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ETUDES ET SYNTHESES 1 Quelle valorisation pour les risques dans les contrats de partenariat ? Christine LAVARDE (IGD) Décembre 2008 RESUME : A partir de l’analyse du modèle d’évaluation des risques mis au point par la Mission d’appui à la réalisation des contrats de partenariat (MAPPP), et d’une série d’entretiens avec des représentants de groupes industriels et financiers, l’étude vise à décrire les approches différentes du risque, au stade préliminaire des projets (évaluation préalable pour la personne publique, soumission d’offre pour le partenaire privé), dans le cadre de la passation de contrats de partenariat. Cette étude entend apporter des éléments de réponse à des questions posées par les acteurs réunis au sein du CEF-O-PPP et de l’IGD, et en particulier ses membres fondateurs. Le modèle de la MAPPP, construit dans le cadre de l’analyse comparative, est un comparateur de coûts globaux actualisés prenant en compte les risques qui pèsent sur le projet. L’objectif est de permettre une comparaison du coût global actualisé du projet pour la personne publique selon différents montages contractuels. Cette approche reflète une vision rationnalisée et normative du choix public entre des alternatives quantitativement comparables, permettant un choix objectif. Les risques sont conçus comme des éléments qui peuvent être indifféremment alloués et impacter les montages contractuels. Pour les partenaires privés, il en va différemment. Outre une approche plus globale, leur sensibilité aux risques et la valorisation de ceux-ci dépendent de facteurs beaucoup plus contextuels (histoire de l’entreprise, stratégie concurrentielle…), et d’une manière générale leur raisonnement est relativement éloigné de l’approche classique de l’action publique. Les partenaires industriels prêteront autant d’importance à l’évaluation des risques (se fondant sur la base de l’expérience humaine capitalisée et non en fonction de données objectives) qu’aux éléments de stratégie commerciale, de positionnement dans le marché et de capacité organisationnelle à prendre en charge le projet. Les partenaires financiers se préoccuperont principalement des garanties juridiques couvrant les risques et non pas tant de leur évaluation, qui sera fonction des caractéristiques de la personne publique, des partenaires privés avec lesquels ils s’engagent et du projet lui-même. Cette étude fait ressortir l’écart qui existe entre les approches publiques et privées, ainsi que les attentes des contractants privés, dans la perspective d’une amélioration du dialogue public-privé, facteur de réduction des coûts de développement des projets et de meilleure régulation de long terme des contrats signés.

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ETUDES ET SYNTHESES

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Quelle valorisation pour les risques dans les contrats de partenariat ?

Christine LAVARDE (IGD)

Décembre 2008

RESUME : A partir de l’analyse du modèle d’évaluation des risques mis au point par la Mission d’appui à la réalisation des contrats de partenariat (MAPPP), et d’une série d’entretiens avec des représentants de groupes industriels et financiers, l’étude vise à décrire les approches différentes du risque, au stade préliminaire des projets (évaluation préalable pour la personne publique, soumission d’offre pour le partenaire privé), dans le cadre de la passation de contrats de partenariat. Cette étude entend apporter des éléments de réponse à des questions posées par les acteurs réunis au sein du CEF-O-PPP et de l’IGD, et en particulier ses membres fondateurs. Le modèle de la MAPPP, construit dans le cadre de l’analyse comparative, est un comparateur de coûts globaux actualisés prenant en compte les risques qui pèsent sur le projet. L’objectif est de permettre une comparaison du coût global actualisé du projet pour la personne publique selon différents montages contractuels. Cette approche reflète une vision rationnalisée et normative du choix public entre des alternatives quantitativement comparables, permettant un choix objectif. Les risques sont conçus comme des éléments qui peuvent être indifféremment alloués et impacter les montages contractuels. Pour les partenaires privés, il en va différemment. Outre une approche plus globale, leur sensibilité aux risques et la valorisation de ceux-ci dépendent de facteurs beaucoup plus contextuels (histoire de l’entreprise, stratégie concurrentielle…), et d’une manière générale leur raisonnement est relativement éloigné de l’approche classique de l’action publique. Les partenaires industriels prêteront autant d’importance à l’évaluation des risques (se fondant sur la base de l’expérience humaine capitalisée et non en fonction de données objectives) qu’aux éléments de stratégie commerciale, de positionnement dans le marché et de capacité organisationnelle à prendre en charge le projet. Les partenaires financiers se préoccuperont principalement des garanties juridiques couvrant les risques et non pas tant de leur évaluation, qui sera fonction des caractéristiques de la personne publique, des partenaires privés avec lesquels ils s’engagent et du projet lui-même. Cette étude fait ressortir l’écart qui existe entre les approches publiques et privées, ainsi que les attentes des contractants privés, dans la perspective d’une amélioration du dialogue public-privé, facteur de réduction des coûts de développement des projets et de meilleure régulation de long terme des contrats signés.

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Le Centre d’expertise français pour l’observation des partenariats public-privé a vu le jour en 2006 à la suite d’une initiative conjointe de l’IGD et de la MAPPP. S’appuyant sur un réseau de partenaires professionnels, le CEFOPPP effectue le suivi du cadre de réglementation et du marché des contrats de partenariats et assimilables (CPA) en France. Le CEF-O-PPP compte une vingtaine de membres : personnes publiques, entreprises de la construction et de la gestion des équipements publics, banques, conseils. L’IGD assure la direction opérationnelle du CEF-O-PPP. Les quatre missions principales du CEF-O-PPP sont :

- mise en réseau des acteurs des CPA et partage d’expérience - promotion des contrats globaux et force de proposition pour l’évolution de la

réglementation - observation du marché des CPA (statistiques, études) - animation d’un centre documentaire consacré aux PPP

Site internet : www.cefoppp.org

Créé en 1996, l’Institut de la Gestion Déléguée est une fondation d’entreprise réunissant les principales parties prenantes de la gestion déléguée des services publics en France, représentant 14 secteurs d’activités. Grâce à l’élaboration d’outils consensuels pour tous les acteurs, l’IGD contribue à l’amélioration des pratiques de gestions publique et déléguée : propositions législatives, modèles de contrats, indicateurs de performance, participation des usagers… Le troisième programme quinquennal de l’IGD (2006-2011) porte sur les orientations suivantes :

- l’association efficace et constructive de toutes les parties prenantes à la mise en œuvre des services d’intérêt économique général

- la valeur de la démarche de charte et la régulation par l’émulation comparative - la distinction entre les activités de maîtrise publique et les activités opérationnelles - l’analyse de tous les modes de gestion - la promotion du contenu, de la portée et de l’image de la gestion déléguée et des

PPP - l’analyse des mécanismes contractuels, leur diversité et leur adaptabilité - l’analyse des montages et leur capacité à s’appuyer sur les partenariats répondant

bien aux besoins Site internet : www.fondation-igd.org

La Mission d’appui à la réalisation des contrats de partenariat est l’organisme-expert auprès du Ministère des Finances chargé de participer à la préparation des contrats de partenariat de l’Etat ainsi que de les valider, et de conseiller les collectivités locales par des recommandations pratiques et méthodologiques. Ses principales missions sont :

- appui à l’évolution réglementaire du cadre des contrats de partenariat - élaboration d’outils méthodologiques et de recommandations pratiques à l’attention

de l’ensemble des acteurs (personnes publiques et professionnels) - appui à la préparation, l’évaluation préalable, la passation et la signature des

contrats de partenariat de l’Etat - à l’initiative des collectivités territoriales, avis facultatif sur les évaluations préalables

Site internet : www.ppp.bercy.gouv.fr

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Sommaire

Sommaire ..............................................................................................................................4 Introduction ..........................................................................................................................5 I. La valorisation des risques par la personne publique. .................................................8

A. Le modèle financier d’évaluation préalable (2006). ...................................................................8 B. Le modèle MAPPP/MARSH (2008)...........................................................................................9

II. La valorisation des risques par la personne privée. .................................................... 14

A. Attitude adoptée face aux différents risques.............................................................................15 B. Méthodologie générale de prise en compte des risques dans un projet par les partenaires industriels. ...............................................................................................................................................16 C. Méthodologie générale de prise en compte des risques dans un projet par les partenaires financiers .................................................................................................................................................17 D. Calcul du loyer demandé à la personne publique.....................................................................18

III. Approches publiques et privées du risque : différentes, mais possiblement convergentes. ......................................................................................................................20

A. Le raisonnement public vu par les entreprises. ........................................................................20 B. Le secteur privé, entre stratégie de marché et contraintes organisationnelles. ....................20 C. Améliorer la compréhension mutuelle pour de meilleurs projets. ........................................21

IV. Peut-on diminuer le coût des risques ? Recommandations et conclusions. ..............22

A. Une matrice des risques équilibrée entre les partenaires.........................................................22 B. Améliorer la phase d’étude préalable. ........................................................................................23

Annexe 1 : Mécanisme de couverture de l’indice des prix de la construction. ..................25 Annexe 2 : personnes consultées ........................................................................................27 Bibliographie.......................................................................................................................28

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Introduction

De manière plus ou moins convaincante, l’approche économique des phénomènes sociaux tend à gagner en influence, particulièrement dans la sphère publique, où les convictions politiques et les intuitions idéologiques ont longtemps façonné la conception des politiques publiques. L’un des phénomènes marquants est l’introduction, par la LOLF adoptée en 2001, des pratiques d’évaluation ex-post de l’action publique, au regard de critères de performance. Une autre de ces manifestations est l’obligation faite aux personnes publiques désireuses de recourir au contrat de partenariat prévu par l’ordonnance du 17 juin 2004 de mener une évaluation préalable qui devra déterminer si le projet envisagé sera mieux réalisé en contrat de partenariat que dans le montage plus classique. Essentiellement, la question se ramène à l’efficacité comparée, non pas postulée1 mais calculée ex-ante, de la maîtrise d’ouvrage publique par rapport à la maîtrise d’ouvrage privée. La loi adoptée le 28 juillet 2008 qui modifie l’ordonnance du 17 juin 2004 précise désormais que « cette évaluation comporte une analyse comparative de différentes options, notamment en termes de coût global hors taxes, de partage des risques et de performance, ainsi qu’au regard des préoccupations de développement durable ». La démonstration « d’un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d’autres contrats de la commande publique », qui constitue le troisième et nouveau critère d’éligibilité au contrat de partenariat, renforce l’intérêt porté par le législateur aux aspects économiques et financiers de la commande publique. L’analyse comparative dont il est question s’inscrit dans la perspective de rationalisation économique des choix publics. Cette dernière se heurte néanmoins à trois difficultés. La première est celle du calcul de l’utilité du projet envisagé : sur le plan d’une analyse socio-économique, le projet lui-même présente-t-il un bilan des avantages et des inconvénients favorable ? Bien que séculaire, le calcul économique est encore peu développé dans les domaines d’intervention des pouvoirs publics et se cantonne aux secteurs des transports et de l’énergie2. L’évaluation préalable, qui ne s’intéresse pas à la question de savoir si le projet présente une rentabilité socio-économique suffisante, cette contrainte étant supposée satisfaite à ce stade de la procédure, « contourne » donc cette difficulté. A cet égard, on peut donc considérer que la rationalisation du choix public soit en reste à l’étape du choix « technique » (le mode contractuel de réalisation du projet) laissant la possibilité à d’autres dimensions qu’économiques (politiques, sociales, environnementales…) de servir d’étalon à la question de l’opportunité du projet, soit prend en compte des études de rentabilité socio-économique mais effectuées en dehors du champ de l’évaluation préalable. La seconde difficulté est intrinsèque à l’évaluation préalable : il s’agit de l’incertitude liée à la possibilité d’anticiper, sur le long terme, l’évolution des paramètres susceptibles d’influencer les caractéristiques économiques de l’opération et à la rationalité limitée de celui qui conduit l’évaluation, dans le sens où l’ensemble des facteurs susceptibles d’influencer les paramètres ne peuvent être connus en détail. Le modèle, s’il repose sur une ambition prédictive (prendre une décision sur la base d’éléments futurs), n’en est pas moins dépendant des hypothèses retenues et connues à l’instant de l’évaluation, ce qui limite de fait la nature de l’évaluation préalable à un

1 Comme peuvent le pratiquer par exemple les personnes publiques en Allemagne 2 Il n’existe pas de méthode avérée et consensuelle permettant d’estimer la rentabilité socio-économique d’une prison ou d’un hôpital, par exemple, alors que ces investissements répondent manifestement à un besoin de la collectivité. Aussi, l’évaluation préalable suppose que la rentabilité socio-économique du projet est acquise à ce stade de la procédure.

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exercice sincère et de bonne foi de simulation3, plus qu’à une feuille de route que devra respecter le déroulement du projet4. Enfin, la troisième difficulté relève du caractère partenarial de l’opération : quel que soit le montage contractuel adopté, il existe un donneur d’ordres et un exécutant et les éléments susceptibles de nourrir la décision du premier sont détenus par le second. Aussi en contrat de partenariat, tout comme en maîtrise d’ouvrage publique, le coût global de l’offre jugée comme économiquement la plus intéressante peut être supérieur à celui initialement estimé par la personne publique, ce qui peut conduire à déclarer le dialogue compétitif sans suite ou le marché infructueux. Afin de « s’accommoder » au mieux avec la seconde difficulté, l’organisme expert interministériel (la MAPPP), et la structure dédiée au sein du ministère de la Défense (qui vient d’être récemment supprimée par décret), ont élaboré des outils d’appui à l’analyse comparative. La MAPPP a ainsi mis successivement en ligne deux modèles5, le second venant préciser et compléter, notamment par une analyse monétaire des risques, les modalités de la comparaison en termes de coût global actualisé.. Dans son guide méthodologique, la MAPPP indiquait en 2005 que cette analyse devait permettre une évaluation de l’impact des risques sur l’opération à travers la sévérité des risques et leur probabilité d’occurrence. Cette approche a été retenue dans l’outil proposé, qui autorisera, au terme de son développement, la simulation de différents scénarios de risques, sur la base de loi de probabilités étendues à l’ensemble des projets6. L’importance de cet outil s’est accrue depuis l’adoption de la nouvelle loi sur les contrats de partenariat, puisqu’un arrêté doit venir préciser pour tous les ministères les critères d’élaboration de la méthodologie utilisée par chacun pour conduire les évaluations préalables. Le module « analyse des risques » élaboré par la MAPPP a cherché à appréhender la troisième difficulté en associant la société MARSH7 à la conception de l’outil. En effet, l’évaluation préalable détermine dans une large mesure la position de la personne publique au moment de la procédure de passation : enveloppe budgétaire estimée, répartition des risques acceptable… Les simulations effectuées lors de l’évaluation préalable constituent la base sur laquelle s’engage le dialogue avec les candidats. D’où l’importance d’un raisonnement proche de celui qu’adopteront les partenaires privés lors du dialogue compétitif et dans la remise de leurs offres finales. La collecte de données statistiques suffisantes sur la vie des projets permettra de calibrer le modèle de simulation, et d’adopter une représentation du projet et de ses risques proche de celle des partenaires privés et de réduire l’écart entre évaluation préalable et offres réelles. C’est à cette question de l’écart entre approches publique et privée de la représentation des risques que s’intéresse cette étude, qui s’est basée principalement sur l’étude du module « analyse des risques » mis au point par la MAPPP et sur des entretiens avec les professionnels. Son objectif est faire progresser la capacité de la personne publique à comparer la valorisation du

3 Ce que concède aussi le guide Les contrats de partenariat : principes et méthodes édité par la MAPPP en 2005: « Si cette analyse doit être effectuée de manière approfondie […] et avec sérieux […], il ne peut être exigé à ce stade une démonstration formelle à caractère mathématique » 4 Cependant, cette incertitude est inhérente à tout exercice de prévision et n’est donc pas propre à l’évaluation préalable. 5 www.ppp.bercy.gouv.fr 6 C’est une approche sensiblement identique (mais fondée sur des lois de probabilité discrètes et non continues) qui a été retenue dans le Guide du bail emphytéotique hospitalier édité par la MAINH en 2005. 7 La société MARSH est un courtier en assurance. A ce titre, elle dispose d’une base de données qui permet de mesurer la réalité de la sinistralité des opérations ex post.

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risque en aval de la remise de l’offre finale et la valorisation du risque par le cocontractant privé en amont de la remise de l’offre finale, afin d’améliorer la méthodologie de l’analyse comparative prévue dans l’évaluation préalable. A partir de ces entretiens, l’étude proposera également des pistes d’amélioration pour le dialogue et la compréhension mutuelle entre partenaires publics et privés.

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I. La valorisation des risques par la personne publique. La méthode présentée ci-dessous est dans ces grandes lignes celle suivie par la personne publique et par ses conseillers financiers pour comparer la somme actualisée des montants annuels des loyers à verser annuellement au partenaire privé, durant toute la durée du contrat, et le coût global actualisé des dépenses engagées par la personne publique, sur une durée identique à celle du contrat de partenariat, lorsque le projet est réalisé en maîtrise d’ouvrage publique (MOP). Le loyer vise à couvrir l’ensemble des coûts supportés par le partenaire privé sur la durée du contrat (conception, réalisation, financement, exploitation, entretien, maintenance) et sa rémunération. Mais étant donné que le coût global actualisé dans le schéma MOP d’une part, et que la somme actualisée des loyers en CP d’autre part, sont estimés avant l’engagement des travaux en MOP et à la signature du contrat en CP, les coûts doivent donc nécessairement prendre en compte dans les deux schémas les risques associés à chacun des coûts à engager dans la durée.

A. Le modèle financier d’évaluation préalable (2006). Ce modèle élaboré par la MAPPP au premier semestre de l’année 2006 est un modèle financier de cash-flows annuels de coûts qui établit des chronologies de paiements publics, hors fiscalité, aspects comptables et risques, suivant le type de schéma envisagé (MOP et CP). Ces différents flux de décaissement sont ensuite comparés en termes de valeur actuelle nette des coûts, de manière à déterminer le schéma de réalisation le plus intéressant pour la personne publique, comme cela est requis par le cadre réglementaire. Les projets considérés dans ce modèle sont caractérisés par une phase de construction, suivie d’une phase d’exploitation d’une durée globale maximum de 50 ans. Le modèle compare le plus souvent les seuls schémas MOP et CP8 dans lesquelles les dates de mise en service de l’ouvrage sont temporellement alignées9. Dans le schéma MOP, la personne publique conserve la maîtrise d’ouvrage et passe différents marchés dans le cadre du Code des marchés publics. La personne publique paie au fur et à mesure les coûts engendrés par le projet. Dans le schéma CP, le partenaire privé, auquel est transférée la maîtrise d’ouvrage, est en charge à la fois de la conception, de la construction, de l’exploitation/entretien/maintenance et du financement de l’ouvrage. Le rôle de la personne publique se limite à la définition des besoins, au suivi de la bonne exécution du contrat et à la rémunération du partenaire privé sous forme de loyers étalés sur la durée de vie du contrat et dont le premier n’intervient en principe qu’à la livraison de l’ouvrage. Le modèle permet aussi la comparaison avec un montage en concession (délégation de service public). La personne publique verse alors une subvention d’investissement pendant la phase de construction au partenaire privé, qui par la suite se rémunère par les recettes directement perçues auprès des usagers. Dans ce schéma le coût à la charge de la collectivité est égal au montant de la subvention d’équilibre. Ce modèle ne permet que d’estimer un montant « théorique » du loyer que la personne publique devrait verser au partenaire privé dans le cas où l’option du contrat de partenariat serait retenue.

8 Il peut arriver toutefois qu’un schéma alternatif en DSP soit envisageable : dans ce cas, il est également étudié dans le cadre de l’analyse comparative. 9 Afin que le jeu de l’actualisation ne pénalise pas le schéma CP qui permet de livrer l’ouvrage plus rapidement que dans le schéma MOP, la date de mise en service de l’ouvrage dans le schéma CP est calée sur celle du schéma MOP, de sorte que dans les deux schémas la livraison de l’ouvrage intervient à la même date.

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En effet, le montant du loyer résulte des hypothèses retenues en termes de délais et de coûts au stade de l’évaluation préalable, c’est-à-dire en amont du dialogue compétitif. Or, la chronique des loyers qui sera arrêtée contractuellement prend en compte les ajustements intervenus lors du dialogue compétitif.

En outre, et plus fondamentalement, ce modèle ne valorise pas les risques qui pèsent davantage sur le schéma MOP (qui serait davantage exposé aux dérives de délais et de coûts)10 que sur le schéma CP, et intègre les surcoûts inhérents au schéma CP (évaluation préalable, dialogue compétitif, marge bancaire plus élevée, rémunération des capitaux propres) de sorte que le schéma CP est pénalisé, sa valeur actualisée nette (VAN) étant mécaniquement plus élevée que celle du schéma MOP. Ainsi est-il indispensable de prendre en compte les risques, au-delà des tests de sensibilité et de basculement, retenus à titre conservatoire dans l’attente de pouvoir bénéficier des résultats des études engagées, afin que la personne publique puisse fonder sa décision sur des coûts plus « réalistes » tenant compte de l’incertitude. C’est à cette prise en compte que s’est attaché le nouveau modèle de la MAPPP qui annule et remplace l’ancien, retiré de son site internet.

Cette prise en compte du risque et son partage optimal entre la personne publique et le partenaire privé est d’autant plus importante qu’elle constitue l’apport primordial du contrat de partenariat, et que la MAPPP a pu constater l’insuffisance méthodologique des aspects liés à ce traitement dans certaines évaluations préalables qu’elle a eu à examiner.

B. Le modèle MAPPP (2008). En collaboration avec la société MARSH, un des plus grands courtiers mondial en assurances, la MAPPP s’est donc engagée dans la construction d’un modèle probabiliste qui permet de prendre en compte les risques associés à chacun des schémas. Cet outil d’aide à la décision vise à donner à la personne publique une première comparaison en termes de coût global actualisé entre le contrat de partenariat (CP) et la maîtrise d’ouvrage publique (MOP) 11. Les coûts globaux actualisés sont composés de l’ensemble des coûts qui sont à la charge de la personne publique. Il est fait l’hypothèse dans le modèle que les risques transférés au partenaire privé sont répercutés pour leur coût net sur le partenaire public après la mise en œuvre d’une stratégie d’optimisation du type couverture d’assurance, prévention et mutualisation. En pratique, cette répercussion pourra prendre, par exemple, la forme d’une intégration d’une provision dans le prix global ou d’une variation du coût moyen pondéré du financement.

10 Dans le schéma CP, les montants des loyers à verser par la personne publique sont fixés à la signature du contrat et le premier loyer ne sera versé qu’à la livraison de l’ouvrage. Aussi le partenaire privé est-il fortement incité à livrer l’ouvrage dans les délais et les coûts contractualisés. En revanche, dans le schéma MOP, les délais et les coûts sont imparfaitement garantis (y compris pour les marchés à prix forfaitaires), de sorte que la personne publique s’expose à des surcoûts qui peuvent être importants et à une livraison différée de l’ouvrage. Il faut bien comprendre que si le risque pèse sur le projet, et ce indépendamment du schéma qui sera retenu pour le réaliser, le partenaire privé est mieux à même de gérer certains types de risques, du fait des incitations économiques et de la suppression des interfaces politico-administratives et techniques permises par le transfert de la maîtrise d’ouvrage et par les clauses contractuelles. 11 Ce modèle ne vise en aucun cas à se substituer aux modèles développés par les cabinets de conseils à la personne publique

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Le modèle ne prétend pas refléter l’intégralité des risques liés à un projet et l’interdépendance des risques n’est pas prise en compte, faute de disposer pour le moment d’éléments permettant d’apprécier les corrélations entre les risques. Cependant, une matrice de corrélation des risques est déjà intégrée à l’outil et sera renseignée ultérieurement. Seuls les risques associés aux projets bâtimentaires sont pour le moment pris en compte, les risques correspondants aux projets d’infrastructure de transport, d’aménagement urbain, et des technologies d’information et de communication (TIC) seront progressivement intégrés à cet outil.

1. Identification des risques.

L’identification des risques pesant sur un projet, quel que soit son mode de réalisation (MOP ou CP), repose sur un recensement puis une sélection des évènements dont la réalisation peut affecter négativement le projet. Seuls sont retenus les risques quantifiables qui sont présentés selon une approche chronologique en fonction du déroulement du projet.

Risques quantifiables retenus dans le modèle

Phase Risque ExempleEtude Risques liés au terrain/site : géologique, archéologique, météorologique …Modification Modification du périmètre du projet : dimensionnement …Maintien d'activité Construction en site occupé avec maintien d'activ ité.Défaillance Défaillance d'un prestataire.Interface Risques de surcoût ou de non performance dus aux interfaces entre les prestataires.Evolutions Demande d'évolution de la prestation.Performances Défaut du partenaire ou des prestataires, incapacité à atteindre les performances attendues, grèves, ...Interface Risques de surcoût ou de non performance dus aux interfaces entre les prestataires.Performances Défaut du partenaire ou des prestataires, incapacité à atteindre les performances attendues, grèves, ...Trafic Demande Risques de surcoût de fonctionnement de l'ouvrage liés à une mauvaise estimation de la demande.

Maintenance

Conception, Réalisation

Exploitation

2. Impact de risques.

Chaque risque quantifiable se caractérise dans les deux schémas par :

- une probabilité d’occurrence ou de survenance (le risque intervient-il ?) ; - et des sévérités associées à deux impacts (si le risque intervient comment se matérialise-t-

il ?) ; - un impact en termes de coûts traduisant l’ensemble des surcoûts imputables au risque en

question ; - un impact en termes de délais, représentant le délai supplémentaire de mise à disposition

de l’ouvrage s’agissant de la phase de Réalisation, et un impact en termes d’indisponibilité, mesuré en nombre de mois, lors de la phase d’Exploitation et de Maintenance de l’ouvrage.

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Correspondance entre la probabilité d’occurrence, la sévérité d’impact et la probabilité conjointe

Probabilité d’occurrence

Sévérité d’impact en cas de

survenance du risque

Probabilité d’occurrence

Sévérité d’impact en cas de

survenance du risque

Probabilité conjointe

Probabilité conjointe

En effet, en l’absence d’étude détaillée sur le risque, et notamment sur ses causes, seule l’information « conjointe » (produit de la probabilité d’occurrence et de la sévérité) est appréhendable.

3. Répartition des risques.

L’impact en termes de coûts est ensuite réparti entre le partenaire privé et la personne publique dans le schéma CP.

Principe de prise en compte des risques dans le modèle

MOP CP

Probabilitéd’occurrence

Probabilitéd’occurrence

Impact Coût

Impact Délai

Pour chaque risque

Impact Coût

Impact Délai

Pour chaque risque

Allocation Public/Privé

Surcoût payédirectement

sur le budget

Surcoût payéindirectement via les loyers

Part du Privé

Part du Public

Matrice des

RisquesMOP CP

Probabilitéd’occurrence

Probabilitéd’occurrence

Impact Coût

Impact Délai

Pour chaque risque

Impact Coût

Impact Délai

Pour chaque risque

Allocation Public/Privé

Surcoût payédirectement

sur le budget

Surcoût payéindirectement via les loyers

Part du Privé

Part du Public

Matrice des

Risques

4. Quantification des risques.

Cette quantification repose sur l’analyse de données historiques et sur des dires d’experts12. Un tirage de scénarios est ensuite effectué par la méthode de Monte-Carlo13, suivi de l’application

12 Le calibrage des lois (normale, log-normale, triangulaire, bêta,…) a été effectué au moyen de la base « sinistres » de la société Marsh et de l’exploitation des données issues d’un web survey comportant un questionnaire conçu spécialement à l’attention d’une soixantaine de contributeurs spécialisés répartis à travers le monde. 13 La méthode de Monte Carlo est une approche numérique d’approximation d’une loi dépendant de plusieurs lois différentes dont il n’existe pas de formule analytique simple. Cette méthode permet d’obtenir les lois de distribution des VAN et des délais associés à chaque schéma à partir des résultats issus de plusieurs milliers de scénarios

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d’une règle de répartition du risque entre la personne publique et le partenaire privé. Les lois ayant été ajustées sur des données de surcoûts, seuls les surcoûts sont retenus, de sorte que la VAN avec risque est toujours supérieure à la VAN sans risque (on suppose donc que le partenaire publique garde pour lui les gains qu’il pourrait réaliser par rapport au coût estimé et qu’il n’en fait pas bénéficier la personne publique). A titre d’exemple de visualisation des données relatives aux risques, la figure suivante indique les éléments associés au risque « Etude » de la phase conception-réalisation d’un projet de construction de bureaux.

Eléments associés au risque « Etude » durant la phase de conception-réalisation

Projet

Phase ExempleRisque

Public Privé0% 100%

Contrat MOP CP

Probabilité d'occurrence 1% 1%

100,0% 100,0%Loi Normale NormaleMu (Moyenne) 15,3% 9,4%Sigma (Ecart-type) 3,1% 2,0%

0,0% 0,0%

Moyenne 15,3% 9,4%Ecart-type 3,1% 2,0%

Impact moyen 0,2% 0,1%

1 1Loi Normale NormaleMu (Moyenne) 7,1 6,1Sigma (Ecart-type) 2,2 1,7

0,0 0,0

Moyenne 7,1 6,1Ecart-type 2,2 1,7

Impact moyen 0,07 0,06

Impact Coût

Impact Délai

Conception, RéalisationEtude

Allocation des surcoûts en CP

Risques liés au terrain/site : géologique, archéologique, météorologique …

Bureaux

Impact Coût

0,0%

2,0%

3,9%

5,9%

7,9%

9,8%

11,8%

13,8%

15,7%

17,7%

19,7%

21,6%

23,6%

25,6%

27,5%

29,5%

Surcoût

Den

sité

de

prob

abili

MOP

CP

Impact Délai

0,0 0,9 1,8 2,7 3,7 4,6 5,5 6,4 7,3 8,2 9,2 10,1

11,0

11,9

12,8

13,7

Délai supplémentaire (mois)

Den

sité

de p

roba

bilit

é

MOP

CP

5. Résultats.

A partir des calendriers de déroulement des opérations, des coûts de gestion, de réalisation, des données fiscales, financières et celles liées à la phase d’exploitation associées à chaque schéma, que la personne publique est invitée à renseigner dans la feuille de saisie du modèle, l’outil de simulation procède aux calculs (version Excel 2003 couplée à Visual Basic), puis présente les

aléatoires. Un scénario consiste à tirer une valeur sur chacun des risques modélisés, la combinaison de ces valeurs se traduisant par une VAN et un délai. Le tirage de 5 000 scénarios (une seule fois et pas pour chaque année de la vie du projet) permet alors de disposer des courbes de VAN et de délais dans chacun des schémas.

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ETUDES ET SYNTHESES

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principaux résultats (VAN des coûts, durée de construction) sous forme de tableaux et de courbes de distribution, et réalise des tests de sensibilité et de basculement sur les paramètres les plus importants afin de montrer la robustesse de l’avantage d’un schéma par rapport à l’autre.

Tableau de comparaison des VAN des coûts du projet

MOP CP Ecart Ecart %Sans Risque 33,4 M€ 36,3 M€ 2,9 M€ 9%Avec Risque - Moyenne 37,5 M€ 37,0 M€ -0,6 M€ -2%VaR 95% 42,1 M€ 38,3 M€ -3,8 M€ -9%

VAN des Coûts (TTC)

Les courbes de distribution des VAN des coûts présentent l’ensemble des scénarios associés à chacun des schémas. L’information ne se limite donc pas aux trois valeurs caractéristiques (sans risque, risque moyen14, Var 95%15) indiquées dans le tableau.

Courbes de distribution de probabilité des VAN des coûts du projet

Distribution des VAN des Coûts (TTC) en M€

VaR CP VaR MOP

Moy

CP

Ss

Ris

que

MO

P

Ss

Ris

que

CP

Moy

MO

P

33 38 43 48 53

Den

sité

de

prob

abili

MOP

CP

Les scénarios possibles sont compris entre 36,3 M€ et 39 M€ pour le schéma CP et entre 33,4 M€ et 43,0 M€ pour le schéma MOP.

Tableau de comparaison des durées de construction du projet

MOP CP Ecart Ecart %Sans Risque 21 Mois 16 Mois -5 Mois -24%Avec Risque - Moyenne 25 Mois 16 Mois -8 Mois -34%VaR 95% 30 Mois 18 Mois -12 Mois -40%

Durées de Réalisation

14 La Valeur Moyenne à Risque est la moyenne des VAN simulées par la Méthode de Monte Carlo. Cette valeur représente le coût moyen attendu du projet après prise en compte des risques. 15 La Valeur à Risque VaR à X% mesure le risque que l’on est prêt à prendre pour un niveau de confiance X% donné. Ainsi, la VaR à 95% signifie que 95% des scénarios auront une VAN inférieure ou égale à celle correspondant à la VaR à 95%.

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ETUDES ET SYNTHESES

14

Courbes de distribution de probabilité des durées de construction

Distribution des Durées de Réalisation en Mois

VaR CP VaR MOPMoy

CP

Ss

Ris

que

MO

P

Ss

Ris

que

CP

Moy

MO

P

15 20 25 30 35 40

Den

sité

de

prob

abilit

é

MOP

CP

Le loyer sans risques versé par la Personne Publique au partenaire privé est ventilé dans ses trois composantes que sont la part relative au remboursement de l’investissement, la part correspondant aux frais financiers et la part concernant les coûts de fonctionnement.

Décomposition du Loyer TTC en CP Sans Risques

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

2008 2013 2018 2023 2028 2033 2038 2043 2048 2053

Années

M€

Fonctionnement

Frais Financiers

Investissement

II. La valorisation des risques par la personne privée. Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’évaluation des risques est dans la plupart des entreprises enquêtées16 un processus plus empirique que théorique (« au doigt mouillé »). Pour prendre un exemple, la direction des risques d’un grand groupe de services enquêté est de

16 Voir liste en annexe 1

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ETUDES ET SYNTHESES

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création récente (environ deux ans). Le vécu oriente la conduite de l’évaluation : l’attention portée à certains points sera accrue du fait d’une mauvaise expérience. De manière générale, une distinction est opérée entre les « risques métier » sur lesquels le partenaire privé a des leviers d’action, et les « risques externes » sur lesquels le groupe n’a aucune prise.

A. Attitude adoptée face aux différents risques.

1. Risque de conception/construction.

Ce risque est décomposé en interne, et des tests de sensibilité (aux salaires…) sont réalisés. Des plans d’affaires pour des variantes sont ensuite établis. Pour un exploitant, c’est bien plus le risque de conception qui est prégnant que le risque de construction (pris en charge par les constructeurs). Il est essentiel pour les opérateurs d’avoir un droit de regard suffisant sur la conception de manière à pouvoir exiger que l’installation soit adaptée à son exploitation. C’est ainsi que la société-mère peut décider de prendre à sa charge la conception/construction lorsque sa filiale concernée par le projet n’est pas une « entreprise générale ».

2. Risque de retard à la livraison.

Certains facteurs qui peuvent entraîner un retard dans la conduite du chantier et pour lesquels on ne dispose pas de séries statistiques n’ont pas de prix pour le secteur du BTP. Comment, par exemple, valoriser le risque d’intempéries à Marseille ? En ce qui concerne le risque de pollution des sols, pour certains projets, on sait dès le début qu’il n’y aura pas de problème. Pour d’autres, le partenaire privé demande des études à la personne publique et, en fonction des résultats, chiffre ce risque. Le privé peut refuser de prendre le risque s’il juge que l’évaluation est arbitraire, ou bien que la probabilité d’occurrence très faible risque de faire supporter un coût important à la personne publique, au risque de déclasser l’offre remise. Un retard dans la date de livraison de l’infrastructure diminue d’autant la durée d’exploitation de sorte que l’exploitant voit ses gains se réduire. La couverture complète de ce risque pour l’exploitant consiste à indiquer dans le contrat de partenariat que la durée d’exploitation sera de x années à partir de la date de réception du chantier. Cette clause est de plus en plus difficile à négocier. Le risque de délai est plafonné par le constructeur. Sur ce point, l’exploitation en France est beaucoup plus risquée qu’à l’international.

3. Risque d’exploitation.

Les entreprises savent faire face à ce risque et trouver une solution alternative si besoin. Il est totalement assumé par l’exploitant à partir du moment où ce dernier, sur la base d’un audit de la situation, a décidé de s’engager sur le projet. Le prix accordé au risque d’exploitation est donc nul pour l’opérateur, à la différence des banques qui le valorisent.

4. Risque de recette.

Lorsque ce risque existe, il est ventilé entre toutes les entreprises participant au projet, et non pas pris en charge exclusivement par l’exploitant.

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ETUDES ET SYNTHESES

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5. Risques législatifs et administratifs.

Les sociétés constitutives de l’entité preneuse du projet refusent de prendre ces risques qui relèvent clairement du domaine régalien de la puissance publique. Ils peuvent avoir des conséquences telles qu’ils n’ont pas de prix. La capacité de la personne privée à maîtriser ces risques est faible voire nulle au regard des pertes encourues. La marge dans le secteur de la construction est de l’ordre de 3-4% avant impôt. Si un constructeur ne peut engager une opération à cause d’un permis de construire non autorisé, sa perte sera comprise entre 30 à 40% de l’investissement, car le cocontractant public pourra invoquer la résiliation pour faute. Sur le principe, la personne publique doit indemniser tous les frais dus à une mise aux normes des équipements. Mais le décalage temporel entre les frais engagés par les entreprises pour respecter la nouvelle loi et les remboursements de la personne publique est générateur de frais financiers et de contraintes (impact sur la trésorerie…) que la personne privée ne peut omettre de tarifier.

6. Risque financier.

Le taux du financement de la dette est fixé à la signature du contrat. La gestion du risque de taux est un gros chapitre au moment de la cristallisation du loyer en taux fixe. Dans le cas d’une résiliation pour faute, il y a rupture de la couverture avec un coût intégralement supporté par la personne privée.

B. Méthodologie générale de prise en compte des risques dans un projet par les partenaires industriels.

Les personnes privées adoptent une méthode globale de gestion des risques lorsqu’elles s’interrogent sur la pertinence de répondre à un appel d’offres. Cette méthode peut être découpée en deux étapes.

1. Le choix du « GO / NO GO ».

La personne privée procède dans un premier temps à une évaluation grossière du caractère risqué du projet. Elle identifie les risques auxquels elle pourrait être confrontée et réfléchit si elle dispose en interne des moyens nécessaires pour y faire face. Elle ne procède donc pas à une addition des risques : il s’agit d’une maîtrise des risques et non d’une cotation. Le contrat est d’abord et avant tout un contrat qui, globalement, permet de dégager des bénéfices. La solution organique qui va être retenue participe à la réponse pour gagner le plus d’argent possible avec des risques maîtrisés.

Du côté des entreprises, les risques n’ont jamais été étudiés avec des bases de données systématiques. L’expérience des hommes est le critère déterminant pour opérer la synthèse des risques. Le comité des risques a lieu au plus haut niveau : ces responsables de groupes de BTP et de services ont eu à apporter un avis sur tant de projets qu’ils sont capables de déceler un risque de construction, un risque de taux… Avant de prendre la décision de s’impliquer dans le projet, il y a donc bien une phase d’évaluation du risque, mais sous une forme empirique (recours au « flair » des dirigeants) et non pas analytique. Il peut bien sûr arriver que des erreurs d’appréciation soient commises.

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ETUDES ET SYNTHESES

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Un exploitant pourra conditionner son « go » à la possibilité de pouvoir contrôler la conception de l’infrastructure.

2. Les tests de sensibilité.

Le secteur privé ne procède jamais à des analyses statistiques. La non-valorisation s’explique par l’attitude adoptée face aux différents risques : soit ce sont des risques techniques, et alors la personne privée s’estime en capacité de les assumer ; soit ce sont des risques qu’elle estime ne pas pouvoir maîtriser. Pour les risques qu’il accepte d’endosser, le groupe privé procède à une simulation des risques techniques en procédant à des tests de sensibilité aux salaires, aux coûts des matières premières, aux délais… Cette démarche lui permet d’avoir une idée des dépenses qu’il pourrait avoir à affronter.

C. Méthodologie générale de prise en compte des risques dans un projet par les partenaires financiers

1. L’évaluation des risques.

Une banque s’entoure de conseils industriels pour évaluer les risques liés au projet. L’analyse du risque industriel sous-jacent consiste en une prise en compte de la qualité du sponsor et de la qualité du projet (construction, exploitation maintenance…). Cette approche est du sur-mesure pour chaque projet. Selon l’actif considéré et le partenaire industriel, l’enquête préalable sera plus ou moins pointilleuse. La nature de l’autorité concédante est un des paramètres de l’analyse du risque projet. En effet le pouvoir de négociation varie avec la nature du cocontractant public. L’Etat apparaît comme rigide, alors que les collectivités locales, qui délèguent plus et ont une moindre expertise accumulée sur les aspects techniques, cherchent à apprendre et sont plus flexibles. Les banquiers procèdent à une notation globale du projet (scoring). Un projet noté AAA sera financé à un meilleur taux qu’un projet noté BB. Le scoring intègre :

- le risque de construction (en général)

- le risque de maintenance

- le risque législatif

- le risque de force majeure

- le risque de résiliation

- le risque financier (solidité de la société de projet par rapport à sa capitalisation, sa couverture…)

Chaque grand risque obtient une note, et sur ces bases le score du projet est déterminé. Au final, la banque non plus ne procède pas à une analyse statistique fine, notamment parce qu’elle ne dispose pas de la base de données nécessaire à une telle entreprise. L’analyse des risques prime sur la stratégie commerciale pour une banque, alors que cette dernière aura une influence plus grande sur les partenaires industriels. Dans un premier temps, on cherche à évaluer si le risque est acceptable, et ensuite seulement on étudie les enjeux commerciaux. Le

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premier lot des prisons a été attribué à un preneur unique non financier. Les risques pour les banques étaient trop importants. Le groupe industriel a accepté de prendre le projet car il a mis dans la balance son potentiel de développement lié aux contrats de partenariat.

2. Le traitement juridique des risques.

Le transfert de risque n’est pas le problème central. La banque étudie le « scénario marche en avant » (ce qui doit se passer en principe) et le « scénario marche en arrière » ou second way out (que faire en cas de difficulté) : quelles indemnisations ? Quelles pénalités ? Les réallocations contractuelles sont finement étudiées.

Le cœur de l’activité du banquier est le traitement juridique des risques. Dans quelle mesure faut-il augmenter les plafonds de pénalité du constructeur (risque de construction), du mainteneur (risque de pénalité) ? Les ratios de couverture sont-ils assez importants eu égard au risque de fréquentation ? Certains risques sont problématiques car on ne peut pas y apporter de réponse contractuelle, notamment :

- le risque de résiliation qui revient à prendre un risque de crédit sur 30 ans,

- l’évolution des polices d’assurance.

D. Calcul du loyer demandé à la personne publique. Le loyer résulte d’une alchimie entre les coûts bruts de construction et de maintenance, la couverture des risques et le taux de retour attendu sur les capitaux investis.

1. Les coûts de conception/construction.

Ils sont déterminés directement par le cahier des charges de la personne publique, étant donné que le preneur de projet doit respecter le programme fonctionnel. Leur calcul laisse une place marginale à la valorisation des risques. Dans le secteur du BTP, il existe deux méthodes pour donner un prix à un bâtiment :

- Le « prix au ratio » : on sait que la construction d’un m² de bureau en Ile-de-France coûte environ 1500€. On établit le loyer en fonction de la surface. Dans la pratique, cette méthode, qui présente l’avantage de la simplicité, n’est pas utilisée car la moyenne cache des écarts de prix importants (de 20 à 30% suivant le type de bureau), or comme cela a déjà été souligné plus haut, la marge du secteur BTP est faible (4% environ).

- Le « prix au plan » qui est calculé sur la base de métrés opérationnels (m² de voiles, m² de faux plafonds….). Le déroulement du gros œuvre est décrit de manière très fine : nombre de grues, nombre d’ouvriers travaillant sur chaque grue… avec un calcul très précis du nombre d’heures nécessaires à chaque étape. Le second œuvre est délégué à des prestataires extérieurs sur la base d’appel d’offres. On obtient, après calculs et agrégations des différentes sources, les « déboursés », c’est-à-dire les coûts directs du chantier. A ces déboursés, il faut ajouter les coûts d’encadrement, calculés à partir d’un organigramme de chantier, les « abonnements » (assurance décennale…), les frais généraux (la comptabilité…) et la marge.

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Le prix ainsi obtenu est celui d’une entreprise générale (entreprise de travaux). Dans le cadre d’un contrat de partenariat intervient aussi le volet « promotion immobilière » qui inclut les coûts de relation avec la personne publique, de préparation du permis de construire, de négociation avec l’architecte. Un volet « marge et aléas » est aussi ajouté. Pour un bâtiment simple, la marge est de 10%, et dans la très grande majorité des cas elle sert à couvrir des difficultés non anticipées rencontrées pendant la vie du chantier. L’étude de prix est faite sur la base des coûts d’aujourd’hui, or un chantier d’une certaine importance s’étire sur plusieurs années. Pour donner un prix ferme et définitif à la personne publique, l’entrepreneur est obligé de provisionner l’augmentation du prix des matières premières, tout en prenant en compte le fait que, par exemple, le prix de l’acier transformé ne suit pas exactement les évolutions du prix de l’acier brut. Comment rationaliser l’évolution du prix des indices de la construction ? Il faut noter ici que la marge est mise à des endroits différents, suivant les constructeurs, dans une optique stratégique. Les architectes étant souvent rémunérés en fonction du montant des travaux, la marge se situera par exemple dans le volet « promotion immobilière » pour diminuer la somme à leur verser. Cette dimension stratégique propre à chaque entreprise rend caduque la comparaison ligne à ligne des réponses à appel d’offre. La personne publique comprend bien les coûts de construction. Les entrepreneurs transfèrent donc le coût de conception dans le contrat de promotion immobilière. Dans un contrat de partenariat, les coûts de conception sont ajustés de manière à afficher des coûts de construction faibles.

2. Les coûts de maintenance.

La tarification de la maintenance prend à la fois en compte le coût brut des opérations à effectuer, mais aussi le périmètre d’action. Le titulaire du projet devra-t-il faire travailler le personnel en place ? Les partenaires privés savent que la gestion de l’interface secteur public / secteur privé est difficile, particulièrement dans le domaine hospitalier.

3. Les aspects financiers.

Certains aspects sont techniques, comme les modalités de paiement du loyer (loyer fixe ou progressif), ou la date de cristallisation. D’autres sont directement liés au caractère plus ou moins risqué du projet : le taux de rentabilité exigé par la société de projet, les conditions bancaires appliquées. Aux dires des personnes consultées, le taux de rendement interne (TRI) des contrats de partenariat en France serait d’environ 8%, contre 15% pour des opérations similaires dans d’autres pays.

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III. Approches publiques et privées du risque : différentes, mais possiblement convergentes.

A. Le raisonnement public vu par les entreprises. Pour les entreprises, la MAPPP semble avoir adopté l’approche britannique qui consiste à faire appel à une société de risk management qui analyse les risques, les probabilise et détermine leur impact sur le coût et les délais. Cette méthode est onéreuse. Les coûts d'étude sont de l’ordre de 500 000 euros pour 300 millions d’euros d’investissement. Les entreprises du BTP rencontrées regrettent "la vision abstraite et théorique" que la MAPPP porte sur leur secteur et l’absence de dialogue. Cette vision se retrouve selon eux dans sa démarche de l’évaluation préalable. Cette dernière est en effet déconnectée de tout plan d’architecte. A ce stade du projet, on dispose uniquement des données permettant de donner un ordre de grandeur fonction des m². Sur un objet particulier, il est impossible d’être précis sans travailler sur des plans très détaillés, ce qui implique un coût de développement significatif. Certains conseils des personnes publiques demandent aux candidats d’évaluer l’impact sur le loyer d’une réattribution à la personne publique de certains risques. L’idée sous-jacente est qu’un déplacement du curseur de partage des risques produirait automatiquement un rééquilibrage économique de l’offre du partenaire privé, permettant ainsi de déduire une valeur « objective » du risque extrait. Au vu des entretiens et des développements précédents, ce type de calcul laisse les partenaires privés perplexes : la réponse variera selon les préférences des candidats, selon que le risque fasse partie des « risques métier » qu’ils savent mieux maîtriser, selon que cela change ou non l’organisation générale de l’entreprise… En outre, il est peu probable que le groupe souhaite apporter une réponse à ce type de question et dévoiler sa structure de sensibilité au risque qui est aussi son atout commercial. Dans cette optique, les groupes rencontrés dénoncent l'utilisation d’un bordereau du prix des risques. Cette méthode donne une importance trop grande à chaque risque, alors que c’est l’architecture globale des risques portés et leurs interdépendances qui permettent d’évaluer un niveau de risque global. Aux yeux du secteur privé, la personne publique ne sait pas mesurer ce que peuvent représenter les risques « extrêmes » dont il serait souhaitable qu’elle ait la charge. Le risque de changement de norme n’est ainsi pas évaluable : il est impossible d’avoir une idée de la réglementation dans trente ans. Elle penserait trop souvent que « les conséquences financière de ce risque ne représentent rien à l’échelle de [votre] groupe » : même en acceptant l’idée que cela puisse être vrai pour un grand groupe de BTP ou de services, ce ne l’est en aucun cas à l’échelle d’une société de projet, forme juridique majoritaire des preneurs de contrats de partenariat.

B. Le secteur privé, entre stratégie de marché et contraintes organisationnelles. Chez les partenaires industriels, le comité d’engagement (la direction générale, la direction des concessions…) prend la décision d’aller sur un projet en prenant en compte quatre dimensions :

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- les aspects d’organisation : un projet en Rhône-Alpes est effectué par les équipes de Rhône-Alpes. Si leur carnet de commandes est déjà plein, la société-mère ne répondra pas à l’appel d’offre ;

- l’identification du projet : est-ce un projet de conception-construction ? Quelle est l’étendue du périmètre de maintenance ? Si la dimension conception est absente, certains groupes qui n’aiment pas travailler avec un architecte imposé vont fortement hésiter à prendre le projet ;

- la taille du projet : les petits projets (montant inférieur à 30 millions d’euros) nécessitent le même niveau d’investissement en moyens humains que les très gros projets. Un petit projet n’est pas intéressant car il ne permet pas d’amortir les frais de structure ;

- l’enjeu commercial. L’analyse du risque est qualifiée d’« arbre qui cache la forêt », la véritable analyse étant commerciale. Le groupe veut-il participer au projet ou ne le veut-il pas ? Quelle est la nature des relations avec le client ? L’expérience est au cœur de cette analyse. Par exemple, il est notoire qu’un projet de prison va être stable dans le temps, alors qu’un projet hospitalier va connaître des changements multiples. Les groupes de BTP sont aujourd’hui en mesure de pouvoir sélectionner les projets auxquels ils souhaitent participer. La question du risque est traitée par un mécanisme interne « d’adossement » des projets entre eux, avec effet cumulatif. Par exemple, si Eiffage n’avait pas été successivement concessionnaire du Viaduc de Millau, puis de la liaison TGV Perpignan-Figueras, la société n’aurait jamais été en position de pouvoir acquérir la Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône lors de sa privatisation. L’enjeu des risques pris pour un grand projet se joue au niveau de la finalité du groupe. Chaque décision lourde en comité des risques mélange une analyse scientifique du projet et une vision stratégique de l’entreprise. Les décisions prises sont en lien avec le degré de concurrence du projet. En conséquence, on peut avoir l’impression d’un traitement différencié pour des projets relativement proches. Quant aux banques, celles-ci sont aussi intéressées par des stratégies d’alliance avec les partenaires industriels. La confiance joue un rôle central dans la passation des contrats. C’est d’ailleurs un des facteurs qui expliquent pourquoi seuls les grands groupes sont en mesure de répondre aux appels d’offre des contrats de partenariat. La banque ne s’attend en aucun cas à du « zéro risque », mais elle part du principe qu’on ne cherche pas a priori à se répartir des pertes.

C. Améliorer la compréhension mutuelle pour de meilleurs projets. La personne publique ne peut pas avoir connaissance de cette dimension stratégique et commerciale, qui pourtant impacte fortement les décisions du privé. Comme les développements précédents l’ont souligné, le mode de raisonnement du maître d’œuvre privé est différent de celui du maître d’ouvrage public. Mais certains interlocuteurs ont précisé que ce décalage avec le modèle de la MAPPP n’est pas si grave. Par analogie avec le secteur automobile, les clients attendent d’une voiture qu’elle roule, qu’elle soit imperméable… mais ils se moquent des caractéristiques des composants. Les constructeurs connaissent les attentes des utilisateurs et conçoivent techniquement leurs modèles en fonction de leurs accords commerciaux. De toute façon les clients n’ont pas les compétences pour connaître les caractéristiques physiques de toute la gamme des composants. De la même

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manière, la personne publique doit faire confiance au privé pour lui fournir une infrastructure qui corresponde à ses attentes. Savoir si le prix demandé par le privé est « juste », c’est-à-dire équitable et transparent, est sans doute un rêve lointain, sachant toutefois qu’il ne peut en tout état de cause être trop éloigné du prix de référence estimé par la personne publique au vu de son expérience. La procédure de mise en concurrence permet simplement d’obtenir le prix du marché à un moment donné et de retenir le « meilleur prix ». En reprenant notre métaphore automobile, lorsqu’un client achète un véhicule il n’a pas de moyens de savoir si le prix qu’on lui demande de payer est « juste ». Il peut uniquement le comparer avec celui d’une voiture comparable d’une marque concurrente, mais qui n’aura jamais exactement les mêmes caractéristiques techniques. C’est sur l’analyse du prix qu’elle est prête à accorder aux différences entre deux projets que la personne publique doit réfléchir.

IV. Peut-on diminuer le coût des risques ? Recommandations et conclusions.

A. Une matrice des risques équilibrée entre les partenaires Dans un contrat de maîtrise d’ouvrage publique, la personne publique garde à sa charge tous les risques, alors qu’en délégation de service public elle a tendance à les transférer en grande partie au le partenaire privé, parfois sans en assumer le contrôle. La personne publique se fait généralement une idée inexacte du contrat de partenariat : elle le perçoit comme un nouvel outil de la commande publique qui lui permet de se débarrasser des risques suite au transfert de la maîtrise d’ouvrage au partenaire privé. La personne publique ne doit transférer au partenaire privé que les risques qu’il est le plus à même d’assumer, ceci afin de réduire le montant du loyer qu’elle devra lui verser, sachant que ce dernier lui facturera, à un prix plus élevé, les risques qu’il ne devrait pas en toute logique prendre à sa charge. Les investisseurs et les actionnaires attachent une importance primordiale aux risques et à leur répartition, leurs intérêts financiers découlant directement de l’allocation des risques qui va être contractualisée. A cet égard, si l’obtention d’un permis de construire s’avère impossible pour des raisons indépendantes de la volonté du partenaire privé, les coûts afférents devront être pris en charge par la personne publique.

La personne privée éprouve de grandes difficultés à gérer les risques à très faible occurrence mais à très fort coût. Pour ces risques « zéro à l’infini », l’assurance donnée par la personne privée est très aléatoire : elle est soit trop chère, soit trop peu chère. L’analyse de Monte Carlo n’a de sens que pour des risques probabilisables. Pour les risques de forte amplitude, constituer une provision implique d’immobiliser une somme importante qui ne servira jamais si le risque ne se réalise pas, mais qui sera très faible par rapport aux coûts générés si le risque se matérialise. Les partenaires privés attendent des projets qu’ils soient bancables, c’est-à-dire finançables et avec des risques maîtrisés. D’où l’intérêt particulier qu’ils portent aux clauses de déchéance et à la recherche d’un juste équilibre entre une « sanction » jugée normale et la volonté jugée déraisonnable de certaines personnes publiques de déséquilibrer fortement les engagements contractuels en leur faveur, avec pour conséquence de fragiliser l’équilibre financier du projet et donc la bonne exécution des clauses contractuelles dans la durée.

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ETUDES ET SYNTHESES

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B. Améliorer la phase d’étude préalable.

1. Professionnaliser la personne publique et lui donner de bons conseils.

Les personnes publiques, et notamment les collectivités locales, définissent avec de grandes difficultés leurs besoins et cela d’autant plus que le projet envisagé par la collectivité locale est dans la plupart des cas le seul qu’elle aura à concevoir. En outre, les collectivités locales, du moins les petites et les moyennes, ont a priori moins les moyens de disposer des compétences nécessaires pour mener à bien un contrat de partenariat. Aussi doivent-elles se former au contrat de partenariat et être bien conseillées. Le contrat de partenariat oblige la personne publique à définir ses besoins et non pas la chose dont elle a besoin. Quel est le besoin de la personne publique ? Est-ce avoir des trains (les posséder physiquement) ? Ou bien est-ce avoir des trains qui circulent ? Les personnes publiques ont encore trop souvent à l’esprit l’achat physique au lieu de percevoir le besoin « fonctionnel » (le service rendu). Les collectivités et l’Etat doivent devenir des acheteurs de services rendus.

L’échantillon des professionnels rencontrés souligne les bonnes pratiques de la fonction publique hospitalière, qui sait s’entourer de conseils de haut niveau et qui a pris l’habitude, par exemple, de faire intervenir le même notaire sur tous les projets, ce qui permet un bon suivi.

Dans la plupart des cas, la personne publique reste encore trop souvent focalisée sur le critère du coût par rapport à celui de la compétence lorsqu’elle choisit ses conseils. Pour les preneurs de projets, leur souhait serait de dialoguer avec des conseils ayant la double connaissance du secteur public et du secteur privé, de manière à ce que leurs interlocuteurs aient une capacité d’anticipation.

2. Systématiser les contrats.

La complexité et le coût des procédures sont difficilement absorbables par les petites structures, ce qui les exclut de facto, et explique la prédominance sur le marché de trois grands groupes. Ces derniers sont confrontés à des coûts de développement assez lourds (pour certains projets de un à trois millions d’euros dépensés) pouvant être engagés en pure perte, le montant des indemnisations n’étant pas généralement à la hauteur des dépenses de développement. Cependant, les contrats commencent à se standardiser. On commence à voir apparaitre des familles génériques de contrats, comme les lots de prisons par exemple. Les partenaires privés apprécient les personnes publiques qui ont capitalisé de l’expérience et qui présentent des contrats homogènes et bancables. Ce processus d'homogénéisation des contrats ne va pas de soi. Aujourd'hui Partnerships UK fait une critique ex-post de la trop grande standardisation des contrats intervenue en Grande-Bretagne. En outre, cette rédaction de contrat-type, qui repose sur l'exploitation des accords déjà signés, entre en conflit avec la protection de la stratégie des entreprises. On retrouve ici le dilemme traditionnel entre croissance de la compétitivité et protection de la propriété intellectuelle.

3. Utiliser le potentiel du dialogue et maîtriser les flux d’informations.

Le dialogue compétitif est une bonne chose, par exemple, pour la définition des besoins annexes et des modalités de mise en œuvre. Il permet à la personne privée d’expliquer à la personne

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publique pourquoi elle peut / ne peut pas prendre tel ou tel risque. La personne publique doit néanmoins faire attention à ne pas communiquer les bonnes idées des uns aux autres pour optimiser l’offre finale (nécessité de dialoguer « en tunnel »). En effet, elle court le risque qu’à terme les personnes privées ne dévoilent leurs bonnes idées uniquement lors du dernier tour du dialogue compétitif : de tels cas se sont déjà produits et n’ont jamais eu d’effets concluants. A l’instar de tous les outils d’évaluation, la grille d’analyse fournie par le modèle développé par la MAPPP ne permettra pas de rendre compte de tous les paramètres pris en compte par la personne privée lors de la remise de son offre finale : les enjeux commerciaux sont omniprésents et difficiles à monétariser. L’analyse globale et empirique des enjeux par le partenaire privé ne s’adapte pas à un découpage fin et à modélisation des risques. La MAPPP est cependant en mesure d’apporter un appui méthodologique au secteur public dans l’appréciation des risques encourus du fait de la réalisation d’un projet sous la forme d’un contrat de partenariat. Elle conseille les collectivités territoriales qui souhaitent avoir un avis formel, elle veille à faire évoluer la doctrine et les méthodes, elle capitalise les retours d'expérience, et participe à des formations, des colloques et des séminaires. Certains souhaitent même qu’elle s’intéresse à des mécanismes assurantiels innovants comme celui de couverture de l'indice des prix de la construction17.

17 Ce mécanisme est présenté en annexe 1.

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Annexe 1 : mécanisme de couverture de l’indice des prix de la construction.

L’évolution de l’indice des prix de la construction (IPC) est la dimension qui se prête le plus à une analyse statistique, car on dispose de données sur une longue période. Aucun mécanisme n’existe pour l’instant pour couvrir ce risque, alors même que les constructeurs sont prêts à le souscrire. La personne publique pourrait aussi trouver une utilité à un tel mécanisme : si un retournement conjoncturel devait avoir lieu, les groupes de BTP pourraient réaliser des gains significatifs au détriment de la personne publique. Les principes de ce dispositif seraient les suivants :

a) la personne publique impose dans le contrat une formule d'indexation, applicable au coût d'investissement, hors frais financiers, par exemple par le biais d'un indice composite comprenant l'indice des prix de la construction (applicable sur la fraction des coûts d'investissement représentative du coût de conception-construction de l'ouvrage) et l'inflation (pour les coûts de fonctionnement de la société de projet) ; b) le règlement de la consultation impose la variation d'indice à prendre en compte (par exemple : 6 % l'an, qui constitue le maximum pour l'IPC observé en rythme annuel ces dernières années), qui définit l'indice maximum sur lequel le partenaire privé s'engage (en tant que plafond) ; c) le contrat comporte dans ses annexes le modèle financier du projet et la courbe de paiement de la SP et de son constructeur ; d) le bouclage financier intègre l'assiette maximale résultante du processus défini en a) ; e) à la mise à disposition de l'ouvrage, il est contradictoirement établi entre partenaire privé et personne publique le décompte de la combinaison entre courbe de paiement et variation d'indices d'une part (le réel) et l'assiette de financement (le théorique) ; le modèle financier contractualisé sert de référence entre les parties ; f) dans l'hypothèse d'un retard dans la date de mise à disposition, les mêmes principes que ceux généralement mis en œuvre pour ce qui concerne l'obtention des permis et autorisations pourraient être mis en œuvre, à savoir que la partie fautive subit les conséquences de sa défaillance ; dans l'hypothèse d'une responsabilité partagée, les parties pourraient se rapprocher pour répartir les conséquences résultantes ; g) dans l'hypothèse d'une avance dans la date de mise à disposition, le bénéfice résultant pourrait être partagé entre la personne publique et la Société de Projet, selon une clé de répartition à convenir, permettant à chacun d'obtenir une juste rétribution des efforts consentis ; h) la société de projet et son constructeur sont ainsi rémunérés au juste prix de l'ouvrage réalisé ;

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i) la différence entre le montant théorique et le montant réel vient abonder un compte de réserve, rémunéré, pour prendre en charge les conséquences sur l'ouvrage du changement de lois, pendant la phase d'exploitation de l'ouvrage.

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Annexe 2 : personnes consultées

Daniel BENQUIS Associé, Responsable de l'activité Infrastructure Advisory, Ernst & Young Sylvie CHAUSSIN, Directeur de Projets, CIC Marc COLOMBARD-PROUT, Département Economie et Sciences Humaines, CSTB Aurélien DEFIGIER Direction grands projets urbains, Bouygues Immobilier Jérôme FLEURY, Directeur, Eiffage Concessions Christian GERMA, Responsable des PPP, Vinci Construction France Gauthier JACOB, Secteur Santé, Partenariats Public-Privé, Dalkia France Olivier LE GALL, Responsable ingénierie financière - PPP, Eiffage Concessions Damien LEGRAND, Responsable Financement d’Infrastructures, DEPFA Bank Patrice MOURA, Directeur de projets, Mission d’Appui à la Réalisation des Contrats de Partenariat (MAPPP) Vincent PIRON, Directeur de la Stratégie et du Développement, Vinci concessions Geneviève RIGOLOT, Directrice juridique, Véolia François TENAILLEAU, Avocat, Cabinet CMS Francis Lefebvre Lionel WALTER, Responsable des Financements de Projets, CIC

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Bibliographie

Guide d’utilisation du Modèle Financier d’Evaluation préalable, MAPPP, 3 juillet 2008. Partenariat public-privé : conquête et reconquête des territoires in Les nouveaux conquérants, les Cahiers Ernst & Young, n°10