introduire la division euclidienne. Par exemple, le manuel CAP Maths CM1 (Ermel, 1997)

propose une situation autour de la question « combien de fois un nombre est contenu dans un

autre ? ». Dans la situation, les élèves doivent trouver le plus grand nombre de rubans

identiques, de longueur donnée, dans un ruban donné. Les élèves peuvent manipuler et

réaliser des découpages pour répondre à la tâche ou pour vérifier leur réponse.

Au niveau des programmes, la notion de division est abordée au cycle 2, dans des

situations simples de partage ou de groupement. C’est au cycle 3 que l’on aborde la division

euclidienne de deux entiers, dès le début du cycle.

III. OBJECTIFS DE LA RECHERCHE

Nous avons choisi de travailler le sens de la division euclidienne à partir de la recherche de

nombre de part dans une situation de division-quotitions, et plus spécifiquement autour des

objectifs suivants :

implique l’Université de Grenoble Alpes, la ville de Grenoble, le CCSTI La Casemate, l’Espé

et le Rectorat de l’Académie de Grenoble.

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- Trouver le nombre de parts dans une situation de partage équitable.

- Comprendre la signification du quotient et du reste.

- Comprendre l’écriture de la division euclidienne

L’algorithmique et la programmation forment une approche de la résolution de problème qui

nous semble présenter deux caractéristiques pertinentes. D’une part, écrire un algorithme

amène les élèves à expliciter une procédure de calcul. D’autre part, l’algorithme (ou, dit

autrement, la procédure de calcul proposée par l’élève) peut être exécuté par l’ordinateur. Le

fait que les conditions institutionnelles soient maintenant favorables à la pratique de

l’algorithmique et de la programmation en cycle 3 nous a amené à considérer la question de

recherche suivante : comment exploiter les caractéristiques de l’algorithmique et de la

programmation pour créer des situations didactiques faisant travailler le sens de la division

euclidienne en cycle 3 ?

Pour répondre à cette question nous avons considéré l’enjeu d’apprentissage « donner du sens

aux notions de quotient et de reste » et construit un ensemble de tâches présentant les

caractéristiques suivantes :

1) L’algorithme/programme5 que l’élève doit écrire définit le comportement d’un objet

ou d'un personnage (par exemple, son déplacement) à l’écran.

2) La tâche de l’élève consiste à construire un algorithme qui permet d’obtenir un

comportement cible, qui est stipulé par l’énoncé de l’exercice.

3) L’écriture de l’algorithme nécessite la mobilisation des notions enjeux

d’apprentissage.

4) L’algorithme attendu est une explicitation de la procédure de calcul attendue.

5) L’exécution de l’algorithme permet de visualiser la procédure proposée par l’élève.

Notons que cette recherche vise donc à étudier l'apport d'une séquence où algorithme

et programmation sont réalisés ensemble et exécutés sur l'ordinateur. Il ne s'agit pas

d'étudier l'apport de l'algorithmique en soi, qui peut être travaillée sans ordinateur.

IV. ÉLEMENTS DE CONSTRUCTION DE LA SEQUENCE

Dans la suite, nous présentons les choix fondamentaux de construction de la séquence, qui

reposent sur des choix didactiques et/ou des propriétés de l’environnement informatique. Pour

cela nous nous référons à la Théorie Anthropologique du Didactique (Chevallard, 1999), et

plus précisément au cadre T4TEL (Chaachoua, 2018).

1. Le type de tâches

Il s’agit de considérer une bande numérique avec une case cible et un objet qui peut se

déplacer sur cette bande en faisant des sauts constants.

D 1 2 3 4 … C

Nous avons choisi comme départ, désigné par D, la case qui précède 1, sans introduire le 0.

La case cible est une case désignée par C. Pour définir les sauts nous avons introduit une unité

pas. Ainsi, un saut est définit par un nombre de pas : 1 pas, 2 pas, etc.

5 Dans notre approche, les élèves écrivent directement l’algorithme dans

l’environnement Scratch, et donc écrivent en même temps l’algorithme et le programme

exécutable.

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Afin de pouvoir travailler sur des nombres qui dépassent 100 et compte tenu des

contraintes de l’écran nous avons opté par représenter la bande numérique par une spirale (cf.

Figure 1).

Étant donnée une cible C et un saut S inférieur ou égal à C, il existe un couple d’entiers

unique (q , r) tels que .

Les principes de l’environnement de programmation Scratch permettent de mettre en

œuvre la situation en répondant aux caractéristiques recherchées (1) et (2). Scratch permet de

définir des « lutins » (des objets ou des personnages). Le comportement d’un lutin est régi par

un algorithme. L’algorithme s’écrit par composition de blocs, par exemple « avancer de x »

(qui fait avancer le lutin sur l’écran). Le lutin apparaît sur une « scène » (un écran), vide par

défaut, mais où il est possible de placer un dessin. Ceci permet de créer la situation suivante :

une scène représentant une bande numérique ; un lutin, que nous avons décidé de représenter

par un cercle-repère, positionné sur D (cf. Figure 1) ; et une tâche relevant du type de tâches

T : « écrire un algorithme permettant de faire avancer le cercle-repère de D vers C en

respectant un certain nombre de contraintes (taille des sauts, cases à éviter, etc.) ». Les

données de la tâche, les contraintes de l’interface à respecter et les propriétés de la mise en

œuvre avec Scratch sont liées à différentes variables didactiques6 qui permettent de générer

des types de tâches et des sous-types de tâches à partir de T.

1. Les variables didactiques

Variable V1 : Taille du nombre S (taille des sauts), qui peut prendre deux valeurs :

- Petit, S 10 (actions possibles : saut de 1 pas, saut de 2 pas, …, saut de 10 pas).

- Grand, S > 10 (actions possibles : saut de 11 pas, saut de 12 pas).

Afin de respecter les critères (3) et (4), nous avons défini des blocs Scratch spécifiques

correspondant aux différents sauts autorisés : « Avancer de 1 pas », « Avancer de 2 pas », …,

« Avancer de 12 pas ». L’énoncé de l’exercice précise que ce sont ces blocs qui doivent être

utilisés pour écrire l’algorithme.

Afin de répondre au critère (5), les blocs sont construits pour marquer un arrêt de quelques

dixièmes de seconde à chaque saut. Ainsi, si l’algorithme fait avancer le cercle-repère par

sauts de 3 pas, il marque une courte pause en 3, 6, etc.

Variable V2 : Taille du nombre C (valeur de la case cible), qui peut prendre deux valeurs :

- Petit : C 100.

- Grand : C > 100.

Les valeurs de S et C permettent de favoriser ou non la mobilisation du répertoire de la

multiplication. Ainsi, on s’intéresse à la combinaison de ces deux variables comme suit :

- S 10.

- S > 10 et C 10 * S.

- S > 10 et C > 10 * S.

Afin de disposer de bandes numériques de longueurs importantes, nous les avons

représentées sous la forme de spirales de 85 et 150 cases (cf. Figures 1 & 2). Les blocs

6 Bien que la notion de variable didactique est empruntée à la théorie des situations

didactiques nous l’utilisons dans le cadre de la T4TEL (Chaachoua, 2018).

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« Avancer de n pas » sont construits pour suivre cette spirale (l’élève n’a pas à « faire

tourner » le cercle-repère).

Variable V3 : Reste, qui peut prendre deux valeurs :

- Reste nul.

- Reste non nul.

Dans le cas où le reste est nul, on retrouve les notions de multiples et diviseurs.

Variable V4 : Visualisation des sauts, qui peut prendre deux valeurs :

- Sans trace : chaque saut est indiqué par une courte pause uniquement.

- Avec trace : les cases correspondant aux sauts sont marquées.

Cette variable relève du critère (5), et permet de moduler la visualisation des sauts (i.e., de

la procédure de l’élève) pendant l’exécution du programme. Cette rétroaction permet

notamment de rendre visible la régularité des sauts, qui est un élément pouvant aider à la

compréhension du sens de dans cette situation.

Figure 1 : La bande numérique (taille 85, cercle-repère en 36, cible en 38, avec traces de sauts de taille 4)

Variable V5 : Présence de cases interdites

Les cases interdites sont des cases où le cercle-repère ne doit pas s’arrêter. Ce type de

contraintes est intéressant dans le cas où le reste est nul et l'élève doit choisir parmi plusieurs

sauts possibles.

Figure 2 : La bande numérique (taille 150, cercle-repère en D, cible en 105, avec des cases interdites en 25 et 48)

Variable V6 : Masquage de la bande numérique

Les valeurs de la bande numérique peuvent être masquées (une série de cases successives

sont remplacées par un trait). Cette variable permet de bloquer des procédures basées sur

l’énumération.

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Figure 3 : La bande numérique (taille 85, cercle-repère en D, cible en 33, avec des cases masquées)

V. PRÉSENTATION DE LA SÉQUENCE

La séquence est organisée en 4 phases. La première permet de travailler les prérequis sur les

multiples et les diviseurs. La deuxième porte sur la détermination du quotient et le sens du

reste. La troisième porte sur la détermination du quotient et du reste, ainsi que l’écriture de la

division euclidienne. Enfin, la dernière est une phase d’institutionnalisation du savoir appris à

travers la résolution du problème.

Nous présentons dans ce paragraphe les choix des valeurs des différentes variables par

rapport aux procédures et aux enjeux d’apprentissage dans la construction des trois premières

phases. Concrètement, chaque phase correspond à une série d'exercices que les élèves doivent

réaliser, chaque exercice correspondant à des valeurs différentes des variables didactiques.

1. Phase 1

L’objectif de cette phase est de travailler les prérequis sur les multiples et les diviseurs. Les

tâches stipulent qu'il faut déplacer le cercle-repère sur la bande numérique pour atteindre une

case cible en utilisant un type de saut choisi entre 1 et 9.

Considérons 3 tâches correspondantes à des choix de valeurs de variables différentes.

- La tâche 1 où la cible est C = 24. Les sauts possibles sont 1, 2, 3, 4, 6, 8. La technique

mobilise la notion de diviseurs, ici les diviseurs de 24.

- La tâche 2, où l'on conserve la cible mais où l'on place des bombes sur 9 et 14. Dans ce

cas, seuls les sauts 4, 6 et 8 sont gagnants (il faut choisir un diviseur de 24 qui ne soit

pas diviseur des bombes).

- La tâche 3, où la cible est 84 et où l'on place une bombe sur 36. Dans ce cas, il y a un

seul saut gagnant : 7.

Dans les deux tâches 1 et 2, le choix de la valeur C = 24 permet la mobilisation du répertoire

de multiplication (variable V2). Ensuite, le choix des cases interdites par des bombes

(Variable V5) disqualifie certaines techniques basées sur un choix aléatoire du saut. La tâche

disqualifie, d’une part, la mobilisation du répertoire de la multiplication, et, d’autre part, le

choix aléatoire de saut. Ainsi, la réussite de la tâche 3 nécessite la mobilisation des

connaissances sur les multiples et diviseurs.

Nous voyons que ces 3 tâches répondent aux caractéristiques recherchées (1) et (2).

2. Phase 2

Dans cette phase, on introduit un reste non nul (variable V3). Les exercices stipulent qu'il

faut que le cercle-repère se rapproche au maximum du nombre encadré C, sans le dépasser, et

en utilisant le saut stipulé par l’énoncé de l'exercice.

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Plusieurs procédures sont possibles : procéder par tâtonnement, mobiliser des multiples,

compter les traces des sauts ou effectuer la division (mais cette dernière elle n’est pas

attendue). Nous avons joué sur les valeurs des différentes variables pour faire émerger la

division euclidienne.

Dans cette phase, nous avons décidé de garder les traces (variable V4) pour permettre de

bien visualiser la régularité des sauts. Celle-ci sert également de contrôle dans certaines

procédures. Dans les différents exercices, nous avons combiné les valeurs des variables V1 et

V2 par rapport au répertoire de la multiplication.

3. Phase 3

L’objectif de cette phase est l’explicitation du reste. Pour cela, les exercices stipulent qu'il faut

utiliser deux types de sauts : un saut (quotient) qu’il peut utiliser autant de fois qu’il le

souhaite, et un autre (reste) à n'utiliser qu'une seule fois, et qu'il doit choisir dans une liste.

Exemple d'exercice : Écrivez un programme dans Scratch pour permettre au cercle-repère

d’arriver exactement sur le nombre encadré (i.e., la cible, qui est mise en évidence sur la

bande numérique), en utilisant le saut indiqué (autant de fois que vous souhaitez), et en

utilisant une seule fois un joker au choix (des sauts de 1 à 6). Dans cet exercice, C = 97 et S =

7, et nous avons choisi de ne pas laisser de traces des sauts. L'algorithme attendu est présenté

en Figure 4.

Figure 4 : Un algorithme / programme attendu

4. Un élément essentiel de chaque phase : la traduction vers le registre numérique

Les séances et exercices que nous élaborées sont fondées sur un choix important : la tâche

des élèves est de construire un algorithme, et la rétroaction qu'ils reçoivent est le résultat de

son exécution à l'écran. Il n'y a pas volontairement pas de rétroaction automatique sur les

caractéristiques de la solution proposée : cette tâche est confiée à l'enseignant.

Le travail de l'enseignant est donc fondamental. En particulier, en plus de l'étayage et/ou de

la validation, il est essentiel qu'il fasse des synthèses sur la traduction des algorithmes vers des

écritures dans le registre numérique. Ainsi, dans l’exemple de la Figure 4, il faut faire le lien

avec l’écriture : 97 = 13 * 7 + 6.

Ce type de traduction peut passer par des verbalisations du type "pour atteindre la cible 97

on avance de 7 pas 13 fois, puis on avance de 6 pas". Cette verbalisation peut être traduite

sous la forme "Cible = (Nombre de sauts * Type de saut) + Joker" pour amener à l'écriture

décontextualisée Dividende = (Quotient * Diviseur) + Reste.

VI. RÉSULTATS PRÉLIMINAIRES

La séquence a été déployée dans une cinquantaine de classes de CM1 et de CM2. Sa mise

en œuvre par les enseignants n'a pas révélé de problème.

Les observations que nous avons menées dans certaines classes montrent que les élèves

s'impliquent très facilement dans la résolution de problème et la création d'algorithmes. Lors

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des bilans collectifs, les élèves s’appuyaient sur des notions mathématiques (multiples,

diviseurs) pour expliquer l’algorithme qu’ils avaient produit. La traduction de l’algorithme en

égalités numériques était un moment fort pour la mobilisation et l’explicitation des

connaissances mathématiques.

Nous avons réalisé des pré-tests/post-tests qui ont été soumis aux élèves individuellement

dans l’environnement papier/crayon. Chaque test était constitué de 5 types de tâches visant

spécifiquement à faire émerger des données relatives à la réponse et à la technique employée.

Afin de traiter et analyser ces données, nous avons conçu une grille de codage qui met

notamment en évidence les relations entre (1) la réponse de l’élève à l’exercice, (2) la

technique utilisée par l’élève et (3) les variables des types de tâches et leurs valeurs : gestion

du reste (oui/non), type de situation (division-quotition/division-partage), taille des nombres

(petits/grands) et réponse attendue (quotient/reste/quotient et reste). Le traitement exploratoire

des données de deux classes de CM2 fait notamment apparaître un taux de variation de

+100% sur la validité de la réponse pour les types de tâches nécessitant une gestion du reste.

De plus, l’évocation de techniques basées sur l’opération de division posée a également vu

une augmentation substantielle (taux de variation égal à +170%). Ce traitement exploratoire

suggère que la séquence amène les élèves à travailler les compétences visées.

VII. CONCLUSION

L'enseignement de l'informatique au cycle 3 peut être abordé avec des objectifs très

différents, cf. l'analyse présentée dans (Tchounikine, 2016). Dans cet article, nous avons

présenté un travail en cours qui étudie comment introduire la pensée informatique à l’école

primaire comme un vecteur pour l’apprentissage des mathématiques.

Sur l'exemple de la division Euclidienne, nous avons montré qu'il est possible de créer des

tâches où les élèves sont amenés à écrire un algorithme qui mobilise les notions enjeux

d'apprentissage mais, également, qui est une explicitation de la procédure de calcul proposé

par les élèves. L'exécution du programme permet donc d'obtenir une trace d’exécution de la

procédure de calcul que propose l'élève. Cette ressource peut être exploitée par l'élève et, bien

sûr, l'enseignant.

REFERENCES

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modèle praxéologique. In 6e congrès pour la Théorie Anthropologique du Didactique.

Autrans. Janvier 2018.

CHEVALLARD Y. (1999) L’analyse des pratiques enseignantes en théorie anthropologique

du didactique. Recherches en didactique de mathématiques, 19(2), 221-265.

ERMEL (1997). Manuel Ermel CM1, Apprentissage numériques et résolution de problèmes. Hatier.

TCHOUNIKINE P. (2016). Initier les élèves à la pensée informatique et à la programmation avec Scratch. Revue EpiNet n° 182, http://lig-

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MODESTE S. (2012) nseigner l’algorithme pour quoi uelles nou elles questions pour

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l’Université Joseph Fourier. Grenoble.

HASPEKIAN M. & NIJIMBERE C. (2012) Les enseignants face à l’entrée de

l’algorithmique dans l’enseignement des mathématiques au lycée scientifique en France. In

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RECHERCHE BINAIRE ET MÉTHODE DE DICHOTOMIE,COMPARAISON ET ENJEUX DIDACTIQUES À L’INTERFACE

MATHÉMATIQUES - INFORMATIQUE1

MEYER * Antoine – MODESTE** Simon

Résumé – Nous analysons deux problèmes et leurs résolutions qui relèvent du paradigme « diviser pourrégner » en algorithmique. Nous montrons que cela permet d'identifier des contenus restés implicites etde mettre en avant des enjeux didactiques à l'interface des mathématiques et de l'informatique.

Mots-clefs : recherche binaire, dichotomie, diviser pour régner, algorithmique

Abstract – We analyse two problems and their solutions, related to the “divide and conquer” algorithmicparadigm. We show that this allows us to identify implicit contents and to highlight didactical issues atthe interface between mathematics and computer science.

Keywords: binary search, bisection, divide and conquer, algorithms

I. INTRODUCTION

Dans de nombreux curriculums du secondaire apparaissent des contenus d’algorithmique et deprogrammation, et plus généralement d’informatique. En France, ces sujets ont été introduitsdepuis 2009 au lycée (grades 10 à 12) et plus récemment au collège (grades 6 à 9) – voir(MEN, 2009a, 2015, 2017a) pour les programmes du collège et de seconde. Une particularitéde ces enseignements est qu’ils ont lieu, entre autres, dans les programmes de mathématiques.Cela questionne la relation entre mathématiques et informatique permise dans ce cadre etpousse à faire des liens entre les deux disciplines. Il faut noter que beaucoup des questions quise posent à ce sujet dans le secondaire se posent aussi dans l’enseignement supérieur (voirOuvrier-Buffet et al., 2018).

Par ailleurs, les liens entre mathématiques et informatique sont étroits. On peut mentionnerleurs fondements logiques communs, l’apport particulier de l’informatique auxmathématiques et réciproquement les questions que pose l’informatique aux mathématiques,ou encore les champs qui se développent à l’interface des deux disciplines (Modeste, 2015).Le projet ANR DEMaIn2, dans lequel se développe le travail présenté ici, se propose d’étudierles relations entre mathématiques et informatique en faisant l’hypothèse qu’un travailépistémologique est indispensable pour identifier les questions didactiques qui émergent del’introduction d’informatique dans les programmes de mathématiques.

Nous proposons d’étudier deux problèmes classiques, présents dans le secondaire et lesupérieur, pour lesquels un algorithme de type diviser pour régner existe : la recherched’élément dans une liste triée et la recherche de zéro d’une fonction. À travers cette analyse,nous souhaitons montrer les questions mathématiques qui sont soulevées, la nature despreuves qui sont en jeu, et la complexité cachée de certaines notions. Ce travail nous semblecaractéristique du type de travail qui est à mener autour des questions d’interactionsmathématiques-informatique, et met en avant plusieurs points d’articulation : l’étude desalgorithmes en tant qu’objets, les rapports entre discret et continu, les notions de complexité

1 Réalisé avec le soutien financier de l'ANR, projet DEMaIn <ANR-16-CE38-0006-01>.* LIGM (UMR 8049), UPEM, CNRS, ESIEE, ENPC, Université Paris-Est, 77454 Marne-la-Vallée –France – [email protected]** IMAG, Université de Montpellier, CNRS, Montpellier – France – [email protected] Le projet DEMaIn, Didactique et Épistémologie des interactions entre Mathématiques et Informatique,démarré en 2017, a pour objectif d'étudier ces questions particulières et de développer des ingénieriesdidactiques autour de deux axes complémentaires : Fondements scientifiques (logique, algorithmique, langages,preuve) et Concepts et objets (informatique mathématique, mathématiques discrètes, représentation des objets).

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et de vitesse de convergence, les enjeux de preuve et de constructivité, les paradigmesalgorithmiques3, etc. La question de la dichotomie nous semble emblématique de ces enjeux.

Nous présentons une étude fine des problèmes concernés pour mettre en avant les enjeuxdisciplinaires, épistémologiques et didactiques qui se posent. Nous défendrons l’hypothèseque cette analyse préalable permet d’analyser comment certains aspects du thème de ladichotomie sont pris en charge ou non dans les ressources d’enseignement ou de formation.

II. RECHERCHE DE POSITION DANS UNE LISTE TRIÉE

La recherche d’élément dans une collection est une tâche essentielle en informatique, à la basede nombreux algorithmes plus complexes. C’est aussi l’un des problèmes classiques abordésdans tout cours universitaire d’algorithmique – voir par exemple (Cormen, Leiserson, Rivest,& Cazin, 1994; Sedgewick, 1988) – et constitue de ce fait un objet d’étude incontournable. Ceproblème donne lieu à une résolution emblématique de l’approche diviser pour régner, donttraitera la section suivante. D’un point de vue mathématique, on peut noter que la notion derelation d’ordre, ou d’ensemble ordonné, est au cœur de la question. Il existe plusieursvariantes du problème de recherche de la position d’un élément dans une liste triée. Toutesdonnent lieu à des résolutions algorithmiques semblables. Pour les besoins de notrediscussion, nous nous arrêtons à la version suivante du problème :

Problème P1 : position d’insertion dans une liste triée.Étant donnés une liste croissante de entiers et un nombre entier ,déterminer le plus petit indice tel que , ou si .

La question est de savoir à quel “emplacement” on peut insérer un nouvel élément dansune liste déjà triée tout en préservant sa monotonie. Une réponse indique que l’élément doitêtre inséré entre les éléments et (ou en début ou fin de liste si vaut ou ). Onimpose aussi que soit le plus petit possible, c’est à dire que si existe alors .Pour résoudre ce problème, on se place dans un modèle de calcul où les seules opérationsélémentaires considérées sont l’accès à un élément de la liste et la comparaisons de deuxnombres. On cherche à déterminer un algorithme le plus efficace possible, au sens de lacomplexité asymptotique en nombre d’opérations élémentaires (complexité en temps).

Un algorithme simple (dit de recherche linéaire) consiste à balayer entièrement la liste par indices croissants, en s’arrêtant au premier indice qui convient. Cet algorithme effectue aupire comparaisons. Une méthode moins coûteuse découle du constat que lorsqu’on compare avec l’un des , si il n’est donc pas nécessaire de considérer les indices supérieurs ;

de même si on peut ignorer les indices inférieurs ou égaux à . Une méthode efficaceconsiste donc à éliminer le plus grand nombre possible de cas en comparant à l’élémentd’indice médian dans l’intervalle restant à explorer. L’algorithme correspondant est appelérecherche par dichotomie, ou recherche binaire (binary search) :

Algorithme A1 : Recherche de l’indice d’insertion de dans .1. On pose , les bornes initiales de l’intervalle de réponses possibles.2. Si , il reste une seule solution possible, répondre .3. Sinon, soit :

Si b , on pose et on reprend au point 2 ; Sinon, on pose et on reprend au point 2.

Voici une implémentation itérative possible de l’algorithme A1 en langage Python 3 :

3 En informatique, on appelle souvent « paradigmes algorithmiques » les principales familles de méthodes derésolution de problèmes (par exemple l’approche diviser pour régner, la programmation dynamique, lesalgorithmes de back-tracking, etc.)

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def indice_insertion(lst, b): g, d = 0, len(lst) # intervalle initial de recherche while g < d: m = (g + d) // 2 # indice médian (arrondi par défaut) if b <= lst[m]: d = m # on élimine les indices > m else: g = m+1 # b > lst[m], on élimine les indices <= m return g # ici g == d

Nous fournissons ici une analyse détaillée de l’algorithme A1, dans le but d’illustrer le typede techniques mathématiques utilisées pour cela. Nous nous intéressons à la preuve determinaison de l’algorithme (le fait qu’il s’arrête pour toute instance) ; de sa correction (le faitque la réponse fournie est la bonne pour toute instance), à l’étude de sa complexité (nombred’opérations nécessaires en fonction de la taille de la liste) et à son optimalité (la preuve qu’iln’existe pas d’algorithme résolvant ce problème avec une meilleure complexité au pire).

Preuve de terminaison. Considérons les valeurs de et à chaque exécution de l’étape 2de l’algorithme A1 sur une instance donnée. Les valeurs successives de

forment une suite strictement décroissante d’entiers naturels, qui atteint doncnécessairement la valeur 0, ce qui provoque l’arrêt de l’algorithme. En effet, en supposant

à un passage à l’étape 2 (le cas où est trivial), notons et les nouvellesvaleurs de et calculées à l’étape 3. Comme on a . Selon la valeur de on a soit et , soit et , ce qui implique que

.

Preuve de correction. Soit une instance du problème, et le résultatassocié. Soit le nombre de passages par l’étape 2 de l’algorithme (qui est fini commedémontré ci-dessus). Posons et les suites de valeurs respectives de et à chaque exécution de cette étape. Nous allons établir par récurrence sur la propriété

. Premièrement, est vraie car , et par définition. Supposons à présent pour et montrons . Par hypothèse de

récurrence, . On calcule . Deux cas se présentent : si ,comme est croissante et par définition de on a . Or et , donc

. Pour les mêmes raisons si , nécessairement . Or et , donc . On déduit de ce qui

précède que est vraie pour tout , et en particulier que , ce quiconclut la preuve puisque .

Analyse de complexité. Montrons que l’exécution de A sur toute instance , avec de longueur , effectue dans tous les cas opérations élémentaires, arrondi par défaut oupar excès. Plaçons-nous à l’étape 2 de l’algorithme, pour des valeurs quelconques de et telles que . Soit , nous allons montrer par récurrence fortesur que A1 fournit un résultat en un nombre d’étapes compris entre et . Si

, on vérifie bien que . Sinon, supposons la propriété vraie à tout rangstrictement inférieur à . Comme la condition de l’étape 2 n’est pas vérifiée, oneffectue donc l’étape 3 puis à nouveau l’étape 2. Appelons et les valeurs de et aupassage suivant par l’étape 2. On distingue deux cas. Si pour un certain

un simple calcul montre que . Par hypothèse de récurrence, onobtient que , autrement dit . Sinon, soit l'unique entier tel que . On peut montrer que

, ce qui implique que .Par hypothèse de récurrence, on obtient donc que , soit

. La propriété est donc vraie pour toutes valeurs initiales . En

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particulier pour et on obtient que l’exécution complète de A1 effectue au pireaccès aux éléments de , et exactement si pour un certain .

Preuve d’optimalité. On raisonne maintenant sur la classe de tous les algorithmes quirésolvent le problème P1 dans le modèle de calcul précédemment décrit. L’ensemble desexécutions de tout algorithme de ce type sur une suite à éléments peut être représenté parun arbre binaire appelé arbre de comparaisons, dont chaque nœud interne correspond à lacomparaison d’un élément de et d’un autre nombre, et dont chaque feuille représente uneréponse de l’algorithme. Il est important de comprendre ici qu’un même arbre représente lesexécutions possibles de l’algorithme sur toutes les suites de taille , chaque branchereprésentant la suite de comparaisons effectuée sur une instance particulière. La longueur desplus longues branches correspond donc à la complexité au pire sur les suites de cette taille.

On appelle hauteur d’un arbre la longueur (le nombre d’arêtes) de sa branche la pluslongue. Tout arbre binaire possédant feuilles est nécessairement de hauteur au moins

, ou dit autrement un arbre binaire de hauteur possède au plus feuilles. Dans lecas présent, comme tous les entiers entre 0 et sont une issue possible du calcul (positionsd’insertion possibles d’un élément dans une suite de taille ), chacun d’entre eux doit êtrereprésenté par au moins une feuille de l’arbre, qui doit donc avoir au moins feuilles.Ainsi, au moins une des branches doit être de longueur supérieure ou égale à .On en déduit que tout algorithme résolvant ce problème doit effectuer au moins comparaisons dans le pire cas. On a bien ici un minorant de la complexité du problème en lui-même, et non d’un algorithme spécifique le résolvant, puisqu’on a raisonné sur un algorithmequelconque. Puisque l’algorithme A1 étudié précédemment effectue au plus accès aux éléments de (et donc comparaisons), il est dit optimal. C’est une caractéristiquefondamentale de cet algorithme et de ses variantes.

III. UN CADRE GÉNÉRAL : L’APPROCHE “DIVISER POUR RÉGNER”

L’algorithme de recherche binaire est un représentant de la méthode de résolution deproblèmes « diviser pour régner » (divide and conquer). La particularité de ces méthodes estd’exhiber une structure commune, décrite par exemple dans (Cormen et al., 1994) :

• Étape diviser : on subdivise l’instance donnée en un certain nombre de sous-instancesplus petites du même problème ;

• Étape régner, ou en anglais conquérir : on résout récursivement chaque sous-instance,ou si certaines sont de très petite taille on donne leur solution directement ;

• Étape combiner : on déduit de la solution à chaque sous-instance une solution àl’instance de départ.

De nombreux problèmes admettent une résolution de ce type, qui permet d’exprimer lacomplexité des algorithmes-solutions par une formule de récurrence. Dans le cas particulieroù l’instance à traiter est subdivisée en sous-instances de tailles (quasiment) égales, unrésultat appelé “théorème maître” donne une expression approchée de la complexité :

Théorème maître (Cormen et al., 1994, théorème 4.1, p. 70).Soient et deux constantes, une fonction, et soit la suited’entiers naturels définie par , où l’on interprète soitcomme , soit comme . admet l’une des estimations asymptotiquessuivantes :

• Si pour une constante , alors .• Si , alors .

• Si pour une constante , et si pour une constante et pour suffisamment grand, alors

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Les cas de base de la définition de sont omis de l’énoncé par simplicité. Nous neprésentons pas la preuve du théorème ici mais il est intéressant de noter que celle-ci utilise desarguments du même type que ceux rencontrés ci-dessus, en particulier une réflexion surl’arbre des sous-instances récursives, sa hauteur et son nombre de feuilles.

Nous disposons ainsi d’une méthode générale pour obtenir une estimation asymptotique dela complexité (disons ) de l’algorithme A sur une liste de taille . En effet celle-cis’exprime par la formule , on peut donc appliquer le théorème maîtreavec , et . Comme , le cas 2 du théorème s’appliqueet on obtient directement .

IV. DÉMONSTRATION PAR DICHOTOMIE : L’EXEMPLE DU THÉORÈME DESVALEURS INTERMÉDIAIRES

Le raisonnement par dichotomie est un outil classique des mathématiques, qui apparaît dans ladémonstration de théorèmes bien connus d’analyse, comme le Théorème des valeursintermédiaires ou encore le Théorème de Bolzano-Weierstrass. Il relève d’une approche detype “diviser pour régner”, dans un sens moins algorithmique que précédemment évoqué. Cetype d’argument apparaît également sous une forme plus simple dans le raisonnement pardisjonction de cas (par exemple selon le signe ou la parité d’un nombre), ou de manièrelégèrement différente dans le raisonnement par induction structurelle, très utilisé eninformatique théorique par exemple. Dans cette section, nous nous intéressons à l’usage d’unraisonnement de ce type dans une démonstration d’un cas particulier du théorème des valeursintermédiaires, parfois appelé Théorème de Bolzano (Guillemot, 1990) :

Théorème des valeurs intermédiaires (cas particulier, dit Théorème de Bolzano)Pour toute fonction continue sur l’intervalle et telle que , il existe tel que .

Nous proposons ici une démonstration par dichotomie utilisant le théorème (ou axiome) dessuites adjacentes. Il est intéressant de noter que la démonstration originelle de Bolzano utilisela propriété de la borne supérieure (Guillemot, 1990), qui peut être vue (à nouveau par unargument de dichotomie) comme une conséquence du théorème des suites adjacentes.

Démonstration – tirée de (Perrin 2017): Si ou est nul le résultat est évident.Sinon, on peut supposer et , quitte à appliquer le théorème à . Onconstruit par récurrence deux suites adjacentes et , avec et . On passede à en considérant . S’il est positif, on pose et

, sinon on pose et . Soit la limitecommune de et . Comme est continue, les suites et convergentvers . Mais comme et , .

V. DICHOTOMIE EN ANALYSE NUMÉRIQUE : RECHERCHE DE ZÉRO

Une application directe de la preuve donnée dans la section précédente consiste à rechercherpar une méthode de dichotomie (ou bisection method) un encadrement d'un zéro d’unefonction supposée continue et dont le signe change sur l’intervalle étudié. Cette applicationest exploitée dans de nombreuses ressources à destination des enseignants de lycée, parexemple dans les documents ressources officiels sur l’algorithmique de 2009 et 2017 (MEN,2009b, 2017b). Ces ressources appellent à une analyse plus détaillée, que nous ne pouvonsdévelopper ici faute de place mais sur laquelle nous reviendrons lors du colloque.

On considère donc le problème suivant :

Problème P2 : encadrement du zéro d’une fonction.24 sciencesconf.org:emf2018:217493

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Soit une fonction continue sur un intervalle , soient deux points de et un réel. Déterminer tel que admet un zéro dans .

Une fonction Python proposée en réponse à ce problème est fournie dans (MEN, 2017b) :

def dichotomie(f, a, b, epsilon=0.0001): assert(f(a) * f(b) < 0 and a < b) while b - a > epsilon: c = (a + b) / 2 if f(a) * f(c) <= 0: a, b = a, c else: a, b = c, b return (a + b) / 2

La seconde ligne de cette fonction a pour effet de stopper le calcul si la fonction ne changepas de signe sur l’intervalle (ou si l’intervalle est vide). On note cependant que lacontinuité de est laissée à l’état d’hypothèse et n’est pas vérifiée faute de moyen approprié.Il est également courant de « protéger » le calcul en imposant une borne fixe sur le nombremaximal d’itérations.

L’une des difficultés rencontrées par ce type de procédure est qu’un programme nemanipule pas des nombres réels mais des représentations approchées (en général des nombresà virgule flottante, de précision limitée). Il est donc concevable que pour certaines fonctions possédant des points d’images très proches de , le résultat renvoyé par la fonctiondichotomie soit en réalité très éloigné d’un véritable zéro de la fonction, la comparaison iff(a) * f(c) <= 0 pouvant se révéler trop imprécise. Par exemple, définissons en Python lafonction , complétée en par :

def f(x): if x == 0.3: return 0 else: return (x - 0.3) * exp(-1 / (x - 0.3)**2)

Cette fonction est continue et strictement monotone sur et s’annule en . L’exécutionsur f de la fonction dichotomie définie ci-dessus donne un résultat incorrect :

>>> dichotomie(f, 0, 1)0.250030517578125

On trouve dans (Burden & Faires, 2010) une description détaillée de la méthode de bissection,de ses propriétés (notamment sa vitesse de convergence, qualifiée de « comparativementlente ») et de ses autres limitations (sensibilité aux erreurs d’arrondi), ainsi qu’une discussionsur d’autres critères de continuation possibles en lieu et place du test b - a > epsilon. Ontrouve également dans (Bridges & Vîţă, 2006, p.2) une discussion sur l’aspect non constructifde cette méthode, qui implique qu’il n’est pas possible de la « réparer » en recourant parexemple à des représentations des décimaux en précision arbitraire. Leur validité n’étant pasgarantie, on peut avancer que les programmes de ce type ne constituent pas des algorithmesau sens strict (mais plutôt des méthodes numériques approchées).

VI. BISSECTION ET RECHERCHE BINAIRE : UNE COMPARAISON

Les procédures de résolution des problèmes P1 et P2 semblent proches et relèvent toutes deuxdu paradigme diviser pour régner. Mais elles comportent des différences fondamentales, afortiori dans un contexte d’enseignement. Nous citons ici les points les plus marquants.

La première différence entre ces problèmes est leur contexte d’application. Le problème P1met en jeu des objets discrets, élémentaires en informatique, mais qui ne semblent pas

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toujours identifiés par les enseignants comme relevant du domaine mathématique qu’ils sontchargés d’enseigner. Le problème P2 met en jeu des fonctions à variable réelle, qui ont un lienfort avec les programmes d’analyse du lycée (notamment le théorème des valeursintermédiaires), mais peut de ce fait présenter une difficulté mathématique accrue pour lesélèves, au risque de masquer les enjeux algorithmiques sous-jacents. En particulier, lesquestions de choix d’un critère d’arrêt et d’interprétation du résultat obtenu sont des pointsdélicats.

Une autre différence concerne la discussion sur l’efficacité de la procédure. Dans lepremier cas, on a vu que la recherche binaire (algorithme A1) est optimale au sens de lacomplexité algorithmique, grâce à un argument de dénombrement. Par contraste, la notion devitesse de convergence propre à l’analyse numérique diffère sensiblement de celle decomplexité algorithmique « classique », et l’analyse de l’efficacité de la méthode debissection ne peut être aisément abordée par des arguments du même type. En présenced’hypothèses plus fortes de régularité des fonctions, d’autres méthodes peuvent convergerplus rapidement.

Enfin, comme évoqué plus haut, une implémentation directe de la méthode de bissectionest sensible aux problèmes d’arrondi liés au choix de représentation des nombres réels. Cetaspect constitue une troisième et dernière différence, peut-être la plus importante dans uncontexte d’enseignement.

Il est tentant pour mesurer la distance conceptuelle qui sépare ces deux problèmes dechercher à déterminer, étant donnée une instance du problème P1, une instance

du problème P2 dont la solution permettrait d’en déduire la réponse au problèmeP1 sur , et réciproquement (on parle de réductions). Cependant, cette tâche s’avère assezfastidieuse et ne semble pas apporter d’éclairage nouveau sur les questions qui nous occupent.

Malgré les différences relevées entre les problèmes P1 et P2, on constate qu’une variantesimplifiée du problème P1 (« jeu du nombre à deviner ») est fréquemment convoquée commepréalable (voire comme équivalent simplifié) au problème P2, par exemple dans (MEN,2009b). Au delà d’une exposition à l’idée de dichotomie, il ne nous semble pas évident apriori que ceci favorise une compréhension fine du problème P2 par les élèves. En particulier,comme discuté précédemment, l'optimalité de l'algorithme de recherche binaire ne peutconstituer une justification de la pertinence de la méthode de bissection dans la recherche dezéro d'une fonction, comme le propose MEN (2009b). Le problème P1 général est quant à luitrès rarement rencontré, à part dans certaines ressources « expertes » pour la formationd’enseignants. Notre hypothèse est que les problèmes de traitement de données (tri,recherches, etc.) ne sont pas reconnus par les enseignants de mathématiques ou les institutionsd’enseignement des mathématiques comme relevant d’une interaction avec les mathématiques(alors que, par exemple, la notion d’ordre y est prégnante).

VII. CONCLUSION ET PERSPECTIVES DIDACTIQUES

Nous avons exposé deux problèmes classiques et leurs solutions, dans deux contextes, l'un enalgorithmique classique sur les listes finies, l’autre en analyse numérique approchée.L’approche dominante au lycée du thème de la dichotomie semble être la recherche de zérod’une fonction, ou plus généralement de mise en œuvre pratique du théorème des valeursintermédiaires, dans l’objectif éventuel d’en simplifier la compréhension par les élèves.

Ainsi, dans (MEN, 2017b), on lit :

La méthode de dichotomie constitue un procédé dont la compréhension et la mise en œuvre peuvent êtreparticulièrement délicates pour les élèves. Le détour par l’algorithmique permet de « faire fonctionner » laméthode et de l’observer en acte.

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On se situe ici dans une démarche d’explicitation des contenus mathématiques par laprogrammation, sans regard porté sur le programme ou l’algorithme lui-même en tantqu’objet d’étude – cela va dans le sens des observations de Modeste (2012). Nous avons vuque les algorithmes et programmes concernés sont loin d’être simples, en particulier en raisonde la complexité du calcul sur les nombres flottants. Enfin, on peut s’interroger sur lacompréhension des notions d’algorithmique par les élèves en cas de difficulté sur les notionsd’analyse mises en jeu.

Le problème de recherche dans une liste triée et l’algorithme de recherche binaire, tousdeux fondamentaux en informatique, sont peu voire pas exploités dans des activités àdestination des élèves. Quand ils le sont, c’est souvent sous la forme d’activités d’approche(du type « jeu du nombre à deviner »). Nous émettons l’hypothèse que des activités adaptéessur ce sujet permettraient d’explorer ou de réinvestir plusieurs notions importantes, tant denature informatique que mathématique, à divers niveaux : notions algorithmiques de base(variables, conditions, boucles), manipulation de listes ou tableaux, découverte progressive dela notion de complexité, approche de l’algorithme en tant qu’objet, calcul algébrique(puissance, éventuellement logarithme), démonstration (en particulier par récurrence).

RÉFÉRENCES

Burden, L. B., Faires, J. D. (2010) Numerical Analysis (9th ed.). Brooks & Cole.Bridges, D. S., Vîţă, L. S. (2006) Techniques of Constructive Analysis. Springer.Cormen, T. H., Leiserson, C. E., Rivest, R. L., & Cazin, X. (1994). Introduction à

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Modeste, S. (2012). Enseigner l’algorithme pour quoi ? Quelles nouvelles questions pour lesmathématiques ? Quels apports pour l’apprentissage de la preuve ? (Manuscrit de thèse).Université de Grenoble. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00783294

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Perrin, D. (2017). Deux démonstrations par dichotomie. (site personnel) https://www.math.u-psud.fr/~perrin/CAPES/analyse/fonctions /Dichotomies.pdf

Sedgewick, R. (1988). Algorithms. Addison Wesley.

27 sciencesconf.org:emf2018:217493

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CONCEPTION DE LA NOTION D’ALGORITHME À LA TRANSITION SECONDAIRE-SUPÉRIEUR EN FRANCE1

MODESTE Simon 2 * – RAFALSKA Maryna3**

Résumé – Nous nous intéressons aux conceptions d'élèves et étudiants à la transition secondaire-supérieur en France autour de l'algorithme et de l'algorithmique. À l'aide d’un questionnaire et d'une grille d'analyse basée sur un modèle épistémologique, nous montrons comment ces conceptions évoluent dans le temps et comment la dimension objet du concept se développe lors des premières années de l'enseignement supérieur.

Mots-clefs : algorithme, algorithmique, transition, secondaire, supérieur.

Abstract –We are interested in the pupils’ and students’ conception of main notions of Algorithmics in the transition “secondary school-university” in France. Using an elaborated questionnaire and an analysis grid based on an epistemological model, we show how this conception evolves with time, in particular developing the object dimension of the notion “algorithm” in the students’ conception during the first years of university.

Keywords: algorithm, Algorithmics, transition, secondary school, university.

I. INTRODUCTION ET PROBLÉMATIQUE

En France, l'algorithmique (comme champ scientifique s'intéressant à la conception d'algorithmes et à leur étude) est actuellement présente dans l'enseignement supérieur scientifique4, mais aussi dans l'enseignement secondaire (programmes nationaux).

L’algorithmique a fait son apparition dans les programmes du lycée entre 2009 (classe de seconde – grade 10) et 2012 (classe de terminale – grade 12), dans les programmes de mathématiques. Des travaux comme (Modeste, 2012a, 2012b) ont étudié cette introduction. Modeste (2012) a montré la transposition didactique (au sens de Chevallard, 1985) spécifique qui est en jeu au lycée français. Modeste & Rafalska (2016) mettent en perspective cette transposition par rapport à ce qui peut être en jeu ailleurs, en Ukraine en l’occurrence. Des éléments liés à l'algorithmique sont aussi enseignés au lycée dans les options de sciences de l'ingénieur des filières scientifiques, ou encore dans la spécialité optionnelle ISN (Informatique et Sciences du Numérique) de Terminale Scientifique (grade 12) créée en 2012.

Dans le même temps, un enseignement d'informatique (contenant une part d’algorithmique) s'est consolidé et généralisé dans les filières scientifiques des Classes Préparatoires aux Grandes Écoles (CPGE – correspondant aux deux premières années universitaires permettant de préparer les concours d'entrée en école d'ingénieur).

Par ailleurs, l'informatique, et en particulier l’algorithmique, est enseignée depuis bien longtemps à l'université, dès les premières années de licence (premier cycle universitaire constitué des 3 premières années, équivalent du Bachelor). On retrouve bien de

1 Publication réalisée avec le soutien financier de l'ANR, projet DEMaIn <ANR-16-CE38-0006-01>.

2 IMAG, Université de Montpellier, CNRS, Montpellier – France – [email protected]

3 * Institut Français de l’Éducation, ENS de Lyon – France – [email protected]

4 Dans cet article, nous mettrons de côté les formations courtes de techniciens (Diplôme Universitaire de Technologie, Brevet de Techniciens Supérieur) du supérieur. L'étude de ces formations pourrait être intéressant pour notre thème mais demanderait un travail à part entière pour prendre en compte la diversité des filières concernées.28 sciencesconf.org:emf2018:215821

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l'algorithmique dans les licences d'informatique, mais aussi dans des licences comme les celles de mathématiques ou de mathématiques-informatique. Cet enseignement, bien installé, se trouve confronté aux évolutions récentes des curriculum du second degré concernant l'algorithmique. On pourrait penser que ces changements au lycée permettent une bonne préparation aux enseignements d'algorithmique dans le supérieur.

Le travail de (Modeste, 2012) laisse penser que cela est plus complexe et nous faisons l'hypothèse que, selon les institutions (les différents types d'établissements et niveaux scolaires, mais aussi les différentes filières et même les différents cours), les conceptions de la notion d'algorithme et de l'algorithmique mises en jeu diffèrent sensiblement et que la transition entre enseignement secondaire et supérieur à ce sujet n'est pas si simple.

La problématique de cet article est donc la suivante :

Quelles conceptions de l'algorithme et de l’algorithmique les différentes institutions scolaires et universitaires construisent-elles chez les élèves/étudiants à la transition secondaire-supérieur (scientifique)?

Plus précisément :

En quoi ces conceptions diffèrent-elles ou sont-elle proches ?

Comment peut-on expliquer les disparités qui apparaissent ?

Comment ces conceptions évoluent-elles dans le temps dans une même filière ou au passage d'une institution à l'autre ?

II. CADRE THÉORIQUE

Pour répondre à cette problématique, nous proposons d'étudier les effets des transpositions didactiques en jeu dans les différentes institutions (Chevallard, 1985) au travers des rapport au savoir, les conceptions ua sens de Vergnaud (1990), que montrent les élèves/étudiants issus de ces institutions. Nous faisons l'hypothèse de recherche que ces conceptions individuelles (ou les grandes tendances dans ces conceptions) nous renseignent sur les conceptions proposées construites par les institutions dont ces individus sont les élèves/étudiants, autrement dit qu'elles décrivent aussi le rapport des institutions à l'algorithme et à l'algorithmique.

Pour étudier ces conceptions, nous nous appuyons sur un modèle épistémologique proposé par (Modeste, 2012; Modeste, Ouvrier-Buffet, & Gravier, 2010). Ce modèle épistémologique du concept d’algorithme identifie cinq aspects fondamentaux :

- problème : un algorithme résout un problème, c’est-à-dire, répond à une question précise posée pour une famille d’instances ; incluant les notions d’entrée et de sortie;

- effectivité : sur des données finies un algorithme, en suivant des règles non-ambiguës, apporte de façon effective une solution en un nombre fini d’étapes ; un algorithme peut être mis en œuvre par un opérateur quelconque, en particulier par un ordinateur/une machine exprimé sous forme d’un programme ;

- preuve : permet d'assurer que l’algorithme aboutit au bon résultat quelle que soit l’instance (correction) et garantit que ce résultat sera atteint en un nombre fini d’étapes (terminaison) ; utilisation d’algorithme dans des preuves ; liens aux preuves algorithmiques, par récurrence ou induction, etc. ;

- complexité : la complexité en temps, en espace, pour comparer des algorithmes entres eux et rechercher l’algorithme le plus efficace pour un problème donné ; la complexité calculée au pire, en moyenne, etc. ;

- modèles théoriques : machine de Turing, fonctions récursives et autres modèles ; les classes de complexité (P, NP, etc.) ; les notions de décidabilité et d’indécidabilité, etc.

29 sciencesconf.org:emf2018:215821

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Ces aspects se décomposent en deux catégories : ceux qui relèvent de l’algorithme comme outil (les aspects problèmes et effectivité) et ceux qui relèvent de l’algorithme comme objet (complexité, preuve et modèles théoriques). Regarder l’algorithme en tant qu’objet c’est s’intéresser aux questions de bon fonctionnement, de domaine de validité, de complexité et de description des algorithmes. Ce sont les problématiques de l’algorithmique. Regarder l’algorithme en tant qu’outil, c’est s’intéresser à l’utilisation que l’on en fait pour résoudre des problèmes.

Cet outil épistémologique a montré sa pertinence pour étudier les transpositions dans les programmes, ressources et manuels scolaires (Modeste, 2012a), mais aussi pour décrire les conceptions d'individus (variations des conceptions de l'algorithme chez des chercheurs en informatique et mathématiques, fondamentales et appliquées) (idem.).

Avec ce cadre, nous pouvons reformuler notre problématique en questions de recherche :

- Quels aspects de l'algorithme sont présents dans les conceptions des élèves/étudiants des institutions de la transition secondaire-supérieure (scientifique) ?

- Comment peut-on interpréter les variations qui apparaissent ?

- Quels aspects apparaissent au fur et à mesure des cursus (continuités) ?

- Quelles ruptures se dessinent lors des transitions (changement d'institution)?

III. MÉTHODOLOGIE

Pour répondre à ces questions de recherche, nous avons élaboré un questionnaire à faire passer aux élèves et étudiants. Il inclut des questions ouvertes et à choix multiples.

1. Construction du questionnaire

Nous détaillons d'abord la constitution de ce questionnaire. Ces premières questions ont pour but d’identifier la vision générale de l’algorithme et de l’algorithmique chez les élèves et les étudiants ainsi que leurs points de vue sur le rôle de l’algorithme dans la résolution de problèmes. En particulier, elles concernent :

- la définition de la notion d’algorithme, sa description :

Comment expliqueriez-vous ce qu'est un algorithme, à quelqu'un de votre niveau qui n'a jamais fait d'algorithmique ? Si vous deviez écrire la définition du mot algorithme dans un dictionnaire, qu'écririez-vous ? Quel exemple donneriez-vous ?

- le rôle des algorithmes :

A quoi servent les algorithmes?

- la preuve des algorithmes :

Comment peut-on vérifier qu'un algorithme donne une réponse correcte ?

- l’analyse des algorithmes :

Quelles sont les critères de comparaison pour choisir parmi plusieurs algorithmes résolvant un même problème ?

Les dix-sept questions à choix multiples proposent aux élèves/étudiants de s’interroger sur certaines caractéristiques de l'algorithme afin d’identifier les aspects en jeu mais aussi les amalgames, les lacunes et les contradictions possibles dans leurs conceptions, ce qui ne peut pas être toujours possible lorsque l’on utilise seulement des questions ouvertes. Ainsi les questions à choix multiples concernent, dans un premier temps, les propriétés des algorithmes telles que :

- la nature discrète (commandes d’un algorithme exécutées une par une dans un ordre précis) ;30 sciencesconf.org:emf2018:215821

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- la certitude (les instructions d’algorithmes doivent être formulées sans ambiguïté; l’ordre des opérations d’un algorithme est important) ;

- la faisabilité (un algorithme doit être exécutable par l’opérateur, c’est-à-dire qu’il ne doit contenir que des commandes incluses dans le système de commande de l’opérateur) ;

- la finitude (le nombre d’étapes d'un algorithme est fini) ;

- l’effectivité (l’algorithme donne le résultat qui correspond à l’objectif fixé) ;

- la généricité (un algorithme doit pouvoir s'appliquer à n’importe quel cas d'un problème et garantir de toujours produire une solution pour ce cas).

Les questions proposées abordent aussi les langages d’écriture d’un algorithme, les systèmes qui exécutent les algorithmes ainsi que les types de problèmes que l’on peut résoudre à l’aide d'algorithmes. À chaque fois, des énoncés sont proposés avec quatre propositions : d’accord, pas d’accord, ça dépend, je ne me prononce pas. Cela a pour but d’éliminer les réponses automatiques ou les réponses par élimination en permettant d'exprimer un doute ou une incompréhension. Nous avons aussi proposé aux élèves/étudiants de justifier leurs choix dans une ligne de commentaire (facultative), afin d’avoir plus d’informations sur les raisons qui ont guidé leurs réponses.

Exemple.

Un algorithme est toujours écrit à destination d'une machine (ordinateur, robot, calculatrice, ...).

□ d'accord □ pas d'accord □ ça dépend □ je ne me prononce pas

Commentaire____________________________________________________________________

On voit bien ici qu'il ne s'agit pas de déterminer si les élèves/étudiants fournissent des réponses correctes ou erronées mais d'arriver à décrire leur conception, au travers du rapport au concept algorithme qui se révèle dans les réponses et leurs commentaires.

Le questionnaire (anonyme) demandait tout de même un certain nombre d'informations individuelles sur les cursus des élèves/étudiants interrogés et sur leur expérience de l’algorithmique et de la programmation.

2. Passation du questionnaire et organisation de l'analyse des réponses

Afin d’analyser les conceptions de l'algorithme chez les élèves et étudiants à la transition secondaire-supérieur en France, nous avons distribué durant l’année scolaire 2015-2016 le questionnaire à différents niveaux et filières, en particulier :

- au lycée : 3 classes de Première (grade 11) filière scientifique et 4 classes de Terminale (grade 12) filière scientifique, incluant une classe avec option ISN ;

- en CPGE : 2 classes de première année, filières PCSI (physique-chimie-sciences de l'ingénieur) et PTSI (physique-technologie-sciences de l'ingénieur) ;

- à l’université de Montpellier: 2 groupes de Licence première année (Licence Mathématiques et Informatique respectivement) et 1 groupe de Licence deuxième année (Licence Informatique).

Dans la suite, nous appellerons « groupe » chaque classe de lycée et chaque groupe de Licence observé. Au total, le questionnaire a été distribué à plus de 300 élèves et étudiants en France. Les passations ont eu lieu en fin de premier semestre et début de second semestre. Les élèves/étudiants interrogés avaient donc déjà passé plusieurs mois dans la classe (et l'institution) au titre de laquelle on les questionne.

Pour l’étude des réponses aux questions ouvertes, nous avons élaboré une grille d’analyse reposant sur les 5 aspects d’algorithme présentés dans la section précédente. La Figure 1

31 sciencesconf.org:emf2018:215821

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donne un exemple de la grille servant à identifier les aspects évoqués dans les réponses des élèves et des étudiants. En colonne, nous pouvons trouver les aspects de l’algorithme avec les points principaux qui caractérisent ces aspects (voir Modeste (2012)). Une ligne correspond aux réponses d'un élève/étudiant. Le chiffre 1 représente le fait que l'aspect est évoqué dans la réponse de manière explicite ou implicite (dans la description ou dans les exemples donnés par les élèves/étudiants).

Figure 1 – Exemple d'utilisation de la grille d’analyse.

Cela nous a permis ensuite d’identifier quels aspects de l'algorithme sont dominants dans les conceptions des élèves/étudiants à différents niveaux ainsi que les proportions d’élèves/étudiants évoquant tels ou tels aspects (ou combinaison d’aspects) dans chaque groupe et les variations de ces proportions aux différents niveaux étudiés.

Pour l’analyse des réponses aux questions à choix multiples, nous avons eu une première approche quantitative, en relevant les statistiques des items choisis pour chacune des questions dans les différents groupes étudiés. Cela nous a permis d'identifier les questions sur lesquelles il apparaissait le plus d'écart entre les réponses majoritaires des groupes, les questions pour lesquelles nous notons des écarts dans certains groupes vis-à-vis de la conception du point de vue du savoir savant et qui ont mis certains groupes en difficulté (majorité de « je ne me prononce pas » par exemple, ou grande diversité des réponses dans un même groupe).

Dans chacun de ces cas, nous nous sommes interrogés sur les raisons de ces réponses chez les élèves/étudiants de chaque groupe ainsi que l’évolution des réponses en fonction du niveau d’enseignement (passage lycée-supérieur ou au cours d'une filière par exemple). Pour étayer nos interprétations, les commentaires proposés par certains élèves/étudiants concernés ont été un apport important.

IV. RÉSULTATS

Nous présentons ici quelques résultats obtenus, que nous détaillerons lors de la présentation des recherches au groupe. Pour des raisons de place, nous ne pouvons présenter les résultats de toutes les institutions concernées, ni de tous les points du questionnaire. En particulier, nous n'aborderons pas ici les Classes Préparatoires aux Grandes Écoles.

1. Niveau secondaire (fin du lycée)

Dans les définitions de la notion d’algorithme, données en classes de Première S et Terminale S, l’aspect effectivité est dominant. Les élèves évoquent « une suite d'instructions s'effectuant rigoureusement dans l'ordre » ; « une série d'étapes à exécuter », « une chaîne de calculs programmés », « une succession de consignes données à un ordinateur », « des lignes écrites 32 sciencesconf.org:emf2018:215821

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en un langage compréhensible par tous », etc. Beaucoup d’élèves (52% à 80% dans les groupes de Première S et 64% à 86% dans les groupes de Terminale S) utilisent la notion de programme pour définir la notion d’algorithme. Par exemple : « un algorithme est un programme qui résout ce qu'on lui demande étape par étape, toujours de la même manière ».

L’algorithme figure souvent dans les réponses comme outil d’automatisation des calculs à l’aide d’une machine (la calculatrice ou l’ordinateur). En classes de Terminale S, nous avons aussi trouvé un certain nombre de définitions qui se réfèrent au langage d’écriture d’un programme en utilisant les concepts de la programmation tels que la notion de variable, les entrées-sorties, les conditions, les boucles, les fonctions, etc. Cette situation est davantage présente dans les réponses des élèves ayant choisi l’option ISN.

Exemple : Un algorithme est une méthode de calcul composée d'une initialisation, où les variables sont déclarées, d'un traitement qui permet d'effectuer les calculs et d'une sortie qui affiche la variable souhaitée.

La plupart des élèves en Première S et en Terminale S qui ont répondu que les algorithmes sont utilisés pour la résolution de problèmes, donnent des exemples de problèmes mathématiques : algorithme d'Euclide ; évaluation de la distance parcourue selon la vitesse et le temps ; vérification si un triangle est rectangle ou non, en donnant les longueurs de chaque côté, etc. (en Première S) ; évaluation du discriminant, des racines d’un polynôme, les évaluations successives des éléments d’une suite, etc. (en Terminale S).

Comme en classes de Première S, les élèves de Terminale S n’évoquent pas explicitement la notion de complexité. Cependant, dans le contexte des critères de comparaison des algorithmes, ils parlent plus souvent (Terminale S : 14% à 27%, contre Premier S : 9% à 12%) de temps d’exécution, d’efficacité d'un algorithme sans donner d’explications supplémentaires. Il n’est pas évident d’identifier ce dont ils parlent réellement : de nombre d’exécutions à faire pour avoir le résultat (rapidité), de temps passé avant l’affichage du résultat sur l’écran, du nombre d’opérations élémentaires dans un algorithme en fonction de la taille des données ou d’autre chose. Pour valider les algorithmes, ils ne proposent, dans la majorité des cas, de ne le faire qu’au travers de tests de programmes.

Pour résumer, la conception de l’algorithme des élèves de lycée ne se limite qu’aux aspects effectivité et problème qui caractérisent le concept d’algorithme comme outil. Nous notons quelques apparitions de l’aspect complexité sans que la notion correspondante ne soit explicitement mentionnée (on pourrait supposer que la notion est en embryon).

Figure 2 - Proportions des aspects d’algorithme présents dans les réponses des élèves de lycée (chaque couleur correspond à un ensemble d'aspect présents simultanément)

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2. Niveau supérieur (premières années du niveau universitaire)

Dans la définition de la notion d’algorithme en filières mathématiques et informatique de Licence 1, les aspects effectivité et problème sont aussi dominants.

Pour décrire la notion d’algorithme, les étudiants d'informatique évoquent le concept de programme (53%) plus souvent par rapport aux étudiants de mathématiques qui parlent principalement de la succession d’étapes ou d'instructions (54%).

La moitié des étudiants de chaque spécialité pense que les algorithmes sont utilisés pour faire des calculs et mettent en avant la dimension outil d’un algorithme.

L1-Info-13. Un algorithme est une méthode de calcul générale pour un problème donné. L’avantage de l’algorithme c’est que l’on refait exactement les mêmes calculs, dans le même ordre, on change juste les paramètres en fonction du problème. Ex. : trouver la moyenne de plusieurs nombres, calculer le montant final dans un magasin après une réduction.

L1-Maths-15. Un algorithme est un outil pour faire des opérations répétitives rapidement. Ex. : résoudre des équations.

Comme nous pouvons le voir, les exemples d'algorithmes donnés par les étudiants des deux spécialités sont principalement issus des mathématiques. Cependant, l’aspect problème est plus présent dans la spécialité informatique que mathématiques (88% contre 71% respectivement).

Par rapport au lycée, très peu d’étudiants évoquent dans les réponses seulement les aspects effectivité ou/et problème : 6% en informatique, 21% en mathématiques de Licence 1. Le reste des étudiants aborde aussi la vitesse, le temps de l’exécution, le nombre d’étapes, l’efficacité de l’algorithme, ce qui relève de l’aspect complexité. La notion de complexité n’apparaît explicitement qu’en Licence 2 (informatique) (dans 88% de réponses). Nous avons même trouvé quelques définitions d’algorithme en Licence 2 où cet aspect est évoqué. En particulier :

L2-Info-11. Algorithme – c’est une suite d’instructions à réaliser afin de résoudre un problème, d’obtenir des résultats d’opérations parfois complexes. Cela demande de la réflexion si on veut que l’algorithme soit optimisé, c’est à dire rapide et efficace. Par exemple, pour trier une liste dans l’ordre croissant.

L2-Info-16. Algorithme c’est comment organiser notre programme de telle manière qu’il est capable de faire/trouver un élément efficace. Par exemple, l’algorithme dichotomique, parce que je crois que lui nous présente comment économiser de temps de recherche (sic).

Par rapport aux Licence 1, les étudiants de Licence 2 (informatique5) parlent beaucoup moins des calculs dans les définitions proposées d’algorithme, mettant l’accent sur le langage d’écriture d’algorithme (« universel », « usuel », « courant ») et la résolution des problèmes.

Contrairement aux étudiants de Licence 1 qui proposent de tester le programme pour vérifier que l’algorithme est correct, les étudiants de Licence 2 évoquent la notion d’invariant et parlent de la preuve de la terminaison d’un algorithme. De ce fait, nous notons une apparition de l’aspect preuve (64% de réponses) en Licence 2 (informatique). Ce qui est aussi remarquable à ce niveau c’est que la moitié des étudiants évoquent les 4 aspects : effectivité, problème, complexité et preuve. Cela nous permet de dire qu’il y a un glissement progressif en L1 puis L2 vers une conception de l'algorithme non seulement comme outil mais aussi comme objet6.

5 Des contraintes ne nous ont pas permis d'interroger des étudiants de L2 mathématiques pour être complet. Il est prévu de remédier prochainement à cela.

6 Cela semble cohérent avec les contenus des enseignements d'algorithmique et programmation proposés en début d'université. Nos questionnaires montrent que cela est absent à l'entrée à l'université et parvient à se structurer au cours des deux premières années.34 sciencesconf.org:emf2018:215821

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Figure 3 - Proportions des aspects d’algorithme évoqués dans les réponses des élèves d'université (chaque couleur correspond à un ensemble d'aspects présents simultanément)

V. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Nous avons montré, sur la base d'une partie des résultats de nos questionnaires, l'évolution des conceptions des étudiants et élèves concernant l’algorithmique à la transition lycée-université. Cela confirme l'approche essentiellement basée sur l'algorithme en tant qu'outil au secondaire et la construction de la dimension objet du concept dans les premières années d'université.

L'analyse des réponses des étudiants, non pas en tant que représentant de leur niveau scolaire/universitaire mais selon leurs filières et options d'origine semble aussi révéler des conceptions variables. En particulier, nous pensons qu'il est raisonnable de faire l’hypothèse d'un rapport différent au concept algorithme dans les cours de mathématiques, d'informatique et de sciences de l'ingénieur. Nous détaillerons ce point lors de la présentation au colloque.

L'étude des conceptions des élèves/étudiants à la transition secondaire-supérieur permet aussi de confronter les curriculums et enseignements avec les conceptions effectivement construites. La poursuite de notre étude devrait permettre de questionner la préparation à l'enseignement supérieur dans le secondaire et la prise en compte de l'état des connaissances des étudiants à l'entrée de l'université. Nous souhaitons aussi approfondir la compréhension des réponses d'élèves et d'étudiants éloignées de notre modèle épistémologique pour comprendre les obstacles qui peuvent apparaître à lq transition secondaire-supérieur en algorithmique.

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ENTRE PROBABILITES ET STATISTIQUES : UN JEU ALGORITHMIQUE POUR SIMULER LA FLUCTUATION D’ECHANTILLONNAGE

TRUNKENWALD Jannick

Résumé – Cette communication aborde l’enseignement de la fluctuation d’échantillonnage en classe de seconde. Il s’agit d’une analyse a priori de la simulation algorithmique d’un lancer de dés. Les dimensions instrumentale, sémiotique, et discursive sont mises en perspective avec trois domaines en interaction : les probabilités, les statistiques, et l’algorithmique. La réflexion doit être expérimentée dans le cadre de formations destinées aux lycées privés algériens présentant le baccalauréat français.

Mots-clefs : (mathématiques, algorithmique, simulation, échantillonnage, probabilités)

Abstract –This communication adresses the teaching of sampling fluctuation in fifth year of high school. It’s about the analysis a priori of the simulation algorithmics of a roll of dices. The instrumental, semiotic, and discursive dimensions are put in perspective with three domains in interaction : the probability, the statistics, and the algorithmics. The reflection must be experimented within the framework of trainings intended for the Algerian private high schools presenting the french high school diploma

Keywords: (mathematics, algorithmic, simulation, sampling, probability)

INTRODUCTION En France, la notion d’intervalle de confiance est abordée en seconde. En l’absence de

référentiel théorique, son approche expérimentale est « facilitée » par un emploi de l’informatique. Nous avions organisé en 2017 une formation courte visant l’introduction en classe de l’approche fréquentiste. Une nouvelle expérimentation de ce dispositif est en cours, auprès d’enseignants de mathématiques issus d’un réseau de lycées privés algériens. Nous n’exposons ici que la première situation à laquelle les stagiaires ont été confrontés. Et seules les considérations d’ordre didactique ayant guidé notre réflexion lors du choix de cet énoncé, ainsi que l’analyse a priori du travail mathématique en jeu, sont ici présentées.

I. UNE SITUATION POUR ABORDER L’APPROCHE FREQUENTISTE

1. Objectif

Notre réflexion est orientée par l’attendu institutionnel ci-dessous : « Les questions de fluctuation d’échantillonnage constituent un axe important de la formation du futur citoyen. (…) On peut, par expérimentation et simulation, faire observer aux élèves que les échantillons de taille 𝑛𝑛 obtenus à partir d’un modèle de Bernoulli ont, pour environ 95% d’entre eux, des fréquences d’apparition du nombre 1 qui fluctuent dans un intervalle centré en p et d’amplitude 2

√𝑛𝑛 . (…) Pour p donné,

on peut faire calculer les bornes de cet intervalle pour quelques valeurs de n, et remarquer qu’il faut multiplier la taille de l’échantillon par k² pour diviser par k l’amplitude de l’intervalle. » (Ressources pour la classe de seconde, Probabilités et statistiques, Juin 2009, Eduscol).

Pour établir l’intervalle de confiance en 2nde, l’absence de justification formelle a été abordée par Parzysz (2009) :

« l’accès à la notion de modèle qui est une finalité visée à terme par le cycle terminal, peut être préparé par l’étude et la simulation d’expériences aléatoires diverses correspondants au même modèle probabiliste. La comparaison des procédures, des tableaux et des hypothèses sous-jacentes doit permettre aux élèves de se convaincre de l’analogie que présentent ces expériences sous leurs apparences diverses, et de déboucher sur la notion de schéma d’expérience, constituant en quelque sorte une classe d’équivalence d’expériences aléatoires » (Parzysz, 2009, p. 102).

Nechache (2016) aborde aussi ces questions en présentant le cycle de modélisation d’un modèle mathématique de type numérique :

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Figure 1 – Cycle de modélisation avec un modèle probabiliste de type numérique (Nechache , 2016)

L’expérience réelle est d’abord simplifiée sous forme d’une expérience aléatoire permettant d’envisager un premier modèle probabiliste réel. Celui-ci est alors traduit en modèle numérique pour la simulation. L’exécution de ce programme de simulation donne une réponse, qui est d’abord interprété par rapport au modèle réel, puis interprété en regard de l’expérience aléatoire. L’expérience aléatoire peut être adaptée suivant l’information apportée à l’expérience réelle. Un nouveau modèle réel peut aussi être envisagé pour affiner la compréhension de l’expérience réelle (ce qui correspond alors à un nouveau cycle). Nechache souligne cependant une difficulté liée à ce type de modèle numérique :

Dans l’enseignement secondaire, la construction du modèle probabiliste de type numérique est basée sur des connaissances qui ne sont pas disponibles dans l’espace de travail personnel des élèves. C’est pourquoi, la construction de ce modèle est habituellement prise en charge par le professeur qui laisse aux élèves l’exécution de la simulation. (Nechache, 2016)

Nous souhaitons aborder cette problématique spécifique d’une réalisation du programme de simulation qui serait conjointe à son exploitation d’un point de vue probabiliste. Nous formulons l’hypothèse que : « le modèle final simulant la fluctuation d’échantillonnage est élaboré dans de meilleures conditions si on lui fait subir plusieurs cycles de modélisations. » Et nous chercherons à déduire la nature de ces cycles de l’analyse qui va suivre.

2. Enoncé choisi

L’interaction de plusieurs domaines mathématiques, en temps limité, nous a incité à concevoir une situation initiale souple et classique, afin de faciliter la confirmation par les stagiaires, et la validation du résultat obtenu par simulation.

Enoncé : • Un jeu A consiste à lancer simultanément deux dés cubiques équilibrés numérotés chacun de 1 à 6.

On gagne à ce jeu si la somme des résultats affichés sur les deux dés est supérieure ou égale à 9 ? • Un jeu B consiste à prélever au hasard un jeton dans un sac qui contient 8 jetons blancs et 16 jetons

rouges. On gagne à ce jeu si on obtient un jeton blanc. Pour quel jeu a-t-on le plus de chances de gagner ?

L’approche laplacienne du lancer des dés consiste à modifier l’univers initial constitué de sommes possibles non équiprobables, pour décrire un autre univers aux issues équiprobables (couples de valeurs de chaque dé). La probabilité quantifie un degré de certitude, en se distinguant de la notion d’évènement. On peut finalement s’attendre aux erreurs suivantes :

• Une fausse équiprobabilité portant sur les différentes sommes possibles allant de 2 à 12. Ce qui fournirait le résultat erroné de 4/11 pour la probabilité de gagner au jeu A.

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• Une autre erreur consistant à considérer les valeurs allant de 1 à 12 pour la somme (alors que le plus petit résultat possible est 2). Ce qui fournirait le résultat erroné 4/12.

Dans le cas du biais d’équiprobabilité, le résultat erroné de 4/11 dépasse 8/24=1/3. Et il apparaitrait alors plus aisé de gagner au jeu A qu’au jeu B. Alors que le jeu B est en réalité plus avantageux. En effet, voici l’univers formé par tous les couples possibles de résultats des dés : Ω={(1 ;1) ;(1 ;2) ;(1 ;3) ;(1 ;4) ;(1 ;5) ;(1 ;6) ;(2 ;1) ;(2 ;2) ;(2 ;3) ;(2 ;4) ;(2 ;5) ;(2 ;6) ; (3 ;1) ;(3 ;2) ;(3 ;3) ;(3 ;4) ;(3 ;5) ;(3 ;6) ;(4 ;1) ;(4 ;2) ;(4 ;3) ;(4 ;4) ;(4 ;5) ;(4 ;6) ;(5 ;1) ; (5 ;2) ;(5 ;3) ;(5 ;4) ;(5 ;5) ;(5 ;6) ;(6 ;1) ;(6 ;2) ;(6 ;3) ;(6 ;4) ;(6 ;5) ;(6 ;6)} En notant E l’évènement : « La somme des résultats des deux dés est supérieure ou égale à 9 ». On a : E = {(3 ;6) ;(4 ;5) ;(5 ;4) ;(6 ;3) ;(4 ;6) ;(5 ;5) ;(5 ;6) ;(4 ;6) ;(5 ;6) ;(6 ;6)} Et par équiprobabilité dans Ω, on obtient P(E) = 10/36 = 5/18 < 1/3. Ce qui permet de confronter le bon résultat avec la réponse erronée découlant du biais d’équiprobabilité. Sans détailler davantage l’approche laplacienne, nous allons désormais restreindre notre propos sur l’approche fréquentiste, dont le paragraphe suivant présente une première étude.

3. Etude des praxéologies en jeu

Notre tâche consiste à estimer la probabilité que la somme de deux dés soit supérieure ou égale à 9. Notons la t1. Le type de tâche T correspondant tient compte de notre institution I de la classe de 2nde, et de l’organisation mathématique locale (OME) liée à la fluctuation d’échantillonnage. Ce qui nous amène à une répétition réelle de l’expérience aléatoire, ou à une simulation de type numérique exploitant le générateur pseudo-aléatoire de la machine. Ainsi, pour la tâche t1 l’expérience aléatoire peut être simulée à partir de la variable aléatoire sous-jacente : Alea(6)+Alea(6). Le type T est donc la classe des tâches pouvant se résoudre par approche fréquentiste simulée, dans les mêmes conditions de difficulté que la tâche t1 : c’est-à-dire lorsqu’une simple instruction de calcul en ligne permet une modélisation numérique du résultat observé lors de l’expérience aléatoire. Par exemple : - t2 : En lançant trois dés (au lieu de deux). Modèle numérique : Alea(6)+Alea(6)+Alea(6). - t3 : Déterminer la probabilité que la distance entre deux points choisis au hasard sur un

segment de longueur 1 dépasse 1/2. Modèle numérique : Abs(Alea()-Alea()).

Plusieurs techniques permettent de résoudre le type de tâche T au sein de l’institution I : - τ1 : Approche fréquentiste réalisée en répétant l’expérience aléatoire réelle. - τ2 : Approche fréquentiste réalisée en répétant l’expérience aléatoire simulée. - τ3 (resp. τ3’): Approche fréquentiste par simulation algorithmique (resp. au tableur) d’une

répétition de l’expérience aléatoire pour en déduire une fréquence des succès. - τ4 (resp. τ4’): Approche fréquentiste par simulation algorithmique (resp. au tableur) d’une

fluctuation d’échantillonnage (nuage de points représentants plusieurs fréquences). - τ5 : Approche fréquentiste finalisée en exploitant l’intervalle de confiance. Prenons en considération le discours sous-jacent sur la technique :

On entend par technologie (…) un discours ayant pour objet premier de justifier « rationnellement » la technique (…) le style de rationalité varie bien entendu (…) de sorte qu’une rationalité institutionnelle pourra apparaître… peu rationnelle dans une autre institution. (Chevallard, 1998)

Ce principe relatif de « rationnalité » se rattache d’ailleurs à l’idée de paradigme probabiliste abordée par Parzysz dont le premier niveau (P1) est évoqué en ces termes :

« des observations permettant d’attribuer une chance d’apparition à chacune des différentes issues » (Parzysz, 2014, p. 68).

Dans notre institution I, la description d’un protocole expérimental probabiliste, ainsi qu’une justification de l’intervalle de confiance basée sur l’observation (raisonnement de type

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inductif), entrent dans ce cadre de rationnalité. Nous pouvons donc en déduire les technologies sous-jacentes aux techniques respectives τ1 , τ2 , τ3 , τ4 , et τ5 :

- θ1 : le principe intuitif de la loi des grands nombres. - θ2 : le principe d’équivalence de l’expérience aléatoire réelle et de sa simulation. - θ3 : la structure algorithmique des programmes de simulation d’une fréquence des succès. - θ4 : la structure algorithmique des programmes de simulation d’un nuage de fréquences. - θ5 : L’énoncé de l’intervalle de confiance.

θ1 , θ3 , et θ4 sont des embryons de technologie issues des techniques τ1 , τ2 , τ3 , τ4. La technologie θ5 , la plus avancée dans I, incarne la théorie sous-jacente notée Θ. Ces technologies sont productrices de nouvelles techniques pouvant traiter d’autre types de tâches. On peut exploiter θ3 pour élaborer la technique de simulation d’une loi géométrique tronquée, ou encore exploiter θ5 pour élaborer une technique de prise de décision… Mais la justification empirique de θ5 passe par une exploitation des autres technologies citées à travers les techniques correspondantes. Cela nous ramène à l’idée de tâche problématique :

Dans un univers de tâches routinières, surgissent (…) des tâches problématiques (…) qui sont alors des types de problèmes (…) autour desquels de nouvelles praxéologies devront se constituer. (Chevallard 1998)

Cette situation de pénurie praxéologique se vérifie en abordant dans I la fluctuation d’échantillonnage. Il s’agit de créer une organisation praxéologique encore inédite O=[T/τi/θi/Θ]i . La question « comment créer O » devient alors une organisation didactique dO. Nous décrivons ci-dessous les moments d’études correspondant à dO :

- Moment 1: Première rencontre avec O en expérimentant T à l’aide de la technique τ1 qui permet d’appréhender la nature du hasard, et de mettre l’intuition à l’épreuve.

- Moment 2 : Exploration du type de tâche T. L’élaboration de techniques étant au cœur de l’activité mathématique, τ1 peut être affinée, puis comparée à τ2 , puis accélérée avec τ3 …

- Moment 3: Constitution de l’environnement technologico-théorique. Reproduction du travail avec d’autres tâches pour faire émerger les premiers embryons de technologie.

- Moment 4: Travail de la technique pour dépasser les embryons de technologies. Aboutissement de τ4 en exploitant θ4 pour mettre en évidence θ5 à l’aide de conjectures.

- Moment 5: Institutionnalisation de θ5 . Cela va permettre une émergence de la théorie Θ, et la distingue de certains éléments qui ont contribué à sa construction.

- Moment 6 : l’évaluation.

Cette étude envisageant à travers l’outil TAD un renforcement progressif et une évolution des techniques successives, montre le rôle particulier joué par le travail algorithmique, qui peut souvent être réinvesti ou adapté sans que toutes ses étapes soient à reconstruire. Et cela se vérifie encore davantage pour les programmes de simulations. Nous pouvons citer Chevallard pour un aspect plus général de cette idée :

En réalité l’étude et la résolution d’un problème d’un type déterminé va toujours de pair avec la constitution d’au-moins un embryon de technique, à partir de quoi une technique plus développée pourra éventuellement émerger (…) ainsi se noue une dialectique fondamentale : étudier des problèmes est un moyen permettant de créer et de mettre au point une technique relative aux problèmes de même type, technique qui elle-même sera ensuite le moyen de résoudre de manière quasi routinière des problèmes de ce type. (Chevallard, 1998)

La partie suivante ne concerne que la simulation algorithmique d’une fluctuation d’échantillonnage. L’enchainement des moments didactiques va guider notre analyse du travail mathématique associé aux structurations successives des techniques τ2 , τ3 , τ4 , puis τ5 et de leurs avatars technologiques.

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II. ANALYSE DE LA NATURE DU TRAVAIL MATHEMATIQUE

1. L’espace de Travail Mathématique (ETM)

Figure 2 – Programmes de simulation finalisant les techniques τ2 , τ3 , et τ4 et organigramme pour τ3.

L’outil méthodologique ETM (Kuzniak 2011) va nous aider à décomposer les perceptions intellectuelles en jeu lors de l’activité mathématique. Trois dimensions instrumentale, sémiotique, et discursive sont prises en compte. Chacune engendre une relation dynamique entre le plan épistémologique et le plan cognitif. Les outils technologiques (artefacts), sémiotiques (representamen), et théoriques (référentiel) du plan épistémologique, peuvent alors être exploités à l’aide de schèmes appropriés. On parle dans ce cas respectivement de genèses instrumentale, sémiotique, et discursive. Et ces genèses respectives produisent dans le plan cognitif des constructions, des visualisations, et des preuves. Enfin l’activation de deux genèses peut entraîner une circulation entre les dimensions qui les portent, ce qui peut parfois être rapprochée de l’idée de modélisation. Nous nommons « projection » de l’ETM la restriction à un domaine spécifique de ce que nous observons dans l’ETM. L’interaction dans notre étude des probabilités, des statistiques descriptives et de l’algorithmique nous amène donc à projeter l’ETM dans ces trois domaines. Et nous noterons ces trois projections : ETMp , ETMs , et ETMA. Afin d’éviter une surcharge visuelle, nous présenterons le schéma de l’ETM avec une vue du dessus. Des points et des traits mis en gras représentant les différentes genèses Dis, Ins, et Sem ainsi que les circulations dans les plans situés entre les axes de ces genèses. On notera respectivement I, S, D pour les dimensions instrumentale, sémiotique, et discursive.

2. La place de l’algorithmique

Nous commençons par une précision de Modeste (2012) concernant le fait qu’un programme de simulation n’est pas un algorithme proprement dit :

Simulation d’expérience : les trois variantes de simulation ne nous semblent pas relever réellement de l’algorithmique : il s’agit de mettre sous forme d’un programme ou d’un programme-papier, de traduire, une expérience avec des outils numériques (générateur de nombres aléatoires). On ne traite pas un problème au sens où nous l’avons défini. (Modeste, 2012 p 130)

Cela nous apparaît surtout lié à l’utilisation du générateur pseudo-aléatoire, qui est lui-même un artefact instrumentalisé pour construire le programme de simulation. En référence à Laval (2015), le travail de conception algorithmique présente une triple dimension instrumentale, sémiotique, et discursive au sein de l’ETMA. Et nous relions cette dimension discursive à l’idée de langage. En effet, les programmes de simulations finalisant les techniques τ2 , τ3 , et

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τ4 (voir figure 3 ci-dessous) sont des écritures formalisées de protocoles expérimentaux. Les expressions algorithmiques en langage naturel constituent alors une formulation explicite de la démarche à suivre dans le domaine statistique pour mener à bien une approche fréquentiste. Et cette explicitation peut être rapprochée de l’idée de preuve. Cela nous ramène encore à cette genèse discursive qui, selon Laval (2015), se confirme lorsque le programme « tourne » (en orientant le travail algorithmique suivant son premier niveau de paradigme). PROGRAMME DE SIMULATION POUR τ2 Pour la simulation d’une expérience aléatoire : Alea(6)+Alea(6)

PROGRAMME DE SIMULATION POUR τ3 Pour simuler un calcul de fréquence après 400 tests de l’expérience aléatoire : Initialiser la variable effectif à 0

Répéter 400 fois : S i Alea(6)+Alea(6) >8

alors augmenter effectif de 1 Afficher la fréquence obtenue : effectif/400

PROGRAMME DE SIMULATION POUR τ4 VERSION 1 Pour simuler 50 calculs de fréquences : Répéter PROGRAMME τ3 50 fois

VERSION 2 Pour tracer le nuage de points simulant 50 calculs de fréquences : k←0

Répéter 50 fois : PROGRAMME τ3

k←k+1 Placer point (k ;fréquence)

Fin Figure 3 – Programmes de simulation finalisant les techniques τ2 , τ3 , et τ4 et organigramme pour τ3.

L’organigramme de la figure 3 montre comment une approche figurale peut renforcer la dimension sémiotique de l’ETMA : cela met en évidence le fonctionnement de la machine qui est basé sur un stockage des données à des adresses mémoire. La structure d’emboitement, ou encapsulage correspondant au principe de programmation sous-procédurale, explicite les techniques τ2 , τ3 , et τ4. La visualisation de blocs structurant une suite d’instructions entraîne une circulation entre les dimensions discursive et sémiotique dans l’ETMA.

Figure 4 – Graphique de représentation automatisée du nuage des fréquences simulées (technique τ4)

Ces programmes de simulations sont aussi très actifs dans la dimension instrumentale de l’ETM. Mais cela se produit à l’extérieur de l’ETMA. L’outil « programme de simulation » est instrumentalisé pour construire une observation statistique, au sein de l’ETMS (et au sein de l’ETMP lorsque cette construction montre certaines propriétés du hasard). Précisons la signification des termes artefact, outil, et instrument avec un article de la revue ZDM (2016) :

Artifacts are generally of material nature or they may reproduce, in a computerized environnement, actions similar to what material tools do. The word tool will be used with a more general meaning, and not only material tools will be considered but also conceptual tools, like theorems, algorithms or collection of signs.

Somme > 8

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(…) the word instrument has a cognitive value : a tool becomes an instrument when the subject has constructed schemes for using this tool. (Kuzniak, Nechache, Drouhard, p. 863)

Nous en déduisons une mise en relation de ces considérations avec l’analyse praxéologique : Technique Protocole outil

automatisé (programme de simulation) puis utilisé pour la technique

Protocole instrument expérimental réalisé grâce à la technique

Genèses dominantes dans l’ETMA

Genèses dominantes dans l’ETMS

Genèses dominantes dans l’ETMP

τ2 Expérience aléatoire Fréquence Dis Ins Ins

τ3 Fréquence Fluctuations Dis et Sem Ins et Sem Sem

τ4 Fluctuations Conjecture Dis et Sem Ins et Sem Sem et Dis

Exemple : La technique τ4 consiste à reprendre le protocole expérimental de tracé d’un nuage de fréquences simulées, et à l’automatiser en améliorant le programme de simulation d’une fréquence. Le nouveau programme de simulation permet alors d’observer différents nuages de points, ce qui donnera une possibilité de conjecturer la propriété de l’intervalle de confiance.

3. Analyse des genèses et circulations dans les trois projections de l’ETM

Figure 5 – Schéma éclaté en vue du dessus de l’ETM lors des deux principales phases de la technique τ2

Figure 6 – Schéma éclaté en vue du dessus de l’ETM lors des deux principales phases de la technique τ3

Figure 7 – Schéma éclaté en vue du dessus de l’ETM lors des deux principales phases de la technique τ4

Les figures 5, 6, et 7 résument visuellement notre analyse du travail mathématique. Les structurations successives dues aux techniques τ2 , τ3 , et τ4 construisent la praxéologie associée au type de tâche T. Nous en exposons ci-dessous les principaux éléments :

- La technique τ2 commence par une genèse instrumentale de l’artefact générateur aléatoire dans l’ETMA construisant une simulation de somme de deux dés. Après validation discursive de cette simulation, on l’exploite en tant qu’outil dans l’ETMS pour une genèse instrumentale construisant un protocole expérimental de calcul d’une fréquence (figure 5).

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- La technique τ3 consiste d’abord à reprendre le protocole de simulation d’une fréquence pour l’automatiser. Ce qui engendre une circulation complète dans l’ETMA. Le nouveau programme de simulation d’une fréquence est ensuite utilisé comme outil dans l’ETMS pour construire un protocole de tracé du nuage des fréquences. Ce qui provoque une genèse sémiotique dans l’ETMP (visualisation des fluctuations du hasard).

- Enfin, la technique τ4 reprend le protocole de tracé du nuage pour l’automatiser, ce qui génère à nouveau une circulation complète dans l’ETMA. Ce dernier programme est utilisé dans l’ETMS pour construire une conjecture de l’intervalle de confiance. Ce travail entraine une genèse discursive dans l’ETMP (au premier niveau de paradigme probabiliste).

CONCLUSION L’étude des moments didactiques a mis en évidence un ordre d’apparition de techniques de résolution successives pour la tâche de simulation d’échantillonnage. La structuration progressive du savoir-faire, met en relation des embryons de connaissance intuitive. Ce qui apporte une cohérence d’ensemble constituant une forme de théorie adaptée à un premier niveau de paradigme. Le phénomène de construction praxéologique met en évidence un lien direct entre l’enchaînement des techniques, et les étapes de construction du programme de simulation par encapsulages successifs. Et ces étapes algorithmiques entrent aussi en résonnance avec les phases du protocole expérimental statistique. Cette congruence sémantique trouve son expression dans un certain aspect du travail de programmation informatique : l’organisation de type procédurale en blocs sous-programmes. De son côté, l’outil ETM met en évidence des interactions entre les trois domaines considérés : Le programme de simulation est exécuté dans l’ETMS en tant qu’outil technologique, afin de construire dans une genèse instrumentale un nouveau protocole expérimental. Puis l’ancien programme de simulation pris comme outil théorique, va construire dans une genèse discursive de l’ETMA un nouvel objet algorithmique visant à automatiser ce nouveau protocole expérimental… L’analyse du travail mathématique dans les projections de l’ETM, met en évidence une triple répétition de ce processus : une dialectique cyclique d’interactions évolutives. Un début de réponse apparaît concernant notre question initiale lié à la nature de cycles de modélisations permettant la découverte progressive du phénomène de fluctuation d’échantillonnage, par des stagiaires ou dans le cadre de la classe. Une nouvelle phase, expérimentale, s’impose désormais pour finaliser cette recherche.

REFERENCES

Chevallard Y. (1998) Analyse des pratiques enseignantes et didactique des mathématiques : l’approche anthropologique. Actes de l’Université d’Eté, IREM de Clermont-Ferrand, 91-120.

Kuzniak, A. (2011). L’espace de Travail Mathématique et ses genèses. In Annales de didactique et de sciences cognitives, volume 16, 9–24.

Kuzniak A., Nechache A. , & Drouhard J.P. , Understanding the development of mathematical work in the context of the classroom, (2016), ZDM Mathematics Education. 48.6, 861-874.

Laval, D. (2015). L’algorithmique comme objet d’apprentissage de la démarche de preuve en théorie élémentaire des nombres : l’algorithme de Kaprekar. Actes du Quatrième symposium international – ETM de juillet 2014, 103-115. Madrid, Espagne.

Modeste S. (2012). Enseigner l’algorithme pour quoi ? Quelles nouvelles questions pour les mathématiques ? Quels apports pour l’apprentissage de la preuve ? Thèse de doctorat. Université de Grenoble. France.

Nechache A. (2016). La validation dans l’enseignement des probabilités au secondaire. Thèse de doctorat. Université Paris-Diderot, Paris, France.

Parzysz, B. (2009). Des expériences au modèle, via la simulation. Repères-IREM, (74) : 91–103. Parzysz, B. (2014). Espaces de travail en simulation d’expérience aléatoire au lycée : une étude de cas. In

Relime, volume 17.4, 65–82. RESCOL-PROB. (2009), Ressources pour la classe de seconde, Probabilités et statistiques, juin 2009.

http://eduscol. education.fr

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Cryptographie au collège avec Scratch.

Emmanuel Volte

Université de Cergy-Pontoise, France, [email protected]

Résumé - Cet article propose des activités cryptographiques originales destinées à des classes de collège.Mots clefs : Cryptographie, collège, arithmétique modulaire, TICEAbstract - This paper proposes some new activities to be used in the secondary school.Keywords : Cryptography, secondary school, modular arithmetic,

I. Introduction

Dans cet article, nous allons nous concentrer sur l’arithmétique modulaire. Bien entendu, cette notionn’est vue pratiquement que dans le supérieur. Et d’ailleurs elle est considérée souvent comme une notioncompliquée. Alors, pourquoi vouloir l’aborder dès le collège ?D’abord, l’arithmétique modulaire est partout, et de fait, un élève de 6ème sait déjà l’utiliser, sans pourautant l’avoir formalisé. Par exemple, si il est 9h du matin, et qu’on demande quelle heure il était 10hplus tôt, tout le monde ou presque saura répondre. Les élèves ont déjà intégrer cela, et c’est pour celaque le chiffrement de César ne leur cause pas de problème majeur de compréhension. En utilisant cettereprésentation circulaire des nombres, on va pouvoir fournir des images efficaces des nombres modulaires.D’abord avec le chiffrement par décalage, et ensuite avec un chiffrement affine, très simple à construire,à la main, par n’importe quel élève de 6ème.Une autre façon extrêmement simple de voir les nombres modulaires est de considérer des modulo parune puissance de 10. Cela revient donc à ne considérer que les derniers chiffres des nombres entiers. Enutilisant ce genre de modulo, nous avons pu construire un scénario sur Scratch, illustrant le problème dusac à dos. Le problème est certes plus complexe, mais il est historique et il s’agit d’un chiffrement à clépublique. L’utilisation de l’affichage des clés, peut également aider à la compréhension de ce qui est en jeu.

II. Autour de l’arithmétique modulaire

1. Chiffrement par décalageUn programme Scratch commence par représenter, sous forme d’une étoile avec une lettre au bout

(figure 1, à gauche), les fréquences d’apparition des lettres en français. Ensuite, notre chat habitueldemande un texte à déchiffrer avec le chiffrement par décalage. Proposons par exemple le texte :

UXBXQGDQPMZEYAZOAQGDOAYYQUXBXQGFEGDXMHUXXQNous obtenons alors un graphique similaire (figure 1) indiquant l’étoile des fréquences des lettres dans cetexte. Le programme nous demande alors de deviner le décalage qui a été effectué. Le programme montrealors le texte original, et autorise à faire plusieurs essais.

2. Chiffrement affinePour le chiffrement affine, qui est une fonction affine de l’espace des nombres modulo 26 dans lui

même, il vaut mieux éviter de prononcer le mot affine. On peut par exemple parler de chiffrement pardécalage avec saut. Ainsi, on choisit un saut, puis une lettre de départ et on construit ainsi deux disquesqui se correspondent avec un chiffrement affine (figure refaffine). Les disques peuvent être imprimés pourune utilisation hors salle informatique, ce qui est préférable. Plusieurs activités peuvent être construitesautour de ce programme : chiffrer, déchiffrer, comment construire le disque de déchiffrement, quel seraitle nouveau décalage et le saut etc.

3. Sac à dosL’activité construite autour du sac à dos est à la fois une mise en scène de la création d’un chiffrement,

et également la mise en scène du protocole de communication. C’est un exemple plus ambitieux que leprécédent, et il faut avoir compris le chiffrement affine, sauf qu’ici le chiffrement affine utilisé est modulo

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Figure 1 – Analyse des fréquences des lettres dans un texte. A gauche la fréquence des lettres dans lalangue française

Figure 2 – Disques de chiffrement affine, saut=3, départ=G

une puissance de 10 et non modulo 26.L’utilisateur choisit la longueur de sa clé, puis une clé privée et publique est générée aléatoirement, etenfin, une communication publique est engagée entre l’ours et le chat. L’ours veut faire passer un messagesecret choisit par l’utilisateur (figure 3), qui est en fait un nombre traduit en binaire.

Figure 3 – L’ours demande un message à chiffrer

45 sciencesconf.org:emf2018:222760