5
Article original Facteurs lie ´s au diagnostic tardif des cancers du sein en Afrique-sub-saharienne : cas de la Co ˆte d’Ivoire Factors linked to late diagnosis in breast cancer in Sub-Saharan Africa: Case of Co ˆte d’Ivoire M. Toure a, *, E. Nguessan b , A.T. Bambara a , Y.K.K. Kouassi a , J.M.L. Dia b , I. Adoubi a a Service de cance ´rologie, centre hospitalier universitaire de Treichville, BP V3, Abidjan, Coˆte d’Ivoire b Service de gyne ´cologie-obste ´trique, centre hospitalier universitaire de Treichville, BP V3, Abidjan, Coˆte d’Ivoire Gyne ´ cologie Obste ´ trique & Fertilite ´ 41 (2013) 696–700 I N F O A R T I C L E Historique de l’article : Rec ¸u le 7 fe ´ vrier 2013 Accepte ´ le 21 aou ˆt 2013 Disponible sur Internet le 5 novembre 2013 Mots cle ´s : Cancer Sein Diagnostic tardif Keywords: Cancer Breast Late diagnosis R E ´ S U M E ´ Objectif. Identifier en Co ˆte d’Ivoire, les raisons incrimine ´es dans le diagnostic tardif des cancers du sein. Patientes et me ´thodes. Une e ´ tude re ´ trospective sur quatre ans (janvier 2008–de ´ cembre 2011) portant sur 350 patientes porteuses d’un ade ´ nocarcinome du sein a e ´ te ´ re ´ alise ´ e. Un questionnaire a e ´te ´e ´ labore ´ et du ˆ ment renseigne ´ en ayant recours aux dossiers des malades. Une analyse de re ´ gression line ´ aire de ces donne ´ es a permis de de ´ terminer le degre ´ de concordance entre les facteurs incrimine ´s et le long de ´ lai diagnostique. Re ´sultats. Ainsi, 78,9 % des patientes consultaient au-dela ` de dix mois avec des cancers inflammatoires (54 %) et des ulce ´ rations ne ´ crotiques (18 %). Les facteurs retrouve ´s a ` l’interrogatoire e ´ taient le manque de moyens financiers (36 %), les habitudes socioculturelles avec les traitements traditionnels en premie `re intention (41,1 %), les erreurs de diagnostic (7,1 %) et l’insuffisance de prise en charge the ´ rapeutique (8,9 %). Cependant, pris individuellement, aucune concordance significative n’e ´ tait retrouve ´e entre ces facteurs et le long de ´ lai diagnostique. La chimiothe ´ rapie e ´ tait la me ´ thode the ´ rapeutique de premie `re intention. Conclusion. Dans notre pratique, c’est la conjonction de la triade ignorance, indigence et habitudes socioculturelles qui constitue le facteur essentiel du diagnostic tardif des cancers du sein. ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´ serve ´ s. A B S T R A C T Objective. To identify in Ivorian environment, reasons involved in late diagnosis of breast cancer. Patients and methods. Retrospective study over 4 years (January 2008 to December 2011) including 350 patients with breast adenocarcinoma. A questionnaire was created and filled according to the medical files of the patients. Linear regression analysis applied to the data showed concordance between the factors and the delay before diagnosis. Results. Thus 78.9% of the patients sought for care above 10 months with inflammatory cancers (54%) and necrotic ulcerations (18%). Factors found during interview were the lack of financial means (36%), cultural habits with first intent traditional treatment (41.1%), misdiagnosis (7.1%) and lack of therapeutic care. Yet, when comparing each of these factors to the delay, no significant link was found. Chemotherapy was the first therapeutic method. Conclusion. In our context, the conjunction of ignorance, poverty and socio-cultural habits were the key factors in late diagnosis of breast cancers in Co ˆte d’Ivoire. ß 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Toure). Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com 1297-9589/$ see front matter ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´ serve ´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.gyobfe.2013.08.019

Facteurs liés au diagnostic tardif des cancers du sein en Afrique-sub-saharienne : cas de la Côte d’Ivoire

  • Upload
    i

  • View
    228

  • Download
    4

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Facteurs liés au diagnostic tardif des cancers du sein en Afrique-sub-saharienne : cas de la Côte d’Ivoire

Gynecologie Obstetrique & Fertilite 41 (2013) 696–700

Article original

Facteurs lies au diagnostic tardif des cancers du sein enAfrique-sub-saharienne : cas de la Cote d’Ivoire

Factors linked to late diagnosis in breast cancer in Sub-Saharan Africa:

Case of Cote d’Ivoire

M. Toure a,*, E. Nguessan b, A.T. Bambara a, Y.K.K. Kouassi a, J.M.L. Dia b, I. Adoubi a

a Service de cancerologie, centre hospitalier universitaire de Treichville, BP V3, Abidjan, Cote d’Ivoireb Service de gynecologie-obstetrique, centre hospitalier universitaire de Treichville, BP V3, Abidjan, Cote d’Ivoire

I N F O A R T I C L E

Historique de l’article :

Recu le 7 fevrier 2013

Accepte le 21 aout 2013

Disponible sur Internet le 5 novembre 2013

Mots cles :

Cancer

Sein

Diagnostic tardif

Keywords:

Cancer

Breast

Late diagnosis

R E S U M E

Objectif. – Identifier en Cote d’Ivoire, les raisons incriminees dans le diagnostic tardif des cancers du sein.

Patientes et methodes. – Une etude retrospective sur quatre ans (janvier 2008–decembre 2011) portant

sur 350 patientes porteuses d’un adenocarcinome du sein a ete realisee. Un questionnaire a ete elabore et

dument renseigne en ayant recours aux dossiers des malades. Une analyse de regression lineaire de ces

donnees a permis de determiner le degre de concordance entre les facteurs incrimines et le long delai

diagnostique.

Resultats. – Ainsi, 78,9 % des patientes consultaient au-dela de dix mois avec des cancers inflammatoires

(54 %) et des ulcerations necrotiques (18 %). Les facteurs retrouves a l’interrogatoire etaient le manque de

moyens financiers (36 %), les habitudes socioculturelles avec les traitements traditionnels en premiere

intention (41,1 %), les erreurs de diagnostic (7,1 %) et l’insuffisance de prise en charge therapeutique

(8,9 %). Cependant, pris individuellement, aucune concordance significative n’etait retrouvee entre ces

facteurs et le long delai diagnostique. La chimiotherapie etait la methode therapeutique de premiere

intention.

Conclusion. – Dans notre pratique, c’est la conjonction de la triade ignorance, indigence et habitudes

socioculturelles qui constitue le facteur essentiel du diagnostic tardif des cancers du sein.

� 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

A B S T R A C T

Objective. – To identify in Ivorian environment, reasons involved in late diagnosis of breast cancer.

Patients and methods. – Retrospective study over 4 years (January 2008 to December 2011) including

350 patients with breast adenocarcinoma. A questionnaire was created and filled according to the

medical files of the patients. Linear regression analysis applied to the data showed concordance between

the factors and the delay before diagnosis.

Results. – Thus 78.9% of the patients sought for care above 10 months with inflammatory cancers (54%)

and necrotic ulcerations (18%). Factors found during interview were the lack of financial means (36%),

cultural habits with first intent traditional treatment (41.1%), misdiagnosis (7.1%) and lack of therapeutic

care. Yet, when comparing each of these factors to the delay, no significant link was found.

Chemotherapy was the first therapeutic method.

Conclusion. – In our context, the conjunction of ignorance, poverty and socio-cultural habits were the

key factors in late diagnosis of breast cancers in Cote d’Ivoire.

� 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

* Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (M. Toure).

1297-9589/$ – see front matter � 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

http://dx.doi.org/10.1016/j.gyobfe.2013.08.019

Page 2: Facteurs liés au diagnostic tardif des cancers du sein en Afrique-sub-saharienne : cas de la Côte d’Ivoire

M. Toure et al. / Gynecologie Obstetrique & Fertilite 41 (2013) 696–700 697

1. Introduction

Le cancer du sein est le premier cancer feminin en termesd’incidence et de mortalite [1]. Son incidence dans le monde,semble augmenter regulierement avec plus de 1,6 millions denouveaux cas et 425 000 deces en 2010 [1].

En Cote d’Ivoire, il vient au premier rang des cancers de lafemme avant celui du col uterin [2]. Selon les donnees du registredes cancers d’Abidjan, le taux d’incidence standardise est de25,7 pour 100 000 femmes [2]. Il constitue un probleme de santepublique souvent considere comme un evenement dramatiquedans la vie d’une femme. Son pronostic est etroitement lie au stadeauquel le diagnostic est pose.

Il s’agit d’une pathologie dont les moyens diagnostiques sont denos jours developpes, allant de la detection precoce a la mise enevidence de lesions infracliniques ; ce qui a nettement ameliore lepronostic dans les pays developpes. Malgre ces progres importants,70 % des cas diagnostiques en Afrique subsaharienne le sont a desstades tardifs posant un reel probleme de prise en chargetherapeutique [3].

Ce travail que nous presentons a pour objectif d’identifier dansnotre pratique quotidienne, les facteurs qui amenent les patientesa consulter a des stades tardifs.

2. Patientes et methodes

2.1. Patientes

Nous avons recense a travers une etude retrospective, tous lesdossiers de patientes porteuses d’un adenocarcinome du seinhistologiquement et/ou cytologiquement confirme. Cette etude aeu pour cadre le service de cancerologie du centre hospitalieruniversitaire de Treichville a Abidjan et s’est deroulee sur uneperiode de quatre ans (janvier 2008–decembre 2011).

Il s’agit du seul service de cancerologie en Cote d’Ivoire pour unepopulation de 20 million d’habitants. Dans ce service, y exercentcinq (5) cancerologues, huit (8) medecins praticiens hospitaliers,quatre (4) infirmiers diplomes d’Etat et trois (3) aides-soignantes.Ce personnel est reparti dans les differentes unites que sontl’hospitalisation avec trente (30) lits, la consultation, la chi-miotherapie ambulatoire et l’unite de chirurgie.

Les patientes provenaient de toutes les regions de la Coted’Ivoire.

2.2. Methode d’etude

Pour la realisation de ce travail, nous avons elabore unquestionnaire comprenant les differentes variables necessaires anotre etude. Les questionnaires ont dument ete renseignes enayant recours aux dossiers des malades.

Le delai diagnostique etait defini comme etant la periode entrela perception des premiers signes par la patiente et la date deconfirmation histologique. Nous avons, pour ce faire, recherche lescirconstances de decouverte de ces cancers : nodule, inflammation,ulceration, ecoulement mamelonnaire, metastases revelatrices.Ces parametres ont ete traduits sous la forme de variablescategorielles dichotomiques (« oui » ou « non »).

Les potentiels facteurs influencant le retard diagnostique ontete analyses : Traitements traditionnels anterieurs, peur dudiagnostic, erreurs diagnostiques, l’insuffisance de prise en chargemedicale. Ces caracteristiques ont egalement ete decrites sous laforme de variables categorielles dichotomiques (« oui » ou « non »).

Les traitements traditionnels ont consiste en des pratiques nonconventionnelles, mise en œuvre par des personnes non asser-mentees pour le traitement des cancers du sein. La peur dudiagnostic decrivait une apprehension du diagnostic de cancer qui

a conduit la patiente, devant une symptomatologie mammaire, adifferer a maintes reprises la consultation dans un centrespecialise. Ont ete considerees comme erreurs diagnostiquestoutes les patientes presentant une forte presomption de cancer dusein, n’ayant beneficie d’aucun examen histologique et/oucytologique mais traite depuis plus de quatre mois pour unepathologie autres que le cancer du sein (Tuberculose mammaire,abces du sein). Quant a l’insuffisance de prise en chargetherapeutique, elle traduisait la mise en œuvre d’une seulemethode therapeutique la ou le stade evolutif justifiait laconjonction de plusieurs methodes notamment la chimiotherapieneo-adjuvante, la chirurgie et la radiotherapie.

Le revenu mensuel etait defini sur la base du salaire minimuminterprofessionnel garanti (SMIG) en Cote d’Ivoire qui est de60 000 � OF soit 92 euros.

Les resultats histologiques etaient obtenus en collaborationavec les laboratoires d’anatomie pathologiques des centreshospitaliers et universitaires d’Abidjan. L’immunohistochimiepour la determination du statut hormonal et de l’oncorecepteurHer2, faute de plateau technique, etait realisee a l’exterieur de laCote d’Ivoire.

Une analyse de regression logistique a servi a etudier la relationentre le long delai de consultation (variable dependante), lescirconstances de decouverte, les causes du retard au diagnostic etle revenu mensuel. Les delais de consultation ont ete regroupes endeux categories : delai � 6 mois et delai > 6 mois. Ces deuxgroupes ont ete compares en analyse univariee puis multivarieeselon les variables independantes suscitees. Ces variables ont etecodees comme suit :

� pour les circonstances de decouverte : 1 = nodule ;2 = inflammation ; 3 = ulceration necrotico-hemorragique ;4 = ecoulement mamelonnaire ; 5 = metastase revelatrice ;� pour les causes du retard : 1 = manque de moyen financier ;

2 = traitement traditionnel ; 3 = peur du diagnostic ; 4 = erreurdiagnostique ; 5 = insuffisance de prise en charge medicale ;6 = grossesse ;� pour le revenu mensuel : 1 = absence de revenu ;

2 = < 91,46 euros ; 3 = 91,46 a 182,8 euros ; 4 = 182,9 a274,4 euros ; 5 = > 274,4 euros.

Un seuil de significativite de 0,05 a ete retenu pour ces analyses.

3. Resultats

Durant la periode d’etude, 350 patientes ont ete colligees. L’agemedian etait de 42 ans avec des extremes de 18 et 81 ans. Quaranteet cinq pour cent (45 %) d’entre elles etaient de grandes multipares(parite superieure a cinq).

Dans notre serie, soixante-dix-neuf pour cent (79 %) despatientes consultaient au dela de dix mois avec comme motif deconsultation des tumeurs inflammatoires d’aspect peau d’orange(54 %) et des ulcerations necrotico-hemorrhagiques (18 %). Quantau nodule isole du sein, il n’en constituait que 6 % des motifs(Tableau 1, Fig. 1 et Fig. 2). Moins de 6 % de nos patientespratiquaient l’autopalpation. Au diagnostic, 78 % de ces patientesavaient un cancer localement avance (63,7 %) et metastatiqued’emblee (14,3 %) (Tableau 2).

La cytoponction etait le moyen le plus utilise pour l’evocationdu diagnostic (80 % des cas). Quant a la micro-biopsie echo-guideeavec examen histologique, elle etait realisee chez 20 % despatientes de notre serie. Dans le dernier cas, le resultathistologique n’etait obtenu qu’apres un delai de deux (2) mois.L’immunohistochimie en vue de la determination du statuthormonal et de l’onco-recepteur HER2 etait realisee dans 6 %des cas. Concernant les facteurs identifies pour justifier le long

Page 3: Facteurs liés au diagnostic tardif des cancers du sein en Afrique-sub-saharienne : cas de la Côte d’Ivoire

Fig. 1. Cancer inflammatoire bilateralise du sein chez une patiente de 26 ans.

Tableau 1Concordance delai diagnostique–circonstances de decouverte.

Delai Diagnostique (mois) Effectif total (n)

< 6 6–10 10–14

Circonstances de decouverte

Nodule 10 4 7 21 (6 %)

Inflammation 7 17 165 189 (54 %)

Ulceration necrotico-hemorragique 3 7 53 63 (18 %)

Ecoulement mamelonnaire sanguinolent 9 8 11 28 (8 %)

Metastases revelatrices 3 6 40 49 (14 %)

Effectif total (n) 32 (9,1) 42 (12 %) 276 (78,9 %) 350 (100 %)

Fig. 2. Cancer ulcero-necrotique chez une patiente de 46 ans.

Tableau 2Repartition des patients selon la stadification initiale.

Stade au diagnostic ClassificationTNM Effectif (n) Pourcentage

IIB T2N0M0 33 9,4

IIIA T3N0M0 44 12,6

T2N2M0 96 27,4

IIIB T3N1M0 71 20,3

T4bN1M0 56 16

IV T4dN2M1 50 14,3

M. Toure et al. / Gynecologie Obstetrique & Fertilite 41 (2013) 696–700698

delai diagnostique, l’interrogatoire a mis en evidence le manque demoyens financiers (36 %), les habitudes socioculturelles caracter-isees par l’utilisation de traitements traditionnels (41,1 %),l’insuffisance d’une prise en charge adequate (8,9 %) et les erreursdiagnostiques (7,1 %) (Tableau 3). Cependant, en analyse univarieeou multivariee, il n’a pas ete retrouve de concordance entre cesdifferents facteurs pris individuellement, et le long delai diagnos-tique (Valeur de p non significatif). Quant aux circonstances dedecouverte, le caractere inflammatoire du cancer a ete un facteurassocie au long delai de consultation (Tableau 4).

Tableau 3Facteurs incrimines dans le long delai diagnostique.

Delai diagnosti

< 6

Manque de moyens financiers 9

Habitudes socioculturelles (Traitements traditionnels) 18

Peur du diagnostic 2

Erreur diagnostique 1

Insuffisance de prise en charge medicale 2

Grossesse 0

Effectif total (n) 32 (9,1 %)

La methode therapeutique de premiere intention etait lachimiotherapie soit en neoadjuvant soit en palliative.

4. Discussion

Le diagnostic tardif des cancers du sein demeure un problemed’actualite dans notre milieu d’exercice. Dans notre serie commedans la plupart des publications africaines faites respectivement auNiger, en Tunisie et au Burkina Faso, le delai diagnostique etaitparticulierement tres allonge (superieur a dix mois) [4–6].

Les raisons du diagnostic tardif etaient multiples et domineespar les problemes financiers, les prejuges, le manque d’informationet la peur. En effet, 62,5 % des patientes de notre serie avaient unniveau socio-economique bas et tres peu pouvaient avoir acces ades moyens diagnostiques. Une enquete realisee en Cote d’ivoirepar l’Institut national de la statistique sur le niveau de vie desmenages en 1998 a confirme que la pauvrete dans notre pays est unfrein considerable a la prise en charge des malades [7].

Les habitudes socioculturelles representees par une frequenta-tion en premiere intention de la medecine traditionnelle et leprobleme de qualification du personnel constituaient egalementdes raisons pour un diagnostic tardif des cancers du sein. Laformation du personnel soignant surtout les infirmiers, les sages-femmes et les assistants medicaux (personnes les plus solliciteesen zone rurale) devrait pouvoir limiter les risques d’erreursdiagnostiques dans la mesure ou le cancer du sein pose souvent unprobleme de diagnostic differentiel avec les mastopathiesbenignes.

que (mois) Effectif total (n)

6–10 10–14

10 107 126 (36 %)

22 104 144 (41,1 %)

3 9 14 (4 %)

4 20 25 (7,1 %)

3 26 31 (8,9 %)

0 10 10 (2,9 %)

42 (12 %) 276 (78,9 %) 350 (100 %)

Page 4: Facteurs liés au diagnostic tardif des cancers du sein en Afrique-sub-saharienne : cas de la Côte d’Ivoire

Tableau 4Facteurs lies au long delai de consultation (analyse de regression logistique).

Parametres Analyse univariee Analyse multivariee

OR IC95 % p OR IC95 % p

Circonstances

(2/1) 23,6 [7,5 ; 74,0] <10�4 45,4 [8,8 ; 234,3] <10�3

(3/1) 18,1 [4,3 ; 76,9] <10�3 9,7 [0,8 ; 111,7] NS

(4/1) 1,9 [0,6 ; 6,2] NS 0,3 [0,0 ; 7,2] NS

(5/1) 13,9 [3,3 ; 59,3] <10�3 0,6 [0,0 ; 25,3] NS

Cause du retard

(2/1) 0,5 [0,2 ; 1,2] NS 0,7 [0,7 ; 3,2] NS

(3/1) 0,4 [0,1 ; 2,3] NS 1,2 [0,0 ; 12,3] NS

(4/1) 1,8 [0,2 ;15,3] NS 3,0 [0,3 ; 5,7] NS

(5/1) 1,1 [0,2 ; 5,4] NS 0,6 [0,1 ; 17,4] NS

(6/1) 14,104 [0,0 ; 1012] NS 1,8 [0,0 ; 8,5] NS

Revenu mensuel

(2/1) 1,3745 [0,5 ; 3,6] NS 0,3 [0,0 ; 1,7] NS

(3/1) 0,8031 [0,3 ; 2,1] NS 4,4 [0,2 ; 91,2] NS

(4/1) 0,7784 [0,3 ; 2,3] NS 12,7 [0,4 ; 376,6] NS

(5/1) 3,2432 [0,4 ; 25,9] NS 47,8 [0,7 ; 3,103] NS

OR : odd ratio ; IC95 % : intervalle de confiance a 95 % ; p : valeur p ; circonstances :

circonstances de decouverte ; NS : non significatif.

M. Toure et al. / Gynecologie Obstetrique & Fertilite 41 (2013) 696–700 699

L’impact psychologique, facteur non moins important, est aprendre en consideration car il existe dans la population une sortede dualite cancer = mort ; c’est parfois un sujet tabou car assimile aune maladie honteuse.

Cependant, aucun des facteurs incrimines, pris individuelle-ment, n’a d’incidence sur le long delai diagnostique. C’est surtout laconjonction de tous ces facteurs qui concourait au diagnostic tardifdans notre serie. En effet dans nos pays a ressources limitees, laplupart des patientes qui ont un diagnostic tardif sont a la foisindigentes (Tableau 5), attachees aux coutumes africaines etignorantes des methodes de depistage des cancers du sein. Aucunepatiente de notre serie n’avait pu beneficier d’un diagnosticmammographique de lesion infra-clinique lors d’un depistage ; cequi renforce la problematique de l’information sur le cancer du seinet egalement celle de la necessite de plus en plus croissante derealiser un depistage organise de ce cancer.

Sur le plan clinique, l’interrogatoire dans notre serie montraitque moins de 6 % des patientes pratiquaient l’autopalpation quirepresente un acte important dans le diagnostic precoce du cancerdu sein. L’autopalpation n’est pas bien connue de nos patientes. Ils’agissait plutot d’une autopalpation fortuite au decours de signesevidents (pesanteur, douleur mammaire). En occident par contre,elle constitue avec le depistage systematique un reflex habituelchez la femme, si bien que 80 % des patientes sont vues a des stadesprecoces [8]. Les circonstances de decouverte dans notre serieetaient dominees par des tumeurs de toute evidence suspectes demalignite a l’examen clinique avec de volumineuses masses plusou moins associees a des signes inflammatoires voire meme desulcerations. Dans les pays dits medicalises, le diagnostic precoce

Tableau 5Concordance revenu mensuel–delai diagnostique.

Delai diagnostic (mois) Effectif total (n)

< 6 6–10 10–14

Revenu mensuel (euros)

Absence de revenue 12 17 94 123(35,1 %)

< 91,46 7 11 78 96 (27,4 %)

[91,46–182,9[ 7 8 44 59 (16,8 %)

[182,9–274,4[ 5 3 33 41 (11,7 %)

> 274,4 1 3 27 31 (8,8 %)

Effectif total (n) 32 (9,1 %) 42 (12 %) 276 (78,9 %) 350 (100 %)

predominait au stade de nodules et de lesions infra-cliniquesdetectees par la mammographie de depistage [8].

La cytoponction etait le moyen essentiel du diagnostic demalignite dans notre pratique. Selon Demeublanc [9], l’efficacite dela cytoponction dans le diagnostic de malignite varie de 88 a 91 % ;ce qui est en conformite avec la sensibilite de nos cytoponctionsqui avoisinait 98 %. Le delai d’obtention du resultat histologique euegard au deficit en anatomo-pathologiste etait superieur a huitsemaines, ce qui avait des incidences sur la conduite therapeu-tique.

Les patientes de notre serie, vu les stades evolutifs, etaientjusticiables d’une chimiotherapie le plus souvent palliative ;l’objectif etant l’amelioration du confort et de la qualite de vie despatientes.

L’histoire naturelle du cancer du sein nous montre qu’il s’agitd’une maladie generale a expression locoregionale. Plus le delai deconsultation est long, plus le risque metastatique est grand et lasurvie mauvaise. Dans nos pays ou seule une proportion faible aacces a une assurance maladie, il se pose donc, a defaut d’unsysteme de solidarite nationale, le probleme de la mise en placed’association d’information sur le cancer, integrant les survivants along terme des cancers du sein. Tout ceci favorisera lesconsultations precoces.

5. Conclusion

La triade ignorance, indigence et habitudes socioculturellesconstituaient les facteurs essentiels du diagnostic tardif descancers du sein en Cote d’Ivoire. Le depistage precoce passe parl’information, l’education et la lutte contre la pauvrete. Cediagnostic precoce passe aussi par un equipement de nosstructures sanitaires precaires (CHU, hopitaux generaux, dispen-saires).

En Cote d’Ivoire, les soins de sante sont organises en soins desante primaire (dispensaires), secondaire (centres hospitaliersregionaux) et tertiaire (centre hospitalier et universitaire). Desprogres ont ete realises pour l’accessibilite aux soins de santeprimaires et secondaires par la construction d’infrastructuressanitaires et la formations de personnelles medicaux et paramedicaux. Cependant ces efforts restent encore largementinsuffisants.

Concernant le domaine de la cancerologie, l’insuffisance depersonnel qualifie, l’absence d’assurance maladie universelle et lefort taux de pauvrete de nos populations rendent l’accessibilite auxanticancereux (cout eleve et non subventionne par l’etat)pratiquement impossible pour la majorite de nos patients.

Ainsi, la Cote d’Ivoire a mis en place le plan cancer 2009–2013 qui constitue l’acte detaille de la politique ivoirienne delutte contre le cancer. Ce document vise a creer le cadre propicede reference pour apporter la reponse nationale au probleme ducancer notamment en matiere de prevention et de depistageprecoce. Ce plan est le fruit de l’analyse faite, de la problematiquedu cancer en Cote d’Ivoire. Ce qui a permis de selectionnerles cancers prioritaires, de fixer les objectifs, d’identifier lesstrategies et de definir les activites a mener pour atteindre lesobjectifs fixes.

Declaration d’interets

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.

References

[1] Forouzanfar MH, Foreman KJ, Delossantos AM. Breast and cervical cancer in187 countries between 1980 and 2010: a systematic analysis. Lancet 2011[Epub ahead of print].

Page 5: Facteurs liés au diagnostic tardif des cancers du sein en Afrique-sub-saharienne : cas de la Côte d’Ivoire

M. Toure et al. / Gynecologie Obstetrique & Fertilite 41 (2013) 696–700700

[2] Echimane KA, Ahnoux AA, Adoubi I, Hien S, M’Bra K, D’Horpock A, et al. Cancerincidence in Abidjan. Ivory Coast: first results from the cancer registry, 1995–1997. Cancer 2000;89(3):653–63.

[3] Meye JF, Ngomo-Klutsch M, Diallo I. Cancer du sein au centre hospitalier deLibreville. Med Afrique Noire 2004;8:479–82.

[4] Harouna YD. La femme d’Afrique et son chirurgien face au cancer du sein. MedAfrique Noire 2001;48(2):76–9.

[5] Maalej M, Frikha H, Bensalem S. Le cancer du sein en Tunisie : etude clinique etepidemiologique. Bull Cancer 1999;86(3):302–6.

[6] Sano D, Lankouande J, Dao B. Le cancer du sein : les problemes diagnostiques ettherapeutiques au CHU de Ouagadougou. Med Afrique noire 1997;84(2):175–7.

[7] Damoh BT. Pauvrete education et sante In Enquete sur le niveau de vie desmenages (Cote d’ivoire 1998), 3. Institut National de la Statistique; 1999. p. 25–35.

[8] Humphrey LL, Helfand M, Chan BKS, Woolf SH. Breast cancer screening: asummary of the evidence for the U.S. preventive services task force [archive].Ann Int Med 2002;137:347–60.

[9] Demaublanc MA. Les donnees recentes de la cytoponction mammaire. AnnPathol 1991;11:299–303.