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PPrreemmiieerr cchhaappiittrree SSyynntthhèèssee bbiibblliiooggrraapphhiiqquuee
Chapitre I
SSYYNNTTHHEESSEE BBIIBBLLIIOOGGRRAAPPHHIIQQUUEE
8
PPrreemmiieerr cchhaappiittrree SSyynntthhèèssee bbiibblliiooggrraapphhiiqquuee
I.1–LES BIO–CERAMIQUES A BASE DE PHOSPHATE DE CALCIUM
I.1.1– Généralités
Il ne peut sans doute pas exister une définition totalement satisfaisante des bio–
matériaux, mais on peut retenir celle proposée lors de la conférence de CHESTER de la Société
Européenne des Biomatériaux, en 1986 : ‘matériaux non vivants, utilisés dans un dispositif
médical destiné à interagir avec les systèmes biologiques’.
Au delà de toute définition formelle, un bio–matériau doit être par nécessité ‘bio–
fonctionnel’, c’est à dire remplir la fonction désirée, mais aussi ‘bio–compatible’, autrement
dit, interagir au mieux avec les tissus dans le corps humain. La bio–fonctionalité est
directement liée aux propriétés mécaniques ou physiques qui permettent l’utilisation d’un
matériau donné, et la bio–compatibilité permet d’assurer sa fonction aussi longtemps que
nécessaire.
Les céramiques se caractérisent par une température de fusion élevée, un
comportement fragile et une grande inertie chimique. Elles possèdent d’excellentes propriétés
de frottement (état de surface, mouillabilité), et ne sont pas sensibles à la corrosion
électrochimique. Leur principal défaut est la fragilité qui peut mener à une rupture en service.
Dans le domaine des bio–matériaux, les céramiques peuvent être classées en trois
groupes : les céramiques inertes, actives en surface et bio–résorbables (figure I.1).
Les bio–céramiques inertes ne présentent aucune ou peu de réaction avec le milieu
biologique mais engendre une réaction inflammatoire immédiatement après l’opération. Elles
sont souvent utilisées pour la fabrication de valves cardiaques ou de prothèses articulaires
pour lesquelles des propriétés, comme la durée de vie et la stabilité, sont très importantes. Les
plus répandues sont l’alumine, la zircone et le carbone pyrolitique.
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1001 1000
Réa
ctiv
ité re
lativ
e
Temps (jours)
Bio–céramiques résorbables
Surface réactive
Presque inerte
Figure I.1- Spectres de réactivité relative des bio–céramiques
10
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Les céramiques bio–actives présentent une activité chimique par rapport à
l’environnement physiologique. Elles contiennent des ions que l’on trouve couramment dans
l’os (calcium Ca2+, phosphate PO4-, magnésium Mg2+, sodium Na2+), et sont caractérisées
lors d’un contact direct avec la matière osseuse, par la création d’une liaison biologique avec
le matériau. Il en résulte un phénomène d’adhésion capable de transmettre les forces de
cisaillement. Bien que leurs propriétés de surface soient intéressantes, leur fragilité et leur
faible tenue en fatigue statique limitent leur utilisation. Ces matériaux, souvent à base de
phosphate de calcium, ont une formule chimique proche de celle des tissus (os ou dents), et
peuvent être utilisés seuls ou en pulvérisation sur d’autres matériaux (Revêtement
d’hydroxyapatite sur les tiges fémorales).
En revanche, les céramiques résorbables accompagnent le développement du
nouveau tissu. La reconstruction osseuse et la résorption de l’implant se produisent
simultanément. Au fur et à mesure que la bio–céramique se dissout dans le milieu
physiologique, sa porosité augmente, ce qui permet la repousse du tissu dans l’implant. Parmi
ce type de bio–céramiques, on rencontre celles à base de phosphate tri–calcique.
I.1.2– Les phosphates de calcium
Outre le développement en orthopédie de têtes fémorales en alumine puis en
zircone au début des années quatre-vingt-dix, une nouvelle génération de matériaux de
synthèse à base de phosphate de calcium a ouvert la voie au développement de matériaux bio–
actifs. Les phosphates de calcium occupent une place essentielle compte tenu de leur parfaite
bio–compatibilité, de leur possibilité de bio–dégradation et de leur bio–réactivité.
Il y a 150 ans, le nom « apatite » a été donné à un groupe de minéraux. Il est
originaire du grec et signifie décevant car ces minéraux avaient été confondus avec des
améthystes. Cette famille de céramiques peut être représentée en terme d’un cation bivalent,
M++, un anion trivalent, XO4---, et un anion monovalent, Z+, par la formule M10(XO4)6Z2. La
plupart des apatites cristallisent dans un système à symétrie hexagonale. Elles sont souvent
non stœchiométriques. Le rapport atomique M/X est utilisé pour caractériser cet écart à la
stœchiométrie.
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Selon la stœchiométrie du produit, on peut trouver des phosphates de calcium
bio–dégradables ou permanents. Théoriquement, les apatites stœchiométriques (dont le
rapport calcium/phosphore Ca/P=1.69) sont non résorbables. La vitesse de bio–dégradation
d’une apatite dépend non seulement de sa composition, mais aussi de l’aire de contact avec
les tissus (surface spécifique), de la porosité et du taux de cristallinité.
I.1.2.1– L’hydroxyapatite et le phosphate tri–calcique
L’hydroxyapatite (HAP), de formule chimique Ca10(PO4)6OH2, est l’apatite la
plus connue, étant donnée sa composition chimique très proche de celle des tissus calcifiés
que sont l’os, l’émail et la dentine [MONT77]. Elle a une excellente affinité avec les tissus.
Son avantage principal est de créer de fortes liaisons chimiques avec l’os.
Le phosphate tri–calcique (β–TCP), de formule Ca3(PO4)2, est plus rapidement
résorbé par les tissus. Le problème rencontré avec cette céramique est sa relative faible
contrainte à la rupture, en particulier lorsque les processus de résorption sont enclenchés.
L’hydroxyapatite et le phosphate tri–calcique sont parfaitement bio–compatibles
et ostéo–conducteurs. Ils sont en général préparés en solution aqueuse par des méthodes de
précipitation. Une solution de sels de phosphate et de calcium, est préparée. Les apatites
(phosphates de calcium) stœchiométriques ne précipitent pas spontanément : d’autres
précurseurs amorphes précipitent d’abord. Après une maturation plus ou moins longue où le
rapport calcium/phosphore évolue, les compositions d’HAP peuvent être obtenues. Le produit
final dépend du rapport Ca/P, de la température et du pH. L’hydroxyapatite et le phosphate
tri–calcique appartiennent à la famille des ortho–phosphates dont les six principaux
composés, caractérisés par leur rapport Ca/P, sont répertoriés dans le tableau (I.1) [HEUG86].
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Symbole Formule Nom Ca/P DCPD CaHPO4, 2H2O Phosphate di–calcique
dihydrate (Brushite) 1
DCPA CaHPO4 Phosphate di–calcique 1
OCP Ca8H2(PO4)6, 5H2O Phosphate octo–calcique
1.33
TCP Ca3(PO4)2 Phosphate tri–calcique 1.5
HAP Ca10(PO4)6OH2 Hydroxyapatite 1.67
TCPM Ca4(PO4)2O Phosphate tétra–calcique
2
Tableau I.1– Famille des phosphates calciques [HEUG86]
Bio–céramique Fonction
HAP Revêtements pour liaisons chimiques
Implants dentaires
Augmentation de la crête alvéolaire
Application O.R.L. : osselets
Reconstruction maxillo–faciale
Implant d’accès percutané
β–TCP Comblement temporaire
Tableau I.2– Quelques utilisations de l’hydroxyapatite et du phosphate tri–calcique dans le domaine
de la médecine
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I.1.2.2– Intérêts et applications
Les bio–matériaux couvrent des domaines d’applications variés tels que
l’ophtalmologie, la chirurgie orthopédique ou cardio-vasculaire, l’odontologie ou l’urologie.
La science des matériaux à vocation biomédicale est pluridisciplinaire et nécessite une
collaboration étroite entre des experts dans les divers domaines : mécaniciens, tribologues,
biologistes et chirurgiens.
Le succès d’un matériau pour application médicale dépend d’un grand nombre de
paramètres. Il doit évidemment remplir la fonction désirée (transmettre des efforts, générer un
stimulus, … etc.), mais surtout pendant plusieurs années. Le matériau doit être compatible
avec les tissus, c’est à dire ne pas déclencher de réaction hostile des tissus et provoquer une
inflammation (aiguë ou chronique). Il ne doit pas non plus être considéré comme une source
persistante d’inflammation, par exemple en rejetant dans l’organisme des produits de
corrosion ou de dégradation. La réaction immunitaire n’est pas simple, et s’il est relativement
aisé de déterminer à priori les critères de bio–fonctionnalité des matériaux (tenue mécanique,
vieillissement) par des expériences in–vitro, il est très difficile de prévoir totalement la bio–
compatibilité.
Les récents développements dans le domaine des bio–matériaux ont concerné de
nouvelles indications avec les substituts osseux utilisés pour le comblement osseux (après
traumatisme, infection, résection de tumeurs ou périphériques) [HARD91].
La vitesse de repousse osseuse est gérée par le taux de porosité et la taille des
pores [BIGN02]. Celle–ci doit être suffisante pour permettre le passage des ostéons (quelques
dizaines de microns) sans toutefois trop diminuer les caractéristiques mécaniques.
L’hydroxyapatite et le phosphate tri–calcique sont des céramiques qui favorisent la repousse
osseuse (ostéo–conduction) grâce à leur composition très proche de celle de la partie minérale
de l’os. Elles sont de plus en plus utilisées en chirurgie réparatrice [BERN, CHEV01] et pour
réaliser des substituts osseux [BERN93]. Leur succès en revêtements (par technique plasma) à
la surface de tiges fémorales ou de cupules acétabulaires porte à penser que leur optimisation
les rendra utilisables cliniquement à grande échelle pour des applications en comblement
osseux. Quelques utilisations de l’HAP et du β–TCP dans le secteur médical sont regroupées
dans le tableau (I.2).
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Figure I.3– Radiographie de la hanche d’un patient souffrant d’un fort déficit osseux dû à une
ostéolyse marquée au niveau du cothyle
Figure I.4– Mise en place d’une cale en hydroxyapatite, après ostéotomie tibiale
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Depuis plusieurs années, la principale utilisation de l’hydroxyapatite, qui est une
bio–céramique non résorbable et active en surface, est le recouvrement des parties métalliques
des prothèses de hanches ou de genoux. Elle peut être utilisée sous forme de granules ou de
pièces macro–poreuses pour le comblement en chirurgie réparatrice. Sous forme dense, l’HAP
est utilisée pour des applications sans sollicitation mécanique importante : osselets de
l’oreille, implants percutanés permettant un accès permanent pour les patients sous dialyse,
d’autres pièces sont en cours de développement telles que des vis ou des implants dentaires
renforcés par une âme métallique [BERN].
N’oublions pas enfin que la réponse des tissus peut être très variable d’un patient
à l’autre et que les études cliniques doivent tenir compte du caractère statistique de
l’implantation (sexe, âge, activité, …, etc.).
Les substituts osseux utilisés actuellement en orthopédie, dits de première
génération, sont généralement des céramiques poreuses composées de phosphate de calcium
et/ou d’hydroxyapatite (le composant minéral du tissu osseux) [BIGN02] ; bien qu’ils ne
soient pas ostéo–inducteurs mais ostéo–conducteurs, ils servent essentiellement de tuteurs à la
formation osseuse et peuvent se dégrader plus ou moins rapidement. Comme l’illustrent les
figures (I.3 et I.4), les substituts osseux sont indiqués dans le cas d’une reprise de prothèse,
lorsqu’une forte perte osseuse (ostéolyse) est notée autour de l’implant original (ils servent
alors directement de blocs de comblement), ou dans le cas d’ostéotomies tibiales (ils servent
alors à récupérer une inclinaison correcte de l’articulation du genou). Ils peuvent enfin être
indiqués lors d’une tumeur osseuse (ostéo–sarcome, voir figure I.5), où une partie de l’os doit
être enlevée.
Cependant, l’efficacité des blocs poreux est limitée dans le cas de comblement
osseux de volumes importants [GUIG94]. De plus, leur propriétés sont très dispersées, en
terme de porosité, surface spécifique et propriétés mécaniques, et aucune étude définissant
clairement des critères d’optimisation de ces matériaux n’a été menée. On considère
généralement que le taux de porosité doit être important pour favoriser la repousse osseuse
mais que celui–ci nuit aux propriétés mécaniques. Ce défaut d’optimisation entraîne donc des
échecs cliniques, en terme même de repousse des tissus osseux. En élaborant des blocs poreux
à microstructure contrôlée et optimale en terme de taux de porosité, de taille de pores et de
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Figure I.5– Ostéo–sarcome du genou (la zone affectée est vue blanche)
1180
Tem
péra
ture
(°C
)
1360
1550
1570
CaO + HAP
CaO + TCPMCa4(PO4)2O
Phosphate tétra–calcique
TCPM + α–TCPCa3(PO4)2
Phosphate tri–calcique
TCP + Ca2P2O7
Phosphate di–calcique
(Ca/P = 1)
TCP Liq
Liq
α–TCP+
HAP
β–TCP+
HAP
TCPM+
HAP
Liq+
TCPM
Liq+
α–TCP
Liq
Ca/PP2O51.51.6672CaO
%CaO
Figure I.6– Diagramme de phase du système CaO–P2O5
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surface spécifique, et en travaillant avec des acteurs du domaine médical en particulier pour
définir les critères d’optimisation, BIGNON [BIGN02] a évalué récemment in–vitro et in–vivo
des substituts à microstructure contrôlée avec des taux de porosité et des surfaces spécifiques
différentes et pour des compostions variables en hydroxyapatite et phosphate tri–calcique.
I.2– CARACTERISATION PHYSICO–CHIMIQUE
I.2.1– Diagramme de phase
L’hydroxyapatite, de rapport calcium/phosphore, Ca/P, compris entre 1.5 et
1.667, présente d’importantes propriétés d’adsorption en surface (notamment l’eau) qui sont
liées à la présence et à l’échange en surface d’ions hydroxyles et ortho–phosphates.
L’hydroxyapatite appartient à la famille des ortho–phosphates calciques, dont les six
principaux composés sont répertoriés dans le tableau (I.1). Plusieurs de ces composés existent
sous différentes formes allotropiques (arrangements atomiques différents avec la même
composition) comme par exemple le TCP qui peut se trouver, entre autre, sous forme
rhomboédrique (forme β) ou monoclinique (forme α).
Le diagramme de phase des phosphates de calcium (figure I.6) est fortement
influencé par la pression de vapeur d’eau. En milieu anhydre l’HAP n’apparaît pas et la
décomposition de l’HAP en α–TCP, en TCPM et H2O, selon la réaction (R.I.1), dépend
fortement de la pression de vapeur d’eau.
OHPOOCaPOCaOHPOCa 2244243264 )()(2)(
10++−→ α (R.I.1)
L’hydroxyapatite biologique qui constitue la partie minérale des os n’a pas la
structure idéale de l’HAP synthétique. Elle est sous–stœchiométrique, mal cristallisée et
carbonatée. La moitié des carbonates est en fait adsorbée en surface des cristaux, l’autre
moitié est incorporée dans la structure, à la fois en sites PO4 et OH. La présence également
des ions hydrogéno–phosphates HPO4, qui justifie la valeur de son rapport Ca/P inférieur à la
valeur théorique 1.67, entraîne une distorsion de la maille cristallographique de l’HAP
[MACK53]. Une légère variation du rapport Ca/P provoque donc des changements importants
dans la composition et les caractéristiques de la poudre, comme le montrent RAYNAUD et al.
[RAYN02A]
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Le phosphate tri–calcique, résorbable, très soluble et beaucoup moins stable,
précipite sous forme amorphe Ca9(PO4)6, nH2O ou sous forme de cristaux apatiques
hexagonaux Ca9(HPO4)(PO4)5(OH) après synthèse par voie sol–gel [GALL98, LIN98,
YUBA97, ZYMA94]. Sa structure cristallographique, observée par diffraction X, est alors
sensiblement la même que celle de l’hydroxyapatite. Elle se décompose en β–TCP et en eau
vers 800°C suivant la réaction (R.I.2). Inversement, le phosphate tri–calcique peut se
retransformer en forme apatique si on l’immerge dans de l’eau [LIN01, YUBA97]
OHPOCaOHPOHPOCa C
2243800
449 )(3)(5))(( +⎯⎯ →⎯ ° β (R.I.2)
Le TCP cristallise à plus haute température sous trois phases ; la phase β, qui est
la plus utilisée pour la fabrication de substituts osseux en raison de sa vitesse de résorption
adaptée à la vitesse de repousse osseuse in–vivo, est stable de la température ambiante jusqu’à
930°C, 1180°C ou 1200°C selon les publications [ABAB94, BIGN02, MATH77, MONM83,
RAYN02, ROYE92, TAMP97, YUBA93]. Cette température définit la transition métastable–
stable du TCP en phase α, qui est stable jusqu’à 1470°C. La phase α n’est stable qu’au–
dessus de 1470°C [MATH77]. La référence [RUAN96] montre même une nouvelle température
de transition 215.9°C qui ferait passer le TCP de la phase α–monoclinique en une phase
métastable α’–orthorhombique. Cette phase est en général très difficile à observer en raison
de son faible domaine de stabilité en température et de la faible concentration observée.
I.2.2– Densification
Quelle que soit la méthode retenue pour la mise en forme, une pièce réalisée à
partir de phosphate de calcium présente une certaine porosité (volume des pores/ volume de la
pièce). La tenue mécanique est très dépendante de cette porosité. La définition de cycles de
température est donc cruciale pour l’élimination des matières organiques (liants de pressage,
dispersant de coulage) et pour l’élimination de la porosité. Le frittage représente l’ensemble
des phénomènes qui se produisent lors de la consolidation et de l’élimination de la porosité
(densification). C’est un facteur critique qui influence la stabilité des phases et la densification
de l’HAP et du β–TCP. Le cycle de frittage a une influence décisive aussi bien sur la densité
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finale obtenue que sur la microstructure, c’est à dire la taille des grains et la porosité. Ce cycle
peut donc influencer les propriétés du matériau dense.
L’aptitude au frittage des matériaux est généralement évaluée par essai
dilatométrique. Il permet de déceler les différents phénomènes qui se produisent au cours du
cycle thermique.
Les apatites se frittent entre 1000°C et 1500°C. Le frittage de l’hydroxyapatite et
du phosphate tri–calcique s’effectue dans le domaine de température 1100°C–1300°C
[ABAB94, AKAO81, AKAO84, BIGN02, DEWI81, HALO94, HUSS97, LELI96, METS99,
MILO99, MURA00, RAYN97, RAYN98, TORI87, VANL95, WANG93, YASU00], suffisant pour
permettre la diffusion contrôlant les mécanismes de frittage sans grossissement exagéré des
grains.
ABABOU [ABAB94] a étudié le frittage de l’hydroxyapatite en phase solide avec et
sans ajout, tout en s’attachant à la compréhension des mécanismes, plus qu’à l’obtention de
densités élevées. Tous les cycles de frittage ne conduisent pas à des microstructures
identiques : un grossissement de grains, relativement important, peut se produire dans les
échantillons maintenus en palier de température, comme il peut également se produire lors de
la montée en température. Un cycle rapide semble donc préférable à un cycle lent si on veut
obtenir des grains fins.
L’addition de Na3PO4 comme aide au frittage pour améliorer la densification de
l’hydroxyapatite a fait l’objet du travail de HALOUANI et al. [HALO94]. Elle est destinée à
fritter le matériau à basse température mais en revanche, elle induit un grossissement de
grains et affaiblit les joints de grains, ce qui entraîne de faibles caractéristiques mécaniques.
Signalons également qu’un traitement de calcination retarde le frittage à basse
température. C’est notamment l’observation qu’ont faite LANDI et al. [LAND00] : à des
températures de calcination situées entre 940°C et 1000°C les grains d’HAP deviennent
circulaires et la coalescence est réduite, mais à haute température la probabilité de
grossissement des grains décroît et la densification est améliorée.
Deux types de pièces, avec des propriétés biologiques différentes, peuvent être
préparées par frittage : poreuses ou denses.
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Il existe plusieurs méthodes pour obtenir les céramiques poreuses [PEEL78,
LELI92]. Ces dernières sont réhabilitables si les pores sont inter–connectés. BIGNON [BIGN02]
a montré l’influence de la macro et de la micro–porosité sur la prolifération et l’adhésion
La mise en forme de l’HAP dense se fait par des procédés classiques : coulage en
barbotine, pressage uni–axial ou pressage isostatique. Ce dernier permet l’obtention d'une
bonne densité à cru et donc de bonne propriétés mécaniques finales.
La technique de pressage à chaud (H.I.P.) a été utilisée par plusieurs auteurs
[GLAS82, HALO94, RAYN02C, RAYN97, SUCH96, TAMP97]. Certains auteurs [HALO94,
RAEM84] montrent que cette technique de frittage, bien qu’elle permette d’abaisser la
température et de limiter la croissance des grains, n’apporte pas d’amélioration substantielle
aux propriétés mécaniques.
En revanche, très peu de travaux ont porté sur l’influence de l’atmosphère.
PAUCHIU [PAUC93] remarque que la déshydratation de l’hydroxyapatite ne gène pas le frittage
alors que la décomposition bloque le processus de densification et la vapeur d’eau ralentit la
vitesse de frittage. En frittant l’hydroxyapatite sous un mélange vapeur d’eau/oxygène, DE
WITH [DEWI81] a remarqué la chute des propriétés mécaniques (ténacité et résistance en
flexion) pour la même densité, après frittage, en atmosphère humide par rapport à une
atmosphère sèche.
I.2.3– Stabilité thermique
La stabilité des phases dépend essentiellement de l’environnement et de la
température de frittage. En chauffant l’hydroxyapatite à des températures élevées, certains
auteurs remarquent une déviation du rapport molaire Ca/P en prenant une valeur inférieure à
sa valeur théorique (1.67) ; l’α ou le β–phosphate de calcium peut être éventuellement formé
[CIHL97, LAND00] suivant la réaction (R.I.3), ce qui gène le frittage à ces températures
élevées et cause une décroissance de la densité du matériau et une dégradation de ses
propriétés mécaniques.
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OHPOCaOHPOCa 224326410 )(2)( +−→ α (R.I.3)
La densité et la contrainte à la rupture en flexion de l’HAP frittée pendant quatre
heures sous air dans la référence [WANG93] (tableau I.3) augmentent dans un premier stade
avec la température de frittage et atteignent un maximum autours de 1150°C, puis elles
chutent progressivement à cause d’une décomposition de l’hydroxyapatite en phosphate tri–
calcique et tetra–calcique. Un frittage sous vide entraîne une décomposition de
l’hydroxyapatite à plus basse température, qui affaiblit les propriétés mécaniques. Si le
frittage est réalisé dans un environnement humide, la densité et la contrainte à la rupture
croissent progressivement pour atteindre des plateaux aux alentours de 1300°C.
Les articles tournés vers la décomposition de l’hydroxyapatite au cours du frittage
sont incertains quant à la température minimale de décomposition. Quelques résultats
montrent que l’HAP est stable sous air au dessus de 1300°C et ne se décompose qu’à 1400°C
[MURA00] ou entre 1350°C et 1500°C dans un environnement humide (mais à 1200°C sous
air) [LAND00]. D’autres auteurs trouvent que l’hydroxyapatite peut même commencer à se
décomposer en phases secondaires dès qu’on fritte le matériau huit heures à 1300°C
[VANL95]. En résumé, la décomposition de l’HAP commence avant 1550°C (voir diagramme
de phase) et dépend en fait du temps de palier à haute température et de la pression de vapeur
d’eau.
Les mécanismes de la transformation αβ → du TCP sont loin d’être entièrement
compris. Très peu d’articles traitent de façon exhaustive de cette transformation [MONM83,
BIGN02]. BIGNON [BIGN02] a étudié de façon systématique la transformation en fonction de
la température de frittage d’un composite HAP/β–TCP (70/30) et a remarqué un début
d’apparition de la phase α entre 1150°C et 1175°C, pour un palier de six heures. Par
diffraction X isotherme à haute température, MONMA et al. [MONM83] ont montré que la
transformation αβ → du phosphate tri–calcique peut être suivie par l’équation de MEHL–
AVRAMI–JOHNSON, caractéristique du mécanisme de germination–croissance. La figure I.7
montre que le β–TCP se transforme quasi–instantanément en phase α au–dessus d’une
température de 1200°C. La transformation inverse βα → se situe vers 850°C. Un traitement
thermique aux environs de cette température semble donc permettre une transformation totale
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T (°C) 900 1000 1100 1200 1250 1300 1350
Air D(g.cm-3) σf(MPa) vide D(g.cm-3) σf(MPa) env. humide D(g.cm-3) σf(MPa)
1.89 3.8
1.91 3.8
1.91 3.6
2.17 9.9
2.36 6.2
1.96 7.8
2.46 14.0
2.39 11.6
2.04 10.5
2.45 14.7
2.08 6.0
2.18 12.0
2.07 7.4
1.98 4.3
2.40 15.3
2.08 5.6
1.96 4.0
2.43 16.5
2.03 4.6
1.93 4.0
2.46 16.4
Tableau I.3– Densité et contrainte de rupture en flexion d’une HAP frittée 4h sous air, sous vide et
dans un environnement humide [WANG93]
Figure I.7– Diagramme temps–température–transformation βα ↔ du TCP, valeurs d’après
[MONM83]
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Température de frittage (°C) 1100 1150 1200 1250 1300
Pourcentage de la densité théorique (3.16 g.cm–3) 93 96.4 97.2 97.5 97.8
HA
P
Taille de grains (µm) 0.4 0.5 0.7 1.9 3
Pourcentage de la densité théorique (3.07 g.cm–3) 85.6 98.6 99.4 99.6 100
TC
P
Taille de grains (µm) 0.6 1.1 1.3 2 7.8
Tableau I.4– Influence de la température de frittage sur la densité et la taille de grains pour l’HAP et
le β–TCP [AKAO84]
Température de frittage (°C)
Temps de palier (min)
Densité (%dTh)
Taille de grains (µm)
0900
1000
1040
1100
1150
1200
1250
1250
1250
30
30
30
30
30
30
30
60
600
54.0
87.1
93.0
98.8
99.0
99.5
99.2
99.0
98.8
–
0.10
0.15
0.20
0.35
0.40
0.75
0.80
1.20
Tableau I.5– Influence de la température de frittage sur la densité et la taille de grains pour une HAP
pressée à chaud (H. I. P.) [HALO94]
Figure I.8– Evolution de la taille de grains et de la densité de l’HAP avec la température de frittage selon [DEWI81]
24
PPrreemmiieerr cchhaappiittrree SSyynntthhèèssee bbiibblliiooggrraapphhiiqquuee
en phase β. Cependant, malgré les nombreux résultats présentés par MONMA et al., l’article
reste concis et les conditions expérimentales sont peu détaillées. La quantification de chaque
phase a été faite par mesure de l’intensité des pics et en calculant le rapport Iα ou Iβ /(Iα+ Iβ),
même si le coefficient d’absorption des rayon X des deux phases α et β n’est pas le même
[BIGN02].
I.2.4– Microstructure
L’influence de la température de frittage sur la microstructure (taille de grains) et
sur la densité de pions pressés en hydroxyapatite et en β–phosphate de calcium, calcinés à
800°C est montrée dans le tableau (I.4) [AKAO84]. On voit bien l’accroissement de ces deux
grandeurs à mesure que la température croit jusqu’à même des valeurs de densités très
exagérées pour le β–TCP et qui corresponds à l’apparition d’un pourcentage en HAP vers les
températures les plus élevées (1250 et 1300°C). Le même accroissement a été observé par
d’autres auteurs pour l’HAP [DEWI81, MURA00, RAYN98] (figure I.8).
HALOUANI et al. [HALO94] ont fait la même remarque pour les tailles de grains
mais montrent que la densité de l’hydroxyapatite (tableau I.5) peut être améliorée par un
traitement de H.I.P. (Hot Isostatic Pressing). Un maximum de 99.5% de la densité théorique
est obtenu à la température de 1200°C, pour une taille de grains restant faible (0.4 µm)
LANDI et al. [LAND00] ont suivi l’évolution de la microstructure de l’HAP entre
1000°C et 1250°C (figure I.9). Un phénomène de coalescence commence à 1050°C et
s’accentue à 1100°C. A T > 1100°C, un grossissement de grains a été détecté et on observe
une surface plate avec des porosités résiduelles aux points triples. A 1215°C le grossissement
devient important et la porosité tend à disparaître.
25
PPrreemmiieerr cchhaappiittrree SSyynntthhèèssee bbiibblliiooggrraapphhiiqquuee
Figure I.9– Images M.E.B. de faciès de rupture de l’HAP après frittage à 1000°C (a), 1050°C (b),
1100°C (c), 1150°C (d) et 1215°C (e) [Land00]
26
PPrreemmiieerr cchhaappiittrree SSyynntthhèèssee bbiibblliiooggrraapphhiiqquuee
I.3– PROPRIETES MECANIQUES DES PHOSPHATES DE CALCIUM
L’étude des céramiques fait appel à la mécanique linéaire élastique de la rupture.
En effet, la contrainte nominale appliquée à la pièce ne suffit plus pour caractériser les
contraintes en fond de fissure, et l’on doit faire appel au facteur d’intensité de contrainte en
mode I d’ouverture, KI. Ce dernier représente l’état des contraintes au niveau du fond de la
fissure ; il est fonction de la contrainte appliquée, σ, et de la dimension du défaut, a :
aYK I ..σ= (E.I.1)
où Y est un facteur de forme, qui dépend de la géométrie de l’éprouvette.
La rupture de la céramique se produit lorsque KI atteint sa valeur critique, KIC,
appelée ténacité. L’optimisation des bio–matériaux fait appel à une augmentation de la
ténacité et à la réduction de la taille des défauts d’élaboration et d’usinage. Les céramiques
bio–médicales à base de phosphate de calcium ont donc des microstructures très fines, comme
l’indique toute la littérature.
Des informations parcellaires sur le comportement mécanique des matériaux
denses d’HAP et du β–TCP sont trouvées dans la littérature, notamment sur les
comportements du matériau en fatigue et en croissance sous critique [AKAO81, AKAO84,
DEWI81, HALO94, HUSS97, JARC76, METS99, MILO99, RAYN97, RAYN98, SLOS96,
TAMP97, TORI87, VANL95, YASU00].
En raison de la grande variété des procédés d’élaboration (coulage en barbotine,
pressage uni–axial, isostatique à froid ou à chaud, frittage simple ou sous charge, … etc.)
d’une part, et des poudres utilisées d’autre part, la densité et la taille de grains sont très
dispersées, et les valeurs données dans la littérature varient de manière importante. Nous les
avons reportées dans le tableau (I.6) avec les différentes valeurs du module d’YOUNG et les
propriétés mécaniques correspondant. Ainsi, Il est difficile de faire un bilan. Cependant, les
valeurs de la contrainte à la rupture en flexion, σf, et de la ténacité, KIC, pour des échantillons
denses d’hydroxyapatite varient entre 50 MPa et 196 MPa, et entre 0.95 MPa√m et 1.2
MPa√m pour σf et KIC respectivement. Pour le β–phosphate de calcium, σf varie entre 60
MPa et 126 MPa et la ténacité est de l’ordre de 1.1 MPa√m. Ce sont des valeurs faibles,
même pour des céramiques.
27
PPrreemmiieerr cchhaappiittrree SSyynntthhèèssee bbiibblliiooggrraapphhiiqquuee
Matériau Référence Conditions d’élaboration
Conditions de frittage
%Densité (cru–frittée)
Taille de grain
(µm)
Ténacité (MPa√m)
Flexion (MPa)
Compression (MPa)
Module d’Young
(GPa) HAP AKAO84 Pressage 60–
80MPA 1200°C, 1h *–97.2 0.7 0.95 102
(4points) 92
RAYN97 Pressage à chaud 10MPa
1165°C, 1h *–98 90 (3points)
DEWI81 Pressage isostatique 100MPa
1250°C, 6h 50–97 4 1 115 (3 points)
800 112
VANL95 Pressage isostatique
180MPa, 2min
1300°C, 3h *–99 4 0.97
HALO94 Pressage à chaud 20MPa
1200°C, 30min
*–99.5 0.4 1.2 (S.E.N.B.)
137 (3 points)
HUSS97 Pressage 15Kg/cm2
1250°C, 3h 1 50
SLOS96 Pressage : uniaxial 150MPa
isostatique 350MPa
1250°C, 2h, 100°C/h
40–98 2–3 60 (3 points)
TAMP97 Pressage isostatique 100MPa
1250°C 63–97.5 4–5 130 (4 points)
AKAO81 Pressage 60–80MPa
1300°C, 3h *–97.2 3 113 (3 points)
509 87.8
TORI87 1100°C 155
JARC76 Séchage à 90°C, 15h
1100°C, 1h *–99.6 0.3 196 (3 points)
917
YASU00 Coulage 2% de
dispersant
1200°C, 2h 55.8–* 0.85 88.5
HAP renforcée par des
whiskers
SUCH96 Pressage à chaud 30MPa
1000°C, 2h *–97 1.4
β–TCP AKAO84 Pressage 60–80MPA
1150°C *–98.6 1.1 1.14 126 (4points)
95
TORI87 1300°C 60
MILO99 Pressage isostatique 600MPa
1200°C, 30min
*–94 0.5–3 115
28
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HAP/ α, β–TCP 60/40
SLOS96 Pressage : uniaxial 150MPa
isostatique 350MPa
1250°C, 2h, 100°C/h
42–98.2 2–3 100 (3 points)
HAP/ α, β–TCP 15/75
SLOS96 Pressage : uniaxial 150MPa
isostatique 350MPa
1250°C, 2h, 100°C/h
49–99.8 2–3 93 (3points)
HAP/ α, β–TCP 10/90
TAMP97 Pressage isostatique 100MPa
1260°C 60–92.2 2–3 100 (4 points)
HAP/ α, β–TCP 10/90
TAMP97 Pressage à chaud 30MPa,
1150°C, 1h
1150°C, 1h *–100 1–2 120 (4 points)
HAP/ α, β–TCP 83/17
TORI87 1100°C 187
HAP/ α, β–TCP 60/40
JARC76 Séchage à 90°C, 15h
1150°C, 1h *–96.5 0.5 80 (3 points)
HAP/ α, β–TCP 90/10
RAYN00C Pressage à chaud 20MPa, 1100°C, 30min
1100°C, 30min
0.2 150
Tableau I.6– Synthèse bibliographique des procédés d’élaboration et des propriétés de blocs denses
en phosphates de calcium
Localisation Référence Flexion
(MPa)
Compression
(MPa)
Traction
(MPa)
Module d’YOUNG
(GPa)
Os cortical AKAO81 88–164 88–114 3–12
Os cortical MILO99 50–150 130–180 7–25
Fémur RAVA92 20
Dentine AKAO81 295 18
Email AKAO81 384 10 82
Tableau I.7– Propriétés mécaniques et modules d’YOUNG de l’os suivant sa localisation
29
PPrreemmiieerr cchhaappiittrree SSyynntthhèèssee bbiibblliiooggrraapphhiiqquuee
Si l’on regarde les propriétés mécaniques de l’os (tableau I.7), on remarque
qu’elles varient beaucoup en fonction de la région où il a été prélevé [AKAO81]. Il paraît
souhaitable que l’implant ait une contrainte à la rupture voisine de 50 MPa. Le tableau (I.8)
permet de comparer le module d’YOUNG et les propriétés mécaniques de l’hydroxyapatite, et
celles du β–phosphate de calcium à celles de l’os cortical. Il semble possible d’obtenir des
implants synthétiques denses dont les propriétés mécaniques soient meilleures que celles de
l’os cortical. Les blocs d’HAP et de β–TCP (denses) peuvent donc remplir aussi bien une
fonction de remplissage qu’une fonction mécanique, mais ils ne sont pas ostéo–inducteurs.
Quant aux blocs poreux, les différents procédés d’élaboration trouvés dans la
bibliographie [BERG97, BINN97, FABB95, GALL98, IZGÜ99, KLEI83, LIU96, LIU97A,
LIU97B, LIU98, MILO99, PENG00, VAZ99, WERN99], génèrent des pores de taille et de forme
très variables et donc des propriétés mécaniques encore plus dispersées.
Ces propriétés mécaniques peuvent être influencées par le taux, la taille, la forme,
la distribution et l’orientation des pores mais aussi par la résistance des parois inter–pores. En
effet, la variation d’une propriété mécanique, σ, avec le taux de porosité dépend de sa valeur
pour le produit dense, σ0, du taux de porosité, p, et d’un facteur géométrique de porosité, b,
compris entre 4 et 11 [LIU97B], selon une loi exponentielle, que l’on peut appliquer aussi au
module élastique, de la forme :
pbe .
0−=σσ (E.I.2)
LIU [LIU96] a montré que la forme, la distribution et l’orientation des porosités
peuvent engendrer une anisotropie des propriétés mécaniques. Cependant, on peut obtenir un
matériau résistant si les parois qui séparent les pores sont exemptes de défauts et de micro–
porosités.
30
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Matériaux Ténacité
(MPa√m)
Module d’Young
(GPa)
Flexion
(MPa)
Compression
(MPa)
HAP 0.8–1.2 87.8–112 50–196 509–917
β–TCP 1.14 95–115 60–126 –
Os cortical 3–25 50–150 88–180
Tableau I.8– Récapitulatif des propriétés mécaniques de l’HAP, du β–TCP et de l’os cortical
Figures I.10– Ténacité et contrainte à la rupture en fonction de la densité pour des éprouvettes en
HAP dans des environnements sec et humide [DEWI81]
31
PPrreemmiieerr cchhaappiittrree SSyynntthhèèssee bbiibblliiooggrraapphhiiqquuee
I.3.1– Influence de l'atmosphère
Un certain nombre d’articles traite en détail de l’influence de l’environnement sur
les propriétés mécaniques de l’hydroxyapatite et du phosphate tri–calcique denses [DEWI81,
RAYN97, RAYN98, WANG93]. DE WITH [DEWI81] décrit les propriétés mécaniques de l’HAP
dense en fonction des conditions d’élaboration et d’essai. Les mesures de la contrainte à la
rupture et de la ténacité sont effectuées en flexion trois points en milieu sec et humide, en vue
de connaître l’influence de l’environnement sur les propriétés mécaniques. La figure (I.10)
montre les courbes de variation de la ténacité et de la contrainte à la rupture avec la densité du
matériau. Les deux paramètres croissent avec la densité, les valeurs maximales de σf et de KIC
en milieu sec sont 115 MPa et 1 MPa m1/2 respectivement, tandis que ces valeurs sont réduites
de 75% pour un environnement humide. Cette influence peut être attribuée à une propagation
sous critique de fissures comme le supposent plusieurs auteurs [HUSS97, RAYN97, RAYN98].
Nous parlerons de ce phénomène dans la suite de la synthèse bibliographique.
I.3.2– Influence de la température de frittage
La température de frittage a une influence très importante sur les propriétés
mécaniques. La figure (I.11) est une comparaison des courbes de variation de la ténacité avec
la température de frittage pour des échantillons denses en HAP et en β–TCP de dimension
(3.7x3.7x20 mm3) [AKAO84]. Les propriétés du β–phosphate de calcium sont plus élevées que
celles de l’hydroxyapatite sans qu’il y ait de réelles explications dans la littérature.
VAN LANDUYT et al. [VANL95] trouvent qu’un optimum de ténacité est obtenu
pour la température de 1300°C correspondant à une densité maximale et à une taille minimale
de grains. Au dessus de cette température, KIC commence une chute, attribuée à l’influence de
la taille des grains sur le mode de rupture.
32
PPrreemmiieerr cchhaappiittrree SSyynntthhèèssee bbiibblliiooggrraapphhiiqquuee
Figure I.11– Evolution de la ténacité de l’HAP et du β–TCP avec la température de frittage
[AKAO84]
Figure I.12– Résistance en flexion des phosphates de calcium denses en fonction du rapport
calcium/phosphore, Ca/P [BIND90, RAYN98, ROYE92]
33
PPrreemmiieerr cchhaappiittrree SSyynntthhèèssee bbiibblliiooggrraapphhiiqquuee
I.3.3– Influence du rapport Ca/P
Les études de BINDER ROYER et al. [BIND90, ROYE92] et de RAYNAUD et al.
[RAYN98] mettent en évidence une grande variation des propriétés mécaniques du β–
phosphate de calcium et des matériaux biphasés (HAP/β–TCP), en fonction du rapport
calcium/phosphore, Ca/P (figure I.12). Pour le TCP pur ou les mélanges où le phosphate tri–
calcique est majoritaire par rapport à l’hydroxyapatite, la résistance à la flexion est faible. La
résistance en flexion atteint sa valeur maximale, 140 MPa, pour des rapports Ca/P allant de
1.59 à 1.66 correspondant à des taux de β–TCP variant de 0 à 40%. Au dessus d’une valeur de
1.66 du rapport Ca/P, elle chute à nouveau en raison de la présence de chaux. De forts
changements de volumes et une décohésion du matériau sont alors engendrés par la
transformation de Ca(OH)2 en CaO [LAND00]. Il est donc préférable de se situer à une valeur
du rapport légèrement inférieure à 1.67 (zone de l’hydroxyapatite pure (voir figure I.6)) pour
avoir de bonnes propriétés mécaniques.
I.3.4– Propagation sous critique de fissures
La ténacité, KIC, des céramiques représente leur propriété mécanique
fondamentale, puisqu’elle correspond à une valeur du facteur d’intensité de contrainte à ne
pas dépasser pour éviter une rupture brutale. Outre cette rupture brutale des matériaux
fragiles, il est indispensable de considérer la propagation sous critique des fissures qui peut
avoir lieu pour des facteurs d’intensité de contrainte inférieurs à KIC, notamment dans des
environnements corrosifs. La propagation des défauts naturels préexistants se fait avec des
vitesses pouvant être lentes (propagation lente de fissures), et provoque la rupture de la
céramique lorsque la taille des défauts atteint une valeur critique.
La sensibilité des céramiques de type oxydes à la propagation lente des fissures
est une des limitations majeures de leur application. Par ailleurs, la dégradation avec le temps
de la résistance des céramiques est due à la propagation sous–critique de fissures. Il est donc
très important de comprendre les mécanismes qui entrent en jeu et de déterminer avec
précision les lois de propagation de fissures pour pouvoir prédire la durée de vie de ces
matériaux.
34
PPrreemmiieerr cchhaappiittrree SSyynntthhèèssee bbiibblliiooggrraapphhiiqquuee
I.3.4.1– Diagramme V–KI
Une littérature abondante existe sur les lois de propagation sous–critique de
fissures dans les matériaux céramiques [CHEV00, CHEV01, CHEV96A, CHEV96B, CHEV97,
CHEV99, CICC00, CRIC99, EBRA00A, EBRA00B, FETT91, FETT92, GREM00, MALZ00,
RHAN97, YOSH01]. Il existe une relation unique entre la vitesse de propagation de fissures et
le facteur d’intensité de contrainte, pour des conditions d’environnement et de température
données. La vitesse de propagation de fissures est indépendante de la géométrie de
l’échantillon et du mode de mise en charge du matériau. Cette relation peut être représentée
par un diagramme logarithmique à trois stades (figure I.13). On peut distinguer quatre
domaines de croissance des fissures pour KI<KIC, suivant les matériaux et les conditions
expérimentales.
Pour les faibles valeurs de KI, on observe généralement un facteur seuil d'intensité
de contrainte KI0 en dessous du quel il n’y a pas de propagation de fissures. Ce seuil est un
paramètre très important en pratique puisqu’il définit un domaine de travail parfaitement sûr.
Il a été observé dans le cas des verres et des oxydes céramiques mais il est rarement défini de
façon claire dans le cas des céramiques polycristallines.
Les trois stades obtenus dans l’air présentent des lois analogues, de la forme :
nIAKV = (E.I.3)
où A et n sont des constantes correspondant à chaque stade. Pour un matériau et un
environnement donnés, le paramètre n est constant, et plus sa valeur est grande, plus la
résistance à la fatigue est grande [WAKA90].
Le stade I est d’une importance pratique primordiale puisqu’il définit la durée de
vie des pièces en service (V<10-5 m/s). La vitesse dépend fortement du facteur d’intensité de
contrainte et le stade est bien décrit par l’expression empirique (E.I.3). Cette région est
attribuée à la cinétique de réaction entre l’eau et les liaisons dans la céramique (mécanisme de
type corrosion sous contrainte).
35
PPrreemmiieerr cchhaappiittrree SSyynntthhèèssee bbiibblliiooggrraapphhiiqquuee
V
itess
e de
pro
paga
tion
de fi
ssur
es (m
/s) -
Eche
lle lo
g.
Facteur d’intensité de contrainte (MPa√m) ) -Echelle log.
KI0 KIC
Stade I
Stade II
Stade III
Stade I
Stade II
Stade III
Figure I.13– Schéma représentatif du diagramme V–KI dans les céramiques
36
PPrreemmiieerr cchhaappiittrree SSyynntthhèèssee bbiibblliiooggrraapphhiiqquuee
Le stade II se produit dans des environnements gazeux. Il est caractérisé par une
quasi–indépendance entre la vitesse de fissures et le facteur d’intensité de contrainte (faible
valeur de n) ; le transport de l’humidité du front au fond de la fissure réduit sensiblement la
vitesse de propagation, qui devient contrôlée par la diffusion des molécules d’eau.
Le stade III correspond à des vitesses de fissures encore plus grandes. Il est
indépendant de l’environnement ; la vitesse de la fissure excède celle du transport des
molécules d’eau. La rupture des liaisons dans la céramique se produit donc sans réaction avec
le milieu environnant. Le stade III correspond aux conditions de vide.
La région II peut ainsi être considérée comme une branche de connexion entre la
rupture des liaisons par l'eau (stade I) et la rupture dans le vide (stade III).
Il existe beaucoup de références traitant des lois de propagation de fissures dans
les céramiques, en particulier dans l’alumine [CHEV00, CHEV01, EBRA00A, EBRA00B], la
zircone [CHEV96A, CHEV99, CICC00, FEET92], la mullite [CHEV01, RHAN97]. Nous
présentons sur la figure (I.14) des lois de propagation, en utilisant la méthode directe de
double torsion, pour l’alumine (Al2O3) et la zircone (ZrO2).
La croissance sous–critique des fissures dans les céramiques à base de phosphate
de calcium est encore assez mal connue aujourd’hui. Cette lacune se comprend par la fragilité
inhérente à ces matériaux et les grandes difficultés de réalisation des essais mécaniques.
Pourtant, des essais sur ce type de matériaux sont d’un intérêt certain, lorsqu’on se pose la
question sur la loi de propagation de fissures et les paramètres qui l’influencent, notamment,
la propagation sous critique. Nous traiterons cette méthode de double torsion en détail dans le
dernier chapitre.
37
PPrreemmiieerr cchhaappiittrree SSyynntthhèèssee bbiibblliiooggrraapphhiiqquuee
2 3 4 5 610
-12
10-10
10-8
10-6
10-4
10-2
7
KI0
KI0
KIC
KIC
ZrO2
Al2O
3
V
itess
e de
fiss
urat
ion
(m/s
)
Facteur d ’intensité de contrainte, K I (MPa√m)
Figure I.14– Exemples de lois de propagation de fissures dans l’alumine et la zircone [CHEV99A]
38
PPrreemmiieerr cchhaappiittrree SSyynntthhèèssee bbiibblliiooggrraapphhiiqquuee
La croissance sous–critique des fissures a été étudiée dans l’hydroxyapatite par
RAYNAUD et al. [RAYN97, RAYN98] qui ont montré que ce matériau est très sensible à la
propagation lente de fissures et que l’eau distillée ou une solution physiologique peuvent
accélérer ce phénomène par une dissolution de l’HAP au front de la fissure. Par des essais de
fatigue dynamique réalisés sur des éprouvettes en hydroxyapatite ayant des densités de 98%
de la densité théorique, les auteurs ont montré que le paramètre n de la loi (E.I.3), qui est une
caractéristique de la propagation sous–critique, chute de 22.5 ± 2 dans l’air à 10 ± 4 dans une
solution physiologique. Cependant, DE WITH et al. [DEWI81] ont révélé, en utilisant des essais
de flexion trois points, la présence de ce phénomène aussi bien sous atmosphère sèche, où la
ténacité est de 1 MPa√m et n = 26, que sous une atmosphère humide où la ténacité et le
facteur n chutent de 25% et 50% respectivement par rapport à leurs valeur ‘sèche’.
Dans le but d’estimer la durée de vie de l’hydroxyapatite, WAKAMATSU et al.
[WAKA90] ont effectué des essais de fatigue dynamique dans une eau distillée à 37°C sur
l’hydroxyapatite. la valeur du paramètre n = 19 implique une faible résistance à la fatigue
dans ces conditions humides. Le diagramme Contrainte-probabilité-temps tracé suggère une
durée de vie de 20 ans sous contraintes inférieures à 3.2 MPa, avec une probabilité de 99,9%.
39
PPrreemmiieerr cchhaappiittrree SSyynntthhèèssee bbiibblliiooggrraapphhiiqquuee
CONCLUSION
L’ensemble de la synthèse bibliographique permet de comprendre les difficultés
qu’il y a aujourd’hui à comparer les propriétés de l’hydroxyapatite et du phosphate tri–
calcique frittés. Les propriétés des matériaux denses dépendent en premier lieu, pour une
même composition chimique, de l’histoire de la poudre initiale : mode d’obtention,
température de calcination, cycle de frittage, … etc. La caractérisation de la réactivité in–vitro
et in–vivo et des propriétés mécaniques nécessite donc la connaissance complète du matériau
utilisé, depuis la poudre jusqu’au produit fini.
La stabilité chimique de l’HAP et du β–TCP au cours d’un traitement thermique à
température élevée a été étudiée dans la littérature : les températures de 1300°C pour
l’hydroxyapatite, et 1200°C pour le β–phosphate de calcium sont souvent considérées comme
des températures maximales de frittage, étant donné que ces matériaux se transforment autour
de ces températures, respectivement, en phosphate tri– et/ou tetra–calcique, et en α–phosphate
de calcium.
Le succès des bio–céramiques à base de phosphate de calcium en revêtement
porte à penser que leur optimisation les rendra utilisables cliniquement à grande échelle pour
des applications en comblement osseux. La fragilité excessive de l’hydroxyapatite et du
phosphate tri–calcique peut être considérée comme un frein majeur, puisque leur ténacité est
très faible. De plus, il s’avère qu’elles sont très sensibles au rôle de l’eau et à la propagation
sous–critique.
Un champ d’investigation s’ouvre donc en élaboration, mais surtout en
caractérisation mécanique. En particulier, l’étude de la propagation sous critique dans les bio–
matériaux, qui est un phénomène très important, est très partiellement traitée dans la
littérature. C’est sur ces bio–matériaux, notamment l’hydroxyapatite et le phosphate
tricalcique, que nous avons entrepris notre étude dans l’objectif de déterminer les lois de
propagation de fissures de façon fiable, dans une large gamme de vitesses de fissures.
40