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SÉANCE CONSACRÉE À L'HISTOIRE DE LA GYNÉCO-OBSTÉTRIQUE Evolution des méthodes actuelles de déclenchement du travail * par François DUCHATEL ** Les techniques de déclenchement artificiel du travail ont été initialement réservées aux hémorragies survenant lors de la grossesse, puis étendues ensuite aux rétrécisse- ments du bassin et à tous les accidents émaillant la gestation et pouvant mettre en péril la mère ou l'enfant. Tous les auteurs anciens ont essayé, avec plus ou moins de bon- heur, de trouver le moyen de hâter l'issue d'un accouchement qui mettait en jeu le pro- nostic maternel, ou pour abréger le temps d'une gestation à l'issue incertaine. Depuis Ambroise Paré qui, en 1573, applique "l'accouchement forcé" au traitement des hémorragies de la grossesse, à "l'accouchement méthodiquement rapide", que Stéphane Tarnier et Erasme Joseph Bonnaire remettent à l'honneur à la fin du XIXe siècle, les procédés utilisés furent innombrables. Le sujet est vaste, aussi limiterons nous ce propos sur le déclenchement artificiel du travail à l'historique des seules méthodes qui perdurent de nos jours. C'est au milieu du XVille siècle, en Angleterre, que cette intervention entre dans le domaine obstétrical en tant qu'opération réglée. Pour en comprendre la subite redécou- verte, il faut rappeler que les angusties pelviennes étaient inconnues ou très mal connues. Ce n'est qu'au début du XVIIIe siècle que, les premiers, Hendrick van Deventer et Guillaume Mauquest de la Motte étudient de façon précise le bassin. Les premiers accoucheurs à imaginer la mensuration du bassin sont Paul de Wind, en 1751, aux Pays-Bas, et William Smellie, en 1752, en Angleterre. Pratiquée pour la première fois, pour les uns, par une sage-femme irlandaise du nom de Mary Dunally, en 1738, pour les autres, par l'accoucheur Macaulay à la même époque, il est certain que la pra- tique de l'accouchement prématuré provoqué est née en Angleterre, en 1756. C'est, en effet, lors d'une réunion des obstétriciens les plus célèbres d'Outre-Manche, à laquelle participent Macaulay, C. Kelly, James Barlow, Ramsbotham et, vraissemblablement Smellie que sont définis les principes présidant à cette opération. Leurs conclusions sont entérinées par le Collège Royal des Médecins de Londres, mais ne sont publiées qu'en 1795, dans la préface du traité de Thomas Denman qui se montre alors le plus ardent défenseur de cette pratique. * Comité de lecture du 27 mai 1995 de la Société française d'Histoire de la Médecine. ** 1 avenue Berthelot, 95300 Pontoise. HISTOIRE DES SCIENCES MÉDICALES - TOME XXX - № 2 - 1996 251

Evolution des méthodes actuelles de déclenchement du travail · Associée aux traitements médicamenteux, la rupture des membranes, ou amniotomie basse, reste de nos jours un temps

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SÉANCE CONSACRÉE À L'HISTOIRE DE LA GYNÉCO-OBSTÉTRIQUE

Evolution des méthodes actuelles de déclenchement du travail *

par François DUCHATEL **

Les techniques de déc lenchement artificiel du travail ont été ini t ialement réservées aux hémorragies survenant lors de la grossesse , puis é tendues ensui te aux rétrécisse­ments du bassin et à tous les accidents émail lant la gestat ion et pouvant met t re en péril la mère ou l 'enfant. Tous les auteurs anciens ont essayé, avec plus ou moins de bon­heur, de t rouver le m o y e n de hâter l ' i ssue d ' u n accouchement qui mettai t en j eu le p ro ­nostic maternel , ou pour abréger le t emps d ' u n e gestat ion à l ' i ssue incertaine.

Depuis Ambro i se Paré qui , en 1573, appl ique " l ' a ccouchemen t forcé" au t ra i tement des h é m o r r a g i e s de la g ros ses se , à " l ' a c c o u c h e m e n t m é t h o d i q u e m e n t r a p i d e " , q u e Stéphane Tarnier et E ra sme Joseph Bonnai re remet tent à l ' honneur à la fin du X I X e siècle, les procédés util isés furent innombrables .

Le sujet est vaste, aussi l imiterons nous ce propos sur le déc lenchement artificiel du travail à l 'h is tor ique des seules méthodes qui perdurent de nos jours .

C 'es t au mil ieu du X V i l l e siècle, en Angleterre , que cette intervention entre dans le domaine obstétrical en tant qu 'opéra t ion réglée. Pour en comprendre la subite redécou­ve r t e , il faut r a p p e l e r q u e les a n g u s t i e s p e l v i e n n e s é t a i en t i n c o n n u e s ou t rès m a l c o n n u e s . C e n ' e s t q u ' a u d é b u t du X V I I I e s ièc le q u e , les p r e m i e r s , H e n d r i c k v a n Deventer et Gui l l aume Mauques t de la Mot te étudient de façon précise le bassin. Les premiers accoucheurs à imaginer la mensura t ion du bassin sont Paul de Wind , en 1751 , aux Pays-Bas , et Wi l l iam Smell ie , en 1752, en Angleterre . Prat iquée pour la première fois, pour les uns , par une sage- femme ir landaise du n o m de Mary Dunal ly , en 1738, pour les autres , par l ' accoucheur Macau lay à la m ê m e époque , il est certain que la pra­t ique de l ' accouchement prématuré p rovoqué est née en Angleterre , en 1756. C 'es t , en effet, lors d ' u n e réunion des obstétr iciens les plus célèbres d 'Ou t re -Manche , à laquel le par t ic ipent Macau lay , C. Kel ly , J a m e s Bar low, R a m s b o t h a m et, v ra i s semblab lement Smel l ie que sont définis les pr incipes prés idant à cet te opérat ion. Leurs conc lus ions sont entér inées par le Col lège Royal des Médec ins de Londres , ma i s ne sont publ iées q u ' e n 1795, dans la préface du traité de T h o m a s D e n m a n qui se mont re alors le plus ardent défenseur de cet te prat ique.

* Comité de lecture du 27 mai 1995 de la Société française d'Histoire de la Médecine.

** 1 avenue Berthelot, 95300 Pontoise.

HISTOIRE DES SCIENCES MÉDICALES - TOME XXX - № 2 - 1996 251

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L a p r o v o c a t i o n d e l ' a c c o u c h e m e n t se r é p a n d r a p i d e m e n t e n A n g l e t e r r e . P u i s , d 'Angle te r re , elle passe en Al l emagne où Franz An ton Ma i de Heidelberg la consei l le p o u r la p r e m i è r e fois en 1799 . E l l e n ' e s t c e p e n d a n t e x é c u t é e q u ' e n 1804 pa r Car i

Wenze l . El le est alors adoptée et a rdemment soutenue à partir de 1818, par Benjamin Osiander , Jean Chris toph Jœrg et Ferdinand Augus t von Ri tgen.

D ' A l l e m a g n e , la technique de l ' a ccouchemen t p rovoqué pénètre en Italie, puis en Hol lande et gagne la France par l 'est .

E n F r a n c e , e l le v a t r o u v e r un adve r sa i r e a c h a r n é en la p e r s o n n e de J e a n Lou i s Baude locque qui , dans son traité de 1781 , la j u g e inutile et dangereuse .

L e premier à diss iper les prévent ions à son égard est le Professeur Joseph Alexis

Stolz de Strasbourg. Il réalise le p remier accouchement p rovoqué en 1831.

S' i l a été précédé dans cette voie par Thiébaul t Et ienne Lauverjat , dès 1788 et par

François E m m a n u e l Foedere , en 1813 , c ' es t lui qui eût le mér i te de réhabi l i ter cette

intervention maudi te . Il la défendit avec ardeur et en fixa les indicat ions dans ses cours et dans les thèses de ses élèves.

L ' ins taura t ion d ' u n e surveil lance rigoureuse des femmes enceintes , la général isat ion

de la césar ienne et sa relat ive innocui té , la p lus grande efficacité des t rai tements méd i ­

caux et chirurgicaux de nombreuses pathologies maternel les , et enfin l 'ut i l isat ion large

d 'ant ib iot iques efficaces ont permis au cours du X X e siècle de ne plus envisager les

déc lenchements hasardeux et souvent t raumatisants jadis imposés par la gravi té de cer­

ta ines affect ions in te rcur ren tes d e la g rossesse ou par des r é t r éc i s semen t s pe lv iens condamnan t sûrement le fœtus et t rop souvent la mère . Le déc lenchement artificiel du

travail n ' a plus au jourd 'hu i que des indicat ions surtout d 'o rd re fœtal pour soustraire un

enfant à un milieu qui lui devient hosti le . Dans la dernière décennie , est venu s 'y ajou­

ter une indicat ion part icul ière : le déc lenchement de convenance à proximité du terme.

Actuel lement , les indicat ions de déc lenchement artificiel du travail représentent entre

10 et 2 0 % des accouchements .

N o u s verrons success ivement , l 'ut i l isat ion de quelques moyens phys iques et méca ­

niques aptes à déclencher le travail ou tout au moins à p rovoquer des modif icat ions cer­

vicales rendant le déc lenchement du travail plus aisé. Ensui te , seront passées en revue les méthodes médicamenteuses qui aujourd 'hui régnent sans par tage dans le déc lenche­

men t artificiel du travail .

L ' exc i t a t ion de l ' u té rus par vo ie réflexe va connaî t re une g rande v o g u e au X I X e siècle et quelques techniques sont encore uti l isées de nos jours seulement à titre adju­vant et dans des c i rconstances part iculières.

L a relat ion exis tant entre le m a m e l o n et la cont rac t ion utér ine avait é té observée depuis longtemps . C 'es t appa remment Edward Rigby , qui le premier , en 1779, en fait la démonst ra t ion et pense à l 'uti l iser pour induire des contract ions utérines. Cette consta­tation amène les accoucheurs à proposer la s t imulat ion mamelonna i re pour p rovoquer des contract ions et favoriser l ' en t rée en travail des femmes . Friedreich, en 1839, utilise à ce t effet de s s i n a p i s m e s et d e s v é s i c a t o i r e s , p u i s , H e r m a n n F r i e d r i c h K i l i an et Fr iedr ich W i l h e l m Scanzon i , en 1853 , des ven touses et des frictions répé tées . J ean Mar ie Jacquemier , en 1846, qualifie ces essais de "vaines fantaisies qui ne sont pas sans i n c o n v é n i e n t s " et le p rocédé se t rouve dès lors marg ina l i sé . D a n s les années 1970,

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quelques auteurs publ ient sur ce m o y e n de déc lenchement qui se révèle inoffensif et efficace sur tout chez les mul t ipa res . En 1983 , J. P . El l iot l 'u t i l i se pour accé lérer la maturat ion cervicale avant déc lenchement médicamenteux avec un taux de succès très satisfaisant. Elle reste util isée à te rme et chez les mul t ipares chez lesquelles son effica­cité est la mei l leure pour induire des contract ions qui vont maturer le col.

L ' exc i ta t ion interne de l 'u térus sera réal isée par les m o y e n s les p lus var iés . C ' e s t dans cet te ca tégor ie de p rocédés q u e l ' o n t rouve les p lus anc iens et aussi ceux qui connaîtront l ' ex is tence la plus longue .

Le plus ancien des procédés connu pour p rovoquer l ' a ccouchement est la rupture des membranes . Déjà proposée par Puzos , en 1749, dans le t rai tement des hémorragies de la grossesse pour p rovoquer le travail . Macaulay et D e n m a n l ' emplo ien t dès la fin du X V i l l e siècle et elle reste la seule mé thode employée couramment j u s q u ' a u début du X I X e siècle. En Al l emagne , la mé thode a longtemps conservé le n o m de l ' accoucheur danois Paul Scheel qui la consei l le dès 1799. T h o m a s C. James , Professeur d ' obs t é ­tr ique à l 'Univers i té de Pennsylvanie est le p remier à réaliser une telle intervention aux Etats-Unis en 1810. Les dangers de l ' écou lement brutal , rapide et comple t du l iquide amniot ique amènent Hopkins , en 1814, à proposer la ponct ion de l 'œuf à sa partie supé­r ieure. Freidr ich Ludwig Meissner de Leipzig , en 1831 , fait construire un long trocart en argent de 32 cent imètres et de forme courbe pour réaliser a isément cette ponct ion. Ce procédé est repris en 1937 par Henry James Drew Smythe de l 'hôpi ta l de Bristol . Cet te mé thode a connu une assez grande audience en Angleterre et aux Etats Unis , et reste encore uti l isée dans les cas d ' hydramnios avec une présentat ion mobi le .

Associée aux trai tements méd icamenteux , la rupture des membranes , ou amnio tomie basse , reste de nos jours un temps essentiel de tous les déc lenchements .

Les procédés de dilatation artificielle du col utérin pour exciter les contract ions et déterminer le travail ont longtemps été employés . Ces moyens ont const i tué l 'essent iel des ressources des anciens auteurs , et les techniques uti l isées furent nombreuses .

L e premier , Schnakenberg de Marbourg , en 1837, me t au point un appareil appelé " S p h é n o s i p h o n " qui est const i tué d ' u n bal lon qu ' i l gonfle un peu plus tous les jours dans le col utérin. Devil l iers , en 1847, et Anto ine Matte i , en 1855, inventent des instru­ments analogues qui ne sont que très peu utilisés. En 1862, Rober t Barnes propose un ballon const i tué de trois sacs en caoutchouc de d imens ions différentes, en forme de vio­lon . T a r n i e r , e n n o v e m b r e 1 8 6 2 , p r é s e n t e son b a l l o n - d i l a t a t e u r à l ' A c a d é m i e d e Médec ine , ce dernier reste longtemps utilisé en France , alors que les pays anglo-saxons adoptent le bal lon de Barnes . En 1868 et en 1883, Chassagny me t au point les deux modè les de son double bal lon. En décembre 1888, Champe t i e r de Ribes , suivant les préceptes , émis en 1883, par l 'autr ichien Friedrich Schauta , qui pensai t que le bal lon devai t ê t re vo lumineux et uti l isait le Colpeuryn te r de Braun introdui t dans le col e t m ê m e au -des sus de lui , fait cons t ru i re u n impor t an t ba l lon ayant la fo rme con ique d ' u n e p o m m e d 'arrosoir . Boissard, en raison des inconvénients liés à la forme convexe du bal lon de Champet ier , fait réaliser, en 1892, un nouveau ballon dont le fond pouvai t être dépr imé en cupule grâce à un fil tracteur. Selon la dilatation du col il utilise deux bal lons de tailles différentes. J u s q u ' e n 1925, les bal lons de Champet ie r et de Boissard sont les plus utilisés en France . Leur uti l isation se poursuivra j u sque dans les années 1970 avec divers bal lons dont celui de Dubecq . En 1983, Semchyshyn rappor te l 'ut i l i -

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sation d ' u n e sonde de Foley dont le bal lonnet est gonflé avec 4 0 ce de sérum physio lo­

gique, grâce à laquel le il obtient une dilatation cervicale suffisante pour déclencher le travail par les ocytociques . Ce procédé se t rouve déjà r e c o m m a n d é par M. P. Embrey et

Mol l i son dès 1967. Ac tue l l ement , cet te t echn ique , nécess i tan t un t emps assez long , n ' e s t que peu ut i l isée et est sur tout réservée aux déc l enchemen t s de fœtus mor t s in

utero.

L ' i d é e d 'e f fec tuer le déco l l emen t des m e m b r a n e s au n iveau du pô le inférieur de l 'œuf dans le but d ' indui re le travail est re la t ivement ancienne. El le est mi se en prat ique dès 1800 par Alexandre Hami l ton . El le reste encore uti l isée de nos jou r s c o m m e un m o y e n adjuvant de matura t ion du col par la l ibération de prostaglandines qu ' e l l e p ro­voque à ce niveau.

C ' e s t le Professeur L e h m a n n d ' A m s t e r d a m qui , en 1848 , a l ' i d é e d ' e f fec tuer le d é c o l l e m e n t d e s m e m b r a n e s n o n p l u s au d o i g t , m a i s à l ' a i d e d ' u n e s o n d e . C a r i Christ ian Krause , en 1855, met cette idée en applicat ion en introduisant profondément une sonde flexible entre les membranes et la paroi utér ine. A la fin du X I X e siècle, les nécessi tés de l ' aseps ie font recourir à des bougies pleines en g o m m e laissées en place j u s q u ' à une dilatation de "cinq francs". Ces bougies modifiées par Paul Trillat sont res­tées util isées par l 'Eco le lyonnaise jusque dans les années 1970. Elles ne seront définiti­v e m e n t a b a n d o n n é e s q u ' a p r è s la généra l i sa t ion des m é t h o d e s m é d i c a m e n t e u s e s de déc lenchements qui se révèlent moins longues , moins aléatoires et compor ten t moins de risques infectieux.

E n ce qui c o n c e r n e les ac t ions m é d i c a m e n t e u s e s , tous les p rodu i t s u t i l i sés p o u r induire ou renforcer les contract ions utérines ont la rgement été employés , de m ê m e que les d rogues réputées abort ives . Dès le deux ième quar t du X X e siècle ces techniques médicamenteuses vont prendre le pas sur les méthodes phys iques de déc lenchement du travail dont les risques infectieux et t raumat iques sont alors mis en exergue .

L ' e rgo t de seigle est d ' abord utilisé sans succès par Pao lo Bongiovanni de Milan, en 1824, et von Ri tgen, en 1836. Il est surtout employé en Angleterre , avec quelques suc­cès par Ramsbo tham. Les dangers qu ' i l fait courir tant à la mère q u ' à l 'enfant le font cependant rap idement abandonner . Dans les années 1955, il est repris en France sous forme de la " l iqueur de Merge r " : gouttes de Méthergin® (méthylergométr ine) di luées dans de l 'eau. Cette technique aléatoire et compor tan t des risques d 'hyper ton ie utérine n ' e s t cependant que très peu employée .

Le sulfate de quinine , utilisé par Lewis Sayre , en 1871 , se mont re rap idement insuf­fisant, s ' i l est util isé seul. Il est, au début du X X e siècle réintroduit dans l ' a rsenal théra­peut ique , en associat ion avec les extraits pos t -hypophysai res , avec des résultats satisfai­sants c o m m e le mont re la statistique publ iée par B . P. Watson , en 1922 : 9 0 % de suc­cès avec une mortal i té infantile de 5 % sur 195 cas . Cet te associat ion est uti l isée j u sque dans les années 1970 pour préparer l 'u térus à un déc lenchement du travail par les ocy­tociques .

L a spartéïne est un a lcaloïde qui a été extrai t du genê t à balais par S tenhouse en 1851 . C ' e s t Kle ine qui en 1939 démont re le p remier son act ion sur la contract ion utéri­ne et la r e c o m m a n d e pour renforcer les contract ions utérines chez la f emme en travail . A partir de 1945, des études sont entreprises à la c l inique Baude locque sous l ' impuls ion d ' E d m o n d Levy-Sola l . Ces t ravaux mont ren t l 'efficacité du sulfate de spartéïne et sur-

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tout son innocui té . Son act ion lente et progress ive , dénuée des effets secondaires des extraits pos t -hypophysai res expl ique la faveur dont elle a jou i j u s q u ' à l 'appar i t ion des ocy toc iques de syn thèse don t l ' a c t i on en perfus ion in t ra -ve ineuse s ' es t r a p i d e m e n t révé lée supér ieure , p lus rap ide et m i e u x cont rô lab le . El le est cependan t res tée dans l 'a rsenal obstétrical j u sque dans les années 1970 et on peut regretter son abandon total.

On doit l ' i so lement des extraits pos t -hypophysai res ou "pi tu i t r ine" à George Oliver et Edward Alber t Schâffer en 1895. Mais c 'es t Sir Henry Hallet t Da le , biologis te de Londres , qui découvr i ra , en 1906, leurs propr ié tés ocy toc iques . C ' e s t Wi l l i am Bla i r Bell , qui le premier , en 1909, utilise ces extraits pour lutter contre l ' inert ie utérine lors de la dél ivrance. Leur introduct ion dans l 'a rsenal obstétrical est due à Stern et Fries en 1911 . Rap idemen t des accidents comparab les à ceux observés avec l ' e rgot de seigle sont décr i t s et leur u t i l i sa t ion d iminue . I ls sont sur tout ut i l isés en assoc ia t ion avec d 'au t res drogues c o m m e la quinine (Watson et H a u c h en 1922) ou la pi locarpine avec des résultats très variables . En 1947, pour l imiter les effets imprévis ibles des prépara­tions d 'extrai ts pos t -hypophysai res injectées par voie intra-musculaire , G. W . Theoba ld préconise la voie intra-veineuse lente. Cet te technique est introduite en France en 1950 par Jacques Varangot , Cotte et Guy L e Lorier. La synthèse de l 'ocytoc ine , réal isée en 1953 par Vincent Du Vigneaud , pe rmet d 'ob ten i r un produit pur aux effets constants et dénués des inconvénients des extraits pos t -hypophysai res .

Son administrat ion, contrôlée et dosée grâce à des dispositifs de p o m p e à perfusion dont le p remier modè le est mis au point par A. C. Turnbul l et A. B . M. Anderson en 1968, autorise l 'appar i t ion rapide de contract ions utér ines et la provocat ion rapide du travail . Cet te perfusion reste la mé thode de choix dans les cas où les condi t ions locales sont favorables car elle est ac tuel lement la mieux maî t r isée , mais aussi en raison de son peu d'effets secondaires et de son faible coût .

L e s p r o s t a g l a n d i n e s , d e r n i è r e s n é e s des a r m e s t h é r a p e u t i q u e s d e l ' a c c o u c h e u r moderne , sont en passe de devenir l ' a rme quasi absolue des déc lenchements du travail , que leur indicat ion soit médica le ou de convenance .

C 'es t en 1930 que R. Kurzrock et C. C. Lieb , gynécologues de N e w York, démon­trent que le l iquide séminal humain agit sur la contracti l i té du myomèt re . L ' e m p i r i s m e des anciens l ' avai t déjà compr i s pu i sque Al i s tó te et François Maur iceau r e c o m m a n ­daient les rapports sexuels au début du travail pour renforcer les contract ions et act iver le travail de la partur iente.

Le te rme de pros taglandine est c réé par Ulf Swante von Euler en 1934.

Leur structure ch imique est é lucidée par S. Bergs t rôm en 1962, et la b iosynthèse des prostaglandines F2 a et E 2 est réal isée par l ' équ ipe de Bergs t rôm à l ' Inst i tut Karol inska de S tockholm en 1964.

Leur effet s t imulant sur la contract ion utérine est mis en évidence dès 1964 par Marc Bygdeman . Ces t ravaux, repris en 1968, permet tent à Sultan Kar im de réaliser la p re ­mière induct ion du travail et vont marquer le début de leur applicat ion au déc lenche­men t artificiel du travail .

U n e nouvel le étape d ' impor tance est franchie en 1971 lorsque Kar im met en éviden­ce les propriétés maturantes des prostaglandines E 2 sur le col utérin, ouvrant ainsi la voie à des déc lenchements artificiels p lus faciles et mo ins agressifs . Les pros taglan­dines E 2 ont été introduites en France en 1986.

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Au terme de ce survol de ce qui reste aujourd 'hui des indicat ions et des méthodes de déc lenchement artificiel du travail , plusieurs constatat ions se font jour .

Les indicat ions de nécess i té , j ad i s imposées par la gravi té des pa thologies mater ­nelles, n ' ex is ten t p lus actuel lement , la césar ienne les a remplacées à moindre risque et pour la mère et pour l 'enfant . D e nos jours les principales indicat ions résident dans des

pathologies maternel les , en règle assez b ien contrôlées méd ica lement ma i s , pour les­quelles ce sont les risques fœtaux qui imposent son extract ion avant le t e rme de la ges­

tat ion. Et, p h é n o m è n e de socié té , les grossesses étant p lus ou m o i n s p r o g r a m m é e s , grâce à la contracept ion, pour ne survenir que dans un temps favorable pour le couple ,

il est dans la logique que l ' i ssue de celle-ci puisse , elle aussi , être p rog rammée .

Les méthodes ont donc évolué , et de t raumatisantes , car urgentes , elles se sont affi­

nées au profit des techniques médicamenteuses plus douces que les mé thodes instru­

menta les .

La pharmacopée s 'enr ichissant chaque jou r de produi ts nouveaux plus efficaces, à la

mise en œuvre aisée, aux act ions de plus en plus proches de la physiologie et possédant

moins d'effets secondaires , la tentat ion peut cependant être g rande de tout vouloir diri­

ger.

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TARNIER S., CHANTREUIL G. et BUDIN P. - Traité de l'art des accouchements. Ire éd., Paris, 1886-1901.

THOULON J.M. - Utilisation actuelle des Prostaglandines E2. Rev. Fr. Gynecol. Obstet., 1987, 82, 12, 721-724.

WiTKOWSKi G.J. - Histoire des accouchements chez tous les peuples. Avec l'Arsenal obstétrical. Ouvrage contenant 1584 figures intercalées dans le texte, Ire éd., Paris, 1887.

SUMMARY

Evolution of actual methods for the induction of labour At first reserved for the most serious illnesses of pregnancy, the techniques of artificial induc­

tion of labour have seen their indications and methods modified with the passing years. This brief account tries to relate the course of some of these techniques still used to-day. Out of the mecha­nical procedures formerly imposed by the necessity to end quickly a dangerous labour or a dan­gerous pregnancy, only remains some adjuvant measures linked with medical treatments, which are nowadays universally and widely used. Perhaps the old dream to control the parturition is not so far off now to be a reality, but a shadow is becoming apparent: the temptation of a total control and of a limitless interventionism.

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