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366 Le praticien en anesthésie réanimation © 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés rubrique pratique Extubation en réanimation Marc Leone (photo), Pierre Visintini, Valéry Blasco, Claude Martin Correspondance : Marc Leone, Département d’Anesthésie et de Réanimation, Centre Hospitalier Universitaire Nord, Chemin des Bourrely, 13915 Marseille cedex 20. [email protected] extubation est le retrait de la sonde endotrachéale aupa- ravant nécessaire à la ventilation mécanique invasive. Il s’agit d’un acte relativement bien codifié en anesthésie. Elle est effectuée sur un patient en ventilation spontanée efficace, ayant retrouvé un tonus musculaire et des réflexes normaux qui lui assureront la liberté des voies aériennes supérieures après l’extubation. Le patient doit être suffisamment calme pour éviter toute agitation lors de la procédure, avec son corollaire d’augmen- tation de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle. Les différentes étapes de la procédure sont les suivantes : – éliminer les stimulations des voies respiratoires en aspirant les sécrétions orales et pharyngées quand le patient est encore sous anesthésie modérée ; – enlever la fixation de la sonde sans faire bouger la tête ; – ventiler deux minutes en oxygène pur ; – faire reprendre une ventilation spontanée efficace ; – dégonfler le ballonnet de la sonde en fin d’inspiration pour évi- ter l’aspiration des sécrétions ; – observer le rythme respiratoire ; – ôter la sonde à la fin d’une inspiration en pression positive. L’extubation de la trachée est une étape délicate de la prise en charge en réanimation. Il en existe des complications comme l’inhalation (1). En pratique, le choix du moment optimal pour extuber est crucial. D’une part, prolonger l’intubation trachéale majore le nombre de pneumonie et la durée de séjour en réanima- tion, et des lésions locales sont également possibles. Une méta- analyse de 6 études évaluant l’extubation précoce (« fast track ») après chirurgie montre que cette attitude diminue la durée de séjour en réanimation et à l’hôpital (2), sans que soit affectée la L’ qualité de l’analgésie. D’autre part, la réintubation, qui représente un échec de l’extubation, assombrit le pronostic (3). Elle est d’ailleurs utilisée comme un indicateur de mauvaise pratique. Protocoles d’extubation Des protocoles ont été élaborés pour sécuriser l’extubation trachéale (fig. 1). Ils sont basés sur une analyse des échecs de l’extubation Figure 1. Algorithme de prise en charge de l’extubation en réanimation. Extubation Position relevée Sonde nasogastrique : aspiration et retrait Aspirer oropharynx au-dessus des cordes vocales Masque facial ou canule nasale pour SpO 2 > 93 % Contrôler bilatéralité des mouvements d’air Arrêter les analgésiques, considérer PCA OUI Infirmier : noter les paramètres Essai de ventilation spontanée • VS + AI (5 cm H 2 O) + PEP 5 cm H 2 O • Durée : 30 à 60 minutes Évaluation Collection des paramètres Ratio «fréquence respiratoire FR/VT (litres) » Objectif : < 100 Voir médecin référent pour o Extubation o Continuer l’essai de ventilation spontanée o Reprendre la ventilation mécanique Évaluation 2 Tachypnée (> 35 cycles/min > 5 min) Hypoxémie (SpO2 < 90 %) Tachycardie ou bradycardie (± 20 %) Hypertension (PAS > 180 mm Hg) Hypotension (PAS < 90 mm Hg) Agitation / Anxiété FR/ V T > 100 Si la réponse à un de ces points est OUI, ventilation précédente Arrêter les sédatifs Minimiser l’analgésie Évaluation 1 Statut mental (ordre simple) Toux / déglutition adéquates Force adéquate (levée de tête 5 secondes) Continuer ventilation mécanique Continuer ventilation mécanique NON NON OUI NON OUI Première analyse Sécrétions minimales Hémodynamique stable Pas de catécholamine FiO 2 40 % PEP 5 cm H 2 O V E 12 L/min Température < 39 °C (24 h) PIP 30 cm H 2 O Pas de chirurgie imminente

Extubation en réanimation

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Page 1: Extubation en réanimation

366

Le praticien en anesthésie réanimation© 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

rubrique pratique

Extubation en réanimation

Marc Leone (photo), Pierre Visintini, Valéry Blasco, Claude Martin

Correspondance :

Marc Leone, Département d’Anesthésie et de Réanimation, Centre Hospitalier Universitaire Nord, Chemin des Bourrely, 13915 Marseille cedex 20. [email protected]

extubation est le retrait de la sonde endotrachéale aupa-ravant nécessaire à la ventilation mécanique invasive. Ils’agit d’un acte relativement bien codifié en anesthésie.

Elle est effectuée sur un patient en ventilation spontanée efficace,ayant retrouvé un tonus musculaire et des réflexes normaux quilui assureront la liberté des voies aériennes supérieures aprèsl’extubation. Le patient doit être suffisamment calme pour évitertoute agitation lors de la procédure, avec son corollaire d’augmen-tation de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle. Lesdifférentes étapes de la procédure sont les suivantes :– éliminer les stimulations des voies respiratoires en aspirant lessécrétions orales et pharyngées quand le patient est encore sousanesthésie modérée ;– enlever la fixation de la sonde sans faire bouger la tête ;– ventiler deux minutes en oxygène pur ;– faire reprendre une ventilation spontanée efficace ;– dégonfler le ballonnet de la sonde en fin d’inspiration pour évi-ter l’aspiration des sécrétions ;– observer le rythme respiratoire ;– ôter la sonde à la fin d’une inspiration en pression positive.L’extubation de la trachée est une étape délicate de la prise encharge en réanimation. Il en existe des complications commel’inhalation (1). En pratique, le choix du moment optimal pourextuber est crucial. D’une part, prolonger l’intubation trachéalemajore le nombre de pneumonie et la durée de séjour en réanima-tion, et des lésions locales sont également possibles. Une méta-analyse de 6 études évaluant l’extubation précoce (« fast track »)après chirurgie montre que cette attitude diminue la durée deséjour en réanimation et à l’hôpital (2), sans que soit affectée la

L’

qualité de l’analgésie. D’autre part, la réintubation, qui représenteun échec de l’extubation, assombrit le pronostic (3). Elle estd’ailleurs utilisée comme un indicateur de mauvaise pratique.

Protocoles d’extubation

Des protocoles ont été élaborés pour sécuriser l’extubation trachéale

(fig. 1)

. Ils sont basés sur une analyse des échecs de l’extubation

Figure 1. Algorithme de prise en charge de l’extubation en réanimation.

Infirmier: noter les paramètres

Essai de ventilation spont•VS + AI (5 cm H2O) + PEP 5 cm H2O•Durée : 30 à 60 minutes

Évaluation

Collection des paramètres

Ratio «(FR)/VT (litres)»Objectif: < 100

ExtubationPosition relevéeSonde nasogastrique : aspiration et retraitAspirer oropharynx au-dessus des cordes vocalesMasque facial ou canule nasale pour SpO2 > 93 %Contrôler bilatéralité des mouvements d’airArrêter les analgésiques, considérer PCA

OUI

Infirmier : noter les paramètres

Essai de ventilation spontanée• VS + AI (5 cm H2O) + PEP 5 cm H2O• Durée : 30 à 60 minutes

Évaluation

Collection des paramètres

Ratio «�fréquence respiratoireFR/VT (litres) »Objectif : < 100

Voir médecin référent pouro Extubationo Continuer l’essai de ventilation spontanéeo Reprendre la ventilation mécanique

Évaluation 2

• Tachypnée (> 35 cycles/min > 5 min)• Hypoxémie (SpO2 < 90 %)• Tachycardie ou bradycardie (± 20 %)• Hypertension (PAS > 180 mm Hg)• Hypotension (PAS < 90 mm Hg)• Agitation / Anxiété• FR/ VT > 100Si la réponse à un de ces points est OUI,ventilation précédente

Arrêter les sédatifs Minimiser l’analgésie

Évaluation 1Statut mental (ordre simple)Toux / déglutition adéquatesForce adéquate (levée de tête 5 secondes)

Continuer ventilation mécanique

Continuer ventilation mécanique

NON

NON OUI

NON

OUI

Première analyseSécrétions minimalesHémodynamique stablePas de catécholamineFiO2 40 %PEP 5 cm H2OVE 12 L/min Température < 39 °C (24 h)PIP 30 cm H2OPas de chirurgie imminente

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trachéale et des indices prédictifs du sevrage ventilatoire. On a puétablir que se référer à un protocole d’extubation réduisait la duréede ventilation mécanique, le taux de réintubation précoce et lespneumonies (4). L’utilisation d’anesthésique à élimination rapideraccourcit le délai pour extuber. Il a par exemple été démontréqu’une sédation par du propofol diminuait la durée d’intubationtrachéale par rapport au midazolam, sans toutefois affecter le délaide sortie de réanimation (5).

Analyse des échecs d’extubation

L’échec est défini par la nécessité de reprendre la ventilationmécanique dans les 48 heures après l’extubation trachéale. Letaux d’échec est donc le nombre de patients dont la trachée estréintubée, divisé par le nombre total de patients ayant été extu-bés. L’extubation est réalisée après arrêt de la ventilation mécani-que et épreuve de ventilation spontanée.

Taux de réintubation

Le taux de réintubation trachéale est variable selon l’étiologie dela défaillance ventilatoire sous-jacente. Il est par exemple de 36 %chez des patients neurologiques et de 0 % en cas de bronchopneu-mopathie chronique obstructive (6). Le taux de réintubation dansdes études explorant différents modes de sevrage ventilatoire sesitue entre 13 et 19 % (7-9). Les mécanismes conduisant à la réin-tubation trachéale sont des anomalies non diagnostiquées lorsde l’extubation trachéale (pneumonie, défaillance cardiaque) oul’incapacité d’évacuer des sécrétions trachéobronchiques tropabondantes. Enfin, l’intubation trachéale induit des lésions laryn-gotrachéales expliquant quelques échecs. Ces lésions sont plusfréquentes lors des intubations prolongées et chez les femmes,comme nous le verrons plus tard.La réintubation s’accompagne d’une augmentation de la morta-lité, de la durée de ventilation mécanique et d’hospitalisation.L’effet sur la mortalité est moindre quand l’échec est lié à unecomplication sur les voies aériennes supérieures (7 %), par rapportà une cause générale (30 %). La mortalité est également moindrequand la réintubation s’effectue dans les 12 heures suivant l’extu-bation par rapport à ceux qui le sont plus tard (9). Une réintuba-tion tardive est un facteur de mauvais pronostic.

Indices prédictifs de sevrage de la ventilation mécanique

Le sevrage de la ventilation mécanique n’est que rarement définimais on estime qu’il consiste à retirer le ventilateur quand une

ventilation spontanée est possible. Le sevrage n’est pas synonymed’extubation trachéale car certains patients peuvent ventiler sponta-nément grâce à leur sonde endotrachéale. De nombreux indices ontété proposés pour prédire le succès du sevrage : paramètres venti-latoires, oxygénation, force musculaire ventilatoire, centres respi-ratoires, travail respiratoire… En dehors du rapport fréquence survolume courant (f/Vt), ces indices ont une faible valeur prédic-tive positive et négative. La durée de ventilation mécanique avantd’entreprendre le sevrage affecte la valeur de ces paramètres, maisun rapport f/Vt > 105 est associé à un échec de l’extubation chez95 % des patients (10). Ce résultat n’est pas retrouvé dans toutesles études, puisque certaines suggèrent qu’entre 27 % et 40 % despatients ayant un rapport supérieur à 100 peuvent être extubésavec succès (11). En routine, des indices simples comme la tachypnéesont probablement les plus utiles.

Indices prédictifs du succès de l’extubation trachéale

Le succès de l’extubation trachéale est défini par le retrait sanscomplication de la sonde d’intubation, indépendamment de lanécessité de poursuivre ou non une ventilation en pression posi-tive. Généralement, on se réfère au succès du sevrage de la venti-lation mécanique pour prédire le succès de l’extubation. Dans laplupart des cas, on effectue une épreuve de ventilation spontanéequi aboutit en cas de succès à l’extubation. Le taux de réintuba-tion en l’absence de cette épreuve préalable a été évalué à 37 %(12).

Toutefois, les épreuves de ventilation spontanée ont des limites.Par exemple, des patients neurologiques ayant des critères d’extu-bation adéquats d’après les épreuves de sevrage, ont un taux deréintubation qui reste important. Le score de Glasgow est un cri-tère primordial chez ces patients, puisque 75 % des patients avecun score

 8 peuvent être extubés avec succès, contre 33 % quandle score est inférieur à 8 (13). Il n’existe pourtant pas de justifica-tion pour retarder l’extubation trachéale chez ces patients, puis-que l’extubation trachéale précoce diminue le nombre de pneumo-nie et la durée du séjour hospitalier. Les paramètres dont il fauttenir compte pour juger du risque de réintubation sont l’impossi-bilité de tousser et la fréquence d’aspiration trachéale du fait desécrétions abondantes. Ce point a été souligné dans une étuderéalisée chez des patients avec une lésion neurologique et uneépreuve de sevrage positive. Leur capacité à tousser était préditepar le débit expiratoire maximal et le volume de leurs sécrétionshoraire était mesuré. On comptait cinq fois plus d’échec d’extuba-tion quand le débit était inférieur à 60 l/min ou moins. Le risquerelatif de réintubation en cas de lésion neurologique était multiplié

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Extubation en réanimation

par 2,7 (intervalle de confiance, 1 à 7,3) par rapport aux autres(14). Par conséquent, le risque de réintubation trachéale estmajoré quand le patient ne peut pas protéger ses voies aériennes.

Que faire pour éviter la réintubation

Complications de l’intubation

Plusieurs complications de l’intubation trachéale se démasquentlors de l’extubation

(tableau 1)

(15). Ces complications entraînentune détresse ventilatoire précoce. Les facteurs de risque de lésiontrachéale ou laryngée sont une pression excessive du ballonnet, lesexe féminin, la durée d’intubation, le diamètre de la sonde et laprésence d’une sonde nasogastrique (15).

Chez l’adulte, l’administration de corticoïdes ne diminue

pas le risque de réintubation

Dans environ 17 % des cas d’extubation, il apparaît un stridor(16), dû à un rétrécissement des voies aériennes supérieures. Afinde prévenir ce risque, on effectue un test de fuite qui consiste àdégonfler le ballonnet de la sonde d’intubation. En bouchant cettedernière, on demande au patient de respirer, ce qui ne sera possi-ble que s’il existe un espace suffisant entre la sonde d’intubationet la muqueuse des voies aériennes. La détermination du volumede la fuite prédit le risque de stridor post-extubation. Un volumede fuite inférieur à environ 130 ml ou 12 % laisse présager d’unrétrécissement des voies aériennes supérieures. Le taux de positi-vité de ce test est d’environ 39 %, et sa sensibilité et sa spécificité

sont de 89 % et 90 % (17). Une étude pilote propose l’utilisationde l’échographie comme alternative au test de fuite pour prédire lestridor post-extubation, et on a retrouvé une corrélation positiveentre les deux examens. La mesure de la largeur de la colonne d’airdurant la déflation du ballonnet est l’élément discriminant (18).

En pratique, on administre souvent des corticoïdes dans le butd’éviter les conséquences d’un œdème laryngo-trachéal. Une étudea inclus 23 enfants, dont 12 ont reçu des corticoïdes et 11 un pla-cebo. L’extubation a été un succès chez 15 enfants, alors qu’ondénombrait huit échecs, trois dans le groupe corticoïdes, et cinqdans le groupe placebo (NS). L’examen de ces enfants a montré queles échecs étaient liés à des lésions neurologiques et non à des ano-malies anatomiques locales (19). L’intérêt des corticoïdes est doncdiscutable. Une analyse réalisée par le groupe Cochrane a concluque chez les enfants, l’administration prophylactique de corticoï-des réduisait l’incidence du stridor post-extubation, mais lesdonnées restent insuffisantes pour démontrer un bénéfice sur letaux de réintubation. Chez l’adulte en revanche, l’administrationde corticoïdes ne semble pas réduire le taux de réintubation (20).

Complications de l’extubation : œdème à pression négative

Un tableau clinique de laryngospasme lors d’une extubation, avecdes crépitants bilatéraux, une aspiration pharyngée productive chezun patient jeune et une radiographie d’œdème pulmonaire, fait évo-quer un œdème à pression négative

(fig. 2)

. Cette complication sur-vient après l’extubation chez 0,1 % des patients. Le mécanismeserait la génération d’une forte pression négative par un effortrespiratoire sur une glotte fermée dans un contexte de laryngo-

Tableau 1Complications liées à l’intubation (15).

Lésion FréquenceŒdème 8,6 à 100 %

Hématome, hémorragie 5 à 39 %

Ulcération 0,6 à 95 %

Nécrose 1,6 %

Granulome 2,5 à 44 %

Sténose 3,3 à 18,5 %

Subluxation des aryténoïdes 0,1 %

Laryngospasme 0,8 à 5,5 %

Paralysie de l’abduction des cordes vocales 0,4 à 100 %

Trachéomalacie 2 %Figure 2. Radiographie thoracique d’un œdème à pression négative

survenu chez un enfant.

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spasme. Des pressions qui ont été mesurées à – 100 cmH

2

O majo-rent la précharge et la post-charge ventriculaire gauche et, par con-séquent, le gradient de pression transmurale. Il en résulte unetranssudation de liquide dans le parenchyme pulmonaire. Dans cecontexte, il apparaît une hypoxémie qui engendre une vasoconstric-tion pulmonaire et systémique par libération de catécholamines,aggravant le phénomène. On note alors un œdème pulmonaire etune hémorragie alvéolaire. Cet incident survient volontiers chez desjeunes hommes en bonne santé, capables de générer un effort mus-culaire important lors de l’extubation. Les autres facteurs de risquesont la chirurgie maxillofaciale, les patients ayant des apnées dusommeil ou présentant une obésité morbide. Cet épisode prolongel’hospitalisation (21). La radiographie montre typiquement des ima-ges d’œdème alvéolaire pouvant faire entreprendre un traitementinadapté par diurétique chez certains patients

(fig. 2)

. Des épisodesde ce type surviennent jusqu’à une heure après l’extubation tra-chéale. Ce retard s’explique par la génération d’une « auto-PEP »(exsufflation à glotte fermée) qui limite dans un premier temps latranssudation de liquide. Le pronostic est généralement excellent.Dans une série de 146 cas d’œdème à pression négative, 33 % despatients ont été traités par ventilation à pression positive et 66 %par réintubation avec réinstauration de la ventilation mécanique. Ladurée de l’épisode était en moyenne de 11 heures. Quelquefois,l’apport d’oxygène par masque facial à effet venturi suffit à résoudrele problème (22). En conclusion, il est essentiel de connaître cetteentité pour éviter des traitements inutiles avec leur risque de mor-bidité supplémentaire chez ces jeunes patients. L’extubation tra-chéale sur un patient calme dont le carrefour oropharyngé a étécorrectement aspiré est probablement un moyen d’éviter cettecomplication.

Ventilation non invasive

La ventilation non invasive est proposée afin d’éviter la réintuba-tion trachéale après l’extubation.

A priori

, les résultats rapportéssont contradictoires. Cette technique n’a pas fait apparaître dedifférence significative en termes de réintubation, de mortalitéen réanimation et en unité d’hospitalisation dans une populationhétérogène développant une détresse ventilatoire post-extubation(23). Des résultats similaires ont été rapportés dans une largeétude randomisée incluant des patients en détresse ventilatoirepost-extubation (24). Dans des études évaluant le bénéfice de laventilation non invasive entreprise systématiquement après extu-bation trachéale, les réintubations ont été moins nombreusesdans le groupe « ventilation non invasive », et le pronostic étaitplus favorable (25, 26). La ventilation non invasive est donc inu-tile chez le patient en détresse ventilatoire après l’extubation tra-

chéale, mais elle peut être efficace comme stratégie systématiquede sevrage de la ventilation mécanique, notamment au cours del’insuffisance respiratoire chronique.

Extubation imprévue

Le retrait imprévu de la sonde endotrachéale survient dans deux cir-constances. Dans le premier cas, le patient, souvent agité, retirevolontairement la sonde. Dans le second cas, la sonde est ôtée lorsdes soins infirmiers, d’un épisode de toux ou d’un autre incident(on parle alors d’extubation accidentelle). L’extubation imprévueest observée chez 7 à 13 % des patients. Dans une étude prospec-tive, on a rapporté 59 épisodes d’extubation imprévue, soit 7,3 %des extubations. Ces extubations imprévues sont volontaires dans78 % des cas (27). Le pronostic dépend de la phase à laquelle l’inci-dent se produit. Quand l’extubation imprévue survient durant laphase de sevrage ventilatoire, on réintube dans 15 % des cas, contre81 % dans les autres cas. De même, la nécessité de maintenir uneFiO

2

> 50 % ou un faible rapport PaO

2

/FiO

2

sont des facteurs pou-vant faire décider d’une réintubation après extubation imprévue(28). Par conséquent, 15 % des patients de cette étude auraient puêtre extubés plus précocement. Dans une étude cas-témoin, on a puétablir que l’extubation imprévue ne s’accompagnait pas d’une aug-mentation de la mortalité, malgré un allongement de la durée deventilation mécanique et du séjour en réanimation. Le risque depneumonie est également augmenté lors de ces épisodes.

Conclusion

L’extubation de la trachée révèle les lésions locales mais aussi cen-trales induites par l’intubation. Cette procédure est effectuée quo-tidiennement par les réanimateurs mais ne suscite pas un intérêtmajeur, alors qu’il s’agit d’un des actes les plus critiques de notrepratique.

Chaque unité de réanimation devrait disposer de protocoles spéci-fiques pour l’extubation.

Un taux de réintubation trop élevé est synonyme de mauvaise pra-tique, puisque la réintubation est corrélée à une augmentationde la morbidité. Toutefois, un taux de réintubation trop faible estégalement révélateur d’une mauvaise pratique, puisqu’il correspondprobablement à une attitude trop conservatrice faisant retarderl’extubation et prolongeant inutilement la ventilation mécanique.

Les échecs de l’extubation sont plus fréquemment dus à des compli-cations générales, notamment neurologiques, que locales. Les cri-tères classiques d’extubation ont peu de valeur chez les patients

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Extubation en réanimation

ayant un déficit neurologique, et des études de prédictibilité sontnécessaires dans cette population.

Les complications locales liées à l’intubation trachéale doiventêtre dépistées par un test de fuite réalisé avant l’extubation. Cescomplications ne semblent pas efficacement prévenues par les cor-ticoïdes chez les adultes.

L’œdème à pression négative est une entité particulière survenantchez l’adulte jeune ; il faut le connaître pour éviter de créer unemorbidité supplémentaire.

La ventilation non invasive est utile chez des patients à risque res-piratoire afin de diminuer le taux de réintubation mais elle ne per-met pas de surseoir à une détresse ventilatoire post-extubation.

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