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Tout savoir sur... Un livre de Emmanuel Fraysse Une collection dirigée par Henri Kaufman ...Business is digital# C’est le moment !

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Tout savoir sur...

Un livre de Emmanuel Fraysse

Une collection dirigée par Henri Kaufman

...Business

is digital#

C’est le moment !

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Introduction

« Rien n’est permanent sauf le changement » (Héraclite). La période actuelle débutée dans les années 90, décennie de la diffusion d’Internet auprès du grand-public, est riche en nouveautés « connectées ». Désormais, le monde se digitalise à grands pas.

Ce que nous imaginions il y 15 ans se déroule désormais sous nos yeux : puissance des communautés en-ligne, mobilité 24/7, ecommerce, consom-mauteurs, … Stimulant et inquiétant à la fois puisque la nouveauté nécessite des adaptations plus ou moins profondes selon les secteurs et les individus.

Encore périphérique il y a 15 ans, le digital est désormais au centre de toutes les attentions. Les entreprises sont face à une alternative simple : « se digita-liser ou mourir ». Du point de vue business, la digitalisation s’entend comme le fait de faire basculer partiellement ou totalement un produit, un service, une marque ou un secteur d’activité dans le numérique en tenant compte des nouvelles technologies et des usages connectés de consommation. Du point de vue des usages, elle peut se définir comme l’explosion d’une vie connectée multi-écrans au quotidien (TV, ordinateurs, tablettes, mobiles, …).

Selon une étude Microsoft/opinionway publiée en février 2013, il apparait que les enjeux du digital n’échappent plus aux Directions Générales. Principaux enseignements de l’étude :

•84% des décideurs considèrent que le digital est stratégique (dont 22% très stratégique)

•62% sont convaincus que le digital transformera le modèle économique de leur entreprise d’ici 5 ans

•92% estiment que le digital va faciliter les échanges avec les parties prenantes (clients, prestataires, partenaires, ...)

Et si les évolutions allaient plus vite que prévu ? En tous cas, la conduite du changement digital ne peut plus être retardée. Le temps (op)presse, les nouveaux entrants prennent des positions face aux dinosaures qui se meuvent avec lenteur. Il est temps de se digitaliser car « Business is Digital ».

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Business is digital

Dans la continuité de mon précédent ouvrage axé « Web social », le présent ouvrage vise à faciliter la compréhension de ce qui est à l’œuvre actuellement et à donner des pistes pour l’avenir. Nous changeons, d’ère, de société, de civi-lisation (rayez les mentions inutiles). Le digital imprègne notre vie privée et notre vie professionnelle. Le web social est un acquis. Désormais, le business est digital, les objets sont connectés et ce n’est qu’un début. Nous tendons vers le transhumanisme avec des hommes augmentés par la technologie...

Aussi, la pensée de Schumpeter est-elle plus que jamais d’actualité : « Le nouveau ne sort pas de l’ancien, mais apparaît à côté de l’ancien, lui fait concurrence jusqu’à le ruiner. » Mythe ou prophétie ? A vous de voir en lisant cet ouvrage.

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Chapitre 2 : Mythes et réalités

Chapitre 2 Mythes et réalités

« Le pessimiste se plaint du vent, l’optimiste espère qu’il va changer, le réaliste ajuste ses voiles. » (William Arthur Ward)

La digitalisation du monde n’est pas une tendance parfaite et sans défauts : le social business n’est pas dénué de risques et il faut rester vigilant pour que le monde digital reste un monde de choix et de liberté.

Faisons la distinction entre le bon grain et l’ivraie, entre le fantasme et la réalité.

2.1 Le Web se referme et l’accès se segmente ?

Va-t-on vers un Internet à plusieurs vitesses ? C’est plus que probable. La neutralité du Net et le Web ouvert accessible pour tous sont mis sous pression par la censure et les acteurs majeurs économiques souhaitant renforcer leur domination.

// Concernant la neutralité du Net

La neutralité du Net ou la neutralité du réseau est un principe qui garantit l’égalité de traitement de tous les flux de données sur Internet. Ce principe exclut ainsi toute discrimination à l’égard de la source, de la destination ou du contenu de l’information transmise sur le réseau1. D’inspiration technique, cette neutralité vise à considérer le réseau comme un bien public et d’allouer « la même bande passante pour tous ». En fait, ce concept est plus que mis à mal. Il est peu probable qu’il puisse être maintenu à l’avenir. Parmi les facteurs pouvant mettre en danger cette neutralité, citons la verticalisation de certaines activités par les firmes à vocation technologique. Apple est le chantre de l’intégration des produits et services. Apple contrôle ses produits à chaque étape de leur fabrication et dispose d’un AppStore puissant pour

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Business is digital

distribuer les contenus. D’autres acteurs comme Microsoft suivent son chemin en intégrant certains des équipements mobiles dotés de son système d’ex-ploitation. Cette verticalisation n’est pas un phénomène nouveau comme le montre Tim Wu dans son livre The Master Switch. Dans le secteur des médias, il explique que l’intégration des contenus et des contenants (tuyaux) est un grand classique :

•Pour la radio, les grands groupes médias ont freiné l’émission en FM pendant 10 ans sachant qu’ils avaient leurs radios en AM.

•Les grands studios d’Hollywood possédaient les cinémas avant que le gouvernement américain leur demande de s’en séparer pour éviter tout contrôle excessif de la chaine Production+Distribution dès la fin des années 30.

A noter que ces acteurs majeurs qui participent à la remise en cause partielle ou totale de la neutralité du Net ont su défricher de nouveaux horizons et créer de la valeur à long terme2. Ils ont su mettre en place des écosystèmes efficaces et rentables. Leurs innovations justifient qu’ils puissent bénéficier d’une rente à ce titre. Pour autant, cela ne doit pas se faire au détriment de l’innovation dans le cas d’abus de position dominante, situation dans laquelle l’innovation venant des concurrents est endiguée, voire stoppée par des barrières à l’entrée qui sont liées à des freins anti-concurrentiels et / ou idéologiques répréhensibles. Tout est une question d’équilibre.

// « Découvrabilité » et monétisation du Web

Nous avons connu une période d’unification du Web : le WWW a supplanté les autres domaines de l’Internet (Gopher, FPT, …). Désormais, la fragmentation guette le WWW avec de potentiels hold-ups réalisés par des acteurs majeurs du Web qui ont créé leur propre Web. Un exemple : Facebook qui revendique 1 milliard d’utilisateurs actifs mensuels et dont les données ne sont pas acces-sibles via les moteurs de recherche. La période de « toute l’information libre-ment pour tous sans distinction » touche à sa fin. La restriction de l’accès est une question d’actualité tant au niveau de la « découvrabilité » qu’au niveau de la monétisation.

En termes de « découvrabilité », il apparait qu’une partie du Web demeure derrière des codes d’accès et n’est donc pas accessible librement via les moteurs de recherche. La grande majorité des contenus créés sur Facebook est inaccessible via les moteurs de recherche : groupes, pages fan, fil d’actua-lité… Pourtant, ces pages sont d’une grande richesse, richesse qui reste le

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domaine de Facebook et n’est pas indexable par les moteurs de recherche3. La « découvrabilité » devient sociale, via ses amis / contacts et non plus via les moteurs de recherche. Cela transparait clairement en termes de trafic affluent provenant des réseaux sociaux notamment pour les sites média4. Les visites en provenance de Facebook & Twitter sont en croissance sans savoir exacte-ment leur provenance exacte (fil d’actualité ? groupe ? …). A noter que la question du Web invisible n’est pas une question nouvelle puisque, dès 2003, IBM a montré que le Web était structuré en plusieurs zones : une zone dont les pages sont très connectées et des zones peu ou pas accessibles par des pages externes5.

En termes de monétisation, le « tout gratuit » a montré ses limites : les médias on-line peinent à monétiser leurs contenus uniquement par la publi-cité face à des créateurs de contenu non professionnels qui leur grignotent des parts de marché. Le phénomène de l’accès payant revient à l’ordre du jour sur un modèle freemium (partiellement payant), voire 100% payant. Les médias on-line mettent progressivement en place des « walls » payants et des offres d’abonnement numérique pour s’assurer de nouvelles sources de revenus. Conséquence, des restrictions sont appliquées sur les contenus : accès complet uniquement pendant une période limitée, nombre limité d’articles gratuitement consultables par mois… Le Wall Street Journal, la Harvard Business Review, Mediapart en sont de parfaits exemples.

L’accès segmenté se fera aussi au regard du terminal utilisé et du taux d’usage. D’une part, le type de supports de lecture (ordinateur fixe ou portable, tablette, téléphone mobile) commence à conditionner l’accès à certains contenus. Des sites gratuits à partir de PC sont payants dès lors qu’ils sont consultés à partir de téléphone mobile par exemple. D’autre part, en termes de taux d’usage, les power users, à savoir les diginautes particulièrement gourmands en bande passante, verront les offres « premium » se multiplier à leur attention.

// Montée de la censure

De nouveaux rapports de force s’établissent entre les géants du Web, les auto-rités réglementaires et les internautes. Au fil des années, la législation évolue pour encadrer les débordements et les technologies de contrôle sont mises en service.

Google s’inquiète de cette surveillance législative dans son « Google Transpa-rency Report »6.

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Sur le 1er semestre 2012, Google aurait reçu 1789 requêtes (quantité « révo-lutionnaire », non ?) gouvernementales, de source juridique ou exécutive et policière, afin de retirer 17.746 éléments de contenu proposés via ses diffé-rents services (YouTube, moteur de recherche, ...). Ce qui constitue une augmentation de 70% par rapport à la même période 2011.

Autre cas récent en France, la suppression de contenus par Twitter autour notamment du hashtag #UnBonJuif après la plainte déposée par l’UEJF. Les recours se multiplient pour censurer les contenus litigieux, à tort ou à raison. A chacun de se faire une idée dans un contexte global de liberté d’expression, qu’elle soit utilisée à bon escient ou pas. Ce qui est sûr : Internet n’est pas un espace de non-droit et les règles juridiques actuelles sont à appliquer lorsque cela s’impose.

Quant aux ventes d’armes électroniques, à savoir les logiciels et applications permettant de filtrer et de surveiller le Web, la France est en pointe. Elle a équipé plusieurs gouvernements arabes afin de surveiller leur peuple et de filtrer les informations. Le sujet est sensible, de grandes sociétés françaises de services informatiques ont été montrées du doigt et certaines affaires ont été amenées devant la justice française. La logique de Web filtré localement s’installe dans un nombre croissant de pays. Le périmètre de la censure varie d’un pays à l’autre : entre autres, l’Egypte a banni la pornographie7, la Chine filtre grandement son Web.

La chape de plomb informationnelle n’est pas loin. Devant les risques de censure, il semble que le Parlement Européen œuvre pour leur limitation8 mais les luttes de pouvoir s’intensifient.

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Chapitre 2 : Mythes et réalités

Et maintenant, que faire ?

La logique de l’Open source s’est généralisée au-delà du code source. On parle désormais d’Open business, d’Open Innovation par exemple. Ce mouvement du libre au sens large permet d’innover avec une vision collaborative. Les résul-tats sont partagés et exploitables par bon nombre d’individus.

Les contre-pouvoirs sont nécessaires pour conserver une liberté d’expression et d’action. Tout d’abord, les Etats ont un rôle à jouer dans le contrôle des règles anti-concurrentielles. Ce n’est pas la position dominante, voire le mono-pole, qui est répréhensible mais l’abus de position dominante qui conduit à un blocage des innovations. Car sans innovations, point de salut. Le statu quo conduit à la destruction de valeur à moyen ou long terme. Ensuite, la société civile a également un rôle à jouer. Les associations peuvent mettre en lumière des atteintes à l’égalité d’accès à l’information et au réseau d’une manière globale9. Enfin, même les mouvements de hackers tels que Anonymous ont un rôle à jouer : En Syrie qui connait une situation de guerre civile, des groupes de hackers permettent à une frange de la population d’accéder au Web alors que les instances gouvernementales ont mis en place un blocus digital. Les situations d’infowar se multiplient nécessitant notre vigilance citoyenne.

2.2 Vers la fin de la vie privée à l’ère digitale ?

// Tout est public par défaut

Côté Facebook, un des principes de base est que « tout est public par défaut ». Ce parti-pris a fait grand bruit. N’oublions pas que Mark Zuckerberg a étudié l’informatique ET la psychologie. Résultat : il est familier avec l’âme humaine et a bien perçu que la vie privée n’était plus vraiment privée, ou, en tous cas, que le périmètre de la vie privée avait évolué. Depuis plus de 15 ans, la télé-réalité et la forte croissance des témoignages plus ou moins voyeurs à la TV, média de masse par excellence sont l’expression de cette redéfinition de ce qui relève désormais du domaine privé.

Sur Facebook, les données personnelles sont collectées avec votre consente-ment. Ce que les Facebookiens et Facebookiennes savent moins : ces données peuvent être extraites dans certaines conditions par des sociétés tiers (nom, prénom, email, centres d’intérêt, …).

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Qu’est ce que tu regardes ?

// Profiling et Big Data

Données, données, donnez-moi ! Nous vivons dans un monde de données. Ce qui a changé : il est désormais possible non seulement d’accéder à ces données mais aussi de les traiter pour un coût faible. Le Big Data est parmi nous. Et ces informations proviennent des entreprises mais aussi de l’Etat. Un seul exemple : les données de transport public10. Les entreprises vont pouvoir les utiliser en échange du paiement d’une redevance.

Histoire vécue

Mon équipe et moi avons lancé en France le service www.reparmax.com. Ce service permet à tout automobiliste d’être mis en contact avec des garagistes proches après estimation préalable de la réparation. Cette estimation préalable dépend du véhicule, de l’opération et de la localisation. Concernant l’identification du véhicule, le moyen le plus simple est d’indi-quer sa plaque d’immatriculation. Ensuite, une requête est faite en temps réel sur les fichiers des immatriculations des préfectures pour identifier le véhicule. Chaque requête effectuée coûte quelques centimes. Rapide et efficace. A noter que seules les informations liées aux véhicules sont acces-sibles, les données personnelles de l’automobiliste restent confidentielles, le fichier n’est pas nominatif donc conforme au respect de la vie privée.

// Retargeting publicitaire et long clic

Vous vous sentez épié sur le Web ? Les publicités vous suivent de site en site et vous trouvez ça bizarre ? Ce n’est pas bizarre, c’est du « retargeting publici-taire ». Le principe est simple : à partir de fichiers mouchards sur votre ordina-teur appelés cookies, il est possible de savoir quels sites / quelles pages vous

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Chapitre 2 : Mythes et réalités

avez consultés et de vous proposer ultérieurement des publicités très contex-tualisées. Après avoir consulté la page d’une jolie paire de chaussures rouges sur un site e-commerce, il est possible que vous voyiez apparaître ces mêmes chaussures rouges dans une publicité sur un site média consulté le lendemain. Joseph Turow évoque le phénomène du « long click »11. Grâce notamment aux cookies et aux fichiers clients qui se louent / s’achètent, il est possible de vous suivre dans le monde digital et de vous proposer le bon produit au bon moment. Cela peut vous éviter de voir s’afficher des pubs complètement inadaptées à vos besoins (ex : une promotion pour du lait maternel alors que vous n’avez pas d’enfants). Maintenant, à vous de voir si cela vous intéresse…

// Et maintenant, que faire pour garder privée… sa vie privée ?

Soyons lucides et réalistes : les données constituent un marché. Il y a une offre, une demande et un échange de valeur entre les parties. Ces données ont une valeur marchande et le marché reste à réguler intelligemment.

Dans le monde digital, il est clair que, notamment dans le cadre d’utilisation de services en-ligne, « si c’est gratuit, c’est toi le produit ». D’ailleurs, pour certains services (online ou offline), même quand c’est payant, c’est quand même vous le produit… Par exemple, les coordonnées que vous laissez en achetant certains produits pour bénéficier d’offres promotionnelles dans des magasins peuvent être vendues / louées à d’autres sociétés pour des opéra-tions de marketing direct.

Dans le cas des réseaux sociaux, les données sont collectées, agrégées et commercialisées de différentes façons. Seriez-vous prêts à payer ces services pour protéger vos données personnelles ? Vaste question. Suite aux modifi-cations d’utilisation des données par Facebook fin novembre, des diginautes ont manifesté leur mécontentement en postant un statut à vocation juri-dique interdisant à Facebook d’utiliser leurs données à des fins commerciales. Sauf que cette mention au vernis juridique n’avait aucune portée puisque Facebook mentionne bien dans ses conditions générales d’utilisation que les utilisateurs lui accordent un droit d’utilisation, de distribution et de partage sur l’ensemble de leurs données. A l’opposé de cette tentative de protection des données, d’autres diginautes plus réalistes et informés ont pris çà avec humour en relativisant la portée des changements.

Les tentatives de régulation se multiplient actuellement. En France, le respect et la protection de la vie privée sont suivis par la CNIL. Peu de pays disposent d’une instance équivalente. Autant en profiter même si ce respect de la vie

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privée est chahuté par les entreprises commerciales mais aussi par les inter-nautes qui partagent et donnent leur aval sans en mesurer les conséquences. Côté diginautes, il est trop facile ensuite de se retourner vers les entreprises et de les blâmer.

En savoir plus

Nous assistons aussi à une fiscalisation des données avec la publication du Rapport Collin et Colin disponible en-ligne. http://www.lefigaro.fr/assets/pdf/FiscaliteEconomieNumerique.pdf

Le respect de la vie privée passe aussi par une responsabilité individuelle. En tant qu’internaute / socionaute / mobinaute, tout un chacun a des droits mais aussi des devoirs. Comme dit l’adage, « le droit n’est pas là pour protéger les imbéciles ». Face à ces enjeux concernant la vie privée, il est important de reprendre le contrôle de ses données. Cela passe par un paramétrage de l’accès à ses données sur Facebook, voire par le fait de ne PAS partager ce que vous ne souhaitez pas divulguer. La vie déconnectée a aussi du bon ! Méfiez-vous du syndrome du « Viens chez moi, j’habite chez une copine. » Quand vous êtes sur Facebook, vous n’êtes pas vraiment chez vous, autant le savoir dès le départ ! Se croire chez soi sur Facebook est une erreur de jugement qui peut coûter cher. Et même si vous êtes prudent, il vous reste à espérer que quelqu’un d’autre ne partage pas l’information, la photo à votre place.

Quant au retargeting publicitaire, pour l’éviter, le nettoyage régulier des cookies et le bon paramétrage sur les sites utilisant ces cookies s’impose. En théorie, les données partagées et récupérées ne sont pas nominatives. Elles sont agrégées au sein de masses uniformes et ne contiennent pas de nom/prénom par exemple. Mais cette règle peut vite être mise à mal si l’on n’y prend pas garde.

En fait, la question n’est plus “Comment protéger les données personnelles sur le Net ?” car, en réalité, toute société éditrice d’un site avec SSO (Single Sign On, système d’identification unique) accède à ces données et peut les partager techniquement avec d’autres sites, mais plutôt “Est ce que j’ai confiance dans ce site concernant la protection et l’utilisation de mes données personnelles?”

En savoir plus

Pour effacer vos traces, vous pouvez aussi vous tournez vers des solutions comme AccountKiller qui vous guide dans la gestion de votre e-reputation.

Devant les problèmes liés à l’identité numérique, une solution radicale a été proposée : et si on pouvait changer d’identité ? Et si on pouvait se déclarer en

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banqueroute sur le plan de l’identité numérique pour faire table rase du passé ? Le droit à l’oubli appliqué au digital nous réserve encore des surprises12.

2.3 Le monde digital favorise l’érosion du sentiment col-lectif et incite à l’individualisme ?

// Montée de l’individualisme et perte de reliance

Internet permet à chacun de s’exprimer, de revendiquer et de s’affirmer. Chacun peut tisser sa propre toile et faire part de ses opinions facilement. Un levier idéal pour accompagner la montée de l’individualisme inhérente à nos sociétés modernes. Les liens sociétaux se délitent. La reliance, « la création de liens entre des acteurs sociaux séparés, dont l’un au moins est une personne »13, comme la définit Marcel Bolle de Bal, fait de plus en plus place à la déliance, phénomène inverse de destruction de liens interpersonnels.

Dans ce contexte délié, le matérialisme a tendance à tout envahir. Tout devient un marché : Internet à plusieurs vitesses selon les moyens financiers, consti-tution « d’égo-système », l’érosion du sentiment de « vouloir vivre ensemble » au profit d’une vie individuelle déconnectée des autres et du bien public. Les liens interpersonnels s’effritent au profit d’une vie égocentrée. Il est facile de dénoncer, de pointer du doigt sans intégrer la pensée dans un contexte plus global et collectif, notamment pour tout ce qui touche à l’argent. Comme le soulignait Alexandre Dumas, « N’estime l’argent ni plus ni moins qu’il ne vaut : c’est un bon serviteur et un mauvais maître. » En d’autres termes, trop de valeur (monétaire) tue les valeurs (morales).

// Perte d’attention

Dans un monde hyperconnecté, la vitesse est envahissante. On court après le temps, l’information est en temps réel, les réactions sont en temps réel. Nous sommes en situation d’infobésité. Difficile de prendre le recul pour analyser les choses désormais. Le diktat du temps réel nous pousse à courir à gauche, à droite sans cesse. Conséquence : notre faculté d’attention est en décroissance. Vous voulez vous en convaincre ? Déconnectez-vous pendant 3 jours, faites la même tâche chaque jour et vous verrez une différence d’attention forte entre le 1er et le 3ème jour. Au 3ème jour, l’esprit sera plus libre et productif. Nous avions une faculté d’attention par période de 10 minutes14. Elle semble plus proche des 5 minutes désormais. Bien sûr, cela dépend de son propre taux

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de connexion et de son âge. En tout cas, le multi-tâche, si cher à la nouvelle génération s’apparente plutôt à un mythe. Notre cerveau n’est pas multi-tâche. Pour être plus précis, il n’est pas multi-tâche lorsque ces tâches nécessitent une réelle attention. Néanmoins, il semblerait que le cerveau féminin soit mieux armé que le cerveau masculin pour le multi-tâche selon certaines études.

// Perte de temps

Le temps connecté, du temps utile ? Pas sûr. Après quelques années d’enthousiasme effréné en faveur des réseaux sociaux et l’apologie du « tout-connecté », il apparait que la productivité pâtit d’un usage à tort et à travers des TIC.

« L’Internet social est un monstre suceur de temps15 » affirme Cyrille de Lasteyrie alias Vinvin. Et d’enfoncer le clou : « Le temps passé sur le Net est un gigantesque gâchis existentiel (…) une drogue comme le sont l’héroïne et l’alcool ». Ce témoignage d’un geek repenti, paru dans le magazine Clés, devient de plus en plus fréquent parmi les accrocs des réseaux sociaux.

Armes de distraction massive

// Et maintenant, comment redonner du sens au monde digital ?

Il est intéressant de constater comment le Web individualise et « collabo-ratise » dans le même mouvement. Nous nous expliquons : oui, l’individu a un pouvoir d’expression jusqu’alors jamais atteint grâce au Web. Et en même temps, l’importance du lien inhérent au Web social confère plus de poids à la relation entre individus qu’à l’individu lui-même. Seul, au final, l’individu

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Chapitre 2 : Mythes et réalités

n’est rien. En revanche, inscrit au sein d’un groupe, il trouve sa place et peut se faire entendre. Le Web participe à la « déliance » globale mais devient de plus en plus un lieu de « reliance » mais une reliance dont les fondamentaux ont évolué.

Nous insistons sur ce point mais il est fondamental : le monde digital est un monde technologique défini par les hommes. La technologie n’est rien sans les hommes et sans une vision responsable de ce qui est bon pour le futur. Le digital est ce que nous en ferons. A nous d’être responsables et de faire des cures de déconnexion si nécessaire. Oui, vous avez bien lus. Soyez dé-con-nec-tés pour mieux vous reconnecter ensuite, et reconnectés intelligemment. Le P2P et l’intelligence collective ne peuvent se résumer aux seuls LOLcats16.

En savoir plus

Contre le pessimisme ambiant concernant le fait qu’Internet nous rend débile, une mise en perspective riche, complète et réaliste évoquant l’opportunité de faire appel désormais plus facilement à notre intelligence créative : http://www.businessisdigital.com/lintelligence-creative/

2.4 Le modèle Pair-À-Pair (P2P) conduit à la désinformation et favorise les « corbeaux » ?

// Manipulation des contenus produits par les diginautes

Comme dans tout phénomène humain, la manipulation et la propagande ne sont jamais à exclure dans le monde digital tant au niveau des contenus créés par les diginautes qu’au niveau de leurs relations interpersonnelles ainsi qu’avec les autres types d’entités présentes sur le Web.

Les commentaires et les contenus UGC (comprenez « User Generated Content ») créés par les internautes sont rattachés à des individus qui ne sont pas forcé-ment compétents ou bien intentionnés. Et parfois même à des individus qui ne sont pas ceux qu’ils prétendent être. Preuves en sont les avis sur les sites de tourisme, avis élogieux créés sur demande par des hôteliers en quête de bonne réputation. Pour quelques euros, un e-commercant peut acheter des avis positifs pour augmenter son ranking.

Si vous ne parlez pas de vous sur le Web, d’autres le feront à votre place (que vous soyez une marque, un produit, un service ou un individu…). Les bad buzz sont monnaie courante, il faut savoir les anticiper et, au pire, les guérir

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après coup. Cas extrême concernant l’individu : le cyberbullying, « harcèle-ment virtuel » qui peut avoir des conséquences dramatiques allant jusqu’au suicide des victimes. Sans vouloir minimiser le sujet, ce harcèlement virtuel est sur-exposé et dramatisé dans les médias.

// Comment éviter les débordements des contenus P2P ?

Dans ce petit jeu de la lutte d’influence digitale, pas de miracle mais citons au moins 4 pistes de réflexion.

Première piste : la vérification et le contrôle des avis, commentaires et contenus créés par les diginautes soit par une intervention humaine, soit par une intervention automatique. Facile à dire, plus difficile à faire à grande échelle. Néanmoins, des tiers de confiance tels que Testntrust (comparateur de satisfaction et avis consommateur) et BazaarVoice viennent certifier les avis et commentaires des consommateurs.

Seconde piste : le monde digital n’étant pas un monde de non-droit, la légis-lation s’exerce aussi dans le monde digital. Les mensonges, rumeurs, diffama-tions en tous genres (hashtags racistes, …) sont à sanctionner.

Troisième poste : La mise en place d’un scoring social pour les individus. Dans cette optique, tout individu intervenant sur le Web social dispose de sa répu-tation numérique sous forme de score. Cela favorise la transition de l’intelli-gence des foules vers l’intelligence des amis. Klout.com en est une première manifestation, imparfaite mais néanmoins opérationnelle.

Last but not least : penser par soi-même et garder son sens critique demeurent quand même la meilleure solution pour prévenir et guérir tout problème lié à du contenu UGC (User Generated Content) biaisé ou à une e-réputation problématique.

2.5 Le piratage détruit les industries culturelles et tue les droits d’auteur ?

// Pirater au lieu de payer

L’effondrement du marché de la musique, les difficultés du marché des biens culturels, le fait que les internautes ne sont plus prêts à payer pour des biens et services comme avant, autant de maux qui sont reprochés au monde digital.

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Chapitre 2 : Mythes et réalités

Il est vrai qu’Internet a des allures de Far-West, des allures d’adolescent qui casse tout sur son passage sans nuances. Quand le digital arrive, les entités établies retiennent leur souffle, quitte à s’asphyxier.

Trop de téléchargements de voitures sur Internet ? ;o)

// L’alternative est simple : se digitaliser ou mourir

Internet n’est qu’un outil. Certes, un outil dont le maniement n’est pas encore forcément bien maitrisé. Ceci dit, plutôt que de se focaliser sur la crainte du digital, les entités établies devraient réfléchir à leur stratégie globale à moyen et long terme. Internet est un accélérateur de changement, ni plus, ni moins notamment en termes de création, production et distribution. Après une bonne décennie de destruction forte de valeur, il semblerait que le secteur de la musique commence à trouver des pistes pour de nouveaux modèles écono-miques après l’échec de la loi Hadopi qui posait une bonne question mais apportait une mauvaise solution, à savoir sanctionner sans que le marché musical n’apporte de valeur ajoutée supplémentaire aux consommateurs. Au niveau des modèles économiques, le secteur de la musique semble passer d’une logique d’achat de biens musicaux à une logique de « souscription mensuelle à des services musicaux » (Spotify, Deezer, …).

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La notion de copyright est soumise à de fortes turbulences. Certains proposent même son abolition. Un peu radical comme solution. Ce qui est sûr : nous nous dirigeons vers des solutions « hybrides » de copyrights sachant que la collaboration devient centrale dans la création. Tout est une question d’équi-libre et de partage de la valeur ajoutée créée entre les différentes parties prenantes. Dans le secteur musical, le succès du Gangnam Style s’est fait sur une vision souple des droits d’auteur. Il suffit de voir le nombre de parodies réalisées. Plutôt que de s’y opposer, plutôt que de les contrôler, le chanteur Psy a su s’appuyer sur les dérivés collatéraux de sa chanson pour lui donner une dimension mondiale.

Signalons les licences Creative Commons (CC), qui sont au nombre de 6 modèles. Leur contenu varie en fonction des choix de l’auteur quant à la combinaison des 4 options possibles et codifiées sous la forme d’un sigle en deux lettres : mention de la paternité (BY), pas de modification (ND), pas d’utilisation commerciale (NC), partage à l’identique (SA).

Ainsi, il apparait que le droit d’auteur n’est pas mort, il est à redéfinir dans un contexte où l’économie collaborative va coexister avec une économie plus traditionnelle. L’Open source a ouvert la voie de cette économie digitale collaborative. La pensée Open s’étend ainsi à d’autres domaines. Des services immatériels et produits matériels sont créés en Open Source. On parle même de voitures Open Source. Autour de ces services immatériels et produits maté-riels, d’autres éléments sont en revanche payants, ce qui permet de créer de nouveaux marchés.

2.6 Le monde digital détruit des emplois sans les recréer ?

// La disparition de métiers créateurs d’emplois

Actuellement, les technologies digitales détruisent des emplois. L’auto-matisation de moult métiers est en cours : ouvriers, réparateurs, caissiers, chirurgiens, conducteurs et pilotes, … Cette destruction s’effectue sans que des emplois soient recréés ailleurs. Les applications digitales remplacent les employés. L’informatisation des organisations conduit à la disparation des postes les plus répétitifs. Les robots remplacent les hommes : un fast-food entièrement opéré par des robots a vu le jour en Chine.

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Chapitre 2 : Mythes et réalités

Après le robot ménager, voici le robot serveur

Grâce aux nouvelles technologies (robotique, impression 3D, …), des entre-prises américaines relocalisent leurs activités aux Etats-Unis, mettant leurs troupes chinoises au chômage… sans créer une vague massive d’emplois aux Etats-Unis. Une relocalisation sans emplois, comment l’expliquer ? Par le fait que ce sont des robots qui prennent les emplois et que l’impression 3D ne nécessite pas une main d’œuvre de masse.

// Une situation à relativiser

Pourtant, le catastrophisme ambiant est à mettre en perspective à moyen terme. Les 2 exemples de robotisation sont bien loin d’être la norme. Ils sont au mieux anecdotiques. Selon nous, passé le vernis « effet d’annonce marketing », il apparait que nous sommes en route vers une 3ème révolution industrielle, vers un nouvel équilibre économique dont les contours sont loin d’être correctement définis actuellement.

Oui, des emplois sont détruits. Effectivement, les robots vont remplacer des pans entiers de travailleurs et ces emplois ne seront jamais recréés. Pour autant, de nouveaux métiers émergent à l’ère digitale et nous pouvons espérer que ce n’est qu’un début. Le fait que le consommateur puisse devenir non seulement producteur de service mais aussi producteur de biens grâce notam-ment à l’impression 3D et à un modèle économique collaboratif et Open, ouvre de nouvelles perspectives de ressources financières pour lui. Quant à la roboti-sation inévitable, nous pouvons espérer qu’elle permette d’accroitre la produc-tivité des entreprises favorisant un meilleur partage de la valeur ajoutée avec